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La souffrance au travail
C Delecolle étudiante Université 01 01 2008

Introduction

I/ Le leitmotiv de la performance : un environnement concurrentiel tentaculaire préjudiciable à la solidarité professionnelle

A° Le refrain de la rentabilité et de la “ flexibilité à outrance ” comme couperets sociaux

Le formatage comme prélude à la soumission : une fidélisation “ sectaire ” ?

Le diktat de la performance et de l’excellence : l’apologie du rendement au cœur du management contemporain

La flexibilisation nocive mettant à l’épreuve l’adaptabilité : vers la polyvalence et le nomadisme professionnel ?

La polémique de la mondialisation et du chômage accentuée par une législation nationale “ consentante ” à la fluidité du marché du travail

B° La montée des individualismes comme symptôme d’une dégénérescence sociale

Le besoin viscéral de reconnaissance et de valorisation comme dynamo sociale

La pratique insidieuse de la dévalorisation : vers une crise identitaire latente ?

L’irruption des comportements déloyaux : vers la déstructuration du vivre ensemble ?

La décrépitude de l’esprit collectif comme conséquence inhérente aux aspirations gestionnaires

II/ Les aspects délétères de la pression : une “ instrumentalisation stigmatisante ” nocive à l’état psychique de la sphère salariale

A° La figure prédatrice du management contemporain à travers le spectre du harcèlement moral et la prolifération de la violence

La prolifération de la violence au cœur des relations humaines et professionnelles

Le harcèlement moral comme manifestation perverse de la “ domination ”

La placardisation : vers une “ néantisation sociale ” des salariés marginaux ?

La délicate dénonciation entre tabou, silence et peur des représailles : une complicité sous-jacente ?

B° L’omniprésence du stress et de l’urgence dans la sphère professionnelle : une composante à géométrie variable

L’intégration pernicieuse du facteur temps : le culte de l’urgence et du compactable

L’angoisse face à un univers professionnel en mouvance permanente : entre pamphlet et éloge du changement et du progrès technique

Les polémiques autour d’un fléau contemporain : entre effet dopant et effet toxique

Les “ pathologies du surmenage ” : une sphère salariale consumée de l’intérieur

III/ La souffrance au travail comme épiphénomène métamorphosé en affection médiatique : entre analyse psychodynamique et prescriptions “ salvatrices ”

A° La recrudescence des “ dérives comportementales ” comme réponse mal-être ambiant

La transmutation de la pénibilité et ses effets sur la “ cellule familiale ”

La fuite face à un univers professionnel à l’hostilité grandissante

Les cataplasmes sociaux : entre effet placebo et effet annihilant

Les comportements suicidaires : une collectivité de travail “ épuisée ” par des pratiques managériales oppressantes

B° La lutte contre la souffrance au travail sous le prisme d’une approche clinique et sociétale rénovée

L’insatisfaction au travail: vers l’obsolescence de la notion d’amour au travail et l’augmentation de la souffrance ?

La prévention et la pluridisciplinarité comme procédés thérapeutiques adéquats : vers de “ nouveaux préventeurs ” de la santé au travail ?

L’effet apaisant de l’écoute des ressentis : entre prévention et réinsertion

La nécessaire “ introspection ” et responsabilisation des entreprises face au phénomène de souffrance au travail

Conclusion

Bibliographie

**************

La dramaturgie médiatique de la détresse professionnelle donne à cette affection une dimension sociale éminente puisqu’il semble que la souffrance mentale au travail soit devenue synonyme de problème récurrent dans les relations professionnelles contemporaines.

Le travail n’est autre que l’activité déployée par les hommes et les femmes pour faire face à ce qui n’est pas déjà donné par l’organisation prescrite du travail 1

. Le salarié travaille pour une organisation qui le rétribue financièrement mais il fait souvent l’office de victime sacrificielle car l’aléa économique et la concurrence mondiale éclipsent généralement le capital humain. Le marché du travail peut être dépeint comme un champ de bataille où combattent les entreprises dans l’espoir que le camp adverse s’essoufflera le premier. Le nerf de la guerre n’est autre que la quête de compétitivité et de performance. Les salariés revêtent alors le costume de fantassins qui exécutent les ordres et subissent la pression de leurs supérieurs. La gestion et le contrôle des “ troupes ” doivent faire l’objet d’une analyse attentive en ce qu’elle est déterminante dans l’adoption d’une stratégie défensive. La gestion se définit comme un ensemble de techniques destinées à rechercher “ l’organisation de la meilleure utilisation des ressources financières, matérielles et humaines ” pour assurer la pérennité de l’entreprise. En outre, il s’agit de l’ensemble des pratiques managériales mises en place par la direction d’une entreprise ou d’une organisation pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée. A titre d’illustration, ces pratiques managériales ont un effet sur les conditions de travail, sur la nature des rapports hiérarchiques, sur le système d’évaluation et de contrôle des résultats ainsi que sur les politiques de gestion du personnel.

L’organisation du travail place la productivité et le rendement au cœur de ses préoccupations ce qui se répercute sur la collectivité salariale. En effet, on peut déceler un lien de causalité entre l’idéologie gestionnaire contemporaine et la souffrance au travail comme le démontre la psychodynamique du travail. Cette dernière étudie la souffrance psychique résultant de la confrontation de l’homme à l’organisation du travail qui ordonnance, surveille et contrôle les activités. Le mal-être ou le “ mal-vivre ensemble ” est un état émotionnel en lien avec le contexte organisationnel et relationnel. Une inquiétude des salariés sur leur avenir, des modes dégradés de relations de travail, une perte de repères des salariés sur la place qu’ils occupent dans l’organisation, une difficulté à faire face à des situations d’instabilité sont autant de causes qui ternissent le bien-être de la masse salariale.

Avec l’exigence d’excellence en toile de fonds, le salarié doit se surpasser pour son entreprise et le dépassement de soi est de mise pour éviter les vexations et la perte de son emploi. Le salarié, tel un athlète, doit être prêt à relever des challenges et à subir maintes pressions pour gagner l’estime de son entreprise. Toutefois, la soif de reconnaissance n’est que rarement étanchée car les entreprises semblent réfractaires à rétribuer, autrement que par une rémunération, les personnes qui l’aident à pérenniser et à développer son activité. Le travail, étant une donnée prépondérante dans le registre de l’identité, s’il n’est pas reconnu et valorisé, entraîne une frustration considérable. Ce besoin viscéral et naturel de reconnaissance de l’être humain peut le conduire à instaurer une compétition éliminatoire avec ses collègues de travail voire même à se livrer à des pratiques frauduleuses de manipulation des résultats. Cette concurrence internationale et interne provoque la “ désintégration ” de la solidarité professionnelle déjà entamée par les évolutions historiques et conjoncturelles. La montée de l’individualisme voire de l’égoïsme semble inévitable dans un contexte concurrentiel alimenté par les ardeurs managériales.

La mondialisation et la globalisation sont en partie responsables de l’atmosphère oppressante qui pèse sur la collectivité de travail exposée de plus en plus au risque des délocalisations. La dimension économique prend de plus en plus le pas sur le capital humain instrumentalisé au profit de l’amélioration des chiffres de l’entreprise. L’actualité regorge d’illustrations de dégradation du climat socioprofessionnel qui semblent amener la thèse d’un “ esclavagisme ” moderne. L’accélération vertigineuse des rythmes du travail est le corollaire évident d’une organisation de travail avide de performance et qui essaye de répondre aux sollicitations toujours plus exigeantes de ses clients.

Le progrès technique peut également être pointé du doigt car il a entraîné une modification des comportements et une rénovation des compétences qui déstabilisent les salariés. Toutefois, il est nécessaire de combattre l’immobilisme qui risque de creuser le fossé avec l’économie américaine voire mondiale ce qui complexifie l’approche du progrès technique.

De plus, la mobilité et la flexibilité deviennent monnaie courante pour fluidifier le marché du travail ce qui donne aux salariés l’impression de n’être que des pions sur l’échiquier social.

Les salariés, meurtris par une exigence d’excellence, sont de plus en plus confronté à un univers professionnel impitoyable et fluctuant qui dénigre trop souvent la souffrance des salariés. La peur provient inévitablement de la perspective de ne pas être à la hauteur de sa tâche et des exigences toujours plus accrues.

Le terme travail provient de “ tripalium ”, un instrument de torture à trois pieux, ce qui laisse penser que la souffrance est une donnée inévitable dans le rapport au travail.

La souffrance physique, sans disparaître, est occultée progressivement par la souffrance mentale. Le malaise au travail et les altérations de la santé mentale au sein de la collectivité de travail sont devenus, en quelques années, des sujets de prédilection des politiques sociales en ce qu’ils semblent atteindre, telle une épidémie, de plus en plus de salariés. En effet, leur place dans le champ social est présumée grandissante en raison de l’évolution effrénée de la société vers de nouveaux enjeux comme la flexibilité du travail et le leitmotiv de la performance. La santé est définie par l’OMS comme “ état complet de bien-être physique, mental et social (…) permettant (au salarié) de faire face à son environnement ”. Cette définition montre explicitement que l’état psychologique doit être protégé au même titre que la santé physique puisqu’il semble que l’organisation et les conditions de travail, étant au cœur de l’exécution normale du contrat de travail, affectent le bien-être des salariés.

La reconnaissance de la santé mentale des salariés s’inscrit dans un processus de longue durée qui est amorcé par une politique jurisprudentielle protectrice de la collectivité de travail. Le rôle palliatif de la jurisprudence et les cris d’alarme des auteurs et des psychologues poussent le législateur à intégrer la notion de santé mentale au cœur du système normatif.

La détresse de la sphère salariale, loin d’être caricaturale, est sans nul doute un fléau professionnel contemporain qu’il faut endiguer par un traitement de choc laissé au soin des médecins du travail et des “ nouveaux préventeurs ” de la santé au travail.

La société semble être atteint de la “ maladie de la gestion ” et il est donc judicieux de se demander dans quelle mesure les pratiques managériales, mises en lumière par la nouvelle organisation du travail, conduisent-elles à l’efflorescence des nouvelles “ pathologies ” au travail ?

Il est nécessaire de mettre l’accent sur l’intransigeance du marché du travail lié à la concurrence mondiale qui a permis l’émergence d’une organisation du travail nocive pour le bien-être de la collectivité salariale. L’entreprise essaye de fidéliser et de conformer ses “ serviteurs ” aux valeurs qu’elle tente de véhiculer comme le dépassement de soi. La productivité et la rentabilité sont des données capitales pour analyser l’attitude “ conquérante ” de l’entreprise. L’exigence de performance n’est que le revers d’une compétition acharnée entre des entreprises qui répercutent la pression sur des salariés entraînés, malgré eux, dans une guerre économique. Dans cette optique guerrière, la sphère salariale doit se conformer à de nouvelles donnes comme la flexibilité et la mobilité qui occasionnent la précarisation de l’emploi et l’imprévisibilité.

De plus, le projet quantophrénique 2 des entreprises s’immisce dans les relations socioprofessionnelles en provoquant la désintégration de l’esprit collectif au profit d’une rivalité entre des salariés qui cherchent à conquérir le cœur de leur entreprise et à prouver leur valeur (I).

La percée de l’individualisme n’est pas la seule conséquence de cette organisation du travail contemporaine qui instrumentalise voire déshumanise les travailleur en faisant primer la logique économique et financière sur la dimension humaine. Le lieu de travail devient un univers de plus en plus impitoyable dans lequel certaines directions d'entreprise n'hésitent pas à mettre en œuvre des modes de gestion du personnel agressifs dans une quasi-optique de sélection naturelle du travailleur. Le progrès technique et les changements incessants perturbent l’équilibre psychologique des salariés qui sont soumis au jeu de la compression-extension du temps. De plus, la masse salariale est de plus en plus exposée au harcèlement moral et aux facteurs stressogènes qui minent les relations socioprofessionnelles et participent à la dégradation des conditions de travail (II).

Ainsi, les pratiques managériales sont perçues comme “ responsables ” de l’efflorescence de nouvelles pathologies et de nouvelles lésions au travail. La pénibilité physique du travail est éclipsée par la souffrance psychologique d’une collectivité salariale fragilisée par des attentes démesurées et une gestion déshumanisante qui est une porte ouverte à des actes de désespoir. L’obsolescence de la notion d’amour au travail reflète parfaitement le malaise qui s’instaure dans la “ communauté ” de travail. La cicatrisation des plaies est une entreprise de longue haleine car il est nécessaire de mettre en place une écoute aiguisée des ressentis et de prodiguer aux “ malades de la gestion ” des soins attentifs et adaptés dans une optique de réinsertion socioprofessionnelle. Cette prise de conscience a permis l’approfondissement du rôle du médecin du travail et le développement d’une écoute clinique favorisant la pluridisciplinarité. La société et les entreprises sont également invitées à contrecarrer les dérives managériales. En définitive, il est primordial de faire barrage à la souffrance au travail sous peine d’assister à l’avènement d’une “ épidémie ” (III)

I/ Le leitmotiv de la performance : un environnement concurrentiel tentaculaire préjudiciable à la solidarité professionnelle

Les entreprises, en tentant de s’adapter à la concurrence mondiale et aux fluctuations du marché, recherchent la rentabilité et la performance. En ce sens, le nerf de la guerre n’est autre que le développement de la compétitivité qui nécessite un traitement particulier. Les entreprises essayent d’inculquer des valeurs à des salariés qui doivent, sans cesse, se surpasser pour leur employeur. L’ouvrier doit s’adapter à un environnement fluctuant qui prône la flexibilité favorable aux entreprises mais synonyme de précarité pour la masse salariale. La mondialisation et la pression des marchés financiers inspirent le pessimisme en ce qu’elles laissent entrevoir l’instabilité et l’imprévisibilité professionnelle (A).

Cette gestion oppressante, ne valorisant pas assez les compétences et les efforts des salariés, provoque un affaissement voire un éclatement de la solidarité entre les individus qui évoluent dans une société ou le travail occupe une place centrale dans la dynamique de l’identité. L’organisation du travail atomisée met les individus en compétition ce qui ruine l’esprit collectif. (B)

A° Le refrain de la rentabilité et de la “ flexibilité à outrance ” comme couperets sociaux

Le formatage comme prélude à la soumission : une fidélisation “ sectaire ” ?


L’entrée dans une entreprise peut être vulgarisée par l’entrée dans un environnement sectaire dans le sens où le formatage est de plus en plus mis en avant pour fidéliser la masse salariale notamment aux valeurs véhiculées par l’entreprise. Certaines entreprises (généralement les multinationales) en viennent à “ marquer ” le salarié de leur sigle (par exemple Nike 3 ) ou à leur fournir divers objets à l’effigie de la marque comme un bracelet. En effet, quoi de mieux que de demander à ses salariés d’exhiber les outils marketing car de manière sous-jacente la collectivité salariale est une proie facile pour la publicité “ gratuite ”. Cette pratique est très répandue d’ailleurs l’usine Peugeot offre des T-shirts avec l’enseigne du constructeur automobile qui, non seulement montre l’adhésion du salarié qui les porte, mais qui est en même temps un fabuleux moyen de faire de la “ propagande ”. En ce sens, l’entreprise fait d’une pierre deux coups car elle a pour objectif implicite d’enrôler le salarié réceptif pour mieux l’apprivoiser. L’obéissance servile et la docilité semblent être des comportements que l’entreprise affectionne particulièrement.

