Le procès intenté par Catherine Moyon de Baecque et Michelle
Rouveyrol à l’encontre des lanceurs de marteau, membres
de l’Équipe de France d’athlétisme a eu un
important retentissement. Comment l’analysez-vous?
Elles ont été des pionnières en déposant
plainte et en brisant l’omerta qui régnait et qui règne
toujours dans les milieux sportifs concernant les violences sexuelles
des entraîneurs et des athlètes sur les sportives. Catherine
Moyon de Baecque qui a mené l’essentiel du combat et qui
l’a poursuivi au-delà du procès, restera dans l’histoire
des femmes et dans l’histoire du sport un symbole de courage,
de rigueur et d’intelligence politique. Confrontée aux
refus de toutes les institutions - et non des moindres - d’entendre
ce qu’elle dénonçait, elle a su mener à bien
cette lutte, jusqu’à son terme et affronter et " gérer
" personnellement et politiquement - je me permets d’insister
concernant l’emploi de ce terme - tous les dénis, mensonges,
faux-fuyants, toutes les insinuations, moqueries, fins de non recevoir,
promesses non tenues, lâchetés, représailles, discriminations,
toutes les agressions physiques et verbales, chantages, menaces de mort1
. La liste n’est sans doute pas complète. Et ce, pendant
plusieurs années.
Elle est maintenant - avec encore beaucoup de résistances bien
sûr - celle qui a su et pu imposer sa vérité dans
un milieu qui depuis si longtemps se protège de toute accusation.
Le déshonneur est dorénavant dans le camp de ses agresseurs
et de ceux et celles qui les ont défendus. Je peux donc imaginer
aisément que lorsqu’elle rencontre ceux et celles qui l’ont
accusée d’avoir dit la vérité, ce n’est
pas elle qui détourne la tête. En outre, son livre2 , écrit
avec la tranquille assurance que seule une personne sûre de ses
droits peut avoir, a mis à nu le fonctionnement réel des
institutions. Aucune personne citée n’a d’ailleurs
démenti les propos ou comportements rapportés. Cette description
si limpide des réactions des divers protagonistes de " l’affaire
" en fait un véritable brûlot que la presse n’a
pas relevé.3
Ceci étant dit, si ce combat a été si médiatisé,
c’est sans doute parce que la société a pris conscience
de l’injustice dont les victimes étaient l’objet
et de la profonde inégalité dans les rapports de force
en présence4. Mais si l’on veut que de telles " affaires
" ne se reproduisent plus, des enseignements, qui ne l’ont
à ce jour pas été, doivent être tirés.
Cet ouvrage y contribue.
Sur le plan judiciaire, si la loi avait été appliquée
comme elle aurait dû l’être, les agresseurs de Catherine
Moyon de Baecque auraient dû être jugés non pas par
le tribunal correctionnel pour " attentats à la pudeur commis
avec violence, contrainte ou surprise", re-qualifiés depuis
l’entrée en vigueur, le 1er mars 1994, du nouveau code
pénal5 par la Cour d’appel en" agressions sexuelles
autres qu’un viol " - mais par la Cour d’Assises. Car
deux des agresseurs, Jean-François Grégoire et Laurent
Bettolo, ont commis " à deux reprises " des "
viols aggravés en réunion " - passibles de 15 ans
de prison - et deux autres ont commis des" viols " et"
agressions sexuelles " - passibles de 10 ans de prison.
Les quatre agresseurs, après que cette déqualification
ait été acceptée par la Cour et par l’avocat
de Catherine Moyon de Baecque6 ont en outre bénéficié
d’une incroyable mansuétude. De fait, ils ont été
condamnés à des peines les plus basses qui pouvaient leur
être infligés. En première instance7 , deux des
trois violeurs ont été condamnés à de la
prison avec sursis - ce qui signifie que la justice a considéré
qu’ils n’étaient pas dangereux pour l’ "
ordre public ". Le troisième, Raphaël Piolanti - et
ce alors qu’il avait aussi agressé Michelle Rouveyrol -
a été relaxé " au bénéfice du
doute ". Le fait qu’il était le seul à être
"champion de France " ne peut pas ne pas être considéré
comme explicatif du traitement qui lui a été réservé
en première instance. Quant au quatrième, Christophe Epalle,
il a été lui aussi relaxé, alors qu’il aurait
dû être poursuivi pour " attentats à la pudeur
" selon l’ancien code pénal, re-qualifiées
en " agressions sexuelles ", dans le nouveau.
Certes en appel - à la demande de Catherine Moyon de Baecque
et du Parquet - les condamnations à un an avec sursis pour deux
d’entre eux, Jean-François Grégoire et Laurent Bettolo,
ont été aggravées et sont passées à
15 mois avec sursis. Mais ces peines ne sont pas inscrites au casier
judiciaire et ils n’ont été interdits de la fonction
de juré que pour 5 ans; ils peuvent donc dorénavant être
appelées à rendre la justice en Assises. Raphaël
Piolanti s’est vu condamner à 8 mois d’emprisonnement
avec sursis.8
Aucun d’entre eux n’a passé un seul jour en prison.
Concernant les agressions sexuelles commises sur Michelle Rouveyrol9,
Laurent Betollo, Raphaël Piolanti et Christophe Epalle avaient
été poursuivis pour " voies de faits ", passibles
d’une " contravention ". Ce dernier a été
relaxé, eu égard que " la scène a été
très courte " et qu’un témoin a "déclaré
qu’il n’avait pas vu de geste impudique ."
Ces peines donnent une juste appréciation de la valeur que la
justice française accorde à la vie des femmes, et plus
globalement à celle des victimes.
Quant aux peines d’amendes: 5.000 francs à Michelle Rouveyrol
- vous avez bien lu: 5.000 frs ! - et 3.000 Fr. (5.000 Fr. en appel)
pour Catherine Moyon de Baecque, auxquels il faut ajouter, pour elle,
40.000 Fr. de dommages et intérêts, elles ajoutent l’injure
au mépris. Ainsi, une carrière menée depuis plusieurs
années arrêtée nette, des années de souffrances,
de nombreuses consultations et traitements médicaux et thérapeutiques,
des dizaines de milliers de francs de frais de justice, des centaines
d’heures consacrées à simplement obtenir réparation
valent pour la société française - alors qu’elle
est responsable de n’avoir pas été à même
de garantir la sécurité de ses citoyennes - le prix d’un
mois de salaire d’un-e cadre supérieur-e. Cette somme qui
a simplement permis à Catherine Moyon de Baecque de payer ses
avocats ne signifie-t-elle pas qu’il s’est agi d’une
opération à somme nulle? Et donc, d’une certaine
mesure que l’ordre politique, juridique et donc aussi l’ordre
des sexes a été ainsi symboliquement maintenu inchangé.
Mais, plus fondamentalement, pourquoi une personne qui a été
victime de l’incapacité de l’Etat à lui assurer
la sécurité physique qu’elle est en droit d’exiger10
devrait-elle personnellement payer pour faire valoir ses droits, payer
pour tenter d’effacer les traumatismes subis? Il s’agit
en outre très clairement d’une sélection par l’argent
que les aides juridictionnelles ne font pas disparaître. Ne peut-on
pas alors considérer que cette différence de traitement
des plaignant-es, aggravée encore si la victime veut se constituer
partie civile, est un déni de l’affirmation universaliste
de la loi et du principe d’égalité qu’elle
énonce ?11
Quant aux entraîneurs nationaux qui ont participé et cautionné
ces violences au cours d’un stage dont ils avaient l’entière
responsabilité, ils n’ont même pas été
poursuivis. Ni pour leur responsabilité directe, ni pour "
non assistance de personne en danger " ou pour " complicité
". Plus encore, la justice a accepté qu’ils soient
" témoins de moralité " des athlètes.
Comment afficher plus clairement la permanence de la double morale
sexiste mise en oeuvre par la justice française? Comment démontrer
plus clairement l’évidence de sa partialité?
