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SEMINAIRE DE SOCIOLOGIE DE LA POLITIQUE SOCIALE
ANALYSE DU TEXTE DE LOÏC WACQUANT :
« LA TENTATION PENALE EN EUROPE » ET "L'ASCENSION DE L'ETAT PENAL EN AMERIQUE"

PLAN :
I. 3 mots sur Loïc Wacquant
II. Historique : passage de l’État social à l’État pénal
III. Situation actuelle du système carcéral aux États Unis et son idéologie
IV. Economie : les 3 sources de financement de l’enfermement : Capital privé, facturisation d’un « loyer », abaissement du niveau de vie
V. L’Europe : entre l’enfermement et la réinsertion
VI. Critique de l’article
VII. L’actualité française comme exemple de criminalisation de la misère

2 I. 3 mots sur Loïc Wacquant :
Cet article de Loïc Wacquant est tiré de la revue bourdieusienne "Acte de la Recherche en Sciences sociales", il date de 1998. Loïc Wacquant est professeur de sociologie à l'université de Berkeley en Californie et également chercheur au centre de sociologie européenne du Collège de France. Grand spécialiste du thème de la prison, il a notamment écrit "Les prisons de la misère", publié en 1999.

II. Historique : passage de l’État social (providence) à l’État pénal (néolibéral)
A partir des années 70, l’Amérique s’est lancée dans une expérience qui n’a ni précédent ni parallèle dans les sociétés modernes: Le remplacement d’un semi –État Providence par un État pénal et policier dans lequel la criminalisation de la misère et l’enfermement des catégories déshéritées fonctionne comme politique sociale. L’abandon du contrat salarial fordiste et du compromis keynésien au milieu des années 1970 ainsi que la crise du ghetto comme instrument d’enfermement des Noirs ont aboutit à la destruction de l’État social et à l’hypertrophie subite de l’État pénal au cours du dernier quart de siècle. On assiste aujourd’hui à un « nouveau gouvernement de la misère ».
Or cela n’a pas toujours été comme cela : C’est en 1973 que les Etats -Unis ont atteint leur niveau le plus bas de l’après-guerre. Cette année-là, la National Commission on Criminal Justice Standards and Goals remet au président Nixon un rapport préconisant de fermer les centres pour jeunes détenus et de geler la construction de pénitenciers pendant une décennie. Il semble que cette commission avait bien comprit que l’enfermement, loin de combattre l’insécurité, l’alimente par sa violence symbolique, psychologique et physique qu’il impose.
Pendant cette période c’est la théorie dite « homéostatique » d’Alfred Blumstein qui a caractérisé la politique pénale. Blumstein postule que chaque société aurait un seuil « normal » de châtiment déterminant un taux d’incarcération stable dans la durée. Ainsi, une des caractéristiques des sociétés avancées dans les décennies suivantes serait le déclin irréversible de la prison pour aller vers des formes de contrôle social plus subtiles et diffuses à la fois.

Contre toute attente, à partir de 1973 on assiste à un retournement brutal et spectaculaire de la démographie carcérale : Elle double en dix ans et quadruple en vingt (croissance exponentielle).
On constate ainsi l’existence de deux régimes carcéraux : le New Deal, durant les trois décennies de l’après guerre et pendant l’entre deux guerres, qui envisageait la régression des prisons, et l’emprisonnement de la misère à partir de 1973, où le taux d’emprisonnement s’accroît de manière continue et exponentielle. A l’exception du Maine et du Kansas, tous les membres de l’Union affichent une hausse de leur population pénitentiaire supérieure à 50% entre 1986 et 1996, le Texas et le Colorado affichent encore un triplement du taux d’incarcération en dix ans.
Qu’est-ce qui a causé le revirement de la croissance de l’emprisonnement ? Contrairement à ce qu’affirme le discours politique et médiatique, le taux de criminalité est resté plus ou moins stable depuis le milieu des années 1970 . Wacquant explique ce quadruplement de la population carcérale en vingt ans par la nouvelle politique du grand renfermement qui décide d'enfermer des individus qui ont commis des délits ou des crimes qui n'entraînaient pas jusque-là une condamnation à la réclusion. Ainsi le taux de personnes en libération conditionnelle a-t-il pratiquement triplé depuis l’arrivée de Reagan au pouvoir en 1985. Parallèlement à sa fonction de « capture », l’État américain a développé sa fonction d’observation et de contrôle de populations considérées comme déviantes et dangereuses. Au cours des années 1970 et 1980 le banques de données centralisées et informatisées ont fortement proliféré.

