Origine : http://www.combatenligne.fr/article/?id=2638
«Entreprise individuelle ou collective ayant pour but de
troubler gravement l’ordre public par l’intimidation
ou la terreur» : c’est la définition du terrorisme
dans le code pénal. Une telle entreprise, concertée
et de grande ampleur, est menée sous nos yeux depuis des
mois.
Pour l’intimidation, les moyens sont nombreux et variés
: contrôles au faciès dans la rue, rondes menaçantes
des GPSR (Groupes de protection et de sécurisation des réseaux)
avec leurs chiens d’attaque dans le métro, filtrage
des issues des cités par la police, surveillance des banlieues
depuis le ciel par des drones à vision nocturne. Sans compter
l’intimidation des journalistes, menacés de perdre
leur place sur appel téléphonique d’en haut.
Pour ce qui est de la terreur, la récente irruption des
forces spéciales cagoulées et surarmées, à
l’aube, dans un petit village de Corrèze a été
filmée et photographiée, si bien que la France entière
a pu imaginer l’effroi des enfants devant le surgissement
de ces extraterrestres.
On n’a pas oublié la mort de Chulan Zhang Liu, cette
fillette chinoise qui s’est jetée par la fenêtre,
l’an dernier, tant elle était terrorisée par
un contrôle de police à la recherche de sans-papiers.
Ni les adolescents qui poussent l’indiscipline jusqu’à
se pendre dans leur prison. Ni les collégiennes de Marciac
terrorisées par les chiens renifleurs. Sans oublier la terreur
des malades mentaux qui peuplent les prisons et les bancs publics
par grand froid, et auxquels le chef de l’État a promis
des mesures techno-médicamenteuses appropriées à
la menace qu’ils représentent.
La lutte antiterroriste, ainsi que ses sœurs cadettes que
sont la lutte contre l’immigration clandestine et la lutte
contre la drogue n’ont rien à voir avec ce qu’elles
prétendent combattre. Ce sont des moyens de gouvernement,
des modes de contrôle des populations par l’intimidation
et la terreur. Ceux qui tiennent aujourd’hui en mains l’appareil
d’État ont conscience de l’impopularité
sans précédent des mises à la casse qu’ils
appellent des réformes. Ils savent qu’une étincelle
peut mettre le feu à toute la plaine. Ils mettent en place
un système terroriste pour prévenir et traiter les
troubles graves qu’ils prévoient.
Les événements de Grèce viennent encore renforcer
leurs craintes, dont on peut penser qu’elles sont assez fondées.
Car, comme il est écrit à l’article 35 de la
Constitution de 1793 : «Quand le gouvernement viole les droits
du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque
portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable
des devoirs.»
Alain Badiou et Éric Hazan, 30 décembre 2008
Éric Hazan est éditeur et directeur de La Fabrique,
Alain Badiou est philosophe.
Cette tribune a été publiée dans Politis du
24 décembre 2008.
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