Ces divers éléments, d’apparence innocente, peuvent être perçus comme une immixtion pernicieuse de l’entreprise dans la sphère privée du salarié et qui insidieusement le fait rentrer dans le cercle prestigieux des “ collaborateurs privilégiés ” A titre d’illustration, l’arrivée dans une nouvelle structure professionnelle s’accompagne, dans nos sociétés de plus en plus empreintes à la modernité, par la fourniture d’un ordinateur : un cadeau systématisé qui converge vers l’interpénétration problématique des sphères privées et professionnelles.

En effet, l’outil informatique peut susciter bon nombre de difficultés car l’employeur “ malveillant ” pourrait s’en servir pour épier le moindre des faits et gestes de ces subordonnés. Ceci remet sur le devant de la scène le problème de la “ cybersurveillance ” et du dépassement du pouvoir de direction. En effet, il semble que, ces dernières années, le concept de vie privée du salarié a le vent en poupe notamment par la protection de la communication électronique des salariés 4 . La licéité d’une intrusion patronale dans l’intimité du travailleur n’est tolérée que dans des cas limitatifs notamment lorsqu’il existe un risque ou un évènement particulier comme la suspicion avérée d’une utilisation illicite (pornographie) voire d’un espionnage industriel mais l’employeur doit en informer le salarié intéressé. 5 L’autre désagrément de l’informatique n’est autre que la désocialisation du salarié car il semble que l’utilisation croissante des nouvelles technologies dans les entreprises est préjudiciable à l'aisance relationnelle. 6

De surcroît,on peut ajouter la volonté florissante de certaines entreprises de menotter le salarié notamment par les “ clauses de concurrence ” : cette disposition écrite et insérée dans le contrat de travail interdit au salarié de travailler pour un de ses adversaires, un ancien client ou un fournisseur…. Cette clause n’est valable que si elle poursuit l’objectif de protection des intérêts de l’entreprise et elle doit préciser le secteur géographique qu’elle concerne ainsi que la durée de l'interdiction de concurrence. Récemment, la jurisprudence s’est accordée pour dire que ces clauses doivent désormais comporter une contrepartie pécuniaire au profit du salarié ayant notamment pour objectif de compenser les limites imposées par la clause de non concurrence lors de la recherche d’un nouvel emploi.

En définitive, l’entreprise met le plus de chances de son côté pour fidéliser et solidariser le salarié et même si cette démarche peut apparaître comme sectaire, elle est rarement expliciter comme telle. On se gardera de pousser l’analogie mais il existe néanmoins des ressemblances troublantes dans les méthodes de renforcement d’appartenance entre entreprise et groupe sectaire. En effet, la construction programmée de l’acquiescement permet d’affirmer que les firmes sont assimilables à des sectes. Dans le contexte actuel, l’emploi “ servile ” se module en considération des façons de vivre et des nouveaux besoins suscités par le progrès économique.

Le diktat de la performance et de l’excellence : l’apologie du rendement au cœur des pratiques managériales

La société moderne, encline au narcissisme, est obnubilée par les résultats. L’engagement de “ donner sans compter ” est considéré comme un comportement citoyen attendu par l’organisation 7 . La conjonction de la raréfaction du travail, liée au progrès technique et de la surabondance de jeunes générations avides de réussite a fait monter les exigences 8 .

Toutefois, les entreprises, soucieuses d’améliorer leur position concurrentielle, ne se préoccupent guère des meurtrissures des salariés consécutives à l’exigence d’excellence.

Il existe une alliance entre les managers qui font des choix de production et les actionnaires qui attendent des dividendes. En effet, on assiste à la dictature du chiffre qui surplombe la dimension humaine du travail antérieurement privilégiée. La conquête de nouvelles parts du marché exige un haut niveau de circonspection et de combativité en matière de compétitivité. On ressent un certain effet de “ cascade ” en ce que l’incertitude marchande est reportée sur la sphère salariale. En effet, un manager se doit de faire cohabiter les deux pôles antagoniques que sont : le travail et le capital 9 . On assiste à l’avènement du court terme et de la volatilité par la recherche permanente de l’efficience et de la rentabilité. Le travailleur est devenu un pion sur l’échiquier social et cette apologie du rendement s’accompagne inéluctablement d’une conception utilitariste du travail.

Les salariés ont de plus en plus le sentiment d’être une machine spécialement lorsqu’il s’agit d’un travail à la chaîne. La combativité du travailleur est une donnée prépondérante dans cette organisation de travail avide de résultats. La figure du travailleur est celle d’une personne, vouée au dépassement d’elle-même, qui cultive les défis et l’immédiateté. De plus, le résultat ne s’obtient pas sans une pression morale omniprésente. Les entreprises, dans un souci de performance et de rapidité, établissent des standards de travail qui se concrétisent par le découpement d’une activité en unité de temps. Cette modélisation des comportements est préjudiciable au salarié qui ne se fond pas dans le moule du “ bon petit soldat ” car ce dernier risque d’être dénigré, mis au placard, humilié voire licencié. L’entreprise tente de responsabiliser au maximum ses salariés en matière de performance en lui agitant sous le nez une “ obligation de résultat ” dont le manquement est sanctionné principalement par un système d’évaluation “ vexatoire ”. Le développement des “ briefs ” en est une explicitation opportune notamment dans le secteur des ventes ou des opérations par téléphone. La progression des salariés est sans cesse à l’étude et la moindre baisse n’est pas envisageable. L’évaluation des salariés peut avoir un rôle non négligeable dans l’évincement ou la “ placardisation ” des individus. En effet, la pratique des évaluations individualisées est un instrument de mesure et de notation pour le manager qui passe les résultats et les qualités du salarié au peigne fin. Par ce biais, l’implication, le dévouement, la disponibilité, le comportement et le chiffre d’affaire, érigés en critères d’appréciation, sont destinés, pernicieusement, à catégoriser les salariés. En effet, sous l’apparence d’une discussion “ enrichissante ”, ces entretiens individualisés ont comme finalité sous-jacente de repérer les “ bons élèves ” c’est-à-dire les salariés les plus productifs et les plus opérationnels. Cette obsession des chiffres est étroitement liée avec un certain culte de la qualité qui s’immisce sur les marchés. En effet, la recette de la réussite est la somme de divers ingrédients que sont : le progrès, la performance, l’engagement, la satisfaction des besoins et la responsabilisation 10 . La qualité est un vrai sujet de luttes de pouvoir, de dominations alimentées par les experts qui recherchent la convergence d’intérêts des membres de l’entreprise. Il est judicieux de se demander où s’arrêtera ce souhait permanent du “ toujours plus ” qui n’a de cesse d’opprimer les travailleurs. Les spéculations sur les résultats sont aberrantes car on ne peut pronostiquer parfaitement la réussite ou la banqueroute d’une entreprise. Les entreprises, en cherchant à s’adapter à la concurrence par la recherche de gains de productivité avec le fonctionnement en flux tendus, reportent sur les salariés tout le poids de l’incertitude marchande qui se manifeste par les changements de rythme dans la production. L’inconvénient indéniable de cette gestion basée sur les chiffres et la réactivité à court terme tend à privilégier la fluidité de l’emploi.

La flexibilisation nocive mettant à l’épreuve l’adaptabilité : vers la polyvalence et nomadisme professionnel ?

La course effrénée à la performance participe à la précarité des emplois. En effet, la flexibilité est devenue une norme et contraint l’individu à rompre avec son milieu d’origine et lui fait perdre ses repères. Laurence Parisot fait l’éloge de la précarité et signale que "la vie, la santé, l'amour sont précaires. Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi?" 11 cela met en évidence le caractère inévitable de la flexibilisation du marché du travail.

Depuis 20 ans la précarité ne cesse de se renforcer dans les entreprises et les services publics et on perçoit une certaine densification du travail c’est-à-dire une exigence de plus en plus accrue de polyvalence et d’autonomie de la sphère salariale. Cette tendance à l’accroissement de l’autonomie touche toutes les catégories, y compris les ouvriers non qualifiés. L’explication de cette autonomie est à aller chercher du côté des nouvelles politiques de gestion des ressources humaines des entreprises. Le salarié est installé sur un siège éjectable au profit des évolutions économiques et conjoncturelles comme le démontre l’efflorescence des emplois précaires comme le CDD, l’intérim et les contrat aidés ... Si, pour certains, flexibilité rime avec compétitivité, croissance et emploi, pour beaucoup, flexibilité rime avec précarité et cumul de petits boulots. Généralement, le terme flexibilité, connoté négativement, est associé à la notion de licenciement et de salariés corvéables à merci et jetables. Cette imprévisibilité est difficile à accepter car, désormais, le fait d’avoir un emploi “ ne met plus forcément à l’abri ni de la pauvreté matérielle, ni de la détresse psychologique” 12 . La flexibilité est celle qui enfante la précarisation de l’emploi : “ le point noir ” que le salarié essaye de combattre avec les maigres outils dont il dispose.

A titre d’illustration, on peut citer le conflit social de la lutte contre le CPE (contrat première embauche contenant en germe la remise en cause du statut salarial) qui a secoué la politique française et qui, pour bon nombre de travailleurs et d’étudiants, n’est qu’une manière de plus de fragiliser leur emploi d’où l’utilisation de sobriquets comme “ contrat poubelle embauche ” ou “ contrat premières embûches ”. La précarité et la flexibilité sont généralement associées à des phases d’instabilité professionnelle et de changements qui s’accompagnent indéniablement de l’incertitude. Pour de nombreux économistes ou sociologues, la précarité, définie comme l’instabilité de l’emploi, est la rançon du progrès économique secrétée par le système d’économie de marché. Les législations rendent le marché du travail de plus en plus fluide et la perspective d’un contrat unique révocable à l’amiable n’est pas du goût de tous les acteurs sociaux 13 .La baisse des coûts salariaux n’est pas l’unique cause de la flexibilité du travail car, pour certaines personnes dont le réseau syndical INTERPRO, l’objectif inavoué de cette “ élasticité professionnelle ” est de briser les quelques bribes de résistance collective. La précarisation de l’emploi est devenu le pain quotidien du travailleur qui est sacrifié sur l’autel du rendement et des profits économiques. Le salarié est également exposé à une mobilité grandissante subie ou volontaire et cet état de fait ne pourra sans doute que se confirmer par l’avenir. L’avenir du travail sera comme une navigation libre “ entre des périodes d’emploi sédentaire, d’emploi nomade et de formation ” 14 .En effet, pour rester “ employable ” il faudra montrer ses qualités de voyageur 15 . C’est à dessein que l’on peut parler ici de la constante progression du taux de mobilité externe : 4% en 1997 et 12% en 2000 16 . La garantie de sécurité de l’emploi réside et résidera de plus en plus dans la détention d’une compétence professionnelle rare et reconnue, d’expériences accumulées et d’une aptitude à d’adapter et à se mouvoir dans des organisations complexes sans cesse maintenues à jour . Cette situation d’instabilité est génératrice d’une insécurité juridique de plus en plus palpable. “ La sécurité de l’emploi désigne ainsi le fait, pour une personne, de demeurer employée sans interruption “ durable ”, même s’il y a changement d’entreprise ” 17 .Cette sécurité n’est plus un bouclier pour les salariés ayant de l’ancienneté car, désormais, ils sont exposés au spectre du chômage comme tous les autres. L’effet pervers de cette nouvelle organisation du travail n’est autre que l’amplification du stress et la montée de la souffrance au travail.

La polémique autour de la mondialisation et du chômage accentuée par une législation nationale “ consentante ” à la fluidité du marché du travail.

Certaines entreprises très capitalistiques et disposant d’atouts compétitifs sont avantagées dans la concurrence internationale alors que d’autres sont en mauvaise posture face à des pays à bas salaire. Malheureusement, il semble que le chômage et l’exclusion font partie intégrante de la logique de performance 18 . L’ennemi n’est plus seulement national mais il est transfiguré par de pays “ lointains ” exploitant des hommes et des femmes voire des enfants faiblement rémunérés. Avec la mondialisation en toile de fonds, le monde patronal et le monde salarial semblent être deux univers parallèles caractérisés par l’antagonisme. On peut déceler, entre eux, la présence sous-jacente d’un dialogue de sourd et muet. En effet, quand l’employeur instaure la flexibilité, le salarié comprend que ses acquis sociaux sont en danger. La rentabilité des entreprises est perçue par la masse salariale comme l’inévitable réduction des effectifs ponctuée d’une charge de travail toujours plus accrue. Lorsque la direction souhaite diminuer les coûts, l’ouvrier est conscient du risque des délocalisations dans des pays où la main-d’œuvre est bon marché et beaucoup plus malléable. Le salarié a peur d’être atteint par le chômage lié aux difficultés économiques de son employeur ou aux délocalisations. On peut citer le cas de Delphi-Harrison Calsonic située à Flers en Escrebieux qui s’expatrie dans les pays de l’Est où les ouvriers seront rémunérés dix fois moins cher qu’en France. L’actualité est particulièrement féconde en matière de délocalisations. Les secteurs concernés se sont multipliés : le textile (Levistrauss ou Aubade), la sidérurgie, l’électroménager (Moulinex), la puériculture (Bébé Confort) et désormais l’automobile se retrouve sur la sellette car Peugeot et Renault risquent de s’expatrier. La crainte du licenciement pousse la collectivité de travail à accepter l’inacceptable car le licenciement économique est un fléau pour les salariés.

Pour éviter un contexte conflictuel, la législation consacre une anticipation des modalités du licenciement économique par des accords de méthode qui risquent d’instrumentaliser les organisations syndicales par l’intervention de la négociation. A titre d’illustration, on peut citer le Plan de Sauvegarde de l’emploi qui n’est autre que la dénomination donnée au programme que doit dresser l'employeur en collaboration avec les institutions représentatives du personnel, en vue de déterminer les éventuels reclassements ou l'ordre des licenciements. Cette technique d’encadrement du licenciement est souvent perçue comme un trompe-l’œil 19 . En effet, il semblerait que les restructurations, quoique sauvant des emplois, reflètent l’idée que tous les postes ne pourront être épargnés. La finalité des plans sociaux est d’amortir le choc des licenciements mais cet objectif, bien que louable, sera pervertie par un impact non négligeable sur l’aide à la mobilité. En effet, les instances étatiques vont inciter financièrement les entreprises ayant recours à des plans sociaux ce qui pousse les entreprises à aller vers ce choix alors qu’il existe des meilleures choses pour les salariés.

Le contexte macro-économique et sociétal a des conséquences directes mais souvent sous-estimées sur le travail quotidien des salariés et sur les relations qui se nouent ou qui se brisent au sein de la “ communauté de travail ”.

B° La montée des individualismes comme symptôme d’une dégénérescence sociale

Le besoin viscéral de reconnaissance et de valorisation comme dynamo sociale


Le travailleur espère que sa contribution et son travail soient reconnus à leur juste valeur mais l’ère moderne ne peut l’amener qu’au désenchantement. En effet, la reconnaissance, quand elle n’est pas existante, n’est pas à la hauteur des espoirs du salarié. Avec une idéologie écolière en toile de fond, les entreprises apparaissent réfractaires à “ rétribuer ” leur main-d’œuvre : sans doute ont-elles peur que la récompense n’amenuise la productivité ou que le salarié ne se repose sur ses acquis. Les employeurs ont tendance à passer à la trappe la dimension humaine et à considérer que la rémunération est une rétribution suffisante.

Loin d’être une attente marginale, cette reconnaissance est décisive dans la dynamique de la mobilisation subjective de l’intelligence et de la personnalité dans le travail.20

La reconnaissance est devenue un enjeu de confiance, de respect et d'estime de soi : c’est un moteur puissant pour le maintien de l’équilibre humain 21 .