Le maintien de l’" expertise" imposée aux seules
victimes12 - et non pas aux agresseurs - participe de cette même
injustice. Catherine Moyon de Baecque a vécu, comme tant de victimes,
celle qui lui a été imposée - qui s’est avéré
une accumulation de préjugés sexistes -" comme un
véritable interrogatoire ". Quand ces expertises formellement
discriminatoires qui reposent historiquement sur la non crédibilité13
a priori de la parole d’une femme14 par rapport à celle
d’un homme, y compris lorsqu’il est son agresseur, disparaîtront-elles,
enfin?
Que penser de la réaction des autorités sportives?
Leur responsabilité est accablante. Elles ont toutes - à
l’exception, tardivement et partiellement du Stade Français15
- protégé les agresseurs16 et accablé les victimes.
Quant à celle de la Fédération Française
d’Athlétisme (FFA) organisme chargé d’une
" mission de service public ", placé sous " tutelle
" du Ministère de la Jeunesse et des Sports, et plus précisément
de son vice-Président17 puis Président, Jean Poczobut,
elle est patente. En effet, c’est lui qui a géré
sur le plan sportif, la question de ce procès et de ses conséquences.
1 - Les autorités sportives n’ont pris aucune mesure réelle
à l’encontre des entraîneurs responsables. Certes,
Michelle Alliot-Marie, ministre de la Jeunesse et des Sports, a pu écrire
qu’elle avait " sanctionné " Guy Guérin18,
mais les preuves de cette décision sont actuellement manquante
au dossier public - il aurait été mis à pied (avec
traitement de salaire?) pour trois mois - tandis que l’effectivité
de la mise en oeuvre de cette mesure reste à démontrer.
Elles ont exercé des pressions sur un entraîneur qui aurait
pu se solidariser des victimes.19
Dès lors, elles ont légitimé les agressions sexuelles
dont elles avaient été saisies. Et, en laissant les entraîneurs
poursuivre leurs activités, elles ont permis - au risque d’être
considérées comme responsables au regard de la loi - d’autres
crimes. D’autres plaintes pénales ont d’ailleurs,
depuis, été déposées à l’encontre
de plusieurs entraîneurs, dont l’une à l’encontre
d’un entraîneur national de lancer des jeunes. Celui-ci
est actuellement mis en examen pour " viol sur mineur (-e) de moins
de 14 ans par personne ayant autorité ". Le procès
doit avoir lieu prochainement20. Quelle va (pouvoir?) être la
politique du Ministère?
Et pourtant, les faits étaient patents. L’entraîneur
national de l’Équipe de France, Guy Guerin, responsable
du stage21 national au cours duquel les lanceurs de marteau ont agressé
les femmes athlètes a:
- contraint Catherine Moyon de Baecque à boire, l’a "
ridiculisée " le soir de la première agression et
a participé à la première agression (page 14 et
15 de La Médaille et son revers)
- n’a fait cesser aucune de celles qui ont suivi ;
- a encouragé, après trois jours d’agressions sexuelles,
de nouvelles agressions. Enfin, saisi de ces violences par les deux
athlètes femmes qui avaient été agressées
au cours de ce " stage de la honte ", il a considéré
comme " normaux " les comportements des lanceurs dont il avait
été informé par Michelle Rouveyrolle et s’était
" moquée d’elle ", comme " naturel "
ce qui était arrivé à Catherine Moyon de Baecque.
" Il me semble amusé " écrit-elle.
Quant au second entraîneur, aujourd’hui décédé,
pourtant informé par Catherine Moyon de Baecque, il a, lui aussi,
participé à l’exercice de ce droit de cuissage,
dont il réclamait cependant pour lui la primeur:" L’entraîneur
me répond qu’il convient que je couche avec l’un
des garçons avant la fin du stage. Il m’explique que j’ai
de la chance, car je peux choisir. Il m’offre même d’organiser
le rendez-vous. Mon visage livide et décomposé semble
l’arrêter un instant. Il hésite, puis il me propose
d’être le premier en faisant valoir qu’il est marié
et père de famille ". Un droit de cuissage qui, légitimé
du fait de son statut matrimonial et parental, devait lui conférer
une préséance sur les célibataires? L’expression
de la hiérarchie sportive qui se serait vu ainsi confirmée
dans la mise en oeuvre de l’exercice de ses droits? Ou une garantie
de " compétences sexuelles"?
2° Les autorités sportives ont, sans ambiguïté,
protégé les violeurs. La responsabilité de Jean
Poczobut est, là encore, posée. En effet, non seulement
il n’a " à aucun moment manifesté le moindre
regret "22 , mais en outre:
- Il a, en toute partialité, fait une attestation de " bonne
moralité23 en faveur des inculpés", lors du procès,
" laissant entendre que les victimes en (étaient) totalement
dépourvues ".24
- Après la confirmation en appel par la justice de la condamnation
des agresseurs - et alors que le FFA était en possession de tous
les éléments du " dossier " qui lui avaient
été transmis par le Stade Français, club de Catherine
Moyon de Baecque - il a convoqué les victimes à se présenter
devant une " commission " interne ad hoc: "Cette commission,
que je préside - écrit-il - a estimé nécessaire
qu’elle connaisse avec le maximum de précisions, les griefs
que vous formulez à l’encontre de chacun des trois athlètes
". Si celles-ci n’étaient pas présentes au
jour dit, ou si elles n’avaient répondu au Président
de la FFA, par écrit " sous enveloppe que vous m’adresseriez
avec la mention ‘personnelle ’, "" la commission
ne pourrait que constater qu’elle n’est pas en possession
des éléments de nature à lui permettre de se faire
une opinion ".25
Certes la FFA a " suspendu " - alors qu’ils avaient
été " condamnés " par la justice - ces
athlètes à respectivement, 12, 20 et 20 mois dont 10,
10 et 6 mois fermes. Et ce, alors que, le même jour, le même
Bureau fédéral avait suspendu un sportif pour " violences
et voies de faits sur un arbitre à une suspension de 24 mois
dont 12 fermes ".26 En tout état de cause, cette mesure,"
rétroactive ", n’a pas perturbé leur entraînement
(d’autant qu’en hiver, il n’existe pas de stage fédéraux)
qu’ils ont poursuivis27, avec l’entraîneur national,
à l’INSEP: " Ils ont...conservé tous leurs
privilèges. Ils figurent toujours sur la liste ministérielle
des athlètes de haut niveau et bénéficient de tous
les avantages inhérents à ce statut ". 28
Enfin, bien que condamnés par la justice française pour
agressions sexuelles sur des athlètes françaises, ils
ont été maintenus par la FFA (Guy Guérin participait
au Comité de sélection) dans l’équipe de
France pour les Jeux Olympique de Barcelone en 1992 et d’Atlanta
en 1996 29, ainsi que pour les championnats du monde d’Athlétisme
depuis 1991.
Dans le même temps, Catherine Moyon de Baecque se voyait interdire
l’accès à l’Institut national des Sports (INSEP).
Quant à Christophe Epalle, il a été désigné
par la FFA comme l’un des 10 meilleurs athlètes hommes
proposé pour concourir à la désignation des"
Athlètes d’or " pour la saison 1994.
3 - Suite aux agressions, aucune autorité sportive ne s’est
enquis de la situation personnelle, professionnelle, sportive, financière
de Michelle Rouveyrol, ni de Catherine Moyon de Baecque. Et ce, alors
que plusieurs responsables sont intervenus, souvent violemment, afin
d’obtenir le retrait de leur plainte et plus fondamentalement,
leur silence. Plus encore, elles ne les ont pas protégés
de futures agressions de la part du milieu sportif, dont pourtant elles
étaient informées. Un exemple particulièrement
fort de " non assistance à personne en danger " nous
est donné par la réaction de la ministre, Michelle Alliot-Marie,
interpellée par Catherine Moyon de Baecque: "Quand j’évoque
les menaces de mort dont j’ai été l’objet,
(la) ministre se contente de répondre qu’elle en a l’habitude
et qu’il ne faut pas y accorder trop d’importance. ..Ignore-t-elle
que, contrairement, à elle, je n’ai pas de garde du corps
chargés de veiller à ma sécurité ? ".
