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L’auteur
Vincent de Gaujelac est directeur du laboratoire de changement
social et professeur de sociologie à l’université
de Paris VII.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « Le coût
de l’excellence », coécrit avec Nicole Aubert,
« La lutte des places», « Les sources de la honte.
»
Il préside le Comité de recherche de sociologie clinique
à l’association internationale de sociologie.
Postulats
Dans l’introduction l’auteur nous montre, à
l’aide d’une courte fiction, la dureté du monde
hypermoderne guerrier et destructeur tout en suscitant l’adhésion
de ses membres. Ce monde n’autorise pas les sentiments humains
et les états d’âmes. Par cet exemple, l’auteur
montre que :
- L’argument de guerre économique participe à
la construction d’un imaginaire social (Castoriadis) qui sert
à l’exercice d’une domination.
- La société est en plein paradoxe dans lequel
l’homme attend des réponses économiques à
des problèmes qui touchent à la signification de ce
qui fait la société. En se consacrant entièrement
à son travail, il se met totalement au service de l’économie
espérant y trouver un sens à sa vie.
Ainsi, l’idée que nous traversons une crise dont les
remèdes sont économiques est entretenue.
Questions et Hypothèses de l’auteur
Dans cet ouvrage l’auteur tente, à défaut d’y
répondre, de trouver des axes de recherches à propos
des questions :
- Pourquoi l’entreprise est-elle devenue ce monde guerrier
et destructeur ?
- Peut-on sortir de cette idéologie gestionnaire, véritable
épidémie qui s’étend bien au-delà
des entreprises du secteur privé?
- Peut-on repenser la gestion comme instrument d’organisation
et de construction d’un monde commun où le lien importe
plus que le bien?
L’auteur émet l’hypothèse que, l’absence
d’une morale sociale et la non prise en compte de notre environnement
serait la résultante du culte de la performance, du toujours
plus. Celui-ci est entretenu par l’idéologie gestionnaire
combinée à certaines pratiques de management où,
le Moi devenu un capital que chacun se doit de faire fructifier,
nous a conduit à ce monde hypermoderne individualiste.
Première partie
Pouvoir managériale et idéologie gestionnaire
Chapitre 1
Le management entre le capital et le travail
Un manager se doit de faire cohabiter les deux pôles opposés
que sont le travail et le capital et de tenir compte des composantes
associées tels que par exemple matières premières,
normes, conditions de travail. Le développement dans les
années 1990 des multinationales et de leur volonté
d’internationalisation et de financiarisation de l’économie
en rend la mission que plus ardue.
L’obsession de la rentabilité financière
L’objectif premier de l’entreprise n’est plus
de s’enrichir,de gagner de l’argent. Il est la bourse
et son cours, les finances. L’économie financière
domine l’économie industrielle. L’équilibre
qui avait été atteint entre le capital et le travail
est rompu. L’homme est devenu une ressource à gérer
en tant que telle : réduction, flexibilité, ajustement
aux lois du marché, flux tendu, … Tout le système
production est impacté, modifié par ces tensions qui
s’exercent sur lui. C’est le cas des ERP qui imposent
leurs règles et normes jusqu’au niveau de la gestion
de la production. L’époque où la qualité
d’un produit faisait la richesse d’une entreprise est
révolu. La stratégie ne gère plus l’entreprise
mais le marché. La nouvelle règle est celle de la
rentabilité immédiate. L’entreprise est un produit
financier et le comptable en est le maître. C’est le
règne du court terme, de la volatilité. L’actionnaire,
soucieux de la rentabilité, dirige l’entreprise par
la gestion des flux financiers. Il incite le dirigeant via les mécanismes
stocks options, la mesure en temps réel de la rentabilité,
à adhérer à cette logique financière.
L’abstraction du capital et du pouvoir
Identifiable jusqu’au milieu du 20ème siècle
le pouvoir est devenu obscur. Il n’appartient plus à
une famille mais à un holding. L’avenir de l’entreprise
n’est plus détenu par le propriétaire, ni par
des actionnaires, mais par des investisseurs institutionnels. Ce
pouvoir impalpable, diffus, fait et défait des montages financiers,
des alliances. Il s’organise en fonction de l’objectif
qu’il s’est fixé : la bourse et son cours.
L’ambition, la peur de perdre son statut, la pression exercée
par les actionnaires n’ayant peu ou prou de considération
pour le travail, conduisent les tops managers à des stratégies
où l’entreprise et le salarié deviennent les
pièces d’un jeu boursier tels que des plans sociaux,
ventes, fusions, …
Le management au service du capital
Aménager, qui a été certainement le sens premier
de manager, à évoluer vers faire du ménage.
La logique industrielle vers celle des finances. Taylor et son principe
de production de masse associé à l’augmentation
des salaires, au partage des profits est loin. Les notions de respect
du travail et du travail rémunéré à
sa juste valeur sont caduques.
Le travailleur n’est pas le seul à subir cette mutation.
Le client est mis lui aussi au service de la bourse. Le marketing
étudie et ne retient que la satisfaction subjective, génère
constamment de nouveaux besoins. Il en est pour preuve l’évolution
des logiciels informatiques. Le calcul de la durée de vie
des produits électroménagers tels que machines à
laver le linge en sont un autre exemple. Le profit est la limite
au principe du client roi.
La globalisation, le développement des délocalisations
des unités de production, la perte de pouvoir des syndicats
et l’individualisation des rapports sociaux défavorisent
le travail.
Pour être considéré, un client doit
donc être soit solvable soit rentable.
L’idéologie de la défense de l’intérêt
des actionnaires (corporate gouvernance), la théorie d’une
économie toujours à la recherche de croissance externe,
la psychologie de folie des grandeurs font que le pouvoir managérial
est sous l’emprise des marchés financiers. Ce sont
bien les propriétaires du capital qui en détiennent
les règles.
Force est de constater que le pouvoir du capital domine tout, même
le politique. Ce dernier est silencieux, quasi impotent. Quant au
manager, il espère conserver son pouvoir, rester indépendant
grâce à la globalisation qui déterritorialise
l’entreprise, la libérant des pouvoirs locaux, législatifs,
des instances politiques. C’est ce qui explique l’accroissement
de la déréglementation, la libre circulation, ainsi
que le développement des multinationales.
Domination des multinationales
Le pouvoir des multinationales avec des valeurs d’actifs
équivalentes à ceux de certains états les égale.
C’était le cas d’EXXON MOBIL qui atteignait en
2000 une puissance équivalente à celle du Chili. Cette
forme de pouvoir, utilise le lobbying et est peu démocratique
et échappe aux politiques, aux moyens de contrôle sur
les flux financiers et du droit du travail mis en place. Les multinationales
modifient l’équilibre fragile établi entre producteurs
et consommateurs. L’exemple frappant du café où
la production a augmenté de 20%, le revenu des producteurs
a diminué de 50% et le chiffre d’affaire des cinq entreprises
dominant ce secteur est multiplié par deux durant la même
période. Au cours des quelques dix ans nécessaires
à la mise en place de cette stratégie, les politiques
sont restés silencieux.
L e pouvoir économique est à l’opposé
du politique en ce sens qu’il est délocalisé,
insaisissable car à géométrie variable, avec
ses propres valeurs. Plus puissant, il s’est imposé.
Une centaine de multinationales domine 50% de la production économique
mondiale.
Liberté pour le capital, déréglementation
pour le travail
Le travail est devenu un marché. Pour mener à bien
le projet de la liberté économique, il faut, pour
les actionnaires et certains politiques, déréglementer
afin de supprimer les contraintes. Ce concept n’est pas partagé
par les travailleurs qui demandent sécurité de l’emploi
et respect des droits du travail. Un fossé s’est crée
entre l’actionnaire qui développe la déterritorialisation
du capital sa libre circulation et le travailleur dont la circulation
est par contre de plus en plus contrôlée.
Deux visions du monde totalement divergentes où les uns
sont préoccupés par le cours de la bourse, et les
autres à trouver de quoi subsister. Ces lois expansionnistes
gouvernent aussi le Fond Monétaire International qui apporte
une aide aux pays les plus nécessiteux en fonction de critères
préétablis (inflation, endettement), de normes, de
l’instauration et du respect de politiques internes austères
qui ne sont plus en relation avec leur situation intérieure.
A l’opposé le Bureau International du Travail tente
d’harmoniser la législation sociale et les conditions
de travail. Pour réaliser cette mission, le BIT met en place
des normes qui, pour être appliquées doivent être
ratifiées par des gouvernants, des patrons et des syndicats
siégeant à l’assemblée. Contrairement
au FMI, le BIT ne sanctionne pas par un refus ou une suppression
de soutient le pays qui n’aurait pas respecté une norme.
Les deux visions sont représentées à travers
l’exemple de ces deux organisations internationales. L’une
centré sur le capital, l’autre sur l’homme.
Force est de constater que les valeurs et règles du premier
affaiblissent considérablement le second. L’idéologie
de la déréglementation, de la diminution de l’état
appliquée au niveau mondial en serait un passage obligé
tout comme la faillite de certains continents.
Chapitre 2
Les fondements de l’idéologie gestionnaire
La gestion s’est, avec les prescripteurs que sont devenus
ses experts, appropriée le monde des affaires. Avec son métalangage,
elle influence tout son environnement. L’idéologie
gestionnaire modifie la vue que l’expert peut avoir du monde
en plaçant l’homme en tant que ressource au service
de l’entreprise.
Gestion et idéologie
Bouilloud et Lécuyer définissent la gestion comme
un ensemble de techniques destinées à rechercher «
l’organisation de la meilleure utilisation des ressources
financières,matérielles et humaines » pour assurer
la pérennité de l’entreprise.
Loin de se définir par son objet comme toute science ex.
: vivant pour le biologique, comportement humain pour la psychologie,
etc.] Elle se définit à travers un but pratique :
Comment faire fonctionner l’entreprise? Pour cela, elle se
décompose en domaines (gestion stratégique, gestion
de production, etc), elle élabore un système du social
avec un ordre de valeur, une conception de l’action à
travers des processus, des normes et autres procédures. Elle
se définit en tant qu’idéologie. Elle se positionne
dans un monde non rationnel, entretient l’illusion de la toute
puissance, de la neutralité de la technologie et dissimule
un projet qui légitime le profit comme finalité. Les
formations et promotions des écoles de gestion en sont le
reflet. Au sein de ces écoles il est principalement question
de quête de l’efficience et non pas l’étude
du pouvoir, de la répartition des richesses. La gestion se
transforme en véritable arme géopolitique. Tout est
orchestré jusqu’au circuit, qui est fermé, aux
acteurs, institutions et revues spécialisées qui se
coproduisent, s’autofinancent, s’autoalimentent.
Comprendre c’est mesurer
L’objectif de rationalité basé sur l’utilisation
de modèles mathématiques supprime des variables non
mesurables afin de prévoir, optimiser le comportement entre
autre de l’individu. Nous pénétrons dans l’ère
de l’ «homo économicus », qui vit dans
l’univers abstrait des mathématiques. Le subjectif,
l’émotionnel et l’irrationnel n’y ont plus
leur place, car étant non mesurables, ils ne sont pas fiables.
Mais c’est oublier que mesurer c’est aussi comprendre.
Pour cela il est nécessaire d’intégrer la raison,
qu’homo économicus a savamment exclus. C’est
elle qui aide à la compréhension donc à l’analyse.
Le rationnel se contente de filtrer afin de supprimer ce qui peut
déranger. Le risque de la quantophrénie maladie de
la mesure] est bien là.
L’organisation est une donnée
La théorie du « fonctionnalisme » rapporte les
phénomènes sociaux aux fonctions qu’ils assurent.
L’organisation est de ce fait considérée comme
un système dont la finalité est de se reproduire.
Les écarts, niveaux de croissance attendus par rapport aux
normes, paramètres qualifiants optimum ou minimum sont évalués
avec des modèles mathématiques.
