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Vincent de Gaulejac
Professeur de sociologie, directeur du Laboratoire de changement social (Paris 7 Diderot),
membre fondateur de l’Institut international de sociologie clinique,
mais aussi membre du conseil de l’Appel des Appels,
présente son dernier ouvrage
Travail, les raisons de la colère (Paris : Le Seuil, 2011)

Origine : mc.saliceti.free.fr/IMG/pdf/travail-les-raisons-de-la-colere.pdf
chez Mollat - mercredi 11 mai 2011
Présentation par Denis Andrieu, avocat, spécialiste en droit du travail.

Parfois un sociologue peut avoir une influence sur l’évolution de la société. Vincent de Gaulejac est un des premiers à travailler la question de la souffrance au travail : il publie en 1991 avec Nicole Aubert « le coût de l’excellence » centré sur le lien entre l’organisation et l’individu, à partir d’une étude des multinationales investissant la subjectivité.

L’itinéraire de Vincent de Gaulejac jusqu’en 1986, dans le cadre du Laboratoire du changement social qu’il dirige depuis près de 30 ans, montre une personne qui va se nourrir avec gourmandise de différents courants de pensée : il n’est pas un sociologue au sens classique du terme ; il passe par la psychanalyse, élabore la « socio-clinique » dans les années 90, aux confins de la sociologie et de la compréhension de la subjectivité de l’individu. Il a fait un peu de droit – ce qui ne l’a pas passionnné – et est passé à Dauphine où il a travaillé sur la question de l’organisation. Avec Max Pagès il découvre Carl Rogers (l’empathie, la non-directivité…), il devient éducateur de rue et écrit plusieurs livres sur son rapport à l’histoire de sa vie.

Via la psychanalyse, il montre que l’organisation utilise la motivation de l’individu pour le manipuler, le faire avancer, lui proposer/imposer « l’excellence », ce qui au final lui procure souffrance et frustration. Cette « excellence », c’est de l’absolu... on se demande où est le sujet ?

Son livre La société malade de la gestion paraît en 2005, mais ce n’est qu’en 2009 que le harcèlement organisationnel est reconnu par la Cour de Cassation.

Aujourd’hui la grande difficulté est liée aux objectifs paradoxaux : les managers disjonctent.

Quelques mots sur l’histoire de ce livre : Travail, les raisons de la colère.

Avant, il y a eu Le coût de l’excellence. Des recherches avec Max Pagès, responsable du département de psychosociologie à Dauphine : l’enjeu y était scientifique et politique. Il y avait la « fac de droite » et la « fac de gauche » (à Vincennes avec Foucault, Deleuze, etc...) A Dauphine, avenue Foch, il y avait un projet de création d’un UFR de sciences des organisations, un vrai projet d’étude scientifique, avec 3 disciplines de base : mathématiques, économie, psychologie sociale. V. de Gaulejac dit : « Je suis le premier docteur de Dauphine en sciences des organisations, sauf que ça n’existe plus ». Depuis, sont apparues les sciences de gestion (comptabilité, marketing, stratégies, droit appliqué à la gestion), avec des objectifs fixés (mais par qui ? Occultation des enjeux de pouvoir, donc occultation du sens de l’action), avec certains paradigmes (fonctionnement, positivisme, etc.) ; rien de plus neutre que la gestion apparemment, rien de plus objectif, les gestionnaires ne voient pas que c’est devenu en fait l’idéologie dominante de notre temps. Difficile à combattre parce que ne se présentant pas comme une idéologie.

À l’époque, les étudiants pensaient que la psychosociologie n’était pas quelque chose de très sérieux ; on n’a pas trouvé de terrain pour la recherche (« C’est la chance qu’on a eue ! » dit V. de G.) parce que faire une recherche sur le pouvoir était perçu comme une provocation...

Un directeur du service du personnel à IBM, fasciné par Max Pagès et la psychosociologie a proposé de prendre IBM comme terrain de recherche. Il souhaitait faire rencontrer la psychosociologie et l’entreprise. Là, on découvre un monde où les gens se disent heureux de travailler, sont hyperperformants, fiers de leur entreprise, bien que lucides : « je suis exploité de façon agréable » ; ils parlent de subjectivation dans leur rapport au travail. Les catégories habituelles ne fonctionnaient plus. « On a écrit TLTX mon amour (TLTX= nom de code de IBM) mais l’éditeur (PUF) n’en a pas voulu. L’ouvrage est paru sous le titre L’emprise de l’organisation en 1979 ; il est toujours réédité.

