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Présentation :
Les managers de l'âme - Le développement personnel dans l'entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ? de Valérie Brunel
LES MANAGERS DE L'ÂME : Le développement personnel en entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ? Note de lecture
DANGER... Gare au gourou ! Un nouveau fléau social : LE COACHING
Ils sont déjà plus de 3500 en France Coachs en stock

Origine : http://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/9782707143860/livre-les-managers-de-l-ame.php?xd=c85e0e45bc668fbe757b016bab152d7a

Les managers de l'âme - Le développement personnel dans l'entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ?
Editeur(s) : La Découverte
Auteur(s) : V. Brunel

Présentation par l'éditeur

Le développement personnel et les approches psychologiques connaissent depuis quelques années un véritable engouement sur le marché de la formation professionnelle, dans la littérature managériale et plus largement dans le monde de l'entreprise ; les managers, de plus en plus, sont sommés de devenir des "coachs" ou des "psys". L'efficacité professionnelle s'évalue désormais à l'aune de la juste gestion de la relation à soi et à autrui. Il faut désormais "communiquer avec conviction", "s'affirmer", "développer son estime de soi", "progresser en autonomie" ou encore "gérer ses émotions" pour être plus performant. Comment expliquer le succès actuel de ces pratiques dans l'entreprise ?

En dépit de son essor massif sur les quinze dernières années, le phénomène psychologique dans l'entreprise n'a inspiré que peu d'analyses - peut-être en raison de la nouveauté et de l'immatérialité des dispositifs de pouvoir qu'il recouvre. Cet ouvrage s'inscrit dans cette brèche. En remettant en perspective la demande sociale croissante de connaissance de soi depuis les années 1970, il montre comment le monde du travail s'en est peu à peu emparé, pour servir ses besoins organisationnels et de performance. Inspirées de la tradition humaniste, les pratiques de "développement personnel" en entreprise visent la poursuite simultanée d'objectifs fort différents (bien-être et efficacité au travail ; authenticité à soi et adaptation à son poste...). Elles s'inscrivent ainsi dans des stratégies managériales renouvelées, reposant sur l'exercice d'un pouvoir intériorisé et moral.

L'auteur rappelle enfin les limites et dangers d'un tel discours et de l'utilisation de valeurs morales comme vecteurs de communication "éthiquement acceptables" à des fins stratégiques.

Au sommaire

Introduction

L'apparition du développement personnel dans le champ managérial
Comment les pratiques de soi sont apparues dans l'entreprise
Des pratiques ambivalentes
L'usage de soi
Les théories du développement personnel
Une ingiénérie du Soi
La figure du pouvoir dans l'entreprise
Le développement personnel comme vecteur du pouvoir. L'exemple de la multinationale Fair
Une nouvelle façon d'exercer le pouvoir dans l'entreprise
Limites de cette figure du pouvoir
Conclusion - Questions de méthode

Origine : http://jeanyves.over-blog.com/article-22856-6.html

Mercredi 01 Décembre 2004
LES MANAGERS DE L'ÂME : Le développement personnel en entreprise, nouvelle pratique de pouvoir ? de Valérie Brunel

Bien qu'elle s’en réclame souvent, on peut se demander si on peut ranger la « littérature managériale » dans le domaine des sciences humaines. Ces dernières en revanche ont fait de cette littérature un objet d'étude : Valérie Brunel se penche sur la mobilisation des techniques de développement personnel dans les organisations. La Programmation Neuro Linguistique, l'analyse transactionnelle ou l'intelligence émotionnelle sont des méthodes issues de la psychologie cognitive partageant des visées communes : développer la confiance en soi, apprendre à se connaître, gérer ses émotions et ses interactions avec autrui. La psyché est pour ces méthodes un objet «gérable», que l'on peut améliorer, «reprogrammer», afin de libérer les potentialités des individus, leur permettre de «se réaliser», de devenir plus «performants»...

Le caractère opérationnel de ces techniques, leur insistance sur l'efficacité personnelle en ont fait des outils séduisants pour les managers. Proposées aux cadres de certaines entreprises, elles constituent, selon Valérie Brunel, les fondements d'un «modèle de pouvoir renouvelé, peu coercitif car reposant sur l’aspiration de chacun à se développer et à se rapprocher d'un mode comportemental jugé souhaitable».

