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Le commerce des instruments de torture
Amnesty International
Radio Air Libre 87.7 MHzb (en Belgique)

http://www.radioairlibre.be/infos/amnesty_international.htm

La torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont interdits en toutes circonstances par le droit international. Cependant, chaque jour, dans des pays du monde entier, des personnes sont victimes de tortures et de mauvais traitements.

La plupart des instruments utilisés pour infliger des douleurs ou des souffrances aiguës existent depuis des années. Néanmoins, les tortionnaires ont de plus en plus recours à des appareils faisant appel à des technologies récentes, comme les armes incapacitantes qui envoient de fortes décharges électriques. Ces armes sont fabriquées en nombre toujours plus grand. Leur utilisation et leur prolifération sont en passe d’échapper à tout contrôle.

Armes à décharges électriques

Selon une récente étude réalisée pour le compte d’Amnesty International, 230 sociétés dans 35 pays fabriquent, distribuent ou font le courtage d’armes à décharges électriques. Huit pays représentent une part substantielle de la production mondiale de ces armes, à savoir la Chine, Taiwan, les États-Unis, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud, la République tchèque, le Mexique et la Russie.

Les normes internationales concernant le recours à la force par les responsables de l’application des lois exigent que les fonctionnaires n’utilisent que le minimum de force nécessaire pour atteindre un objectif légitime et que tout recours à la force soit proportionnel à la menace représentée, afin d’éviter toute lésion ou douleur injustifiée. Amnesty International s’inquiète de ce que les armes à décharges électriques se prêtent aisément aux abus.

L’organisation ne cesse de recevoir des informations faisant état de l’utilisation de ces armes dans des situations où le recours à une telle force n’est pas justifié.

Aux États-Unis, des policiers auraient utilisé des pistolets Taser contre des personnes qui étaient déjà menottées et maîtrisées.

Pour Chiquita Hammonds, élève de quinze ans à Miramar, en Floride, la journée du 3 octobre 2002 avait commencé normalement. Mais le chauffeur du bus qui la conduisait à l’école s’est arrêté en route pour signaler à trois agents de police que les élèves étaient turbulents. Chiquita Hammonds est descendue du véhicule. Selon les policiers, elle a commencé à proférer des insultes. Alors qu’elle s’éloignait, l’un des policiers a attrapé la jeune fille par le poignet et a tenté de lui passer les menottes. Elle aurait réagi en faisant tomber les lunettes de soleil du policier. L’adolescente a ensuite été immobilisée au sol tandis que le policier essayait de la menotter. Un autre agent a aspergé de gaz poivre le visage de la jeune fille, ce qui, selon la police, n’a pas eu d’effet visible. C’est alors qu’un troisième policier a dégainé son arme incapacitante M-26 de marque Taser et a tiré dans le dos de Chiquita Hammonds, lui envoyant une décharge de 50000 volts.

L’usage d’une telle arme, non létale mais douloureuse, constitue ici un recours à la force excessif et disproportionné.

Entraves pour les jambes, chaînes et menottes pour les pouces

Selon une récente étude réalisée pour le compte d’Amnesty International, au moins 69 entreprises de 12 pays fabriquent, distribuent ou font le commerce des entraves pour les jambes, des chaînes ou des menottes pour les pouces.

Les chercheurs ont recensé des fabricants de ces matériels dans des pays comme la Chine, la République tchèque, l’Afrique du Sud, la Corée du Sud, Taiwan et les États-Unis.

Amnesty International a mis en évidence, dans de nombreux pays, l’utilisation généralisée de ces dispositifs à des fins de torture et autres mauvais traitements.

Alfred Harding, un prisonnier reconnu coupable d’une infraction liée à l’utilisation d’armes à feu et pour ainsi dire détenu au secret dans le quartier des condamnés à mort à Sainte-Lucie, a été entravé des mois durant. On ne lui enlevait jamais les fers de 15 centimètres qu’il portait aux chevilles et, la nuit, ses poignets étaient également enchaînés. En juillet 2000, lorsque Amnesty International est intervenue auprès des autorités pour faire part de ses préoccupations à son sujet, il était semble-t-il en proie à des souffrances aiguës provoquées par le port des chaînes pendant une période prolongée. Ses chevilles étaient à vif en raison du contact constant avec les fers. Il avait également mal au dos et ressentait de vives douleurs musculaires du fait de son incapacité à se déplacer. Sur la base des éléments de preuve disponibles, on peut affirmer que le traitement réservé à cet homme constituait une forme de torture.

En 2002, après une campagne organisée par la section américaine d’Amnesty International, le gouvernement des États-Unis a retiré la dispense de licence d’exportation pour tous les pays de l’OTAN, à l’exception du Canada. Autrement dit, le seul pays vers lequel les États-Unis peuvent continuer à exporter sans qu’il soit besoin d’une licence est le Canada. Cette mesure constitue incontestablement une grande avancée. Cependant, le problème est que le gouvernement canadien ne contrôle pas les exportations d’entraves pour les jambes. Les dispositifs qui, d’une façon ou d’une autre, arriveront au Canada pourront donc être réexportés partout dans le monde, sans aucun contrôle et en l’absence de toute procédure de suivi qui permettrait de savoir où ils vont et comment ils sont utilisés.

Renforcer les mécanismes de contrôle des exportations et prévoir des mesures plus strictes

Dans de nombreux pays qui fabriquent ou fournissent des entraves pour les jambes, des armes à décharges électriques ou des équipements et produits utilisés pour infliger la peine capitale, il n’y a pas de contrôle efficace, si ce n’est aucun, sur l’importation, l’exportation ou le courtage de ces matériels. En Afrique du Sud, par exemple, il ne semble y avoir aucune réglementation nationale applicable aux entraves pour les jambes, aux chaînes, aux menottes pour les pouces ou aux armes à décharges électriques, ni aucun mécanisme de contrôle des exportations. Une fois entrés en Afrique du Sud, de tels équipements peuvent être réexportés en dehors de toute surveillance des autorités.

La Commission européenne a récemment arrêté un règlement commercial qui, s’il est adopté sans modification, interdira toute opération d’importation et d’exportation et toute activité de courtage exercée par une personne ou une entreprise à l’intérieur ou à partir de l’un des 15 États membres de l’Union européenne et ayant trait à des équipements et produits classés par la Commission dans la catégorie des équipements de torture, par exemple les ceinturons à décharges électriques conçus ou modifiés pour immobiliser des êtres humains, les entraves, les poucettes et vis pour les pouces et les chaînes multiples. Ce règlement imposera aussi à tous les États membres de soumettre à des contrôles les exportations de matraques et armes incapacitantes, ainsi que des agents de lutte anti-émeute tels que les gaz lacrymogènes.

Amnesty International se félicite de l’introduction de ce règlement et invite les autres gouvernements du monde entier à prévoir des interdictions et des contrôles analogues.