En ce sens, elle apparaît vitale pour la “ survie ” du salarié dans son enceinte professionnelle même si ce dernier ne l’affiche pas clairement. Concrètement, la reconnaissance passe par le besoin de gratification qui s’accompagne naturellement de la valorisation des connaissances, des compétences et de la qualification de celui qui exécute la tâche. Le salarié ressent le besoin viscéral de se sentir apprécié, valorisé et reconnu par les autres.

Parfois, le seul diplôme d’un salarié est son corps comme une femme de ménage qui porte en elle l’espoir que son travail ne passe pas inaperçu et qui attend désespérément une remarque positive de son employeur qui ne viendra peut-être jamais. 22

La souffrance physique du labeur est alors dominée par un malaise psychologique intrinsèquement lié au défaut de reconnaissance. Selon la théorie économiste “ du don et du contre don ” 23 , le salarié qui exécute son travail correctement attend que ses efforts soient récompensés par l’entreprise par une sorte de contrepartie verbale (des félicitations, des remarques positives) ou pécuniaire (incarnée par un salaire d’efficience).

La reconnaissance par les collègues et les collaborateurs est également un ingrédient capital dans la recette de la motivation et de la satisfaction au travail. La reconnaissance qui intervient généralement en fin de carrière ou par la remise d’une médaille du travail n’est pas suffisante et ne privilégie pas le rapport humain. En effet, les individus ont régulièrement besoin d’un “ feed-back ” c’est-à-dire de retour sur la qualité de leur travail 24 . L’absence de reconnaissance ou une reconnaissance insuffisante au regard des espoirs placé par le travailleur renforce la sombre idée que l’homme est une marchandise et donc un élément parmi d’autres du rouage professionnel. Toutefois, une mécanique ne doit-elle pas être huilée pour ne pas tomber en panne ?

Une contribution salariale confrontée au mutisme, à l’ignorance voire même à la dénégation est susceptible de se muer en souffrance mentale. D’une manière rationnelle, le travailleur se motive par la potentialité de monter dans l’échelle sociale, d’avoir une promotion, d’être reconnu par ses pairs et le manque de reconnaissance peut être source d’usure professionnelle 25 et d’incompréhension. Les salariés sont désorientés dans le sens ou il existe une raréfaction de la reconnaissance mais pas de la réprimande

La pratique insidieuse de la dévalorisation : vers une crise identitaire latente ?

Selon une expression courante “ le travail est le père de la renommée ” ce qui permet d’affirmer que le versant négatif du manque de reconnaissance est, sans nul doute, une tendance à l’auto-dévalorisation destructrice de l’image sociale. La quête inassouvie de reconnaissance est l’expression d’un besoin de personnalisation face à des relations abstraites et chimériques 26 . Généralement, le salarié sera parcouru par un sentiment de faiblesse, d’inutilité voire même d’échec. La culpabilité d’avoir échoué dans la bonne exécution de son contrat de travail perturbe l’état psychique du salarié. Les salariés ne comprennent pas l’absurdité d’un effort au travail qui ne donnera pas en retour de satisfaction. La satisfaction qui dérive d’une “ balance cognitive ” entre les contributions fournies à l’organisation et les rétributions qu’elle offre en retour 27 . La frustration psychologique peut donc s’expliquer donc par l’inaccessibilité du grade supérieur. En outre, le manque de reconnaissance porte atteinte au socle identitaire de la personne “ ignorée ” ou “ dénigrée ” car “ l’identité de l’individu coïncide avec son évaluation sociale ” 28 . Le sujet peut rapatrier sa souffrance et son incompréhension dans le registre de la construction de son identité 29 . En effet, l’interpénétration du champ de travail et de la construction de l’identité personnelle est constante. La baisse d'estime de soi est le prélude d’une dépression qui peut affecter tous les aspects de la vie. Ce constat permet de souligner une analogie avec un enfant qui a peur de perdre l’amour maternel et qui, pour ce faire, essaye d’attirer désespérément son attention et sa confiance. Le rapport positif à soi est intersubjectivement vulnérable car il peut toujours être remis en cause par le déni de la reconnaissance et par conséquent, il est toujours en quête de confirmation. 30 La fierté pouvant résulter d’une reconnaissance adéquate est un des points essentiels pour comprendre en quoi la “ souffrance physique ” du travail peut se métamorphoser en “ plaisir ” de travailler. L’équilibre entre plaisir et souffrance au travail est difficile à envisager. La dynamique de la reconnaissance est au cœur de l’équilibre entre plaisir et souffrance au travail et au centre du maintien de la santé physique et mentale. En effet, lorsque les efforts du salarié sont reconnus et légitimés alors les difficultés et les doutes supportés prennent leur sens et ceci permet de mettre en exergue un phénomène sociétal non négligeable : souffrance et plaisir du travail “ s’équilibrent ” et consolident, par conséquent, la construction identitaire du travailleur en cause 31 . Afin de ne pas se laisser submerger par les doutes et la dévalorisation, le salarié devrait opérer une sélectivité de l'attente vis-à-vis d’autrui notamment en choisissant ses horizons de développement identitaire car l’appétit de reconnaissance peut mener le salarié à commettre des actes “ déloyaux ” et à se mettre en compétition avec les autres.

L’irruption des comportements “ déloyaux ” : vers la destructuration du vivre ensemble ?

La pression managériale est relayée par les salariés qui, insidieusement, répercutent leurs rancoeurs sur leurs collègues devenus, à leur tour, des boucs émissaires. Le poids de l’obligation de résultat risque de pousser les salariés à enfreindre les règles et à adopter la technique du “ chacun pour soi ”. En effet, un salarié oppressé aura tendance à fragiliser ceux qui l’entourent afin que la menace de l’éviction ou du blâme change de cible. Cette pratique porte une grave atteinte à la solidarité professionnelle car le temps du “ serrer les coudes ” devant les difficultés a laisser place à l’ère de l’individualisme voire de l’égoïsme. L’exigence de performance converge vers la destructuration du vivre ensemble car le lieu de travail est devenu un champ de bataille en raison de la guerre économique qui perdure sur le terrain de la concurrence mondiale. L’individualisme serait “ protecteur ” dans le sens ou le salarié essaye de préserver son emploi et son statut social dans un contexte conjoncturel de plus en plus instable. La flexibilité ambiante du travail entretient l’idée que “ plus le siège paraît éjectable et plus s’entretient l’illusion qu’en faisant ses preuves, on finira pas être reconnu comme digne d’intégrer le noyau dur de l’entreprise ” 32 . Globalement, une certaine fragilisation a progressivement vu le jour. Les salariés sont quelque peu désorientés par la perte de repères au travail qui affecte les relations hiérarchiques et “ amicales ” sur le lieu de travail. Ainsi, une mise en concurrence transparaît entre les acteurs de la sphère professionnelle, chacun ayant plus ou moins l’impression de travailler plus que l’autre.

Le salarié, avide de reconnaissance, pourrait être amené, même de manière sous-jacente, à adopter un comportement déloyal envers ses collègues et envers l’entreprise. En effet, afin d’atteindre les objectifs fixés par la direction, il est possible qu’un travailleur manipule les chiffres à son avantage (tricherie sur la production réelle) et même “ sabote ” le travail des autres afin de sortir du lot et de conserver sa place. 33

Dans cette optique, le “ mensonge ” et les “ bricolages ” sur la productivité risquent de devenir monnaie courante. A juste titre, on peut citer les VRP et autres commerciaux qui sont susceptibles, pour accroître leur rendement, de se livrer à des manœuvres frauduleuses comme “ l’endoctrinement ” des clients par une publicité élogieuse voire mensongère d’un produit.

Pour éviter la mise à l’index et pour maintenir une certaine virilité, le salarié aura tendance à accepter “ le sale boulot ” qui passe indéniablement par la fragilisation d’autrui 34 . Ce “ sale boulot ” n’est autre que la rationalisation du mal et la banalisation de l’injustice sociale et “ comment pourrait-on faire passer pour une vertu de courage une conduite qui consiste à faire subir une injustice à autrui …? ” 35 .

A l’instar de la constitution d’une armée, l’entreprise enrôle des salariés dans son sillage de “ déshumanisation ” car les solidarités sont gommées au profit d’une compétition implacable. La menace de castration, par le biais de la perte de position sociale, est donc un levier puissant qui génère la banalisation du mal fait à autrui 36

Les managers s’étonnent encore que les solidarités se désagrègent et que la coopération n’est plus privilégiée alors qu’ils sont responsables de cette mise en concurrence.

La montée de l’individualisme, inhérent à notre société moderne, fait donc vaciller l’ancienne cohésion sociale ce qui provoque implicitement la dégénérescence des structures collectives. En ce sens, l’individualité est la résultante d’une société atomisée qui ne serait plus que l’addition d’individus désorientés et non une communauté de travail. Le lieu de travail comme espace de socialisation est donc une époque “ révolue ”.

La décrépitude de l’esprit collectif comme conséquence inhérente aux aspirations gestionnaires

L’objectif d’excellence humaine aurait conduit à une fragmentation de la société. En effet, les soutiens collectifs ont perdu en force et en légitimité face à des politiques de ressources humaines et des entreprises qui institue l’individualisation. Cette individualisation forcenée du rapport au travail est critiquée car elle permettrait à l’employeur d’imposer facilement à l’employé des contrats courts. Celle-ci est notamment induite par une sollicitation exacerbée des individus et une compétition mondiale muée en compétition interne (entre les salariés d’une même entreprise).

En effet, le risque d’exclusion des maillons faibles engendre un affaissement du collectif qui se concrétise notamment par le “ chacun pour soi ”. En outre, la désyndicalisation est le symptôme d’une situation dans laquelle chaque employé est plus préoccupé d’améliorer sa situation personnelle ou de sauver sa place que de développer des solidarités collectives contre un pouvoir insaisissable alors que le ciment des relations sociales est sans nul doute l’idée de solidarité qui est la plus à même de dévoiler et de défendre les intérêts d’un groupe ou d’une société donné(e). Cette constatation est notamment perceptible dans le domaine professionnel puisque, selon Durkheim, “ le travailleur, bien loin de rester courbé sur sa tâche ” ne doit pas perdre de vue ses collaborateurs car la société se doit d’être autre chose que la somme des individualités. En effet, la société comme le monde du travail doit conjuguer les forces des individus qui les composent car ce sont des milieux dont la régulation tient à l'interdépendance de ses constituants. Les groupements notamment professionnels apparaissent, de tout temps, comme des instruments de cohésion et de régulation sociale mais leur effectivité est contrariée face aux ingérences étatiques et aux évolutions conjoncturelles souvent rapides qui caractérisent la société contemporaine.

Le monde professionnel est donc confronté à un effritement du lien social induit par l’accroissement des inégalités, les nouvelles technologies, les nouveaux modes de production, la précarisation des conditions de travail et le chômage massif. Il y a une donc une rupture des liens qui unissent les salariés dans le cadre des collectifs de travail. De nos jours, ces “ collectifs de travail ” sont contrariés par les nouvelles formes d’organisation du travail : CDD, intérim, polyvalence, sous-traitance…qui entraîne une moindre adhésion sociale dans le travail car il est plus difficile de partager des valeurs dans ce contexte.

La fonction du collectif en matière de santé mentale consiste à mettre en forme et à prendre en charge une part des conflits qui opposent l'individu aux pressions exercées par l'entreprise. Dès lors que cette fonction n'est plus remplie, la pression sur l'individu s'accroît considérablement, au risque de la rupture. La résurgence de l’individualisme apparaît donc difficile à contrecarrer et les individus sont de plus en plus désorientés. Il est nécessaire de mettre en garde contre l’évaluation individualisée des performances qui joue un rôle non négligeable dans la déliquescence des collectifs de travail car elle est sans doute “ le grand fossoyeur de la solidarité au travail ”. 37 En outre, les individus sont davantage préoccupés par leur carrière individuelle que par une réflexion d’ensemble et des actions communes pour défendre leurs intérêts. Les pouvoirs publics, à travers la création de ministères “ spécialisés ” sont conscients de ce changement : en effet, le ministre de l'emploi est aussi celui de la solidarité.

De plus, la médiatisation joue un rôle non négligeable en ce que la multiplication des reportages sur les exclus dévoile la perte du sentiment de solidarité dans une société de plus en plus individualiste et consumériste.

Le pouvoir managérial désamorce la constitution de collectifs durables mais la déliquescence de l’esprit collectif, intrinsèquement lié à un univers professionnel ambitieux et recherchant l’efficience maximale, n’est pas la seule manifestation du mal-être de la collectivité de travail. En effet, cette dernière est confrontée à diverses tensions et pressions qui affectent son bien-être et mettent en péril son équilibre psychique et sa vie toute entière.

II/ Les aspects délétères de la pression : une “ instrumentalisation stigmatisante ” nocive à l’état psychique de la sphère salariale

La pression des entreprises, de plus en plus virulente et pernicieuse, a un effet dévastateur sur l’état d’esprit et le bien-être des salariés. La recrudescence de la violence au sein des relations professionnelles est une illustration pertinente pour confirmer l’aspect délétère du management contemporain. En effet, les brimades, l’ostracisme et le harcèlement semblent être en plein essor au sein des entreprises qui dénigrent le capital humain au profit de la rentabilité. Bien que fortement médiatisés, ces phénomènes sont rarement dénoncés par les salariés qui ont peur d’être exclus, de devenir eux-mêmes des victimes voire de perdre leur emploi ce qui les enferme dans une complicité “ passive ” (A).

La dimension temporelle du travail est au cœur des préoccupations managériales qui tentent d’établir des standards et faciliter l’immédiateté des réponses. Ce culte de l’urgence favorise le développement du stress qui peut galvaniser le salarié ou alors le détruire psychologiquement. En effet, le stress et le surmenage font désormais partie intégrante d’un monde professionnel en mouvance permanente. Les salariés, exposés aux changements incessants, doivent faire preuve d’adaptabilité et de remises en question. (B)

A°La figure prédatrice du management contemporain à travers le spectre du harcèlement moral et la prolifération de la violence

La prolifération de la violence au coeur des relations humaines et professionnelles

Le monde du travail n’est pas épargné par la violence car on perçoit un accroissement des comportements tyranniques et abusifs des supérieurs hiérarchiques envers leurs subalternes. L’emploi sous la forme d’un échange de la capacité de travail contre un salaire permet la prospérité mais autorise aussi l’aliénation jusqu’à l’esclavage affiché et dissimulé des plus vulnérables 38 Le climat persécuteur qu’engendre la fréquence des avertissements devient un levier traumatique puissant. Ces dernières années, les relations humaines se déroulent sous le signe de la tension et de l’agressivité. Il est à déplorer que la société contemporaine, affectée par une insécurité et une instabilité grandissantes des emplois, apparaisse comme un terrain de jeu propice à la violence. La captation de l’individu, réduit à un statut d’objet manipulable, débouche sur toutes les formes de maltraitance possible 39 .

La violence peut revêtir différents visages mais ce qui caractérise principalement le monde du travail est sans nul doute les agressions verbales. La violence n’est plus physique car ce sont les mots qui blessent ce qui ne crée pas une atmosphère poussant au travail. Les empoignades, les altercations, les rixes et les débordements ne sont que très rares car l’entreprise est tout de même un monde normé et policé qui sanctionne les comportements violents. Aujourd’hui la sournoiserie et les brimades s’immiscent dans les rapports professionnels ce qui n’est pas aussi visible et entrave la prise de mesures appropriées.

Un rapport du B.I.T. à propos d'une enquête sur quinze états de l'Union européenne en 1996 révèle que 8% des personnes interrogées se disent victimes de brimades et d’intimidations. 40 . En outre, il semble opportun de dire que la communication au travail se déshumanise.

