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Origine : http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/9782707143860/livre-les-managers-de-l-ame.php?xd=c85e0e45bc668fbe757b016bab152d7a
Les managers de l'âme - Le développement personnel
dans l'entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ?
Editeur(s) : La Découverte
Auteur(s) : V. Brunel
Présentation par l'éditeur
Le développement personnel et les approches psychologiques
connaissent depuis quelques années un véritable engouement
sur le marché de la formation professionnelle, dans la littérature
managériale et plus largement dans le monde de l'entreprise
; les managers, de plus en plus, sont sommés de devenir des
"coachs" ou des "psys". L'efficacité
professionnelle s'évalue désormais à l'aune
de la juste gestion de la relation à soi et à autrui.
Il faut désormais "communiquer avec conviction",
"s'affirmer", "développer son estime de soi",
"progresser en autonomie" ou encore "gérer
ses émotions" pour être plus performant. Comment
expliquer le succès actuel de ces pratiques dans l'entreprise
?
En dépit de son essor massif sur les quinze dernières
années, le phénomène psychologique dans l'entreprise
n'a inspiré que peu d'analyses - peut-être en raison
de la nouveauté et de l'immatérialité des dispositifs
de pouvoir qu'il recouvre. Cet ouvrage s'inscrit dans cette brèche.
En remettant en perspective la demande sociale croissante de connaissance
de soi depuis les années 1970, il montre comment le monde
du travail s'en est peu à peu emparé, pour servir
ses besoins organisationnels et de performance. Inspirées
de la tradition humaniste, les pratiques de "développement
personnel" en entreprise visent la poursuite simultanée
d'objectifs fort différents (bien-être et efficacité
au travail ; authenticité à soi et adaptation à
son poste...). Elles s'inscrivent ainsi dans des stratégies
managériales renouvelées, reposant sur l'exercice
d'un pouvoir intériorisé et moral.
L'auteur rappelle enfin les limites et dangers d'un tel discours
et de l'utilisation de valeurs morales comme vecteurs de communication
"éthiquement acceptables" à des fins stratégiques.
Au sommaire
Introduction
L'apparition du développement personnel dans le champ managérial
Comment les pratiques de soi sont apparues dans l'entreprise
Des pratiques ambivalentes
L'usage de soi
Les théories du développement personnel
Une ingiénérie du Soi
La figure du pouvoir dans l'entreprise
Le développement personnel comme vecteur du pouvoir. L'exemple
de la multinationale Fair
Une nouvelle façon d'exercer le pouvoir dans l'entreprise
Limites de cette figure du pouvoir
Conclusion - Questions de méthode
Origine : http://jeanyves.over-blog.com/article-22856-6.html
Mercredi 01 Décembre 2004
LES MANAGERS DE L'ÂME : Le développement personnel
en entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ? de Valérie Brunel
Bien qu'elle s’en réclame souvent, on peut se demander
si on peut ranger la « littérature managériale
» dans le domaine des sciences humaines. Ces dernières
en revanche ont fait de cette littérature un objet d'étude
: Valérie Brunel se penche sur la mobilisation des techniques
de développement personnel dans les organisations. La Programmation
Neuro Linguistique, l'analyse transactionnelle ou l'intelligence
émotionnelle sont des méthodes issues de la psychologie
cognitive partageant des visées communes : développer
la confiance en soi, apprendre à se connaître, gérer
ses émotions et ses interactions avec autrui. La psyché
est pour ces méthodes un objet «gérable»,
que l'on peut améliorer, «reprogrammer», afin
de libérer les potentialités des individus, leur permettre
de «se réaliser», de devenir plus «performants»...
Le caractère opérationnel de ces techniques, leur
insistance sur l'efficacité personnelle en ont fait des outils
séduisants pour les managers. Proposées aux cadres
de certaines entreprises, elles constituent, selon Valérie
Brunel, les fondements d'un «modèle de pouvoir renouvelé,
peu coercitif car reposant sur l’aspiration de chacun à
se développer et à se rapprocher d'un mode comportemental
jugé souhaitable».
Ces techniques et les valeurs qu'elles portent construisent une
vision de l'entreprise fondée, montre l'auteur, sur un déni
de tout enjeu de pouvoir.
Tout conflit y est vu comme le résultat d'un problème
de communication, lui-même engendré par les faiblesses
affectives des individus !
