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Un livre et deux sites
Sous l'oeil des puces, La RFID et la démocratie de Michel ALBERGANTI chez Acte Sud

Le site lié au livre   http://www.smallbrothers.org/

Et PMO Pièces et Main d’œuvre, entre autres, sur les nanotechnologies   http://www.erreur404.org/pmo/


Sous l'oeil des puces, La RFID et la démocratie de Michel ALBERGANTI

Small Brothers are watching you !" Grâce aux nouvelles puces radio communicantes (rfid), ces étiquettes intelligentes qui remplacent peu à peu le code-barre, une multitude d'informations peuvent être collectées à des fins commerciales mais aussi sécuritaires voire militaires.
En France, le passeport biométrique comme le passe Navigo de la ratp ou celui des péages d'autoroute fonctionnent déjà avec une puce rfid. Bientôt, la plupart des objets de la vie quotidienne en seront équipés.
Sous l'œil des puces propose une enquête sur la rfid, son fonctionnement, ses premières applications et ses perspectives. Des milliards d'étiquettes (ou tags) rfid vont être utilisées dans le monde entier au cours des prochaines années.
Pour Michel Alberganti, cette technologie fait peser une réelle menace sur la démocratie. Grâce à la communication avec les objets via Internet, rares seront nos déplacements, nos habitudes, nos préférences et, même, nos pensées qui échapperont aux mouchards du plus grand réseau de surveillance jamais créé.
Face à la panoplie impressionnante des systèmes de "tra-çabilité", les institutions semblent bien fragiles. Comment la société peut-elle contenir l'invasion de ces puces radio qui, déjà, s'insinuent jusque sous la peau des citoyens ?

Michel Alberganti est journaliste au Monde, en charge des technologies.

http://www.betapolitique.fr/spip.php?article0857

Il aborde avec son livre une technologie encore peu percue par le grand public, mais qui représente peut-être la nouvelle étape du contrôle systématique des biens et des personnes.

Ecoutons-le :

« La multiplication des technologies de surveillance, d’analyse du comportement et de stimulation de la consommation va-t-elle bouleverser notre vie quotidienne au cours des prochaines années ? C’est à cette question que l’essai : "Sous l’oeil des puces - La RFID et la démocratie" publié par Actes Sud tente de répondre.

Le livre présente une technologie nouvelle, l’identification par radiofréquences, ou RFID, qui commence à se développer en France à grande échelle dans l’indifférence générale. Qui sait que le passe Navigo de la RATP ou le boîtier Liber-T permettant le passage sans arrêt au péage des autoroutes utilisent déjà la RFID ? Les sociétés de transport identifient ainsi chaque usager dès lors qu’il utilise ces systèmes très pratiques.

Demain, chaque produit manufacturé sera équipé d’une puce RFID. Ces dernières communiqueront par radio avec des ordinateurs qui pourront analyser les déplacements de chaque consommateur. La police disposera d’un moyen supplémentaire de surveillance de la population. Quelle société engendrera une telle généralisation de systèmes d’espionnage de la vie privée ? Que restera-t-il des libertés individuelles ? Le spectre de Big Brother est-il en train de ressurgir sous la forme de Small Brothers ? »

Dans un monde de fichiers de plus en plus interopérables et renseignés sans disciminations, dans un monde où les "technologies de l’intelligence" permettent les interpolations, les croisements et les déductions les plus fines, ou la figure du Terroriste justifie tous les reculs des libertés civiques, l’apparition d’une technologie qui créant un lien immédiat, transparent et précis entre le monde physique et le monde de l’information est effectivement lourde de menaces.

Michel Alberganti n’a donc pas seulement écrit ce livre, il ouvre le débat et coordonne les témoignages et les actions à travers un site : Smallbrothers.org


Sous l’oeil des puces : La RFID et la démocratie
16 mai 2007

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=984

« La multiplication des technologies de surveillance, d’analyse du comportement et de stimulation de la consommation va-t-elle bouleverser notre vie quotidienne au cours des prochaines années ? » Un ouvrage de Michel Alberganti, journaliste scientifique au Monde.