Enfin, elles ont accepté, sans excès d’états
d’âme, la fin de la carrière sportive de ces athlètes.
Jean Poczobut a, pour sa part, tout fait pour entraver la poursuite
de la carrière de Catherine Moyon de Baecque dans le Sport de
haut niveau: " Il fait barrage à mon entraînement
et à mon insertion sportive " écrivait-elle, le 18
octobre 1994, au président François Mitterand.
4 - Le Ministère de la Jeunesse et des Sports a engagé
sa responsabilité aux côtés de la FFA, alors que
" les Ministères de tutelle veillent, chacun en ce qui le
concerne, au respect par les fédérations des lois et règlements
en vigueur ".30 Ainsi, et pour ne prendre qu’un seul exemple,
Michelle Alliot-Marie a accepté de procéder à une
parodie d’enquête, puisque les victimes, à l’encontre
des coupables, n’ont même pas été entendues.
Michel Bouchareissas, inspecteur général de la Jeunesse
et des Sports, chargé officiellement par le ministère
de rédiger un rapport - qui n’était " confidentiel
" que pour les victimes - a évoqué " un risque
d’affabulation de la part des victimes et tout particulièrement
de Catherine Moyon de Baecque ". Et il a fallu plus d’un
an à cette dernière, grâce à un recours pour
"excès de pouvoirs " au Tribunal administratif de Paris,
pour prendre connaissance d’un rapport qui confirmait les mensonges
des accusés, scellait le sort des deux athlètes. Et signifiait
la fin de leurs carrières. Est-il utile de préciser que
les procès étaient alors terminés?
Le ministère a donc aussi engagé sa responsabilité
aux côtés des agresseurs qui pourtant avaient enfreint
la loi de l’Etat. Il a en outre ouvertement sacrifié les
droits des femmes. Et bafoué la constitution qui affirme: "
La loi garantit à la femme, dans tous les domaines des droits
égaux à ceux de l’homme."
Et qu’en est-il aujourd’hui?
L’ordre masculin règne. Les femmes, Michelle Rouveyrol
et Catherine Moyon de Baecque ont abandonné le sport de compétition.
Les hommes ont poursuivi leur carrière ou ont été
promus: les sportifs ont continué à s’entraîner
et à représenter la France dans toutes les compétitions
sportives internationales, tandis que l’état a récompensé
les responsables les plus compromis. Guy Guérin qui, au moment
des agressions, était entraîneur national de marteau, a
été, depuis, promu entraîneur national de tous les
lancers: " marteau, disque, poids et javelot ". Il est toujours
entraîneur national de l’Équipe de France d’athlétisme.
Jean Poczobut a été, lui, promu31 " conseiller technique
", au sein des plus hautes instances du Ministère de la
Jeunesse et des Sports par la nouvelle Ministre du gouvernement de Lionel
Jospin. A cet égard, si Marie-George Buffet a été
la première ministre chargée de la Jeunesse et des Sports
à apporter son soutien à Catherine Moyon de Baecque et
à assumer partiellement les conséquences de la responsabilité
de l’Etat 32, il faut aussi dire qu’elle a permis ou laissé
faire, peu importe, la promotion professionnelle et politique de Jean
Poczobut en l’intégrant dans son cabinet. Si l’on
voulait politiquement marquer que la nomination d’une femme comme
Ministre ne devait en aucun cas changer le lien entre " sport et
virilisme " on ne s’y serait pas mieux pris. On peut même
se demander si cette nomination, si symboliquement signifiante, ne pourrait
être interprétée comme le prix que les sportives
de ce pays devaient payer pour la nomination de Marie-George Buffet
au poste de ministre. En tout état de cause, cette question remet
en cause les analyses qui voudraient nous faire croire que " plus-de-femmes-ministres
" serait, en soi, une avancée pour les droits des femmes.
33
A cet égard, le silence des milieux sportifs et de la presse
concernant la présence de cet homme qui a " couvert "
et " protégé " les agressions sexuelles d’athlètes
sur la personne d’une autre athlète est particulièrement
grave. Et doit réveiller les consciences. Alors qu’il relèverait
de l’impensable que notre société puisse accepter
la présence dans un cabinet ministériel d’un président
de Fédération ayant officiellement encouragé le
dopage, elle considère comme normal la nomination d’un
homme ayant, au nom de la Fédération Française
d’Athlétisme, légitimé les violences sexuelles
d’hommes athlètes à l’encontre des femmes
athlètes.
Plus encore, c’est lui qui est, au cabinet, " chargé
du dossier dopage ". (100 millions de francs demandés pour
le prochain budget) A-t-on pensé ainsi lui permettre de se refaire
une virginité?
Marie-George Buffet - et je le regrette profondément - est politiquement
responsable de cet affront fait aux sportives et aux femmes de ce pays.
Enfin, quand j’ai été informée de ses fonctions,
j’ai entendu autrement les engagements politiques du Ministère
de la Jeunesse et des Sports en la matière. Comment croire en
effet aux fondements qui doivent instituer une nouvelle morale dans
le sport concernant la lutte antidopage, lorsque l’on sait que
celui qui en est la cheville ouvrière est lui-même dépourvu
de toute morale? Comment croire à l’effectivité
de la mise en oeuvre exigeante d’une politique antidopage lorsqu’elle
est dévolue à un homme sensible aux pressions parce qu’il
a transgressé les règles de droit ?
N’êtes-vous pas trop sévère pour la ministre?
La question n’est pas là. Il s’agit de savoir si
ces critiques sont justes ou non. En outre, il ne s’agit pas de
porter un jugement de valeur sur la personne de la ministre, mais de
juger, en tant que citoyenne, la politique qu’elle met en oeuvre.
Et de fait, je suis bien obligée de constater que, nommée
ministre, elle a été contrainte d’accepter les normes
dominantes de ce milieu. Ainsi, à la question:" Le milieu
sportif est-il plus machiste que les autres ?", elle répondait,
l’année dernière:" J’aurais pu avoir
cette idée avant d’être ministre ! Je m’aperçois
que c’est une image fausse. Le monde sportif est le simple reflet
de la société d’aujourd’hui ". 34 Et
à la " Vous dites que la politique est le milieu le plus
difficile pour les femmes, en souffrez-vous ?", elle a répondu:
"Non, je ne le pense pas. Tout d’abord, il y a l’aspect
jeunesse du Ministère. Et qui dit jeunesse, dit beaucoup de jolies
filles. " 35
Quoi qu’il en soit, je considère qu’aucune politique
de la ministre concernant les sportives ne sera crédible et aucune
lutte contre les violences sexuelles dans le sport ne sera possible
tant que Jean Poczobut sera maintenu dans son cabinet. Que Marie-George
Buffet soit femme, communiste et féministe36 s’avère,
en outre, une circonstance aggravante. Car, accepter une responsabilité
politique, c’est accepter que les idéaux que l’on
affirme défendre - et qui expliquent en grande partie le choix
qui s’est porté sur votre personne - soient incarnés
par la politique que l’on met en oeuvre.
Mais Marie-George Buffet a lancé une politique de lutte contre
les violences sexuelles dans le sport?
Au risque de me répéter, on ne peut pas à la fois
affirmer un principe et mettre en oeuvre les conditions politiques qui
empêchent sa réalisation.37 C’est une contradiction
dans les termes.
Par ailleurs, on ne peut considérer que le rappel de la législation
applicable en matière de violences sexuelles (le harcèlement
sexuel ayant été oublié dans les références
juridiques citées en annexe) et l’envoi d’une circulaire
- celle du 17 juillet 1997 intitulée: " Lutte contre la
maltraitance des jeunes " - puissent être appelé une
" politique ". Et pour confirmer cette appréciation,
personne au ministère n’est même institutionnellement
responsable de suivre l’application de cette circulaire, ni même
de traiter spécifiquement des plaintes des sportifs et des sportives38.
