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Le 31 décembre 2004 nous avons organisé à Rome,
devant le quartier des femmes de la prison de Rebibbia, un rassemblement
en solidarité avec tou-te-s les détenuEs. Un moment
de lutte, parmi tous les autres possibles, pour réaffirmer
sans médiation ni réformisme notre lutte contre toutes
formes de répressions, de chantages, contre l’isolement,
pour la destruction de toutes les cages, pour l’action directe.
Quand nous avons pensé à cette initiative, nous avons
décidé d’y associer aussi ceux qui ne pouvaient
pas être présent physiquement, en leur demandant de nous
faire parvenir des contributions écrites que nous reportons
ci-dessous :
DE LA PRISON DE REBIBBIA UNE CONTRIBUTION D’ANGELA
MARIA LOVECCHIO.
Résister sans cesser d’avancer.
Un jour de l’année qui comme les autres échéances
devient un prétexte. Une tentative de se sentir plus près,
de vaincre l’absurde présence physique de ces remparts
qui sont plus qu’un symbole (mais aussi une intimidation et
un chantage) d’une volonté politique dominante, d’une
morale hypocrite, d’une mentalité brute et perdante.
Nous nous sommes à l’intérieur de celles que
l’on appelle les « institutions totales » qui
entre autre ne sont que la claque plus violente d’un système
qui voudrait tout englober et harnacher tout le monde.
En ce moment ce que vous avez probablement devant les yeux sont
justement, de solides remparts de séparation entre ce qui
semble apparaître comme deux mondes : dedans/dehors.
Ce que j’ai constamment devant les yeux sont des murs de gomme
contre lesquelles rebondissent toutes les raisons plus évidentes
et les raisonnements les plus connus. Des murs de gomme qui ne s’effritent
pas mais qui, presque comme les images fantastiques de BD, se forment
et se déforment, s’allongent et s’élargissent,
comme des élastiques, qui se ramassent sur eux-mêmes
pour ensuite s’étirer encore, lancés au-delà
d’eux-mêmes (et contre qui est confiné à
l’intérieur). La logique, la douleur, les sentiments
et les tentatives de dénouer les enchevêtrements déformés
et infinis- de contradictions qui sont nombreuses en ce lieu. Un
mur de gomme qui veut dire une seule chose : la force est actuellement
de leur côté, la raison est du notre.
Et alors, profitant de cette occasion comme prétexte je
me souhaite et vous souhaite :
Que les murs croulent dans l’année qui vient ainsi
que tous les misérables alibis qui souvent servent à
justifier les endroits comme ceux-ci ;
Qu’émergent la vraie faiblesse de la logique impérialiste
et que les maîtres et les esclaves de cette logique, montrent
leur peur des failles de leurs projets d’accumulation d’argent
et de concentration de pouvoir au mépris des hommes et des
femmes de la nature ;
Que ceux qui veulent rester en dehors de cette logique de domination
et de souffrance, essayent de jouir de la force grisante de ne pas
déléguer à autrui la lutte pour ces propres
besoins et désirs ;
Que les prochaines élections régionales et nationales
soient une dérision, non comme d’habitude pour les
exploités mais pour les exploiteurs et pour les habituelles
poupées dites politiciennes privées de toute passion
sauf celle pour le « veau d’or » ;
que se soit clair pour tous que fabuler, humilier, mentir, maltraiter,
asservir, mettre sous le joug, faire chanter, aduler, manipuler,
protéger, associer, assister sont les tentacules strangulatoires
de ceux qui ont comme unique but celui de mettre les pieds sous
la table.
Je me souhaite et vous souhaite de continuer ce parcours révolutionnaire
subjectif sans le mettre au second plan, sans sous évaluer
la nécessité bénéfique des discutions
internes, de critiques et d’auto-critiques sincères,
utiles dans l’évolution de la lutte.
J’espère, par dessus tout, ne pas perdre la concentration
sur ce que j’ai commencé et je vous le souhaite.
Je nous souhaite d’affirmer nos sens, notre sensibilité
pour ne pas céder à la tentation du cynisme caché
- parfois derrière les impitoyables analyses sociales - qui
peut lui aussi cacher frustration et incapacité au renouvellement.