Cette théorie recherche, par une analyse des mécanismes
d’adaptation de l’individu, à adapter celui-ci
à l’organisation. Le risque de cette approche plus
normative qu’explicative est de s’éloigner de
la compréhension des mécanismes des fondements du
pouvoir, de l’ordre auxquels les acteurs doivent se soumettre
en pleine connaissance de causes.
Le règne de l’expertise
Le modèle de l’organisation scientifique du travail
est l’exemple référence des « sciences
» de gestion. Son objectif est d’améliorer le
rendement par l’exécution de modes opératoires,
résultats d’une observation et d’une analyse
du travailleur par un expert. La méthode ne consiste donc
pas à effectuer une recherche des causes entre différents
éléments à partir d’expériences
répétées. De fait, la gestion, par sa recherche
du comment et non du pourquoi, ne possède pas les fondements
scientifiques du modèle expérimental. C’est
le pouvoir technocratique, qui nous impose ses modèles, qui
représentent le monde à travers des lois statistiques
où tout raisonnement et toute justification sont fondés
sur des indicateurs, tableaux de bord, normes. Le travailleur est
analysé comme n’importe quelle autre ressource de l’entreprise
par un expert qui est juge et maître du savoir. Par contre,
il est rare en ce qui concerne l’activité humaine,
de pouvoir déterminer l’impact d’une modification
d’un facteur sur les autres. Ceci d’autant plus que
ce domaine évolue dans un environnement qui change en permanence
et de plus en plus vite.
La réflexion au service de l’efficacité
La recherche permanente de l’efficience, de la rentabilité
a engendré l’utilitariste.
Il faut appliquer la méthode dit « approche solution
» où tout problème doit en avoir une. Celle-ci
pour être pertinente doit être opérationnelle.
La connaissance est produite à partir des critères
d’efficience et de rentabilité. La critique sera acceptée
sous réserve d’être positive. C’est-à-dire
qu’elle doit aller dans le sens de l’amélioration
de la performance. Tout ce qui ne peut s’insérer dans
ce schéma est exclus pour irrationalité. Cette doctrine,
où l’utile est la source de toutes les valeurs, va
de paire avec le conformisme.
L’humain est une ressource de l’entreprise
Le pouvoir de la gestion s’étend à l’ensemble
de la société. Cette science du capitalisme se réalise
dans la production, la consommation, la politique, l’éducation,
le droit, …
Les aspects négatifs de ce paradigme utilitariste que sont
le pillage des matières premières, le stress, le harcèlement
moral, et bien d’autres encore, ne peuvent justifier la quête
du moindre coût, la croissance et la satisfaction des consommateurs.
Les sciences de gestion représentées par les spécialités
telles la finance, la stratégie, la comptabilité se
sont heurtées au domaine de l’humain. C’est l’origine
des ressources humaines avec ses deux présupposés
que sont, « l’homme est un facteur de l’entreprise
» et « l’homme est une ressource de l’entreprise.
» Ainsi sont inversés les rapports entre l’économie
et le social qui voulaient que le développement de l’entreprise
permette d’améliorer le bien être de l’homme.
Ce concept qui veut que l’on mesure la valeur de chacun par
rapport à des critères purement financiers accentue
à outrance l’idéologie de la réalisation
du soi-même, l’exploitation des ressources au service
du profit du gestionnaire. L’homme vit dans un monde où
le temps est celui de l’entreprise, un temps abstrait qui
le déconnecte de ses besoins. Les temps improductifs, tels
les vacances, deviennent insupportables au gestionnaire et l’homme
doit s’adapter à ce « temps - entreprise. »
Chapitre 3
Le management, la qualité et l’insignifiance
La qualité dans les années 1990 succède au
thème de changement et de l’excellence.
Le management par la qualité devient le nouveau modèle
et est soutenu par des instituts européens tel que l’EFQM.
Les « concepts clés » de la qualité
La qualité est représentée par la formule
:
Qualité = excellence = réussite = progrès
= performance = engagement = satisfaction des besoins = responsabilisation
= Qualité.
- Excellence : pratique exceptionnelle de management d’une
organisation. Et l’obtention de résultats basés
sur 8 concepts : l’Excellence des résultats concernant
la performance, les clients, le personnel et la collectivité
est obtenu grâce au leadership qui soutient la politique et
la stratégie qui gère le personnel, les partenariats
les ressources et les processus.
- Réussite : peut se substituer à l’excellence.
La qualité en est le moteur et conduit à ce que chacun
soit le meilleur. Cette obligation d’être toujours meilleur
en permanence engendre de nombreux perdants.
- Engagement : c’est la clé de la réussite
avec le manque d’implication comme clé de l’échec.
L’idéal individuel devient l’idéal collectif,
la réussite de l’entreprise dépend de tous.
- Le progrès : ne pas progresser signifie stagner. Le progrès
est donc une démarche continue dont le moteur est le client.
Le progrès n’étant pas toujours bon et il peu
y avoir des phases de régression. Il se mesure à l’implication
de l’agent dans la productivité.
- La performance : «mesure des résultats obtenus par
un individu, une équipe, une organisation ou un processus»
Elle est la finalité recherchée. Appréciée
dans une logique de compétition il en résulte un détournement
du travail qui n’est plus l’exécution d’une
tâche en un temps donné mais la réalisation
de performances.
- Satisfaction des besoins : terme difficile à définir
de part l’évolution constante de la logique de consommation
non par rapport à des nécessités utilitaires
mais à des désirs de distinction. Ces derniers sont
du domaine humain, changeants, ambivalents et ne répondent
pas aux rationalités économiques. L’entreprise
va donc chercher à canaliser les besoins et les orienter
vers son offre. La fidélisation du client en est le reflet,
et l’entreprise ne s’intéressera à lui
que s’il est solvable et s’il lui permet un accroissement
de ses parts de marché. L’excellence est fonction de
l’équilibre atteint entre les différents acteurs
et de la satisfaction des parties prenantes de l’organisation.
Le discours de l’insignifiance
L’analyse des discours des dirigeants révèle
que nombreux d’entre eux n’apportent aucune indication
quant à la qualité, le sens et la réalité
de l’action de l’entreprise. Il s’agit de l’insignifiance
du discours, c’est à dire qu’il se referme sur
lui-même. Didier Noyé a crée une matrice de
mots qui, associées, peuvent former des phrases dont les
mots peuvent être permutés et former une nouvelle phrase
qui n’aura pas plus de réelle signification que la
première. Ceci est du à ce que les termes utilisés
sont à sens multiples, voir même contradictoires. Par
contre, leur positivisme annule la complexité, la contradiction,
et accentue la volonté d’affirmer des valeurs et une
confiance apparente. L’objectif est d’obtenir l’adhésion
notamment à la qualité. Ce qui est incohérent
car la qualité devrait être construite sur du concret
et non sur de l’idéal qui risque de désinvestir
le travailleur de sa tâche. C’est le cas de l’utilisation
des indicateurs pré établis et non ceux de l’agent.
La « non prescription » normalisatrice.
Il s’agit ici du double langage et l’EFQM en est un
excellent ambassadeur. Identifier les bonnes pratiques d’une
entreprise à l’aide d’une suite de prescriptions
dans un cadre non descriptif, doit permettre d’optimiser la
route de l’excellence. Le fait d’agir sans règlement
obligatoire, mais plutôt suite à ce qui semble être
une proposition donne l’impression d’évoluer
dans un cadre non prescriptif. En réalité, l’agent
est invité, sollicité à s’impliquer dans
une démarche raisonnée, à s’auto évaluer
à l’aide de guides pratiques. Il se met lui même
en compétition, se fixe des objectifs de plus en plus ambitieux.
L’agent accepte tout et, de fait, subit un pouvoir de plus
en plus intense. Le processus est bouclé par la distribution
de prix, de médailles encourageant les entreprises à
appliquer la démarche car elles sont positionnées
par rapport aux autres par un organisme extérieur. L’avantage
est que ceci fournit un objectif simple au personnel, que toutes
les parties prenantes sont mobilisées et que les ressources
humaines sont revalorisées. L’agent s’autorise
à penser que la démocratie est entrée dans
les entreprises.
La quantophrénie ou la maladie de la mesure.
La méthode proposée par EFQM est de décomposer
en sous éléments, eux-mêmes décomposés
en sous éléments,eux-mêmes disséqués.
Ainsi le résultat sont des grilles de mesures extrêmement
complexes rendant illusoire la compréhension de la maîtrise
de la réalité. Il est contradictoire de vouloir atomiser
la qualité d’un système à un élément
alors que le résultat est du à la synergie de l’ensemble.
Cette maladie de la mesure permet de se rassurer par rapport à
l’incertitude de la réalité rendant ainsi illusoire
sa maîtrise.
La qualité, une figure du pouvoir managérial.
La qualité est un vrai sujet de luttes de pouvoir, de dominations
alimentées par les experts qui recherchent la convergence
d’intérêts des membres de l’entreprise.
A l’origine, la méthode qualité appliquée
à des machines, produits l’est maintenant à
l’organisation humaine, au système social, environnements
par définition peu stables dans le temps. D’autres
confusions s’installent, telle celle assimilant conflit et
dysfonctionnement. L’idéologie de grandes entreprises
est véhiculée par leur certification par l’EFQM.
Leur caractéristique commune est de gérer l’être
humain rationnellement avec le but d’optimiser les résultats
financiers par maximisation d’un produit et minimisation des
coûts. Ainsi l’homme est donc réduit à
un facteur, comme les autres, dont on mesure ce qu’il apporte
à l’entreprise et non ce qu’elle lui apporte.
Pour atteindre ce résultat, il faut que l’individu
adhère aux valeurs telles que la flexibilité, la communication,
la réactivité, la motivation, la mobilisation psychique
mises au service des objectifs de l’entreprise. Ainsi le pouvoir
consiste à structurer l’espace dans lequel les décisions
seront prises et à définir les principes qui serviront
de référents. Le pouvoir managérial impose
des procédures, des normes, des principes intériorisés
laissant naître ainsi le pouvoir de l’expert tel le
qualiticien. Soumission volontaire puisque l’individu y adhère
et participe à l’élaboration de normes, de prescriptions
organisationnelles représentées sous des formes variées
tels que les tableaux de bord. Il est intéressant de constater
l’ambiguïté de ce management qui affiche le développement
de l’autonomie, mais qui en réalité met en place
des dispositifs organisationnels, véritables prescriptions
de dépendance.
La fausse neutralité des outils de gestion.
Les directions de l’entreprise légitiment leurs décisions
en se référant aux outils de gestion construits sur
des présupposés peu explicites, des logiques et règles
de calculs diverses et implicites. Les modélisations mathématiques
imposent des schémas mentaux où la réflexion
n’est pas de mise. C’est le cas des tableaux de bord
qui modélisent la réalité et donne le sentiment
d’objectivité, de transparence et d’équité
là où règnent concurrence, contradiction, complexité.
Ce sont les semblants de qualité et neutralité qui
rendent ces tableaux de bord indispensables et font qu’ils
occupent une place centrale dans l’entreprise.
Résistance et désillusion.
Souvent la démarche de la qualité totale est considérée
comme un obstacle au travail. Suivre avec les procédures
amène l’agent à de la non productivité
car elles sont souvent porteuses d’incohérence entre
elles, telles celle du management par objectifs, et celle d’évaluation
du travail en équipe. Face à des procédures,
l’agent va souvent émettre une résistance tel
le clivage entre le moi organisationnel et le moi véritable
que l’individu a en dehors de l’entreprise. Certains
mettent en place une stratégie qui consiste à se laisser
instrumentaliser, à adapter son comportement, entre autre,
aux variables d’évaluation. D’autres vont résister
en agissant en fonction de ce qu’ils pensent correct. Et enfin
il en est qui pratiqueront la grève du zèle, stratégie
collective et transitoire qui consiste à appliquer à
la lettre les consignes jusqu’à bloquer le système.