Pourquoi 1973 ? C’est après la réélection de Nixon en 1972 que l’Amérique réplique aux revendications sociales et antiracistes. Les problèmes sociaux sont présentés comme le résultat de la « libéralisation » des sixties : drogue, violence, errance, contestation de l’hégémonie blanche…. La prison apparaît en ce moment comme le moyen le plus efficace pour restaurer l’ordre économique, moral et racial).
3 Cette boulimie d’emprisonnement a débouché sur la création de différents établissements (jails, state prisons, federal prisons) qui se sont métamorphosées à différents rythmes : certains établissements déploient des technologies électronique et informatique dernier cri ; D’autres s’apparentent plus aux bagnes du XIXe siècle par leur fonctionnement.

III. Situation actuelle du système carcéral aux États Unis et son idéologie :
Dans la première partie de cet article, Wacquant nous parle de l'extension de l'Etat pénal en Europe :
Partout en Europe se fait sentir la tentation de s'appuyer sur les institutions carcérales en espérant réduire les effets de l'insécurité sociale causés par l'imposition du salariat précaire et par les politiques libérales ayant pour but de diminuer la protection sociale. Ainsi, l'on constate une augmentation rapide et continue de la population carcérale chez presque tous les Etats de l'Union Européenne entre 1985-1995 (dans "Les prisons de la misère" un tableau relève qu'en 1997 le pays de l'Union Européenne où le taux d'incarcération est le plus élevé, est le Portugal, l'Angleterre le suit et la France et en 5ème position, c'est la Grèce qui possède le taux le plus faible.
En revanche au niveau de l'inflation carcérale, entre 1987-1997 on observe au Pays-Bas une augmentation très rapide du taux d'inflation qui est de l'ordre de 240% ).

• Population touchée :
Dans les prisons l'on observe une nette surreprésentation des catégories les plus vulnérables de la population telles que les immigrés non-européens et les personnes de couleur. Les pratiques judiciaires des Etats de l'Union qui devraient être neutres et non-discriminatoires tendent systématiquement à les défavoriser. Partout le nombre de toxicomanes et de dealers a augmenté de manière stupéfiante, ainsi Wacquant nous dit que cette politique de lutte contre la drogue cache en réalité une autre politique qu'il nomme : "guerre contre les composantes de la population perçues comme les moins utiles et potentiellement les plus dangereuses" telles que les chômeurs, sans-abri, sans-papiers, vagabonds et autres marginaux. Les politiques pénales de l'Europe occidentale sont donc devenues plus répressives et plus ouvertement tournées sur la seule protection de l'ordre social au détriment des politiques de réinsertion

• Conséquences de l'emprisonnement et prolifération de mesures criminalisant la misère :
Cette hyper-inflation carcérale a de graves conséquences sur le fonctionnement des services carcéraux, l'emprisonnement est ainsi réduit à sa fonction "d'entreposage des indésirables". Le fait d'être incarcéré provoque toutes sortes de maux considérables : stigmatisation, interruption des stratégies scolaires, matrimoniales et professionnelles, déstabilisation des familles et des réseaux sociaux, enracinement dans les quartiers pauvres où l'emprisonnement se banalise d'une "culture de défi à l'autorité", et toutes les souffrances, violences, associées à l'emprisonnement. De plus, on peut observer dans toute l’Europe une prolifération des mesures ayant pour but de réprimer les atteintes à l’ordre public telles que : les arrêtés municipaux limitant ou interdisant la mendicité, les razzias policières contre les sans-abri, l’instauration de couvre-feux pour les adolescents des quartiers pauvres et l’augmentation impressionnante des systèmes de surveillance électronique (qui tend à s’ajouter et non à se substituer à l’emprisonnement).

• Conclusion :
Ainsi ces mesures montrent une tendance à «l'expansion du traitement pénal de la misère » en Europe. Wacquant fait l’hypothèse que plus un Etat s’inspire des théories néolibérales, plus il glissera dans une gestion carcérale de la pauvreté. Pour lui, l'Etat pénal européen est en train de s'instaurer tandis que la construction d'un Etat social n'est qu'au stade de l'ébauche. Il est donc urgent de constater que les bénéfices présumés du libéralisme économique, s'accompagnent du coût très élevé de l'enfermement de la misère. L'auteur nous rappelle que cette situation n'est pas inéluctable, elle relève d'un choix politique, en effet, ni le salariat précaire, ni l'inflation carcérale ne sont une fatalité naturelle. Cette question doit être soumise à un débat démocratique car elle relève de décisions politiques et de choix culturels, nous avons différentes options possibles. Ainsi notre continent se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins, nous sommes confrontés à un choix qu'il nous faut faire : voulons-nous d'une Europe pénale ou sociale ? Allons-nous suivre l'Amérique ?