Ces techniques et les valeurs qu'elles portent construisent une vision de l'entreprise fondée, montre l'auteur, sur un déni de tout enjeu de pouvoir.

Tout conflit y est vu comme le résultat d'un problème de communication, lui-même engendré par les faiblesses affectives des individus !

Valérie Brunel a enquêté dans une entreprise de consulting. Le management s'y montre très soucieux du développement personnel de ses recrues, tout en évaluant étroitement leurs comportements au travail.

L’une des devises bienveillantes (!!!) de cette société est d'ailleurs «uporout», c'est-à-dire «tu progresses ou tu sors»...

Quelle éthique y a-t-il dans l’utilisation de valeurs morales comme vecteurs de communication à des fins stratégiques ?

Origine : http://rleb07.free.fr/opinions/newgourou.html

DANGER... Gare au gourou !
Un nouveau fléau social : LE COACHING


Selon la fable, c'était la mouche qui pensait qu'elle faisait avancer le coche. De nos jours on fait appel au coach pour faire courir les salariés. Quelques années en arrière on appelait "social engineering" les manipulations psychologiques mais il semble que cette expression soit devenue tabou. Les mots changent, les maux restent ! Le coaching est donc le nouvel évangile du productivisme et de la mondialisation.

Des motivations inavouables et non désintéressées (entre 200 et 4500 Euros la journée, selon leur notoriété et leur aptitude à vendre leur soupe) ont poussé un certain nombre de charlatans à proposer leurs services pour coacher (accompagner, entraîner, conditionner à suivre la voie qu'on a choisie pour eux) les salariés et cadres des entreprises. Pour les cadres il s'agit de les rendre plus aptes à générer plus vite de la plus-value. Quant aux simples salariés, cela tient souvent lieu de vaseline avant restructuration, délocalisation, licenciement. Ces simulacres de formation étant principalement axés sur l'individualisme, les syndicats ne suscitent plus l'enthousiasme chez les salariés ainsi mis en condition. Les dirigeants des groupes industriels ont donc bien raison de jubiler de satisfaction.

Ces tristes pratiques ont été importées en France seulement vers 1991. Mais importées d'où, au fait ? Devinez. Eh bien ! Oui. Vous avez trouvé ! Du pays du spirituel et du créationnisme, de l'empire de la (statue de la) liberté. Et bien que d'apparition récente chez nous le coaching (je m'y ferai jamais, je trouve ce mot cochon) représentait déjà en 2002 un marché estimé à 100 millions d'Euros avec environ 2000 prestataires. Les prévisions pour 2004-2005 sont de 450 millions d'Euros. A voir comment les rapaces se précipitent sur leurs proies, c'est dire si ce marché est juteux. Soulignons que ces remodelages cérébraux sont habituellement pris en charge au titre de la formation. Ainsi l'argent de la collectivité sert à financer le décervelage.

Ces rapaces viennent parfois du monde du sport de "haut niveau". C'est là en effet que la victime doit produire vite médailles et dollars avant d'être jetée aux orties une fois son potentiel épuisé. Ils viennent aussi, bien qu'ils avancent camouflés, de l'église de scientologie et autres sectes. Il leur suffit d'ailleurs de deux ou trois stages pour devenir l'un de ces gourous. C'est très attractif car rapidement productif pour ce petit monde des charlatans, marchands d'ésotérisme et autres sectaires. Devenez gourou en trois leçons !

La méthode mise en oeuvre est un ramassis des pseudo-sciences déjà connues au siècle dernier : analyse transactionnelle, psychologie du comportement, programmation neuro linguistique, sophrologie. La méthode Coué y figure aussi en bonne place. Ces escrocs, lesquels appliquent à l'humain les méthodes que Pavlov (Riazan 1849 - Leningrad 1936) appliquait à ses chiens de laboratoire, peuvent parfois être démasqués par leur vocabulaire ésotérique et fumeux (magnétisme, ondes, énergie, chakras, chamanisme, ...)

