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• Subject: Interventions de Temps Critiques Octobre 2002 - Battisti,
Persichetti...
• Date: 21 Février 2004
Ce texte concerne aussi les problèmes judiciaires de l'écrivain
Cesare Battisti, même s'il a été rédigé
par Temps Critiques au moment de l'extradition de Paolo Persichetti.
La meilleure manière de les soutenir intelligemment consiste
à éviter, que l'on raconte tout et n'importe quoi
sur cette période éminemment singulière de
l'histoire italienne...
Aufwiedersehen !
p.s. : le texte reproduit ci-dessous est tout à fait compréhensible.
Source : Temps Critiques
http://membres.lycos.fr/tempscritiques
Le texte présent ci-dessous...
http://membres.lycos.fr/tempscritiques/imp_inter.php?ordre=1
Interventions
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n°1 - Octobre 2002
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PASSÉ, PRÉSENT, DEVENIR
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Des luttes italiennes des années 70 aux extraditions d'aujourd'hui
: un État d'exception permanent.
Avant toute chose, il nous faut dire pourquoi il faut soutenir
Paolo Persichetti et avec lui, les autres réfugiés
politiques italiens. En effet il ne s'agit pas là d'un soutien
humaniste ou d'un désir de simple justice, comme ils pourraient
être accordés à tout réfugié.
Il s'agit d'un soutien politique à ce qui fut un combat révolutionnaire,
quelle que soit l'opinion qu'on ait vis-à-vis de tel ou tel
groupe politique et aussi des moyens mis en oeuvre. Comme le disent
Oreste Scalzone, et Paolo Persichetti dans « La révolution
et l'État », il faut être tous unis contre l'État,
le reste relève de la discussion et des dissensions internes.
S'il faut donc les soutenir, c'est parce que nous savons pertinemment
que dans les mêmes conditions, ce serait nous alors qui aurions
été pourchassés.
Loin de tout « innocentisme » qui reviendrait à
faire passer les réfugiés pour des enfants de coeur,
il n'en faut pas moins ? dans le cadre d'une action extrêmement
limitée et défensive que représente un soutien
? prendre la démocratie au mot et lui rappeler, puis éventuellement
lui imposer, le respect de sa propre légalité. Comme
le disent très bien Paolo Persichetti et Oreste Scalzone
: « (il faut) refuser le recours à une thématique
innocentiste, ne serait-ce que parce qu'un tel positionnement aboutit
à accepter implicitement, ou du moins à subir l'inversion
de la preuve » et encore : « Je considère en
tout cas que, dans la prochaine phase, nous n'avons pas à
nous défendre mais à mettre nos inquisiteurs en accusation
».
Il ne nous paraît pas possible de détacher ce soutien
d'une mémoire de la période dans laquelle se sont
passées la plupart des actes incriminés.
Cette période, c'est celle de la révolte des étudiants
et de la jeunesse allemande contre le capitalisme et la démocratie
autoritaire, contre les générations antérieures
nazifiées, c'est la constitution d'une « Opposition
extra-parlementaire » ; cette période, c'est celle
des grandes luttes prolétariennes de la Fiat de Turin, l'époque
du slogan « Nous voulons tout », mais c'est aussi celle
des grands attentats fascistes en Italie.
Les exemples de déclanchement d'une lutte armée,
en rapport avec le communisme, montrent donc, aussi bien dans le
cas de la RAF allemande que dans le cas des BR italiennes, que le
niveau de violence est le plus souvent déterminé par
l'État. « La stratégie de la tension »
nous en fournit un exemple pour l'Italie. Le choix de la lutte armée
n'est pas alors un véritable choix qui dépendrait
de stratégie politique ou de formation intellectuelle des
militants comme on nous l'a souvent rabâché avec la
comparaison GP française/ BR italiennes[1]. Il est le produit
d'une situation dans laquelle l'État italien a la volonté
de criminaliser la contestation alors que l'État français
s'essaie à une gestion en douceur de Mai 68 et de ses retombées.