Passons maintenant à la seconde partie de cet article. "L'ascension de l'Etat pénal en Amérique":

Aux Etats-Unis, le passage de l'Etat social à l'Etat pénal est lourd de conséquences sur la politique et la vie quotidienne des américains. En effet, aujourd'hui tous les secteurs (politique, économique, médiatique, culturel) sont affectés par le développement hypertrophique du système carcéral. La politique peut être différente suivant l'Etat qui l'applique (le Texas est l'Etat le plus répressif avec un taux d'incarcération de 686 détenus pour 100'000 habitants). Une prison peut avoir pour mission : de réinsérer, punir ou neutraliser, les Etats Unis sont pour la répression la plus dure, ils veulent punir toutes les catégories vulnérables de la société américaine (pauvres, noirs, latino-américains, petits délinquants etc.), le but est de leur faire payer leur misère en leur infligeant des peines qui les feront souffrir.

• Explosion de la population carcérale:
Dès 1973, on assiste à une explosion brutale et très rapide de la population carcérale : elle double en dix ans et quadruple en vingt ans (en 1975 : moins de 380'000 détenus, en 1985 elle atteint presque 740'000 détenus et en 1995 elle frôle les 1600000). En observant le régime carcéral on peut clairement observer deux régimes carcéraux : avant 1973 le taux de condamnés est faible et stable, après 1973 le nombre de détenus va se multiplier de manière impressionnante et très rapide. Durant la décennie 90 chaque semaine 2000 nouveaux détenus rentraient en prison. En 1997, 645 détenus sur 100'000 habitants sont en prison. Ce taux d'incarcération est six à douze fois plus élevé que celui des pays de l'Union Européenne, l'auteur pour qu'on se représente bien la gravité de la situation souligne que même l'Afrique du Sud au temps de l'Apartheid comptabilisait un bien moindre taux d'incarcération : 369 détenus pour 100000 habitants. Tous ces chiffres donnés ont encore augmenté car ce texte date de 1998, nous avons relevé qu'en 2001 le nombre de détenu s'élevait au nombre impressionnant de 2'600'000, ce qui signifie qu'il y a 924 détenus pour 100'000 habitants ! (Bureau of justice statistics sur Internet).

• Le discours des politiciens sur l'insécurité trompe la population :
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, cette brusque explosion carcérale n'est pas liée à une augmentation du taux de la criminalité, en effet elle a lieu pendant une période de stagnation contrairement à ce qu'affirme les discours politiques et médiatiques. Cette manipulation des médias et des politiciens veut faire croire à la population que la criminalité a augmenté massivement depuis les années 70 et que l'insécurité règne pour légitimer le régime carcéral répressif des Etats-Unis. Wacquant explique ce quadruplement de la population carcérale en vingt ans par la nouvelle politique du grand renfermement qui décide d'enfermer des individus qui ont commis des délits ou des crimes qui n'entraînaient pas jusque-là une condamnation à la réclusion.

• En Amérique, l'hyperinflation carcérale se nourrit de l'accroissement de deux facteurs qui vont très rarement ensemble et qui démontre à quel point sa politique carcérale est répressive:
l'on assiste non seulement à une augmentation massive des condamnés mais aussi à un allongement de la durée des peines d'emprisonnement. Ainsi, l'évolution carcérale est nettement différente de celle de l'Europe, en effet la majorité des pays de l'Union s'engagent dans des politiques pénales moins lourdes : consistant à punir plus sévèrement les crimes considérés comme graves tout en recourant plus largement aux peines alternatives à la privation de liberté pour les infractions plus légères (sursis avec mise à l'épreuve, jour-amende, travail d'intérêt général, etc.). De plus, aux Etats-Unis, des mesures répressives sont mises en place telles que la 5 perpétuité automatique au troisième crime et l'application de la législation criminelle adulte aux mineurs de moins de seize ans.