Valérie Brunel a enquêté dans une entreprise
de consulting. Le management s'y montre très soucieux du
développement personnel de ses recrues, tout en évaluant
étroitement leurs comportements au travail.
L’une des devises bienveillantes (!!!) de cette société
est d'ailleurs «uporout», c'est-à-dire «tu
progresses ou tu sors»...
Quelle éthique y a-t-il dans l’utilisation de valeurs
morales comme vecteurs de communication à des fins stratégiques
?
Origine : http://rleb07.free.fr/opinions/newgourou.html
DANGER... Gare au gourou !
Un nouveau fléau social : LE COACHING
Selon la fable, c'était la mouche qui pensait qu'elle faisait
avancer le coche. De nos jours on fait appel au coach pour faire
courir les salariés. Quelques années en arrière
on appelait "social engineering" les manipulations psychologiques
mais il semble que cette expression soit devenue tabou. Les mots
changent, les maux restent ! Le coaching est donc le nouvel évangile
du productivisme et de la mondialisation.
Des motivations inavouables et non désintéressées
(entre 200 et 4500 Euros la journée, selon leur notoriété
et leur aptitude à vendre leur soupe) ont poussé un
certain nombre de charlatans à proposer leurs services pour
coacher (accompagner, entraîner, conditionner à suivre
la voie qu'on a choisie pour eux) les salariés et cadres
des entreprises. Pour les cadres il s'agit de les rendre plus aptes
à générer plus vite de la plus-value. Quant
aux simples salariés, cela tient souvent lieu de vaseline
avant restructuration, délocalisation, licenciement. Ces
simulacres de formation étant principalement axés
sur l'individualisme, les syndicats ne suscitent plus l'enthousiasme
chez les salariés ainsi mis en condition. Les dirigeants
des groupes industriels ont donc bien raison de jubiler de satisfaction.
Ces tristes pratiques ont été importées en
France seulement vers 1991. Mais importées d'où, au
fait ? Devinez. Eh bien ! Oui. Vous avez trouvé ! Du pays
du spirituel et du créationnisme, de l'empire de la (statue
de la) liberté. Et bien que d'apparition récente chez
nous le coaching (je m'y ferai jamais, je trouve ce mot cochon)
représentait déjà en 2002 un marché
estimé à 100 millions d'Euros avec environ 2000 prestataires.
Les prévisions pour 2004-2005 sont de 450 millions d'Euros.
A voir comment les rapaces se précipitent sur leurs proies,
c'est dire si ce marché est juteux. Soulignons que ces remodelages
cérébraux sont habituellement pris en charge au titre
de la formation. Ainsi l'argent de la collectivité sert à
financer le décervelage.
Ces rapaces viennent parfois du monde du sport de "haut niveau".
C'est là en effet que la victime doit produire vite médailles
et dollars avant d'être jetée aux orties une fois son
potentiel épuisé. Ils viennent aussi, bien qu'ils
avancent camouflés, de l'église de scientologie et
autres sectes. Il leur suffit d'ailleurs de deux ou trois stages
pour devenir l'un de ces gourous. C'est très attractif car
rapidement productif pour ce petit monde des charlatans, marchands
d'ésotérisme et autres sectaires. Devenez gourou en
trois leçons !
La méthode mise en oeuvre est un ramassis des pseudo-sciences
déjà connues au siècle dernier : analyse transactionnelle,
psychologie du comportement, programmation neuro linguistique, sophrologie.
La méthode Coué y figure aussi en bonne place. Ces
escrocs, lesquels appliquent à l'humain les méthodes
que Pavlov (Riazan 1849 - Leningrad 1936) appliquait à ses
chiens de laboratoire, peuvent parfois être démasqués
par leur vocabulaire ésotérique et fumeux (magnétisme,
ondes, énergie, chakras, chamanisme, ...)
Pour quelques sujets qui traverseront cette tourmente sans trop
de dommages, combien en reviendront inaptes, boulets pour leur famille
et la société. Ces victimes sont tellement déstructurées
qu'elles ne voient pas la nécessité de se grouper
en associations de défense et porter plainte contre ceux
qui les ont conduit là. Il faudra probablement encore plusieurs
décades et des milliers de victimes avant que leurs droits
légitimes soient reconnus. Comme pour l'amiante et le sang
contaminé. Pendant ce temps leurs bourreaux auront vécu
grassement avec les profits ainsi réalisés à
leur détriment. L'espèce des "responsables non
coupables" n'est nullement en voie d'extinction.
