|
Origine : http://www.hemes.be/esas/mapage/euxaussi/marginal/sorcier.html
La sorcellerie: histoire et regards Page Web réalisée à partir
des travaux de Angèle Lecocq et Cédric Lebrun
Quelques définitions
Aujourd'hui la sorcière ne fait plus peur. Que ce soit au cinéma,
dans la littérature ou dans les vitrines pour Halloween, la sorcière
a plus une image "magique" que maléfique. Mais ça n'a pas toujours
été le cas.
Pour preuve, la définition que l'on trouve dans les dictionnaires
, qui garde des traces de son lourd passé.
De manière commune, le sens attribué aux mots « sorcier » et « sorcellerie
» est très négatif : personne qu’on croit en liaison avec
le diable et qui peut opérer des maléfices.
L’interprétation anthropologique est plus précise et plus
« neutre » en ce qui concerne les effets de la sorcellerie : capacité
de guérir ou de nuire, propre à un individu au sein d’une
société, d’un groupe donné, par des procédés et des rituels
magiques.
Même si ce volet bénéfique existait aussi, les sorcières de
nos Ardennes étaient souvent craintes pour leurs pouvoirs dangereux
et les avantages qu’elles pouvaient obtenir était plus souvent
d’expédier vos ennemis dans l’au-delà que de répandre
la charité et l’amour.
Leur alliance supposée avec le diable fut évidemment la principale
raison des persécutions qu’elles ont subies. Et par conséquent,
ramener une sorcière « dans le droit chemin », c’ était entamer
une lutte au nom du Bien, donc de Dieu, contre le Mal, c’est-à-dire
Satan, Prince des Ténèbres.
Un peu d’histoire
Au Moyen Age, en Europe, on parle déjà de pacte avec Satan . Ceci
reflète bien le besoin de l’Eglise d’édicter les limites
entre le « Bien » et le « Mal ».
En réalité, au 11e siècle, la chrétienté démarre la chasse aux hérétiques
dont font partie les sorciers. L'inquisition va augmenter ce phénomène.
Jusqu’à la fin du 16e siècle, les sorciers et sorcières étaient
considérés comme des devins et guérisseurs, ils étaient donc indispensables
dans les villages où les habitants étaient superstitieux. On ne
connaissait rien du corps humain ni de la nature, c’est pourquoi
les maladies, la famine, les tempêtes, la mort étaient vus comme
des phénomènes surnaturels qu’il fallait combattre par des
moyens tout aussi surnaturels.. Ainsi ceux qui avaient le pouvoir
d’entrer en contact avec ces forces étaient utiles pour protéger
les villageois.
Mais on sait que la plus mauvaise période pour les sorciers fut
de la deuxième moitié du 16e à la fin du 17e siècle.
Pourquoi cette épidémie de bûchers entre le XVI et le XVIIème
siècle?
Lors de cette période, la Chrétienté régnait en maître sur l’Europe.
Mais, même s’il est vrai que l’Eglise a eu une grande
importance dans ce phénomène, ce n’est peut-être pas la seule
explication de ce mouvement de masse à travers toute l’Europe.
Suite aux nombreux voyages transocéaniques et aux découvertes qui
s’ensuivent, les savants sont troublés par rapport à ce que
l’Eglise affirme du monde, par exemple sur le géocentrisme,
et remettent en question son enseignement. L’essor du Luthéranisme
et du Calvinisme ébranle les dogmes, l’unité et l’autorité
ecclésiastiques. Enfin, suite à la guerre de Trente Ans, accompagnée
de famines et d'épidémies de peste, la population, qui vit dans
la terreur, va chercher le réconfort dont elle a besoin. Soit dans
d’autres cultes que celui de Dieu, soit dans la poursuite
et l’exclusion de celui qui porte malheur, le bouc émissaire,
pour écarter le danger .
Le pouvoir politique et judiciaire ainsi que l’Eglise vont
souvent s’unir pour éliminer ces croyances, restaurer l’unité
de la Foi, rétablir la paix sociale et développer le pouvoir central.
