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Les auteurs de nos 25 ans dans Libération : Foucault
Un historien mal entendu par M Perrot
Entre Foucault et les historiens, les rapports sont riches et conflictuels.
Note de lecture sur Surveiller et punir
Nouvelle conception du pouvoir: Surveiller et punir: naissance de la prison (1975)
Foucault propose une néo-conception du pouvoir, une « microphysique du pouvoir »


Origine http://www.liberation.com/livres/25ans/foucault.html

Série Les auteurs de nos 25 ans dans Libération

MICHEL FOUCAULT. 1926-1984. Philosophe français. «Histoire de la folie à l'âge classique» (1961), «les Mots et les choses» (1966), «l'Archéologie du savoir» (1969), «Surveiller et punir» (1975). «Histoire de la sexualité», trois tomes : «la Volonté de savoir» (1976), «l'Usage des plaisirs» et «le Souci de soi» (1984). «Dits et écrits, 1954-1988» (1994). Gallimard.
Huit ans après «la Volonté de savoir», parution des tomes 2 et 3 de l'«Histoire de la sexualité». Après avoir appris à regarder l'asile et la prison, l'un des plus grands philosophes vivants conseille à chacun de faire de sa vie une œuvre.

ROBERT MAGGIORI 15 juin 1984

Michel Foucault n'est pas Sartre. Pourtant, il domine la scène philosophique comme Sartre l'avait dominée et, comme Sartre, ne sépare pas l'exercice théorique d'une pratique que l'on disait, jadis, «militante». La différence tient à ce que Sartre s'imposait, alors que Foucault en impose. Non qu'il ait jamais songé à se poser comme une autorité intellectuelle : c'est que son œuvre a travaillé toute seule et s'est imposée, jusqu'à bouleverser tout le champ des sciences humaines et de la philosophie. Paradoxalement, son influence tient au fait que Foucault n'est pas tout à fait un homme public, même si les socialistes pensaient qu'il l'était assez et avaient songé, un instant, à en faire un ministre de l'Education. En d'autres termes, Foucault préfère donner des conseils plutôt que d'être conseiller, préfère prendre le thé avec des amis plutôt que des bains de foule, préfère faire cours au Collège de France plutôt qu'aux grilles de Billancourt.

C'est pourquoi il n'a jamais défendu des idéologies ou des corps de doctrines, mais des gens, des êtres réels, injustement condamnés, torturés dans des prisons ou dépossédés de leurs droits. Depuis la commission d'enquête sur l'affaire Jaubert — journaliste tabassé dans un car de police — jusqu'aux comités de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés, en passant par le Groupe d'information sur les prisons (GIP), qu'il fonda en 1971 avec Jean-Marc Domenach et Jean-Pierre Vernant, Michel Foucault s'est toujours battu pour qu'on respecte la liberté et les droits de cet Homme dont, à la plus belle époque du structuralisme, on disait qu'il avait annoncé la mort.

Depuis quelques années, et notamment depuis les déclarations malencontreuses qu'il fit à propos de l'Iran ou les critiques qu'il reçut après la publication de la Volonté de savoir, Foucault est encore plus silencieux, même si sa voix est toujours présente dans ce club invisible qui fait la vie intellectuelle parisienne. C'est que la manière dont il conçoit son rôle d'intellectuel — «Le travail d'un intellectuel n'est pas de modeler la volonté politique des autres ; il est, par les analyses qu'il fait dans les domaines qui sont les siens, de réinterroger les évidences et les postulats, de secouer les habitudes, les manières de faire et de penser, de dissiper les familiarités admises, de reprendre la mesure des règles et des institutions, et à partir de cette re-problématisation (où il joue son métier spécifique d'intellectuel) participer à la formation d'une volonté politique (où il a son rôle de citoyen à jouer)», déclarait-il récemment à François Ewald (Magazine littéraire, mai 1984) —, la manière dont il conçoit son rôle d'intellectuel, donc, n'est pas d'être un porte-drapeau ou une pythie. Si bien que faire le portrait de cet homme — d'une gentillesse exquise, au demeurant —, c'est toujours revenir à ses livres, qui parlent pour lui et sont son drapeau.

Ceux-ci ont scandé l'histoire culturelle de ces trente dernières années. En 1954, Maladie mentale et personnalité n'avait pas ému grand monde. C'est avec Folie et déraison : histoire de la folie à l'âge classique — qui ne sera publié chez Plon que grâce à la sollicitude de Philippe Ariès, récemment disparu — que la gloire viendra. Plutôt que de se demander à quelles conditions et à quels motifs avait obéi le système de représentations de la folie ayant conduit à la pratique de l'enfermement, Foucault partait de cette pratique même, prise dans sa singularité historique, pour reconstituer le tissu où elle s'était inscrite et comprendre quel type de rapports de connaissance se trouvait fondé par-là, non seulement dans le champ des théories médicales et psychiatriques, mais au plan des partages entre «fous» et «non-fous».