Ce livre présente une technologie nouvelle, l’identification par radiofréquences, ou RFID, qui commence à se développer en France à grande échelle dans l’indifférence générale. Qui sait que le passe Navigo de la RATP ou le boîtier Liber-T permettant le passage sans arrêt au péage des autoroutes utilisent déjà la RFID ? Les sociétés de transport identifient ainsi chaque usager dès lors qu’il utilise ces systèmes très pratiques.

Demain, chaque produit manufacturé sera équipé d’une puce RFID. Ces dernières communiqueront par radio avec des ordinateurs qui pourront analyser les déplacements de chaque consommateur. La police disposera d’un moyen supplémentaire de surveillance de la population. Quelle société engendrera une telle généralisation de systèmes d’espionnage de la vie privée ? Que restera-t-il des libertés individuelles ? Le spectre de Big Brother est-il en train de ressurgir sous la forme de Small Brothers ?

L’auteur

Michel Alberganti est journaliste scientifique au journal Le Monde et producteur de l’émission Science Publique sur France Culture. Spécialiste des nouvelles technologies, il a publié, chez Le Monde Mitions, Le Multimédia, la révolution au bout des doigts (1997) et, chez Calmann-Lévy, A l’école des robots. L’informatique, l’école et vos enfants (2000)

INTRODUCTION

Le prix de la sécurité (extraits)

Les hommes deviennent moins attachés aux droits particuliers, au moment où il serait le plus nécessaire de retenir et de défendre le peu qui en reste. Alexis de Tocqueville De la démocratie en Amérique - 1835

11/9. Jamais deux chiffres n’ont eu pareille signification. Le 11 septembre 2001, quatre avions de lignes sont détournés par 19 pirates de l’air. Deux s’écrasent sur les tours du World Trade Center à New York et les détruisent. Le troisième tombe sur le Pentagone, à Washington. Le quatrième, qui visait la Maison Blanche, s’écrase en Pennsylvanie grâce à la bravoure des passagers. Bilan : 2986 morts. L’événement laisse la planète entière stupéfaite. Les terroristes d’Al-Quaida ont osé s’attaquer aux Etats-Unis, en visant les symboles même de sa puissance : le commerce et la finance, l’armée et la présidence.

Soudain, le pays qui domine le monde se révèle vulnérable sur son propre sol, jusqu’alors inviolé. De cet acte inimaginable, les conséquences sont considérables. On a pas fini, aujourd’hui, de mesurer leur étendue et leur profondeur. Il y a la guerre, bien sûr, en Afghanistan et en Irak, la division en Europe, le durcissement en Israël, la suspicion sur l’Islam. Mais au-delà de ces contrecoups très apparents qui continuent d’ébranler le monde six ans après l’onde de choc du 11/9, date dont on ne mentionne plus l’année, une mutation plus discrète, plus insidieuse, plus psychologique aussi, est à l’œuvre. La côte de la sécurité, telle une valeur boursière, s’est envolée. Elle ne semble plus avoir de prix. Pas même celui de la liberté.

Dans ce contexte planétaire, le hasard veut que les progrès de la technologie donnent aux thuriféraires de la sécurité des armes nouvelles dont la puissance leur permet d’espérer parvenir à leur fin : contrôler les faits et gestes des dizaines de millions d’individus qui vivent dans chaque pays. Déjà, les systèmes de surveillance prolifèrent.

(...)

Parmi les technologies qui se perfectionnent, il en est une dont les effets sur la société pourraient se révéler particulièrement inquiétants : la RFID, la Radio frequency identification en anglais, c’est à dire l’identification par radiofréquence. Elle se présente sous la forme anodine et discrète de puces de la taille d’une tête d’épingle munies d’une antenne.

Ces étiquettes radio devraient être intégrées, au cours de prochaines années, dans la plupart des objets quotidiens : vêtements, chaussures, produits alimentaires, tickets de transports, cartes bancaires, automobiles, appareils électroniques, téléphones mobiles, ordinateurs portables... Les prévisions tablent ainsi sur l’introduction de milliards de milliards de puces RFID qu’il n’est pas bien difficile d’assimiler à des mouchards.

