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Origine : http://vacarme.eu.org/article391.html
L’entretien qu’on va lire s’inscrit entre deux
dates.
Le 26 septembre 2002, Nicolas Sarkozy explique n’avoir
pas bâti son projet de loi
« selon
les vues du Syndicat de la Magistrature »,
désignant à la vindicte publique un adversaire inattendu, révélateur.
On croyait le ministre acharné à étendre les pouvoirs de la police,
et voilà qu’il en a tout autant, peut-être davantage, après
les juges. Comme si la dynamique sécuritaire ne se contentait pas
de restreindre mécaniquement les garanties juridiques, suivant un
jeu de vases communicants, mais s’alimentait d’abord
d’une hostilité envers l’ordre du droit, envers ceux
qui disent le droit et qui le font savoir. Là où, dans l’idéologie,
ce gouvernement exalte l’État de droit (en nommant Luc Ferry,
en adoubant Blandine Kriegel) ; là où, régulièrement, revient
l’antienne d’une inflation du juridique dans les sociétés
contemporaines, ce mouvement de menton nous sembla faire symptôme.
Il fallait aller voir : nous ne fûmes pas déçus.
Le 1er décembre 2002, peu après notre rencontre, le 36ème congrès
du SM tourne à l’affrontement : audience clairsemée,
forte opposition interne. Beaucoup estiment qu’il convient
de revenir à une défense plus stricte du statut et des intérêts
professionnels, d’en finir avec les critiques « générales »
et « angélistes ». Un certain discours, donc, est devenu
inaudible à l’intérieur même de la profession -parce qu’une
partie de la gauche, aussi, ne tient pas à se voir accoler ces idées
à contre-courant. L’étonnant tient à ce que le discours du
SM n’a jamais été aussi juridique, défendant la procédure
et le contradictoire, l’opportunité des poursuites, tous principes
dont on ne sache pas qu’ils aient jamais été gauchistes :
que ces choses-là fassent aujourd’hui tousser est assez instructif.
Le marteau, l’enclume. Dans les attaques qui visent le
SM, dans la crise qui le secoue, on ne se hâtera pas de lire la
mise en cause de quelques juges trop politiques. C’est l’inverse,
en fait, et l’entretien le montre : c’est dans
sa séparation et son autonomie que le judiciaire est aujourd’hui
politiquement brûlant ; c’est la défense des formes contre
la tyrannie des fins qui dérange le monde. À rebours de notre culture
de gauche - et, c’est tout l’intérêt, à rebours aussi
de son propre héritage -, le SM se retrouve aujourd’hui
à porter ce qu’a de subversif l’indépendance des juges.
Posture qui s’alimente pourtant du même vieux ressort :
se demander ce que l’on fait. Hier ne pas croire à la neutralité
de la justice, aujourd’hui ne pas s’inscrire sans phrase
dans la « chaîne pénale » - métaphore qui court, autre
chaîne, de Vaillant à Perben.
De cette chaîne, le SM est le maillon faible. On nous permettra
de tenir à ce maillon-là.
Le glossaire (sous forme de notes) a été rédigé par Emmanuelle
Cosse.
Le maillon faible (entretien avec Gilles Sainati, Syndicat de la
Magistrature)
Quelle est l’origine du Syndicat de la Magistrature ?
S’est-il « gauchi » tout de suite, ou progressivement ?
On pourrait croire qu’un syndicat comme le SM est issu
du mouvement de 68, mais ce n’est qu’une coïncidence
de date. En 1968, il y avait une association unique de magistrats,
l’Union Associative des Magistrats, que certains membres souhaitaient
transformer en syndicat pour des raisons statutaires. Cette revendication
a été rapidement interprétée comme émanant d’une association
de gauchistes, ce qui était faux, même si beaucoup, dans cette association,
étaient proches de la gauche. A partir de là s’est développé
le Syndicat de la Magistrature, qui revendiquait les deux attributs
d’un syndicat : le droit de grève et la possibilité d’obtenir
des décharges syndicales.
Jusqu’en 1981, le syndicat s’est de plus en plus
marqué à gauche, surtout à partir de 1978, avec la lutte contre
le projet de loi Sécurité-Liberté. Avec l’arrivée de Mitterrand,
les relations entre les syndiqués adhérents du PS et les autres
sont devenues plus difficiles, le PS souhaitant utiliser le syndicat
comme une courroie de transmission. De 1981 à 1988, on peut dire
que le syndicat était très proche des gouvernements en place, mais
avec, en interne, la volonté d’une position beaucoup plus
syndicale et indépendante. Cela a abouti à une crise en 1990 :
toute une frange du SM revendiquait à la fois l’autonomie
syndicale et une contestation plus précise et plus argumentée du
système judiciaire. C’est l’époque où apparaissent les
affaires politico-financières, notamment l’épisode terrible
où nous avons soutenu le juge Thierry Jean-Pierre (alors membre
du SM, aujourd’hui député européen villiériste) contre les
socialistes, lors des affaires Urba-Gracco. Cela a entraîné une
scission et l’autonomisation par rapport au PS. Le SM n’est
pas une secte : ses membres peuvent avoir d’autres engagements,
et, de fait, beaucoup de gens ont été proches du mitterrandisme,
puis de la jospinie, quitte à être en désaccord avec la ligne globale
du syndicat. C’est comme ça dans tous les syndicats. Mais
quand la gauche est au pouvoir, c’est plus compliqué... La
question s’est d’ailleurs de nouveau posée vers 1997,
avec l’arrivée de Guigou : il y avait, au sein du SM,
une tendance très favorable aux actions du gouvernement, à sa défense
de la présomption d’innocence. Mais nous étions nombreux à
ne pas y croire, et le débat sur les pouvoirs du parquet a vite
creusé le fossé, puisque le gouvernement introduisait une vision
très hiérarchique des rapports entre les magistrats et le ministère,
à l’opposé de notre culture syndicale.