L'autre grand choc, après Naissance de la clinique : une archéologie du regard médical (PUF), allait être constitué par les Mots et les choses : une archéologie des sciences humaines. Alors qu'il avait étudié le sujet que nous n'étions pas (le fou, le malade), Foucault, dans les Mots et les choses, s'en prenait au sujet que nous sommes en général, dès lors que nous parlons, travaillons et vivons. Puis, en 1969, ce sera l'Archéologie du savoir et, six ans après, Surveiller et punir, où Foucault renoue avec le problème de la vérité et saisit le mouvement par lequel, à travers des technologies disciplinaires et punitives, l'individu est constitué en objet de connaissance possible. La Volonté de savoir, premier tome de l'Histoire de la sexualité, n'est pas, en 1976, très bien accueilli. Foucault, a-t-on dit, en sera quelque peu affecté. Obsédé par le souci de traquer la vérité, il effectue alors un véritable ripensamiento. Il modifie quelque peu la perspective de son travail, différant sans cesse la publication des autres tomes de l'Histoire de la sexualité.


LE BEST-SELLER DE L'ETE ?

Cette «Histoire de la sexualité» qui paraît en juin rendra-t-elle les plages plus intelligentes cette année 1984 ? Ce livre révèle un Foucault new look : styliste, esthète et moraliste.
Michel Foucault meurt le 25 juin du sida.

Alors que Surveiller et punir avait substitué au problème de l'idéologie et de l'opposition science-idéologie la problématique d'un savoir-pouvoir, les travaux qu'il continue de mener sur l'histoire de la sexualité — et qui ont aujourd'hui abouti à l'Usage des plaisirs et au Souci de soi — déplacent l'accent du pouvoir sur le gouvernement, entendu non pas au sens étroit d'une instance suprême des décisions administratives et exécutives dans un système étatique, mais au sens plus large des mécanismes et des procédures destinés à diriger la conduite des hommes et de soi.

Corrélativement, l'interrogation relative à la constitution du sujet comme objet de connaissance se trouve réinscrite dans une problématique plus vaste : celle des techniques de soi, des procédures proposées aux individus pour définir ou modifier leur identité en fonction d'un certain nombre de fins et grâce aux rapports de maîtrise de soi sur soi et de connaissance de soi par soi. A travers ces nouvelles interrogations, quel travail opérer sur soi ? Que faire de soi-même ? Foucault paraît infléchir son entreprise dans le sens d'une véritable stylistique de l'existence. Axe de recherche paradoxal que parcourt aujourd'hui Foucault, qui nous avait appris à démonter les dispositifs de pouvoir, que l'on avait accusé d'évacuer le sujet, et qui montre à présent — car il a toujours une longueur d'avance — que lever les interdits ne suffit pas et qu'on ne peut pas faire l'économie d'une éthique par quoi le sujet pose la forme qu'il donne à sa vie. Styliste, esthète et moraliste — voilà un Foucault new look.


Un historien mal entendu
Entre Foucault et les historiens, les rapports sont riches et conflictuels.

MICHELLE PERROT
15 juin 1984

Entre Michel Foucault et les historiens, les rencontres ont été multiples, diverses et complexes. De Mandrou et Braudel à Philippe Ariès et Paul Veyne, notables — à défaut d'être nombreux — ont été ceux qui ont discerné le caractère insolite de son œuvre et qui en ont suivi le développement avec un intérêt soutenu ; notamment du côté de l'Ecole des annales, dont la vigueur, dans les années 1950, n'a pas été sans influencer le philosophe en quête d'un terrain de réflexion. Toutefois, il semble qu'au fil du temps des clivages se soient produits entre une communauté globalement plus réservée, voire étrangement muette, et les lecteurs fervents ; et que l'écart se soit accru entre les inconditionnels et les critiques acerbes.

Comment et pourquoi cette dérive, dont il nous faut rappeler d'abord la trajectoire ? Dès 1962, les Annales saluaient Histoire de la folie comme un livre «magnifique» ; pourtant, une lecture rétrospective suggère que l'enthousiasme recouvrait bien des ambiguïtés. La Folie était-elle bien «une de ces études de psychologie collective qu'après Lucien Febvre nous appelons de tous nos vœux» (F. Braudel) ? On s'étonnait que ce continuateur doué s'attache si peu à la chronologie du récit, néglige les acteurs sociaux et fasse «trop dire aux textes» (R. Mandrou), sans soupçonner encore quel «vilain petit canard» on avait couvé là. C'est Surveiller et punir. Naissance de la prison (Gallimard, 1975), «le plus historien des livres de Michel Foucault» (J. Revel), qui a suscité à la fois le plus d'attention et de réticences. Aux critiques de Jacques Léonard («L'historien et le philosophe»), Michel Foucault avait réagi, et sa réponse — «La poussière et le nuage» — avait été le centre d'une table ronde confrontant historiens et philosophes. L'ensemble des textes, revus et corrigés, non sans tensions et problèmes, a été publié sous le titre l'Impossible Prison (Seuil, 1980) où, en dépit du dialogue amorcé, persiste un malentendu.