• Que représente en réalité ce taux d'incarcération? Qui est visé en réalité par cette politique représsive?
Ces crimes concernent d'abord les infractions mineures à la législation sur les drogues et les atteintes à l'ordre public. C'est en 1986, que le gouvernement s'engage dans une lutte sans merci contre la drogue, ainsi il condamne à la réclusion : dealers, petits délinquants, malfrats d'occasion qu'ils soient violents ou non violents. Sous cette chasse aux trafiquants s'en cache une autre, l'Etat pénal veut emprisonner tous ces pauvres qu'elle estime être les rebuts de la société. Les prisons sont remplies non pas de détenus violents comme l'affirment les partisans du "tout carcéral" mais de criminels non violents et de petits délinquants ainsi 94 % des détenus des federal prisons et 74% des states prisons ont été condamnés pour désordre sur la voie publique, conduite en état d'ébriété, vol à l'étalage, cambriolages, infraction à la législation sur les alcools et les stupéfiants mais pour la grande majorité ce ne sont pas des criminels. L'Etat veut ainsi réaffirmer ses impératifs civiques de travail et de moralité avec d'autant plus de force que le marché du travail est précaire et que les prestations sociales sont coupées pour les populations les plus vulnérables.
Le système veut donc enfermer les populations les plus miséreuses.Le prisonnier type entrant dans une prison d'Etat est un homme d'origine afro-américaine (54% des admis contre 19% de blancs), âgé de moins de 35 ans, sans diplôme de fin d'étude secondaire, condamné pour un délit ou un crime non violent dans 7 cas sur 10.

• Conditions de vie en prison :
Les détenus sont enfermés souvent dans des conditions mauvaises et dangereuses car l'hypertrophie carcérale est telle qu'elle oblige les Etats à enfermer un grand nombre de condamnés à de longues peines dans des maisons d'arrêt de comté, ainsi, des détenus pour petites infractions se retrouvent parfois dans la cellule de criminels dangereux. Celle-ci sont devenues selon les mots de Wacquant de "gigantesques entreprises d'entreposage et de tri des populations pauvres et précaires". Cette situation extrême donne lieu à un grand nombre d'incohérence, ainsi des milliers de criminels ont du être relâchés du fait que les pénitenciers étaient pleins à craquer et que cela amenait des conditions de réclusion insoutenable. Wacquant assimile les établissements pénitenciers à des usines à enfermer. La plus grande obsession des responsables de ces établissements est de "faire circuler le flot intarissable des détenus le plus vite possible à travers le système afin de minimiser les incidents liés à l'entassement et au mélange des populations disparates et difficiles sinon hostiles".

Wacquant souligne de plus que le réseau pénitentiaire américain est très diversifié. Chaque prison à sa propre organisation interne, régime de discipline, niveau de sécurité, technologies de surveillance, activités proposées, profils des détenus. Ainsi la vie quotidienne d'un prisonnier peut beaucoup varier suivant l'établissement où il est enfermé : certains détenus passent 20 heures par jour seuls dans une cage d'acier sous surveillance électronique privés de tout contact humain ; d'autres souffrent au contraire de promiscuité forcée et d'insalubrité ambiante dues au manque de place de l'établissement. Mais Wacquant remarque que la majorité des détenus sont dans des grands établissements d'Etat et qu'ils souffrent d'un horrible ennui, de violence et de peur alimentés par l'inactivité forcée et le surpeuplement endémique.

• 3 types de prisons :
Le système carcéral s'organise en 3 paliers, les détenus sont envoyés dans trois types de prisons suivant les peines qu'ils encourent :

Les jails : maisons d'arrêt municipales ou de comtés, qui sont au nombre de 3000, dans les jails se trouvent prévenus et condamnés à une peine inférieure à un an

Les state prisons : maisons de peine des 50 Etats, au nombre de 1450 renfermant les condamnés encourant une peine supérieure à un an (felony) 6

Les Federal prisons : prisons placées sous l'autorité de Washington où sont enfermés les détenus condamnés pour crimes relevant du Code pénal fédéral et concernant principalement les criminels en col blanc, la vente ou détention de drogues et les violences contre les personnes. Ces Federal prisons sont au nombre de 125

• Un exemple de prison: La Los Angeles County Jail :

Dans cet article, Wacquant nous décrit de manière détaillée trois établissements pénitenciers ce qui permet de mieux nous représenter le fonctionnement interne du système pénitencier en Amérique. Ainsi une page entière est consacrée à la "Los Angeles County Jail " (LACJ), maison d'arrêt de Los Angeles qui détient le titre de plus grande colonie du monde occidentale (d'ailleurs le shérif du comté s'en vante sur son site Internet). Nous pouvons relever l'ironie de Wacquant quant au titre qu'il donne à cette description de la LACJ : "Chaos contrôlé dans la première colonie pénale du monde libre".

La LACJ est composée de 9 établissements qui renferment en moyenne 20'000 détenus (à titre de comparaison Fleury-Mérogis la plus grande prison d'Europe en accueille 3900). 46 % des détenus sont latinos, 33% sont noirs et seulement 18% sont blancs (alors que ces derniers sont majoritaires dans le comté), la moitié d'entre eux ont entre 18 et 29 ans et 7 sur 10 ne possèdent aucun diplôme. Trois graves problèmes affligent la LACJ : le surpeuplement, la violence et les conflits raciaux.