Pour quelques sujets qui traverseront cette tourmente sans trop de dommages, combien en reviendront inaptes, boulets pour leur famille et la société. Ces victimes sont tellement déstructurées qu'elles ne voient pas la nécessité de se grouper en associations de défense et porter plainte contre ceux qui les ont conduit là. Il faudra probablement encore plusieurs décades et des milliers de victimes avant que leurs droits légitimes soient reconnus. Comme pour l'amiante et le sang contaminé. Pendant ce temps leurs bourreaux auront vécu grassement avec les profits ainsi réalisés à leur détriment. L'espèce des "responsables non coupables" n'est nullement en voie d'extinction.

Bref ! En voilà une méthode qu'elle est bonne pour les patrons et grands capitalistes de tout poil. A tel point qu'il parait (lu dans la presse) qu'elle est maintenant enseignée à la faculté des sports de Dijon. Ainsi ces brigands pourront ceindre leur front des lauriers universitaires, ce qui ne peut qu'accroître leurs prétentions et les autorisera à ponctionner avec encore plus de vigueur les budgets formation.

"Dans un monde soumis au dieu performance, pas de place pour l'art, la poésie, et plus généralement, toute forme d'expression échappant à la dictature de la rentabilité."

-- Antonio Fischetti, journaliste

La question se pose donc de savoir comment la doctrine managériale actuelle en vient à prescrire aussi massivement une pratique qu'elle reconnaît par ailleurs comme dangereuse et particulièrement délicate à mettre en place.

-- Valérie Brunel, sociologue

Valérie Brunel vient de publier aux éditions La Découverte (Novembre 2004) un livre tiré de sa thèse de doctorat :

Les Managers de l'âme

Le développement personnel en entreprise, nouvelle pratique du pouvoir ?

Dans ce livre, qui n'est pas facile pour un béotien en ce domaine, V.B. prétend seulement rendre lisibles les nouvelles pratiques managériales. Ceci se conçoit d'autant plus facilement que, dans le contexte d'une thèse, l'objectif est d'apporter un éclairage sur le sujet et non une prise de position. C'est pourquoi V.B. ne fait, dans son livre, qu'effleurer délicatement la surface de la vague sans prendre le risque de provoquer le moindre remous. Cependant, quitte à lire deux fois ou bien à lire entre les lignes, les ingrédients, les mots clés, les mots qui font mal sont bien là et c'est au lecteur que revient la tâche de se forger une critique objective, en traduisant parfois les néologismes de la langue de bois en mots de tous les jours. Il semble finalement que cette lecture soit à la portée de beaucoup de personnes. C'est ainsi que l'on y rencontre des expressions telles que celles ci-dessous dont je donne la traduction en langage courant, juste pour montrer le principe de la lecture. Une fois assimilé le principe, le lecteur fera facilement les bonnes substitutions.

"la pratique de soi" - nouvelle appellation du conditionnement et de la manipulation psychologique.

"individualiser" l'individu - l'isoler, plus on le rendra narcissique et centré sur lui-même, moins il sera attiré par la pratique syndicale.

"normalisation du comportement" - la norme étant bien sûr celle imposée unilatéralement par le patronat. ...conformisation sociale" - que pas une tête ne dépasse.

"régulation subtile et peu coercitive" - un conditionnement sournois remplace la force brute de l'autoritarisme.

"développement personnel" - conditionnement du personnel.

"ce don de soi doit être géré psychologiquement" - c'est tellement plus noble de se donner que de se vendre... et avec de la vaseline, ça passe tellement mieux !

Il parait évident aussi que le point d'interrogation, à la fin du sous-titre du livre, n'est là que pour la forme. Il ne semble pas que V.B. ait des doutes à ce sujet. Avant d'être chercheuse au CNRS, elle a exercé le conseil en management, elle sait incontestablement de quoi elle parle. Avoir su, avoir pu, réorienter ainsi sa carrière est une démarche qui l'honore et la distingue.

Ces pratiques créent dans la monde du travail une ambiance singulière, une sorte de tyrannie psychologique que certains finissent par accepter et subir, à tort, comme un mal nécessaire. Déjà, en son temps, Etienne de la Boëtie décrivait avec une grande clairvoyance les effets de la tyrannie dans son Discours de la servitude volontaire.