Malgré ces débats, on peut dire que depuis la crise de 1990 notre
ligne politique est demeurée globalement la même : approfondir
une analyse autonome du système judiciaire, en essayant de faire
venir des personnes étrangères au monde de la justice. Il y a eu
l’époque Foucault, l’époque Bourdieu... L’idée,
c’était aussi de passer des alliances et de constituer un
front avec des confédérations en les aidant à la fois dans leurs
péripéties judiciaires et dans une analyse du mouvement de la société.
Cette stratégie n’était pas nouvelle : nous avons soutenu
la Confédération paysanne dès la première affaire du Larzac ;
nous sommes intervenus aux côtés de la CFDT dans l’affaire
Lip -c’était la première fois que des magistrats allaient
sur le terrain, faisaient des déclarations publiques pour les grévistes
et pour une conception extensive et très revendicative du droit
du travail. Mais l’alliance avec la CFDT n’a pas duré,
par la suite eux aussi ont évolué...
De manière générale, y a-t-il une forte syndicalisation de
la profession ? Qu’est-ce qui pousse un juge à se syndiquer
au SM ?
Chez les magistrats, on compte à peu près 60% de syndiqués, mais
il y a plusieurs sortes de syndicalisme, certains se contentent
d’avoir une carte... Il existe trois syndicats : le SM
(30%), l’Union Syndicale des Magistrats (54-59%) qui se dit
modéré, et qui est modéré à droite (notamment dans la composition
de son conseil national, même si le président récemment élu est,
paraît-il, membre du PS -il n’est pas inintéressant de le
noter). Et puis un syndicat d’extrême-droite, l’Association
Professionnelle des Magistrats, qui faisait 9%, mais qui fait maintenant
dans les 4%, depuis qu’il y a eu une scission avec Georges
Fenech, qui se retrouve à l’UMP.
La démarche des magistrats du SM est souvent dictée par la volonté
de s’impliquer dans le mouvement social. Selon nous, la décision
judiciaire ne peut avoir de sens que dans une vision globale de
la société, elle ne peut pas être une fin en soi. C’est ce
qui différencie le SM de l’USM, dont les revendications sont
uniquement quantitatives et corporatistes (indemnités, primes, etc.),
et reposent sur l’image d’un juge neutre, « pilier
de la société, qui pour nous n’existe pas. Quelqu’un
qui adhère au SM a forcément la volonté d’inscrire la pratique
judiciaire dans une globalité politique, plutôt que de faire de
la justice une institution uniquement répressive - même si elle
l’est par définition.
La composition professionnelle du SM est-elle identifiée ?
Recoupe-t-elle des clivages professionnels, entre parquet et siège,
par exemple ?
Notre syndicat est plus à la base qu’au sommet de la hiérarchie
judiciaire, même si certains, depuis leur adhésion, ont fait un
bout de chemin. Nous revendiquons toujours l’identité de statut
entre magistrats du parquet et magistrats du siège [1].
Mais de plus en plus de membres du SM n’arrivent plus à assumer
leur identité syndicale en étant au parquet : les pressions
sont telles qu’au bout d’un certain temps ils partent
et vont au siège. On a donc encore pas mal de membres du parquet,
mais la tendance est au déclin. C’est d’ailleurs logique :
actuellement, avec la mise en place des traitements en temps réel [2],
le parquet perd de fait son statut de magistrat et se rapproche
dangereusement du ministère de l’Intérieur. Être au SM et
revendiquer des opinions dans un parquet de plus en plus hiérarchisé,
c’est difficile.
On avait par exemple revendiqué que dans chaque décision un magistrat
pourrait émettre une voix dissidente. Cela existe dans d’autres
pays et dans des cours internationales, par exemple la Cour Européenne
des Droits de l’Homme. La conception aujourd’hui dominante
selon laquelle la justice doit être unanime a des conséquences difficiles
pour les collègues qui continuent à lutter en interne dans leur
collégialité. Au bout d’un certain temps ils partent vers
d’autres juridictions, car ils en ont assez d’endosser
des décisions qui ne sont pas les leurs.
Plus largement, quelles sont les formes d’action d’un
syndicat dans le monde de la magistrature ?
L’action militante a plusieurs axes. Le premier, le plus
proche du magistrat, c’est la démocratie interne : revendiquer
systématiquement que toutes les décisions du tribunal dans lequel
on siège soient discutées en assemblée générale, où nous voulons
ramener toutes les décisions prises par le président ou le procureur,
avec un débat. Nous avons aussi revendiqué que les chefs de juridiction
(nommés par le président de la République) soient élus par l’assemblée
générale, comme cela existe dans d’autres pays, où les présidents
de juridiction sont élus par leurs pairs.