Il y a aussi des choses qui semblent presque impossible à
souhaiter, pourquoi le faire, c’est comme vouloir croire aux
rêves (pourquoi pas croire aux miracles !), mais ce soir nous
avons décidé que c’est l’occasion, un
prétexte pour oser, pour commencer l’envol et rejoindre
la cime la plus élevée de nos désirs.
Et comme ça je souhaite à tous et à toutes
de réussir à s’opposer de façon déterminée,
forte et victorieuse pour que des horreurs comme le massacre en
Turquie des prisonniers brûlés vifs le 19-20-21-22
décembre 2000 parce qu’ils s’opposaient à
leur transfert dans les cellules de type F, l’horreur de Guantanamo,
des prisons israéliennes, d’Abu-Grahib et de toutes
celles dont les médias bourgeois n’ont pas parlé,
ne se répètent pas. Comme si l’isolement inhumain
perpétré par le système carcéral dit
démocratique contre les détenuEs, comme le FIES en
Espagne, les prisons spéciales suisse et allemande aux Etats-unis
et dans l’Italie asservie qui se targue de l’inhumain
(------) régime pénitentiaire du 41bis, deviennent
des souvenirs lointains d’un passé dont toute l’humanité
devrait avoir honte.
Et ce vol annonce que tombe l’odieuse suprématie de
l’hypocrite et arrogante démocratie occidentale auteur
du colionalisme et de l’esclavage du XXI siècle. Et
que la pacification sociale et mondiale que les puissants de ce
monde actuel cherchent à obtenir à coups de bombes,
de massacres, d’assassinats et de lynchage de rues n’arrivent
plus.
Que leurs agressions et leur violence mettent cette année
une fois pour toute sous silence l’impossibilité de
se regénérer.
Aller plus haut, toujours plus haut, en ce vol fantastique et coloré,
dans cet élan de mes désirs vers le ciel, au dessus
de ce mur je vous souhaite liberté pour tous et toutes, en
dehors et en dedans.
Une embrassade forte à vous compagnons, détenus et
à tous leurs proches.
Marina.
DE LA PRISON DE CAROLINA UNE CONTRIBUTION DE FRANCESCO
PORCU
Carolina 19/12/2004
Ce mois-ci j’ai commencé ma vingt et unième
année d’incarcération, normalement après
autant d’années on a tendance à mettre en avant
son propre malaise, oubliant celui de beaucoup de compagnons enfermés
dans d’autres parties du monde.
Cela dans mon cas n’est pas arrivé, en ce moment mes
pensées se tournent vers tous et toutes mais surtout vers
ceux/celles contraintEs de vivre des situations dramatiques.
Mais mes pensées se tournent aussi vers vous, compagnonEs
qui êtes à l’initiative de cette action et de
bien d’autres encore, de cette façon vous empêchez
l’isolement qui survient avec ceux de dehors.
Il y a quelques temps, en discutant avec une amie, par l’intermédiaire
de lettres, pour peu que ma « bizarrerie » ne compte
pas, elle me considérait comme un « vieux nostalgique
». Elle avait raison, j’ai la nostalgie de vous tous/toutes,
vous êtes une partie de la force qui me permet de continuer
le passage de rebelle social à anarchiste.
A tous et toutes je vous envoie une embrassade rebelle révolutionnaire.
Le compagnon Franco Porcu.
CONTRIBUTION DE BERNARDO DE LA PRISON DE SECONDIGLIANO.
Naples 26/12/2004.
... Chère amie les lettres de dénonciation qui suivent
tu peux les faire publier dans le plus de revues et de quotidiens
possible, pour faire en sorte que les abus, les tortures et toutes
les morts causées par les coups portés par les agents
pénitentiaires cessent et que les responsables payent. Parce
qu’il n’est pas possible que ceux-là commettent
des crimes et que jamais aucun des responsables qui a la garde des
détenus ne paye...
... Chère amie, j’espère que tu vas bien et
que tu as passé un bon noël...
Moi c’était l’horreur. Pour Francesco c’était
encore pire, ils n’ont pas voulu le laisser prendre l’air
ni même faire sa promenade, ces fils de pute..., mais un peu
après que Francesco ait foutu le bordel, ils se sont décidés
à lui faire prendre l’air et ainsi nous avons pu bavarder,
moi à l’intérieur et lui de la court... Le 22
un autre détenu a été trouvé mort.