Apparu dès l'origine, le malentendu s'est plutôt épaissi. Dans les années 1980, les réserves l'emportent. Elles concernent la méthode, «la rapidité fulgurante de l'analyse», l'usage prioritaire de sources normatives et, plus généralement, de l'imprimé et non des archives, qui livrent des discours plus que des réalités et des pratiques. Elles visent le caractère cavalier ou sommaire des références, des preuves de l'historien. Elles s'adressent au langage, poétique, analogique, géométrique, parce qu'il emprunte ses métaphores à l'espace que Foucault, «nouveau cartographe», préfère au temps kantien. Elles s'attaquent à la figure centrale du pouvoir qui, faute d'enracinement social, transforme l'Histoire en une étrange «conspiration» (Lawrence Stone, The New York Review of Books, 14 décembre 1982). Elles s'aggravent du reproche de structuralisme continuiste ou de nominalisme ; et, plus encore, d'une dimension politique, totalement absente des critiques de 1962. Michel Foucault est, dit-on, un pessimiste qui ne croit ni aux Lumières, ni au progrès, ni aux luttes. Le panoptique préfigure le goulag. Historien mélancolique des disciplines, M. F. est, en somme, un dangereux gauchiste dont les disciples sapent en ricanant les fondements de la société démocratique à laquelle, par la genèse même de leur discipline, les historiens se sont en quelque sorte identifiés.

C'est aussi qu'en vingt ans il s'est passé beaucoup de choses : l'antipsychiatrie, 1968, les révoltes dans les prisons, la crise patente du socialisme... M. F. a participé à certains de ces mouvements, notamment au GIP (Groupe Information Prisons). Il n'a jamais ménagé son appui aux dissidents et sa sympathie aux révoltes antitotalitaires. Mais il refuse d'être un inconditionnel de quoi que ce soit. «Mon problème, c'est la politique du vrai», d'une vérité trouvée à chaque instant.

Ainsi le rapport de M. F. aux historiens est lui-même traversé par la crise qui secoue la rationalité occidentale et dont il entend être un témoin autant qu'un historien. Le malentendu est aussi politique. De son côté, Michel Foucault a formulé ses critiques : impérialisme de l'histoire sociale, recours à des acteurs exogènes — classes, idéologies, sentiments — comme facteurs explicatifs d'hypothétiques causalités, croyance naïve à une «totalité» qu'il suffirait d'élucider. Il propose une réflexion sur l'événement comme «rupture d'évidence» et, tout dernièrement, sur la notion d'«expérience historique» articulant savoirs, pouvoirs et pratiques individuelles. Foucault : «l'historien à l'état pur ?» (Paul Veyne)

En fait, Foucault revendique le droit de traiter du passé à sa manière. «Mes livres ne sont pas des traités de philosophie ni des études historiques ; tout au plus des fragments philosophiques dans des chantiers historiques.» Plus qu'autrefois, peut-être, il tient à se démarquer des historiens. Par la méthode : la généalogie n'est pas l'Histoire ; elle suppose des régulations différentes. Par l'objet : le problème plus que la période ; non pas l'étude des comportements, des mentalités ou du pouvoir ; mais «l'histoire politique d'une production de vérité». Il me semble que la reconnaissance des différences d'approche et, à certains égards, de leur légitimité respective devrait permettre un meilleur dialogue entre les historiens et Michel Foucault. Encore faut-il que les premiers cessent de se penser comme une ethnie propriétaire exclusive d'un territoire.

D'un autre côté, la trajectoire intellectuelle de Michel Foucault interroge l'historien. Globalement et spécifiquement. Pourquoi les philosophes ont-ils, depuis une génération, déserté le ciel des idées et préféré l'analyse des «expériences historiques» ? Pourquoi cet attrait formidable de la planète Histoire ? Pourquoi l'Histoire est-elle actuellement comme une manière de penser ? Pourquoi M. F. a-t-il choisi les expériences qu'il traite ? Et que signifie, dans son histoire particulière, ses choix présents ? C'est l'individu Foucault qu'on a aujourd'hui envie d'entendre, puisque aussi bien il place désormais l'individu singulier et sa pensée au cœur de «son» histoire.