Bien entendu, ces puces radio à vocation commerciale n’ont, en apparence, aucun lien avec la lutte contre le terrorisme, ni même avec le contrôle policier de la population. Pourtant, elles vont créer le plus formidable réseau de surveillance des individus jamais imaginé. La probabilité de les voir envahir la vie quotidienne est renforcée par leur quasi invisibilité, leur fonctionnement insensible, leur coût bientôt négligeable et leur mode de prolifération via la consommation. En effet, ce ne seront ni la police, ni l’armée, ni les services de renseignement qui prendront en charge leur mise en œuvre. Les principaux vecteurs de la dissémination des puces radio seront des acteurs beaucoup plus discrets mais également beaucoup plus puissants sur le plan financier : les entreprises de la grande distribution.

Chaque consommateur, chaque citoyen, portera bientôt, souvent sans le savoir, des puces communicantes qui permettront de le suivre à la trace, de reconstituer ses moindres mouvements au cours de sa vie professionnelle comme de sa vie privée. Ces puces sont présentées comme les simples remplaçantes des codes barres déjà présents sur la quasi-totalité des produits manufacturés. En réalité, leur potentiel dépasse de très loin celui de ces séries de lignes qui permettent de connaître le prix d’un objet à la caisse d’un supermarché.

La puce radio contient une quantité d’informations bien supérieure à celle de ce code numérique élémentaire. De plus, l’information qui y est enregistrée peut être modifiée à tout instant. A la caisse d’un magasin, par exemple, la puce du produit acheté peut être enrichie du nom de l’acquéreur, de la date et du lieu d’achat. Enfin, l’information stockée dans la puce pourra être lue à distance à tout moment. Sans doute la propriété la plus préoccupante de la technologie RFID.

Avec son processeur, sa mémoire et son antenne, la puce radio n’est autre qu’un minuscule ordinateur capable de communiquer avec d’autres machines. A ce titre, elle sera rapidement reliée à Internet afin de faciliter le suivi des produits manufacturés. Et la Toile se verra alors envahie par une multitude de nouveaux internautes : les objets porteurs de puces. Les experts travaillent déjà à l’adaptation du réseau mondial à cette nouvelle population. Le nouveau protocole de communication d’Internet permettra, entre autres améliorations, de créer un nombre d’adresses presque infini. L’objectif n’est plus, en effet, d’être capable d’accueillir sur la Toile les 6,5 milliards d’êtres humains vivant sur Terre mais bien de bâtir un nouvel Internet dans lequel les objets seront largement majoritaires, se comptant rapidement en milliers de milliards, voire en milliards de milliards... Malgré leur apparence inoffensive, les puces radio disposent ainsi d’un potentiel préoccupant. Elles offrent la possibilité de créer une nouvelle Toile dont la fonction ne sera plus de permettre aux êtres humains de communiquer entre eux à travers la planète mais bien de donner les moyens aux commerçants de traquer les internautes.

Bien entendu, les autorités pourront, en cas de nécessité, accéder aux informations collectées par ces puces radio. Dans un contexte sécuritaire et sous la menace du terrorisme, ces occasions risquent fort de se multiplier. Pour ceux qui s’y feront prendre, la Toile se transformera en une véritable nasse. Mais est-ce si inquiétant ? Pour les fabricants d’objets et leurs distributeurs, les puces radio ne représentent qu’un perfectionnement technique dont ils attendent une amélioration du fonctionnement et de la rentabilité de leur chaîne de production et de vente. Les puces radio existent déjà dans les usines et les entrepôts. Il ne s’agit, finalement, que d’étendre leur usage. Aux magasins eux-mêmes mais également à la rue et au domicile. Ce faisant, les industriels ne font que généraliser l’informatisation de leur activité. Outre les gains financiers qu’ils en espèrent, ils mettent en avant les avantages pour le consommateur. Le service après-vente, par exemple, sera sensiblement amélioré grâce aux puces qui contiendront toutes les informations nécessaires à la réparation ou au remplacement d’un objet endommagé. La santé, également, peut bénéficier des données stockées dans les dossiers médicaux électroniques.

(...)
Le site de l’ouvrage : Smallbrother.org

http://www.smallbrothers.org/

Le livre

La multiplication des technologies de surveillance, d'analyse du comportement et de stimulation de la consommation va-t-elle bouleverser notre vie quotidienne au cours des prochaines années? C'est à cette question que l'essai: "Sous l'oeil des puces - La RFID et la démocratie" publié par Actes Sud tente de répondre.
Le livre présente une technologie nouvelle, l'identification par radiofréquences, ou RFID, qui commence à se développer en France à grande échelle dans l'indifférence générale. Qui sait que le passe Navigo de la RATP ou le boîtier Liber-T permettant le passage sans arrêt au péage des autoroutes utilisent déjà la RFID? Les sociétés de transport identifient ainsi chaque usager dès lors qu'il utilise ces systèmes très pratiques.