Dès ce moment l’association de la sorcière au démon et au
mal est systématique, lançant alors une véritable chasse aux sorcières.
Les persécutions
Pourquoi y-a t-il eu plus de sorcières que de sorciers sur les bûchers
?
Selon certains historiens il y a eu un sorcier poursuivi contre
dix sorcières exécutées. Ce chiffre est peut-être un peu exagéré
mais il n’en reste pas moins que la différence est grande.
La tradition et l’Eglise y ont joué leur rôle.
On peut dire que ce fait est directement lié à la condition de la
femme, considérée alors comme une créature inférieure.
Par ailleurs, pour l’Eglise, la femme était un être faible,
menteur, celle par qui le mal était arrivé dans le monde, en se
laissant tenter par le diable au Paradis terrestre.
La Nature féminine, en lui donnant le pouvoir d’enfanter,
selon des modalités physiques encore mal connues à l’époque,
lui confiait une puissance mystérieuse. Cette fonction lui permettait
aussi, en formant avec Satan un couple maudit, de transmettre ses
pouvoirs maléfiques. Or on sait que les rites de type sexuel étaient
fréquents (Sabbat des sorcières) ou en tout cas fréquemment suspectés
dans les activités des sorcières.
Elle avait enfin par sa position dans la famille plus de contrôle
– et d’occasions d’agir - sur la santé de celle-ci
(préparation de la nourriture, soins aux enfants, aux malades, élevage
des petits animaux…).
Les procès
Les sorcières accusées devaient passer par plusieurs épreuves, comme
celle de l’eau ou celle effectuée par le « Piqueur ».
Le pacte avec le diable laissait soi-disant une marque particulière
sur la peau de la sorcière que les juges étaient chargés de trouver.
Cette marque était insensible à la douleur, ainsi le Piqueur bandait
les yeux à la sorcière puis il la piquait avec des aiguilles sur
tout le corps. Dès qu’il trouvait un endroit insensible, il
la faisait avouer ses crimes par la torture.
L’épreuve de l’eau consistait à mettre une sorcière
pieds et mains liés dans une grande quantité d’eau ; si elle
coulait, ce n’était pas une sorcière, si elle flottait, elle
en était une car les sorcières savaient défier toutes les lois,
y compris celle de la nature. Après avoir avoué, on l’exécutait
en la brûlant publiquement.
A cette période, la sorcière est donc devenu un bouc émissaire.
Le parlement de Paris, par exemple, a envoyé des administrateurs
dans les campagnes pour arrêter les pratiques superstitieuses des
villageois et pour chasser les personnes qui les détenaient, c'est-à-dire
les sorciers et sorcières. Les paysans, terrifiés se sont mis à
dénoncer les sorcières par peur d’être dénoncés à leur tour.
Qui était Sorcier ?
Description de sorcières: « vieilles femmes aigries aux mentons
et genoux presque soudés par l’âge, le dos arqué, clopinant
sur un bâton, l’œil creux, édenté, le visage raviné,
les membres agités de tremblements, marmonnant dans la rue».
La vérité est que les femmes qui avaient le malheur de ressembler
à cette description risquaient d’être automatiquement étiquetées
comme sorcières, alors que souvent, ce n’était que de pauvres
vieilles veuves qui n’avaient pas les moyens de vivre autrement.
Les "véritables" sorcières ressemblaient la plupart du temps à leurs
citoyennes et passaient très souvent incognito dans leur entourage.
Sexe : On parle de chasse aux sorcières et non de chasse aux sorciers.
Comme on l’a vu plus haut, il y eut effectivement beaucoup
plus de poursuite envers les femmes que les hommes.
Age : On rencontra beaucoup d’adultes parmi les accusés mais
les personnes de plus de 60 ans furent en très grand nombre. Le
maléfice était un art. Elles avaient donc dû apprendre leur savoir,
y devenir expérimentées. Les femmes âgées étaient donc plus suspectes
que les jeunes.