On a appelé cette nouvelle forme de gouvernance « révolution managériale » Les théories de Milton Friedman (Capitalisme et liberté, 1962) ont été appliquées d’abord par Reagan et Tchatcher dans les années 80, et par Sarkozy aujourd’hui. Ce mouvement est né dans des entreprises comme IBM qui ont mis en place cette nouvelle forme de gouvernance à partir de l’idée : il faut réconcilier l’individu, l’entreprise et l’actionnaire, dans un rapport « gagnant / gagnant / gagnant ». On va changer l’esprit du travail pour obtenir l’adhésion des travailleurs à ce que l’entreprise lui propose. Le contrat traditionnel est remplacé par un « contrat narcissique » : la performance de l’entreprise est liée à la performance de l’humain et les deux vont dans le même sens, l’excellence. Le profit se partage : l’humain n’est pas animé par l’argent mais par les satisfactions narcissiques (être puissant, gagner, être excellent), il va donc adhérer « corps et âme ». C’est agréable , exaltant, stimulant, mais… « après, qu’est-ce que je vais devenir ? ». On est condamné à réussir, et quand on fait carrière, l’escalator redescend inéluctablement... Ces gens étaient très lucides sur leur condition : on ne pouvait pas parler d’aliénation, mais une partie des liens dans lesquels ils étaient pris était inconsciente. Nous avons donc eu l’idée qu’il y avait un lien fort entre le fonctionnement de l’organisation et le fonctionnement de l’individu ; à l’époque on ne raisonnait pas comme ça.

Ici le pouvoir n’était pas en extériorité, entre patrons et ouvriers.

Le schéma marxiste est clair mais n’est plus pertinent pour comprendre cette nouvelle forme de pouvoir. Il faut plutôt aller voir du côté de Michel Foucault : à partir du modèle carcéral qui se développe partout à la fin du XIXe et au début du XXe dans les institutions -« le système disciplinaire » destiné à rendre les corps utiles, dociles et productifs (Surveiller et punir).

il s’agit de rendre l’énergie psychique utile : pas docile, mais canalisée pour être transformée en force de travail par le contrat narcissique ; vous aurez du plaisir, vous satisferez vos désirs et calmerez vos angoisses : on vous sélectionne, on ne va prendre que des gens qui ont envie de réussir ! C’est très difficile de résister à de telles sollicitations (pour les informaticiens en particulier). Pour avoir des « winners », ces gens vont produire ces organisations qui vont produire ces gens-là... « plus c’est difficile, plus c’est emmerdant, plus j’aime ça ! » Les injonctions paradoxales:

« Nous sommes tous d’accord pour dire que l’entreprise a besoin d’actes et pas de mots. » - pas de mots …. on est entrain justement de se servir de mots....c’est paradoxal mais ça ne rend pas fou...

- tous d’accord pour dire... c’est un projet collectif que je vous impose et auquel vous allez adhérer librement (second paradoxe) :

- le développement de l’excellence durable constitue un troisième paradoxe (c’est ce qui est préconisé aujourd’hui par les institutions européennes pour développer la qualité dans leur domaine). L’excellence, c’est être hors du commun : quand vous le proposez à tout le monde, que devient le commun ? La politique vous propose de détruire le monde commun en réalisant la performance, l’excellence.

Le symptôme qu’on voit aujourd’hui dans le monde du tavail est l’expression de cet ordre paradoxal, qui est un ordre chaotique.

Dans In search of excellence, Tom Peters et Robert Waterman analysent les 64 entreprises les plus performantes dans le monde au début des années 80. Dans leur livre suivant, Le chaos-management (1998) on voit que sur ces 64 entreprises, plus de la moitié sont en crise, rachetées ou ont disparu...