Bref ! En voilà une méthode qu'elle est bonne pour
les patrons et grands capitalistes de tout poil. A tel point qu'il
parait (lu dans la presse) qu'elle est maintenant enseignée
à la faculté des sports de Dijon. Ainsi ces brigands
pourront ceindre leur front des lauriers universitaires, ce qui
ne peut qu'accroître leurs prétentions et les autorisera
à ponctionner avec encore plus de vigueur les budgets formation.
"Dans un monde soumis au dieu performance, pas de place pour
l'art, la poésie, et plus généralement, toute
forme d'expression échappant à la dictature de la rentabilité."
-- Antonio Fischetti, journaliste
La question se pose donc de savoir comment la doctrine managériale
actuelle en vient à prescrire aussi massivement une pratique
qu'elle reconnaît par ailleurs comme dangereuse et particulièrement
délicate à mettre en place.
-- Valérie Brunel, sociologue
Valérie Brunel vient de publier aux éditions La Découverte
(Novembre 2004) un livre tiré de sa thèse de doctorat
:
Les Managers de l'âme
Le développement personnel en entreprise, nouvelle
pratique du pouvoir ?
Dans ce livre, qui n'est pas facile pour un béotien en ce
domaine, V.B. prétend seulement rendre lisibles les nouvelles
pratiques managériales. Ceci se conçoit d'autant plus
facilement que, dans le contexte d'une thèse, l'objectif
est d'apporter un éclairage sur le sujet et non une prise
de position. C'est pourquoi V.B. ne fait, dans son livre, qu'effleurer
délicatement la surface de la vague sans prendre le risque
de provoquer le moindre remous. Cependant, quitte à lire
deux fois ou bien à lire entre les lignes, les ingrédients,
les mots clés, les mots qui font mal sont bien là
et c'est au lecteur que revient la tâche de se forger une
critique objective, en traduisant parfois les néologismes
de la langue de bois en mots de tous les jours. Il semble finalement
que cette lecture soit à la portée de beaucoup de
personnes. C'est ainsi que l'on y rencontre des expressions telles
que celles ci-dessous dont je donne la traduction en langage courant,
juste pour montrer le principe de la lecture. Une fois assimilé
le principe, le lecteur fera facilement les bonnes substitutions.
"la pratique de soi" - nouvelle appellation
du conditionnement et de la manipulation psychologique.
"individualiser" l'individu - l'isoler,
plus on le rendra narcissique et centré sur lui-même,
moins il sera attiré par la pratique syndicale.
"normalisation du comportement" - la norme
étant bien sûr celle imposée unilatéralement
par le patronat. ...conformisation sociale" - que pas une tête
ne dépasse.
"régulation subtile et peu coercitive"
- un conditionnement sournois remplace la force brute de l'autoritarisme.
"développement personnel" - conditionnement
du personnel.
"ce don de soi doit être géré psychologiquement"
- c'est tellement plus noble de se donner que de se vendre... et avec
de la vaseline, ça passe tellement mieux !
Il parait évident aussi que le point d'interrogation, à
la fin du sous-titre du livre, n'est là que pour la forme.
Il ne semble pas que V.B. ait des doutes à ce sujet. Avant
d'être chercheuse au CNRS, elle a exercé le conseil
en management, elle sait incontestablement de quoi elle parle. Avoir
su, avoir pu, réorienter ainsi sa carrière est une
démarche qui l'honore et la distingue.
Ces pratiques créent dans la monde du travail une ambiance
singulière, une sorte de tyrannie psychologique que certains
finissent par accepter et subir, à tort, comme un mal nécessaire.
Déjà, en son temps, Etienne de la Boëtie décrivait
avec une grande clairvoyance les effets de la tyrannie dans son
Discours de la servitude volontaire.
«...avoir l'oeil au guet, l'oreille aux écoutes, pour
épier d'où viendra le coup, pour découvrir
les embûches, pour sentir la ruine de ses compagnons, pour
aviser qui le trahit, rire à chacun et némoins se
craindre de tous ; n'avoir ni ennemi ouvert ni ami assuré
ayant toujours le visage riant et le coeur transi, ne pouvoir être
joyeux et n'oser être triste ! »
Ce discours et toujours d'une brûlante actualité.