Je suis toujours plus convaincu que cette prison sert d’abattoir
avec le consentement des politiques locales et nationales, parce
qu’il est impossible que les ministres de la Justice ne sachent
rien de toutes les morts qui surviennent dans cette prison. Ce sont
des homicides légalisés, car autant le directeur que
le responsable sanitaire, que le chef des gardiens et ses supérieurs
sont sûrs de leur immunité face à ces crimes,
autrement le directeur autoriserait l’hospitalisation des
malades au lieu de les refuser comme il a l’habitude de le
faire ! Ils sont retenus ici, à l’intérieur.
Ce détenu que l’on a retrouvé mort dans sa cellule
était étendu par terre, nu, « sur le sol ».
Pourquoi était-il nu ? Certainement pas parce qu’il
lui plaisait d’être nu vu le froid qu’il fait
en cette période. Je ne sais pas ce que ce détenu
avait fait pour que les agents pénitentiaires le déshabillent
et le mettent dans la cellule... comme on peut dire «vide
», mais quoiqu’il est fait il ne méritait pas
de mourir nu dans le froid de sa cellule. Chère amie, si
j’en avais la possibilité, je prendrai les responsables
et je les mettrai, comme ils ont fait avec le mort, dans une cellule
« vide », tous nus, pour leur faire voir ce que c’est
à ces fils de pute ! Je suis trop enragé. Les magistrats
napolitains, non, les juges napolitains sont responsables autant
que le directeur, que le responsable sanitaire et que le chef des
agents pénitentiaires, de toutes ces morts.
Il faudrait qu’à l’intérieur comme à
l’extérieur les détenus s’insurgent pour
faire des révoltes comme dans le passé, mais malheureusement,
aujourd’hui les détenus sont, pour moi, comme des prostitués,
oui, car pour avoir les bénéfices prévus par
la loi - mais qui ensuite sont ponctuellement supprimés par
le magistrat de surveillance - ils ne sont plus disposés
à faire quoique se soit, ils veulent tous la bouillie prête.
Par ailleurs il manque quelqu’un capable d’organiser
une révolte.
Qu’est-ce-que nous malades pouvons faire ? Peu de choses voire
rien en tous cas, mais les autres détenus pourraient faire
quelque chose eux, mais ils ne font rien, parce qu’en vérité
ils n’ont pas de couilles, se sont des lâches. Quand
ils sont libres se sont des lions, mais quand ensuite ils se font
arrêter, ils font les agneaux et font attention de ne pas
faire de rencontres, parce que sinon ils perdront la libération
anticipée ainsi quand ils arriveront au moment où
ils pourraient en bénéficier, ils ne pourront pas
la demander.
Il faudrait faire circuler dans les prisons des revues, des brochures
ou des quotidiens pour que les détenus se réapproprient
leur dignité. Nous, personnes qui combattons le système
sommes restés peu nombreux chère amie...
Révolutionnaire
Ainsi, nous avons eu la possibilité de communiquer directement
et de façon continue avec les détenues des cellules
qui faisaient face au pré où nous avions mis les amplificateurs,
des banderoles et quelques tables pour la distribution de matériel
de contre-informations. L’action, pendant laquelle se sont
alternés des chants, des sélections musicales, la
lecture des communiqués et des contributions écrites,
a été bien suivie et a vu la participation des proches
venus pour les visites, de plus elle s’est poursuivie au-delà
du temps établi vu l’insistance des détenues,
avec lesquelles c’est instauré un rapport direct composé
d’échanges verbaux et de quelques pancartes exposées
par les détenues qui témoignaient leur tension émotionnelle
dans ces rapports avec tou-te-s les présentEs : beaucoup
ont renoncé à leur promenade nous communiquant et
nous faisant entendre l’importance, afin de rompre l’isolement,
de la présence de tous ceux et toutes celles qui étaient
là !
Des Anarchistes.