Il n'en est pas de même dans le cadre du terrorisme nationaliste,
qu'il soit du type IRA, ETA, corse ou palestinien. Dans ce cas,
on a affaire à une lutte d'État à État
même si l'un des protagonistes n'est encore qu'un État
virtuel. Il n'est donc pas étonnant que leurs pratiques soient
parfois très proches. Le niveau de violence peut alors être
imposé par celui qui momentanément apparaît
comme le plus faible. Il faut d'ailleurs reconnaître, qu'à
certains moments, certaines actions des Brigades Rouges ont pu faire
penser qu'on n'était pas loin de ce cas de figure. La question
a même été posée clairement à
toutes les composantes du mouvement révolutionnaire quand
les BR ont posé l'ultimatum : « Avec les BR ou avec
l'État ».
Pour les nouvelles générations, ces actes apparaissent
peu compréhensibles si on ne les resitue pas dans leur dynamique
historique. Aujourd'hui, le terrorisme est politiquement et médiatiquement
désigné comme le mal absolu et il ne manque pas d'exemples
quotidiens d'actes de barbarie pour que cela prenne une certaine
résonance dans la tête de chacun. Tout acte illégal
a alors tendance à être présenté comme
potentiellement terroriste et tout est noyé dans la même
équivalence. A la limite, les actions offensives des ouvriers
de Cellatex et les bombes volantes du 11 septembre 2001, apparaissent
comme des pratiques identiques. Pour désamorcer ce processus
de banalisation de la terreur par la pratique de l'amalgame, il
faut au contraire différencier les actions, mettre en évidence
leurs causes et montrer l'opposition absolue des perspectives. Faute
de cela on assistera alors à de simples prises de position
abstraites et quasi philosophiques par rapport au niveau de violence
ou de non violence que les mouvements de lutte devraient exprimer.
Les discussions après Seattle et surtout Gênes tendent
à prouver que la question de la violence fait l'objet de
déclarations de principe et n'est plus appréhendée
comme expression d'un rapport dialectique entre forces antagonistes.
La confusion entre la critique d'un sens pré-déterminé
de l'Histoire et l'idéologie de la fin de l'Histoire, transforme
la question de la violence en une question métaphysique ou
éthique : la violence n'est plus l'accoucheuse de l'Histoire.
Ce qui est avancé relève alors d'une vision unilatérale
: soit pure positivité d'une nouvelle façon de faire
de la politique (schématiquement l'exemple des Tute bianche
et du mouvement des Girotondi ), soit pure négativité
de l'émeute (l'exemple du Black Bloc) comme preuve de l'existence
d'un foyer de contestation radicale et de l'assassinat politique
comme manifestation d'une organisation combattante (les nouvelles
BR ). Cette vision unilatérale empêche finalement de
s'interroger sur les luttes du passé et ne permet pas de
tirer les leçons de leurs limites, de leurs échecs.
On reste à la surface des choses si on ne fait que parler
de « la fin de la guerre civile » ou de la « défaite
de la violence diffuse » devant la violence militariste des
BR à partir de l'assassinat de Moro en 1978. Et on oublie
aussi l'essentiel si, comme le fait Negri, on discute autour de
la question des médiations politiques qui ont manqué
pendant ce grand mouvement de révolte, en oubliant la question
du contenu des luttes. « L'attaque au coeur de l'État
»[2] par les groupes de lutte armée des années
70 et la conquête d'espaces libérés par les
« désirants » de 1977 (les Untorelli)[3] laissaient
intacte la question de la révolution sociale comme communisation,
c'est-à-dire indissociablement transformation des rapports
de production et des rapports sociaux. De sorte que c'est lorsque
les luttes sont sorties de l'usine parce qu'elles y rencontraient
leurs limites, c'est quand les jeunes, les untorelli et autres emarginati
ont occupé les rues et même Milan et Bologne et que
le mouvement de subversion de l'ordre existant a pu apparaître
comme le plus fort, qu'il s'est brisé sur un capital en pleine
transformation avec son État produisant une législation
sécuritaire criminalisant les révolutionnaires[4],
des entreprises pratiquant une sortie d'urgence du fordisme (licenciements
massifs[5], automatisation, segmentation de la force de travail
et reconversion du capital fixe), et des pouvoirs urbains sachant
se rendre invisibles derrière les nouveaux temples de la
consommation culturelle mondiale.