Chapitre 4
Les caractéristiques du pouvoir managérial
La modernisation et la mondialisation ont amené un modèle
où la soumission des individus aux injonctions paradoxales
se substitue au mode de gestion basé sur la discipline.
Du pouvoir disciplinaire au pouvoir managérial
L’entreprise managérial est un système socio-psychique
qui transforme l’énergie psychique en force de travail.
Cette technique est basée sur les principes suivants :
- Du contrôle du corps à la mobilisation du désir.
Le pouvoir managérial cherche à transformer de l’énergie
libidinale en force de travail par l’économie du désir
exalté et la mobilisation psychique au service de l’entreprise.
- De l’emploi du temps réglementé à
l’investissement de soi illimité. La psyché
ne devient force utile que si elle est à la fois énergie
productive et énergie assujettie. La surveillance est portée
sur les résultats. Ce qui est recherché, c’est
la disponibilité permanente afin que le maximum de temps
soit consacré à la réalisation des objectifs.
Pour y parvenir, il devient nécessaire d’abolir le
temps, les frontières entre le monde du travail et le privé.
A ce titre, un slogan publicitaire disait : « être joignable
n’importe où, à n’importe quel moment,
c’est la liberté d’être branché.
» Dans notre monde, téléphone et ordinateur
portables sont le prolongement du bureau à l’extérieur
de l’entreprise. C’est le concept du bureau virtuel.
La rigueur de la gestion du temps devient quasiment inutile car
tout devient urgent et la disponibilité permanente est acceptée
par l’agent. Conséquence logique du désir de
réussir.
- De la soumission à l’engagement dans un projet.
Le système managérial gouverne par la réalisation
de projets et l’autonomie mentale contrôlée.
Il est impératif que l’employé s’identifie
à l’entreprise et soit porteur de ses valeurs. Initiative
et créativité sont les bienvenues si elles se situent
dans le cadre des orientations de l’entreprise. Les chartres
d’entreprises agissent dans ce sens en stimulant les désirs
et mobilisation subjective. Le management doit, par le développement
et la canalisation de cette énergie, amener chacun à
adhérer et participer au projet d’entreprise. Ce dernier
évoluera certainement dans le temps et l’espace. L’objectif
premier de l’entreprise est financier, mais le projet entreprise
est du domaine des ressources humaines positionnant ainsi chaque
service à la fois en tant que centre de profits et centre
de coûts.
L’adhésion est univers paradoxal.
La gestion managériale s’oppose à celle de
Taylor. Max Weber a montré que l’homme travaille pour
son salut et pas seulement pour l’argent. Passer d’un
idéal individuel à collectif n’est pas simple.
Pour cela le manager est aidé à la base par les procédures
de recrutement afin d’intégrer un employé le
plus proche du modèle de comportements attendus. Le rôle
du manager est un rôle de décisions permanentes dans
un monde de
paradoxes, de contradictions (autonomie et monde hyper contraignant,
créativité et monde hyper rationalité), source
de cette nouvelle violence psychique. Le plus grand des paradoxes
du manager est que plus il réussit et moins il est autonome
car il s’identifie de plus en plus à l’entreprise
qui lui donne la possibilité d’assouvir ses fantasmes
de toute puissance.
Un sentiment de toute puissance qui rend impuissant
L’entreprise demande à chacun d’être
entrepreneur dans un réseau flexible et un univers virtuel.
L’employé devient libre mais en contre partie accepte
entre autre le poids des normes, de l’autonomie contrôlée
en temps réel. L’individu évolue dans un système
informel, interactif et poly centré. C’est un monde
de négociations et d’engagements sur résultats.
L’illusion d’infini qui est offerte au pouvoir et à
l’expansion, en jouant sur le narcissisme de l’individu,
le conduit à vivre avec la crainte permanente d’échecs
qui le feraient rejeter du système. Cette crainte entraîne
directement à l’idéal de la qualité totale
et de ses zéros défauts. Tout est conçu pour
un monde et des êtres parfaits. L’agent n’est
plus dans un monde réel, humain, mais dans un monde où
l’idéal est une norme à appliquer et où
il est toujours en défaut. Cet état est en fait source
de tension qui se transformera en énergie productive canalisée
sur les objectifs de l’entreprise.
Une soumission librement consentie
Ce monde imaginaire met en synergie les dysfonctionnements organisationnels
et psychiques comme par exemple avantages et contraintes, satisfaction
et angoisse. L’individu éprouve de grandes difficultés
à se sortir de la spirale dans laquelle il est entraîné
car sont mis en jeu les mêmes processus que le lien amoureux.
La réussite de l’entreprise est réduite au domaine
du psychologique : sécurité, souffrance, dépression,
…
L’individu, en cultivant son autonomie, augmente donc sa
dépendance car le pouvoir est à la fois subi et exercé.
Ainsi comment analyser et critiquer lorsque l’on est à
l’intérieur du système, car on est alors juge
et partie. Comment pousser une voiture lorsque l’on est à
l’intérieur ? Ce qui, par conséquent, rend la
contestation et le contre pouvoir extrêmement difficile. Il
ne peut s’agir d’une quelconque aliénation puisque
l’individu est le principal moteur de ce mécanisme.
La demande d’adhésion est si forte que l’agent
n’osera parler de contradictions mais plutôt de dysfonctionnements
dans les problèmes à résoudre. Tout faire pour
que le système fonctionne est l’objectif que chacun
se fixe. L’entreprise n’est donc pas incohérente
parce qu’il y a moins de temps pour faire plus puisque les
mangers sont à la fois les produits et les producteurs de
ce système. La conséquence est que, si l’objectif
n’est pas atteint, le manager se déclare donc incompétent
et n’aura plus qu’à partir. Cette logique, il
l’appliquera à ses collaborateurs et ainsi de suite.
Mais dans la pratique, cette adhésion n’est souvent
que partielle, faisant des managers des maîtres du double
langage.
Chapitre 5
La morale des affaires
Les grandes entreprises possédaient une étique, une
morale inculquée à chacun. C’est ainsi que la
réussite financière d’un individu devait s’accompagner
d’un investissement social. En fait l’argent n’était
pas une fin en soi. Mais le fossé entre l’éthique
des employés et celle que propose l’entreprise se creuse.
Au niveau individuel la morale est loin des principes normalisateurs,
mais plus centrée sur le soi et par conséquent diverge
radicalement de celle de l’entreprise qui demande une adhésion
totale à ces objectifs. La règle en vigueur serait
plutôt « faites ce que je dis, ne faites pas ce que
je fais. »
Le capitalisme a perdu son éthique
Il est fréquent de constater l’énergie dépensée
à justifier les incohérences, les injustices telles
l’enrichissement des uns et l’appauvrissement des autres,
les profits accompagnés de licenciements. Ainsi
s’explique l’apparition de l’entreprise citoyenne,
sa responsabilisation sociale. Par contre, des substitutions s’opèrent
: logique de rentabilité maximale par la morale du bien commun,
l’exclusion des moins performants par la morale du risque,
logique d’obsolescence par une morale d’innovation.
- La morale du bien commun déculpabilise les acteurs du
capitalisme, car le profit individuel débouche sur le bien
commun.
- La morale du risque valorise l’actionnaire dynamique et
courageux. Le mérite et la récompense financière
est d’autant plus importante que le risque est élevé
par une bourse est chaotique.
- La morale d’innovation, de progrès est certainement
la meilleure publicité de l’entreprise. La croissance
est le moteur du progrès, et le profit engendre le bénéfice
nécessaire à l’entreprise, à la société.
Le marché est le régulateur du système.
L’intérêt individuel conduit à supprimer
toute opposition au capitalisme et à développer une
compétition généralisée se traduisant
par enrichissement et appauvrissement, profit et plans sociaux.
Il devient alors nécessaire d’expliquer ces contradictions,
d’éviter l’antagonisme entre le capital et le
travail. L’employé quant à lui doit intégrer
la logique financière comme nécessité, devenir
un petit actionnaire, consommateur, retraité.
Les sciences de la gestion par le biais de méthodologie,
ont traduit la production en indicateurs de rentabilité transformant
ainsi tout en valeur marchande. Ce qui ne peut être comptabilisé
est écarté.
L’éthique de résultats
Les analystes qui analysent les entreprises requièrent des
éléments de plus en plus précis alors que l’environnement
est de moins en moins fiable. Les entreprises, afin de satisfaire
les investisseurs, mettent en place des montages financiers qui
leur permettent de sortir des dettes ou des actifs de leurs bilans,
d’augmenter leur richesse immatérielle telles que les
marques, de modifier leur périmètre par le jeu des
acquisitions et fusions.
Afin de s’armer contre l’opacité des résultats
et les valeurs des entreprises, l’union européenne
va élaborer des normes comptables. Il est intéressant
de noter que le financier rémunéré en fonction
des résultats commerciaux n’a pas les mêmes valeurs
que l’auditeur qui évalue la performance des prévisions
de celui-ci.
Le monde de la finance possède un langage efficace et qui
répond à 2 postulats :
- La rationalité : les décisions sont prises objectivement
après un examen approfondi des différentes alternatives
et conséquences probables.
- La neutralité des outils occulte les enjeux de pouvoir
et les différentes conceptions des parties prenantes de l’entreprise.
Ce langage est malheureusement déconnecté de la réalité,
trop renfermé sur lui-même, du fait qu’il est
réservé à une élite issue du même
milieu.
Les affaires et la morale
La transparence pourrait être opposée à cette
opacité et permettrait au décideur d’équilibrer
les pôles économiques et humains. Elle pourrait apporter
une morale et diminuer cette crise qui sépare économie
et morale. Combien de dirigeants ont été limogés
comme de véritables escrocs après avoir été
médaillés pour leurs résultats? Combien avancent
cette opacité pour masquer les causes réelles des
problèmes? Cette conduite n’empêcherait pas la
malhonnêteté, mais éviterait à certains
de d’avancer celle-ci pour masquer les causes réelles
de problèmes.
Lorsque l’argent devient une fin en soi, la morale est souvent
bafouée, car elle ne fait pas bon ménage avec le business.
La définition que fait Kant de la morale - « ne jamais
traiter la personne humaine que comme une fin en soi » - est
en contradiction avec les principes de gestion :
- L’approche expérimentale et objective considère
les individus comme des objets dont on cherche à mesurer
les comportements.
- L’utilitarisme conduit à traiter l’homme comme
un moyen et comme une fin.
- La rationalité instrumentale conduit à le considérer
comme un facteur, au même titre que les autres financiers,
économiques, logistiques, de production.
- L’économisme conduit à prendre en compte
le personnel comme une variable d’ajustement face aux exigences
du marché.
Ce qui signifie que les managers seront toujours soumis à
une tension entre leur éthique et leur fonction. Par définition,
la gestion ne peut donc être morale. Le changement ne peut
se produire qu’en pensant l’entreprise autrement.
L’individu ne croit plus à l’entreprise en tant
qu’alternative à une société défaillante.
Son adhésion est partielle, le temps de profiter des avantages
que lui apporter l’entreprise.
Le fordisme a démontré en son temps et sans l’idéaliser
la possibilité que logique financière, salariale et
commerciale pouvaient se combiner et cohabiter. Pour aboutir à
des compromis entre profit, c’est à dire survie de
l’entreprise, et morale qui n’est autre que la prise
en considération de l’homme, il est important de clarifier
les intérêts de chacun. Le capitalisme a pris le pas
sur les autre formes de gestion et la précarité augmente.
Le capitalisme de Ford a perdu ses vertus et devient injuste. Ne
pourrait-on donner raison à Marx ?
Business is war
Le seul ennemi d’une grande entreprise est le concurrent.
Pour survivre, il faut augmenter ses parts de marché. L’ère
de la guerre économique est présente avec le slogan
« combattre pour ne pas être vaincu ».