Note de lecture
Surveiller et punir de Michel Foucault


Origine http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=1767

Libération le 8 novembre 2001

La prison et l'Etat
Ne laissez jamais quelqu’un donner un avis sur la prison sans lui demander s’il a lu Foucault. Je plaisante à peine. Bien sûr, la lecture de cette somme nécessite de s'intéresser de près à la question. Et aussi d’être près à remettre en cause quelques a priori.
Car le discours de Foucault est à l’opposé de ce qui s'entend d’habitude, dans les débats-TV par exemple. Faut-il des peines plus courtes ? Plus longues ? Plus dures ? Plus nombreuses ? Etc.

Foucault n’en a cure. Là n’est pas son problème. Et pour soutenir sa thèse, il commence par nous emmener dans le passé. Comment punissait-on auparavant ? C'est légèrement aride, mais passionnant. La description de la « Question » par exemple (que nous appellerions « torture » aujourd’hui, assez improprement. Lorsqu’on est accusé de quelque chose au Moyen Age, le juge doit réunir des « preuves » (définies de façon très originale d'ailleurs) ; à une « demi-preuve » correspondra une « demi-culpabilité » qui justifie l’application de la « Question » pendant un temps donné, très précis. Si l'accusé résiste et n'avoue donc pas, il est considéré comme innocent (ah ! si l’on avait été aussi « coulant » en Algérie…).
La prison en tant que peine (comme punition donc) n'existe que depuis le milieu du XIXe siècle, et dès qu'elle existe, les sociologues et les criminologues considèrent que c'est une peine absurde, non seulement inutile mais contre-productive. Aujourd’hui encore, c’est une opinion majoritaire chez les spécialistes de la question. Pourquoi, dans ce cas, l'incarcération reste-t-elle aussi universellement pratiquée ? Et Foucault de nous expliquer que la prison n’est pas conçue essentiellement pour y cloîtrer des délinquants, mais surtout pour faire peur aux gens honnêtes et justifier l’existence de forces de police importantes.

La prison est là pour signifier. Elle dit où est la délinquance et où est la norme. Et la délinquance commune (violence physique et vol) est mise sur le devant de la scène comme horreur absolue, comme crime contre l'Etat par excellence. Pourtant, cette délinquance ne représente que bien peu de choses en réalité : l’ensemble des sommes et des objets volés est ridicule par rapport aux flux de richesse, et les crimes de sang sont en baisse tendancielle (sur de longues périodes). Alors ? Pourquoi toutes ces forces de police et ces prisons ? Pour conforter les citoyens dans l'idée fausse que l'Etat les défend.

En fait, l'Etat se défend d’eux surtout, il se défend du danger absolu que serait la désobéissance passive du citoyen : la grève générale ou le refus de payer l'impôt qui sont les vrais dangers pour un Etat. Cette thèse finale est particulièrement troublante. Nombreuses seront les personnes qui n’y adhéreront pas. Mais il est difficile de lui dénier toute pertinence. A moins d’élaborer une autre hypothèse pour expliquer la persistance d'une institution absurde : la prison. Origine : http://www.univ-tours.fr/ash/polycop/philo/chevalley/foucault/06.htm


Note de lecture
Nouvelle conception du pouvoir: Surveiller et punir: naissance de la prison (1975)

SP est écrit au début des années 1970, ie au moment où Foucault s'engage politiquement pour la première fois, d'une part en liaison avec les problèmes rencontrés à Vincennes et d'autre part en créant le GIP avec un certain nombre d'autres "intellectuels". Cet "engagement" de Foucault est toutefois très différent de celui de Sartre. Foucault dépense son temps sans compter, mais il reste acharné au travail philosophique, expérimentant ainsi en lui-même ce qu'il définira en 1976 comme "l'intellectuel spécifique"

L'histoire du châtiment comme "fonction sociale complexe"

Le problème, là encore, remonte à Nietzsche. Du châtiment, Nietzsche dit qu'il ne s'agit nullement d'une institution destinée à rendre meilleur (sinon "celui qui châtie"…, selon le § 219 du Gai Savoir), ou à dissuader, ou même à exercer une vengeance sous la protection du droit. Le châtiment est plutôt un objet complexe où il faut distinguer deux choses: d'une part l'usage, l'acte, le "drame", donc une procédure; d'autre part le but, l'attente associés à la mise en œuvre de cette procédure (cf. La généalogie de la morale, Seconde Dissertation, § 13; in Oeuvres, op. cit., vol. II, 821). Si la procédure (user d'une dramatisation) est "relativement permanente" dans l'histoire, et antérieure au châtiment lui-même, en revanche la fluctuation au cours de l'histoire du but et de l'attente - que puis-je espérer du fait de punir? - fait que le châtiment n'a plus un sens unique, mais est une synthèse de 'sens'. Impossible à définir, dit Nietzsche (ibid., 822: "tout le passé historique du châtiment, l'histoire de son utilisation à des fins diverses, se cristallise finalement en une sorte d'unité difficile à résoudre, difficile à analyser, et, appuyons sur le point, absolument impossible à définir". Nietzsche cite, en vrac, onze de ces fins diverses. S'il parle d'impossibilité, c'est parce que, comme il le précise quelques lignes plus bas, "n'est définissable que ce qui n'a pas d'histoire")