En ce sens, l’action de Marie-George Buffet, qui est pourtant
ministre de " la jeunesse " 39, est très en en deçà
de la politique menée par sa collègue du Ministère
de l’Éducation Nationale, chargée des enseignements
scolaires, Segolene Royal. Il n’est sans doute d’ailleurs
pas un hasard si Catherine Moyon de Baecque n’a, à ce jour,
été intégrée à l’organisation
d’aucune des initiatives du ministère - alors qu’elle
y est salariée - concernant " Les femmes et le sport ",
alors que Segolene Royal et Élisabeth Guigou, ministre de la
Justice, lui avaient demandé de participer aux travaux relatifs
au projet de loi voté à l’Assemblée Nationale
contre le bizutage et les violences sexuelles.
Que dit cette circulaire?
L’analyse de ce texte (Instruction N° 97-103) en date du 17
juillet 1997, intitulé:" Lutte contre la maltraitance des
jeunes " révèle les insuffisances manifestes de l’analyse
en la matière, qui ne sont elles mêmes que l’expression
de l’absence de volonté réelle de la part du milieu
sportif de lutter contre ces violences. Tout d’abord, proposer
une politique qui ne s’applique qu’aux " jeunes "
- mêlant, en outre, les " jeunes ", les " enfants
", et les " mineurs " - c’est de facto considérer
que les dites violences seraient légitimes si elles concernaient
les adultes. Où, à tout le moins, qu’elles ne nécessiteraient
pas de politique spécifique du ministère.
Par ailleurs, le projet affirmé dans le premier paragraphe est
présenté ainsi :" Soustraire les mineurs et plus
généralement les jeunes aux risques de maltraitance et
d’agressions sexuelles dans le cadre de leurs pratiques sportives
et des animations qui leur sont destinées, constitue un enjeu
social essentiel". Or, considérer qu’il s’agit
simplement d’" un enjeu", même qualifié
d’" essentiel ", relativise considérablement
le terme de " lutte " , bien nécessaire, cependant.
En effet, sur 112 agressions sexuelles (dont 68 viols) commis "
en institutions scolaires et para scolaire ", en 1996 et 1997,
par des " enseignants, animateurs ou moniteurs ", 19 sont
le fait de professeurs de sport, 19 d’animateurs de loisirs et
16 de moniteurs de colonies. 40
Ensuite, parler de " risques ", c’est penser en termes
de péril, de danger dans lesquels entre l’idée de
hasard, de probabilité, voire de responsabilité des jeunes
sportifs et sportives de n’avoir pas su s’en prémunir.
Dès lors, la question de la responsabilité des institutions
sportives est conceptuellement rendue très difficile, tandis
que l’analyse des rapports de pouvoirs qui expliquent, excusent
et justifient ces violences est occultée: pouvoirs des entraîneurs,
des présidents de Fédérations, des dirigeants sportifs,
sans évoquer celui des sponsors qui ne fonctionnent qu’aux
résultats.
Enfin, considérer que ces violences relèvent du "social
", c ’est les maintenir dans un domaine non judiciarisé,
infra-politique et non sexuel. C’est donc exclure tout questionnement
sur la sexualité comme expression du pouvoir et sur la sexualité
masculine comme fondement de l’ordre patriarcal. Dès lors,
si la circulaire parle bien d’" agressions sexuelles "
41, elle s’interdit d’évoquer la question centrale
des relations entre sexualité et pouvoir. A cet égard,
le neutre employé: les " mineurs ", les " jeunes
" est regrettable. Une formulation sexuée: les " mineur-es,
garçons et filles ", les " jeunes garçons et
jeunes filles ", aurait symboliquement démontré que
le ministère reconnaissait l’existence d’une dimension
sexuée de cette violence sexuelle.
En second lieu, il ne s’agit pas non plus d’une réflexion
proposant une nouvelle politique qu’aurait nécessité
le constat de l’extrême difficulté pour les victimes
de dénoncer ces violences au sein d’institutions qui les
ont jusqu’alors cautionnées et souvent encouragées.
On peut lire dans le deuxième paragraphe:" Les pouvoirs
publics ont la volonté de renforcer l’ efficacité
des dispositifs de protection de la jeunesse ". Or, le problème
réside justement dans le fait que ceux qui agressent, violent,
humilient les sportifs et les sportives sont justement ceux qui sont
censés être responsables d’eux, ceux qui sont chargés
de leur procurer les meilleures conditions pour faire du sport, quel
qu’en soit le niveau. L’emploi du terme "protection
" est donc ici particulièrement inapproprié. Faut-il,
par ailleurs, rappeler que la France a signé la Charte des droits
de l’enfant ? Le texte se contente, plus loin, pour sa part, d’évoquer
" la sauvegarde des droits de l’enfant " .
En troisième lieu, ce qui est particulièrement grave,
la ministre signataire de ce texte, avant de poser des positions de
principes, a d’abord mis en avant" la spécificité
des milieux sportifs et de l’animation ". (troisième
paragraphe). Et ce, au mépris de l’application du principe
de l’application de la règle de droit pour tous et toutes.
Le texte affirme donc que " la proximité physique entre
responsables et jeunes est une donnée ", qu’elle "est
évidente dans l’apprentissage des sports où le contact
physique est souvent nécessaire " et qu’elle"
implique parfois une cohabitation ". On peut lire aussi que"
dans ces centres, mais aussi à travers la formation sportive,
le jeune recherche également, surtout lorsqu’il appartient
à un milieu fragile, une écoute et une proximité.
" Cette assertion, outre la confusion des genres qu’elle
exprime, peut être interprétée comme une quasi justification
des pouvoirs exercés sur les jeunes, au nom de leur supposée
recherche d’" écoute " 42, qui elle-même
serait liée à une demande de " proximité ".
Il est même précisé que " l’obligation
de résultat, la recherche de performance sportive impliquent
souvent une tutelle plus exigeante sur les jeunes ". Par rapport
à quoi ? Par rapport à qui? Le texte ne le dit pas.
Enfin, que l’on puisse parler de " milieu fragile "
donne une triste mesure des conséquences de l’abandon de
toute problématique en terme de classes sociales.
Selon vous, quelle politique aurait-il été possible et
souhaitable de mettre en oeuvre?
Possible, je ne sais pas. Mais souhaitable, on peut y réfléchir.
Concernant ladite circulaire, la ministre aurait dû d’abord
rappeler l’interdiction formelle de toute violence et mettre au
premier rang de ses priorités la défense des droits des
victimes. Et poser comme premier principe, non pas " la spécificité
du milieu ", mais la nécessaire défense de l’intégrité
corporelle, sexuelle, personnelle des sportifs/ves. 43
Elle aurait dû affirmer clairement et sans ambiguïté
que l’Etat ne tolérera plus et sanctionnera sévèrement
toute personne qui aura porté atteinte à l’intégrité
des sportifs et des sportives. Elle aurait pu aussi affirmer que toute
plainte, avec l’accord de la victime, serait immédiatement
et systématiquement transférée au Parquet. Et que
les auteurs présumés seraient suspendus, dans l’attente
d’un jugement. Sauf si des éléments, transmis à
la justice, démontrant que l’agression ne pouvait être
avérée, permettaient d’affirmer que les accusations
ne pouvaient être considérées comme fondées.
C’est ainsi que les milieux sportifs, sans se substituer à
la justice mais en prenant leurs propres responsabilités, seraient
contraints de poser les principes fondant leur appréciation.
En cas d’erreur, les victimes pourraient alors poser leurs responsabilités.
Et c’est sans doute ce que ni l’Etat, ni les autorités
sportives ne veulent.
Mais ne pensez-vous pas alors que le moindre soupçon ouvre la
voie à une multiplication des plaintes pénales?
Tout d’abord, la probabilité d’un dépôt
mensonger de plainte à l’encontre d’une personne
pour violences sexuelles est infinitésimale. Ensuite, la question
est d’abord et avant tout de supprimer les empêchements
mis par toutes les institutions - et donc par la justice - à
la dénonciation de ces violences. Il s’agit donc de savoir
comment permettre à toutes les victimes de pouvoir défendre
leurs droits aujourd’hui si souvent bafoués.