La violence peut être ressentie d’une façon sourde et comme impersonnelle par l’impossibilité d’atteindre les objectifs fixés. Elle revêt différentes formes en ce qu’elle peut être souterraine, répétée, brutale, soudaine voire traumatisante. Les agressions peuvent être directes c’est-à-dire qu’elles peuvent viser l’identité d’une personne, jouer sur la peur et les angoisses de la “ cible ” voire utiliser les ressorts de l’affectif. On recense également des agressions indirectes comme les rumeurs, le dévoilement de la vie privée voire la mise au placard.

On assiste donc a une prolifération des situations ou des personnes st maltraitées, menacées ou agressées dans des circonstances liées à leur travail qui mettent à l’épreuve leur sécurité, leur bien-être ou leur santé. Il est à regretter que les règles de base du savoir-vivre deviennent obsolètes face à la montée de l’incivilité et de la violence dont le harcèlement est la forme la plus dure.

Le harcèlement moral comme manifestation perverse de la “ domination ”

En pratique, le harcèlement moral a pour objectif “ pervers ” de “ briser psychologiquement ” le salarié. Ce harcèlement peut être défini comme “ la destruction progressive d’un individu ou d’un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pressions réitérées destinées à obtenir de force de l’individu quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et entretenir chez l’individu un état de terreur ” 41 . Le harcèlement moral peut être perçu comme une aliénation sociale dans le travail induite par le poids de contraintes psychiques sur un sujet exercées par l’organisation du travail, par les modes de gestion et d’évaluation ou de direction de l’entreprise 42 . Le terme de “ mobbing ” est souvent employé pour décrire l’enchaînement sur une assez longue période, de propos et d’agissements hostiles.

Le harcèlement est nécessairement caractérisé par la répétition et la durabilité ce qui montre que les pressions sont généralement des petits assauts voire des attaques d’apparence anodine mais qui percent la carapace caractérielle des salariés qui deviennent de plus en plus vulnérables.

Le harcèlement moral, qui s’apparente à une discrimination, n’est pas nouveau mais il s’introduit plus facilement grâce aux interstices creusés par la destruction de l’esprit collectif. Le harcèlement moral a plusieurs variantes 43 comme le harcèlement institutionnel qui dévoile les finalités perverses des méthodes de gestion et des politiques de ressources humaines qui épuisent le salarié incarnée, à titre d’illustration, par le “ stalking ” qui est la surveillance constante des salariés et la traque de toute perte de productivité et de rendement.

On recense également le harcèlement stratégique met en lumière des pressions destinées à faire partir le salarié sans enclencher la procédure légale de licenciement qui apparaît contraignante pour les entreprises. Le harcèlement le plus répandu est celui qui vise l’humiliation.

Les causes du harcèlement sont donc multifactorielles ce qui rend la compréhension du phénomène plus délicate. Toutefois, le caractère abscons et extensif de la définition de harcèlement moral permet d’assurer une protection efficace de la collectivité de travail.

On peut mettre en lumière un paradoxe dans le phénomène de harcèlement car la vie professionnelle répond à un enjeu de productivité et de rentabilité alors que harcèlement est contre-productif car il pousse la cible à l’isolement et à l’autodévalorisation.

Le harceleur est, généralement mais pas automatiquement, une personne hiérarchiquement supérieure et d’apparence sociable qui manie les paroles comme des armes.

Il n’existe pas de profil type du harcelé car le harcèlement moral peut aussi bien concerner les “ grandes gueules ” 44 que les personnes fragiles et vulnérables. De plus, le harcèlement moral est parfois assimilé à une “ pathologie de groupe ” qui use de l’ostracisme pour mettre à l’écart des personnes considérés comme “ inutiles ” ou “ nuisibles ”.

La placardisation : vers une néantisation sociale des salariés “ marginaux ” ?

La placardisation d’un individu est un processus d’exclusion sociale qui induit isolement, solitude et souffrance. Les salariés sont “ étiquettés ” comme “ indésirables, inutiles ou gênants ” lorsqu’ils ne véhiculent pas les valeurs que l’entreprise prône ou encore lorsqu’ils refusent de s’inscrire dans un rapport hiérarchique (de dominant/dominé). Ils revêtent alors le rôle de victime sacrificielle. Il s’agit en quelque sorte d’une discrimination sociale qui s’introduit de manière pernicieuse dans les relations professionnelles. Cet ostracisme peut provenir des pratiques managériales mais il peut également atteindre la “ communauté de travail ”. La relégation d’un salarié peut avoir des origines très diverses. En effet, la modernité et la performance sont des dogmes préjudiciables aux “ seniors ”, réputés traditionnellement réticents aux changements et à la mobilité, qui peuvent alors être mis sur la touche afin que l’organisation puisse “ injecter du sang neuf ” 45 De plus, la législation sur les retraites à engendrer un effet pervers car elle a facilité la cessation prématurée de l’activité et a donc permis l’organisation de “ portes de sortie ” ce qui entretient l’idée que le marché du travail doit être rajeuni. Les directeurs d’agence appliquent généralement la formule du renouvellement d’équipe lorsque celle qui est mise en place apparaît “ trop vieille ”. 46 De plus le “ jeunisme ” est priorisé car les jeunes constituent une main d’œuvre plus malléable et plus docile. Cet état de fait attise les conflits entre générations sur le lieu de travail où les “seniors ” perçoivent les “ jeunes ” comme des rivaux.

L’exclusion peut également résultée d’un handicap physique : en effet, les “ bras cassés ” ou “ les inaptes ” 47 sont mis au rebut car ils ne peuvent pas assurer la rapidité à laquelle la direction aspire. De plus, le retour d’un arrêt maladie ou d’un congés maternité est souvent synonyme de “ lynchage ” : les collègues se liguent contre la personne qui s’est octroyée “ du repos ” notamment car la personne absente n’est pas remplacée et que donc la charge de travail des personnes restantes s’accroît 48 . Ce règlement de compte peut également être mis en œuvre par la direction qui risque d’assimiler un arrêt du travail à des vacances et parfois le supérieur hiérarchique téléphone à la personne absente pour, de manière “ courtoise ”, l’inciter à revenir au plus vite.

Les syndicalistes sont également dans le collimateur des dirigeants d’entreprise car “ tout sympathisant à une centrale syndicale autre que celle choisie par la direction est victimes de brimades et de railleries ” 49 . Leurs fonctions au sein de l’entreprise font l’objet d’une attention particulière, ils évoluent dans un climat de suspicion et on hésite généralement à leur attribuer certains postes. Les salariés intrépides ou les “ fortes têtes ” 50 qui refusent de se plier aux règles contraires à leurs convictions ainsi que les salariés n’ayant pas la même obédience politique que celle des dirigeants peuvent aussi faire l’objet d’un isolement social.

Les salariés “ placardisés ” recherchent les explications d’une telle relégation mais l’impossibilité de repérer la logique de ce mode de traitement crée les conditions d’une désorganisation psychique 51 . En effet, celui qui est victime d’un tel processus de dénégation, perçu comme “ persona non grata ”, est confronté à l’ignorance de la “ communauté de travail ”, à la rétention d’information, à l’isolement social voire même à la transparence.

L’explication de cet ostracisme réside peut-être dans la volonté de “ se débarrasser ” de celui qui ne se conforme pas à la culture de l’entreprise et donc l’argument de l’incompétence est à mettre aux oubliettes. La perte de solidarité ressurgit dans de telles situations car “ le placard est un processus de destruction de l’individualité avec assentiment de l’entourage ” 52 .

La cohésion sociale est donc bien tombée en décrépitude alors que, seule, la “ victime ” ne peut pas sortir indemne de cette atmosphère hostile et contaminée par la violence.

La délicate dénonciation entre tabou, silence et peur des représailles : une complicité sous-jacente ?

La violence et l’ostracisme, pratiques de plus en plus courantes, font difficilement l’objet d’un traitement de fond en ce que les salariés semblent, sauf cas exceptionnels, être enfermés dans une communauté du silence qui contribue à la pérennité de ces modes de gestion dégradants. Le culte de la “ virilité ” n’améliore pas la situation en imposant une forme de silence à ces souffrances et en empêchant la prise en charge précoce de ces troubles.

En effet, la peur de revêtir le costume de victime sacrificielle et de subir des représailles (lynchage) entretient le mutisme de la masse salariale qui, par ce biais, devient complice du “ bourreau ”. A titre d’illustration, on peut dire que la “ placardisation ” est un processus de destruction de l’individualité avec assentiment de l’entourage qui, donc, semble cautionner les pressions exercées contre un collègue.

Il est possible de dresser un parallèle avec les pratiques de bizutage particulièrement décelables dans l’enseignement où des personnes laissent se dérouler des actes dégradants sans réagir et y prennent même partie.

La politique de l’autruche et les œillères sont comme un consentement passif à la souffrance de l’autre car l’entourage professionnel reste trop souvent passif, silencieux, pour ne pas dire complice 53 . Toutefois, la complicité passive peut se muer en complicité active en ce que le pervers séduit toujours les membres du groupe les plus dociles, les soudant dans une critique commune de la personne isolée 54 .

Christophe Dejours a finement démontré les mécanismes qui régissent le comportement des collaborateurs simplement consentants ou motivés pour participer à l’oppression

En effet, le “ harceleur ” ou le “ bourreau ” peut insidieusement faire d’un complice passif un complice effectif capable de devenir un harceleur en puissance. En outre, l’expression de la réversibilité des rôles de bourreau et de victime trouve ici tout son sens. Ceci laisse penser, à titre d’exemple, que le harcèlement moral prend racine dans un univers professionnel “ corrompu ” qui donne son autorisation tacite à des pratiques managériales douteuses.

La relation binaire harceleur-harcelé peut alors se muer en une véritable pathologie de groupe.

Ce sombre constat dénote une réceptivité du groupe à la manipulation 55 . Il est également probable que la complicité soit justifiée par l’appât du gain dans le sens ou le harceleur d’une personne agite sous le nez des témoins une quelconque rétribution comme l’octroi d’une promotion en contrepartie de leur silence.

Dans une perspective moins caricaturale, il est plausible que les salariés se refusent à jeter l’opprobre sur l’organisation pour laquelle ils se sont investis.

Cet attentisme crée une ambiguïté des rôles nocive à l’expression d’une quelconque solidarité. Pourtant, la nécessité de stratégies de défense contre la souffrance semble être décisive dans la lutte contre le consentement à l’injustice et à la banalisation du mal. Lorsqu'une personne est en souffrance dans son travail, une de ses plaintes les plus fréquentes est de n'être écoutée ni par sa hiérarchie, ni par ses collègues, ni par les représentants du personnel.

De plus, le “ complice ” ne semble pas prendre en considération le fait que sa responsabilité morale voire pénale puisse être engagée. En effet, le silence face à des agissements de harcèlement est assimilable à la non assistance à personne en danger.

Toutefois, à l’instar des personnes jugées au Procès de Nuremberg pour crimes contre l’humanité (exterminations des juifs…), il est impossible de se retrancher derrière le devoir d’obéissance qui est inopérant pour justifier le “ voyeurisme ” et l’inaction devant ces “ ignominies ”.

B° L’omniprésence du stress et de l’urgence dans la sphère professionnelle : une composante à géométrie variable

L’intégration pernicieuse du facteur temps : le culte de l’urgence et du compactable

L’établissement de standards de travail est devenue une pratique commune des managers ce qui induit une vision du travail découpé en unités de temps. La difficulté réside dans le fait que ces unités de temps ont tendance à diminuer en raison d’un environnement mondial de plus en plus en proie à la concurrence.

Cette modélisation temporelle permet, selon les directeurs d’entreprise, d’éviter les écueils des “ pertes de temps ”. Toutefois, environ 57% des salariés ont l’impression de ne pas avoir assez de temps pour accomplir le travail qui leur incombe 56 .

Le processus de contraction du temps est une contrainte importante pour la collectivité de travail qui se voit imposer, au fil du temps, une pression paradoxale exacerbée par une volonté de satisfaire “ le client ” pour le peu qu’il soit solvable.

En effet, le client est un consommateur de biens et de service mais il est également un salarié en ce qu’il “ exerce ” une activité professionnelle. Le statut salarié du client devrait canaliser ses envies car il connaît, lui aussi, la difficulté de travailler dans l’urgence mais il semble que ce ne soit pas le cas.

L’urgence est, en partie, due au développement des réseaux de communication qui permettent de joindre le salarié à tout moment comme internet (e-mail) ou le téléphone portable.

L’urgence, nécessaire pour rattraper le retard mondial, est assimilable à un étau qui se resserre. En effet, la culture de l’urgence correspond à une intensification de la mondialisation et de la concurrence. De 1984 à 1998, la proportion de salariés qui déclarent que leur rythme de travail est imposé par une demande à satisfaire immédiatement est ainsi passée de 28 % à 54 % 57 . Le monde professionnel est contaminé par l’incessante volonté de faire toujours plus dans un laps de temps de plus en plus réduit. L’urgence devient donc le crédo des managers qui répercutent les ambitions des actionnaires sur une masse salariale de plus en plus oppressée. La culture de l’urgence, inspirée par le modèle américain, entraîne l’exacerbation du travail par le jeu de la compression-extension du temps 58 .

L’uniformité des horaires et le contrôle par les pointeuses est éclipsé par la souplesse caractérisée notamment par le travail posté, les astreintes et le travail intermittent…En effet, les salariés évoluent dans un environnement qui tend à écourter et à fractionner congés au détriment de la vie privée et familiale des travailleurs.

L’immédiateté des réponses aux sollicitations du marché est la ligne de conduite à adopter par toute entreprise qui, projetée dans la concurrence mondiale, essaye d’augmenter son rendement le plus rapidement possible. Dans l’univers hyperconcurrentiel auquel l’entreprise doit faire face, l’immédiateté des réponses constitue une règle de survie absolue, d’où un raccourcissement permanent des délais, une accélération continuelle des rythmes et une généralisation de la simultanéité 59 . L’égrènement temporel est généralement mal perçu par la masse salariale. En effet, en 2001, 56% des salariés déclarent travailler à grande vitesse et 60% se disent soumis à des délais serrés 60

L’urgence induit, à long terme, de la fatigue mais elle peut également revêtir un caractère funeste en ce que la sphère patronale est susceptible de se séparer des éléments qui ne suivent pas la cadence imposée. L’urgence est donc un facteur stressogène intrinséquement lié aux changements qui jalonnent le monde professionnel contemporain.

Il apparaît également naturel que le retour de vacances d’un ouvrier soit vécu comme une épreuve de violence car, pendant la période des congés, le temps ne pèse plus et la pression des supérieurs hiérarchiques laisse la place au repos physique et moral.