Ensuite, nous tâchons de faire intervenir des acteurs extérieurs
dans le champ judiciaire pour montrer à nos collègues que leur action
s’inscrit dans des mouvements de société. Nous organisons
des réunions publiques avec la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme,
Droits Devant, le Droit Au Logement, etc. sur différents contentieux
dans chaque juridiction, pour essayer de faire avancer la pratique.
Enfin, l’échelon supérieur est celui de l’analyse
et de l’action politique : la critique des projets de
loi, la stratégie du mouvement social. C’est nécessaire pour
répondre aux transformations actuelles : on a aujourd’hui
un ministère de l’Intérieur tout-puissant et tentaculaire,
et une police qui devient politique, bref, un système bonapartiste.
TRANSFORMATIONS
Dans la mise en place de la logique sécuritaire, comment
analysez-vous l’affaiblissement des pouvoirs de la justice ?
Ces restrictions apportées à l’autorité du juge sont-elles
une simple conséquence des pouvoirs accrus de la police, ou ont-elles
un caractère délibéré ?
Les affaires politico-financières, même si elles n’ont
pas duré plus de cinq ans, ont ébranlé l’ensemble de la classe
politique. Chirac ne veut plus en entendre parler, on démantèle
donc systématiquement tous les services qui auraient pu les exhumer.
A cela s’ajoute une vision technocratique et étatiste de la
justice, que le PS et Guigou n’allaient certainement pas changer.
La défiance des politiques envers les juges est plus forte que les
clivages : quand on analyse les textes des cinq dernières années,
on voit qu’ils vont tous dans le même sens. C’est la
continuité sécuritaire. Guigou a mis en place les idées développées
par Toubon, c’est elle qui a signé le traitement en temps
réel généralisé à toute la France, et les circonstances aggravantes
pour les mineurs. Les Conseils de Sécurité Intérieure [3]
ont été mis en place par Jospin, qui en les créant a signifié l’enterrement
de la notion de politique pénale. On ne combat plus la délinquance,
on est dans la sécurité intérieure, c’est un autre concept.
Voyez la loi sur la présomption d’innocence du 15 juin
2000 [4] : un texte a
priori très libéral et très ouvert, mais qui ne concerne finalement
que 7% du contentieux pénal. Pour le reste, on a développé la comparution
immédiate, le temps réel. D’ailleurs, la loi sur la présomption
d’innocence prévoit l’abaissement des seuils de détention
provisoire pour les comparutions immédiates. Mais les droits accordés
par cette loi aux mis en examen ne le sont pas dans une perspective
universaliste cela ne concerne qu’un infime pourcentage des
poursuites pénales -les affaires ciblées, criminelles classiques
mais aussi politico-financières.
Ensuite est venu le délire sécuritaire. En juin 2000, une loi
a été mise en place, dont personne n’a parlé : la loi
sur l’efficacité et le renforcement de la procédure pénale.
Une évacuation totale du juge vers d’autres systèmes de fonctionnement
pour soi-disant régler les incivilités. Puis on a eu la loi (présentée
et votée par la gauche) sur la sécurité quotidienne (LSQ) du 15
novembre 2001, qui crée des infractions délictuelles de non-paiement
des titres de transport (et généralise les fouilles, criminalise
les rassemblements dans les halls d’immeuble, encadre les
rave-parties, étend l’usage des fichiers, etc.). Tout cela
conduit à Sarkozy, qui ne fait que dire clairement ce qui était
auparavant murmuré. Nous assistons au développement d’un État
sécuritaire clairement assumé, avec l’appui d’une partie
du PS (par exemple le maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel). La
gauche a aussi repris l’emprisonnement privé le « programme
13 000 (13 000 nouvelles places de prison) de Chalandon a été suivi
par le « programme 7000 de Guigou, avec des prisons mixtes
(gestion publique et privée). Il faudrait également revoir le fonctionnement
de toutes les autorités administratives indépendantes qui ont été
créées, et qui font dériver le contentieux judiciaire classique
vers des fonctionnements plus nébuleux encore. La CNIL a accepté
tous les fichiers possibles et imaginables ; la Commission
des Opérations de Bourse est d’une opacité extrême... Ces
autorités indépendantes ont « mangé une partie du contentieux
judiciaire et ont ainsi contribué à affaiblir l’institution
judiciaire dans sa globalité. Comme le répètent Perben et son cabinet,
la volonté a toujours été que les juges ne soient que les bouches
de la loi. C’est une vision bonapartiste des choses.
Ce qui est intéressant, c’est que cette évolution a
non seulement été accompagnée par la gauche, mais peut résonner
avec un certain discours de gauche selon lequel l’Etat doit
lutter contre une vision libérale où le juridique, la régulation
par le droit, viendraient usurper la place du politique -sa légitimité,
sa capacité à fixer les orientations sociales...
Une partie de la gauche, chevènementiste notamment, nous a toujours
opposé que nous n’étions que des juges, alors qu’eux
avaient la légitimité de l’élection. Il y a d’autres
moyens que le suffrage universel pour s’exprimer dans la société
les syndicats, les associations, les partis politiques peuvent aussi
jouer un rôle démocratique. Les syndicats ont une légitimité. Dire
que les juges n’ont pas à s’exprimer par leur syndicat
sur le fonctionnement de leur institution, cela revient à dire que
les syndicats n’ont pas leur mot à dire sur le fonctionnement
de leur secteur professionnel. C’est une vision différente
de la démocratie, qui va de pair avec le référendum.