Les principes de la guerre où tous les coups sont permis,
les mensonges deviennent des qualités, sont appliqués.
La morale classique n’a plus court. La pression (harcèlement,
plans sociaux, licenciements) est un ingrédient très
utilisé à des fins de rentabilité.
Face à ce constat, il est important de se poser les questions
telles que : comment l’éthique de résultats
a-t-elle pu s’imposer avec des inégalités de
répartition de richesses croissantes ?
Marcel Gauchet apporte comme réponse : la mort des dieux.
Leur disparition fait disparaître du même coup la possibilité
d’un monde enchanté, l’impossibilité d’échapper
à la condition humaine. L’homme va donc essayer de
construire le monde puisqu’il ne lui est plus donné.
L’homme ne se satisfait pas de ce qu’il a et entre dans
une logique à trois dimensions : comprendre, maîtriser
et accroître.
Deuxième partie.
Pourquoi la gestion rend-elle malade ?
Chapitre 6
On ne sait plus à quel saint se vouer.
Les symboles de base de la culture d’entreprise sont en pleine
mutation. Il en résulte une perte de repères et d’adhésion
de la part des employés. L’exemple des licenciements
alors que l’entreprise est saine est certainement celui qui
nous interpelle le plus de nos jours. Force ensr de constater que
ce qui donne du sens au marché en fait perdre au travail
humain et à ses significations premières.
C’est la seule décision qui avait du sens
En 2001, la fermeture de 38 magasins de Marks & Spencer a provoqué
immédiatement la hausse de 7% de l’action. C’était
dixit le PDG « la seule décision qui avait du sens
» car l’objectif était de rendre plusieurs milliards
d’euros aux actionnaires qui, au-delà des pertes d’emplois
qu’engendrerait une telle décision, ne se considéraient
pas assez rémunérés.
Cet exemple met en perspective les différents sens des employés
et du patron, véritables révélateurs de la
désymbolisation. Les uns comptent sur leur salaire pour vivre
alors que les autres pensent chiffres et résultats financiers,
seul monde réel à leurs yeux.
Cornélius Castoriadis fournit deux significations imaginaires
et sociales qui animent le monde occidental moderne :
- Le projet d’autonomie individuelle et collective. La lutte
pour l’émancipation de l’être humain aussi
bien intellectuelle et spirituelle qu’effective dans la réalité
sociale.
- Le projet capitaliste démentiel, d’une expansion
illimitée, d’une maîtrise rationnelle qui a cessé
de concerner seulement les forces productives et l’économie
pour devenir un projet global d’une maîtrise totale
des données physiques, biologiques, psychiques, sociales
et culturelles.
Ces deux approches sont éloignées l’une de
l’autre, avec un conflit d’intérêt marqué
pour le capital et le travail, d’autant plus que la solidarité
collective du monde travail est peu exprimée de nos jours
alors que l’intérêt individuel et financier se
développe.
Le sens du travail est mis en souffrance
Les 5 éléments significatifs du travail sont
:
- L’acte de travail : éloigné du concret,
perdu dans l’abstrait, le sans frontière.
- La rémunération : indépendante de la
qualité et du travail fourni.
- Le collectif du travail : quelles que soit les organisations
(branche métier, corps professionnel) il disparaît,
et la compétition remplace la collaboration. Les conflits
et revendications ne sont plus gérés.
- L’organisation du travail devient virtuelle, permanente
et instaure la flexibilité en tant que norme.
- La valeur du travail n’est plus attachée à
la qualité de la réalisation mais plus à l’adhésion
à un système.
Dans le monde du concret, la qualité se mesure et est souvent
intuitive. Un moteur marche ou ne marche pas. Le collectif de part
sa connaissance du monde réel a un rôle d’instance
protectrice vis à vis de l’extérieur et permet
à chacun de s’auto-évaluer, d’évaluer
chacun. Il donne du sens au travail et est l’interface entre
le sens du prescrit par une institution et l’argent.
Le sens prescrit par les institutions inscrit l’activité
dans les mémoires socialement définies et légitimées.
Le sens produit par le sujet renvoie à son histoire. Tout
individu a besoin de donner du sens à son travail afin de
s’accomplir tout en accomplissant sa tâche.
La tertiarisation a introduit la subjectivité. C’est
la qualité d’un service rendu qui est mesurée,
souvent sous la forme d’un jugement, et non plus celle d’un
produit concret. La subjectivité est introduite dans les
objectifs. Résultats de l’univers managérial
qui exclu ainsi le non rentable, le non utile. Le sens de l’acte
n’a d’intérêt que s’il rapporte.
Les autres sens, valeurs de l’individu, sont donc écartées
par le système et le mettent en conflit avec lui-même
car son adhésion n’est que façade.
Entre le non-sens et l’insensé
La modernisation du service public en introduisant de nouvelles
valeurs telles que rentabilité, efficacité et qualité
transforme la fonction bureaucratique de l’agent. Elle le
positionne dans un système financier.
Ainsi à la poste le guichetier, imprégné de
la culture service public et de sa logique administrative, est managé
de nos jours par commissionnements et intéressements pour
développer son approche commerciale.
Cette logique commerciale, où la chance joue un rôle
non négligeable, l’agent n’y a pas été
préparé. L’individu, en réaction à
cette forme d’injustice, tourne parfois le système
en dérision. Ce mécanisme de défense, en réalité,
dévalorise l’individu lui-même. C’est ainsi
que la désynchronisation entre valeurs, sens du travail et
les dispositifs de reconnaissances, d’évaluation engendre
une crise de synchronisation.
L’individu face à lui-même.
Si les contraintes sociales et les morales perdent de l’importance,
notamment par rapport au tout économique, alors l’individu
est abandonné à lui-même avec le sentiment de
ne pas contribuer au bien collectif. De fait, son travail ne fait
plus sens.
La souplesse et la flexibilité deviennent obligatoires dans
le but de pouvoir s’adapter à des changements parfois
totalement opposés, contradictoires.
La concurrence exercée développe l’esprit d’initiative
à outrance, l’individualisme dans un environnement
prescriptif alors que la coopération serait nécessaire.
Les critères d’évaluation sont instables de
part la nature abstraite du travail ainsi que de la contribution
de l’individu.
Dans l’entreprise l’informel est très important.
Il est question de sécurité de l’emploi, de
fidélisation, de promesses d’évolution et de
bien d’autres règles non écrites. Tous ces contrats
implicites ont disparu avec la révolution financière
des années 1990. Les licenciements des salariés dits
« vieux », les fermetures d’usines même
rentables sont des exemples parmi tant d’autres où
les managers trahissent les engagements pris, provoquant ainsi la
rupture du contrat social.
Les valeurs de l’entreprise se substituent aux valeurs sociales,
celles du bien à celles du mal. La qualité première
d’un individu est sa réussite financière. Pour
cela, l’individu doit projeter son idéal d’avenir
dans celui de l’entreprise et introjecter les valeurs de celle-ci
pour le sien. Mais plus l’individu aura le sentiment de réussir,
et plus il perdra de son autonomie et, par conséquent, le
sens de la réussite.
Chapitre 7
La puissance de l’argent
Quelle sont les mécanismes qui mettent en œuvre une
logique financière et qui inhibe toute opposition, voir qui
provoque l’adhésion de la part de ceux qui sont responsables
de la mettre en œuvre ?
La réussite, une valeur pervertie
La réussite trop facile, la chance, ne donnent pas forcément
le sentiment du bien mérité, au contraire. Ceci étant,
la notoriété d’un individu est directement liée
à sa réussite financière. La différence
de rémunération entre l’infirmière et
le présentateur vedette d’émissions de télévision
n’en est qu’un des exemples. L’aboutissement logique
où l’on mesure une réussite aux revenus est
l’abandon de la morale. Ainsi le montre les affaires de corruption
à un haut niveau managérial. L’abnégation
de soi, le bien collectif ne sont plus d’actualité
à contrario d’une perpétuelle compétition.
La main invisible va permettre de trier les individus en fonction
des résultats de la compétition engagée et
de passer d’un état d’émulation à
celui de survie au sens animal, condamnant le moins résistant.
Des organismes mondiaux tels le « World Economic Forum, the
Institut of Management Development », ont mis en oeuvre un
classement des entreprises en fonction de leur compétitivité,
facteur important quant à la confiance des marchés
financiers, des décisions des investisseurs. L’impact
est le développement d’un schéma de guerre avec
ses acteurs et stratégie qui, de plus, réduisent le
rôle de l’état à celui d’un acteur
parmi les autres.
Je veux être un numéro
Danone pour être en avance sur ces concurrents et rester
le leader du marché, lance en 2001, bien que totalement rentable,
une politique de restructuration drastique. Les actionnaires doivent
être rassurés de voir l’entreprise gérée
avec dynamisme. Les salariés quant à eux devraient
en percevoir les effets positifs sur le long terme. Le boycott des
produits lancé par les salariés des entreprises devant
fermer provoque une scission avec les plus chanceux, mettant ainsi
en avant une absence de solidarité de classe. Ainsi peut
apparaître une incompréhension entre le patron et le
salarié, d’autant plus importante pour le patron qu’il
se sera entouré d’une structure sociale pour accompagner
les départs dans les meilleures conditions.
Quelle est alors pour l’entreprise la signification
d’être numéro un ?
Eliminer ses concurrents, transformer sa production en champ de
course, être toujours devant les autres. Ainsi la mégalomanie
des dirigeants se trouve-t-elle banaliser, tout comme la guerre
économique naturalisée.
L’évolution du capitalisme ne doit pas être
réduite au désir de toute puissance du dirigeant.
Il faut être vigilant aux dérives de la mise en compétition
de chacun en laissant de côté la collectivité.
Car c’est ainsi que la rationalité économique
ne peut plus intégrer l’environnement humain.
L’argent entre le besoin et le désir
Le paradoxe est atteint lorsque, dans le cadre d’une mission
de fermeture d’usine, le PDG demande une augmentation de ses
revenus. Mais quels sont les critères indiquant à
ce dernier qu’il n’est pas rémunéré
à sa juste valeur. Qu’est ce qui justifie qu’un
homme reçoive en échange d’un plan de licenciements
un équivalent de 1000 ans de salaires d’un employé
? Actuellement les 1% de plus riches ont un revenu égal à
57% des plus pauvres, les 3 personnes les plus riches possèdent
une fortune supérieure au PIB des 58 pays les plus pauvres.
Force est de constater que l’argent ne permet plus de mesurer
la valeur des choses ou des gens, mais il permet de mettre en avant
de désir, la folie des écarts, répondant à
des règles de plus en plus distantes de la réalité
du travail. La monétarisation des activités donnant
du sens, l’évaluation de la qualité de la vie
par rapport à ce qu’elle coûte, à ce qu’elle
rapporte, aboutit à faire éclater le domaine du symbolique.
L’argent est le moyen de se réaliser, d’accomplir
tous ses rêves, de supprimer tous les obstacles. Il est devenu
une fin en soi. Nous sommes dans l’imaginaire, le désir.
Sans limite morale l’argent devient dangereux. Les limites
entre le réel et le symbolique, transforme les désirs
en besoins, l’imaginaire en réel. Une fois atteint,
l’imaginaire n’en est plus un, rendant ainsi le désir
à satisfaire, de plus en plus grand, tels les effets d’une
drogue.
La course au toujours plus
Les mouvements des marchés qui permettent aux acteurs responsables
de toucher des commissions, engendrent de façon mécanique
d’autres changements déterminés, de plus en
plus fréquents, nécessitent une grande réactivité
et provoquent à terme une hyperactivité. Chaque action
doit être planifiée, avoir une suite, se rendant ainsi
indispensable à un ensemble qui n’est pas pour autant
réaliste. Ainsi l’angoisse de l’inactivité
est combattue avec la mise en place de cette chaîne de dépendance.