Plus fondamentalement, ce n’est que lorsque les victimes seront
effectivement traitées comme des victimes présumées
que les agresseurs pourront effectivement être traitées
comme des agresseurs présumés. Mais encore faut-il, pour
cela, que le statut de " victime " puisse leur être
reconnu. Ce qui n’est pas le cas actuellement, du fait du nombre
scandaleusement élevé de " classements sans suite
" des plaintes pénales par le Parquet.
La ministre a par ailleurs lancé des actions en faveur du sport
dit " féminin ". Quel regard y portez-vous?
Je ne reviens pas sur la question du " féminin " qui
n’est que l’expression du " masculin " comme norme.
Cela signifie que le ministère conforte l’analogie historique
entre le sport masculin et " le sport ", entre " le sport
" et l’universalité, entre " l’universalité
" et les " valeurs " machistes. Dès lors, le "
sport féminin " est maintenu dans sa spécificité,
c’est-à-dire dans sa différence dévaluée.
Comment alors lutter contre les discriminations sexistes?
En outre, il n’est pas possible de dissocier les modalités
d’expression de cette politique de celle, particulièrement
régressive pour les femmes, décidée par le gouvernement
Jospin pour les hommes et les femmes de ce pays. En toute logique, donc,
on ne peut que constater que les déclarations politiques de la
ministre ont été, à ce jour,44 frileuses, pour
ne pas dire, souvent inacceptables, en terme d’analyses comme
d’engagements. J’ai lu qu’elle " souhaitait que
l’on voie plus de sports féminins "; .qu’elle
a invité le 6 mars 1998, " des femmes qui pratiquent tous
les sports pour discuter un peu des problèmes mais aussi de leurs
aspirations " et qu’elle " aimerait que de nouveau dans
les stades, il y ait un public très familial, avec surtout bien
plus de femmes." 45
Mais je n’ai lu nulle part que le sport, pour les femmes, comme
pour les hommes était un droit. 46 Ni que, pour les femmes, comme
pour les hommes, le sport était une possibilité de formations,
d’emplois, de débouchés. Ni que, pour les femmes,
plus que pour les hommes, le sport est un " espace de liberté
" - souvent le seul 47 - de solidarité entre femmes, de
combat, 48 bref, un moyen privilégié de renforcer leur
pouvoir individuel et collectif. La ministre affirme simplement que
si " de plus en plus de femme veulent faire du sport (ce n’est)
pas au détriment des autres aspects de leur vie, mais comme un
élément de leur vie, un moment de plaisir, d’épanouissement,
de liberté ".49 Elle décrit aussi le sport comme
" un moyen important d’expression des femmes ". Comme
le crochet, le macramé, ou le tricot? Et, lorsqu’elle rappelle
- le fait-elle lorsqu’elle évoque le sport " masculin
"? - que " l’investissement personnel souvent (est)
difficilement compatible avec la répartition traditionnelle des
rôles dans la famille, dans la société ", sans
pour autant donner aux femmes les moyens du dépassement de ces
difficultés, elle conforte et les stéréotypes et
les contraintes. J’ai lu, dans le même sens, qu’"assurer
la progression des femmes dans le monde du sport… suppose certainement
un développement des politiques permettant d’articuler
les études, la vie professionnelle et familiale, et le temps
de la vie sportive..(auquel)la réduction du temps de travail
contribuera certainement " 50. En d’autres termes, le soutien
à la loi sur les 35 heures de Martine Aubry aiderait les femmes
à faire du sport...
J’ai lu enfin que" la présence des femmes peut être
positive pour le développement harmonieux de nombreuses disciplines
"51 et que la place des femmes dans le sport " peut être...
un rempart face aux dérives de la violence et du mercantilisme
".52 Des femmes, " rempart " contre la violence? Comment?
En leur demandant, après chaque match, de chanter " peace
and love "? En leur proposant de servir sur place de " repos
du guerrier " pour calmer les supporters? En sacrifiant l’une
d’entre elles, telle sainte Blandine, après chaque match,
sur l’autel de la réconciliation entre les sexes? Ou en
mettant des femmes en première ligne devant des policiers qui
n’osent même plus affronter les " supporteurs "?
Quant au rôle des femmes contre le" mercantilisme ",
au rythme de l’accélération de leur paupérisation,
elles ne seront plus des " remparts ", mais des pionnières.
De fait, là comme ailleurs, aucune politique n’est crédible
si elle n’est pas fondée sur la mise sur pied de nouveau
projets clairement définis, rendus possibles et donc crédibles
par des augmentations de budgets. Et pour continuer à parler
d’argent, je souhaiterais savoir quelle est la part du budget
du ministère qui bénéficie respectivement aux jeunes
garçons/et aux sportifs, aux jeunes filles et aux sportives.
Car si l’on sait déjà que les subventions aux clubs,
aux associations de femmes sont très inférieures à
celles accordées aux hommes, les équipements beaucoup
plus réduits et les récompenses beaucoup moins généreuses
- pour employer des euphémismes - on ne connaît pas encore
l’ampleur chiffrée de ces traitements (grandement) discriminatoires.
Ne peut-on pas considérer, à cet égard, que cette
inégalité de traitement des citoyens et des citoyennes
est une remise en cause du principe d’égalité devant
la loi. Puisque, participant à égalité aux impôt,
hommes et les femmes n’en percevant les produits que de manière
inégale.
Avez-vous des éléments d’appréciation pour
expliquer ces violences dans le sport?
S’il y a une longue et violente tradition machiste dans le sport
- " le véritable héros Olympique, c’est l’adulte
mâle ", ou: " une Olympiade de femelles est impensable,
elle est impraticable, inesthétique et incorrecte " disait
Pierre de Coubertin, le père des jeux Olympiques - il n’y
a pas, me semble-t-il, en soi, de spécificité de la question
des violences sexuelles dans le sport. Leur analyse doit s’intégrer
au sein du plus vaste questionnement concernant les modalités
de re-production de la domination masculine. Et concernant des mécanismes
idéologiques permettant son occultation. 53
Par ailleurs, je crois que tant que les hommes ne seront pas, comme
ils l’ont été dans les années soixante dix,
grâce aux luttes féministes, contraints à nouveau
à se poser, pour eux mêmes et pour nous tous et toutes,
ces questions et donc à nous aider à les comprendre, nous
n’avancerons que peu: il est urgent que les hommes parlent de
leur sexe et de leur sexualité. C’est à dire d’eux
et de leurs rapports aux femmes et aux hommes.
Je peux, pour ma part, après bien d’autres analyses, poser
quelques jalons.
Ce que je constate concernant les violences sexuelles exercées
sur des sportifs et des sportives, c’est la question des cumuls
de pouvoirs conférés si souvent aux entraîneurs.
Ce sont très souvent à des hommes plus âgés,
diplômés, souvent auréolés de leurs propres
succès, qui, dès lors, deviennent nécessairement
des modèles à suivre, que sont confiés, sans aucun
réel contrôle, tant de (projets) de vies. En outre, ces
hommes cumulent sur leur seule personne de nombreux pouvoirs: ils sont
des substituts parentaux 54, des mentors, des éducateurs, des
enseignants, des guides. Ils sont en outre institutionnellement chargés,
au nom d’un futur que chacun-e espère plus positif, de
décider, souvent entourés de " spécialistes
", de la " formation " des sportifs et des sportives.
Ils décident ainsi, au nom de l’efficacité de l’entraînement,
de l’"hygiène de vie " comme de la "préparation
mentale ". Rien ne leur échappe: emploi du temps, nourriture,
sommeil, poids, vie sexuelle, produits dopants... Enfin, ils sont investis
de pouvoirs d’autant plus importants sur des (très) jeunes
femmes ou de hommes, qu’ils sont censés agir pour "
le bien " des futur-es athlètes 55. Et ce, dans un monde
terriblement clos, pétri de normes masculinistes, c’est-à-dire
fondé sur des enjeux relativement simples, mais fondamentaux:
démontrer à l‘adversaire, aux autres, et à
soi-même, celui qui est " le plus fort ", donc celui
qui" a le plus de couilles ", ou plus simplement, au cas où
il y aurait une ambiguïté à lever, que l’on
" en a " 56. Violer, agresser, humilier une femme, des femmes
- les moyens employés importent peu - participe à cet
effet de démonstration qui est lui-même si nécessaire
à la perpétuation de l’ordre sexué du monde.