S’agissant de la place du droit dans la société, le SM
a toujours dit qu’il fallait la mort du juge ! Mais actuellement
nous ne sommes pas dans une phase de critique de la justice, plutôt
dans une phase de destruction. La finalité désormais fixée par le
politique est exclusivement sécuritaire. C’est toute l’ambiguïté
de ce qu’on appelle la troisième voie pénale en matière judiciaire :
on pourrait imaginer que le processus de société régule de manière
autonome les différends entre les gens, sans que cela arrive jusqu’à
la sphère judiciaire. Or , à l’inverse, on a multiplié des
sous-justices - par exemple avec la composition pénale [5]
ou les maisons de justice [6].
Au lieu de déjudiciariser et de dépénaliser, on a étendu le filet
pénal, voire comportemental tous les comportements anormaux doivent
être traités par une espèce de justice. En réalité, on va finir
par juger des seuls crimes, devant une cour d’assises avec
un juge d’instruction, où les droits seront à peu près respectés
pour le reste, ce sera une sous-justice qui fera dans le sécuritaire
bête et méchant. Depuis Chevènement, le pouvoir politique n’a
pas arrêté de renforcer le ministère de l’Intérieur. Si cette
dérive sécuritaire continue, Chevènement aura une responsabilité
historique.
La destruction finale de l’institution judiciaire, c’est
la création du juge de proximité. Il existe déjà des juges amovibles,
dépendants voire partiaux. La création du juge des libertés et de
la détention (JLD) par la loi sur la présomption d’innocence
est un cas très intéressant. Ce que le SM a critiqué à l’époque,
ce n’est pas la création de ce juge, qui est une bonne chose
-même si nous préférions l’instauration d’une instance
collégiale-, mais l’absence de statut du JLD. Il est désigné
par le président du tribunal, ce qui est très dangereux : le
principal élément de la procédure pénale en France va être ce JLD,
qui sera choisi par la présidence du tribunal. Si ses décisions
ne conviennent pas, on pourra le virer et en prendre un autre, plus
répressif (c’est ce qui se passe aujourd’hui). Nous
avons exposé tout cela au cabinet de Guigou, il nous a été répondu
qu’on n’avait pas à critiquer un texte de gauche.
Par ailleurs, au lieu de donner plus d’autonomie aux juridictions,
la gauche a renforcé la pyramide hiérarchique. Ça va complètement
à l’encontre du développement de la démocratie interne, et
de l’idée que les juges désignent les présidents par assemblée
générale.
Le politique peut se servir des antagonismes entre magistrature
et police pour jouer l’une contre l’autre. Quand Sarkozy
a présenté son texte sur la sécurité intérieure, il est frappant
qu’il ait fait directement mention du SM. Comment ces
relations magistrature / police ont-elles évolué ?
Concrètement, la tentation existe aujourd’hui, pour le
magistrat, de jouer la carte du notable, de faire ami-ami avec le
commissaire de police et le sous-préfet, au risque de voir l’un
ou l’autre prédominer. Mais sans vouloir jouer les ours, il
faut faire attention à ce qu’on fait dans sa manière d’appréhender
le fonctionnement institutionnel.
L’analyse du SM est de plus en plus frontale. Non par rapport
à la police : on a des relations avec la CGT-Police, on en
a eu avec le Syndicat Général de la Police, avant qu’il ne
se rapproche de Pasqua. On essaie d’avoir des relations avec
tous les syndicats qui pourraient avoir des points communs avec
nous, mais on en trouve de moins en moins sur la question du respect
des libertés publiques. Depuis la dissolution de la Fédération Autonome
des Syndicats de Police (assez marquée à gauche), les syndicats
de police sont de plus en plus corporatistes et incapables de faire
le poids devant le syndicat des commissaires de police, qui a toujours
eu une démarche très sécuritaire. Du coup, les syndicats de personnels
en tenue ou d’officiers de police ne revendiquent plus que
des moyens. Mais il existe quelques syndicats très minoritaires
de commissaires de police, par exemple ceux qui étaient proches
de l’UNSA-Police, avec qui on a pu travailler.
On a l’impression étrange que le renforcement des pouvoirs
de la police et du ministère de l’Intérieur va de pair avec
un discours de victime de la part des policiers et des syndicats
de police. Plus les policiers voient leur pouvoir accru, moins ils
se sentent en position de force ; plus leur rôle est reconnu
comme central, plus ils semblent se sentir menacés, devenant sourds
à autre chose qu’à leur propre mal-être.
Cela tient également au fait qu’ils sont contestés, dans
la sphère de la sécurité, par les polices municipales et les agents
privés de sécurité, à qui la LSQ a donné des pouvoirs. Ces mesures
devaient être provisoires, le projet de loi sur la sécurité intérieure
tend à les rendre définitives. Il y a donc un réel problème de statut.
