|
Origine : http://mouvement.critique.du.sport.chez.tiscali.fr/pages/presse_b.htm
Le sport mobilise des millions de personnes de par le monde, sature
notre espace et notre temps comme aucune autre activité.
Il échappe plus facilement à l'analyse qu'à
la censure et reste une terre inconnue comme s'il n'était
qu'un jeu pourvoyeur de " grands moments de bonheur ".
Qu'il se passionne sans retenue pour le sujet ou s'en désintéresse
totalement, le-militant oublie presque toujours son engagement dès
qu'on lui parle d'analyser le sport comme phénomène
social majeur. L'amoureux du spectacle de la compétition
a une sainte horreur des théoriciens qui tuent le plaisir
en le décortiquant, en le soupesant. Et " l'ennemi "
du sport juge le thème indigne de réflexion.
Des mythes et des croyances
De tous ces adorateurs du sport, de tous les critiques du système
dans lequel nous vivons, nous attendons des réponses qui
aillent au-delà des réflexions les plus banales :
" le sport c'est populaire ", " on a de belles émotions
", " laissez-nous une part de rêve dans cette société
de porcs et de loups "…
La majorité des militants semblent oublier une seule chose
capitale : c'est à travers ce secteur particulier (l'institution
sportive), qu'il faut aussi mener le combat contre la société
capitaliste dans son ensemble (celle qui engendre la concurrence
généralisée, l'exploitation et... le sport).
Ils ne doivent plus rechigner aux joutes intellectuelles sur cette
institution et sur son idéologie. Le débat pourrait
être lancé dans vos publications par les questions
suivantes (la liste est loin d'être exhaustive) :
- Pourquoi la confusion sur la définition même du sport
(très largement confondu avec la simple activité physique)
est-elle largement entretenue ?
- Le sport n'est-il pas " mangé par les mythes "
: mythe de sa pérennité, mythe du sport perverti,
mythe de l'apolitisme, de la démocratisation, mythe du sport
remède aux fléaux de la société ?
- Le sport, dans sa forme, son organisation d'aujourd'hui n'est-il
pas né dans la 2ème moitié du 19ème
siècle, avec le capitalisme industriel ?
- L'idéal olympique et sportif de pureté, de loyauté,
de fraternité ne fait-il pas référence au monde
de l'Age d'Or, le monde des horloges arrêtées, de l'Histoire
immobile ?
- Peut-il y avoir une éthique sportive alors même que
le sport est un lieu d'affrontement et de compétition forgée
sur le modèle du rendement, de la performance et du record
(et cela, à tous les niveaux) ?
- Pourquoi les discours sur les prétendues déviations
du sport (violence, tricherie, dopage, mercantilisation, etc.) n'ont-ils
pas varié depuis un siècle ?
- Lutter contre les " excès " du sport-business,
n'est-ce pas oublier de se poser la question essentielle : dans
notre société du profit est-il simplement pensable
d'extraire l'une de ses institutions à la loi dominante ?
- La triche, la dope, le fric, la violence, l'entraînement
intensif et souvent précoce sont-ils des " dérives
" ou des éléments intrinsèques au sport
?
- Le sport peut-il être régulé ou, ses "
errements " lui étant consubstantiels, doit-il être
combattu sans relâche ?
Discuter ses " valeurs "
- Est-il possible de s'interroger sur le spectacle des foules ?
La jouissance des fanatiques du sport exclut-elle leur aliénation
?
- Tous ces sportifs en perpétuelle recherche de dépassement
(de soi et de l'Autre), tous ces passionnés de la souffrance
donnent-ils une image de progrès de la civilisation ou de
régression, voire de barbarie ?
- En quoi le sport a-t-il fait avancer la cause des femmes ?
- Est-ce politiquement incorrect de se demander si loin d'être
une fête, les rassemblements sportifs ne sont pas autant d'affrontements
sociaux sublimés dans la confusion émotionnelle ?
- Est-ce élitiste de dire que le sport est un élément
majeur de destruction de la conscience de classe ? Ou d'encourager,
par démagogie ou ignorance, ces " illusions brillantes
qui nous masquent le tragique de la vie " ?
- Quel modèle de vie le sport nous propose-t-il ? Est-il
un simple divertissement qui colonise le monde vécu par médias
interposés ou une vision du monde ?
- Quelles valeurs véhicule-t-il ? Sont-elles sans danger
?
Le rôle de la critique est d'inciter à la réflexion
(et non à l'acclamation). Au royaume de la pensée
alignée (merveilleux pendant de la pensée unique),
ce qui dérange c'est d'imaginer non plus le sport comme une
zone neutre, une molécule libre mais comme une institution
sociale complexe intégrée aux rouages de la société
qui l'a enfantée et asservie au système économico-politique
global. Théoriser sur le sport, c'est aussi théoriser
sur le système capitaliste. Qu'on se le dise : on ne peut
pas être un sportif ou un non-sportif innocemment.
|