La LACJ est conçue pour accueillir seulement 12'000 détenus alors qu'elle en renferme en moyenne 20'000. Si les juges faisaient exécuter l'intégralité des peines d'emprisonnement elle devrait en contenir 39'000, comme l'espace manque la grande majorité des personnes arrêtées pour des délits mineurs sont relâchées sans le moindre contrôle ou purgent qu'une partie de leur peine. Selon les mots de Wacquant, le personnel de la LACJ a "pour défi quotidien de réceptionner, trier et faire circuler les détenus le plus rapidement possible à travers le système, à la manière d'une usine de retraitement de déchets sociaux afin d'éviter les goulots d'étranglement et les incidents violents qui provoquent chaque année la mort de 20 détenus". Comme il s'avère très compliqué de classer les détenus en différentes catégories de dangerosité, il arrive très souvent que l'on ne puisse pas séparer comme il le faudrait les criminels dangereux des prévenus de droit commun, les noirs des latinos, les criminels sexuels des autres détenus. Ainsi la violence règne dans les cellules, les affrontements entre les différents groupes ethniques sont très fréquents.

• Le nombre d'Américain sous tutelle pénale :
Un fait important que Wacquant relève c'est que la statistique pénitentiaire sous-estime l'importance que les institutions judiciaires exercent sur les populations les plus pauvres car elle ne représente que le nombre de détenus en prisons. En effet, la masse de personnes placées "sous main de justice" est composée surtout de condamnés "mis à l'épreuve" et placés en "liberté conditionnelle" après avoir effectué une partie de leur peine n'est pas inclus dans les statistiques.

Le nombre d'Américain sous tutelle pénale est impressionnant, il représentait 2,8% de la population adulte du pays en 1995, soit 1 homme sur 20 et 1 noir sur 10.

• Prolifération des bases de données criminelles :
Le système pénal se charge aussi de surveiller la population qu'il juge "déviante et dangereuse", en effet l'accroissement du nombre de données criminelles est inquiétant car c'est près du tiers de la population adulte masculine qui est fiché, la famille et les amis de ces présumés criminels sont également fichés. Ces bases de données sont en libre service, n'importe qui peut y avoir accès, ainsi les employeurs par exemple, les consultent pour éliminer les repris de justice prétendant un emploi. La police en profite d'ailleurs souvent pour ficher tous les jeunes d'un quartier considéré comme malfamé. Même si ces fiches sont souvent floues et erronées cela n'empêche pas la police de s'y appuyer pour cibler ses arrestations et les procureurs de poursuivre plus sévèrement ceux qui y figurent.

• Promettre des politiques pénales encore plus répressives garantie le succès des politiciens auprès de leur électorat :

L'emprisonnement est un remède passe-partout face à la montée de l'insécurité sociale, ainsi les politiciens et les médias ont pris comme leitmotiv favori : "enfermez-les et jetez la clé" afin d'élargir leur marché. Plus les politiciens font campagne pour un système carcéral répressif et promettent des mesures pour rendre les conditions de vie des prisonniers encore plus insupportables et plus ils auront des chances d'être élus (relevons que W. Bush était procureur du Texas, état qui possède le plus haut taux d'incarcération). La philosophie pénale dominante parmi les professions pénitentiaires peut se résumer ainsi : "faire que le prisonnier sente le prisonnier", c'est à dire que l'emprisonnement doit retrouver sa fonction d'origine : la souffrance. On peut donc mieux comprendre la réintroduction des uniformes à rayures, les appels à réinstaurer les châtiments corporels, les techniques d'humiliation exercées contre les prisonniers et les mesures de durcissement des régimes internes qui interdisent par exemple aux prisonniers les appareils de musculation, un de leur principal passe-temps. Le but des politiciens est surtout d'accentuer la frontière symbolique qui démarque les repris de justice de la population pour montrer à leur électorat que les prisonniers payent leur dette envers la société. Ainsi, ils sont privés de droit de vote pendant leur détention mais encore pendant toute la durée qu'ils demeurent sous tutelle pénale, voire de plus en plus souvent à vie. De plus, l'Etat leur coupe de tous leurs droits sociaux, ils se voient donc retirer du droit à la retraite, à l'assistance alimentaire, au logement social, à l'allocation pour handicapés, etc.