Le mot d’ordre devient « devenez fanatiques de l’échec ! Développez le chaos-management ! » : on est dans un monde de compétition où le chaos se développe en permanence – l’erreur conceptuelle est de penser que c’est une crise. La crise est devenue un état permanent : ce n’est plus une crise mais une fonction structurante des entreprises et du système social du capitalisme instaurant le chaos permanent. Dès lors il faut rendre les individus mobiles, flexibles, adaptables, c’est le « time to move » de sinistre mémoire qui a été une importante cause des suicides à France Telecom. On est dans l’« acting-out » permanent, comme si le sens était dans l’action – alors que la psychanalyse a mis en évidence que le passage à l’acte est un mécanisme de défense contre l’angoisse.

L’aspect idéologique est important.

Milton Friedman, Gary Becher, ont théorisé la notion de « capital humain » ; ils proposent une théorie du développement du travail. Un des changements les moins critiqués et qui pour moi est le plus critiquable, est l’émergence des DRH : Directeurs de Ressources Humaines. Tout le monde trouve ça très bien ! Les termes « service du personnel » sont considérés comme des mots « archaïques », alors que c’était pertinent. Le piège, c’est qu’il semble qu’« enfin on va se préoccuper de l’humain » la plupart des gens n’ont pas vu l’entourloupe idéologique qui inverse les finalités : l’humain devient un moyen. On retrouve le même rapport, dans les mêmes années, entre le politique et le social. Aujourd’hui les politiques sont complètement contaminés, obsédés par la performance, le résultat, la « com », l’excellence... l’un d’eux « rêve d’une France de 60 Millions de Laure Manaudou » ! ils utilisent en plus les théories du développement humain et une partie des théories de la psychosociologie : réaliser son potentiel, expériences corporelles, papouilles californiennes, analyse transactionnelle etc. : le développement du potentiel est transformé en ressources pour l’entreprise.

Il y a une raison objective, politique à tout cela : l’intérêt des multinationales, grandes entreprises, de l’ensemble des cabinets de gestion...

On le voit actuellement avec la réforme universitaire, hospitalière, de la justice, la RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) est entrain d’introduire ce modèle dans la gestion des services publics. Sarkozy est complètement là-dedans, y compris avec les politiques.

Les entreprises commencent à remettre ce modèle en question, mais les politiques, eux, s’y mettent !

Il convient d’éviter les mots qui fâchent : « risques psychosociaux » est plus convenable que « violence au travail, harcèlement, souffrance, suicide etc. ». Ce n’est pas innocent : si les gens ne vont pas bien, c’est qu’il y a eu un déplacement de la colère, de la conflictualité.

Le symptôme était auparavant la grève (qui a presque disparu) ; il s’est déplacé au niveau psychologique et psychiatrique – les conflits sont vécus comme une partie de moi qui ne va pas. On dit au salarié : « qu’est-ce qui t’arrive ? » parfois il se le dit lui-même. Ils se sent responsable du fait qu’il n’y arrive pas.

Un exemple, l’avancement au mérite : la notation à American Express (ABCDE)

E : insuffisant (on n’en parle même pas)

D : doit faire ses preuves (pour débutant)

C : satisfaisant, note moyenne (c’est pas terrible, quelconque, pas loin de la médiocrité)

B : c’est ça qu’on attend ! (mais vous devez être au-delà des attentes...)

A : clairement hors du commun.

Si vous faites B, l’année suivante il faudra faire aussi bien mais...un peu plus et ainsi de suite...jusqu’à ce que ça devienne impossible de faire plus....donc la réussite mène inéluctablement à l’échec.

C’est un cycle de destruction, si on ne fait pas le rapport avec l’objectif qu’il y a derrière tout ça.

Une filiale de Danone au Mexique a fait 70% de plus que ses objectifs en 2008 : félicitations ! On leur a donné le challenge : 70% de mieux l’année prochaine !

En 2009, l’équipe a éclaté : 6 dépressions nerveuses et 3 démissions...

La situation est paradoxale : on n’est jamais contre la performance, la qualité, l’excellence ! De plus c’est effectivement efficace : voir les progrès de l’informatique qui constituent une extraordinaire performance ! C’est incontestable. Mais les conséquences en sont :

- le stress ;

- l’incompréhension des travailleurs ;

- la « crise financière », qui n’est pas une crise, mais qui est au coeur de cette forme de gouvernance.

Que peut-on faire ?

- donner des outils pour que les gens comprennent pourquoi ils ne vont pas bien.