Demain, chaque produit manufacturé sera équipé d'une puce RFID. Ces dernières communiqueront par radio avec des ordinateurs qui pourront analyser les déplacements de chaque consommateur. La police disposera d'un moyen supplémentaire de surveillance de la population. Quelle société engendrera une telle généralisation de systèmes d'espionnage de la vie privée? Que restera-t-il des libertés individuelles ? Le spectre de Big Brother est-il en train de ressurgir sous la forme de Small Brothers?

Le site

Ce site a pour vocation de présenter le contenu du livre "Sous l'oeil des puces - La RFID et la démocratie" mais également de prolonger son propos. Le problème posé par l'extension de la surveillance des citoyens est en effet en pleine actualité. Tous les jours de nouvelles applications voient le jour et viennent enrichir le débat sur les libertés individuelles.
Au delà de la thèse exposée dans l'essai, ce site apporte des informations sur la RFID et il propose de suivre l'actualité des Small Brothers, de mentionner les sites qui en parlent et de recueillir vos réactions et vos témoignages.

L'essai analyse le contexte dans lequel apparaît la RFID, technologie banale en apparence. Il tente de se projeter dans la société qui pourrait se concrétiser d'ici quelques années en faisant appel à la fois à l'enquête journalistique et à deux courtes fictions. Grâce à elles, le lecteur s'immerge plus facilement dans ce futur proche chargé d'interrogations. Le livre veut susciter une réflexion sur des enjeux démocratiques dont il est aujourd'hui indispensable et urgent de débattre.


Le mouchard dans la peau

http://www.erreur404.org/pmo/spip.php?article58

Les puces sous-cutanées, ces minuscules objets que l’on implante sous la peau humaine pour pister ou identifier des gens, ce n’est pas de la science-fiction. Alors demain, tous tracés ?

Le futur, c’est déjà aujourd’hui puisque, sans même que l’on s’en aperçoive, les nouvelles technologies sont en train de changer notre façon de vivre et même notre façon d’être. Certains cas relèvent a priori de la science-fiction et pourtant, ils font déjà partie de la réalité.

Une expérience a été menée dans une discothèque de bord de mer, à Barcelone, où une vingtaine de personne se sont fait greffer une puce dans le bras gauche, à hauteur de biceps, juste sous l’épiderme !

Cette puce à microfréquence est un minuscule objet en verre, de la taille d’un grain de riz, à l’intérieur duquel se trouve une petite mémoire où on peut stocker des informations... Les clients se sont fait greffer cet "Alien" sur une idée du patron de la discothèque. La puce renferme leurs noms, leurs numéros d’identification ainsi que le crédit dont ils disposent dans l’établissement.

Autrement dit, elle joue à la fois le rôle de la carte d’identité et celui de portefeuille. Vous prenez une boisson au bar ? Hop, le coût en est débité sur votre compte directement, grâce à un scanner que l’on vous passe sur le bras et qui active la puce !

Est-ce que ça fait mal ? Paraît-il, pas plus qu’un vaccin. Trois petites piqûres anesthésiantes dans le bras avant de l’implanter lentement sous l’épiderme au moyen d’une seringue jetable... Apparemment, ça a beaucoup plu (en plein dans la mode des modifications corporelles) et d’autres établissements s’apprêtent à lancer le même système. Mais cette puce n’est pas vouée à rester dans le monde de la nuit. Elle est déjà utilisée dans des applications autrement moins futiles et peut être plus inquiétantes.

Cette puce minuscule marche par fréquences radios. Dès qu’elle est sollicitée, elle émet un signal depuis sa position sous la peau pour indiquer, via un ordinateur, où se trouve la personne implantée.