«...avoir l'oeil au guet, l'oreille aux écoutes, pour épier d'où viendra le coup, pour découvrir les embûches, pour sentir la ruine de ses compagnons, pour aviser qui le trahit, rire à chacun et némoins se craindre de tous ; n'avoir ni ennemi ouvert ni ami assuré ayant toujours le visage riant et le coeur transi, ne pouvoir être joyeux et n'oser être triste ! »

Ce discours et toujours d'une brûlante actualité. Accepter de subir une telle tyrannie est tellement peu conforme à la nature même du monde vivant que, citant une fois encore La Boëtie :

« Même les boeufs sous le poids du joug geignent,

Et les oiseaux dans la cage se plaignent. »

Semaine du jeudi 18 novembre 2004 - n°2089 - Notre époque

Origine : http://www.nouvelobs.com/articles/p2089/a256347.html

Ils sont déjà plus de 3500 en France Coachs en stock

Des soucis au boulot ou à la maison? Un problème de look ou des doutes sur la couleur du futur canapé... Vite un coach! Dans notre société narcissique et obsédée par la performance, l’assistance au quotidien est devenue un marché que se partagent professionnels du «savoir-être» et charlatans patentés

Il y a quelque temps, quand Guillaume ouvrait la bouche, il en sortait une petite voix aiguë, un peu ridicule: «Les gens m’appelaient Madame au téléphone», dit-il. Cet étudiant de 28 ans faisait son droit pour devenir avocat mais, avec ce timbre haut perché, ses professeurs l’avaient prévenu: il courait à l’échec. Aujourd’hui, sa voix est tombée d’un octave. Elle a de riches inflexions. Miraculé? Non. Guillaume s’est fait coacher, et de haute-contre il est passé ténor. Avec ce timbre tout neuf, il a été admis au barreau. Et il est nettement mieux dans sa peau. «Il suffit de vouloir», résume-t-il. Ça sonne comme un slogan pour le coaching: si on veut, on peut.

Faire du sport chez soi? Coach sportif! Régler ce problème de look un peu ringard ou trop passe-partout? Coach image! Et cette décision professionnelle difficile à prendre? Business coach! Des rondeurs récalcitrantes? Coach minceur! L’adolescent qui nous fait tourner en bourrique? Fastoche: coach parental! Le choix de la couleur du futur canapé? Coach déco. Celui du prochain amour? Love coach! Permanente ou mèches? Coach capillaire! La vie est devenue facile au pays des coachs: à chaque problème son coaching, à chaque carrefour une main qui se tend, une oreille qui se prête et un soutien en béton. Depuis quelques mois, plus une émission de télé qui ne suive l’édifiant parcours du coaché heureux, débarrassé de ses incertitudes grâce à l’accompagnement d’une personne à la voix douce et au discours rassurant. Les magazines féminins regorgent de ces histoires merveilleuses de gens qui reprennent leur vie en main sans s’infliger une douloureuse psychothérapie. Les coachs sont partout nous dit-on, pourquoi s’en priver?

Quelques clics sur le web suffisent à donner la mesure de l’offre: elle flambe. On est loin des débuts du coaching à la française au tournant des années 1990. Venu des Etats-Unis, le phénomène touche alors exclusivement les entreprises qui y voient une façon d’externaliser leur gestion des ressources humaines: elles font appel au coach pour aider leurs employés, souvent les cadres, à évoluer. L’objectif est clair: un coup de pouce pour devenir meilleur, plus fort, plus performant. «Le coaching est adapté au monde du travail actuel qui demande à chacun de sauvegarder son employabilité, de forger sa propre adaptabilité, explique Suzel Gaborit-Stiffel, de l’association SF Coach, qui tente de réguler la pratique des business coachs. L’entreprise ne s’occupe plus des plans de carrière, à chacun de construire le sien. L’aide extérieure du coach peut être nécessaire pour faire le point.»