Se reposer les questions de cette époque, mais avec l'expérience
d'aujourd'hui, doit mieux nous faire comprendre les limites de mouvement
comme celui des anti-mondialisation et en son sein, celui des Tute
bianche qui, par certains côté rejoue, mais de façon
néo-moderne, le drame des « désirants »
de 1977. Un mouvement qui produit des démonstrations de force
sans force et qui lorsqu'il trouve la force devant lui se fait hara
kiri et rejoint le non mouvement anti Berlusconi. Mais qui voudrait
mourir pour l'application de la taxe Tobin ? Ce n'est sûrement
pas ce « risque » qu'a assumé l'insurgé
Carlo Giuliani à Gênes en juillet 2001.
Ce retour sur le passé est aussi un enjeu politique extrêmement
important en Italie. Alors qu'en France on refoule Mai 68 en le
célébrant jusque dans les rangs des anciens gauchistes
du PS ou des ralliés à un PCF en partie relooké,
en Italie, les années 70 sont toujours considérées
comme une agression contre le système politique et judiciaire
tout entier. On s'en rend bien compte quand c'est le choix de l'amnésie
qui l'emporte, à gauche, sur celui de l'amnistie et qu'un
d'Alema, porte parole des anciens pciste devenu social-democrate
déclare : « L'Italie doit redevenir un pays normal
». On le voit encore quand la CGIL transforme une manifestation
contre la loi sur les licenciements en manifestation anti-terroriste
et démocratique sous prétexte que l'initiateur de
la loi vient d'être assassiné. Mais à quelle
normalité se référer, on ne le sait pas exactement
puisque l'extradition de Persichetti ou le maintien en détention
de Sofri et Bompassi, (je cite ces cas parce que ce sont les plus
récents ou médiatiques non parce que ce serait les
seuls cas en souffrance), ne vont pas particulièrement du
côté de l'apurement des comptes, mais bien plutôt
du côté de la vengeance. Et il ne s'agit pas de venger
les familles des victimes, mais de venger tous ceux qui ont eu peur
pour leurs positions sociales ou politiques, pour leurs intérêts.
L'Italie aimerait se croire redevenue « normale », mais
elle est toujours un mélange d'archaïsme (clientélisme
et influences mafieuses) et de néo-modernité, dans
la mesure où son État n'a jamais vraiment atteint
la maturité bourgeoise que représente le modèle
de l'État-nation à la française. Cela lui permet
d'être en avance sur sa voisine en ce qui concerne le processus
de résorption des institutions[6], tout en restant en retard
sur le modèle américain de la contractualisation des
peines. En effet, de quoi s'agit-il quand on voit se développer
aux États-Unis, en Italie et maintenant en France[7], des
lois spéciales qui toutes cherchent à différencier
gravité de l'accusation et de la condamnation d'un côté
et peine effective de l'autre ? Au-delà de la lutte anti-mafia
à l'origine de ces mesures, il s'agit de développer
une conception moderne du Droit en accord avec la multitude des
droits de toutes sortes qui prolifèrent au gré de
l'action de lobbies censés agir au nom d'une discrimination
particulière[8]. Ceci forme la base d'un nouveau consensus
dans lequel tous les individus doivent, au-delà de leurs
particularités, accepter le point de vue global. Le point
de vue de la nécessaire reproduction du système. Pour
tous ceux qui sont en phase avec le mouvement de la néo-modernité,
cela comporte évidemment de gros avantages, mais des avantages
qui se transforment vite en inconvénients quand on ose faire
un pas de côté. En effet, ce n'est pas le niveau général
des luttes de classes qui détermine ces lois sécuritaires,
car le niveau de lutte a rarement été aussi bas, mais
paradoxalement le fait que l'État n'a plus d'ennemi intérieur
déclaré. Comme la pacification ne peut jamais être
totale et que les États ont perdu une grande partie de leur
vision stratégique avec la crise des États-nations
et leur tendance à se redéployer en réseaux[9],
cela les amène à ne plus respecter certaines règles
du jeu démocratique traditionnel, afin de tester la conformité
de chacun à ce point de vue d'ensemble. Cette adhésion
est en effet nécessaire à leur logique de reproduction
de la domination. Dans le cas de Paolo Persichetti, cela consiste
à lui demander tou s les jours ce qu'il pense des «
nouvelles BR », s'il se repend et s'il est prêt à
demander le pardon de la veuve machin, pour une « participation
morale » à une action qui lui est reprochée
par un repenti rétracté ! Le fait que les italiens
aient réussi à faire surgir une accusation sous le
vocable de « concours moral à assassinat » en
dit plus long sur le caractère de l'État italien que
bien des discours.