L’angoisse face à un univers professionnel en mouvance permanente : entre pamphlet et éloge du changement et du progrès technique

Il semblerait, qu’au sein du monde professionnel contemporain, les mots appartenant à la sphère du changement sont omniprésents dans le vocabulaire des décideurs mais malheureusement la pierre d’achoppement est souvent le facteur humain 61 . Le changement revêt généralement une connotation négative pour la collectivité de travail qui voit ses habitudes bouleversées par un effort d’adaptation inévitable. Ce constat permet de d’affirmer que le changement s’accompagne inévitablement d’inconvénients pour les salariés qui peuvent être déstabilisés face à un univers en perpétuelle mouvance. En effet, l’être humain n’est pas programmé pour vivre dans un univers mouvant qui changerait en permanence 62 car l’imprévisibilité et l’incertitude notamment sur les performances engendre une remise en question de l’avenir et de l’estime de soi. Le trouble de l’adaptation semble être l’un des troubles psychologiques les plus répandus, il toucherait entre 5 et 13% des personnes 63

Le changement est, en partie, du à l’interférence du progrès technique dans les techniques de production. L’obsolescence des compétences doit impérativement être contrecarrée par une formation perpétuelle des salariés aux nouvelles technologies et méthodes de travail. La nécessité de spécialisation voire d’hyperspécialisation peut être vécue comme une perte de sens et un appauvrissement du métier initial. Ce progrès technique peut être responsable d’un chômage frictionnel (de court terme) lié au délai d’adaptation nécessaire voire, dans une perspective pessimiste, un chômage de longue durée en ce que les entreprises peuvent utiliser le progrès technique pour baisser la demande de travail. L’argumentation de la hausse du chômage est souvent avancée par la collectivité salariale mais, concrètement, on ne recense pas de relation directe certaine et objective entre le progrès technique et le chômage. En effet, la théorie économiste de la “ destruction créatrice ” 64 explicite le fait qu’au niveau global, on enregistre des suppressions de poste mais également des créations d’emplois sur des secteurs qui portent le progrès technique. Il est important de souligner que le progrès technique augmente les qualifications demandées par le marché du travail. Par conséquent, si on ne traite pas ses effets, le progrès technique peut être source de chômage technologique en ce que les personnes aux compétences “ obsolètes ” peuvent être durement affectées. Le désoeuvrement peut engendre du stress chez les salariés qui doivent s’adapter aux exigences toujours plus accrues de la conjoncture. A titre d’illustration, le changement de direction est parfois synonyme de déliquescence en ce qu’il risque d’occasionner un remaniement des effectifs.

En effet, l’équipe de travail en place peut être critiquée comme étant “ trop vieille ” et donc “ pas assez rapide ” ce qui nécessité d’injecter du sang neuf qui boostera la production et qui travaillera davantage en considération du temps.

Ce constat permet de mettre en lumière le phénomène inévitable que génèrent le changement et l’urgence chez le travailleur, en effet, le stress fait désormais partie intégrante de l’univers professionnel.

3) Les polémiques autour d’un fléau contemporain : entre effet dopant et effet toxique

Le terme “ stress ” provient du latin “ stringere ” qui signifier serrer et fait implicitement appel à la notion de contrainte. Le stress est une réaction de l’organisme pour s’adapter aux menaces ainsi qu’aux contraintes de notre environnement. La notion de stress professionnel apparaît au cours des années 60 65 mais historiquement le terme de stress émerge au 18ème siècle et signifie “ épreuve ” voire “ affliction ”.

Les individus ne sont pas égaux devant cet état car certains sont plus enclins à la sensibilité et à l’anxiété. Ce constat permet d’affirmer que le stress doit faire l’objet d’une approche individualisée. En effet, il est utile d’opérer un décryptage de la dimension subjective de la réaction de stress.

Pour certaines personnes, la production d’adrénaline induite par la réaction d’urgence et d’alerte est une donnée essentielle pour se confronter à la dure réalité du monde professionnel et aux exigences de performance. Dans cette optique, le stress apparaît comme une réponse à un challenge 66 . En ce sens, le salarié est assimilable à un athlète qui se prépare à une compétition. Le stress semble donc indispensable notamment aux yeux de ceux qui s’en servent comme d’une “ drogue ” ou d’un viatique mais il ne faut pas oublier que, dans la plupart des cas, il est vécu comme un “ cataclysme social ”.

On parle parfois de “ bon stress “ ou de “ mauvais stress ” comme on parlerait de bon ou de mauvais cholestérol. Le “ bon stress ” serait celui qui favorise la performance et l’apprentissage alors que le “ mauvais stress ” risque d’altérer les capacités relationnelles et de déclencher l’apparition de certains troubles. En effet, le stress est considéré comme fait générateur de pathologies comme les maladies cardiovasculaires. Au cours de l’année 1998, 57% des français estimaient accomplir leur travail dans des conditions stressantes 67 .

Le stress n’est pas catalogué comme maladie mais comme un élément naturel perçu comme le deuxième problème de santé au travail 68 . Le stress au travail n’est pas une élucubration comme en témoigne certaines études : en effet, en 2002, un salarié sur quatre estime être en position de surstress 69 . L’ensemble des contraintes de la vie professionnelle comme la surcharge de travail est la première source de stress au travail.

Il existe divers modèles qui tentent d’analyser le stress 70 . On peut citer, entre autres, “ le modèle de Kasarek ” qui s’attache aux facteurs objectifs de la situation de travail causant des difficultés d’adaptation puis des troubles sur la santé. Il considère que le niveau de demande psychologique en quantité de travail, le niveau de latitude décisionnelle ou le niveau de soutien social sont des éléments potentiellement stressants.

On peut également citer “ le modèle de Siegrist ” où le stress apparaît comme le déséquilibre ressenti entre les efforts consentis pour satisfaire les exigences du travail et les récompenses attendues par la personne. De manière complémentaire, le modèle transactionnel n’est autre que l’analyse du stress résultant d’un déséquilibre entre les contraintes imposées par la situation de travail et les ressources dont on dispose pour y faire face. Le stress peut être perçue comme un mécanisme d’adaptation biologique passant par une phase d’alarme permettant la mise en place de défenses par l’organisme, par une phase de résistance qui dévoile l’adaptation à une situation et pour finir par une phase d’épuisement lorsque l’organisme a dépassé ses capacités d’adaptation.

On recense, de nos jours, environ 300 000 pathologies de stress 71 qui concernent de plus en plus la collectivité de travail.

4) Les “ pathologies du surmenage ” : une sphère salariale consumée de l’intérieur

La dénégation des signaux extérieurs que sont le stress et la fatigue va conduire lentement mais sûrement vers un état dépressif. On peut, sans être trop virulent, incriminer l’esprit de compétition outrancier qui anime les entreprises et une partie du corps social. En effet, les entreprises mais également les services publics sont touchés par “ les pathologies du surmenage ”. En outre, dans les services publics comme la Poste ou la Sécurité sociale, le personnel est soumis au stress de la contrainte de “ productivité ”.

On perçoit inévitablement les prémices du syndrome d’épuisement dans cet incessant mouvement de “ toujours plus ”. L’inadéquation entre les moyens humains et le travail demandé, le travail idéalisé, le “ zéro défaut ” et l’ambiance de performance peuvent conduire au stress préfigurant parfois la dépression.

La sensation de spleen et d’emmurement prend donc le pas sur la maîtrise du travail et de la vie. En France c’est un psychiatre nommé Weil qui, en 1969, va développer le concept épuisement professionnel 72 .

La dépression est généralement issue d’attentes démesurées. Le “ burn-out ” qui signifie “ incendie interne ” est une des pathologies dérivant du stress et s’attaque généralement à des personnes pourvues de responsabilités et subissant des pressions croissantes de la part de leur supérieur et de la société elle-même. Le “ burn-out ”, appelé communément “ la maladie de la relation d’aide ”, touche principalement les pompiers, les infirmiers, les travailleurs sociaux et même les médecins qui dispose d’un professionnalisme et d’une conscience professionnelle particulièrement aiguisés. Les professionnels travaillant dans des établissements sanitaires et sociaux exercent leur métier dans un secteur où les évolutions de l’environnement, de la réglementation et de l’organisation du travail sont permanentes. Ces changements peuvent induire une perte de sens, un sentiment d’impuissance ou d’échec personnel et conduire au phénomène d’usure. Ironiquement, un médecin du travail, un salarié parmi les autres qui soulage les maux et l’état psychique des salariés, est également en proie au stress et au surmenage. En effet, l’organisation du travail oppresse le salarié, qui en se confiant au médecin du travail, peut susciter l’empathie de ce professionnel de la santé. Ainsi, le médecin peut être une victime collatérale d’une organisation du travail atomisée et oppressante.

Dès 1768, le Docteur Tissot décrit les méfaits de l’acharnement au travail sur la santé 73 en relation étroite avec le stress permanent et prolongé. Sommes-nous sur la voie du Japon qui pousse des salariés, dévoués corps et âmes à leur travail, à la dépression voire au suicide ?

“ La mort par surmenage ” liée au stress et à la dépression est courante dans ce pays et est appelée “ Karôshi ”. Cette mort subite par accident vasculaire touche particulièrement les hommes de 25 à 40 ans ne présentant aucun antécédent cardiovasculaire et aucun facteur de risque Les japonais sont connus pour leur dévotion totale à leur travail (valeur primordiale de leur société) et leurs faibles périodes de repos : en effet, un salarié sur quatre ne part jamais en vacances et, lorsqu’il y a vacances, elles ne sont que de courte durée. Le gouvernement Japonais, qui souhaite mener son pays à la première place économique, réclame toujours plus des salariés qui, avec des horaires élastiques et de longs trajets en transport en commun, commencent, depuis peu, à se révolter. En effet, en décembre 2006, les syndicats protestent contre le non paiement des heures supplémentaires.

La souffrance au travail, de plus en plus médiatisée, semble atteindre des proportions alarmantes. Le mal-être conduit la collectivité de travail à des actes de désespoir et d’incompréhension qui nécessitent une dose de prévention et l’établissement d’actions correctrices voire “ salvatrices ” y compris par les entreprises.

III/ La souffrance au travail comme épiphénomène métamorphosé en affection médiatique : entre analyse psychodynamique et prescriptions “ salvatrices ”

Hier encore, la souffrance physique était au cœur de la polémique sociale mais ce temps semble “ quasiment révolu ” par l’émergence du mal-être de la collectivité de travail. Ces dernières années, on assiste à une dégradation des conditions du travail par l’effet de pratiques managériales de plus en plus exigeantes. Cette souffrance, qui dévore les salariés de l’intérieur et affecte la cellule familiale, les épuise et les plonge dans un abîme de non sens. La sphère salariale, fragilisée par la rigidité de l’organisation du travail, est en proie à des actes désespérés qu’il faut analyser comme une usure et un “ trop plein ” de pression (A). Le combat sociétal contre les dérives des méthodes de management contemporaines s’avère délicat dans les années à venir. Il est primordial de placer la santé mentale du salarié au centre des préoccupations de la médecine du travail ainsi que dans une perspective pluridisciplinaire afin d’éviter l’expansion de phénomène de souffrance psychologique au travail. De plus, les entreprises doivent absolument “ repenser ” leurs stratégies managériales dans un souci de protection des travailleurs et de leur santé (B)

A° La recrudescence des “ dérives comportementales ” comme réponse au mal-être ambiant

La transmutation de la pénibilité et ses effets sur “ la cellule familiale ”


La notion de violence au travail est en train d’évoluer en ce sens que l’on accorde désormais autant d’importance aux comportements psychologiques qu’aux comportements physiques 74 . Au siècle dernier, les principales sources de stress étaient l’environnement physique et la pénibilité des tâches. La pénibilité était incarnée des conditions de travail difficiles à supporter comme la promiscuité, l’absence hygiène et de sécurité, la sous-alimentation et les accidents de travail…Les salariés luttent quotidiennement pour survivre dans cette atmosphère écrasante. Au 19ème siècle, on parlait de “ forces du travail ” car les entreprises cherchaient surtout à mobiliser la force physique mais, de nos jours, le terme de “ ressources humaines ” semble plus approprié par la recherche d’une capacité de résistance…L’endurance psychologique de la masse salariale est parfois “ mesurée ”, “ modélisée ” par des employeurs qui, avant même la naissance de la relation de travail, testent la résistance des salariés par divers entretiens, tests ou questionnaires.

Au fil du temps, l’amélioration des conditions de travail devient une préoccupation de l’instance étatique qui essaye notamment de résoudre les problèmes d’hygiène. La dureté physique est donc progressivement résorbée alors que la toile de la souffrance mentale se tisse et “ étrangle ” la collectivité de travail. En effet, les multiples facteurs de stress physique régressent progressivement alors que les autres sources de stress : pression, changements, frustrations et relations humaines sont en progression constante ce qui entraîne une désynchronisation permanente des rythmes biologiques 75 .

La peinture des conditions de travail difficiles réalisée par des ouvrages comme l’Assommoir ou Germinal semble désuète. La pénibilité n’a pas pour autant disparu mais elle a tout simplement changé de forme. La difficulté psychologique s’est donc substituée à l’ingratitude des tâches ce qui démontre que le travail a conservé son caractère contraignant. Les multiples formes de travail “ posté ” comme les trois-huit, qui se développent dans un contexte de flexibilité 76 , modifient profondément le rapport au travail. Le travail de nuit, par exemple, peut jouer un rôle non négligeable sur la perversion voire la destruction de la cellule familiale. En effet, l’argument selon lequel la rupture vécue sur la scène professionnelle contamine les relations conjugales, familiales, amicales, prend tout son sens dans cet univers professionnel oppressant. Il semble être rentré dans les mœurs que la distinction traditionnelle entre lieu de travail et domicile, entre temps de travail et temps de la vie privée s’estompe et s’estompera de plus en plus. La cellule familiale est donc contaminée par l’acharnement au travail d’un ou de plusieurs de ses membres. Cette implosion de la structure familiale est notamment facilitée par le “ télétravail ”.

La notion de famille peut également revêtir un autre sens, en effet, elle peut recouvrir l’esprit de convivialité qui règne ou plutôt qui régnait sur le lieu de travail. Auparavant, la pénibilité du travail était plus facilement supportable par une certaine convivialité entre les salariés mais désormais la franche camaraderie n’est plus d’actualité. Les collègues et l’entreprise étaient perçus comme une grande famille qui savait se serrer les coudes en cas de coups durs.

Aujourd’hui, il semble que ce ne soit plus qu’un vague souvenir au regard de la destruction de l’esprit collectif, de la réduction des temps qui permettaient de discuter entre collègues, du turn-over et du contexte conjoncturel imprévisible. Les licenciements dans de grandes entreprises comme Moulinex sont vécues comme une trahison. La durée passée dans une usine ou dans une entreprise tisse un lien de filiation voire un lien marital. L’esprit familial est sacrifié au profit de la logique économique et de la pression des marchés financiers et, par conséquent, le divorce peut être mal vécu par les salariés. Le management familial ou patriarcal peut donc se heurter aux impératifs de la productivité qui ont évolué. Parfois, le fondateur d’une entreprise ne supporte pas de voir son entreprise mise en péril par la concurrence mondiale et en vient à se suicider comme le créateur de la marque de chaussures “ Jallatte ”. L’hostilité de l’univers professionnel peut donc pousser certains travailleurs à fuir la réalité du travail et se réfugier dans des solutions parfois destructrices.

La fuite face à un univers professionnel à l’hostilité grandissante

Dans un univers où la solidarité ne semble plus être de mise, on recense des formes de ripostes individuelles comme l’arrêt maladie 77 . Ce dernier peut apparaître comme un moyen temporaire d’échapper à un environnement professionnel hostile. En effet, il semble que l’arrêt maladie puisse être assimilable à un refuge voire à un abri transitoire 78 . Cette fuite provisoire permet de prendre du cumul mais ne résout pas les difficultés qui ont poussé à cet exil. Le retour au travail sera d’autant plus dur après une période de “ tranquillité ” ou “ d’absence de directives, d’humiliations, de brimades.. ”.