L’analyste financier est un représentant de ce type
d’obligations où l’on arrive à travailler
pour des choses auxquelles on ne croit pas forcément, amenant
ainsi à se poser la question sur le sens de sa mission, si
ce n’est d’avoir des revenus supérieurs aux collègues.
La compétition est bien là : plus d’argent
que les autres. L’individu est «le nez dans le guidon.»
Il vit en permanence avec le stress. Plus de place au désoeuvrement
qui est source de réflexion, de prise de conscience,de remise
en cause. Ce désir de toujours plus, d’expansion infinie
va au-delà de la nécessité économique
et touche plus les dirigeants que l’employé de base.
La guerre économique est alors un alibi qui alimente la peur,
qui alimente à son tour l’aliénation dans le
toujours plus.
Chapitre 8
La gestion de soi
Après le Taylor et l’instrumentalisation de l’homme,
la technocratie et la normalisation de l’homme, la gestion
managériale développe la rentabilisation de chaque
individu, sa productivité à chaque étape de
sa vie tels, par exemple, les diplômes qu’il doit acquérir
comme preuve d’employabilité.
Le capital humain
Norbert Bensel, directeur de ressources humaines de Daimler-Chrysler,
considère les collaborateurs comme faisant partie du capital
de l’entreprise. A ce titre, le coût de la vie humaine
est calculé : combien coûte de fabriquer un médecin,
combien rapporte-il à la société ? Ce calcul
s’opère aussi bien au niveau de l’entreprise
qu’au niveau de la société. De fait tout devient,
de la sexualité aux idées, business. Chaque travailleur,
voir même chômeur, doit devenir un entrepreneur et gérer
sa carrière.
Un nouveau projet de société est établi :
l’homme entreprenant, avec ses critères de pragmatisme,
d’utilitarisme, de compétition, de rentabilité,
de désir de gain et puissance. Le tout s’inscrit dans
un monde où le temps et les distances sont abolis, où
s’imbriquent temps libre, bureaux, vie de famille et travail.
Le «temps mort» n’existe plus. Pour s’en
convaincre, il suffit d’observer les activités hors
temps scolaire que les familles imposent aux enfants et dont l’objectif
est de leur offrir le maximum pour un meilleur avenir.
Le management familial
L’homme aurait tendance à reproduire chez lui le comportement
de son manager. Les principales caractéristiques étant
détectées, il est possible d’en déduire
que l’ère du management familial est instaurée.
La famille telle une entreprise se doit de produire des individus
employables. Le couple y pourvoit à part égale, chacun
menant de front et en vraie compétition vie familiale et
vie professionnelle. L’équipe famille doit absolument
gagner.
Dans ce schéma, l’enfant est pris en compte sous tous
les aspects, qu’ils soient psychologiques, intellectuels ou
physiques. Les choix et orientations le concernant sont sélectionnés
afin de favoriser sa réussite. Les meilleurs se verront attribuer
un véritable plan de carrière. Si besoin tous les
moyens, soutiens scolaires, médicaux, paramédicaux,
sont mis en œuvre pour qu’il puisse s’épanouir
dans ce monde de paradoxes. L’enfant devra vivre cette compétition
non comme une contrainte mais comme un investissement délaissant
la pression, l’anxiété aux parents.
La comptabilité existentielle
Le chômage est interprété de nos jours comme
un défaut d’employabilité, d’inadaptation
d’une partie de la société face aux besoins
des entreprises. La résolution de problème doit venir
des sans emplois eux-mêmes en améliorant leurs compétences.
Le salarié n’en est pas pour autant épargné
quant à la gestion de sa carrière et de ses compétences.
La vie se résume à un plan de carrière à
gérer soi-même et de nombreux moyens techniques et
humains sont mis à disposition à ces fins. Parmi ceux-ci,
il est possible de citer « l’activation du développement
vocationnel et personnel », les bilans de compétences,
qui sont en fait projet d’accompagnement de l’individu
dans ces choix de carrière.
La productivité est l’existence première pour
la survie. Il faut rationaliser l’homme qui obéit aux
mêmes lois que les entreprises en tant qu’entrepreneur
de sa propre vie.
La réalisation de soi même
Les techniques, outils, coachs, spécialistes du conseil
constituent le vaste éventail offert aux plus fortunés
pour gérer le soi et sa subjectivité. Il lui faut
apprendre à faire face à l’échec, aux
stress et changements radicaux. Le sujet doit manager cette partie
de soi pour son autonomie, son estime personnelle avec comme
objectif d’accroître sa performance, sa rentabilité.
Une des méthodes la plus répandue dans le monde managérial
est celle de Schutz. « L’efficacité de l’individu
dans sa vie ou sa performance au travail sont dues avant tout par
la qualité de ses relations à lui-même et à
son environnement » nous dit Valérie Brunel. Son bonheur
et son profit conciliables suppriment de fait le conflit travail
- capital, et réduit les problèmes de l’entreprise
au domaine de la subjectivité. Centré sur lui-même,
l’individu s’éloigne du fonctionnement global
de l’entreprise et de ses violences qui y règnent.
Chapitre 9
La part maudite de la performance
Le modèle managérial, progrès par rapport
au modèle hiérarchique et disciplinaire en favorisant
autonomie, communication et mobilité se développe.
Mais cette perception des managers n’est pas partagée
par les ouvriers qui y voient de nombreuses contradictions notamment
les répercussions humaines et sociales qu’engendrent
la profitabilité financière.
Les 2 faces de la gestion performante
Jean-Marie Descarpenties explique les points clés de la
méthode, basée entre autre sur l’informatique
embarquée, qu’il a mise en œuvre pour le redressement
d’une entreprise de transport :
1. Contrôle renforcé des chauffeurs : chacun suit
en direct ses résultats, s’adapte en temps réel
au changement de planning, et est suivi en permanence avec les technologies
tel que le GPS, boîte noire et autres techniques spécialisées
2. Obligation de résultats des chauffeurs : sont en plus
les interlocuteurs privilégiés de l’entreprise,
et leur rentabilité est mesurée en permanence.
3. Exclusion naturelle des moins performants : incapacité
à s’adapter, le chauffeur est abandonné. Par
contre les rémunérations des plus performants sont
augmentées de 20% ou plus.
A ce titre, P. Moeglin écrit « plus la flexibilité
croit, plus celle de chaque agent tend à diminuer sous l’effet
des contrôles en cours de route … » Zéro
défaut, juste à temps, autant de principes qui tendent
à faire travailler plus, plus vite et à tout justifier.
Le bilan est contrasté, même chez les cadres qui, depuis
peu, sont concernés par ce type de management.
Managing in a high performance culture
Des méthodes visant à diminuer moralement et psychologiquement
les employés qui, pour certains, démissionneront d’eux-mêmes,
sont prônées, voire exportées en tant que modèles
par quelques groupes tel que Cap Gemini.
Ainsi, il a été porté sur la place publique
par le quotidien « Le Monde » les techniques d’évaluations
des collaborateurs chez IBM. Véritable programme où
chacun est évalué et classé sur une échelle
de 1 à 4. Le manager a même un quota de 4 à
respecter, induisant ainsi l’utilisation de critères
subjectifs pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés.
Face à un tel comportement la sanction négative ne
tarde pas. Démoralisation, perte de symboles, s’exprime
par une perte de croyance en les valeurs d’excellence de cette
entreprise, par des sentiments d’injustice.
On est de trop on coûte trop cher
Pour les ressources humaines les effectifs sont un coût.
Ainsi, se développent les licenciements, plans sociaux. Stratégies
qui se traduisent par des souffrances masquées par les impératifs
financiers.
Les observations médicales révèlent que les
problèmes psychologiques principalement dus à la peur
sont en forte hausse. Les médecins ont établi 5 catégories
de troubles somatiques et psychosomatiques : psychiques, digestifs,
dermatologiques, cardiovasculaires et comportementaux.
L’étude menée lors de la fermeture, faisant
suite à plusieurs plans sociaux, de l’usine Chausson,
a souligné le caractère purement financier, administratif,
et les techniques des procédures employées par les
managers.
La souffrance vécue par les sinistrés est même
passée totalement inaperçue des syndicats, de leur
propre aveu, convaincus du bon plan social qu’ils venaient
de négocier.
Ce traumatisme où il faut se reconstruire, vaincre la peur,
l’insécurité après avoir accepté
la perte de soi et de son vécu, nécessite un long
travaille psychologique.
L’individu doit s’impliquer, au besoin tout quitter
pour s’installer ailleurs à tout moment, abandonner
son tissu social, passer du connu à l’inconnu. Les
sentiments humains n’ont plus leur place en ce monde. Au-delà
de la perte d’emploi, s’ajoute l’histoire de l’individu
qui s’efface
Les similitudes avec le travail de deuil font que la perte d’emploi
s’apparente psychologiquement à la mort. La situation
est vécue comme une dépression de soi avec un sentiment
de honte, de culpabilité, d’échec non mérité
face à des gagnants glorifiés.
La dégradation des conditions de travail
La course effrénée à la performance développe
la précarité des emplois. Cette précarité
est une facilité, offerte aux employeurs, d’évacuer
les risques sur les emplois, les jeunes ou les intérims.
Les conséquences d’une telle politique se mesurent
au nombre d’accidents du travail en forte hausse depuis plus
de 10 ans. Ainsi les employés, qui évaluent leur travail
trop pénible et estiment subir des pressions et cadences
infernales, sont de plus en plus nombreux, corroborant les problèmes
récurrents de mal de dos recensés.
L’exploitation de l’homme telle qu’elle était
au début du 19ème siècle est toujours d’actualité
dans des sociétés telles que les centres d’appels,
de téléventes, … surnommés parfois par
les employés «la bétaillère»
L’exploitation due aux horaires, flexibilité, rémunérations
indexées sur la satisfaction des clients, pression permanente,
reste souvent inaperçue de par l’importante mobilisation
psychique qu’imposent ces conditions de travail. En fait,
les violences des conditions de travail glissent à un niveau
psychologique.
Les violences innocentes
Cacher la réalité de leur devenir aux salariés
engendre une révolte impuissante du fait du flou de la situation.
« Plus l’implication personnelle des salariés
est sollicitée pour favoriser la réussite de l’entreprise,
plus la vulnérabilité est grande face à un
abandon.» Ceci est vérifié notamment lors des
fermetures d’usines.
D’autre part les managers, du à la position où
ils sont tenus responsables de ces sanctions, bien que fréquemment
ils n’en soient pas informés, ne sont pas exclus de
ce drame psychologique.
Rationalisation de la productivité impose de s’adapter
ou bien d’être rejeter. Dans les organisations réticulaires
le salarié est livré à lui-même quant
aux solutions à apporter aux incohérences du système.
Loin des pouvoirs de décisions, souvent abstraits,
l’individu est contraint de s’auto évaluer, s’auto
accuser.
Le système arrive à son paroxysme lorsque le décideur,
générateur de la violence, devient innocent et celui
qui subit coupable et sanctionné. Les systèmes sociaux
sont mis au banc des accusés avec comme chef d’inculpation
: obstacle au développement de l’économie. La
lutte en devient donc d’autant plus illégitime que
la solidarité est remplacée par l’individualisme.
Le principe : « prééminence de l’intérêt
collectif et des valeurs de cohésion sociale sur le libre
jeu des intérêts particuliers », est remis profondément
en cause.
Le développement des individus en supprimant les règles
et lois étatiques et juridiques n’est qu’un mirage
que prônent certaines des classes et qui en réalité
prive l’individu du droit d’être semblable à
tous les autres de par l’inexistence sociale de certains.
La performance sans limite à donc des frontières.
Chapitre 10
Une société d’individus sous pression
La diminution du temps de travail et l’augmentation des revenus
en partie due aux évolutions des technologies, n’ont
pas libéré l’homme du travail, puisqu’il
doit en faire plus en moins de temps, subissant ainsi une pression
de plus en plus importante.
La pression du toujours plus et la menace de perdre sa
place.