Trois grandes applications ont déjà été testées :

• en Californie, à Los Angeles, cette puce a été posée pendant trois ans sur les prisonniers en liberté conditionnelle, pour qu’elle avertisse les autorités s’ils venaient à quitter la zone autorisée. Le test a été probant et a même été reconduit. Cette technologie est aussi très largement utilisée dans tous le pays pour pister des malades atteints d’Alzheimer ;

• au Mexique et en Floride, des sociétés privées ont lancé un service très demandé : implanter une de ces puces sous le bras des enfants, afin de prévenir les risques d’enlèvement. Muni de la puce, l’enfant devient repérable par réseau GPS. Les Américains en sont très friands ;

• en Australie, le personnel de quelques grands établissements bancaires a accepté que cette puce leur soit implantée d’office, pour surveiller leurs entrées et sorties des bâtiments.

Et en France ? La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a décidé que la puce sous-cutanée était illégale, à moins qu’elle puisse être neutralisée par le porteur lui-même quand bon lui semble, ce qui est pour l’instant impossible.

En tout cas, ces mouchards technologiques, qui font de nous des "cyborgs" pistés, tracés, fichés, accoucheront peut-être d’un monde plus sûr (argument majeur des défenseurs des puces sous-cutanées) mais aussi d’un monde où le droit à la protection de sa vie privée deviendra de plus en plus incertain...

Vu à la télé (sur France 5, septembre 2004)


Répression
Mordus par la puce

http://www.regards.fr/article/?id=2116

Nanotechnologies, domaine de l’infiniment petit, nouvellement accessible à l’homme : les investissements colossaux et la recherche avancent à grands pas. Quel impact sur la santé, l’environnement, les libertés publiques, quelles utilisations militaires auront ces nouvelles manipulations ? Le débat public stagne… Si le XXe siècle a été celui du nucléaire, le suivant est sans nul doute celui des nanotechnologies. Le nanomètre ? Une unité de mesure, le millionième de millimètre, soit un cent millième de l’épaisseur d’un cheveu. Pour atteindre la taille d’un être humain moyen, il faut en empiler 1,7 milliard.

Les nanotechnologies consistent à manipuler la matière à l’échelle atomique. Selon ses promoteurs, une telle miniaturisation ouvre de formidables horizons : des frigos intelligents jamais vides, des tee-shirts toujours propres, des lunettes autonettoyantes, des matières plus résistantes et moins lourdes que l’acier… Comment réaliser ce prodige ? Nanotechnologies et nanobiotechnologies permettent d’adapter les propriétés d’un matériau en le construisant molécule par molécule, comme un jeu de cubes. A l’arrivée, ces nanomachines imitent le vivant. Au-delà du gadget que le marketing saura sans doute rendre indispensable au consommateur, des applications médicales révolutionnaires sont annoncées. Les perspectives sont séduisantes. Il faut imaginer un nanorobot envoyé dans le corps humain et capable de rechercher puis détruire une cellule cancéreuse, sans dommages collatéraux.

L’enjeu économique est immense. Aux Etats-Unis, l’investissement public pèse 800 millions d’euros par an et le National Nanotechnology Coordinator Office, plate-forme de l’administration américaine, entend débloquer 3,7 milliards de 2005 à 2008 sous forme de largesses fiscales pour favoriser l’investissement privé. Egalement en lice sur le marché, le Japon et l’Europe injectent massivement des fonds dans la recherche. La Commission européenne évaluait récemment le marché mondial des produits et processus issus des nanotechnologies à environ 2,5 milliards d’euros. La Commission notait également dans un récent communiqué que le marché pourrait s’élever à plusieurs centaines de milliards d’euros d’ici 2010, pour en arriver plus tard à dépasser les 1000 milliards d’euros. Dans cette course à l’infiniment petit qui devrait rapporter infiniment grand, Grenoble met le paquet et occupe déjà une place de Silicon Valley européenne.