• Wacquant conclue :
Il finit son article ainsi : "Frappés d'un triple stigmate à la fois moral (ils se sont mis au ban des citoyens en violant la loi), de classe (ils sont pauvres dans une société qui vénère la richesse et conçoit la réussite sociale comme le résultat du seul effort individuel) et de caste (ils sont majoritairement noirs donc issus d'une communauté dépourvue d'honneur ethnique), les détenus sont le groupe paria parmi les parias, une catégorie sacrificielle que l'on peut vilipender et humilier en toute impunité avec d'immenses profits symboliques. La politique de criminalisation de la misère de l'Etat américain trouve ainsi son prolongement culturel dans un discours public de honnissement des prisonniers qui fait d'eux l'incarnation du mal absolu : l'antithèse vivante du rêve américain"

IV. Economie : les 3 sources de financement de l’enfermement : Capital privé, facturiser un « loyer », abaisser le niveau de vie :

Evolution du budget: De tous les domaines qui composent les dépenses publiques, le poste « pénitentier » est celui qui connaît l’expansion la plus forte de 1975 à nos jours, alors que les dépenses en faveur des populations les plus déshéritées subissent des coups drastiques. (ex :
l’allocation aux mères démunies chute de 47% en valeur réelle entre 1975 et 1995 alors que le taux de couverture de cette aide tombe à la moitié. Le pourcentage de chômeurs couverts par l’assurance chômage plonge de 76 en 1975 à 36 en 1995).
Ce ne sont pas seulement les politiques qui changent vers un durcissement de la pénalisation de petits délits commis pour la plupart par des acteurs fragiles, mais on observe en même temps un abandon du soutien économique de ces mêmes classes démunies. Ainsi, Wacquant envisage cette mutation de la question sociale et pénale comme un programme d’emprisonnement de la misère, où « la construction de prisons est, de fait, le principal programme de logement social du pays ».

Pour réussir cette stratégie de contrôle, pénalisation et stigmatisation de la misère, le budget judiciaire a dû attribuer un tiers de son total à la fonction carcérale. Cependant la seule construction de pénitenciers a augmenté son coût de 612% entre 1979 et 1989, pas seulement par la quantité d’établissements construits, mais par la spécificité de moyens de surveillance, d’isolement et de contrôle (caméras, portes spéciales…). Le budget de la justice s’est avéré largement insuffisant pour absorber tous les coûts de l’emprisonnement. Ainsi, le budget social a diminué de moitié tandis que le budget carcéral a doublé Le découpage ne s’est pas seulement fait sur le budget social, mais aussi sur l’éducation supérieure, rendant celle-ci encore plus inatteignable pour les classes défavorisées, qui ne doivent 8 pas seulement lutter contre l’inégalité de capital culturel, mais aussi contre l’impossibilité de couvrir les frais d’inscription annuels, qui, en Californie, par exemple, ont augmenté de 1000 dollars en 1980 à 1500 dollars dix ans plus tard, avant de dépasser 4 300 dollars en 1994, année où la population carcérale a elle-même dépassé pour la première fois l’effectif des étudiants du premier cycle sur le campus menant au bachelor of arts. (ex : Californie : alors qu’elle devançait tous les autres Etats en matière d’enseignement au début des années 1970, elle est aujourd’hui 48e sur 50 pour l’éducation mais leader incontesté du pays sur le front carcéral explosion de l’enfermement). Entre 1979 et 1989 l’Etat californien a inauguré un seul campus universitaire, en dépit de l’accroissement sensible de la population estudiantine, alors qu’il bâtissait 19 nouveaux établissements de détention.

Paradoxalement, les gardiens de prisons reçoivent un salaire supérieur d’un tiers à celui des maîtres assistants alors qu’ils requièrent une formation de six semaines au-delà des études secondaires. La disparité entre les budgets social, pénal et éductif, nous montrent ce que Wacquant appelle une politique de « downsizing » (vers le bas) dans le domaine social et une entrée de plain-pied dans l’ère du « big governement » carcéral. C’est ainsi que les administrations pénitentiaires des 50 Etats de l’Union sont les 3ème plus gros employeur du pays après Walmart et General Motors.

Pour assurer la bonne réussite du big governement carcéral, les syndicats ont été dotés d’un fort pouvoir économique et politique, de sorte à inciter les employés à soutenir cette politique. Le syndicat des personnels pénitentiers en Californie est le plus puissant du pays pour ce secteur. Il dispose de plus de 8 millions de dollars de cotisations annuelles, ce qui lui permet d’être le plus grand bailleur de fonds de campagnes politiques locales. Le syndicat alloue ainsi un million de dollars par cycle électoral aux candidats favorables à l’expansion des prisons. Outre les politiciens ce syndicat soutien activement les organisateurs de « défense des droits des victimes» qui comptent parmi les partisans les plus virulents de l’extension et de l’allongement des peines de prison. En Californie, il y a nettement plus de gardiens de prisons que de travailleurs sociaux Coûts + Profits de l’emprisonnement. 3 stratégies :