Accroître la rentabilité et ne pas être rétribuer
à sa juste valeur est un modèle de gestion qui illustre
3 phénomènes majeurs : la culture de l’urgence,
les illusions de la motivation par les résultats et la peur
d’être mis sur la touche.
Dans l’entreprise managériale, les difficultés
à garder sa place, à contrôler son environnement,
à être reconnu, sont autant de craintes à ne
plus faire partie du jeu organisationnel.
Que le meilleur gagne est un principe difficilement réfutable,
d’autant plus que ce n’est pas l’organisation
qui désigne la place de chacun, mais l’individu lui-même
à travers ses résultats. La concurrence est devenue
un mode de fonctionnement normal, tendant à banaliser les
risques du système en focalisant l’attention sur les
performances de chacun. La finalité est que pour être
apprécié, il devient nécessaire d’aller
au-delà des attentes.
Ce système managérial suscite narcissisme et agressivité.
La réussite de l’entreprise et celle de l’agent
sont tellement liées que ce dernier s’est identifié
à elle et imagine ainsi assouvir son pouvoir.
Les nouvelles pathologies du travail
La quête d’un but irréalisable conséquence
des contradictions du système transforme le manager en forçat,
le travail en drogue. L’appareil psychologique n’a plus
la souplesse pour faire face aux ravages de la charge de travail.
Un cadre sur cinq se «dope» pour faire face aux grands
maux dont la dépression est certainement un des plus grands.
Le symptôme le plus significatif est celui des congés.
Les vacances de plusieurs semaines sont pour certains de plus en
plus rares. L’hyperactivité avec ses effets psycho
stimulants rend l’individu dans incapable de se détendre
et provoque des effets pathologiques: migraines du week-end, angoisses
des vacances.
L’hyperactivité se défini comme «une
surcharge de travail. Elle s’installe durablement car elle
est considérée normale. Acceptée volontairement»
elle en est plus difficilement quantifiable. L’absence de
critères objectifs de réussite développe une
menace qui au lieu de démobiliser moralement l’individu
le conduit à cette hyperactivité, symptôme social
en expansion tout comme le stress.
Le stress stimulant ou maladie
Vaguement défini, le stress est en augmentation alarmante.
Il devient chronique, engendre souffrances psycho émotionnelles
et troubles somatiques importants.
La réussite de l’entreprise performante demande une
forte résistance au stress. Malheureusement on ne recherche
pas les causes, mais sa gestion par des exercices de relaxation,
voir même de la médication. Selon les statistiques
le stress arrive juste après le mal de dos et touche 28%
des salariés européens. Les conséquences peuvent
être dramatiques pour la santé car il peut être
source de maladies cardiovasculaires, cancer, suicides … L’absence
de contrôle de l’employé, les délais,
cadences et pressions imposées en sont les principales causes.
Selon la médecine du travail, ce mal atteint même le
simple employé voir même les plus défavorisés,
montrant du doigt la nouvelle forme d’organisation. Face à
cette épidémie s’est développé
un silence ignorant ce mal être. L’entreprise perçoit
le stress comme un stimulant positif à la performance et,
du coup, les causes ne sont pas remises en cause.
Harcèlement moral ou morale du harcèlement
D’après l’étude de Anna Diamantapoulou,
les victimes se comptent par dizaine de millions en Europe, tout
comme le livre de Marie-France Hirigoyen fut un électrochoc
en révélant ce scandale et conduisit à une
loi.
Cette reconnaissance légale est un immense progrès,
mettant en cause les agissements pervers, mais non les causes telle
que la pression permanente.
L’organisation, produit de l’homme, n’en est
pas pour autant un être humain. Elle n’obéit
donc pas aux mêmes lois biologiques et psychologiques, et
n’a donc pas les mêmes impacts pathologiques, somatiques
et psychosomatiques. D’où l’importance de ne
pas faire d’anthropomorphisme organisationnel.
Un système paradoxal, violent, incertain, quant à
ses règles peut susciter des comportements somatiques, des
sentiments de toute puissance, de soumission, et autres formes de
perversion qui peuvent amener un individu à « peter
les plombs. » Le harcèlement est souvent le fait d’une
situation d’ensemble.
Soumis à la pression, les employés se sentent harcelés
et, le système, le capitalisme,le libéralisme, responsables
de ces comportements sont des organes abstraits. Aucune prise n’étant
possible sur eux, l’individu se défoule sur son collègue,
collaborateur, le prenant pour le coupable.
Dans la société hypermoderne, chaque individu est
un maillon sur lequel s’exercent d’importantes pressions
le plaçant dans la position à la fois de harcelé
et de harceleur.
N’étant pas uniquement comportemental, il convient
de mettre en place des politiques de prévention organisationnelle,
structurelle.
Une quête éperdue de reconnaissance
Trois tendances managériales mettent le système sous
pression : l’écart entre les objectifs fixés
et les moyens attribués, l’écart massif entre
les prescriptions et l’activité concrète, l’écart
entre les récompenses attribuées et les rétributions
effectives. Cette tension est d’autant plus élevée
que les critères de réussite sont élevés
ainsi que les risques d’échec.
L’employé croit en l’entreprise, mère
toute puissante. De ses discours, il attend des faits réels
de développement personnel, gratification, reconnaissance.
Comme pour un enfant la crise l’amène à la peur
de perdre l’amour maternel, que son objectif « anaclitique
»(objet sur lequel le sujet s’appuie pour son développement)
lui fasse défaut.
Face à l’angoisse, la défense est souvent le
repli sur soi et l’activisme forcené. Agents dociles,
instrumentalisés, concentrés sur leurs objectifs,
ils deviennent les proies privilégiées du harcèlement
soit en tant que victime, soit en tant qu’acteur. Dans une
telle conjoncture une réussite ne peut être que temporaire.
Devenue répétitive, la violence est donc harcelante.
Contrairement à l’univers hiérarchique qui s'adressait
au Sur Moi, l’univers managérial sollicite le narcissisme.
Le contrat avec l’entreprise est narcissique. Elle attend
de lui qu’il devienne partie prenante, et qu’il y investisse
sa libido. Le plus surprenant est que l’employé n’est
pas outragé qu’on lui en demande trop, mais plutôt
qu’on ne lui donne pas assez. La rupture du contrat est quelque
chose d’intolérable, c’est une vraie destruction
que va vivre l’individu. Mis au placard l’employé
et l’entreprise trouveront une sortie honorable en la maladie.
Le culte de la performance, du narcissisme, de l’exigence
de réussite conduisent inévitablement à l’échec.
Albert Jacquard écrit : «Un gagnant ça produit
immanquablement des perdants. » et inévitablement,
il y a plus de perdants.
L’externalisation des coûts psychiques et sociaux
du travail
Albert Jacquard écrit « Pour les entreprises, le chômage
n’est pas un problème, c’est une solution. »
C’est un fait que l’on peut constater : lorsque les
effectifs baissent, les actions montent entraînant pour les
rescapés plus de flexibilité. Les managers utilisent
l’emploi comme le levier pour obtenir des baisses de charges.
Cette logique dénote la déresponsabilisation des entreprises
en la matière.
Ce combat est identique à celui de la reconnaissance d’une
maladie en tant que maladie professionnelle. Il faut la preuve d’un
lien entre les conditions de travail et la maladie. Ce qui, dans
le registre psychosomatique est souvent impossible. Doit-on parler
de mal être ou de maladie, dépression ou désespoir
? Qu’est-ce qui est l’origine ?
C’est l’éternel débat entre « la
vie n’a pas de prix » et « la santé a un
coût ».Pour sortir de cette contradiction il faudrait
pouvoir calculer les coûts économiques, sociaux et
humains de cette quête de la performance. La gestion devrait
pouvoir fournir de tels outils permettant de mesurer la perte. En
attendant, il serait pertinent de diminuer la pression.
Halte au productivisme et à l’activité
forcenée
L’activisme mène à penser que l’inactif
est oisif et, par conséquent, n’a pas droit à
une existence sociale.
Un tel comportement général conduit le monde à
sa perte. La seule alternative serait de rompre avec l’entreprise
de destruction appelée par certains développement
ou aussi mondialisation.
Entre ces deux visions opposées, la réhabilitation
d’une morale désuète et du désoeuvrement.
« Le désoeuvrement consiste à affirmer l’existentiel
comme finalité plutôt que la production, la qualité
de l’être au monde plutôt que la puissance.
L’homme est devenu l’esclave du travail au lieu de
s’en affranchir. Ceci étant un monde de désoeuvrement
est une utopie. Dans notre société c’est tout
de même le travail qui apporte sécurité, autonomie,
allongement de la durée de vie, et bien d’autres des
conforts modernes dont l’homme jouit de nos jours. Le désoeuvrement
est luxe principalement pour les plus démunis. L’homme
a besoin de support matériel pour vivre. Le travail doit
être un moyen et non la finalité de l’existence.
L’école est devenue le lieu d’apprentissage
du travail et non celui où l’on apprend la vie ensemble,
le partage. On y emmagasine dès le plus jeune age du savoir,
l’esprit de compétition. On pourrait rêver d’une
école humaniste, sans lutte, compétition.
Chapitre 11
Eclatement des classes sociales et lutte des classes
La mobilité et l’adaptation permanente sont des exigences
de survie dans la société hypermoderne et induisent
l’instabilité des positions individuelles. D’après
MM. Gaulejac et Taboada-Léonetti, un des constats établi
est que la lutte des places se substitue à la lutte des classes.
Le risque de perdre sa place
Le changement de classe social est un mouvement qui progresse en
permanence. Une des migrations la plus spectaculaire est celle des
agriculteurs, des ouvriers et employés vers les milieux intermédiaires.
D’autre part la reproduction sociale est un facteur qui stabilise
la situation des niveaux plus élevés. 35% de la population
active est au niveau intermédiaire contre 15% en 1990. Cette
fluidité sociale est largement due à la précarité
de l’emploi.
Plus de 1 500 000 d’emplois par an disparaissent, provoquant
un taux de mobilité annuel de 24% des classes inférieures
et de 12% en ce qui concerne les catégories intermédiaires
et cadres. Cette mobilité est donc largement imposée,
et plus particulièrement pour les plus défavorisés.
La reconversion est une étape inévitable. La flexibilité
est devenue une norme et oblige l’individu à rompre
avec son milieu d’origine et lui fait perdre ses repères
et symboles. Ce système est à l’opposé
de l’ancien qui recherchait la stabilité et prévoyait
au contraire une montée progressive dans l’échelle
sociale
Une société de désintégration
Avec le contrat social l’intégration était
possible grâce au travail. Chaque individu était ancré
à une des strates « métier » de la société
et la promotion sociale était possible par l’obtention
d’un diplôme ou l’ascension hiérarchique
au sein de l’entreprise. A côté ces classes «professionnelles
» cohabitaient d’autres types de classes telles que
la bourgeoisie, le prolétariat et le sous prolétariat
indiquant par là même qu’une hiérarchie
était établie. Cette hiérarchisation était
un facteur stimulant l’aspiration du bas vers le haut.
A l’opposé, de nos jours, le travail canalise les
finalités de l’existence sur la carrière et
laisse de côté les idéaux d’égalité,
de justice, de partage de richesse entre les différentes
classes.
La baisse d’emploi a aiguisé l’individualisme.
L’automatisation et l’externalisation sont la suite
logique de la quête de rentabilité et ont fait exploser
la précarité et l’insécurité.
Il est possible de distinguer 3 pôles d’emplois : permanent,s
périphériques et précaires. En 1993 sur les
25 millions d’actifs, 13 étaient en situation de précarité.
Eclatement de la classe ouvrière.
Le déclin de la classe ouvrière avec ses 1300000
emplois supprimés en 20 ans va au-delà de l’aspect
quantitatif. Les non qualifiés sont employés, réemployés
aux tâches de nettoyage, de surveillance dans des sociétés
de services spécialisées dans ce type d’activités.