Ce retour sur les luttes passées est aussi nécessaire
pour essayer de comprendre la nature de l'État aujourd'hui,
ainsi que la caractérisation des actions qui le prennent
pour cible. Ainsi, il semblerait que certains soient enclins à
voir dans toutes les actions de l'État, une tendance naturelle
à la répression. On est alors dans la plus grande
confusion quand la multiplication des « bavures » est
mise sur le même plan qu'une volonté d'anéantir
un mouvement social?qui n'existe pas ou bien lorsqu'on évoque
des « classes dangereuses » qui aujourd'hui ne présentent
pas grand danger, puisqu'elles ne peuvent plus s'intégrer
à une dialectique des luttes de classes devenue inopérante[10].
La moindre action de l'État est aussi souvent présentée
comme fascisation (on retrouve parfois le ton employé par
les « maos » du début des années 70) et
le moindre acte de résistance se présente comme lutte
sociale (l'action des No border en fournit un bon exemple). Cela
engendre deux erreurs de taille car elles inversent le processus
réel. Tout d'abord, l'État est pensé comme
tout puissant alors que son raidissement est toujours preuve de
sa faiblesse (en France l'État-nation est en crise profonde
et en Italie il n'arrive jamais à se stabiliser) et en second
lieu, le mouvement social est présenté comme toujours
potentiellement fort, alors même que la notion de mouvement
social est plus que jamais indéterminée. Alors même
que certaines franges de l'ultra-gauche italienne en 1969, avançaient
le mot d'ordre : « Contre le capital, lutte criminelle »[11],
les « radicaux » se plaignent aujourd'hui de la criminalisation
des luttes et écrivent des tracts où ils énoncent
qu' « ils ne se laisseront pas terroriser », marquant
ainsi le peu de différence qu'ils entretiennent avec les
tenants du « minimalisme politique »[12].
Pour saisir ce qui se trame derrière ces mesures, il nous
semble qu'il faut analyser le décalage que produit la crise
de l'État-nation et sa réorganisation potentielle
en État-réseau. Alors qu'il y a résorption
des institutions et de leur fonction politique, les structures bureaucratiques
des anciens corps de l'Institution (police, justice, armée,
services sociaux surtout) perdurent mais sous forme autonomisée
et suivant une logique d'organisation et de puissance qui cherche
à s'imposer sur le modèle du lobbyng. On en a un exemple
ancien avec ce qu'on a coutume d'appeler « la guerre des polices
», on en a un exemple nouveau avec l'offensive de la police
par rapport à la justice. Ce serait une erreur d'y voir la
preuve de la tendance à la réduction de l'État
à un gigantesque ministère de l'intérieur et
finalement à la constitution d'un État profondément
autoritaire. L'État n'est pas devenu ou redevenu autoritaire,
il est devenu total, comme le capital. Dans sa forme réseau
il étend ses tentacules dans la vie quotidienne de chacun,
ce qui nous amène à dire que l'État c'est aussi
nous quand nous profitons de la Sécurité Sociale,
des cartes de retrait, du crédit et de tout le toutim. C'est
tout cela qui a permis l'englobement des luttes de classes et la
résorption des mouvements de contestation des années
60 et 70. Ce n'est donc pas essentiellement la « criminalisation
des luttes » qui est visée par les nouvelles mesures
d'exception prises aujourd'hui[13] ; elles correspondent plutôt
à l'autonomisation des corps de l'Institution et à
une logique de surenchère concurrentielle. C'est sur la base
de cette lecture qu'il faut comprendre les dernières mesures
du gouvernement français, mesures qui nous rapprochent d'une
situation à l'italienne qui n'a justement jamais connu de
véritable système institutionnel et où donc
les « institutions » (on les appellera comme cela faute
de mieux) ont toujours eu leur propre logique, pénétrées
qu'elles étaient par la Loge P2, les groupes fascistes, la
Mafia.
Comprendre ces transformations de l'Etat ne suffit certes pas,
mais constitue déjà une bonne base pour ne pas se
fourvoyer dans des fausses pistes !
NOTES
[1] Les cadres militants français plus que repentis de la
GP et de son antenne armée « La nouvelle résistance
», formés dans le lit douillet de leur milieu d'origine
puis dans le cocon humaniste de l'École normale supérieure,
n'ont en effet jamais voulu être assimilés aux sauvageons
italiens sans principes. Pour en savoir plus sur ces spécialistes
du repentir tapageur on pourra consulter l'ouvrage historique :
« Terrorisme et démocratie » de Furet et allii.