Foucault reprend la question sous un autre angle, en analysant le châtiment comme une procédure de problématisation, ie comme une transformation "des difficultés et embarras d'une pratique en un problème général" (cf. "Polémique, politique et problématisations", entretien de mai 1984, in DE IV, 598 - Cf. aussi plus loin l'introduction de UP, où Foucault fait de la problématisation la notion fondamentale de l'ensemble de son oeuvre). Sous cet angle, le châtiment cesse définitivement de relever d'une morale quelconque. Il condense un ensemble de réponses. Il est une fonction sociale complexe, un élément de la tactique politique (les méthodes punitives sont à voir comme des "techniques" de pouvoir), une étape dans un "processus 'épistémologico-juridique'" défini par le croisement du droit pénal et des sciences humaines

Du "supplice" des corps à la "surveillance" des âmes

Dans le châtiment, il est question de la manière dont le corps est investi par les rapports de pouvoir (SP, 28). Surveiller et punir commence avec la transcription du supplice de Damiens. Mais le problème que pose Foucault est celui de la disparition progressive des supplices. Œuvre des lois et de grands codes pénaux des XVIIIe et XIXe siècles: le corps dépecé, supplicié, amputé disparaît en quelques dizaines d'années. La "prise sur le corps" se dénoue. L'affrontement physique cesse d'être mis en scène. Le contact se réduit entre la loi et le corps du criminel. Ce qui nous semble pure barbarie primitive se change en douceur pénale. Question: s'agit-il d'un adoucissement des mœurs? Oui, dans les faits. Mais il faut voir que cet adoucissement est plutôt un déplacement du but, de l'attente, des moyens de la procédure punitive. Car si l'on ne découpe plus les corps, on se met à punir les âmes (souffrance invisible, silencieuse, décente à tous égards)

L'objet historique de Foucault dans Surveiller et punir est donc ce passage du corps à l'âme comme cible de la procédure juridique de la punition (Foucault cite à l'appui G. de Mably, demandant en 1789 "Que le châtiment, si je puis ainsi parler, frappe l'âme plutôt que le corps": SP, 22). Mais l'âme, cela ne veut rien dire. Aussi bien ce dont il s'agit est, plus précisément, d'une transformation de la manière dont le corps (corps-âme, indissociablement) est investi par les rapports de pouvoir. Le corps n'est plus tranché dans sa chair, mais dans ses processus mentaux et affectifs. On va juger le personnage du criminel, évaluer sa moralité, quantifier son degré de folie, calculer la probabilité de le redresser, de le guérir pour qu'il redevienne un citoyen normal, etc. Même l'objet "crime" change: on punit l'agressivité dans l'agression, le désir dans le meurtre, la perversion dans le viol. On punit, dans l'acte, la passion qui l'a, dit-on, causé. La douceur pénale, dit Foucault, est une technique de pouvoir. On entre ainsi, dit alors Foucault, dans une forme de pouvoir associée moins à l'Etat lui-même qu'à la surveillance. Le corps se révèle comme une réalité biopolitique. L'analyse du châtiment, transformé en concept par référence à la problématisation de pratiques qu'il condense, fait donc voir l'âme moderne dans l'exacte mesure où elle fait voir que désormais les individus se constituent comme tels à travers leur conformité tacite aux normes des procédures diffuses d'un pouvoir qui leur impose des "formes de vie" et des manières de se conduire

Le pouvoir comme surveillance et la forme fondamentale du Panoptisme

Dans des entretiens postérieurs à la publication de SP, Foucault a précisé quelles étaient certaines de ses hypothèses de travail: cf. notamment "Entretien sur la prison: le livre et sa méthode", in DE II, 740-753

Ce texte désigne comme l'hypothèse générale du livre l'idée qu'il se produit, au XVIIIe et au début du XIXe siècle, un changement dans le mode de l'exercice du pouvoir, corrélatif de la disparition de la monarchie, et de l'idée que le souverain avait tout droit de punir. Ce changement accompagne la montée en puissance de la bourgeoisie, qui instaure un nouveau rapport à la richesse: un rapport qui ne passe plus fondamentalement par la transmission héréditaire d'un patrimoine foncier (lié à la terre), mais qui suppose l'exploitation par une classe particulière de la population (la classe ouvrière) d'une richesse investie (machines, usines, etc.): c'est le travail qui produit la richesse. Dès lors, il devient impératif de surveiller les ouvriers. Cf. "Entretien sur la prison", 1975, in DE II, 741: "…le moment où l'on s'est aperçu qu'il était, selon l'économie du pouvoir, plus efficace et plus rentable de surveiller que de punir. Ce moment correspond à la formation, à la fois rapide et lente, d'un nouveau type d'exercice du pouvoir, au XVIIIe siècle et au début du XIXe"