Plus de 50% des ouvriers sont passés au statut d’employés
en étant salariés de la grande distribution ou de
sociétés de services, alors qu’auparavant plus
des ¾ l’étaient dans les industries. D’après
M. Verret, la classe ouvrière est éclatée en
3 pôles : promotionnel, traditionnel et en perdition.
Dans le contexte moderne, la classe ouvrière n’est
plus en lutte contre le capitalisme, vision marxiste du monde industrielle.
La disparition de cette lutte est un des symptômes de l’éclatement
de la classe ouvrière. Fatigués, humiliés par
les licenciements et fermetures d’usines, les exclus du système
sont en errance, en reconstruction de leur identité et les
rescapés culpabilisent et sont honteux d’avoir survécus.
Les uns comme les autres sont convaincus d’avoir été
trompés par des discours masquant la réalité,
l’objectif final.
Pour autant, le travail ouvrier a toujours cours dans ses principes
de qualité et rémunération. Seul l’esprit
collectif de cohésion sociale a disparu. Ce qui laisse supposer
que cette classe est redescendue à un niveau archaïque
lui rendant la possibilité de promotion plus compliquée.
Eclatement de la bourgeoisie
Pour Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot c’est
la seule classe à avoir résisté aux tensions
importantes. Elle est restée consciente de sa position et
a survécu à son éclatement en 3 pôles
: une dynamique, un accroché aux traditions et une déchéance
sociale.
L’hyper bourgeoisie, premier de ces pôles, issue du
monde ingénieur s’empare du pouvoir en se mettant au
service d’une logique financière, s’éloignant
ainsi du projet industriel. Elle est déterritorialisée,
sans frontière,cosmopolite, impalpable, virtuelle et son
objectif individuel est de s’enrichir. Sa stabilité
est l’image de ses succès et de ses échecs.
Des dynasties se sont crées et ont contribué à
la globalisation. Issues de la vieille bourgeoisie la bourgeoisie
a su trouver les ressources, a su s’adapter à la lutte
des places et ainsi perdurer.
Les pôles, précédemment cités, sont
issus des règles du jeu du monde du business qui, indépendantes
des us, coutumes et traditions de la bourgeoisie, ont fait exploser
la gestion par héritage de père en fils qui épargnait
de générations en générations et faisait
en sorte que l’enfant intègre les grandes écoles.
Cette ancienne stratégie est révolue et le nombre
de diplômés et cadres supérieurs sur la touche
augmente.
Certains d’entre eux vivent dans l’illusion d’appartenir
à un niveau haut niveau social, et pour se défendre
envoient leurs enfants dans les écoles les plus réputées,
mettent tout en œuvre pour leur réussite, gère
leur scolarité à l’identique d’un plan
de carrière afin qu’ils puissent pénétrer
les hautes sphères de la société. Ils peuvent
être comparés à ces pur-sang qui sont entraînés
et soignés uniquement pour la compétition qui n’accepte
qu’un gagnant et laisse derrière beaucoup de perdants.
Une nouvelle classe dominante ?
Le débat de société s’est déplacé
de celui des « classes sociales » à celui «
des places.» En 1990, Pierre Bourdieu dénonçait
« le bouleversement des rapports de classes en faveur des
propriétaire du capital » et la collusion entre «
la noblesse d’état et la noblesse d’entreprise
pour mettre en œuvre un projet de politique de domination planétaire.»
Le capital est dominé par des organisations sans frontières.
Ce pouvoir est détenu par l’hyper bourgeoisie dans
les postes clés des sociétés et des médias.
Il est basé sur une culture libérale où les
obstacles et ce qui est jugé inutile sont supprimés.
De fait elle se sépare de ses filiations et la reproduction
sociale devient une interrogation, mettant en doute le long terme,
la pérennité de cette classe sociale composée
d’individus d’origine très diverse.
Ce monde, de l’hyper bourgeoisie, est régi par les
mêmes règles et affichent les mêmes valeurs que
celui des managers de hauts niveaux issus du monde de l’industrie,
notamment par le caractère éphémère
des positions, la compétition effrénée de ses
membres générant un attrait démesuré
de l’argent et le développement de l’individualisme.
La gestion est du court terme et l’on gagne en « ayant
la peau de l’autre ». Ces caractères sont la
cause de la perte de mémoire de cette classe ainsi que le
manque de loyauté de ces membres.
L’éclatement des classes n’est pas la
fin des inégalités
L’effet héritage est toujours très important
dans la prédisposition d’appartenance à telle
ou telle autre classe, mais les choix des orientations scolaires
et professionnelles sont devenus instables en grande partie de part
les expériences vécues.
Eric Maurin écrit que « les positions dans la hiérarchie
du salariat sont toujours aussi largement dépendantes de
l’origine sociale. »
Les diplômes et la position initiale de l’individu
à son insertion dans l’entreprise sont de plus en plus
importantes. La formation continue est aussi devenue un enjeu important,
aidant l’individu à sortir de son milieu ainsi que
le fer de lance au libéralisme. Il est important d’équilibrer
les chances de chacun et pour cela l’enseignement s’est
ouvert à tous. Pour autant le marché du travail est
devenu plus concurrentiel et les inégalités toujours
importantes. 75% des enfants appartenant à la catégorie
des moins favorisés est en échec scolaire contre 15%
de ceux des plus favorisés. La reproduction sociale est bien
toujours présente.
Les moins favorisés bénéficient peu de la
formation permanente, obstacle supplémentaire à leur
reconversion s’ajoutant à celui de leur niveau scolaire
et d’origine sociale. L’effet pervers de la fragilisation
de l’emploi est que la personne est rendue responsable de
son devenir.
Le monde marxiste visait à faire renverser le capitalisme
par le prolétariat. Les débats politiques droite gauche
en étaient la représentation médiatique. Actuellement
ces débats sont remplacés par ceux de la croissance
pour lutter contre le chômage. Ils positionnent ainsi la lutte
des places au cœur de la discussion afin que chacun ait une
existence sociale.
C’est ainsi que les sans emplois, loin de former une communauté
de situations à défendre, point de départ à
la formation d’une classe, forment un ensemble hétérogène
tant par les origines que les situations en cours. Les associations
de chômeurs ont du mal à faire bouger cette masse pour
obtenir un emploi, car chacun œuvre avant tout pour lui-même.
L’exclusion conduit à un combat solitaire qui vise
à trouver sa place dans la société et non à
changer la société.
Chapitre 12
La politique contaminée par la gestion
Le politique se comporte en homme d’affaire et ce dernier
s’empare du politique en y important les règles, valeurs
et modèle managérial afin de rendre la cité
plus performante.
Le primat de l’économie sur le politique
La société est soumise à des forces contradictoires.
Le pouvoir éloigné de la base n’a plus les mêmes
références et logiques. Ainsi, face à la fermeture
d’usines, les élus répondront par des chiffres
positifs de création d’emplois au niveau national.
L’un raisonne dans le symbole alors que l’autre est
dans l’économique et ses comptabilités. Accusée
d’œuvrer pour les spéculateurs la politique s’en
trouve dévalorisée. Les questions abondent à
propos du rôle de la politique dans le projet pour l’humanité
plutôt que dans la question des effets du développement
économique qui, au lieu de développer le social, le
détruit.
L’éducation au service de l’économie
L’emprise des milieux économiques sur l’éducation
est croissante et la considère comme devant être un
service au monde économique. Elle devrait être assurée
par des prestations qui adapteraient ainsi le futur agent aux besoins
et contraintes de l’entreprise. Celui-ci doit prendre conscience
et acte de la nécessité à se former en permanence.
Nombreux sont les pays où le monde éducatif est soumis
à des critères d’évaluation de production
qui n’intègrent pas la qualité, et où
le salaire des enseignants est assujetti en grande proportion à
ses résultats. L’Europe est, à ce jour, protégée
de cette pratique, mais pour combien de temps? En effet dans les
discours politiques se trouvent les termes du capital humain tel
que pragmatisme, qualification, tolérance zéro, avancement
au mérite, etc. De nombreux élus sont convaincus de
la priorité à accorder à l’économie.
Ils considèrent que sa croissance et sa maîtrise deviennent
critiques pour développer le social.
La dictature du chiffre
Le politique subit une grave crise en délaissant le débat
sur la cité, sa vie, son organisation, son sens et en se
concentrant principalement sur la gestion de l’économie.
Les réponses aux questions des citoyens restent comptables
: taux de croissance, taux de chômage, déficit, nombre
de fonctionnaires, etc. Patrick Vebert note : « Nous disposons
d’un curieux thermomètre puisque nous ne savons pas
s’il nous indique la bonne température. » En
effet, on mesure par exemple le nombre d’emplois créés
mais non de ceux supprimés. Il n’y a pas d’évaluation
réelle de la nature des richesses produites ou détruites,
donc du bien être du citoyen.
Les modèles de la gestion managériale sont importés
dans le public laissant entrevoir une privatisation totale de fonctionnements
perçus comme archaïques et bureaucratiques.
L’idéologie gestionnaire tue la politique
L’homme politique envahi par l’idéologie gestionnaire
choisit de gérer plutôt que de gouverner et intègre
ce modèle dans ses cabinets et ministères. De fait,
l’électeur évalue le politique avec les mêmes
critères que ceux du monde du travail. L’homme politique
se comporte comme un PDG, un produit à vendre, et en subit
les mêmes sanctions. Tout comme le PDG, il n’est plus
l’image, le guide spirituel et n’incarne plus le modèle
à suivre.
Le citoyen - client
Pour être élu le politique doit plaire. Pour cela,
il suit l’humeur de l’opinion publique du lieu et du
moment afin de plaire. La souplesse, l’adaptabilité
du futur au présent tue le futur et, du même coup,
le projet. La conséquence en est le désintérêt
des citoyens pour la politique et l’abstention en est la représentation,
tout comme le vote de l’extrême.
Pour autant, le citoyen n’est pas indifférent. Il
est très exigeant et l’élu croule sous ses doléances.
Il doit être réactif, disponible et polyvalent. Tout
comme pour l’homme du privé, les frontières
du temps et de l’espace sont bousculées.
Perte de crédibilité et impuissance.
A gérer l’Etat comme une entreprise, la politique
devient impuissante car elle n’est plus la garante du bien
social et de l’intérêt général.
La déterritorialisation, l’abstraction du capital,
la circulation en temps réel des capitaux, la dénationalisation
des entreprises ont fait perdre à l’état ses
capacités de contrôle. La fracture a eu lieu entre
social, économie et politique. « Vendue au grand capital
», « impuissante face à une société
ce marché » la politique à perdue sa crédibilité.
La construction d’un monde commun
« Oubliez vos intérêts privés pour l’intérêt
général » est un slogan désuet qui a
perdu toute sa noblesse. D’une façon générale,
l’individu ne se sent plus comptable de faire société
et se recentre sur ses intérêts propres. Le «
privatisme » supprime les relations sociales, l’espace
social. L’individu n’est plus considéré
comme un citoyen mais comme un travailleur et consommateur. Il n’y
a plus « le vivre », « l’agir ensemble »
de la démocratie. Ce modèle est désuet.
Pour retrouver sa crédibilité le politique doit combattre
l’idéologie gestionnaire, solliciter le citoyen –
acteur pour construire un monde meilleur,plus juste et se mettre
au service d’un projet de civilisation humaine, soucieux de
son environnement.
Chapitre 13
Le lien vaut mieux que le bien
Guérir de cette maladie de la gestion tient plus d’un
traitement homéopathique, de la persévérance
à retrouver puis à maintenir l’équilibre
entre le social, le politique et économique.
Une gestion plus humaine des ressources
L’économie devrait respecter 3 principes : respect
de l’écologie et du développement durable, respect
de l’espèce humaine et de la société
et le respect de la vie psychique.