Situation matrimoniale : On trouve souvent des veuves dans les listes
des condamnés. Par contre les femmes qui étaient mariées et qui
avaient des difficultés connues avec leur mari, ou leur belle famille
étaient également suspectes.
Pourquoi les veuves étaient-elles suspectes ? Parce qu’elles
n’avaient pas de mari et ne menaient pas une vie raisonnable
au foyer. Le mari n’était pas là pour les retenir des tentations
de s’offrir au Diable. Cela explique également la suspicion
envers les femmes célibataires. Les jeunes femmes non mariées, surtout
si elles étaient belles, paraissaient capables de faire du mal autour
d’elles, en bouleversant l’équilibre moral des hommes,
même mariés.
Portrait physique : Les sorciers et sorcières étaient-ils d’une
laideur spéciale ? On pensait surtout que tout ce qui avait un rapport
avec le Diable devait avoir quelque chose d’anormal visible.
La laideur ne saurait pas être démontrée mais les sorcières étaient
très souvent porteuses de petites imperfection : pied bot, œil
louche ou tirant sur le rouge, tache sur le visage, doigt surnuméraire
etc.
Tout indique que les sorcières étaient physiquement faites de la
même façon que les autres femmes de leur âge, mais toutes celles
qui avaient certaines particularités les virent servir contre elles,
et parfois jouer un rôle dans leur condamnation.
Richesse ou pauvreté : Tous les observateurs du début de la chasse
ont souligné le fait que la plupart des sorcières étaient pauvres.
En effet, celles qui passaient devant les tribunaux étaient issues
des classes inférieures de la société mais cela ne veut pas dire
qu’elles étaient pauvres. La plupart des condamnés furent
des gens modestes, mais qui ne mouraient pas de faim. Mais même
si les pauvres ont toujours été majoritaires, ils n’étaient
pas les seuls. Toutes sortes de personnes ont été accusées de sorcellerie.
Nul n’était à l’abri des accusations.
Profession : Les sages-femmes ont été poursuivies d’une façon
intense. La mortalité périnatale était assez présente à cette époque.
Il était donc facile de trouver les coupables de la mort des nouveau-nés
ou de jeunes enfants, chez celles qui les mettaient au monde ou
qui s’occupaient d’eux les premiers mois.
Campagne ou ville : En gros, on a tué plus de sorcières venant de
la campagne que de la ville. Mais en 1600, la majorité des européens
vivaient dans les campagnes. Les épidémies de bétail et les malheurs
météorologiques ont toujours été plus ressentis dans les villages,
et c’est sur place qu’il fallait trouver les coupables.
Relations au milieu : Les sorcières furent très souvent condamnées
sur base de leurs relations avec leur communauté. Beaucoup semblent
avoir été des gêneuses, des personnes qui avaient eu des mots, des
conflits avec leur famille ou leur voisinage. Et on se demandait
si elles ne se vengeaient pas en jetant des sorts. Elles ne furent
que très exceptionnellement dénoncés au hasard. La jalousie, la
rivalité, la haine, l’envie, la méchanceté des personnes ont
certainement été la cause de beaucoup de condamnation.
Conclusion : Et aujourd’hui ?
La chasse aux sorcières s’éteint progressivement à partir
du 17-18e siècle et le regard de la société change. Le gouvernement
devient plus rationaliste et freine la chasse. Il y a donc un changement
de mentalité. On se rend compte que les sorcières sont des inventions
du gouvernement relayant ou amplifiant les croyances du peuple.
On réalise que des faits tels que le sabbat ou le transport sur
un balai ne sont que des histoires imaginaires et impossibles. Si
les vrais sorciers existaient, ils auraient pu échapper au bûcher
par quelques tours.
Au 19e siècle, on connaît les lois de la nature et on ne rejette
plus les malheurs du monde sur l’existence du diable ni sur
ses prétendues aides. On emploie désormais le terme « magie ».
Mais aujourd’hui au 21ième siècle, les sorcières et les superstitions
ont-elles disparues ?