La sécurité est devenue un secteur économique, et les pouvoirs de
police sont donnés à d’autres personnes, avec qui la police
nationale va devoir faire alliance, tout simplement parce qu’ils
sont sur le même terrain. L’histoire nous montre qu’il
y a toujours eu, quasiment depuis Napoléon III, cette compétition
entre la police nationale et les polices municipales, celles-ci
étant à l’époque envisagées comme la possibilité politique
pour les communes de réagir contre l’État. La même chose se
passe dans le domaine pénitentiaire le développement des parcs de
prisons privées et du secteur associatif financé -contrôle judiciaire,
etc.- empiète de plus en plus sur le personnel pénitentiaire. Les
contestations dans les prisons sont souvent liées non seulement
à la sécurité, mais à l’intrusion du privé.
Dans ce contexte, que penser du projet de loi Perben, qui
prévoit le recrutement de davantage de juges ? Plus généralement,
comment voyez-vous l’arrivée des jeunes magistrats formés
actuellement ?
J’aurais tendance à dire que les jeunes juges qui sortent
de l’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) sont très dans
le moule on fabrique des gens très normés, très efficaces et qui
ne réfléchissent pas du tout à la finalité de ce qu’ils font.
Pourtant, le SM a de grosses sections d’auditeurs de justice,
et 30 syndiqués dans la dernière promotion, c’est encourageant !
L’évolution de l’ENM s’est faite à l’opposé
de nos attentes : sous la gauche comme sous la droite, sa direction
a mené la même politique, une politique de techniciens. Or faire
croire qu’une procédure judiciaire ce n’est que de la
technique, c’est très dangereux. Cette logique a conduit à
des aberrations. Par exemple, pendant le procès Papon, il y a eu
très peu d’interventions à ce sujet à l’ENM alors que
les audiences se déroulaient à côté.
HERITAGES
Revenons sur le trajet historique du SM et sur sa position
politique. C’est un syndicat qui se constitue comme tel dans
les années 1970, à un moment où le droit, à gauche, est censé devoir
se dissoudre dans la lutte des classes, etc. C’est un moment
délicat où on ne sait pas quoi penser du droit. Il est assez curieux
de voir qu’à l’autre bout, c’est à dire maintenant,
le SM se pose en défenseur du droit, des libertés, des procédures,
contre l’attaque menée par la droite au nom de la sécurité.
Comment lisez-vous ce renversement ?
Au départ, le syndicat s’est constitué principalement sur
deux pôles : la lutte contre l’emprisonnement comme unique
voie de répression, et le secteur du droit du travail. Là, c’était
simple : revendiquant nous-mêmes des droits syndicaux, il était
facile de les exiger pour les autres.
Le premier pôle était marqué par la philosophie de Foucault,
par la réflexion sur l’enfermement, la surveillance, le contrôle
social. Nous affirmions que le juge doit évacuer la prison de son
raisonnement. Il y a même eu à l’époque une motion (très symbolique !)
contre la prison, qu’on nous oppose encore souvent, pour nous
qualifier d’angélistes. Sur le contrôle social, ça consistait
surtout à dire que le juge des enfants, par exemple, qui est au
carrefour d’un contrôle social sur les familles, doit toujours
prendre en considération la parole de l’enfant et ne pas le
placer de manière hâtive, qu’il faut un débat contradictoire.
Nous voulions donc avoir un regard extérieur sur notre place dans
le contrôle social, pour essayer de le limiter. Evidemment, beaucoup
de gens, qui se réclamaient peu ou prou du SM, ont, en luttant contre
la prison -ce qui était une bonne chose-, développé un contrôle
social : quand on lutte contre l’emprisonnement, si on
dit qu’il faut quand même des sanctions, on applique un contrôle
social. Je suis juge d’application des peines(JAP) [7],
je sais de quoi je parle. La justice est un tout : on peut
lutter contre des objectifs symboliques, et pratiquer par ailleurs
des formes de contrôle judiciaire, de contrôle des applications,
donc faire quand même du contrôle social.
Avez-vous l’impression qu’un certain nombre de
dispositions aujourd’hui mises en place (la justice de proximité,
le développement des autorités administratives indépendantes comme
régulation du rapport entre gouvernants et gouvernés) constituent
le dévoiement de revendications qui pouvaient être celles du SM
dans les années 70 ? Que faites-vous de cet héritage ?
Le cas du Travail d’Intérêt Général est typique. On s’est
dit pendant longtemps : plutôt prononcer un TIG qu’un
emprisonnement, il vaut mieux qu’une personne fasse un TIG
au sein d’une collectivité ou d’une association plutôt
que d’aller en prison. Mais le TIG a souvent été prononcé
pour des actes qui ne relevaient pas de la peine d’emprisonnement.
Par exemple certains textes votés par la gauche prévoient du TIG
pour une amende, ce qui est hallucinant. Je me rappelle très bien
Guigou me disant : « le TIG, c’est bien pour lutter
contre le chômage ! Dans sa tête, il y avait apparemment une
confusion totale entre la pénalité et la mesure sociale.
De la même manière, la mission de médiation pénale, qui était
intéressante, a été totalement dévoyée. Il y a une dizaine d’années,
on a créé des médiateurs et des associations appelées « médiations
pénales. On pouvait déjàs’interroger sur cette médiation,
placée sous l’autorité du parquet. Par définition, une médiation
devrait être menée hors du contexte institutionnel. Le Parquet transmettait
à ces structures toutes les petites affaires qu’il devait
poursuivre ; puis peu à peu, il leur a transmis des affaires
qu’il n’aurait jamais poursuivies. Donc la médiation
pénale a finalement mordu, non pas sur des actes bénins, mais sur
des actes qui n’auraient jamais fait l’objet de poursuites.