Mais comment surveiller toute une catégorie de la population, et en même temps l'empêcher de se révolter? Par exemple en la moralisant: d'où les "formidables campagnes de christianisation" de la classe ouvrière. Par exemple aussi, en l'opposant à une autre catégorie de la population: les "délinquants". Mais cette catégorie n'existait pas au XVIIIe s., sinon sous une forme très hétérogène et nomade. Pour la faire exister, on organise le système des prisons. Ce qui engendre la population des délinquants, au XIXe s., c'est la prison. "Mon hypothèse est que la prison a été, dès l'origine, liée à un projet de transformation des individus (…). L'échec a été immédiat, et enregistré presque en même temps que le projet lui-même. Dès 1820, on constate que la prison, loin de transformer des criminels en des gens honnêtes, ne sert qu'à fabriquer de nouveaux criminels ou à enfoncer encore davantage les criminels dans la criminalité." (ibid., DE II, 742). La prison produit la délinquance, et elle entrave par ailleurs la réinsertion. L'étape suivante est de constater qu'"à cause" de la prison, il faut développer une police, qui pourra surveiller les anciens délinquants, et donc aussi les ouvriers

On a ainsi un enchaînement très logique: nécessité de surveiller les ouvriers pour protéger la richesse investie ®® moralisation + prison ®® production de délinquants ®® obligation d'une police. "Il a fallu absolument constituer le peuple comme un sujet moral, donc le séparer de la délinquance, donc séparer nettement le groupe des délinquants, les montrer comme dangereux non seulement pour les gens riches, mais aussi pour les gens pauvres" (ibid, DE II, 743). D'où, aussi, la naissance de la littérature policière, les faits divers horribles dans les journaux, etc

Ainsi, faire l'histoire du châtiment pendant la période qui voit se mettre en place le système pénal permet de montrer dans le châtiment, comme on l'a dit plus haut, une "fonction sociale complexe" qui condense un ensemble de réponses à un problème. Ce problème est celui de la surveillance d'une classe de la population. L'organisation de la prison, liée à l'apparent adoucissement des peines, est l'organisation d'une immense procédure de domination des "âmes" dont, pour Foucault, le panoptisme est la forme fondamentale. Cf. "Questions à M. F. sur la géographie" (1976), DE III, 35: "Par le panoptisme, je vise un ensemble de mécanismes qui jouent parmi tous les faisceaux de procédure dont se sert le pouvoir. Le panoptisme a été une invention technologique dans l'ordre du pouvoir, comme la machine à vapeur dans l'ordre de la production. Cette invention a ceci de particulier qu'elle a été utilisée à des niveaux d'abord locaux: écoles, casernes, hôpitaux. On y a fait l'expérimentation de la surveillance intégrale"

Le rôle de Surveiller et punir dans l'œuvre de Foucault

Le livre sur les prisons représente un tournant dans l'œuvre de Foucault pour deux raisons au moins. La première est que c'est à l'occasion du travail pratique et théorique sur les prisons que Foucault modifie définitivement sa conception du pouvoir. La seconde est que c'est avec SP que Foucault passe d'une analyse presque exclusive des énoncés et du discours à une analyse du visible, des espaces et du regard comme moyens de surveillance. Rendre visible pour surveiller: c'est de là que Foucault en viendra ensuite à une analyse de la surveillance de la chair dans l'histoire de la sexualité, ce qui le conduira à développer la notion de "biopolitique" (pouvoir comme ensemble des procédures de domination qui règlent les corps et les formes de vie)

Revenir sur ces deux points

Surveiller et punir représente d'abord un élargissement et une transformation de la conception jusqu'alors exclusivement négative que se faisait Foucault du pouvoir. A ce propos, cf. par exemple "Les rapports de pouvoir passent à l'intérieur des corps" (entretien avec L. Finas), in DE III, 229. Foucault y critique comme encore inadéquate la position développée dans L'Ordre du discours, texte écrit, dit-il, "à un moment de transition":

