Origine : lIste Zpajol
LE MONDE - édition du 11.06.05
En tant que membre du Groupe d'information et de soutien
des immigrés (Gisti), comment réagissez-vous à
la proposition du ministre de l'intérieur de fixer le nombre
d'immigrants catégorie par catégorie ?
Nicolas Sarkozy écarte l'idée de fixer des quotas
par nationalité pour éviter d'effrayer, mais l'objectif
reste bien de réguler l'entrée des étrangers.
Les quotas professionnels, cela existe déjà dans les
faits.
A chaque fois que la France a eu des manques dans un secteur, elle
a su faire sauter le verrou de l'interdiction de travail pour faire
venir les professionnels dont elle avait besoin. Cela s'est fait
pour les informaticiens entre 1998 et 2000, pour les bûcherons
après la tempête de 1999 et plus récemment pour
les professionnels de santé. Nous sommes vraiment dans le
cadre d'un discours politicien, par lequel M. Sarkozy veut marquer
des points vis-à-vis de M. Villepin. Un discours qui, en
outre, embarrassera la gauche, qui n'a pas d'alternative à
proposer, et auquel l'extrême droite ne trouvera rien à
redire.
D'autant que le ministre de l'intérieur se fixe l'objectif
d'augmenter encore de 50% les reconduites à la frontière.
Craignez-vous un durcissement dans la politique d'expulsion
?
Les reconduites à la frontière impliquent forcément
une phrase de rétention. Or, aujourd'hui, avec l'allongement
de la rétention et l'augmentation des capacités d'accueil
des centres, on en arrive déjà à une situation
explosive, avec des bavures. On tombe dans un véritable système
carcéral sans tout l'accompagnement juridique censé
accompagner les personnes concernées.
Alors que la Cimade - seule association à intervenir dans
les centres de rétention administrative - pousse des cris
d'alarme sur la déshumanisation des centres de rétention,
jusqu'où va-t-on aller dans la surenchère ? Veut-on
passer ce seuil qui fait qu'au-delà d'un
certain nombre de personnes, on est obligé de renvoyer les
gens par charters ? Va-t-on passer d'un système que l'on
peut encore considérer comme étant encadré
par des principes de droit à un système d'éloignement
à grande échelle, forcément porteur de dérapages
et de violations des droits fondamentaux, comme on le voit en Italie
?
Que préconisez-vous ?
Cela fait 30-40 ans que nous sommes embarqués dans une politique
de fermeture des frontières. On est tout le temps en train
de chercher mieux, mais on voit bien que c'est le postulat qui est
mauvais. Si la politique d'immigration s'appuyait sur l'idée
de fluidité des frontières, il y aurait une incitation
à l'autorégulation très forte.
Mais cela s'inscrit dans le cadre d'une politique internationale
de coopération Nord-Sud et non d'opposition, comme celle
menée aujourd'hui en Europe. Le discours européen
prend d'ailleurs de plus en plus un ton guerrier par rapport à
l'immigration clandestine.
Propos recueillis par Laetitia Van Eeckhout
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