LA SOLIDARITE EST UNE ARME
Aujourd’hui nous sommes là en solidarité avec
tou-te-s les détenuEs, conscientEs du fait qu’un rassemblement
n’est qu’une forme parmi tant d’autres de l’action
contre les prisons. Pour nous, la lutte contre les prisons exclue
nécessairement ceux/celles qui ont quelque chose à
voir avec le pouvoir et avec chacune de ses institutions et avec
tous ses acquis sociaux. Qui dit prison, en fait, dit juge, policier,
agent pénitentiaire, médecin de prison, assistantE
socialE, journaliste, politique (du gouvernement ou de l’opposition),
constructeur, imprésario, promoteur, psychologue, prêtre...
responsables directs de toutes les vexations, abus, tortures, privations
et souffrances de qui se trouve otage de l’Etat.
Les prisonniers sont le miroir du social, l’appendice d’un
ordre imposé par ceux qui prétendent diviser pour
toujours l’humanité entre riches et pauvres, où
les pauvres devraient se contenter de mendier des miettes au banquet
de l’Etat-Capital. Parler de prison signifie parler de punition,
parler de punition signifie parler de transgression des règles,
et par conséquence, des règles mêmes. Qui impose
ces dernières connaîtra toujours qui, par désir
ou nécessité, cherchera à les enfreindre ;
tant qu’il y aura de la richesse et de la pauvreté,
il y aura du vol ; tant qu’il y aura de l’argent, il
n’y en aura jamais pour tou-te-s ; tant que le pouvoir existera
il naîtra ses hors-la-loi.
C’est justement en tentant d’éliminer chaque
effervescence sociale que se fomentent les révoltes contre
l’ordre établi, que les pays européens - s’adaptant
au modèle américain - s’appliquent à
démontrer qu’ils tiennent en main la situation sociale
interne et à aplanir les contrastes en perfectionnant le
contrôle social et en réprimandant les divergences.
Cela se passe aussi à travers un processus rapide d’intégration,
législatif, judiciaire, militaire (coordination des polices
locales et des services secrets, mandat d’arrêt européen
et international, « listes noires » des organisations
révolutionnaires, de libération nationale ou islamiques,
application du délit de « terrorisme international
» à quiconque s’en appuie ou en partage la pratique
ou l’idéologie).
Il est nécessaire pour le pouvoir, Etat par Etat, de réactualiser
les appareils répressifs, adaptant le contrôle social
aux conflits de classes en court et aux contradictions qu’ils
mettent en avant. Nous assistons quotidiennement à son fonctionnement
avec l’augmentation du phénomène d’irruption
dans les logements de compagnonEs, avec l’application continuelle
des délits associatifs, avec le contrôle constant,
et avec le ratissage entier de quartiers populaires contre «
l’émergence de la criminalité », l’augmentation
de lieux de blocage, les arrestations arbitraires, les détentions
dans des camps appelés centres d’accueil temporaire
qui ont pour conséquence l’expulsion des immigrés
sans permis de séjour.
Le spectre de l’incarcération sert à prolonger
le contrôle social comme si chaque forme de répression
servait à prolonger le consensus forcé. De la même
façon les prisons « spéciales » et la
législation qui les légitime (avant l’article
90 et aujourd’hui le 41bis) sont étudiées pour
favoriser le contrôle maximum et l’efficacité
répressive maximum et elles répondent, pour être
légitimées par l’opinion publique, a des exigences
considérées comme « urgentes » devenant,
de fait, des instruments d’intégration et de perfectionnement
du système de coercition générale ; de la même
façon la condition des détenuEs est maintenue dans
un état de chantage, grâce aux lois qui récompensent
qui peuvent saper la solidarité entre les prisonniers.
Si nous voulons réobtenir la liberté niée,
pour tous et pour toutes, n’attendons pas seulement l’amnistie
ou « l’indultino » (amnistie mais pour les plus
petites peines n’accordons aucune confiance aux promesses
des politiques, mais de façon autodéterminée
rebellons nous contre les prisons et ses tous les responsables jusqu’à
ce que de leurs prisons il ne reste même pas une pierre.
CONTRE L’ISOLEMENT CONTRE LES PRISONS POUR L’ACTION
DIRECTE TOUJOURS PRES DE QUI EST PRIVE DE SA PROPRE LIBERTE.
Des Anarchistes.
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