Grâce à l’influence des médias, aux yeux de l’électorat, l’enfermement des pauvres semble être une stratégie efficace dotée d’une charge morale positive, alors que la question du « welfare » (la charité) est depuis l’origine entachée d’immoralité. C’est grâce à la manipulation de la question d’insécurité, que les électeurs soutiennent les politiques répressives, sans connaître réellement ni les coûts économiques ni, encore pire, les coûts sociaux L’incarcération de masse n’a jamais été posée comme un coût économique dans l’espace public américain. Sans compter l’alimentation et les soins médicaux le coût moyen de détention dans un pénitencier d’Etat est estimé à 22 000 dollars par an et par prisonnier, soit trois fois le montant annuel des impôts acquittés par le ménage américain moyen. Le plus grand défit financier est le vieillissement des pensionnaires. Le coût de détention annuel par détenu de plus de 55 ans (25 000) atteint 70 000 dollars, soit presque deux fois le revenu annuel du ménage américain moyen.

1.Capital privé
Les électeurs américains, bien que convaincus de l’efficacité de l’enfermement de la misère, refusent d’assumer le coût exorbitant du basculement de l’État social vers l’État pénal. En réponse à leurs protestations, les solutions appliquées par les autorités se montrent bien conformes à l’idéologie de marchandisation : la privatisation de l’enfermement. On est en présence d’une industrie en plein boom, promise à un avenir radieux. Ainsi, aujourd’hui, 8% du marché carcéral est privatisé et 15 firmes pénitentiaires sont côtées en bourse.

2. Facturiser un « loyer » :
9 Une seconde stratégie de réduction du coût de la politique d’enfermement de la misère aussi bien intégrée dans l’idéologie marchande consiste à faire assumer aux détenus ou à leur famille une partie des frais de leur incarcération, ce qui dans certaines prisons équivaut à un « loyer mensuel » de cinq dollars. En outre, les services primaires tels que le dentiste sont aussi facturisés. Cela veut dire que non seulement les victimes de la misère doivent être condamnées par leur condition imposée, mais qu’en plus ils doivent, par leur travail, cotiser à leur propre enfermement. Certains directeurs de prison vont jusqu’à louer les services de firmes spécialisées dans le recouvrement des dettes pour assurer que les condamnés placés en « liberté » conditionnelle s’acquittent des loyers restés impayés à leur sortie.

3. Abaissement du niveau de vie :
Abaisser le niveau de vie et de services au sein des maisons de peine est la troisième stratégie pour couvrir les frais de l’enfermement. Les amputations les plus drastiques ont été faites sur les budgets consacrés à la réinsertion qui concernent la réhabilitation, l’entraide juridique, l’assistance juridique gratuite, et l’enseignement en milieu carcéral (plus de la moitié des établissements ont soit réduit, soit éliminé l’enseignement au niveau carcéral en violation de la loi dans le cas des jeunes détenus). On peut se poser la question si l’intérêt derrière ces mesures est de « guérir » la société en veillant à la bonne intégration de ses membres ou si l’intérêt est plutôt de cacher la misère, la violence symbolique et l’exclusion en l’enfermant, en la neutralisant.
Selon une enquête réalisée en 1995 auprès de 823 directeurs de prisons 60% des directeurs ont supprimé les programmes d’éducation post secondaire, 47% l’usage du tabac, 40% la boxe et les visites conjugales et 30% la lecture des magazines à caractère sexuel, l’usage des vêtements personnels et des poids et haltères et de la dentisterie dite esthétique. Plus de 70% des directeurs souhaitent limiter ou éliminer la distribution de contraceptifs, le versement des allocations pour handicapé physique.

Ces mesures de caractères purement répressifs, sous l’image de puritanisme, visent à supprimer tous les « vices » des détenus. Or si on prend comme exemple l’aspect sexuel pour montrer l’abérrance de ces mesures, on peut se poser la question suivante : si les visites conjugales ainsi que les magazines à caractère sexuel sont interdits, quelles réactions peut-on attendre des prisonniers autres que les abus et déviations sexuels ?