La recrudescence des contrôles des arrêts de travail a pour finalité principale de réprimander les salariés également assurés sociaux qui bénéficient d’arrêts de travail “ factices ” mais le contrôle des arrêts de travail est aussi une option capitale pour les entreprises puisque les employeurs sont autorisés à procéder à des contre-visites médicales en missionnant un médecin contrôleur d’un organisme privé. La licéité de la contre visite médicale réalisée à l’instigation de l’employeur est source de polémiques. L’assuré social fait donc l’objet d’une surveillance de plus en plus accrue sur la régularité de son arrêt de travail et de son état de santé. Ces dernières années, on assiste à une “ traque des faux malades ”. Généralement, les entreprises ne remplacent pas le salarié et la charge de travail du “ chaînon ” manquant se retourne contre les autres salariés. De plus, un salarié absent est un manque à gagner car il fait “ baisser ” la productivité globale. Même compréhensible, cette fuite n’est pas une solution et pénalisent tous les rouages de l’enceinte professionnelle.

Le salarié désemparé et ne pouvant plus supporter les pressions qui s’exercent sur lui peut également donner sa démission. Cette possibilité apparaît comme l’ultime recours pour s’évader de la pression ambiante. . L’absentéisme et le désir de changement de travail achèvent de ternir l’image de l’intéressé. Ceci est problématique car le “ déserteur ”, au lieu de lutter, choisit une option qui ne fait qu’accroître la stigmatisation dont il est victime et ainsi prouver que son “ bourreau ” est arrivé à le déstabiliser et à lui faire baisser les bras .

La fuite peut également être “ psychologique ” notamment par la prise de dérivatifs comme l’alcool ou les anxiolytiques
.

Les cataplasmes sociaux : entre effet placebo et effet annihilant

Du temps d’Emile Zola, la classe ouvrière se servait de l’alcool comme d’un remède contre la souffrance physique et la dureté des conditions de travails. L’alcool est un cataplasme qui assure la désinhibition de l’être. A l’heure actuelle, l’alcool sert de dérivatif à la peur et à l’angoisse entretenues par la “ nouvelle ” organisation du travail.

En cette époque, l’utilisation de drogues et de psychotropes est en plein essor dans le monde du travail pour augmenter le rythme du travail, pour canaliser son stress et pour oublier les réprimandes et les dérives organisationnelles. On estime, en 2001, que 180 millions de boîtes de tranquillisants, anti-dépresseurs et somnifères ont été vendues en France 79 . Même si personne n’en parle, personne n’est dupe car la flexibilité et le diktat de la performance engendrent une automédication de tranquillisants et de stimulants qui peuvent vite devenir un engrenage car les comportements d’accoutumance et de dépendance entraînent une compulsion à prendre de façon continue et périodique ces “ produits ”. La personne qui se “ dope ” par l’absorption de substances médicamenteuses ou autres peut vite perdre le contrôle de ses actes et de sa vie. Cet empoisonnement est généralement passé sous silence pour ne pas laisser paraître que la charge du travail est insupportable et que le seul moyen de faire face est de se “ doper ”. La majorité des DRH estime, par ailleurs, que la consommation d’alcool en entreprise peut avoir des conséquences importantes sur la qualité du travail, la santé des salariés et les accidents du travail mais aussi sur d’autres aspects comme la productivité, les problèmes relationnels, l’image de l’entreprise, les sanctions, l’ambiance de travail et l’absentéisme 80

Diverses substances comme les gélules de caféine, le cannabis, la cocaïne, l'ecstasy et les amphétamines sont désormais à prendre en considération dans le monde du travail. Ce fléau qui compte de plus en plus d’adeptes puise ses racines dans une volonté de gestion du stress car l’idée est que la drogue est un moyen de décupler ses facultés. Cette pratique instinctive peut apparaître fructueuse à court terme mais elle risque de mener, à long terme, vers la dépendance et la destruction de l’être. Alcool, psychotropes, drogues comme les benzodiazépines ou les barbituriques peuvent donner, un temps, une impression de soulagement alors qu’en réalité ils emmurent un peu plus le sujet dans la détresse profonde du syndrome d’épuisement émotionnel.

Cette dépendance et cette pharmacologie “ sauvage ” 81 , bien loin d’améliorer la performance, peuvent être nuisibles au rendement ou mettre en péril la santé de la personne et celle de ses collègues de travail. Ces substances altèrent la précision et le jugement du salarié. En effet, le salarié dépendant devient irascible, colérique et maladroit et risque de commettre ou de provoquer un accident de travail et ainsi causé, involontairement, un préjudice à autrui (par exemple en oubliant de vérifier la sécurité d’une machine et cette négligence peut coûter cher au travailleur qui la manipule).

Cette béquille médicamenteuse peut être analysée avec ironie quand on la rapproche de la nouvelle organisation du travail. En effet, certaines personnes sont “ droguées ” par leur travail à tel point que le lexique de la performance est identique à celui de la boulimie du travail : cet état est perceptible dans diverses expressions comme “ on se défonce pour son travail ” ou encore “ on se shoote ” 82 . En effet, il existe des accros du boulot qui sont, par exemple, désignés comme des “ workaholics ” aux Etats-Unis. Cette dépendance de type fusionnelle dévoile un désir d’accomplissement et de réussite professionnelle.

Toutes ces déviances sociétales ne sont pas toutes mortelles mais le stress au travail peut causer d’autres séquelles indélébiles voire conduire à des actes désespérés comme le suicide. Non seulement, le tabac, piètre moyen de lutter contre le stress, est susceptible de favoriser l’irruption des syndromes anxio-dépressif mais les individus qui abusent de substances comme l’alcool ou les drogues “ se suicideraient ” plus que les autres. 83

Les comportements suicidaires : une collectivité de travail “ épuisée” par des pratiques managériales oppressantes

La recrudescence des suicides survenus du fait du travail semble mettre en accusation une organisation du travail ravageuse et insensible au malaise de la collectivité salariale. Ces comportements suicidaires ne sont que le haut de l’iceberg d’une vaste pathologie de la solitude qui est devenue l’une des caractéristiques du monde contemporain et qui contribue à l’augmentation des dépressions 84 . Aucune statistique ne permet d’affirmer la réelle part de responsabilité de l’activité professionnelle. Toutefois, il y aurait, en 2003, environ 100 000 tentatives de suicides liés au travail. 85

Triste record pour la France, qui vient en tête des pays dans lesquels le suicide notamment chez les hommes actifs est en croissance continue depuis 1975. Leur nombre a atteint 11 000 par an en 2000 “ soit plus de un par heure ” 86 . L’employeur n’a pas à se faire “ juge ” du caractère professionnel d’un suicide car ceci relève incontestablement de la CPAM. En 2007, on estime à environ 300 à 400 le nombre de suicides par an dont 18 sont officiellement reconnus comme liés au travail et indemnisés par la CPAM comme des accidents du travail 87 .

La dramaturgie médiatique liée au suicide au travail donne à cette “ affection ” une signification particulière. Les suicides liés au travail ne sont pas nouveaux mais ce qui mérite d’être signalé est la prolifération de ce phénomène. Le suicide ou sa tentative est généralement précédé d’un état dépressif caractérisé par la tristesse, l’effondrement de l’humeur, la perte d’intérêt et d’appétit et les troubles du sommeil.

Les exemples mortifères se multiplient et le suicide affecte aussi bien les ouvriers que les cadres ainsi que tout secteur professionnel. En effet, en dix-huit mois, quatre employés du centre Hospitalier Victor-Provo de Roubaix ont mis fin à leur jour. Une réorganisation “ sauvage ” du personnel et des horaires postés serait à l’origine de l’épuisement professionnel de ces employés 88 . Ces derniers temps, on recense de plus en plus de cas de suicides ou de tentatives de suicide chez Peugeot et Renault sans doute suite aux cadences toujours plus accrues et aux pressions managériales imposées par ces constructeurs automobiles. En effet, huit cadres et techniciens du Technocentre de Renault à Guyancourt et de la centrale nucléaire Electricité de France de Chinon mettent fin à leurs jours, sur le lieu de travail ou en imputant explicitement leur suicide au travail.

Ce genre de drame a été, presque systématiquement, précédé d’un ou plusieurs arrêts de maladie plus ou moins prolongés. En cas de suicide, la plupart des entreprises se retranchent derrière l’argument des causes non inhérentes au travail pour s’affranchir de la plupart de ses obligations en termes d’analyse, d’enquête et d’évaluation des causes éventuelles liées au travail. Toutefois, la méfiance est de rigueur du côté des employeurs car, sur le plan pénal, “ le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide. ”

De nombreux psychologues et psychanalystes se penchent sur la mécanique qui conduit au geste fatal comme Christophe Dejours qui intervient suite aux suicides chez Renault. Pour lui, les salariés sont tiraillés entre sentiment d’incompétence et impossibilité de tenir les objectifs “ irréalisables ” fixés par la direction. Selon le Ministre Xavier Bertrand, “ les drames de ces derniers mois ” doivent faire l’objet d’une étude attentive par le gouvernement et les partenaires sociaux. Il annonce, lors d’une conférence sur les conditions de travail, qu’il serait judicieux de créer un “ indicateur de stress ” mais cette mesure, dont la mise en œuvre est renvoyée à des groupes de travail, est loin de convaincre…et de pouvoir résoudre le phénomène des suicides liés au travail.

L’aphorisme populaire “ le travail c’est la santé ” est remis en cause par une organisation du travail stigmatisante dont les causes et les effets doivent être analysés et encadrés afin de diagnostiquer et de soigner les malades de la gestion car la prévention des risques psychosociaux ne va pas toujours de soi.

B° La lutte contre la souffrance au travail sous le prisme d’une approche clinique et sociétale rénovée

L’insatisfaction au travail : vers l’obsolescence de la notion d’amour au travail et l’augmentation de la souffrance?

En 2003, une étude relève que deux Français sur trois travailleraient sans plaisir 89 . Ce constat sociologique dévoile un réel malaise de la société. Le rapport au travail est capital car c’est un moteur puissant de construction de la santé mentale et d'épanouissement. L’organisation du travail a modifié le rapport des personnes au travail et il semble que l’amour du travail ne soit plus ce qui fait travailler les salariés car comme le souligne Jean-Pierre Levaray “ la notion d'amour du travail est devenu obsolète ”. 90

Selon une expression caricaturale connue “ celui qui n’aime pas son travail, il n’aime pas sa vie. Et celui qui n’aime pas la vie, il est mort ”. Cette mort peut être passionnelle en raison du travail dilué dans l’anonymat et de l’absence de reconnaissance mais cette mort peut également être physique comme le démontre le nombre de suicides liés au travail. L’insatisfaction résulte d’une discordance entre les caractéristiques biologiques de l’opérateur et l’activité qu’impliquent les contraintes de la tâche. A contrario, la satisfaction dérive d’une “ balance cognitive ” entre les contributions fournies à l’organisation et les rétributions qu’elle offre en retour 91 . Dans le cerveau, l’hypothalamus appelé “ centre du plaisir ” secrète des émotions positives ou négatives 92 . En outre, les récompenses engagent profondément l’activation des émotions comme le plaisir. Ceci permet d’affirmer que l’absence de reconnaissance peut nuire au plaisir d’exercer son métier.

Le travail risque donc d’être exécuté à contrecoeur et la souffrance engrangée et contenue risque de provoquer des ravages psychologiques et d’enfermer le salarié dans une sphère de solitude. Le travail est une confrontation au réel car il peut être source de plaisir quand la personne peut exercer sa créativité, dispose d’une certaine autonomie et qu’elle reçoit une rétribution. Cependant, le travail peut être source de souffrance si la personne est amputée de son pouvoir d’agir et qu’elle ne se sent pas valorisée et reconnue à sa juste valeur. Toutefois, cette vision pessimiste peut être relativisée dans le sens le travail peut être favorable à l’équilibre mental et à la santé du corps, il peut même conférer à l’organisme une résistance accrue à la fatigue, à certaines maladies… Il suffit que “ les exigences intellectuelles, motrices ou psychosensorielles s’accordent avec les besoins du travailleur considéré ” ou que “ le contenu du travail soit source d’une satisfaction sublimatoire ” 93 .

Le bonheur et la satisfaction au travail apparaissent comme des idéaux à atteindre mais en réalité le chemin qui mène à l’épanouissement et à l’intégration professionnels est semé d’embûches.

En 2003, 40% des individus questionnés se déclarent heureuses dans travail mais ce chiffre tend à dévaluer comme le signalent les chiffres de 2005 : en effet, seulement un tiers des personnes se disent heureuses professionnellement parlant 94 .

L’appréciation de la satisfaction au travail passe par divers éléments comme la mesure de la pénibilité, la reconnaissance au travail voire l’ambiance sur le lieu de travail. Les jeunes travailleurs, notamment peu qualifiés, semblent moins atteints par le phénomène d’insatisfaction au travail dans le sens où, de plus en plus cantonnés à des emplois instables, ils ne cherchent qu’à prouver leur valeur pour décrocher “ le ” travail attendu.

Malheureusement il n’y a pas de remède miracle à la maladie de la gestion, il faut donc mener une réflexion d’ensemble pour éviter la survenance du malaise et tenter de mettre en place barrages contre d’éventuelles tensions et violences. Il est également nécessaire de repenser la dispense des soins pour amorcer des solutions préventives durables.

La prévention et la pluridisciplinarité comme procédés thérapeutiques adéquats : vers de “ nouveaux préventeurs ” de la santé au travail ?

Ces dernières années, on s’aperçoit de plus en plus que les contraintes de l’organisation du travail ont des répercussions sur la santé psychique des salariés. En effet, la brutalité des récits de certains salariés met en exergue une nécessité de prévenir les dérives de l’organisation du travail. Il donc nécessaire de mettre l’accent sur la prévention de la violence, du stress, du harcèlement moral...qui connaît encore actuellement de grosses lacunes sur le terrain. On peut recenser des bonnes intentions mais ceci n’est pas suffisant car il faut privilégier les initiatives concrètes. Des actions préventives cohérentes et ciblées permettent notamment de réguler les tensions qui empoisonnent les relations socioprofessionnelles. Les mesures de prévention sont difficiles à mettre en œuvre car elles doivent prendre en considération de nombreux paramètres.

La prévention repose généralement sur un triptyque 95 : elle peut être primaire quand elle a pour finalité de diminuer voire d’enrayer les différents facteurs de risques présents dans l’entreprise. Elle est secondaire lorsqu’elle souhaite donner aux salariés les moyens pour agir individuellement ou collectivement pour combattre les divers risques. On peut également citer la prévention tertiaire qui cherche à aider les personnes qui souffrent psychologiquement à cause de leur travail. Il en ressort que la prévention primaire est celle qui apparaît la plus adéquate en ce qu’elle fait appel à divers champs disciplinaires mais la plus délicate à mettre en œuvre. La seconde est matérialisée par des actions concrètes comme des stages de gestion du stress comme ceux mis en œuvre par la société “ stimulus ” 96 qui se développent et auxquels l’entreprise fait de plus en plus appel. Cependant, même si ceci peut être utile, cette technique est insuffisante pour gommer les facteurs de risques présents sur le lieu de travail du fait du fonctionnement organisationnel et managérial. Il faut traiter le mal à sa source et non de manière “ superficielle ”.

Au regard d’un enchevêtrement de questions, la pluridisciplinarité induite par la prévention primaire semble répondre aux aspirations contemporaines concernant la lutte contre la souffrance au travail. Les enjeux de la santé mentale au travail convergent et plaident pour une mobilisation de tous dans une prévention des risques psychosociaux.

En effet, l’appel à des personnes spécialisées dans divers domaines comme la sociologie, la physiologie, la psychologie… est un moyen judicieux de comprendre les mécanismes psychologiques des patients et donc de mettre en œuvre des plans d’action pour combattre efficacement la prolifération de la violence et du stress dans la sphère professionnelle. La psychologie permet une compréhension profonde des enjeux du travail et de ses effets sur les individus, sur les collectifs et les aspects sociaux.