Vaccinés à la high tech

Alors tout va pour le mieux dans le meilleur des nanomondes ? Pas sûr. Comme pour les OGM et le nucléaire, le débat public est le grand absent. Pas facile. « Les élus (grenoblois, ndlr) ont été vaccinés à la high tech. Cela permet d’avancer plus vite et d’éviter de se poser des questions métaphysiques. » La petite phrase est de François Brottes, député PS et adjoint à la mairie de Crolles (1), haut lieu d’investissement dans les nanos. Une poignée de citoyens actifs, avec cette indécrottable manie de se mêler de ce qui les regarde, répond en citant Rabelais : « Sans conscience, la science n’est que ruine de l’âme. » Obscurantiste et bouffe-scientifique ? Sûrement pas, répondent les militants de Pièce et Main-d’œuvre (PMO). Auto-définis « simples citoyens » et regroupés derrière le site « Pièces et Main-d’œuvre » (www.piecesetmaindoeuvre.com), ils travaillent à la « construction d’un esprit critique à Grenoble ». A force d’enquêtes et de productions écrites fracassantes et visiblement bien renseignées, ces citoyens actifs ont réussi à faire tousser le doux ronron technoscientifique grenoblois.

Applications sécuritaires

Alors quid des espoirs médicaux que portent les nanotechnologies, notamment les nanorobots, missiles ciblés envoyés dans le corps humain ? « De tels “missiles”, peuvent véhiculer aussi bien des charges létales (virus nano-encapsulés et génétiquement modifiés) que des charges curatives », opposent-ils. En effet, les destinations militaires et policières, beaucoup moins médiatisées que les applications civiles et médicales, pèsent très lourd dans la course à la recherche. Le pôle nanotechnologique européen Minatec, qui ouvrira à Grenoble en 2006 pour un coût de 193 millions d’euros, est le fruit d’une étroite collaboration entre le CEA (commissariat à l’énergie atomique) et la Direction générale de l’armement, branche recherche et développement du ministère de la Défense. Les applications militaires ? Difficile encore à concevoir pour le béotien. Jean-Pierre Dupuy, professeur de philosophie à Polytechnique et ingénieur général des Mines, s’est vu confier la mission de réaliser une recherche exploratoire sur les impacts des nanotechnologies par le conseil général des Mines. En 2002, il déclarait au Sénat que « les armes NBC (nucléaires, biologiques et chimiques) seront aux armes nanotechnologiques ce que la fronde fut à la bombe d’Hiroshima ». Le scientifique poursuit : « La dissémination sera inévitable, et une structure dissuasive de type MAD (destruction mutuelle assurée, garantie paradoxale de paix et fondement de la dissuasion, ndlr) impossible à mettre en place, dans la mesure où chacun pourra espérer se débarrasser de son ennemi par une première frappe. » (2) Les applications sécuritaires sont infinies. Les puces, fruit des nanotechnologies, permettent déjà la traçabilité d’un produit, de conteneurs ou de bétail. Raffinement supplémentaire, ces « étiquettes intelligentes » peuvent sans difficulté technique être implantées sous la peau d’un être humain (voir encadré). Les informations contenues dans la puce peuvent comprendre le dossier médical, les empreintes génétiques et tous les éléments d’identité. Plus fort que James Bond, les nanotechnologies permettent l’installation de vidéosurveillance plus petite qu’une poussière, impossible à détecter pour l’œil. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a déjà signifié une (timide) inquiétude dans un rapport publié en mai 2004 : « Si l’implantation de nanomatériaux ou de biocapteurs peut être positive, l’utilisation des nanobiotechnologies à des fins de localisations, contrôle, voire “télécommande” des individus peut se révéler dangereuse si elle n’est pas utilisée dans une bonne intention. » Pour les militants de PMO et les Opposants aux nécrotechnologies grenobloises (ONG), suivant l’adage « ce n’est pas parce qu’on n’a rien à cacher qu’on veut tout montrer », il s’agit aussi de la poursuite d’un fichage généralisé, d’une « domestication du cheptel humain » et d’un renforcement du contrôle social par la technification de la société.