Fayard, 1985, et particulièrement l'article signé
Antoine Liniers ; ou alors le dernier roman d'Olivier Rollin qui
a abandonné depuis longtemps son pseudo de Liniers, mais
pas son obsession d'avoir été quelqu'un d'important.
[2] La formule vient des BR.
[3] C'est le nom que leur donnera le capo dei capidu PCI, Enrico
Berlinguer, dans une phrase célèbre : « Ce ne
sont pas quelques porteurs de peste (untorelli) qui déracineront
Bologne ». Il est vrai que lorsqu'on est le parrain d'une
ville depuis quelques dizaines d'années, on n'aime pas se
faire marcher sur les pieds sur son propre territoire ! Ces untorelli
étaient constitués de jeunes qui cherchaient à
appliquer immédiatement certains comportements de rupture,
une façon de se réapproprier la vie quotidienne afin
de réaliser une sorte de révolution ici et maintenant.
[4] La loi Reale de 1975 a une orientation générale
qui peut se résumer ainsi : des moyens de répression
considérables, conférés à la police
plutôt qu'à la justice, une réduction sinon
une absence de moyens de protection et de défense des individus,
tandis que, au contraire, la police se voit attribuer de véritables
privilèges de procédure et de protection en cas de
« bavures ». Ainsi, la loi met la police au-dessus de
la loi. C'est cette loi qui instaure ce que Persichetti et Scalzone
appellent « l'état d'urgence permanent ». La
loi du 8 Août 1977 va étendre la liste des infractions
concernées. Tout ce qu'on peut rajouter, c'est que le duo
Sarkozy-Perben n'a rien inventé.
[5] C'est un point qui a pu passer inaperçu, mais les grandes
luttes ouvrières de la période 1968-1973 étaient
le fruit d'une alimentation continue des grandes usines du Nord
de l'Italie par une immigration du Sud à la recherche d'un
salaire de survie certes, mais dont l'origine paysanne rendait l'adaptation
à l'idéologie du travail ouvrier, au respect de l'outil
de travail, difficile. C'est ce décalage qui a pu permettre
une critique en acte du travail et le cri du « Vogliamo tutt
o ». C'est ce flux qui se tarit. Parallèlement le chômage
qui augmente va être à la racine de la phase suivante
: les jeunes sans travail (emarginati) vont s'organiser, pratiquer
les expropriations, renforcer la violence diffuse, puis les groupes
de lutte armée quand ils apparaîtront comme un rempart
contre la répression.
[6] Pour de plus amples développements sur cette question,
on peut se reporter à l'article du n°12 de notre revue
Temps Critiques, intitulé : « L'institution résorbée
»
[7] La loi « de gauche » du 15/10/2001 sur le témoignage
anonyme pour cas grave, puis celle « de droite » du
4/08/2002, qui étend son application à toutes les
infractions pouvant conduire à des peines de plus de 3 ans
d'emprisonnement et enfin l'activation de la technique des «
repentis » jusqu'à là réservée
aux trafiquants de stupéfiants et qui pourrait s'étendre
aux violences individuelles contre personnes dépositaires
de l'autorité publique (donc dans les cas de manifestations
par exemple) vont dans ce sens.
[8] Cf. « Capitalisme et nouvelles morales de l'intérêt
et du goût » de J.
Wajnsztejn, L'Harmattan. 2002.
[9] Cf. les articles de Temps critiques 12 et du n°13 à
paraître cet automne.
[10] Ce qui est oublié dans cette référence
facile et souvent socio-journalistique aux « classes dangereuses
», c'est qu'au XIX° siècle on l'accolait aux «
classes laborieuses » et non pas seulement au « lumpen
prolétariat » et autres disoccupati comme c'est souvent
le cas aujourd'hui.
[11] Tract du groupe Comontismo, diffusé au printemps 1969
lors de la vague générale de révolte dans les
prisons italiennes.
[12] Pour une définition de cette notion, cf. l'article
de J. Wajnsztejn dans le n°31 de la revue Lignes.
[13] Les « radicaux » ont de toute façon toujours
besoin de se sentir dangereux, même si finalement ils refusent
les conséquences possibles de leur position.
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