Accepter de subir une telle tyrannie est tellement peu conforme
à la nature même du monde vivant que, citant une fois
encore La Boëtie :
« Même les boeufs sous le poids du joug geignent,
Et les oiseaux dans la cage se plaignent. »
Semaine du jeudi 18 novembre 2004 - n°2089 - Notre époque
Origine : http://www.nouvelobs.com/articles/p2089/a256347.html
Ils sont déjà plus de 3500 en France Coachs
en stock
Des soucis au boulot ou à la maison? Un problème
de look ou des doutes sur la couleur du futur canapé... Vite
un coach! Dans notre société narcissique et obsédée
par la performance, l’assistance au quotidien est devenue
un marché que se partagent professionnels du «savoir-être»
et charlatans patentés
Il y a quelque temps, quand Guillaume ouvrait la bouche, il en
sortait une petite voix aiguë, un peu ridicule: «Les
gens m’appelaient Madame au téléphone»,
dit-il. Cet étudiant de 28 ans faisait son droit pour devenir
avocat mais, avec ce timbre haut perché, ses professeurs
l’avaient prévenu: il courait à l’échec.
Aujourd’hui, sa voix est tombée d’un octave.
Elle a de riches inflexions. Miraculé? Non. Guillaume s’est
fait coacher, et de haute-contre il est passé ténor.
Avec ce timbre tout neuf, il a été admis au barreau.
Et il est nettement mieux dans sa peau. «Il suffit de vouloir»,
résume-t-il. Ça sonne comme un slogan pour le coaching:
si on veut, on peut.
Faire du sport chez soi? Coach sportif! Régler ce problème
de look un peu ringard ou trop passe-partout? Coach image! Et cette
décision professionnelle difficile à prendre? Business
coach! Des rondeurs récalcitrantes? Coach minceur! L’adolescent
qui nous fait tourner en bourrique? Fastoche: coach parental! Le
choix de la couleur du futur canapé? Coach déco. Celui
du prochain amour? Love coach! Permanente ou mèches? Coach
capillaire! La vie est devenue facile au pays des coachs: à
chaque problème son coaching, à chaque carrefour une
main qui se tend, une oreille qui se prête et un soutien en
béton. Depuis quelques mois, plus une émission de
télé qui ne suive l’édifiant parcours
du coaché heureux, débarrassé de ses incertitudes
grâce à l’accompagnement d’une personne
à la voix douce et au discours rassurant. Les magazines féminins
regorgent de ces histoires merveilleuses de gens qui reprennent
leur vie en main sans s’infliger une douloureuse psychothérapie.
Les coachs sont partout nous dit-on, pourquoi s’en priver?
Quelques clics sur le web suffisent à donner la mesure de
l’offre: elle flambe. On est loin des débuts du coaching
à la française au tournant des années 1990.
Venu des Etats-Unis, le phénomène touche alors exclusivement
les entreprises qui y voient une façon d’externaliser
leur gestion des ressources humaines: elles font appel au coach
pour aider leurs employés, souvent les cadres, à évoluer.
L’objectif est clair: un coup de pouce pour devenir meilleur,
plus fort, plus performant. «Le coaching est adapté
au monde du travail actuel qui demande à chacun de sauvegarder
son employabilité, de forger sa propre adaptabilité,
explique Suzel Gaborit-Stiffel, de l’association SF Coach,
qui tente de réguler la pratique des business coachs. L’entreprise
ne s’occupe plus des plans de carrière, à chacun
de construire le sien. L’aide extérieure du coach peut
être nécessaire pour faire le point.»
On estime à 3500 le nombre de coachs qui exercent en France
(1). La plupart se sont installés ces derniers mois. Souvent,
ils étaient formateurs, conseillers, psychothérapeutes,
décorateurs ou relookeurs, et collent juste l’étiquette
«coach» sur leur CV. Ça fait air du temps. D’autres
y ont vu le moyen de changer d’activité professionnelle,
de se lancer à leur propre compte. C’est le cas de
Lionel Ancelet. Il travaillait dans le marketing et la communication
pour une entreprise, aimait surtout gérer les équipes,
faire naître chez les autres ce qu’ils avaient de meilleur.
Voilà un peu plus d’un an, au tournant de sa quarantaine
et après une formation spéciale, il a sauté
le pas et s’est installé comme «life coach».