Ce dont il s’agit n’a rien à avoir avec le plaisir,
mais avec le pouvoir. Il s’agit de maintenir les sportives dans
le statut dépendant qu’elles n’auraient jamais dû
quitter, de les remettre à leur place, faute de quoi c’est
tout l’agencement de la domination masculine qui est déstabilisé
57.
Une femme qui, sur les seuls fondements de ses propres mérites,
sans rien devoir à l’ordre masculin, pourrait être
reconnue athlète à part entière est une menace
pour chacun et pour tous. Ces violences s’expriment d’ailleurs
le plus souvent en groupe, ainsi ressoudé et conforté
dans son identité " virile " - alors que cet échange
des femmes, permet aux hommes d’exprimer leur propre homosexualité
58 du fait de cette appropriation collective des femmes. On veut prouver
ainsi qu’on est pas des" pédés " et que
les femmes ne sont que des " gonzesses ". Les " baiser
", les agresser démontre que les hommes sont et doivent
rester les plus forts, les seuls maîtres du jeu et que nulle ne
peut échapper à leur intronisation, c’est-à-dire
aux conditions qu’ils imposent. Un des ses agresseurs disait à
Catherine Moyon de Baecque: " De toute façon, tu ne seras
jamais championne si tu n’acceptes pas de coucher avec moi.: je
suis champion de France ". On comprend mieux alors pourquoi ces
violences sont d’autant plus nécessaires et donc s’aggravent
lorsque des femmes s’affirment, sinon concurrentes, du moins concurrentielles
avec les hommes.
En ce sens, une politique de " promotion " des femmes - comme
de la " féminisation " des stades d’ailleurs
- sans remise en cause concomitante du machisme du milieu sportif est
irresponsable. Et dangereuse.
Certes, la violence sexuelle n’est pas toujours de mise, mais
il est d‘autres formes de violences verbales qui relèvent,
elles aussi, de ces logiques d’assignations symboliques: "
Vous êtes championne du monde, pas votre mari. Qui fait la cuisine
à la maison? " demandait L’Équipe Magazine
à Felicia Ballanger, 6 fois championne du monde de cyclisme sur
piste 59. On pourrait aussi citer, dans la Rubrique: " Caricature
sexiste", l’ analyse, si le terme peut être employé,
que Nelson Montfort fait du sport dit "féminin " 60.
Là encore, qu’elle qu’en soient les manifestations,
ce qui importe, c’est, surtout lorsqu’elles représentent
un danger, que les femmes puissent être rappelées à
leur sexe, ré-enfermées dans leur identité sexuée
- les contrôles discriminatoires de " féminité
" en sont l’expression institutionnelle - afin que les hommes
puissent être confortés dans l’assurance que leur
confère le leur. Les références à la "
grâce ", à la " séduction ", à
la " féminité " sur les fondements desquels
on " jauge " les sportives n’ont pas d’autre fonction:
les définir " en tant que femmes " pour ne pas avoir
à les reconnaître " en tant que sportives ".
En tout état de cause, le sport (type: foot) qui offre les conditions
d’une socialisation quasi exclusivement masculine, retardant ainsi
la confrontation avec les femmes, sans être suspecté ni
d’homosexualité, ni d’antiféminisme est sans
doute l’une des raisons essentielle de son succès.
Quoi qu’il en soit, le sport si souvent centré sur le
seul développement de ses capacités physiques 61, participe
au processus de refoulement de l’émotion individuelle.
Il apprend en outre à vivre et à jouir par procuration.
L’émotion ne peut plus alors s’exprimer, faute d’autre
langage, que par la violence. C’est alors collectivement que l’émotion,
canalisée, s’extériorise, dans un logique fusionnelle,
sur des oppositions binaires fortement marquées. Et toujours
sexuées.
C’est en ce sens que le sport renforce parce qu’il la socialise
la domination masculine.
Toute politique qui ferait abstraction de cette réalité
est responsable de ses conséquences.
* Marie-Victoire Louis, chercheuse au CNRS et militante féministe
travaille depuis plus de quinze ans sur la question des violences sexuelles
et des violences masculines contre les femmes. Elle a notamment publié
un ouvrage consacré au droit de cuissage en France. Elle est
actuellement responsable d’un séminaire à la Maison
des Sciences de l’Homme (sic) intitulé: " Pour une
critique sexuée du droit ".
C’est à ce titre que nous lui avons interrogée sur
ces violences dans le sport.
Notes
1. Cf page 6 de ce texte.
2. Catherine Moyon de Baecque, La médaille et son revers. Paris,
1997. Albin Michel.
3. La critique que Le Monde a consacré à son livre n’évoque
qu’incidemment la question de la responsabilité des milieux
sportifs et politiques. La psychologisation de la teneur de cet article
centrée autour de la " présentation " de l’auteure
du livre, sans aborder la question des effets du traumatisme sur sa
personnalité, détourne l’analyse de la responsabilité
des agresseurs et de leurs complices en la transférant à
la victime. Quant au titre de l’article qui laisse penser qu’avoir
été victime - et non pas auteur - de violences sexuelles
signifie la perte de son "honneur " , il n’aurait pas
dû être. Il s’inscrit en effet dans la longue histoire
- que l’on espérait révolue - qui considérait
comme honteux le fait pour une femme d’avoir été
sexuellement appropriée par un ou plusieurs hommes autre-s que
celui auquel elle devait appartenir et " obéir ". Mais
qui considérait comme relevant de l’honneur, cette appropriation
de son corps et de son sexe et de ses biens, dès lors qu’elle
était légitimée par les liens du mariage. L’honneur
retrouvé de Catherine Moyon de Baecque, 4 septembre 1997.
4. Cf. l’article de Philippe Liotard: " Des violences sexuelles
dans le sport "
5. Cf. Marie-Victoire Louis, A propos des violences contre les femmes:
Ebauche d’une analyse féministe du nouveau code pénal
français. Projets Féministes. Droit, culture, pouvoirs.
N° 3, Octobre 1994. p. 40 à 69.
6. Les avocat-es doivent cesser d’invoquer - comme ils et elles
le font de manière récurrente - le sempiternel pseudo
argument selon lequel " il-vaut-mieux-passer-en-correctionnelle-car-les
magistrats-professionnels-condamneront-sûrement-tandis-qu’en-Assises-où-les-juré-es-ne-sont
-pas-controlables-il-y-a-des-risques-de-relaxe ". Comment, lorsqu’ils
ou elles sont partie civile, peuvent-ils/elles défendre leurs
client/es/victimes, s’ils/elles décident de participer
à ce processus de déqualification de ces crimes ? Comment
peuvent-ils/elles faire appel au droit pour qu’il dise la justice,
alors qu’eux/elles mêmes en refusant d’appliquer le
droit bafouent la justice? De fait, c’est toute la construction
de leur plaidoirie qui s’en trouve déstabilisée,
ouvrant ainsi une brèche aux avocat-es des agresseurs, laquelle
accélère souvent ainsi le processus de déqualification
de ces violences.
7. Jugement du tribunal de Grande Instance de Mâcon, 15 octobre
1993. Jugement de la Cour d’appel de Dijon, 19 mai 1994. Quant
à la Cour de Cassation - Chambre criminelle - elle a jugé
que " les faits souverainement constatés justifient la qualification
et les peines ". 23 août 1994.
8. On peut lire dans le jugement en appel cette incroyable argumentaire:
" Piolanti qui ne l’a agressée sexuellement qu’une
seule fois doit se voir puni moins sévèrement, mais néanmoins
fermement ". En effet, la gravité est jugée non pas
par rapport aux articles du code pénal, ni encore moins par rapport
aux effets sur la victime d’une violence sexuelle, mais par rapport
aux agressions commises par les autres agresseurs. Ensuite, parce que
cette appréciation est une quasi légitimation des "premières"
violences. Enfin, si pour la justice la " fermeté "
consiste à punir de 8 mois avec sursis une agression sexuelle,
alors les associations de lutte contre les violences faites aux femmes
devront ou reconnaître leur échec ou dénoncer politiquement
avec force la politique menée en la matière.