Le travail pluridisciplinaire n’est pas que de l’addition d’intervenants de champs différents notamment parce que les professionnels, ayant la volonté de constituer sur un objet de travail commun et en charge d’un diagnostic, iront à la rencontre des différents acteurs de l’entreprise et non pas seulement des “ victimes ” de l’organisation du travail.

En effet, l’ergonomie permet l’analyse du poste de travail par une observation directe voire des mesures d’ambiance du bruit qui permettent de suggérer une modification de poste pouvant alléger la charge du salarié. L’intervention ergonomique, en conciliant santé des travailleurs et objectifs économiques des employeurs, a pour finalité d’améliorer les conditions de travail et la santé des travailleurs mais également l’amélioration du fonctionnement, de l’organisation, de la gestion des ressources humaines de l’entreprise.

De manière sous-jacente, elle invite au dialogue social. L’ergonomie classique de “ correction ” est complétée par l’ergonomie de “ conception ” qui est plus rare car elle est du ressort de l’entreprise qui s’occupe de répartir les tâches. Son diagnostic va concourir à la mise en œuvre d’actions immédiates nécessairement élaborées dans un souci de pérennité.

Diverses entités peuvent également être mises à contribution dans la prévention de la souffrance au travail comme l’Inspecteur du travail, le CHSCT voire les partenaires sociaux.

La préoccupation grandissante des partenaires sociaux européens pour le bien-être des salariés est décelable à travers l’accord européen du 8 octobre 2004 relatif au stress au travail complété par l’accord du 26 avril 2007 portant sur le harcèlement et la violence au travail.

De plus, il est du ressort des organisations syndicales de défendre les intérêts des travailleurs et donc de se montrer vigilantes sur l’évolution des pratiques managériales de plus en plus agressives. Le CHSCT, disposant d’un droit d’alerte et d’information, est un atout majeur pour la collectivité de travail. Cette institution représentative du personnel a comme vocation la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. Toutefois, le CHSCT, bien qu’obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, n’est pas toujours mis en place et il est nécessaire de remédier à ce problème d’implantation. Ces dernières années, ce comité a le “ vent en poupe ” comme en témoigne l’abondance du contentieux et il est à envisager un approfondissement de ses missions vers une meilleure protection de la santé mentale du salarié amorcé par la loi de Modernisation sociale du 17 Janvier 2002. En effet, cette dernière préconise un renforcement du rôle du CHSCT dans la prévention de la souffrance notamment psychologique. De surcroît, la récente conférence sur les conditions de travail préconise le doublement du mandat des délégués du CHSCT qui serait ainsi porté à 4 ans comme pour les délégués du personnel.

L’inspecteur du travail, quant à lui, dispose certes de moyens pour “ réprimander ” un employeur malveillant ou peu soucieux de la santé de ses travailleurs mais le caractère ponctuel de ses visites n’est pas suffisant pour détecter le mal-être des salariés et donc remédier à la situation. Ce dernier n’est donc pas à même de régler seul le problème de la souffrance au travail. Seule une démarche concertée, cohérente et confortée par l’apport de divers moyens de lutte et de prévention entre les différents intervenants et acteurs du monde professionnel peut conduire à la résorption du phénomène.

Il est également nécessaire que la prévention passe par la formation du personnel pour éviter une escalade agressive, la notification systématique des évènements ainsi que par l’instauration de mesures d’ordre organisationnel. De surcroît, certaines conditions doivent être réunies pour que la prévention soit un succès. En effet, il paraît indispensable de pouvoir accéder aux documents et aux informations sur le processus technique, la qualité, les résultats de production et de bénéficier d’un appui logistique ainsi que de moyens de diffusion des résultats.

Parfois, il est nécessaire de mettre en œuvre une écoute peut pallier à la défaillance de la prévention et à l’inertie des directeurs d’entreprises. En ce sens, Christophe Dejours souligne que " la guérison" proviendra d’une reprise de la parole, d’une réflexion sur l’organisation du travail, et non de mesures de prévention ou d’une réglementation".

L’effet apaisant de l’écoute des ressentis : entre prévention et réinsertion

La souffrance au travail s'exprime de plus en plus dans les cabinets médicaux des médecins du travail mais aussi de ceux des médecins traitants. En ce sens, il apparaît comme nécessaire d’aider les médecins du travail à prendre plus largement en compte les causes des pathologies du travail et les conditions de réponses individuelles ou collectives. En ce sens on peut parler de “ clinique médicale du travail ” 97 . Les médecins du travail doivent apprendre à “ jongler ” entre diverses disciplines et faire preuve de professionnalisme pour ne pas se laisser submerger par les difficultés des patients. En effet, l’empathie, bien que nécessaire à juste dose, ne doit pas obscurcir le jugement du médecin car un “ surdosage ” risque d’entraver le processus de “ guérison ” du patient.

De plus, le médecin risque de perdre son sens critique s’il “ n’objective pas le subjectif ” et ainsi devenir une victime potentielle “ traumatisme par procuration ” 98 . Le médecin doit se montrer compréhensif mais doit également “ mettre des mots sur des maux ”.

Le rôle premier du médecin du travail est de conseiller le chef d’entreprise ainsi que les salariés dans l’optique d’améliorer les conditions de travail. Qu'il exerce au sein d'une entreprise ou dans un service interentreprises, il a connaissance du poste et des conditions de travail, des conditions d'ambiances générales. Il peut aider le salarié à analyser, élaborer et à prendre des décisions qui concernent sa santé.

De plus, le médecin du travail, de par sa fonction, est un observateur privilégié des dérives managériales et il entre dans sa compétence de canaliser voire d’enrayer le mal-être au travail.

Le secret professionnel, auquel est assujetti le médecin du travail, permet au salarié de se livrer sans avoir peur d’éventuelles fuites auprès de la direction. Cette discrétion souligne son indépendance qui est généralement controversée au regard de son statut de salarié.

Les médecins du travail alertent régulièrement les pouvoirs publics sur les pathologies liées à la menace de la perte d’emploi. Ils ont un rôle exclusivement préventif, ils ne soignent pas mais écoutent et conseillent. Depuis un certain nombre d'années, la violence au travail et ses répercussions sur la santé font l'objet d'études menées par les médecins du travail et les médecins psychiatres. Ils témoignent des pathologies nouvelles qui touchent aujourd'hui toutes les catégories de salariés: de l'employé ou l'ouvrier, aux cadres. En outre, la psychopathologie au travail s'est développée grâce aux observations des médecins du travail et notamment autour du laboratoire de psychopathologie du travail du Conservatoire des Arts, des Métiers et des travaux de Christophe Dejours.

Depuis une dizaine d’années, l’écoute clinique est devenue un moyen privilégié pour les salariés en quête de compréhension et de remèdes à leur souffrance. Les consultations “ souffrance et travail ” deviennent un lieu d’épanchement. A titre d’illustration, on peut mentionner les consultations de l’Hôpital Raymond Poincaré de Garches ou encore celles du centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre ouvert en 1995. En effet, l’écoute clinique fait preuve de disponibilité et prodigue des conseils qui ne basent pas que sur des tableaux cliniques.

Les professionnels doivent circonscrire le contexte et les causes du mal-être c’est-à-dire analyser les méthodes organisationnelles et managériales en se penchant sur l’histoire de l’entreprise et les changements opérés par cette dernière. En effet, il est essentiel d’identifier les points de rupture pour réhabiliter progressivement le “ plaignant ” au monde du travail. Il est donc nécessaire d’opérer un retour à la chronologie des événements qui passe par des techniques de narration et d'écoute. Le travail de restitution permet de faire prendre conscience au sujet de l'installation du processus de violence. Il lui permet de comprendre les mécanismes utilisés contre lui, de décoller histoire au travail et histoire propre, de verbaliser des affects réprimés, mais aussi de prendre conscience des voies de dégagement de la situation d'impasse dans laquelle il se trouve 99 .

C’est à dessein que l’on peut parler ici du renforcement de l’information des salariés victimes qui doit permettre de dépasser le sentiment d’incapacité et d’auto-dévalorisation notamment dans le cadre du harcèlement moral.

On peut également mentionner l’influence apaisante des structures associatives, comme l’association “ Mots pour Maux au Travail ” située à Paris, qui informent sur les droits, accompagnent dans les démarches, orientent vers les services spécialisés. Elles ont pour objectif la reconnaissance de la victime et de ses droits, l’apaisement des conflits et la lutte contre leur isolement.

L’entraide entre divers professionnels comme des psychologues et des médecins, constitués en réseau, tente de soulager les victimes de l’organisation du travail. La mobilisation de plusieurs champs disciplinaires vise, en quelque sorte, à élargir les approches pour davantage d’intelligibilité des problèmes. De plus, il est urgent de responsabiliser la société et les entreprises qui ont plus que concouru à la dégradation de l’état psychique des salariés

La nécessaire “ introspection ” et responsabilisation des entreprises face au phénomène de souffrance au travail

L’entreprise est une actrice et une interlocutrice privilégiée pour mettre en œuvre des actions de prévention mais il semble que la protection de la santé mentale des salariés ne soit pas toujours la préoccupation principale. En effet, seulement 3% des salariés considèrent que leur entreprise était d’abord préoccupée par leur bien-être 100 .

Le Plan Santé au travail, sur proposition de M Borloo, est une incitation des entreprises à devenir acteurs de la santé au travail. Toutefois, certaines entreprises persistent dans le déni et le silence alors que d’autres tentent timidement de changer la situation. Au contraire, d’autres firmes ont ouverts les yeux et essayent de rendre le lieu de travail plus attrayant ou de mettre en place divers services pour faciliter le salarié comme des garderies. Parfois, des séjours au ski ou certaines célébrations sont organisés pour “ décompresser ” et peuvent apparaître comme des moyens de tisser des liens entre des salariés de plus en plus individualistes. Toutefois, ces tentatives de cohésion ne sont pas suffisantes pour remettre debout une “ communauté de travail ” vacillante et torturée quotidiennement par l’idéologie gestionnaire. Certaines entreprises permettent aux salariés de faire des suggestions pour améliorer, par exemple, la productivité et la qualité de vie au travail 101 et, par ce biais, la sphère salariale devient protectrice de son propre bien-être.

D’autres entreprises investissent, quant à elles, de l’argent en proposant à leurs salariés des stages de gestion du stress dont on peut déplorer l’impact dérisoire sur le bien-être du salarié. En effet, ces stages présentés comme un moyen de lutter contre le stress sont, en réalité, un moyen de pousser les salariés à “ doper ” leur performance.

Les sociétés “ pilotes ” qui ont fait un pari sur l’investissement humain restent encore très rares ce qui a tendance à faire une mauvaise publicité. En effet, les entreprises face au suicide et à la souffrance des salariés font généralement preuve de cécité, surdité et mutisme. On peut mentionner le cas d’un médecin du travail chez IBM, veillant sur santé 2100 salariés et quotidiennement témoin de souffrance, qui alerte sa direction qui reste muette 102 .

De plus, la violence est un thème que les employeurs rechignent à traiter car ils refusent d’admettre le problème. Alors que 67% des salariés pensent que leur entreprise a les moyens de diminuer le stress du personnel 57% estiment ne pas avoir confiance en elle pour enrayer ce fléau. 103

Les entreprises doivent prendre conscience de l’étendue du phénomène de souffrance au travail et fournir aux salariés une aide technique voire un soutien “ affectif ” car il suffit parfois d’un peu d’attention, de compliments, pour permettre à un individu vacillant sous le poids du travail de reprendre pied. Le mutisme des directions pousse parfois des médecins du travail à démissionner : par exemple, des médecins de Poitou Charente et du Limousin quittent l’entreprise pour déni de souffrance au travail 104 .

La sphère patronale doit valoriser la place du client en cohérence avec le travail des salariés et doit entreprendre, à l’instar des instances étatiques et des professionnels de santé, une politique de prévention portant sur la dégradation des relations entre les salariés, les violences au travail, les harcèlements, les addictions (organisation de soutien ou de stages de désensibilisation). Les efforts doivent également se porter sur l’adéquation entre exigences et compétences détenues par les salariés tout en instaurant un parcours professionnel valorisé et sécurisé. Les temps de formation doivent être utilisés sans réticence et octroyés aux salariés qui en ont réellement besoin. De plus, la rétribution du salarié, qu’elle soit pécuniaire ou symbolique, ne doit pas être négligée dans un souci de motivation des “ troupes salariales ”. En effet, le stress ayant pour but de “ pressuriser ” le salarié pour obtenir de lui un meilleur rendement a comme effet paradoxal d’être contre-productif. Les entreprises doivent également permettre à la collectivité de travail de “ souffler ” par exemple par la mise en place temps de récupération et l’allongement de la pause “ réglementaire ”. La tendance à chronométrer les temps d’arrêt de travail (temps de pause par exemple) place le salarié dans un état de stress permanent comme s’il était épier à chaque pas. L’entreprise pousse généralement les salariés à travailler en équipe parfois sous la direction d’un “ team leader ” pour canaliser l’esprit compétitif et la mauvaise ambiance entre les salariés. Toutefois, cette tentative de “ solidarisation ” n’est que purement superficielle voire artificielle dans le sens où, parallèlement, elle pousse chaque salarié au dépassement de soi. L’interdépendance des tâches et des fonctions n’est pas suffisante pour résorber l’individualisme croissant. Les entreprises doivent donc repenser le travail d’équipe dans une perspective cohérente c’est-à-dire encourager réellement l’esprit d’équipe par la poursuite d’un objectif commun et non provoquer la compétition au sein d’un groupe de travailleurs notamment par des évaluations individualisées. Il est également nécessaire de repenser la question de l’évaluation au travail dans un souci de rationalité. En effet, les activités de production et de fabrication, dont le résultat est facilement quantifiable, tombent en “ désuétude ” et laisse de plus en plus la place à des activités nouvelles axées sur les relations avec les clients et la tertiarisation. Par conséquent, l’évolution du marché du travail ne permet plus une aussi bonne visibilité du rendement de chaque salarié notamment les commerciaux dont la “ productivité ” est difficile à évaluer. La visibilité de la contribution de chaque salarié à la performance globale de l’entreprise étant brouillée, les entreprises doivent évaluer leur production avec des techniques appropriées aux évolutions conjoncturelles.

En définitive, les entreprises doivent mener un véritable chantier et une politique d’envergure pour éviter les dérives managériales et donc la banalisation de la souffrance au travail.

Conclusion

Préoccupante à bien des égards, la problématique de la santé mentale au travail est devenue un véritable enjeu de société. En ce sens, la psychodynamique du travail est perçue comme l’instrument de révélation et d’analyse de la souffrance au travail insufflée par les nouvelles formes d’organisation du travail. Son analyse est renforcée par maintes études épidémiologiques mettant en exergue les conséquences de la nouvelle organisation du travail

En effet, la santé psychique apparaît de plus en plus menacée par l’organisation actuelle du travail et par les choix managériaux “ rigides ” voire “ agressifs ” qui se banalisent et qui contaminent la vie du salarié car “ le temps hors travail serait ni libre ni vierge et constituerait un continuum du temps de travail ” 105 .

Les conditions de travail, tout autant que les relations socioprofessionnelles, participent à la motivation et au bien-être des salariés. De plus, la satisfaction au travail est un gage d’une meilleure considération et de meilleure qualité de vie pour les salariés mais aussi la “ prédiction ” d’un meilleur rendement pour les entreprises.

La tentative d’appréhension des risques ne doit pas induire une condamnation simpliste du système qui permet et entretient les pratiques de pression car il faut que la souffrance au travail fasse l’objet d’une prise de conscience collective.