Entraîneur de vie, en français. Le life coaching est
le marché à prendre (ils seraient plus de 4000 en
Grande-Bretagne, où la vague est plus ancienne), par opposition
à celui du business coaching (payé par l’entreprise).
Il s’adresse aux particuliers qui souhaitent obéir
à la vieille injonction de Nietzsche: «Deviens ce que
tu es!» Pas facile dans un monde narcissique, atomisé,
obsédé par la performance et la quête de bonheur.
«Depuis quarante ans, les individus sont soumis à de
nouvelles contraintes d’autonomie et de responsabilité,
alors que les cadres anciens se délitent», explique
la sociologue Valérie Brunel (2). Le ciel est vide. Dieu,
le communisme et la famille sont morts et les hommes sont seuls,
livrés à eux-mêmes. Ce n’est pas tout:
«Les nouveaux modes de management, la logique de projet, la
meilleure relation à soi et à l’autre qui prévalent
dans l’entreprise ont gagné toute la société»,
ajoute la sociologue. Il faut optimiser son potentiel, viser en
tout l’excellence, être «pro-actif»…
pour enfin devenir l’individu dont notre société
«libérale-économique» a besoin. En deux
mots: efficace et adapté.
Le life coach pioche dans sa boîte à outils: des techniques
de conduite psychologique qui font les choux gras du développement
personnel. Aux côtés de la bonne vieille méthode
Coué – bien sûr – et de la neutralité
bienveillante chère à l’ancêtre psychanalyse,
on y trouve, pêle-mêle, l’analyse transactionnelle,
cette théorie de l’individu qui s’articule autour
des «Etats du Moi»; la programmation neuro-linguistique
(PNL), une science qui décrit la façon dont le cerveau
codifie nos expériences et bâtit des croyances qui
conditionnent nos rapports aux autres; la psychologie humaniste,
fondée sur l’étude des comportements; l’hypnose…
Toutes ces techniques sont issues des travaux de scientifiques américains
qui, dans les années 1970, ont modélisé les
thérapies réussies. Toutes visent à améliorer
l’estime et la connaissance de soi.
Les clients de Lionel Ancelet, une quinzaine à ce jour,
viennent lui parler de problèmes de travail: ils ne s’amusent
plus autant qu’avant, se demandent s’ils seraient capables
de passer à autre chose, oui mais quoi? En fait, leur ego
en a pris un coup. Ils ont des conflits avec un supérieur.
Ou appréhendent la retraite qui arrive bientôt et s’inquiètent
de cette soudaine inactivité. Pas de panique, le coach est
là, prêt à les interroger avec bienveillance
pour les faire accoucher – selon la bonne vieille méthode
du «dialogue socratique» – de leurs désirs
inavoués. «Je n’ai pas vocation à leur
donner des conseils mais à faire en sorte qu’ils trouvent
en eux-mêmes les réponses à leurs interrogations,
qu’ils prennent conscience de leurs propres ressources.»
Ça peut commencer par un vrai changement. Depuis la rentrée,
l’Ecole Centrale de Lyon propose un coach à ses étudiants
de troisième année, sous les traits d’une jeune
femme, Hélène Mathieu, ex-professeur de lettres reconvertie
dans l’accompagnement des élites de la nation (3).
«Les étudiants ne savent pas où ils en sont.
Ils ont beaucoup travaillé, mais n’ont pas beaucoup
réfléchi à ce qu’ils voulaient devenir.
Je les aide à définir des objectifs professionnels.»
Elle en suit une quinzaine, qu’elle prend en séance
d’une à deux heures en face à face. Elle écoute,
pose des questions, aide à mettre en place de nouveaux comportements.
Marc, 23 ans, un garçon timide, a même eu des exercices
à faire chez lui: «Elle m’a demandé de
me mettre une fois en colère dans la semaine…»
Il s’agit d’essayer d’être autrement, sans
passer par la case divan. «Je ne veux pas aller fouiller dans
mon passé, explique un autre élève. Il faut
que ce soit efficace et que ça aille vite.»