Le diagnostic est le même partout où on a fait des études sur cette question (lire Du ketchup dans les veines. Pratiques managériales et illusions. Le cas McDonald’s d’ Hélène Weber).

- Montrer que cette révolution managériale et ces formes de gestion sont le bras armé, le modèle, du fonctionnement du capitalisme financier (voir le film La Mise à mort du travail 1) La Dépossession - 2) L’Aliénation - 3) La Destruction. Un film de Jean-Robert Viallet.) - Il faut se mettre en colère : ne pas retourner l’agressivité contre soi. On a le pouvoir, sinon de changer le système, au moins de changer ce que nous fait ce système. On va passer du processus d’intériorisation, de soumission-acceptation, au processus de la colère : « non, ça suffit, je ne veux pas me détruire ni contribuer à détruire les autres, et je n’accepterai plus de participer à la mise en place d’outils de gestion avec lesquels je ne suis pas d’accord » La colère, ça fait du bien !

Débat

Intervenant (avocat) :

- Quand le conflit apparaît je me dis que les employés commencent à aller mieux - quelles solutions envisager ? A France Telecom : crise, diagnostic, accord sur l’organisation du travail, avec de belles notions, mais est-ce que ça peut marcher ?

VdG : j’ai la réponse sauf que je n’utiliserai pas le terme « quelle solution ? » qui empêche de trouver la solution. Il faut commencer par déconstruire le paradigme positiviste ; c’est justement parce qu’on accepte de faire le diagnostic qu’on peut trouver la solution.

Ces suicidés disent quelque chose de ce qu’il y a de destructeur dans notre système économique aujourd’hui ; ils disent « il faut arrêter ça, moi j’arrête ! » c’est une colère qui ne peut pas s’exprimer autrement que par cet acte éminemment insensé et éminemment symbolique du suicide :
la dernière manifestation du Sujet.

Ne pas aborder la question des solutions dans les termes dont les gens qui sont dans cette problématique la posent : ils refusent d’envisager toute solution qui refuse cette forme de gestion du travail. Il faut dire les choses et les responsabilités.

Le directeur d’ IBM France avait un médecin du travail, le docteur Gallamand, qui a fait en 4 ans (2004-2008) une petite observation du stress , passé en 4 ans de 40 à 70% : pour l’en informer, il écrit au directeur d’ IBM...lequel demande au Conseil de l’ Ordre de radier ce médecin qui « sortait de ses attributions »...

L’enjeu de pouvoir fait qu’il y a refus de considérer l’une des principales sources qui mettent les gens en difficulté : le mode de gouvernance (avancement au mérite, flexibilité, faire plus avec moins...) c’est un problème politique.

Les « solutions » ?

1. changer de paradigme : changer la formation des gestionnaires, des managers : c’est une vraie solution.

2. Arrêter de rechercher tous les nouveaux outils techniques qui peuvent exister ; la mise en place de nouveaux logiciels de gestion pour tout ! (voir la T2H) Ce sont ces outils-là qui empêchent de travailler. Le rôle du management devrait être d’adapter les moyens pour remplir les objectifs, or aujourd’hui il laisse ça au terrain (ceux qui souffrent le plus ce sont les managers de proximité ».

3. les politiques : qu’est-ce qui se passe pour qu’ils soient aussi aveugles ? Depuis 1983 ils s’occupent de l’emploi et pas du travail. La plus grande faute a été d’accepter la flexibilité pour l’emploi : une bêtise économique, mais surtout une bêtise politique.

L’enjeu majeur est de dire non : la colère du peuple. On est en 1787...1788 ? 1933 ? prenons en charge cette affaire-là, en 2011, si vous voulez bien ! Il faut qu’on se mette en colère !

Et aussi, résister aux dérives induites par les nouvelles formes de télécommunications...

intervenant : ne pensez-vous pas que le champ de l’économie solidaire et du mouvement coopératif contribue à une solution possible ?

VdG : j’aimerais bien vous suivre. J’ai vu comment ce mouvement, dans l’agriculture, la pêche, la banque, entre 1970 et 1990 s’est converti à la révolution managériale.

OK, seulement il faut tout refonder.

