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Syndrome de Stockholm : pourquoi ce paradoxe ?
Dr E. Torres, V. Grenier-Boley


Syndrome de Stockholm : pourquoi ce paradoxe ?
Dr E. Torres, V. Grenier-Boley
SDIS 13, Urgence [www.urgence.com].
Psychoclinicienne,

http://generaliste.medimedia.tm.fr/gene/tl_fch/dossfmc/fmcsyndrstockh.pdf

Le récent détournement de l'avion d'Air India, la séquestration des otages à Kandahar, le meurtre de l'un d'entre eux, remettent à l'ordre du jour un curieux syndrome : celui de Stockholm.

Le 23 août 1973 à 10 h 15, un évadé de prison, Jen Erik Olsson tente de commettre un hold-up au Crédit suédois de Stockholm. L'intervention des forces de l'ordre l'oblige à se retrancher dans la banque où il prend en otage quatre employés. Il obtient la libération de son compagnon de cellule, Clark Olofsson, qui vient immédiatement le rejoindre. Les médias rapportent les surprenantes déclarations des personnes détenues : « Nous avons pleinement confiance dans les deux bandits, les voleurs nous protègent contre la police [1, 2]. » Six jours de négociation aboutissent, finalement, à la libération des otages au cours de laquelle ceux-ci s'interposeront entre leurs ravisseurs et les forces de l'ordre. Par la suite, ils refuseront de témoigner à charge lors du procès, contribueront à leur défense et iront leur rendre visite en prison. L'une des victimes, tombée amoureuse de Jen Erik Olsson, finira même par l'épouser.

La vie bouleversée

Ce comportement paradoxal des victimes de prise d'otages est décrit pour la première fois en 1978 par le psychiatre américain F. Ochberg qui lui donne le nom de « syndrome de Stockholm ». Il en établit le diagnostic à partir de trois critères :
* le développement d'un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs ;
* le développement d'un sentiment positif des ravisseurs à l'égard de leurs otages ;
* l'apparition d'une hostilité des victimes envers les forces de l'ordre.

Pour que ce syndrome puisse apparaître, trois conditions sont nécessaires [3] :
* l'agresseur doit être capable d'une conceptualisation idéologique suffisante pour pouvoir justifier son acte aux yeux de ses victimes ;
* il ne doit exister aucun antagonisme ethnique, aucun racisme, ni aucun sentiment de haine des agresseurs à l'égard des otages ;
* enfin, il est nécessaire que les victimes potentielles n'aient pas été préalablement informées de l'existence de ce syndrome.

Le syndrome de Stockholm se différencie des psychoses par un caractère généralement réversible qui se manifeste pendant les jours ou semaines qui suivent la libération. Il est néanmoins susceptible de bouleverser profondément la vie des personnes ayant été détenues (victimisation directe), ainsi que celle de leur famille (victimisation indirecte). Il peut modifier durablement, voire définitivement, la personnalité, les valeurs et les convictions morales de l'individu [2]. L'otage adopte souvent par la suite un jugement permissif vis-à-vis de la délinquance, ainsi qu'une attitude souvent très critique à l'encontre de la société [1].

L'adhésion des victimes à la cause de leurs agresseurs est souvent persistante. On se souvient de l'interview du baron Empain, réalisée plusieurs années après sa séquestration, au cours de laquelle il évoquait avec une certaine bienveillance le souvenir de ses ravisseurs tout en soulignant la compréhension qu'ils avaient manifestée à son égard et cela malgré le motif crapuleux du rapt et l'amputation d'une phalange qu'ils lui avaient fait subir.

Il est à noter que ces sentiments positifs apparaissent indépendamment de toute manipulation mentale [4, 5, 6]. À cet égard, L. Crocq [2] parle de la subjugation de la victime par son ravisseur et souligne le double sens que peut avoir ce mot qui signifie à la fois mettre sous le joug et séduire.

Un événement médiatisé
Le syndrome de Stockholm est intimement lié au contexte particulier qui caractérise la prise d'otages. On en trouve certainement l'une des premières évocations à l'époque de la naissance de Rome avec le récit de l'enlèvement des Sabines tel qu'il nous est rapporté par Tite-Live. On se souvient que, là aussi, les jeunes captives s'étaient interposées entre les ravisseurs et leurs familles en demandant qu'une paix soit conclue.

En matière de terrorisme international, les prises d'otages modernes se caractérisent par un aspect médiatique très marqué, le plus souvent recherché par les agresseurs qui tentent ainsi d'afficher leur idéologie. Lorsque le contexte n'est pas politique, mais crapuleux (hold-up), la médiatisation n'est souvent pas souhaitée par les hors-la-loi, mais elle n'est pas moins présente. Ce contexte médiatique spécifique (celui du développement des grands médias), couplé à une situation politique particulière (multiplication des rapts à composante terroriste et recherche de propagande) est certainement à l'origine des multiples cas de syndromes de Stockholm décrits durant les années soixante-dix à quatre-vingt.

La première prise d'otages véritablement significative de cette nouvelle tendance correspond au détournement de l'avion de la compagnie israélienne El Al, à Alger, en 1969. À partir de cette date, il devint de plus en plus difficile d'établir un clivage net entre la revendication terroriste immédiate et la publicité recherchée par les terroristes [3].


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Diffusé le 20/01/2000 Mis à jour le 04/01/2001 Source Le Généraliste

Le site de cette publication http://www.atmedica.com/


Bibliographie :
1. CROCQ L., « Les Otages et la violence », document de formation du CISCP, Paris 1998.
2. CROCQ L., « Pour une nouvelle définition du syndrome de Stockholm », Études épidémiologiques1989 ; 1 : 165-179.
3. SKURNIK N., « Le syndrome de Stockholm, essai et étude de ses critères. Société médico-psychologique », Ann méd psy octobre 1987 ; vol. 146, nos 1 et 2 : 174-181.
4. JOULE R.-V., BEAUVOIS J.-L., Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Presses universitaires de Grenoble, 1987, 229 p.
5. JOULE R.-V., BEAUVOIS J.-L., La Soumission librement consentie, Presses universitaires de France, 1998, 214 p.
6. Centre d'étude en sciences sociales de la défense, Les Influences psychologiques, éditions Addim, 1999, 210 p.


Du point de vue du droit international, les prises d'otage sont officiellement interdites depuis 1949 par la Convention de Genève, dans les conflits militaires ou civils1. Elles sont également considérées comme contraires à la Convention des droits de l'homme. Leur usage renvoie donc obligatoirement à la notion de terrorisme (imposition de revendications) ou à celle de droit commun (demande de rançon).

1. SKURNIK N., « Le syndrome de Stockholm, essai et étude de ses critères. Société médico-psychologique », Ann Méd Psy octobre 1987 ; vol. 146, nos 1 et 2, p. 174-181


Source : http://generaliste.medimedia.tm.fr/gene/tl_fch/dossfmc/fmcsyndrstockh.pdf