9. Michelle Rouveyrol a " bénéficié "
d’un avocat commis d’office, spécialiste de droit
commercial.
10. " Tout individu a droit à la vie, à la liberté
et à la sûreté de sa personne ". Article 3
de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée
le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale
de l’ONU.
11. " Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux
devant la loi "; " La loi est la même pour tous, soit
qu’elle protège, soit qu’elle punisse, soit qu’elle
oblige ". Articles 1 et 3 du préambule de la constitution
du 19 avril 1946, repris dans la constitution de la V ème République.
12. La " mission " confiée à Alain Pénin,
psychologue clinicien au Centre Hospitalier Gérard Marchand de
Toulouse, consistait à:" 1) procéder à l’examen
des blessures, maladies ou infirmités dont souffre la victime,
les décrire, en précisant les conséquences probables
et donner son avis sur les causes: quelle crédibilité
peut-on apporter aux déclarations mettant en cause les inculpés
: 2) fixer la nature de l’incapacité et évaluer
sa durée préalable" (!) Ainsi, la question de la
crédibilité de la victime est bien un élément
d’appréciation de la culpabilité des agresseurs.
Par analogie, cela signifie qu’une personne déposant plainte
pour vol de voiture ou de de bijoux dans son appartement devrait être
traitée par la justice en fonction de sa personnalité,
de sa " crédibilité ", appréciée
par un " expert psychologue ".
13. C’est en effet par rapport à un a-priori de "
comportement mythomaniaque et affabulateur " (p. 9 du rapport)
que la véracité des affirmations de Catherine Moyon de
Baecque ont été jugées.
14. L’article 214 de 1804 du code civil disposait: "Les femmes
ne peuvent ester en jugement sans l’autorisation de son mari.
" Comment peut-on, à cet égard, continer à
maintenir la fiction des fondements universalistes de la République
française ?
15. Cf., notamment, la lettre du Secrétaire Général
du Stade Français et du président de la Section Athlétisme
à Jean Poczobut, 15 juin 1995:" ...Nous tenons à
vous assurer du soutien complet que nous sommes décidés
à continuer à apporter à notre athlète dans
les difficultés qui continuent à lui être abusivement
omposées ". Mais le club de Catherine Moyon de Baecque n’en
avait pas moins recruté, en 1993, toute connaissance de cause,
l’un de ses agresseurs.
16. La question du financement par la Fédération d’athlétisme
du procès des agresseurs est posée. L’engagement
de son président permet d’évoquer cette hypothèse.
L’analyse rigoureuse de la comptabilité de la Fédération
par le Ministère - comme il est en droit, sinon en devoir de
la faire - devrait le permettre de clarifier cette zone d’ombre.
17. " On rappelle aussi que Jean Poczobut était vice-président
de la FFA à l’époque....’ J’étais
membre du comité directeur, c’est vrai, reconnaît
Jean Poczobut, mais je n’étais pas là le jour où
il y avait eu une information’ ". L’ Equipe Magazine.
5 Février 1994.
18. " Monsieur Guérin a fait l’objet, à ma
demande, d’une procédure disciplinaire après que
l’affaire ait été définitivement jugée
au pénal. Au vu de l’avis de la Commission de Discipline,
je viens de prendre la décision de sanctioner Monsieur Guérin.
En vertu de l’article 1er de la loi n° 78-753 du 17 juillet
1988, les sanctions ou décisions à caractère nominatif
ne sont en principe comunicables qu’à l’interessé
lui-même, saut accord de la Commision que je saisis afin de pouvoir
rendre publique cette décision ". Lettre de Madame Michèle
Alliot-Marie à Catherine Moyon de Baecque. 2 mai 1995.
19. Dans une lettre en date du 4 février 1994, François
Julliard, directeur technique national de la Fédération
Française d’Athlétisme écrit à Luc
Viudes, champion de France de lancer de marteau, entraîneur de
Catherine Moyon de Baecque: " Cher Luc, Catherine Moyon a fait
circuler dimanche au FUSU, une pétition qui met en cause entraîneur
national et la fédération. J e ne veux pas m’immiscer
dans une affaire qui est actuellement en justice. Compte-tenu de tes
relations avec Catherine Moyon de Baecque, tu as certainement une opinion
sur les faits qui remontent à 1991 Il va de soi que tu es totalement
libre en ce domaine. Toutefois, je te demande de conserver la plus grande
réserve sur le procès en cours et les événements
passés dans la cadre de tes fonctions de cadre technique. Il
serait fâcheux pour Catherine Moyon, les athlètes incriminés
et surtout pour Guy Guerin qui lui, n’a pas été
mis en cause par la justice, que des incidents surviennent dans la cadre
de nos championnats fédéraux. Il pourrait également
être dommageable que ton nom soit associé publiquement
à une affaire qui est particulièrement négative
pour l’image de notre sport. Amicalement ".
20. Cf. le témoignage de Clémence dans cet ouvrage: "
Un si bon entraîneur ".
21. " La charte relative à l’organisation et à
la promotion des activités physiques et sportives, prise en application
de l’article 26 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée,
mentionne expressément: ‘Toute équipe de sportifs
est directement et exclusivement soumise à l’autorité
du responsable désigné(...) par la Fédération
"(Règle IX) ". Lettre, restée sans réponse,
de Michel Tubiana, Secrétaire Général de la Ligue
des droits de l’homme à Jean Poczobut. Président
de la FFA. 9 décembre 1994.
22. Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Monsieur François
Kociusko-Morizet, Président du Stade Français. 23 décembre
1993.
23. Il cautionnait dès lors tous les mensonges que tous les inculpés
n’ont cessé de proférer lors des procès.
24. Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Jean Poczobut, Président
de la FFA, en date du 6 juin 1994.
25. Lettre de Jean Poczobut, Président de la FFA à Catherine
Moyon de Baecque en date du 31 mai 1994. Celle-ci a, fort justement,
refusé de se rendre à ce qu’elle a appelé
" une commission de discipline ". Elle a considéré
cette " convocation comme nulle et non avenue", par ailleurs
qualifiée de " grotesque et sinistre plaisanterie doublée
d’une monstrueuse indélicatesse " 6 juin 1994. Cette
lettre à Jean Poczobut est restée sans réponse.
26. Infos FFA. 22 juillet 1994.
27. Cette absence de mise en oeuvre concrète des décisions
prises à leur encontre est sans doute la raison pour laquelle
Jean Poczobut et la FFA n’ont - à ma connaissance - jamais
démenti ceux et celles qui affirmaient que la FFA n’avait
pas pris de mesures à l’encontre des athlètes.
28. Lettre de Catherine Moyon de Baecque à Monsieur Koscuisko-Morizet.
Président du Stade Français. 18 octobre 1994.
29. Cf. le communiqué de presse envoyé à Reuter
le 28 juillet 1996 de l’Association Européenne contre les
violences faites aux femmes au travail (AVFT) pour dénoncer la
participation prise par la FFA, de deux de ces athlètes, Christophe
Epalle et Raphaël Piolanti dans l’équipe de France,
lors des Jeux Olympiques d’Atlanta. Copie, restée sans
réponse, avait été adressée aux responsable
sportifs et politiques français et Olympiques. Tel: 01 45 84
24 24.
30. Article 16 de la loi du 16 juillet 1984 .
31. Lorsque le journaliste Laurent Testet, lors de l’émission
Vérité Oblige (France 3. 3 octobre 1998. 11 heures 45)
consacrée à la conspiration du silence sur les agressions
sexuelles dans le sport, a évoqué ceux qui " sont
encore en poste, qui ont été nommés beaucoup plus
haut ", le présentateur Éric Brunet lui a alors coupé
la parole. La logique de protection des "puissants " touche
donc bien évidemment tous les milieux.