On estime à 3500 le nombre de coachs qui exercent en France (1). La plupart se sont installés ces derniers mois. Souvent, ils étaient formateurs, conseillers, psychothérapeutes, décorateurs ou relookeurs, et collent juste l’étiquette «coach» sur leur CV. Ça fait air du temps. D’autres y ont vu le moyen de changer d’activité professionnelle, de se lancer à leur propre compte. C’est le cas de Lionel Ancelet. Il travaillait dans le marketing et la communication pour une entreprise, aimait surtout gérer les équipes, faire naître chez les autres ce qu’ils avaient de meilleur. Voilà un peu plus d’un an, au tournant de sa quarantaine et après une formation spéciale, il a sauté le pas et s’est installé comme «life coach». Entraîneur de vie, en français. Le life coaching est le marché à prendre (ils seraient plus de 4000 en Grande-Bretagne, où la vague est plus ancienne), par opposition à celui du business coaching (payé par l’entreprise). Il s’adresse aux particuliers qui souhaitent obéir à la vieille injonction de Nietzsche: «Deviens ce que tu es!» Pas facile dans un monde narcissique, atomisé, obsédé par la performance et la quête de bonheur. «Depuis quarante ans, les individus sont soumis à de nouvelles contraintes d’autonomie et de responsabilité, alors que les cadres anciens se délitent», explique la sociologue Valérie Brunel (2). Le ciel est vide. Dieu, le communisme et la famille sont morts et les hommes sont seuls, livrés à eux-mêmes. Ce n’est pas tout: «Les nouveaux modes de management, la logique de projet, la meilleure relation à soi et à l’autre qui prévalent dans l’entreprise ont gagné toute la société», ajoute la sociologue. Il faut optimiser son potentiel, viser en tout l’excellence, être «pro-actif»… pour enfin devenir l’individu dont notre société «libérale-économique» a besoin. En deux mots: efficace et adapté.

Le life coach pioche dans sa boîte à outils: des techniques de conduite psychologique qui font les choux gras du développement personnel. Aux côtés de la bonne vieille méthode Coué – bien sûr – et de la neutralité bienveillante chère à l’ancêtre psychanalyse, on y trouve, pêle-mêle, l’analyse transactionnelle, cette théorie de l’individu qui s’articule autour des «Etats du Moi»; la programmation neuro-linguistique (PNL), une science qui décrit la façon dont le cerveau codifie nos expériences et bâtit des croyances qui conditionnent nos rapports aux autres; la psychologie humaniste, fondée sur l’étude des comportements; l’hypnose… Toutes ces techniques sont issues des travaux de scientifiques américains qui, dans les années 1970, ont modélisé les thérapies réussies. Toutes visent à améliorer l’estime et la connaissance de soi.

Les clients de Lionel Ancelet, une quinzaine à ce jour, viennent lui parler de problèmes de travail: ils ne s’amusent plus autant qu’avant, se demandent s’ils seraient capables de passer à autre chose, oui mais quoi? En fait, leur ego en a pris un coup. Ils ont des conflits avec un supérieur. Ou appréhendent la retraite qui arrive bientôt et s’inquiètent de cette soudaine inactivité. Pas de panique, le coach est là, prêt à les interroger avec bienveillance pour les faire accoucher – selon la bonne vieille méthode du «dialogue socratique» – de leurs désirs inavoués. «Je n’ai pas vocation à leur donner des conseils mais à faire en sorte qu’ils trouvent en eux-mêmes les réponses à leurs interrogations, qu’ils prennent conscience de leurs propres ressources.»

Ça peut commencer par un vrai changement. Depuis la rentrée, l’Ecole Centrale de Lyon propose un coach à ses étudiants de troisième année, sous les traits d’une jeune femme, Hélène Mathieu, ex-professeur de lettres reconvertie dans l’accompagnement des élites de la nation (3). «Les étudiants ne savent pas où ils en sont. Ils ont beaucoup travaillé, mais n’ont pas beaucoup réfléchi à ce qu’ils voulaient devenir. Je les aide à définir des objectifs professionnels.» Elle en suit une quinzaine, qu’elle prend en séance d’une à deux heures en face à face. Elle écoute, pose des questions, aide à mettre en place de nouveaux comportements. Marc, 23 ans, un garçon timide, a même eu des exercices à faire chez lui: «Elle m’a demandé de me mettre une fois en colère dans la semaine…» Il s’agit d’essayer d’être autrement, sans passer par la case divan. «Je ne veux pas aller fouiller dans mon passé, explique un autre élève. Il faut que ce soit efficace et que ça aille vite.»