Ce qui conduit à : la gestion doit être appréhendée
à partir des sciences sociales, la finalité de l’entreprise
est d’abord humaine et sociale, le travail doit être
considéré aussi sous l’angle de l’activité.
Le profit est certainement vital pour l’entreprise mais cela
ne doit pas être une fin en soi. Une gestion plus humaine,
où l’homme n’est pas qu’un instrument avec
un coût, est plus que nécessaire à la restauration
de la crédibilité de la gestion.
De l’individu ressource à l’individu
sujet
L’être humain se veut unique et relié à
ses congénères pour s’accomplir. Il est réflexif
et, de fait, peut imaginer autre chose que le réel, participant
ainsi au changement de la société. La capacité
délibératrice de l’être
humain lui permet d’accorder sa réflexion et son action.
Elle est l’esprit critique de l’individu et développe
sa capacité réflexive. La société actuelle
avec ses prescriptions inhibe cet atout, alors qu’il faudrait
développer la créativité et la confiance en
l’individu. Le droit et ses lois ne règlent pas tout.
Preuve en est du renforcement de la protection des travailleurs
qui génère une menace de fuites des capitaux. Et pourtant,
l’entreprise ne trouve pas sa finalité en elle-même,
mais est un moyen de produire une société, et devrait
en améliorer le tout. Même le sujet, qui n’appartient
à personne, est conscient que son devenir passe par le collectif.
Il ne doit pas se laisser assujettir par ses désirs et ceux
d’autrui. Il lui appartient de connaître ses fantasmes
et angoisses afin de concilier son développement et celui
de ce qui fait la société. L’énergie
libidinale doit être canalisée vers le bien collectif.
Redonner du sens à l’action
Le vide que tente de combler la gestion est loin du domaine du
symbolique dont les valeurs sont elles-mêmes loin du matériel.
L’homme rationnel centré sur ses résultats est
amputé des besoins qui donnent un sens à sa vie et
dont le symbolique est l’expression, entre autre, par le langage
ou la communication. Le double langage, véritable arme des
managers, génère un véritable paradoxe qui
peut, comme le souligne Paolo Alto, rendre fou. Bateson explique
que la seule parade est de communiquer sur le paradoxe lui-même
à l’aide d’un
méta langage qui permet de l’analyser de l’extérieur.
En effet, ce n’est pas toujours à partir des éléments
cause d’un problème que l’on trouve la solution,
puisque l’on est dans le problème en lui-même,
dans ce qui le produit. En réalité, il faut développer
la connaissance qui permet de le comprendre, et pour cela il faut
distinguer utilité et sens. C’est typiquement le cas
d’une fin qui, une fois atteinte, n’a plus de sens,
puisque ce n’est plus une fin. Ainsi l’accumulation
de richesses ne peut avoir de sens que dans le cadre du bien de
l’ensemble. Comprendre comment l’individu produit le
sens de ses actions permet de définir la valeur qu’il
leur donne, car, lorsque l’activité fait sens pour
le sujet, son adhésion est réellement acquise et il
mobilise alors ses capacités réflexives et délibératrices.
Retrouver la foi de donner en public
« La triple obligation de donner, de recevoir et de rendre
» est la règle de base constitutive de toute société.
L’entreprise qui est une microsociété doit intégrer
cette règle. Le don en est le fondement sans pour autant
être gratuit ou sans « intérêt »
au sens mercantile, mais en assurant la réciprocité
entre les sujets et en tendant de trouver une harmonie entre les
intérêts individuels et collectifs. C’est d’abord
le lien social qu’il faut tisser et ni l’intérêt
ni l’utilité n’en sont les moteurs, tandis que
la dimension symbolique en est le socle. L’intérêt
serait de s’occuper plus de générosité,
de respect mutuel, plutôt que d’accumuler des richesses
non redistribuées.
De la société de marché à l’économie
solidaire
On peut difficilement échapper à l’alternative
énoncée par Pierre Bourdieu : «La politique
qui vise à garder la confiance des marchés perd la
confiance du peuple. » Vient alors la question de savoir comment
retrouver l’équilibre entre l’économie,
le social et le politique. La promotion de quelques principes tels
que la-non violence économique, l’allègement
du travail, la considération de la richesse comme moyen pour
renforcer la cohésion sociale ne doivent ignorer que l’entreprise
a besoin du capital, du travail et du marché. Le manager
est le garant de l’équilibre entre ces 3 pôles.
C’est avec cet objectif que, par exemple, un fond de pension
canadien demande aux entreprises de garantir l’emploi, le
droit du travail et l’environnement. D’autres expériences
tels que les comptes épargne temps en compensation à
la flexibilité révèlent une recherche de gratuité
et d’échanges avec un esprit non marchand. Le commerce
équitable et l’économie solidaire se basent
sur des valeurs qui visent à rétablir les relations
entre producteurs et consommateurs. L’ensemble de ces méthodes
privilégie les solidarités actives et les protections,
les services communautaires. Elles développent des liens
sociaux et une économie de services essentiels à la
collectivité. De même que l’importance du lien
est à privilégier par rapport au bien.
Conclusion
En conclusion, l’auteur reprend les grands thèmes
qu’il a développés dans son ouvrage :
- La gestion de l’homme en tant que ressource exploitable
au même titre que les finances, les matières premières
et les technologies. L’individu doit être adapté
à l’entreprise.
- La culture de la haute performance lui est enseignée,
le mettant ainsi devant l’alternative de perdre ou de gagner.
Le perdant, quant à lui, est abandonné à lui-même,
délaissé, et ce, malgré parfois des gains de
productivité et la bonne santé de l’entreprise.
Pour transformer l’homme en machine de guerre économique,
l’entreprise a mis en place le pouvoir managérial,
dont la manœuvre consiste à piéger l’employé
dans ses propres désirs en développant son narcissisme.
Il s’agit d’un travail psychologique qui vise à
accroître toujours plus « l’investissement de
soi au sein de l’entreprise. » L’individu devient
ainsi le moteur même du culte du gain et, du même coup,
tue l’esprit du collectif.
Paradoxalement à cette croissance financière et technologique,
on assiste à la dégradation des conditions de travail
et à la précarité. Même la politique
est atteinte par la maladie de la gestion et cherche à gérer
la société avec les mêmes règles que
celles appliquées à l’entreprise où,
malheureusement, est mis en opposition richesse et bien-être.
Il devient urgent pour l’Homme de repenser la gestion en
recherchant un nouvel équilibre entre les actionnaires, les
clients et le personnel tout en intégrant la qualité
de l’environnement et les solidarités sociales.
Critique de l’ouvrage
Cet ouvrage nous propose, pour comprendre la tendance des sociétés
modernes à être endoctrinées par l’idéologie
gestionnaire, une analyse du management, véritable technologie
de pouvoir visant à faire adhérer les individus aux
exigences de l’entreprise et de ses actionnaires, ainsi que
celle de la gestion qui utilise la rationalité et le pragmatisme
pour justifier la guerre économique et ses effets.
La réussite de cet ouvrage tient principalement à
l’analyse détaillée du management et de son
action psychologique sur l’employé ainsi que le trop
virtuel et impalpable de notre société. Les exemples
et annexes inclus sont non seulement des appuis aux démonstrations,
mais aussi des éléments de réflexion fournis
au lecteur, ne serait-ce que par leurs références
à son vécu et à son environnement. D’autre
part, bien qu’excellent, le livre comporte de nombreuses redondances,
notamment dans les observations et conclusions de l’auteur,
ne laissant aucun doute quant à ses « considérations
militantes plutôt que gestionnaires. »
Cet ouvrage n’apporte pas de solutions aux maux de notre
monde. Il s’agit plutôt d’un constat, de son analyse
et de quelques voies à explorer.
En ce qui concerne l’actualité du sujet, il est intéressant
de noter les évènements suivants qui se sont produits
durant ces derniers jours.
- Le Monde Diplomatique d’avril 2005 traitait, entre autres,
de « L’école britannique livrée au patronat.».
M. Anthony Blair entame une réforme du système éducatif
en Angleterre à l’aide de trois nouveaux leviers. «
Le premier est constitué par de puissantes agences gouvernementales
comme le Bureau des normes éducatives qui pratique des inspections
très strictes dans les établissements, et l’Agence
pour la formation des enseignants, chargés de superviser
la formation initiale et continue des maîtres. Le deuxième
est la tentative de recyclage des proviseurs et des principaux pour
en faire des cadres de direction fermement engagés aux services
des objectifs gouvernementaux. Le troisième, qui fait l’objet
de cet article, est le secteur privé, décrit en 1998
comme capable, entre tous, de piloter le changement et l’innovation
… »
- La Montagne du mercredi 4 mai 2005 relatait les premières
manifestations contre les trains privés. « La région
lorraine a été choisie pour ce rassemblement unitaire
car c’est depuis cette région que s’élancera,
le 13 juin, le premier train de marchandises privé en France,
alors que le fret ferroviaire international est ouvert à
la concurrence depuis le 15 mars 2003n en application d’une
directive européenne.
Ce convoi sera assuré par CFTACargo, filiale de Connex (groupe
Veolia Environnement), et acheminera de la chaux depuis les fours
meusiens de Dugny et de Sorcy vers deux sites sidérurgiques
de la Sarre, en Allemagne.
Ce marché représente 200 000 tonnes transportées
en 2004. »
- L’Express du 2 mai 2005 présentait son dossier économique
: « Enquête sur les patrons millionnaires. » Ce
phénomène déjà évoqué
à plusieurs reprises au cours des années précédentes
est relancé par le départ de l’ex-PDG de Carrefour,
Daniel Bernard, qui doit recevoir 9 millions d’euros pour
prix de son départ. Du reste ce haut dirigeant « n’avait
toujours compris pourquoi tout ce bruit et pourquoi toute cette
fureur. Pourquoi les 9 millions qu’il doit percevoir pour
prix de son départ (auxquels s’ajouteront, si Dieu
lui prête une longue vie, 29 millions de retraite complémentaire,
dite retraite chapeau) était la source d’un nouveau
scandale. … »
Ces faits sont les derniers exemples des paradoxes engendrés
par le règne absolu du gestionnaire et auxquels nous sommes
confrontés. A savoir, l’épidémie des
règles de gestion du secteur privé contaminant même
le monde de l’éducation, la recherche permanente de
suppression du secteur public au profit du privé sous prétexte
de rentabiliser le service public, et, enfin, les écarts
de revenus entre les dirigeants et les employés de base dont
on tente de se justifier par la responsabilité énorme
qui pèse sur les épaules des ses hauts personnages.
Il est intéressant de noter à propos du dernier fait
qu’il est estimé, de nos jours, qu’un PDG ne
devrait pas percevoir plus de 20 fois le salaire d’un cadre
moyen, soit entre 500 000 et 800 000 euros, bonus compris.
Bibliographie
- Les jeunes de la rue (en collaboration avec Guy Mury).
- L’empire de l’organisation (en collaboration avec
M. Pagès, M. Bonetti, D. Descendre).
- De l’assistance publique aux assistantes maternelles (en
collaboration avec M. Bonetti et D. Descendre).
- La névrose de classe.
- L’organisation dynamique dans les organisations publiques
(en collaboration avec M. Bonetti et J. Fraisse).
- L’ingénierie sociale (en collaboration avec M. Bonetti
et J. Fraisse).
- Femme au singulier ou la Parentalité solitaire (en collaboration
avec N. Aubert).
- Le coût de l’excellence (en collaboration avec N.
Aubert).
- Sociologie clinique en collaboration avec S. Roy).
- La lutte des places (en collaboration avec I. Taboada-Léonotti).
- La gourmandise du tapir (en collaboration avec A. Bron).
- Les sources de la honte.
- L’aventure psychosociologique (en collaboration avec N.
Aubert et K. Navridis).
- L’histoire en héritage. Roman familial et trajectoire
sociale.
- Récits de vie et histoire sociale ( en collaboration avec
A. Levy).
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