32. Catherine Moyon de Baecque a un contrat de travail de " six
mois renouvelables " au Ministère de la Jeunesse et des
Sports. Elle avait demandé que celui-ci soit maintenu à
"un an renouvelable " et obtenir un poste correspondant à
ses compétences, ce qui ne lui a pas été accordé.
33. Marie-Victoire Louis. Des femmes ministres ne font pas un ministère
des femmes. Libération. 23 juillet 1997.
34. Le Journal du Dimanche. 4 janvier 1998.
35. But. 6 mars 1998.
36. Lorsqu’elle a présenté ses priorités:
" favoriser tout ce qui permettra au sport de porter des valeurs
d’égalité, de citoyenneté, de solidarité
entre les individus entre les peuples ", elle n’a pas mentionné
spécifiquement l’égalité entre les sexes.
Libération. 21 juillet 1997.
37. Ainsi, rien ne garantit à un-e victime de violences sexuelles
demandant l’intervention de l’Etat ou de la ministre que
sa lettre adressée à la ministre ne soit pas " ouverte
" et " traitée " par Jean Poczobut.
38. Une conseillière technique a cependant été
nommée chargée de " suivre tout spécialement
la question du sport féminin ". But. 6 mars 1998. Quand
l’Etat comprendra-t-il enfin que le " féminin "
est une catégorie conceptuelle patriarcale ? Et que ce dont il
s’agit, ce n’est pas de traiter " des femmes "
, ce qui ne veut rien dire, mais des rapports de pouvoirs que les hommes
ont exercés historiquement depuis des siècles sur les
femmes.
39. Quels sont les fondements politiques actuels de la permanence de
ce lien institutionnel entre " sports " et "jeunesse
" ?
40. Collectif féministe contre le viol. Viols/ Femmes/Informations.
Bulletin 1996-1997. p. 14. Numéro vert: 0.800. 05.95.95.
41. L’emploi du terme " maltraitance " accouplé
à celui d’" agressions sexuelles " a sans doute
permis, en le facilitant, ce déni.
42. Les " jeunes " d’ailleurs, pas plus que quiconque,
ne veulent pas être " écoutés " mais "
entendus ".
43. Elle écrit, pour sa part:" S’agissant du dispositif
concernant la jeunesse, vous devez me saisir du cas de toute personne
dont le maintien en fonction serait susceptible de porter une atteinte
grave à lasanté morale et matérielle (sic)des mineurs".
44. Les 29 et 30 mai 1999 doivent avoir lieu les Assises Nationales
" Femmes et Sport ". la question des violences contre les
femmes ne fait partie d’aucune table ronde, ni d‘aucun atelier.
Par ailleurs, je ne sais si le Ministère s’est rendu compte
de la perception que transmet le dessin de couverture de l’invitation.
Celui-ci représente une (petite) percheuse, face à une
barre placée si haut qu’elle est incapable de la franchir,
tout simplement parce qu’elle est infranchissable. Une métaphore
inconsciente de la réalité vécue par les femmes
dans le monde sportif? Le retour du refoulé ?
45. Marie-George Buffet: "Il faudrait plus de femmes dans les stades
". But. 6 mars 1998.
46. " La pratique sportive et la vie associative constituent un
important gisement d’emplois " a t-elle considéré,
dans un questionnement fort libéral. Libération. 21 juillet
1997.
47. La gymnastique " est la seule chose qui les sort de leur condition.
Certaines viennent là pour trouver un remède contre la
dépression, voire contre le suicide. Beaucoup sont à la
recherche d’un lieu pour respirer "." L’intégrisme
sur le tapis " Lila Meshedi, 40 ans, tenait un club d’aérobic
à Téhéran. Elle vient de se réfugier en
France, lassée de tracasseries islamiques. Libération.
27 août 1996.
48. " Algériennes, footballeuses et rebelle aux tabous ".
Libération. 2 novembre 1998. Lila, footballeuse au club Emir
Abdelkader d’Alger: " Le sport, c’est..aussi un combat
à mener contre l’intégrisme qui en interdit la pratique
"... " Pour nous, jouer au foot, c’est une façon
de ne pas se résigner, d’être ensemble, unies ".
49. Intervention de Marie-George Buffet. Rencontre-débat du 6
mars 1998. " La place des femmes dans le sport ".
50. Ibid.
51. Intervention de Marie-George Buffet. Journée d’ouverture
des Assises " Femmes et Sports ". 22 septembre 1998 .
52. Rencontre débat du 6 mars 1998. Texte cité.
53. Un exemple de cette occultation nous a été donné
par le film " Le secret de Marion ", diffusé sur TF1,
le 17 mars 1995, qui s’est plus qu’inspiré de l’"
affaire " Catherine Moyon de Baecque. Sans pour autant trop se
soucier de la vérité, puisqu’elle est présentée
comme lesbienne. Ainsi, le scénario a été construit
sur le " raisonnement " suivant: la dénonciation par
Marion des athlètes devait être considérée
comme vraie, parce que en découvrant que Marion était
lesbienne, elle ne pouvait donc pas avoir " aguiché "
les athlètes. Dès lors, ceux-ci l’avaient bien violée.
Certes, dans cette re-construction, la culpabilité des agresseurs
est reconnue, mais non pas la légitimité de la parole
de la victime, tandis que les schémas sexistes qui voudraient
que les femmes violées l’ont été parce qu’elles
ont provoqué les hommes sont maintenus.
54. Et lorsque les pères sont eux mêmes les entraîneurs,
la violence risque fort de s’accroître. Cf. la dénonciation
par la joueuse de tennis, Mirjana Lucic des violences de son père:
" Les gifles pleuvaient à la mesure des défaites,
la violence des coups dépendant de l’importance de la défaite,
ou des mauvais entraînements ". Cf. aussi les violences du
père de Mary Pierce, ou celles du père de Gennifer Capriati.
" La jeune Croate Mirjana Lucic dénonce la violence de son
père. " Le Monde. 2 Septembre 1998.
55. Cf.,dans cet ouvrage, l’extrait du livre de Voznescenkaya,
Le Décaméron des femmes. Actes Sud et l’analyse
de Philippe Liotard, " L’entraîneur, l’emprise
", p. 125.
56. Dernière expression formalisée relevée dans
la presse: lors du dernier match de l’OM, Roland Courbis, entraîneur
de Marseille, s’en prenant à l’arbitre, se demande
" s’il aurait eu les couilles de refaire tirer le penalty
dans le cas où ... " L’OM et le penalty de la discorde
" Libération. 22 avril 1999.
57. " ...Nous n’avons eu que le tort de vouloir pratiquer
une discipline jusque là réservée aux hommes. Ces
hommes là, nous ont montré, à leur manière,
que lancer le marteau était une stricte affaire d’hommes.
D’où notre malheur ". Communiqué de presse.
6 juin 1994.
58. Cf. le texte de Frédéric Baillette : " Eloge
de la masculinité ".p. 23
59. " Les filles, on doit rester réservées ".
Entretien de Felicia Balanger par Philippe Le Gars. L’Équipe
Magazine. 6 septembre 1997. Si les femmes refusaient de répondre
à de telles questions, plus largement à toutes les questions
sexistes ou à toutes les questions qui les mettent mal à
l’aise, elles s’en sentiraient mieux, seraient plus respectées
et feraient avancer les droits de toutes. Elles se rendraient aussi
compte que ce refus est non seulement accepté - car c’est
un droit - mais le plus souvent compris. Elles seraient en outre mieux
à même de reformuler les questions des journalistes.
60. Nelson Montfort: " Vive le sport fémin ". Le Sport.
16 avril 1998.
61. Nombre d’hommes font du sport " pour être un homme
", pour " être viril ". Malheureusement, le sport
durcit les corps, mais pas les sexes.
62. Marie-Victoire Louis. Le droit de cuissage. France, 1860-1930. Paris,
1994, Les Éditions de l’Atelier.
Le lien d'origine sur le site des Pénélopes
http://www.penelopes.org/archives/pages/docu/sport/viol.htm
Le mail penelopes@penelopes.org
30 janvier 2001