Le coaching donne de la chair aux rêves. C’est ce qui s’est passé avec Frédéric, 39 ans, qui voulait évoluer dans son job, mais dont l’enthousiasme brouillait l’esprit: «J’avais plusieurs possibilités et l’impression que tout m’intéressait. En réalité, j’étais largué. Mon coach m’a proposé un programme par téléphone, ce qui me convenait très bien parce que je voyage beaucoup, et, en quatre séances de quarante-cinq minutes, j’avais pris une décision capitale: je quitte mon poste actuel dans une grande entreprise technologique pour monter ma boîte dans un tout autre domaine. Il m’a surtout mis face à mes désirs profonds; brique par brique, il a réussi à me donner le courage et la motivation. Sans lui, je pense que tout cela serait resté à l’état de rêve. Je suis très fier de ma décision.»

Par téléphone? Oui, oui, c’est moderne, ça va vite. «Ça doit être aussi agréable que de faire l’amour par téléphone», estime un coach à l’ancienne. On peut aussi être coaché par mail, autour d’un bon repas, d’un café ou même par oreillette. Vu dans une émission sur le love coaching: un rendez-vous galant où le coaché est guidé ainsi par sa coach qui lui souffle quoi faire, quoi dire: souris, rapproche-toi, allez, vas-y, prends-lui la main! «C’est n’importe quoi, ça n’a rien à voir avec le coaching professionnel, s’emporte Suzel Gaborit-Stiffel de SF Coach. Le mot "coach" est victime de son succès, il faut faire attention à ceux qui se présentent comme tels mais qui sont en fait des charlatans et des manipulateurs. Un vrai coach n’est ni un thérapeute ni un conseiller, un bon coach est un miroir qui permet au coaché de se voir autrement, d’envisager sa vie sous un autre angle.» L’association SF Coach existe depuis huit ans, compte près de 600 membres et délivre des certifications selon l’expérience et la compétence des praticiens (à ce jour, 50 «titulaires» et une centaine de «membres associés»). Une nécessaire organisation pour une profession sans règles officielles et qui attire chaque semaine de nouveaux candidats: pas de diplôme exigé, un marché encore en friche… la poule aux œufs d’or est là, croient penser les prétendants. Car si madame se trouve moche et que ça lui fait du bien de payer pour un conseil de relooking, où est le mal à l’accompagner dans les cabines d’essayage? Ou de prendre un café avec la trentenaire surbookée qui ne «trouve pas une minute pour elle» pour l’aider à faire le clair dans son agenda?

Sylvain Louradour, lui, a trouvé un créneau: le «spa du cerveau». Cet ancien créatif d’agence de publicité sait que la formule fera mouche. Ce qu’il propose? Du coaching culturel. Vous êtes nul en cinéma d’après guerre, léger en peinture de la Renaissance, curieux de l’art moderne, ne savez pas quelle pièce de théâtre aller voir. Culture Coach a la solution qu’il vous faut: d’abord un bilan culturel personnalisé (vous répondez à un questionnaire) qui lui permet de déterminer votre personnalité, vos goûts, votre façon d’appréhender le monde. Il le traduit «avec un graphique», ça fait scientifique. Ensuite, il vous donne des conseils par mail, téléphone ou courrier et vous revoit après pour en discuter. «Nos clients (une dizaine en dix mois d’existence) cherchent du bien-être, du confort. Ils désirent une culture personnelle, loin de celle formatée que l’on vend en supermarché…»

Etre au top ou ne pas être, telle est la question. Sans tergiverser, et rapidement s’il vous plaît. Et tant pis si les thérapeutes sérieux tordent le nez devant le succès de ces cures éclairs et hors de prix (voir encadré). S’ils les réduisent à «un effet hypnotique» et considèrent que «leurs résultats s’épuisent». S’ils sourient de cette vanité à «s’échapper à soi en s’intégrant dans un système qui a une visée utilitariste». «Je me sens davantage présent, je m’impose mieux, je ne suis plus paralysé pour prendre la parole en public», résume Guillaume l’avocat. Alors le reste…

(1) A titre de comparaison, on dénombre environ 5000 psychanalystes en France.

(2) «Les Managers de l’âme», par Valérie Brunel, La Découverte, 2004.

(3) «La Réussite scolaire», par Hélène Mathieu, Solar, 2004.

Caroline Brizard Isabelle Monnin Laetitia Maccion