Mais c’est là que peuvent s’inventer les médiations nécessaires aujourd’hui entre les prouesses technologiques et le sens du travail. Ce n’est pas si simple. La difficulté tient à la culture de l’urgence. Il faut redonner des espaces réflexifs collectifs dans le travail, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui.

Il y a aujourd’hui une myriade d’initiatives de gens qui essaient de construire une autre rapport au travail, un « autre monde possible ».

intervenant : il y a eu 60 suicides à France Telecom : sait-on combien il y a eu de démissions dans la même période et quel est le rapport entre les deux chiffres ?

VdG : tous vont mal. Sur 100.000 employés, 60 c’est très peu : la grande majorité va mal et ne passe pas à l’acte, parce qu’ils ont encore des ressources (psychiques, familiales, sociales...). Des études mesurent les différents symptômes (lire Sylvie Catala, inspectrice du travail « Encore trop d’accidents du travail ») Elle a demandé au procureur de la république l’inculpation de la direction pour mise en danger de la vie d’autrui. (Suicides à France Télécom : le rapport qui accable la direction-rue 89). il y aurait actuellement 1000 personnes vraiment en danger d’aller jusque-là ; arrêts maladie, démissions, il y a mille façons de se dégager.

Intervenante : il y a des moyens de résister, de dire non, de se mettre en colère. À L’Appel des Appels, on voit bien comment la tâche est peu facile. Il y a un travail de déconstruction à faire de ce dans quoi nous sommes pris, pour chacun de nos actes. On a la chance d’être suivis : à chaque rencontre publique que nous avons organisée, nous avons toujours eu du monde pour venir partager avec nous. Il y a tout de même une impasse actuellement : les personnes viennent, on discute, ça fait du bien, mais ensuite qu’est-ce qu’on fait ? Si on descend dans la rue, on se fait piéger aussi, d’une certaine façon ça n’empêche pas ce que nous voudrions empêcher.

Nous travaillons à la déconstruction du discours en termes de psychopathologie ou de pathologie ; il s’agit de stress plutôt que de faille dans le rapport de la personne au travail et à la production. Onretrouve le même discours à l’école à propos de l’échec des élèves. À Bordeaux, L’appel des appels 33 est en train de mettre en place des chantiers sur la servitude volontaire, la manipulation de la langue, la représentation du travail, dans la perspective d’un travail avec les participants aux rencontres de l’Appel des appels et d’une journée de « La colère des métiers », le 22 octobre au Rocher de Palmer à Cenon.

VdG : l’ AdA est le seul lieu qui fait aujourd’hui une analyse politique transversale de cette affaire- là. La sectorisation demande un travail de déconstruction pour chacun : tout ont le même discours sur le fond mais ne voient pas le lien entre tout ça. L’ AdA c’est très très important pour ça : il faut se sauver tous ensemble, on ne sauvera rien de façon parcellaire.

- l’objectif doit être politique.

- Il faut donner des outils de compréhension aux gens là où ils sont.

J’avais été très interpellé par un mail : « en lisant votre livre je me rends compte que c’est pas tout dans ma tête ». Voilà : remettre les choses à leur place.

Se demander « où est-ce que ça sert que je dépense mon énergie pour faire quelque chose ? » j’ai remarqué que lors des manifs pour la retraite, les gens étaient joyeux. Tout était dans ce slogan qui est apparu « je lutte des classes » : là il y a une tentative de reconstruction, mais qui n’a pas une visibilité collective et politique encore très forte. Des microcosmes sont en voie de réussir s’ils appliquent « je lutte des classes » :

- espérance dans la construction d’un autre monde

- solidarité - retrouver les raisons de la colère

- réactualiser cette idée de lutte

- déconstruire pour construire collectivement tous ensemble

intervenant : je trouve qu’il y a en ce moment une ambiance fascisante : dans ces entreprises j’ai l’impression qu’il faut fabriquer un homme nouveau, un surhomme, et que les autres sont plus ou moins à anéantir...c’est violent, choquant, angoissant... je pense qu’en effet il n’y a que la colère tous ensemble qui peut changer tout ça (on ne se met plus en colère : on va voir un psychiatre !)

VdG : « Penser que les choses sont sans espoir et être cependant décidé à les changer » Scott Fitzgerald.

Marie-Claude Saliceti