LA SOUMISSION LIBREMENT CONSENTIE
Débat au Cnam
En 1963, à l'université de Yale, Stanley Milgram organise
une des premières expériences de psychologie sociale sur
le concept de soumission à l'autorité. Ses conclusions
sont édifiantes...Posez vous la question, en qui reconnaissez
vous l'autorité ?
Cette expérience historique de psychologie sociale date de 1963
et a été mise en image dans le film " I comme Icare
" avec Yves Montand. On peut aussi la retrouver dans le "petit
traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens"
de Beauvois et Joule.
Tout commence par une petite annonce publiée par voie de presse
:
" Laboratoire de l'université X recherche volontaires pour
participer à une expérience sur la mémoire . Rémunération
50 Francs de l'heure " Lorsqu'un volontaire se présente
au laboratoire, on lui explique qu'il tombe bien car un autre volontaire
est déjà arrivé juste avant lui . Le laboratoire
a justement besoin de deux personnes , une pour jouer le rôle
du professeur et l'autre pour jouer le rôle de l'élève.
Les deux volontaires font rapidement connaissance en attendant d'être
convoqués par Milgram, le psychologue qui organise l'expérience.
Celui ci leur explique qu'ils vont participer une expérience
destinée à vérifier les effets de la punition sur
l'apprentissage et la mémoire. Le rôle du professeur est
simple . Il suffit de lire à l'élève une liste
de 50 paires de mots du genre : Le ciel gris, Le chien jaune, Le chat
vert etc...
L'élève devra mémoriser les associations de mots
et ensuite répondre correctement aux questions du professeur.
Si le professeur dit " le nuage ", l'élève devra
répondre " noir " En cas d'erreur , le professeur devra
administrer à l'élève , une punition sous la forme
d'une petite décharge électrique. le voltage des décharges
augmentant avec le nombre d'erreurs.
Il est procédé à un faux tirage au sort et l'on
demande à la personne qui s'est présentée de jouer
le rôle du professeur.
En fait , celui qui doit jouer le rôle de l'élève
est un complice de Milgram car le but réel de l'expérience
est d'étudier la soumission à l'autorité (soumission
librement consentie chez Beauvois et Joule) et non les effets de la
punition sur la mémoire. On installe donc "l'élève"
sur une fausse chaise électrique mais le "professeur"
n'en sait rien. Il pense que tout est réel . "L'élève"
qui est un acteur spécialement choisi pour son aptitude à
faire semblant de recevoir de vraies décharges électriques
fait mine de s'inquiéter quand on l'attache sur la chaise et
demande si les chocs électriques risquent de lui faire mal. On
lui répond que la douleur sera supportable mais que c'est nécessaire
pour le bon déroulement de l'expérience et l'on fait passer
le professeur derrière un pupitre comportant des curseurs gradués
de 25 volts en 25 Volts. Des petits panneaux sont inscrits au dessus
des séries de curseurs :" choc léger ", "
choc moyen ", " choc violent ", " choc extrêmement
violent " , " choc dangereux " , " choc très
dangereux " , " mort ! "
Milgram qui représente l'autorité scientifique en blouse
blanche demande alors au professeur de commencer la lecture des associations
de mots. Une fois que la liste a été mémorisée
par l'élève , le professeur commence à poser les
questions.
A partir d'un moment , l'élève se trompe obligatoirement
car mémoriser 50 associations de mots en une seule lecture est
quasiment impossible.
Milgram qui supervise l'expérience demande donc au professeur
d'administrer la punition à l'élève, au départ
25 volts mais au fur et à mesure des nombreuses erreurs de l'élève,
les décharges qui deviennent de plus en plus fortes commencent
à faire crier l'élève de douleur.
Il veut savoir jusqu'où celui qui joue le rôle du professeur
va accepter de torturer un inconnu sous prétexte qu'une autorité
scientifique lui en donne l'ordre . L'élève va supplier
le professeur d'arrêter l'expérience tandis que l'expérimentateur
va lui ordonner de continuer . Même lorsque l'élève
simulera le coma ! Milgram ordonnera d'assimiler cela à une mauvaise
réponse et demandera au professeur de continuer l'expérience.
Le professeur devra faire un choix .. désobéir à
l'autorité ou continuer jusqu'à la mort de l'élève.
Les résultats sont effrayants ! Sur 40 personnes testées
tout niveau social confondu , 67% des professeurs ont étés
jusqu'à la mort de l'élève.
Le reste a abandonné l'expérience vers 300 volts quand
l'élève simulait le coma !
Aucun d'eux n'a abandonné quand l'élève hurlait
de douleur . Bien sur , ce n'est pas de bon cœur qu'ils ont poussés
les curseurs jusqu'à la mort simulée de l'élève
attaché sur la chaise électrique . Milgram le dit lui
même " J'observai un homme d'affaires équilibré
et sur de lui entrer dans le laboratoire le sourire aux lèvres
. En l'espace de 20 minutes , il était réduit à
l'état de loque parcourue de tics, au bord de la crise de nerfs
. Il tirait sans cesse sur le lobe de ses oreilles et se tordait les
mains. A un moment il posa sa tête sur son poing et murmura "Oh
mon dieu , qu'on arrête !" Et pourtant il continua à
exécuter toutes les instructions de l'expérience et obéit
jusqu'à la fin." Trois semaines plus tard , quand les professeurs
était convoqués pour s'expliquer sur leurs comportements
sadiques , il rejetaient immanquablement la faute sur l'autorité
scientifique .