Des études alarmantes

L’innocuité des nanomatériaux demeure une inconnue de taille. Une telle échelle implique des réactions biologiques différentes de ce que l’on connaissait jusqu’alors. Dominique Lison est chercheur en toxicologie industrielle à l’université catholique de Louvain et prône la prudence. « Dans le corps humain, des particules aussi fines peuvent gagner le cerveau ou se déposer dans les poumons. Ce ne sont pas des techniques inoffensives et il ne faut pas inonder l’environnement avant d’en savoir davantage. Nous devons savoir quelles sont les conditions d’encadrement nécessaires pour éviter que ça ne génère des effets néfastes. » Le peu d’études disponibles sont alarmantes. Les toxicologues américains tombent sur des résultats convergents, récemment publiés dans le journal Toxicological Sciences. Selon deux études, les fibres de nanotube de carbone peuvent avoir des conséquences dangereuses pour les poumons. David Warheit, chercheur chez l’industriel DuPont, a observé dans son laboratoire que 15 % des rats en contact avec des nanotubes mouraient dans les 24 heures. D’autres pointent les risques liés à l’utilisation incontrôlée des nanotechnologies. Le physicien Eric Drexler publiait en 1986 Engines of creation, spéculant sur des nanorobots capables de s’auto-reproduire. Quand l’imitation du vivant n’est plus une imitation. Billy Joy, scientifique de Berkeley, inventeur du langage informatique Java, estime dans un article (3) que « les technologies les plus incontournables du XXIe siècle – robotique, génie génétique et nanotechnologies – représentent pour l’espèce humaine une menace sans pareille. Elles sont porteuses d’une puissance telle qu’elles sont capables d’engendrer toutes sortes d’accidents et d’abus totalement inédits. Concrètement, les robots, les organismes génétiquement modifiés et les “nanoréseaux” ont la capacité de s’autoreproduire. Si une bombe nucléaire n’explose qu’une fois, un robot peut proliférer et échapper à tout contrôle ».

Comme pour les OGM (leur innocuité est-elle garantie ?) ou le nucléaire (la dernière génération de réacteur dite EPR est-elle nécessaire, faut-il se lancer dans la course à la fission de l’atome à Cadarache ?), les nanotechnologies demanderaient a minima un vrai débat public. Mais comment discuter de l’atome, de génétique ou de physique quantique avec des citoyens béotiens, peut s’interroger le chercheur. « Pas besoin de connaître le fonctionnement d’un moteur pour lutter contre la pollution », répond le citoyen. La convergence d’intérêts économiques et politiques peut constituer autant d’obstacles à la démocratie. A Grenoble, il est parfois difficile de les dissocier. « Les collectivités financent les équipements et les organismes de recherche, analyse-t-on à PMO, l’armée signe des contrats avec les laboratoires pour accéder aux technologies les plus avancées, choisir les sujets de thèse et financer certaines recherches et les entreprises, dont les dirigeants sont souvent issus du CEA, vampirisent les subventions et régentent la vie locale. » Ajouté à un discours sur le nécessaire « dynamisme économique » de la région et à l’emploi qu’il ne manquera pas de créer, le consensus s’installe confortablement.

Culture du risque

De coup médiatique en canulars à grande échelle, PMO est parvenu à attirer l’attention au niveau national. Bien qu’elle ne le reconnaisse qu’à mi-voix, la Métropole grenobloise a été contrainte d’organiser les 16 et 17 juin derniers un forum public opportunément intitulé « sciences et démocratie ». L’opinion de PMO sur ce rassemblement de pointures politiques et scientifiques ? « Nous n’avons que faire d’un débat après coup, poursuivent les militants de PMO. Il s’agit, maintenant que tout est irréversible, de nous associer aux choix faits sans nous, par exemple en nous inculquant cette “culture du risque” si grenobloise. De faire de nous les cogestionnaires de la catastrophe, au sein de cette “démocratie technicienne” chère à nos technarques. » Jacques Testart, directeur de recherche de l’Inserm, a accepté l’invitation au débat mais s’est offert le luxe d’un propos peu orthodoxe : « Les tenants des nanotechnologies nous proposent de fermer les yeux et de foncer droit dans le mur. C’est insupportable. D’autres nous proposent de tout arrêter. Je ne suis pas d’accord non plus. Je veux un retour à la prudence et c’est la démocratie qui fait réellement défaut. Je prône les conférences citoyennes qui consistent à tirer 15 personnes au hasard et à leur dispenser une formation objective et contradictoire. Cela a été fait deux fois en France, sur les OGM et le nucléaire. On s’aperçoit que les citoyens deviennent informés, intelligents et altruistes. Mais aucun parlementaire n’a pris en compte leurs recommandations. »

/1. Crolles fait partie de la Métropole, communauté d’agglomération de Grenoble./

/2. Actes de la rencontre internationale de prospective du Sénat,/

/La France dans le monde en 2020,/

/24 octobre 2002./

1er septembre 2005 - Rémi Douat