Le coaching donne de la chair aux rêves. C’est ce qui
s’est passé avec Frédéric, 39 ans, qui
voulait évoluer dans son job, mais dont l’enthousiasme
brouillait l’esprit: «J’avais plusieurs possibilités
et l’impression que tout m’intéressait. En réalité,
j’étais largué. Mon coach m’a proposé
un programme par téléphone, ce qui me convenait très
bien parce que je voyage beaucoup, et, en quatre séances
de quarante-cinq minutes, j’avais pris une décision
capitale: je quitte mon poste actuel dans une grande entreprise
technologique pour monter ma boîte dans un tout autre domaine.
Il m’a surtout mis face à mes désirs profonds;
brique par brique, il a réussi à me donner le courage
et la motivation. Sans lui, je pense que tout cela serait resté
à l’état de rêve. Je suis très
fier de ma décision.»
Par téléphone? Oui, oui, c’est moderne, ça
va vite. «Ça doit être aussi agréable
que de faire l’amour par téléphone», estime
un coach à l’ancienne. On peut aussi être coaché
par mail, autour d’un bon repas, d’un café ou
même par oreillette. Vu dans une émission sur le love
coaching: un rendez-vous galant où le coaché est guidé
ainsi par sa coach qui lui souffle quoi faire, quoi dire: souris,
rapproche-toi, allez, vas-y, prends-lui la main! «C’est
n’importe quoi, ça n’a rien à voir avec
le coaching professionnel, s’emporte Suzel Gaborit-Stiffel
de SF Coach. Le mot "coach" est victime de son succès,
il faut faire attention à ceux qui se présentent comme
tels mais qui sont en fait des charlatans et des manipulateurs.
Un vrai coach n’est ni un thérapeute ni un conseiller,
un bon coach est un miroir qui permet au coaché de se voir
autrement, d’envisager sa vie sous un autre angle.»
L’association SF Coach existe depuis huit ans, compte près
de 600 membres et délivre des certifications selon l’expérience
et la compétence des praticiens (à ce jour, 50 «titulaires»
et une centaine de «membres associés»). Une nécessaire
organisation pour une profession sans règles officielles
et qui attire chaque semaine de nouveaux candidats: pas de diplôme
exigé, un marché encore en friche… la poule
aux œufs d’or est là, croient penser les prétendants.
Car si madame se trouve moche et que ça lui fait du bien
de payer pour un conseil de relooking, où est le mal à
l’accompagner dans les cabines d’essayage? Ou de prendre
un café avec la trentenaire surbookée qui ne «trouve
pas une minute pour elle» pour l’aider à faire
le clair dans son agenda?
Sylvain Louradour, lui, a trouvé un créneau: le «spa
du cerveau». Cet ancien créatif d’agence de publicité
sait que la formule fera mouche. Ce qu’il propose? Du coaching
culturel. Vous êtes nul en cinéma d’après
guerre, léger en peinture de la Renaissance, curieux de l’art
moderne, ne savez pas quelle pièce de théâtre
aller voir. Culture Coach a la solution qu’il vous faut: d’abord
un bilan culturel personnalisé (vous répondez à
un questionnaire) qui lui permet de déterminer votre personnalité,
vos goûts, votre façon d’appréhender le
monde. Il le traduit «avec un graphique», ça
fait scientifique. Ensuite, il vous donne des conseils par mail,
téléphone ou courrier et vous revoit après
pour en discuter. «Nos clients (une dizaine en dix mois d’existence)
cherchent du bien-être, du confort. Ils désirent une
culture personnelle, loin de celle formatée que l’on
vend en supermarché…»
Etre au top ou ne pas être, telle est la question. Sans tergiverser,
et rapidement s’il vous plaît. Et tant pis si les thérapeutes
sérieux tordent le nez devant le succès de ces cures
éclairs et hors de prix (voir encadré). S’ils
les réduisent à «un effet hypnotique»
et considèrent que «leurs résultats s’épuisent».
S’ils sourient de cette vanité à «s’échapper
à soi en s’intégrant dans un système
qui a une visée utilitariste». «Je me sens davantage
présent, je m’impose mieux, je ne suis plus paralysé
pour prendre la parole en public», résume Guillaume
l’avocat. Alors le reste…
(1) A titre de comparaison, on dénombre environ 5000 psychanalystes
en France.
(2) «Les Managers de l’âme», par Valérie
Brunel, La Découverte, 2004.
(3) «La Réussite scolaire», par Hélène
Mathieu, Solar, 2004.
Caroline Brizard Isabelle Monnin Laetitia Maccion
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