Ils n'avaient fait qu'obéir aux ordres et rien de plus ! Ils
n'avaient rien à se reprocher.
Phyl d'Arian
P.S. Document Original. Copyright © 2002 vulgum.org. Vous pouvez
redistribuer et/ou modifier ce document selon les termes de la GNU/Free
Le lien d'origine http://vulgum.org/libre/imprimer.php3?id_article=304
L'expérience de Milgram, Kika
27 janvier 2003
Cette expérience est fascinante, on peut la rapprocher a une
autre expérience Américaine (désolée mais
je ne sais plus qui l'a faite). Cette expérience mettait en scène
des rats et visait a définir le niveau de stress chez les dominants.
Donc, on place six rats en captivité, la pièce de vie
est sans nourriture, celle ci se trouve dans un autre compartiment est,
pour y accéder il leur faut traverser une "pièce"
remplie d'eau. Ainsi ,il y a vite 2 dominants, 3 dominé et un
indépendant. Les dominés ramènent la nourriture
aux dominants, et l indépendant se suffit à lui même.
Les dominants dépendent donc des dominés pour trouver
leur nourriture. Après plusieurs semaines ;il s'avère
que les dominants montrent un grand niveau de stress qui provoque des
troubles variés, alors que les dominés s'accommodent de
la situation. Il y a eut plusieurs groupes de rats et tous montrent
la même structure sociale. Quand est il des dictateurs et des
dirigeants de tous niveau que l'on qualifie d'arbitraires ?La peur de
perdre leur pouvoir et tout les avantages qu'ils en retirent semble
être intolérable !
L'expérience de Milgram, François
5 septembre 2002
Votre article résumé très bien les expériences
menées par S. MILGRAM, mais vous ne tirez pas de conclusions
sur la finalité de cette expérience et ce que l'on pourrait
sociologiquement en tirer.
Merci de me tenir informé si vous avez des réponses. Bien
à vous. François
L'expérience de Milgram, Phyl d'Arian
6 septembre 2002
Ma conclusion serait que cette série d'expériences met
bien en lumière la complexité des motivations responsables
de nos comportements, la "soumission librement consentie"
est un de ceux que je trouve le plus troublant d'origine purement sociologique
puisqu'il fait référence, dans cette expérience,
à une figure autoritaire désigné par des attributs
de pouvoir (au sens large).
Milgram poursuit ses expériences éliminant une par une,
grâce à des variantes expérimentales, les circonstances
atténuantes d'une telle obéissance : ce n'est ni la blouse
blanche, ni le niveau de souffrance du faux cobaye, ni le désir
de faire souffrir du sujet qui sont en cause. Ce sont en fait des facteurs
complexes tels que le fait de voir la victime ou pas, le fait que l'autorité
soit dans la pièce ou non, l'existence d'une dissension au sein
de l'autorité etc...
On retrouve en fait le comportement d'une personne qui supposant qu'elle
n'a pas les capacités (physiques, intellectuelles ou d'un autre
ordre) d'accomplir en toute connaissance de cause un acte donné,
c'est à dire de faire face aux conséquences pouvant en
découler, décide de se confier en tant qu'outil à
une autorité quelconque. Dés lors l'exercice de la responsabilité
se situe au niveau de cette autorité, le rôle de l'outil
étant de remplir sa tâche au mieux sans s'occuper d'éventuels
conflits éthiques ou moraux. (...Some of them Want to be Abused...
Eurythmics)
On peut définir la soumission de différentes manières,
la plus simple étant l'exécution par un individu d'ordres
venant d'une autorité. Mais l'analyse des conditions de soumission
montre que le noyau commun de toutes les situations d'obéissance
n'est que l'expression d'une capacité des êtres sociaux
d'inhiber leurs pulsions propres (et leur sens moral) au profit de directives
extérieures du moment qu'elles émanent d'une entité
assimilée à une autorité. L'analyse psychologique
de Milgram reste très prudente, peut entre afin de ne pas risquer
de disqualifier la totalité des résultats par des critiques
théoriques complexes alors que le fond du problème est
accessible au lecteur totalement "naïf". Les plus optimistes
voient dans l'obéissance le signe d'une bonne adaptation de l'individu
à la société. Malgré cela, on ne peut s'empêcher,
en cette fin de 20ème siècle, de se souvenir des formes
les plus tragiques qu'à pu prendre le comportement d'obéissance.
Voir l'ouvrage suivant, très intéressant, sur la soumission
librement consentie : "Petit traité de manipulation à
l'usage des honnêtes gens" Jean-Léon Beauvois et Robert
Vincent Joule. Tout un chapitre y est consacré à l'expérience
de Milgram.
Sur le net : "Traité de la servitude libérale"
de Jean Léon Beauvois :
Le lien d'origine http://www.cnam.fr/depts/te/dso/lecture/beauvois.htm
Et le site http://www.psychologie-sociale.org