On a donc modifié la finalité de la médiation pour qu’elle
complète la poursuite pénale classique. Plus tard y ont été intégrées
les associations de victimes -il est vrai que, pendant très longtemps,
le procès pénal ignorait les victimes. Cela a abouti à la création
des Maisons de la Justice et du Droit, dans lesquelles les victimes
pouvaient être accueillies. Mais la pratique qui s’y est développée
n’a plus rien à voir avec la question judiciaire. Il aurait
fallu créer des maisons de médiation sociale, ce qui n’a rien
à voir avec des maisons judiciaires, au lieu de ces Maisons de Justice
et du Droit, qui reviennent beaucoup moins cher, avec des personnes
qui ne sont pas des juges, des personnels de catégorie B, et des
bénévoles. On a dévié complètement du sens de la médiation. Finalement,
Guigou a décidé d’entourer le procureur de délégués, recrutés
principalement chez les anciens policiers et les gendarmes. Ce qui
a abouti au système de la composition pénale : ce sera dans
une MJD, après délégation par le procureur, que seront prononcées
les peines, et non par un juge.
On a fait une fois de plus de la tolérance zéro tout en voulant
l’ignorer. On a développé la poursuite de comportements incivils,
ce qui n’a plus rien à voir avec des actes de délinquance.
Et maintenant on pousse la logique jusqu’au bout on crée le
juge de proximité.
La loi sur la sécurité quotidienne, présentée et votée par
la gauche, crée entre autres le délit de « fraude d’habitude
(avec des condamnations à 6 mois de prison ferme et 7 500 euros
d’amende à l’encontre des usagers des transports totalisant
plus de 10 PV d’infraction). La SNCF a porté un millier de
plaintes qui ont déjà donné lieu à des dizaines de condamnations
(certaines à de la prison ferme). Elle lance aujourd’hui une
grande campagne contre la fraude dans les transports et crée le
fichier Lutin (3 500 fiches). Comment comptez-vous, en tant que
magistrats, vous saisir de ces questions ?
Difficile de répondre, tant que les magistrats, réagissant dans
leur majorité en techniciens, rendront un verdict de culpabilité
(c’est ce qui se produit déjà). Mais le rôle du SM me semble
être de proposer des pratiques ou des solutions professionnelles
qui pourront faire reculer ces dérives de ségrégation pénale, notamment
en mettant en regard ces infractions créées de toutes pièces avec
la quantité de procédures de droit pénal du travail qui ne trouvent
pas d’issues judiciaires, les non moins nombreuses affaires
financières quise dégonflent du fait du manque de moyens,ou encore
l’absence totale de poursuites en matière de droit de l’environnement
et d’empoisonnement de masse. Là, un syndicat comme le SM
doit tenir un rôle de dénonciation, mais aussi d’assistance
à ces victimes toujours dénigrées par le judiciaire classique. Si
la justice est symbolisée par une balance, alors il y du travail
pour la remettre en équilibre. Et une jurisprudence, cela se forge
en ayant parfois le courage de rendre des décisions courageuses
et pertinentes.
En même temps, cette gestion spectaculaire des nouveaux instruments
de sécurité ne rend-elle pas encore plus invisibles les procédures
de contrôle social instaurées depuis longtemps, par exemple les
visites domiciliaires, les fichiers RATP, SNCF ?
Nous sommes depuis 4-5 ans dans une politique de tolérance zéro.
Nous l’avons compris avec la création des Contrats Locaux
de Sécurité. En supprimant les anciens conseils communaux de prévention
de la délinquance, ils écartent les intervenants de la prévention
de la délinquance (associations de quartiers, etc.) pour confier
au préfet, au maire et au procureur le soin de déterminer le code
de contrôle de la sécurité dans chaque ville, et de faire du pénal
en utilisant tous les dispositifs qui existent déjà, uniquement
à des fins répressives. Le préfet est donc à la fois acteur, financeur
et initiateur de ces actions de contrôle de la sécurité, et dispose
de fait des pouvoirs de police judiciaire. Nous sommes dans une
confusion totale des pouvoirs.
Dans un procès à Bordeaux, une prostituée et son client ont été
poursuivis pour exhibition sexuelle. En fait, le procureur, qui
souhaitait poursuivre, a demandé aux policiers de procéder à une
arrestation et de mettre en avant cette notion d’exhibition
sexuelle, pour voir si le juge allait y répondre. Et le juge a répondu
en disant que c’était une invention intéressante...
On est passé du droit pénal au droit sécuritaire. Toutes les
notions passées à ce crible sont modifiées, elles sont finalisées
vers un seul objectif : tout poursuivre, et répondre très rapidement.
Dans le domaine de l’application des peines, le traitement
en temps réel constitue un bon exemple. Avant, les gens étaient
convoqués par citation écrite ; ils pouvaient ne pas venir
à l’audience, et faire opposition. Maintenant, tout se passe
par téléphone : lorsque la personne sort de garde à vue, le
gendarme passe un coup de fil au substitut du procureur et donne
au prévenu une date d’audience. Du coup, la procédure sera
considérée comme contradictoire [8]
même s’il ne vient pas, et les possibilités de recours s’en
trouvent restreintes d’autant. Or beaucoup de gens ne se présentent
pas, parce qu’ils ont oublié ou qu’ils sont dans la
galère : il faut dire qu’au début, on convoquait à 2
mois ; maintenant, compte tenu des embouteillages des tribunaux,
on convoque à 4 mois. Donc les prévenus se voient retirer la voie
de l’opposition et souvent la voie d’appel, close 10
jours après la convocation. Beaucoup de juges n’ont pas compris
cette évolution : mécontents de l’absence de la personne
à l’audience, ils se disent « je le condamne à de la
prison ferme ; comme ça, il fera appel et ça le fera venir.