La superstition a pris une autre forme : tireuses de cartes, le
spiritisme, la parapsychologie, la voyance, l’horoscope, l’herboriste…
Certains ont recours aux remèdes de grand-mère pour se soigner,
d’autres évitent de passer sous une échelle.
Hier, on allait, en cachette, voir telle sorcière pour trouver les
réponses à des questions précises sur l’avenir. Aujourd’hui,
la personne qui répond à ces questions se nomme extralucide.
Il y avait la sorcière qui guérissait les maladies. Ce genre de
sorcière porte aujourd’hui le nom d’herboriste et est
très utile dans notre société actuelle.
Toutes ces femmes qui possédaient un don naturel, qui guérissaient,
soignaient l’âme et le corps. On les retrouve aujourd’hui
sous le nom d’homéopathes, lithotérapeutes, voyantes…
De nos jours, elles sont acceptées et reconnues mais un jeteur de
sort et d’autres désenvoûteurs peuvent être condamnés pour
escroquerie et peuvent risquer 1-5 ans de prison, et une amende
jusqu’à 370000€ (art 405, code pénal).
Toutefois ces dernières années il y a une recrudescence des simulacres
de culte satanique et autres profanations de cimetière, de films
ou de romans qui se déroulent dans ce milieu – que l’on
songe à l’extraordinaire succès des "Harry Potter"- d’éclosion
de nouvelles revues dont les titres d’articles laissent rêveur
: comment devenir sorcière - les sorcières existent ; elles sont
parmi nous, comment les reconnaître – comment dominer les
forces occultes - comment déjouer les maléfices (exemples trouvés
chez un libraire de quartier, en mars 2003)…
Pourquoi ce retour au surnaturel ?
Un désenchantement à l'égard de la rationalité et des technologies,
mais également à l’égard du christianisme se développe dans
le monde industrialisé. il s'agit peut-être d'un échappatoire à
la crise économique que nous vivons et qui ne semble pas pouvoir
être vaincue par les moyens modernes.
On peut peut-être aussi penser qu’aujourd’hui nous avons
trouvé un autre bouc émissaire pour nous délivrer du malheur. On
l’appelle « l’étranger » et on le juge au premier regard
comme on aurait pu le faire au temps des sorcières.
Bibliographie Livres
Norman COHN, Démonolâtrie et sorcellerie au Moyen Age, Paris,
Payot, 1982
Yves CASTAN, Magie et sorcellerie à l'époque moderne, Paris,
Albin Michel, 1979
Jo GERARD, La sorcellerie et ses mystères en Belgique, Bruxelles,
Editions J.M Collet, 1986
Pierre DEN DOVEN, La sorcellerie…au pays de Franchimont,
Liège, Bibliothèque CHIROUX-CROISIERS
Guy BECHTEL, La sorcière et l’Occident , collection
le doigt de Dieu, Edition Plon 1997
Robert MUCHEMBLED,Bengt ANKARLOO, Wolgang BEHRINGER, Francisco BETHENCOURT,
Marie-Sylvie DUPONT-BOUCHAT, André JULLIARD,
Richard KIECKHEFER, Gabor KLANICZAY, E. William MONTER, James SHARPE,
Magie et Sorcellerie en Europe du Moyen Age à nos jours, Paris,
Armand Colin, 1994
LE MAXIDICO, Editions de la Connaissance, 1996
Articles
Liliane Sichter, Les sorciers sont parmi nous, dans Evénement
du jeudi, n°359, septembre 1991
Valérie COLIN,"Gothic" et vieilles dentelles, dans Le
vif l’Express, 24/1/97, p39-45
Christelle GILQUIN,Un amour de sorcière, dans Femmes d'Aujourd'hui,
n° X, p22-24
Sites
http://mrugala.free.fr/Histoire/Renaissance/Sorcellerie
http://users.swing.be/MAEVRARD/epidemiesorcellerie.html
http://www.ulb.ac.be/assoc/cal/Magie.html
|