"Jusque là, il me semble que j'acceptais du pouvoir la conception traditionnelle, le pouvoir comme mécanisme essentiellement juridique, ce qui dit la loi, ce qui interdit, ce qui dit non, avec toute une kyrielle d'effets négatifs: exclusion, rejet, barrage, dénégations, occultations… Or je crois cette conception inadéquate. Elle m'avait suffi cependant dans l'Histoire de la Folie (…) car la folie est un cas privilégié: pendant la période classique, le pouvoir s'est exercé sur la folie sans doute au moins sous la forme majeure de l'exclusion (…). Il m'a semblé, à partir d'un certain moment, que c'était insuffisant, et cela au cours d'une expérience concrète que j'ai pu faire, à partir des années 1971-72, à propos des prisons. Le cas de la pénalité m'a convaincu que ce n'était pas tellement en termes de droit, mais en termes de technologie, en termes de tactique et de stratégie, et c'est cette substitution d'une grille technique et stratégique à une grille juridique et négative que j'ai essayé de mettre en place dans Surveiller et Punir, puis d'utiliser dans l'Histoire de la sexualité" (p. 229). (Cf. aussi "Non au sexe roi", 1977, in DE III, 264)

Quant au second tournant inauguré dans Surveiller et punir, il s'agit du passage de l'analyse des énoncés à celle des espaces et du visible, conditions de la surveillance. Ici on peut renvoyer à l'article de Deleuze à propos de SP: "Ecrivain, non un nouveau cartographe" (Critique 343, décembre 1975, 1207-1227; reprise modifiée in Foucault, Paris, Ed. de Minuit, 1986, 31-51). Deleuze y commente la conception fonctionnaliste du pouvoir que propose Foucault - "le pouvoir n'a pas d'essence, il est opératoire. Il n'est pas attribut, mais rapport: la relation de pouvoir est l'ensemble des rapports de forces, qui ne passe pas moins par les forces dominées que par les dominantes, toutes deux constituant des singularités" (p. 35). Et il ajoute ceci: "au fonctionnalisme de Foucault répond une topologie moderne qui n'assigne plus un lieu privilégié comme source du pouvoir, et ne peut plus accepter de localisation ponctuelle (il y a là une conception de l'espace social aussi nouvelle que celle des espaces physiques et mathématiques actuels, comme pour la continuité tout à l'heure)" (p. 34)

En quoi cette conception de l'espace social est-elle nouvelle? En ceci que l'idée d'une présence diffuse des mécanismes de pouvoir à travers la totalité de l'espace social permet de comprendre qu'à partir de la fin du XVIIIe s., le pouvoir n'est plus fondamentalement quelque chose qui commande, décrète, interdit, au nom d'une instance de souveraineté, mais quelque chose qui gère tacitement les corps et les vies de tous, et qui pour cela doit surveiller ces corps et ces vies. Dès lors, les espaces où agissent ces mécanismes de pouvoir sont des espaces où corps et vies doivent pouvoir être rendus visibles. L'Archéologie du savoir, dit Deleuze, proposait la distinction de deux sortes de formations pratiques, les unes "discursives ou d'énoncés, les autres "non-discursives" ou de milieux (…). SP opère un nouveau pas. Soit une "chose" comme la prison: c'est une formation de milieu (le milieu "carcéral"). Alors que le droit pénal concerne l'énonçable en matière criminelle, la prison, de son côté, concerne le visible: non seulement elle prétend faire voir le crime et le criminel, mais elle constitue elle-même une visibilité, elle est un régime de lumière avant d'être une figure de pierre, elle se définit par le "Panoptisme", c'est-à-dire par un agencement visuel et un milieu lumineux où le surveillant peut tout voir sans être vu, les détenus être vus à chaque instant sans voir eux-mêmes (tour centrale et cellules périphériques). Un régime de lumière et un régime de langage ne sont pas la même forme et n'ont pas la même formation (…). Ce que "L'archéologie" reconnaissait, mais ne désignait encore que négativement, comme milieux non-discursifs, trouve avec SP sa forme positive qui hantait toute l'œuvre de Foucault: la forme du visible, dans sa différence avec la forme de l'énonçable" (p. 40)

Origine : http://www.univ-tours.fr/ash/polycop/philo/chevalley/foucault/06.htm


Origine : http://www.cite.uqam.ca/magnan/resume/surveiller_et_punir.html

Surveiller et Punir
Foucault propose une néo-conception du pouvoir, une « microphysique du pouvoir »

Foucault propose ici une néo-conception du pouvoir. Il s’agit d’une « microphysique du pouvoir » (34) qui investit politiquement le corps, pour le “rendre utile et assujetti”(35).