En tant que juge d’application des peines, j’ai ainsi
affaire à beaucoup de gens qui sont condamnés pour des conneries
(trois mois fermes, pour un disque volé à la FNAC), condamnations
sur lesquelles on ne peut revenir.
Autant dire que la multiplication des micro-pénalités dont
vous parliez n’a pas diminué l’emprisonnement qui est
en augmentation...
Actuellement, la peine de TIG marque un recul. De plus, beaucoup
de communes se retirent du dispositif, parce que les élus préfèrent
ne pas avoir affaire aux personnes condamnées au TIG, ne pas les
montrer aux électeurs. D’autre part, nous appréhendons la
réforme des pouvoirs du JAP (qui fait courir le risque de les supprimer,
ou de les réduire), parce que le bureau du JAP est aujourd’hui
le seul endroit où quelque chose peut encore se négocier, s’aménager.
Enfin, rappelons-nous que le gouvernement a créé un secrétariat
d’Etat à la construction des prisons. Or, créer et privatiser
des prisons, cela revient à constituer un secteur économique de
plus c’est une transformation structurelle, pas une simple
mode idéologique qui pourrait passer. Une fois créée, une prison
doit tourner : elle représente des emplois... Aujourd’hui,
lutter contre l’emprisonnement exige de lutter aussi contre
la privatisation des prisons, contre la volonté -qu’on trouve
chez des sociétés privées comme la Sodhexo)- d’ouvrir et de
conquérir ce nouveau marché.
RESISTANCES
Dans quelle mesure un syndicat comme le SM vous semble-t-il
pouvoir peser aujourd’hui ? Après tout, Sarkozy vous
cite comme des adversaires directs - et Guigou, elle aussi, prétendait
souvent avoir l’accord des syndicats...
Lorsque Sarkozy nous désigne comme ses adversaires, cela veut
surtout dire qu’il n’y a plus d’opposition. Je
préférerais qu’il critique le PS le SM est une structure rudimentaire,
et nous jouerions le rôle de l’opposition ? Cela prouve
qu’il y a un problème politique grave dans ce pays.
Est-ce que les attaques contre la magistrature en général
vous paraissent de nature à provoquer une sorte de rassemblement
de la profession, de mouvement vers les positions du SM ?
La dérive actuelle, qui tend à transformer le ministère de la
Justice en sous-secrétariat d’État du ministère de l’Intérieur,
ne peut que donner du grain à moudre au SM. Le magistrat moyen,
qui a appris quelques idées de base -le principe du contradictoire,
le fait de ne poursuivre que ce qui est poursuivable-, commence,
même s’il n’est pas de gauche, à être choqué de se voir
transformé en agent de sécurité. Cette dérive sécuritaire renforce
le discours du SM, qui pouvait être perçu jusque-là comme excessif.
Même des libéraux de droite se disent qu’ils ne sont pas là
pour faire ce genre de choses.
Cela peut expliquer votre rapprochement avec l’USM,
sur l’opposition aux juges de proximité ?
Non, c’est davantage une question statutaire. Créer un
juge amovible pose un problème : on sait très bien qu’une
fois créé, même s’il n’a pas de pouvoir, il existera
et on lui en donnera. 3 300 juges de proximité sur 6 600 magistrats
professionnels, cela modifiera en profondeur la structure de la
magistrature, c’est certain.
De manière générale, les questions de statut rassemblent plus
facilement : par exemple, c’est le projet de refonte
de la discipline qui a conduit l’USM à suivre pour la première
fois la grève, dans un contexte il est vrai très anti-syndical et
anti-judiciaire (Charasse voulait tous nous faire mettre en examen...).
On s’est dit qu’il fallait affirmer le droit de grève,
quand bien même celui-ci ne nous a jamais été reconnu, sinon nous
n’étions rien. Cela étant, il va être de plus en plus difficile
de distinguer les questions statutaires des questions politiques,
maintenant tout est lié. On arrive au bout d’une logique,
avec la question de la définition du juge. C’est là que se
joue l’avenir du SM. Pour l’USM, ils n’en
sont pas là mais ils vont peut-être être obligés d’y arriver.
Pour l’instant ils flirtent un peu avec le ministre.
Et d’un point de vue européen, qu’en est-il de
la construction du « 3ème pilier, visant à créer une justice
européenne ?
Le SM s’est regroupé avec d’autres syndicats dans
le Medel (Magistrats Européens pour la DEmocratie et la Liberté),
qui fédère des associations de syndicats de gauche de magistrats.
Il y a des Italiens qui sont très actifs, des Espagnols, des Belges,
des Allemands, mais pas d’Anglo-saxons. Il y a quelques années
le Medel appelait à l’application de la Cour Européenne des
Droits de l’Homme, au développement du volet judiciaire européen.