De surcroît, il est nécessaire de faire barrage à une approche instrumentale, utilitariste et comptable des rapports entre les hommes sur le lieu de travail et “ d’insuffler plus de proximité dans le management ” notamment afin de “ remettre l’humain au cœur du système ” 106

La société et le droit du travail doivent porter une attention toute particulière, entre autres questions, à la prévention de la violence physique et psychologique au travail, à la gestion individuelle et organisationnelle du stress au travail, à l’évaluation des programmes de prévention, et au retour au travail consécutif à une “ lésion professionnelle ”.Un effort concerté est donc sollicité pour mettre sur le devant de la scène la nécessité de bien arrimer les contributions des uns et des autres.

Il reste donc aux acteurs, qui interagissent dans la sphère professionnelle, d’en prendre acte et de remédier, en connaissance de cause, à ce phénomène de souffrance grandissante au travail.

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I/ Le leitmotiv de la performance : un environnement concurrentiel tentaculaire préjudiciable à la solidarité professionnelle

A° Le refrain de la rentabilité et de la “ flexibilité à outrance ” comme couperets sociaux

Le formatage comme prélude à la soumission : une fidélisation “ sectaire ” ?

Le diktat de la performance et de l’excellence : l’apologie du rendement au cœur du management contemporain

La flexibilisation nocive mettant à l’épreuve l’adaptabilité : vers la polyvalence et le nomadisme professionnel ?

La polémique de la mondialisation et du chômage accentuée par une législation nationale “ consentante ” à la fluidité du marché du travail

B° La montée des individualismes comme symptôme d’une dégénérescence sociale

Le besoin viscéral de reconnaissance et de valorisation comme dynamo sociale

La pratique insidieuse de la dévalorisation : vers une crise identitaire latente ?

L’irruption des comportements déloyaux : vers la déstructuration du “ vivre-ensemble ” ?

La décrépitude de l’esprit collectif comme conséquence inhérente aux aspirations gestionnaires

II/ Les aspects délétères de la pression : une “ instrumentalisation stigmatisante ” nocive à l’état psychique de la sphère salariale

A° La figure prédatrice du management contemporain à travers le spectre du harcèlement moral et la prolifération de la violence

La prolifération de la violence au cœur des relations humaines et professionnelles

Le harcèlement moral comme manifestation perverse de la “ domination ”

La placardisation : vers une “ néantisation sociale ” des salariés marginaux ?

La délicate dénonciation entre tabou, silence et peur des représailles : une complicité sous-jacente ?

B° L’omniprésence du stress et de l’urgence dans la sphère professionnelle : une composante à géométrie variable

L’intégration pernicieuse du facteur temps : le culte de l’urgence et du compactable

L’angoisse face à un univers professionnel en mouvance permanente : entre pamphlet et éloge du changement et du progrès technique

Les polémiques autour d’un fléau contemporain : entre effet dopant et effet toxique

Les “ pathologies du surmenage ” : une sphère salariale consumée de l’intérieur

III/ La souffrance au travail comme épiphénomène métamorphosé en affection médiatique : entre analyse psychodynamique et prescriptions “ salvatrices ”

A° La recrudescence des “ dérives comportementales ” comme réponse mal-être ambiant

La transmutation de la pénibilité et ses effets sur la “ cellule familiale ”

La fuite face à un univers professionnel à l’hostilité grandissante

Les cataplasmes sociaux : entre effet placebo et effet annihilant

Les comportements suicidaires : une collectivité de travail “ épuisée ” par des pratiques managériales oppressantes

B° La lutte contre la souffrance au travail sous le prisme d’une approche clinique et sociétale rénovée

L’insatisfaction au travail: vers l’obsolescence de la notion d’amour au travail et l’augmentation de la souffrance ?

La prévention et la pluridisciplinarité comme procédés thérapeutiques adéquats : vers de “ nouveaux préventeurs ” de la santé au travail ?

L’effet apaisant de l’écoute des ressentis : entre prévention et réinsertion

La nécessaire “ introspection ” et responsabilisation des entreprises face au phénomène de souffrance au travail


Bibliographie

Livres


La société malade de la gestion de Vincent de Gaulejac édité chez Seuil

Le stress au travail de Patrick Légeron édité chez Odile Jacob Poches

L’Homme à l’échine pliée (réflexions sur le stress professionnel) sous la direction d’Ingrid Brunstein édité chez Desclée de Brouwer

La violence de l’excellence de Michel Monroy édité chez Hommes et Perspectives

Travail, usure mentale de Christophe Dejours édité chez Bayard

Souffrance en France de Christophe Dejours édité chez Seuil en 1998

Conjurer la violence de Christophe Dejours

Placardisés : des exclus dans l’entreprise de Dominique Lhulier édité chez Seuil en octobre 2002

Le mal-être au travail de Nicolas Combalbert et Catherine Riquelme-Sénégou édité chez Presses de la Renaissance

Le harcèlement moral de Ariane Bilheran

Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail de Benjamin Sahler, Michel Berthet, Douillet (éditions réseau ANACT)

Comprendre le travail pour le transformer de Guérin, Laville, Daniellou,

Duraffourg, Kerguelen (éditions réseau ANACT)

Burn out : quand le travail rend malade du Docteur François Bauman des éditions J. Lyon en 2006

Le travail : une chaîne sans fin de Frédéric Tiberghien édité en 2001 chez LPM

Journal d’un médecin du travail (la souffrance au travail) ” de Dorothée Ramaut

Le deuxième corps de Marie Grenier Pezé aux éditions La Dispute

L’avenir du travail de Jacques Attali édité chez Fayard

Le temps de la fatigue : la gestion sociale du mal-être au travail de Marc Loriol

Le salarié de la Précarité de Serge Paugam édité chez PUF édité chez Anthropos en 2000

Putain d’Usine de Jean-Pierre Levaray édité chez Agone

Carnets d’un inspecteur du travail de Gérard Filoche édité chez Ramsay

Divers articles

Magazine “ Travail et changement ” de novembre 2004 : La prévention du stress d’origine professionnelle (bimestriel du réseau ANACT pour l’amélioration des conditions de travail)

Magazine “ Travail et changement ” de novembre 2002 : Les conditions de travail revisitées ? (rôle du CHSCT)

Magazine “ Travail et Changement ” de décembre 2002 : Spécialisation et polyvalence (les conditions de travail passées au peigne fin)

Dossier Médico-Technique de l’INRS : stress et risques psychosociaux : concepts et prévention

Article du journal des psychologues : La prévention du risque organisationnel pour la santé physique et mentale au travail de Jean-Claude Valette” n ° 224 de février 2005

Article du journal “Le Monde ” : le stress au travail peut déclencher des troubles psychiatriques du 21 août 2007

Article de “ la semaine sociale Lamy ” de Pierre-Yves Verkindt : Travail et santé mentale de 2003

Article INVS d’août 2007 : Prévalence des troubles de santé mentale et conséquences sur l’activité professionnelle en France dans l’enquête“Santé mentale en population générale : images et réalités

Article Le suicide au travail : quels droits pour le salarié victime ? de Patrick Morvan

Article La reconnaissance au travail : un art à développer de Lucie Legault

Article Violences au travail par Fanny Guinochet paru dans le n° 86 de Liaisons sociales (novembre 2007)

Article L’entreprise à l’épreuve du suicide par Anne-Cécile Geoffroy paru dans le n° 86 de Liaisons sociales (novembre 2007)

Article sur des suicides dans un établissement hospitalier de Roubaix de La voix du Nord du 17 Octobre 2007.

Témoignage d’un DRH de Renault dans le magazine Liaisons sociales de Septembre 2007

Documentaires et émissions de télé

Lundi Investigation “ J’ai mal au Travail ”

“ Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés ”

“ Attention danger travail ” de Pierre Carles

Envoyé Spécial “ Le travail, peut-il tuer ? ”

Zone Interdite du 21 octobre 2007

Complément d’enquête sur la santé au travail du 22 Octobre 2007 “ Travailler tue ”

Fascicules

Les cahiers de L’INTEFP “ la souffrance mentale au travail ”

Fascicule INRS “ Et s’il y avait du stress dans votre entreprise ? ” d’ octobre 2006

Fascicule INRS “ Stress au travail : les étapes d’une démarche de prévention ” de juillet 2007

Fascicule INRS “ Stress et harcèlement moral : aperçu réglementaire et jurisprudence ” de Novembre 2006

Fascicule INRS “ Harcèlement moral au travail ; généralités et contexte français ” de janvier 2003

Fascicule ARACT Aquitaine “ Risques psychosociaux : stress, mal-être, souffrance… ” (guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire)

Fascicule ARACT Haute-Normandie “ La pénibilité au travail ”

Rapports

Rapport du Ministère de la solidarité et de l’emploi d’avril 2002 : “ l’évolution des métiers en santé mentale : recommandations relatives aux modalités de prise en charge de la souffrance psychique jusqu’au trouble mental caractérisé ”

Thèses

Thèse de Loïc Lerouge “ la reconnaissance de la santé mentale en droit du travail ”

Jurisprudence

Arrêt de la Cour de Cassation “ Nikon ” du 2 octobre 2001

Arrêt de la Cour de Cassation du 7 mai 2007

Arrêt de la Cour de Cassation du 17 mai 2005

Sites internet

Amest (Association Médecine et Santé au Travail de Lille)

Anact

C dans l’air

Google (illustrations)

Inrs

Invs

Insee

Ipsos

Ligue française pour la santé mentale

Ministère du Travail, des Relations Sociales et de la Solidarité


Notes


1 P. Davèzes, 1991


2 Expression de Vincent de Gaulejac dans “ La société malade de la gestion ”


3 “ J’ai mal au travail ”


4 Arrêt de la Cour de Cassation “ Nikon ” du 2 octobre 2001


5 Arrêt de la Cour de Cassation du 17 mai 2005


4 6 Arrêt de la Cour de Cassation du 7 mai 2007


7 “ L’homme à l’échine pliée ” sous la direction d’Ingrid Brunstein


8 “ La violence de l’excellence ” de Michel Monroy


9 “ La société malade de la gestion ” de Vincent de Gaulejac


10 “ La société malade de la gestion ” de Vincent de Gaulejac


11 Figaro économie du 30 août 2005


12 “ Le salarié et la précarité ” de Serge Pagam


13 Contrat qui s’inspire du droit commercial où la volonté des parties prévaut


14 Sociologue Guy Aznar


15 “ L’Avenir du Travail ” de Jacques Attali


16 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


17 citation du rapport “ La sécurité de l’emploi. Face aux défis des transformations économiques ” du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (2005)


18 Pierret et Roustang 1994


19 “ Putain d’Usine ” de Jean-Pierre Levaray


20 Souffrance en France ” de Christophe Dejours


21 Article “ La reconnaissance au travail : un art à développer ”


22 Documentaire “ J’ai mal au travail ” (“ mon diplôme c’est mon corps ”)


23 Théorie d’Akerlof


24 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


25 “ Le mal-être au travail ” de Nicolas Combalbert et Catherine Riquelme-Sénégou


26 “ La société malade de la gestion ” de Vincent de Gauléjac


27 L’Homme à l’échine pliée ”


28 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de


29 “ Souffrance en France ” de Christophe Dejours


30 Philosophe Allemand Axel Honneth,


31 “ Le deuxième corps ” de Marie Pezé


32 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ”


33 Documentaire “ J’ai mal au travail ”


34 “Souffrance en France ” de Christophe Dejours


35 “Souffrance en France ” de Christophe Dejours


36 “ Le deuxième corps ” de Marie Pezé


37 “ Journal d’un médecin du travail ” de Dorothée Ramaut


38 Le travail, une chaîne sans fin ? ” de Frédéric Tiberghien


39 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


40 La Revue du praticien MG, tome 17, n°626 du 13/10/2003 et sondage IPSOS in Rebondir


41 “ Le harcèlement moral ” de Ariane Bilheran


42 “ Travail, Usure mentale ” de Christophe Dejours


43 Analyse du Conseil Economique et Social de 2001


44 MF Hirigoyen


45 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


46 Vu dans “ J’ai mal au travail ”


47 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


48 “ Journal d’un médecin du travail ” de Dorothée Ramaut


49 “ Journal d’un médecin du travail ” de Dorothée Ramaut


50 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


51 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


52 “ Placardisés : les exclus de l’entreprise ” de Dominique Lhulier


53 “ Travail, Usure mentale ” de Christophe Dejours


54 “ Harcèlement moral ” de MF Hirigoyen


55 “ Le harcèlement moral ” d’Ariane Bilheran


56 Sondage SOFRES- CFE/CG d’avril 2000


57 Données issues des enquêtes nationales " conditions de travail " menées par la Dares


58 “ L’homme à l’échine pliée ” sous la direction d’Ingrid Brunstein


59 “ Le culte de l’urgence ” de Nicole Aubert (2003)


60 Etudes de la fondation de Dublin 2001


61 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


62 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


63 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


64 Shumpeter


65 “ L’homme à l’échine pliée ” sous la direction d’Ingrid Brunstein


66 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


67 Enquête IFOP d’octobre 98


68 “ Le mal-être au travail ” de Nicolas Combalbert et Catherine Riquelme-Sénégou


69 Institut de l’anxiété et du stress 2002


70 “ Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail ” de Benjamin Sahler,Michel Berthet, Douillet


71 Vu dans l’émission “ Complément d’enquête : travailler tue ” du 22 Octobre 2007


72 “ Burn-out , quand le travail rend malade ” du Docteur François Bauman


73 “ Burn-out, quand le travail rend malade ” du Docteur François Bauman


74 Rapport du BIT de 1998


75 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


76 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


77 Article “ Violences au travail ” de Fanny Guinocher : Laisons sociales de Novembre 2007


78 “ Le harcèlement moral ” de Ariane Bilheran


79 Chiffres de l’industrie pharmaceutique


80 Une enquête sur les pratiques addictives en entreprise réalisée par l’A.N.P.A.A et l’INPES avec la participation de l’ANDCP


81 “ Burn out ; quand le travail rend malade ” du Docteur François Bauman


82 “ Journal d’un médecin du travail ” de Dorothée Ramaut


83 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


84 “ Travail, Usure mentale ” de Christophe Dejours


85 “ Le stress au travail ” de Patrick Légéron


86 Christian Baudelot et Roger Establet, sociologues


87 Emission “ Complément d’enquête ” du 22 octobre 2007


88 Article de “ la voix du Nord ” du 17 octobre 2007.


89 C. Baudelot, M. Gollac, “ Travailler pour être heureux ? ” Fayard, 2003


90 “ Putain d’Usine ” de Jean-Pierre Levaray


91 “ Travail Usure mentale ” de Christophe Dejours


92 A Routtenberg “ the reward system of the Brain ”


93 “ Travail, usure mentale ” de Christophe Dejours


94 Enquêtes Ipsos


95 “ Prévenir le stress et les risques psychosociaux au travail ” de Benjamin Sahler, Michel Berthet, Douillet


96 Patrick Légéron intervient dans ce cabinet nommé “ stimulus ”


97 Philippe Davezies


98 Neumann


99 Opinion de Marie Pezé


100 Sondage IPSOS le Nouvel Economiste n°1174 du 20 avril 2001


101 Par exemple, les “ déclics ” de Peugeot qui sont des suggestions des salariés pour aménager le lieu de travail


102 Vu dans l’émission “ Complément d’enquête : travailler tue ” du 22 Octobre 2007


103 Enquête Liaisons sociales, Manpower –CSA sept 2000


104 Vu au Journal de France 3


105 “ Travail, usure mentale ” de Christophe Dejours


106 Interview d’un DRH de Renault, Liaisons sociales de Septembre 2007