Le pouvoir est une stratégie ; ses effets sont attribuables à des “fonctions sociales complexes” (31), à des “tactiques politiques”(31). Il “s’exerce plutôt qu’il se possède”(35). Ses relations “descendent loin dans l’épaisseur de la société” (35). Il se définit par des singularités “sur tout le réseau où il est pris”(36). Si les sociétés moder­nes sont “disciplinaires”, la discipline ne s’identifie pas pour Foucault avec un appareil d’État, ou des institutions ; les relations du pouvoir “ne se localisent pas dans les relations de l’État.(36)”. La discipline est une technologie “diffuse”(36), “instrument multiforme” qui traverse appareils et institutions en les reliant. L’État apparaît comme une résultante des multiples nœuds locaux sur le graphe à plusieurs niveaux. Le pouvoir ne se donne plus comme une globalité transcendante et pyramidale ; il est immanent à sa pluri-diffusion. Les lieux locaux, singuliers, étoilés, de pouvoir et des techniques disciplinaires forment des myriades de lignes qui s’amalgament en constellations sérielles. Le pouvoir opère, s’infiltre et relie ; il est légion de rapports transversaux de forces, de forces constituantes de singularités, de forces sur des forces. La technologie du pouvoir se place “au principe et de l’humanisation de la pénalité et de la connaissance de l’homme.”(31).

Bien que toutes deux émergent à la fin du XVIIIe siècle, la forme de contenu prison est hétérogène à la forme d’expression qu’est le droit pénal. “Le thème d’une société punitive et d’une sémiotechnique générale de la punition … n’appelait pas l’usage universel des prisons. Cette prison vient d’ailleurs – des mécanismes propres à un pouvoir disciplinaire.(297)” Le droit pénal succède au régime arbitraire du souverain. Alors que la prison dresse de façon nouvelle le corps. “Dans le projet d’institution carcérale…, la punition est une technique de coercition des individus ;elle met en oeuvre des procédés de dressage du corps(…) . On ne peut les réduire ni à des théories du droit (…) ni les identifier à des appareils ou à des instituions (…) ni les faire dériver de choix moraux(155).”.

Le droit pénal parle, dit ; la prison voit et fait voir. Elle est un champ de visibilité : “Le Panoptique est une machine à dissocier le couple voir-être-vu : dans l’anneau périphérique, on est totalement vu, sans jamais voir ; dans la tour centrale, on voit tout, sans être jamais vu.(235)”. Cette machine de visibilité distribue “des corps, des lumières, des regards (235), “fabrique [à partir des désirs les plus différents] des effets homogènes de pouvoir” (236).Le pouvoir “tend à l’incorporel” ; et plus il se désincarne, plus ces effets sur les corps et les âmes sont “constants, profonds, acquis une fois pour toutes (236).” Une machine de lumière et un régime de langage se distinguent par leurs formes ; la lumière est a-sémiotique, non-discursive, alors que le langage est évidemment discursif.

Dans le Panopticon de Bentham, les prisonniers deviennent visibles en tout temps ; “Par l’effet de contre-jour, on peut saisir de la tour, se découpant exactement sur la lumière, les petites silhouettes captives dans les cellules de la périphérie.” ; ils viennent à la lumière. “La visibilité est un piège.” Bien qu’hétérogènes, la forme de contenu prison et la forme d’expression droit pénal entrent en relation, se présupposent réciproquement. Le Panoptique traverse toutes les fonctions énonçables (éducation, santé, artisanat, etc.) : il “doit être compris comme un modèle généralisé de fonctionnement ; une manière de définir les rapports de pouvoir avec la vie quotidienne des hommes. (240)” Il est “le diagramme d’un mécanisme de pouvoir ramené à sa forme idéale ; son fonctionnement, abstrait de tout obstacle, résistance ou frottement, peut bien être représenté comme un pur système architectural optique : c’est en fait une figure de technologie politique qu’on peut et qu’on doit détacher de tout usage spécifique.(239)”. Le panoptique est utile pour “imposer une tâche ou une conduite [à une multiplicité d’individus] (240).” L’espace ne doit pas être “trop étendu”, le nombre de personne surveillées restreint à “un certain nombre”.

Plus qu’une machine de visibilité, le panoptique est une “machine abstraite”, “une manière de faire fonctionner des relations de pouvoir dans une fonction, et une fonction par ces relations de pouvoir.”.(241) Elle est donc à la fois une formation d’expression et une formation de contenu. Le panoptique est un diagramme parmi d’autres diagrammes de mécanisme de pouvoir ; c’est celui qui a fait se coadapter historiquement la forme prison à la forme droit pénal. Chaque strate historique est stratifiée par un diagramme de mécanisme de pouvoir différent et changeant, lequel opère des mutations sur le type de réalité historique. Le diagramme organise les rapports microphysiques, stratégiques, constellés et diffus. Il crée des agencements stratifiées historiquement entre les formes hétérogènes, puis il sélectionne des machine matérielles.

Le panoptique n’enferme pas, il impose à une multiplicité. Il une fonction et une manière de faire fonctionner dans une fonction. Il est une fonction souple et mobile, libre de tout usage spécifique. Ni enfermement, ni violence. Le panoptique est diagramme ; et les diagrammes sont en mutation. Mais qu’est-ce qui fait se muter les diagrammes ?


Origine : http://www.cite.uqam.ca/magnan/resume/surveiller_et_punir.html