La directive sur le terrorisme a marqué un tournant. On assiste
de plus en plus à la création d’un « Etat » sécuritaire
européen, et non plus à une évolution qui pourrait constituer un
progrès vis-à-vis des dispositifs nationaux. C’est un renversement
complet : on s’est aperçu que défendre, contre Europol,
le volet judiciaire européen, était de la poudre aux yeux, puisque
c’est justement Europol qui est devenu le nerf central du
fonctionnement de la justice communautaire, avec une qualification
de terrorisme dont l’usage est très large, avec des atteintes
indifférenciées et générales aux libertés dans tous les pays européens.
On assiste à une généralisation du sécuritaire dans chacun des Etats,
qui rejaillit sur une construction européenne de plus en plus technocratique.
La France a rattrapé son retard et se situe à peu près au niveau
de l’Italie et de l’Espagne. Il n’y a qu’en
Allemagne que des différences demeurent, liées au fonctionnement
fédéraliste. C’est véritablement un tournant. Il faudrait
reprendre les concepts fondamentaux de la justice telle qu’elle
s’est développée durant le siècle dernier, pour mesurer l’ampleur
du recul. L’individu n’est plus un sujet, mais le citoyen
d’un Etat central. Evidemment, cette évolution est liée à
des circonstances chaque fois particulières : en Espagne, il
y a le terrorisme basque, mais les dispositifs mis en place à cette
occasion sont totalement dérogatoires du droit commun. En Italie,
il y a eu démantèlement total de la lutte contre les affaires mafieuses
par Berlusconi, et une gestion privative de l’appareil d’Etat.
Face aux attaques de Berlusconi, qui dit à mots couverts
que l’ennemi c’est en premier lieu le juge, ou à celles
de Vaillant et Sarkozy, qui ont à plusieurs reprises mis en doute
l’action des magistrats, considérez-vous qu’il est prioritaire
pour la gauche de défendre la magistrature ?
Plutôt que défendre la magistrature, il faut défendre les droits
fondamentaux, tels que le principe du contradictoire, les droits
de la défense, notamment l’accès de chacun à une défense de
qualité, à l’aide juridictionnelle. Cela consiste aussi à
reconnaître qu’une personne, le juge, qui a un statut d’indépendance,
encadre l’action de la police. Point. Ces trois, quatre principes
sont aujourd’hui totalement battus en brèche et ils constituent
pourtant la base d’une justice acceptable.
[1] Magistrats du parquet et du
siège Magistrats de l’ordre du judiciaire, recrutés par
concours ; ceux du siège (inamovibles) jugent, ceux du parquet
requièrent.
[2] Traitement en temps réel
Jugement immédiat des faits, notamment par la procédure de comparution
immédiate qui peut être proposée par le Procureur. S’il l’accepte,
le prévenu est retenu jusqu’à la comparution, qui doit intervenir
le jour même. Souvent qualifiée d’expéditive, vu les délais
impartis à la préparation de la défense et de l’accusation,
la comparution immédiate a été étendue en 1995 et en 2000.
[3] Contrats locaux de sécurité
Les conseils communaux de prévention de la délinquance rassemblaient
des agents de prévention chargés de mettre en oeuvre la politique
de la ville en la matière. Ils ont été transformés en 1998 en contrats
locaux de sécurité, qui doivent intégrer 3 grands axes d’action,
la prévention, la répression et l’éducation, dans « une
démarche de partenariat et de proximité.
[4] Loi du 15 juin 2000 relative
à la présomption d’innocence et aux droits des victimes
Dans le but d’assurer une meilleure garantie de la présomption
d’innocence et des droits de la défense, cette loi a réformé
la procédure pénale et notamment les droits du gardé à vue, en instaurant
la présence de l’avocat dès la première heure, le droit de
garder le silence lors de l’interrogatoire, ou encore la limitation
de la durée de la détention provisoire. Elle crée le juge des libertés
et de la détention, magistrat du siège désigné par le président
du Tribunal de grande instance, qui décide du maintien ou non en
détention provisoire.
[5] Composition pénale
Instaurée en 1999, elle permet au procureur de proposer, directement
ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée, une
solution pénale (réparation, TIG ...), sans qu’il y ait jugement,
à une personne majeure qui reconnaît avoir commis certains délits
ou violences ou dégradations contraventionnelles. La personne poursuivie
peut se faire assister d’un avocat.
[6] Maison de justice et du
droit Lieu d’accueil et de concertation créé en 1998 pour
assurer une présence judiciaire de proximité, concourir à la prévention
de la délinquance, à l’aide aux victimes et à l’accès
au Droit, et servir de cadre aux travaux de médiation et de conciliation.
Cette institution est placée sous l’autorité des chefs du
Tribunal de grande instance dans le ressort duquel une maison est
créée.
[7] Juge d’application
des peines Magistrat du siège, du Tribunal de grande instance,
chargé d’aménager l’exécution des peines, qu’elles
soient subies en milieu pénitentiaire (réductions de peines, permissions,
etc.) ou en liberté (contrôle du sursis, etc.).
Assure aux parties adverses (demandeur et défendeur) de faire
valoir leurs moyens de défense et leurs prétentions respectives.
[8] Principe du contradictoire
Assure aux parties adverses (demandeur et défendeur) de faire valoir
leurs moyens de défense et leurs prétentions respectives
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