V. L’Europe : entre l’enfermement et la réinsertion :

III Europe :

L’Europe s’est vue contrainte de choisir un chemin : soit elle continuait avec une politique judiciaire visant la réinsertion mais qualifiée de « laxiste », avec les Pays Bas en tête, soit elle s’ajustait à une politique moderne et efficace qui prônait l’enfermement de la misère. On constate alors que si les mesures prises ne sont pas une copie exacte du modèle américain, le durcissement du système judiciaire est un état de fait.
Loïc Wacquant montre que les Etats européens n’ont pas résisté à la tentation de s’appuyer sur les institutions carcérales pour contraster l’insécurité causée par un salariat précaire et la baisse de protection sociale. Les politiques pénales des sociétés de l’Europe occidentale sont dans l’ensemble devenues plus dures, plus enveloppantes, plus ouvertement tournées vers la simple protection de l’ordre social au détriment de la réinsertion.
Les Pays Bas, connus jusqu’en 1994 comme meneurs d’une politique sociale de réinsertion, ont basculé, avec toute l’Europe, du social vers le pénal. Aujourd’hui leur politique est gouvernée par ce que Wacquant appelle un « instrumentalisme managérial », c’est à dire que la priorité est donnée aux considérations économiques de coût et d’efficience dans une optique sécuritaire.

En prenant l’exemple du succès électoral de Tony Blair qui a repris à son compte nombre de thèmes répressifs, les candidats présidentiels de la France ont sut, avec l’aide des médias, créer une paranoïa générale, leur permettant de gagner des voix en promettant des mesures contre l’insécurité plus répressives et plus efficaces.
L’alignement de l’Europe sociale par le bas, entraînant un relâchement des mesures de protection du marché du travail et un affaiblissement continue des protections collectives s’accompagne d’un alignement de l’Europe pénale par le haut. Ainsi, les directeurs des administrations pénitentiaires des pays membres du Conseil de l’Europe se réunissent régulièrement depuis deux décennies afin de confronter leurs expériences et de coordonner leurs pratiques. La coopération en matière de maintien de l’ordre se matérialise sur le traité de Maastricht, promettant d’accélérer l’harmonisation pénale. Dans la même optique, l’Europol et le K4 ont été crées pour former un front commun pour combattre le terrorisme et le trafique de drogues ainsi que les politiques d’immigration, du droit d’asile, de la police, des douanes, etc.

Ces organismes s’appuient sur des structures avec une large expérience en matière de répression, lutte anti-guérilla et contrôle de la population, telles que la C.I.A (Central Intelligence Agency) et le F.B.I.(Federal Bureau of Information) + George Bush Center of Intelligence VI. Critique de l’article :
Politiquement très fort, ce texte est dénonciateur et contestataire, il est une référence pour tous les militants d'un monde plus social et les opposants à la politique américaine, qui lutte contre les dérives de l'Etat néolibéral. Il remet en cause les Etats-Unis comme modèle à suivre dans le sens qu'il dévoile la gravité d'un système qui se dit efficace mais qui est socialement dévastateur. Il rend compte d'une situation actuelle très grave et encore trop peu connue. Wacquant s'appuie sur une base statistique, ce qui donne une très grande légitimité à ses propos. Son texte explore un thème très vaste, il parle de presque tous les domaines de l'institution carcérale. Un seul point est oublié : celui de la peine de mort. Nous regrettons d'ailleurs cet oubli du fait que c'est un problème qui revient constamment dans le débat politique aux Etats-Unis et qui montre un retour aux pratiques du Moyen-Age.
Wacquant a dû faire preuve de courage en publiant ce texte qui dénonce si fortement la politique des Etats-Unis alors qu'il y habite.
La lecture et l'analyse de cet article a pour nous été passionnante son contenu est effrayant et révoltant, d'autant plus que nous sommes loin d'être des admiratrices de la politique américaine.

Nous pouvons tout de même élaborer une critique négative à cet article : bien qu'il soit très fort dans son dénoncement politique et économique, il manque une certaine analyse sociologique approfondie sur la vie des prisonniers qui rendrait mieux compte des situations individuelles. Mais ce manque est certainement dû au fait que cet article est trop petit pour contenir une analyse aussi approfondie. Bien que ce texte soit très clair, nous trouvons que les causes historiques du passage au grand renfermement carcéral, ne sont pas expliquées de manière complète.

VII. Le Front National comme exemple de la criminalisation pour combattre la misère :

Programme du candidat du Front National : Jean-Marie Le Pen Insécurité

• « Tolérance zéro »
• Référendum pour rétablir la peine de mort pour les crimes les plus graves
• Rétablissement des quartiers de haute sécurité
• Expulsion « systématique » des « délinquants et criminels étrangers » au terme de leur peine
• Abaissement de la majorité pénale à 10 ans
• Responsabiliser les familles de mineurs délinquants: obtention sous conditions des allocations familiales, poursuite des parents complices des actes délinquants de leurs enfants 11

Immigration Citoyenneté
• Expulser immédiatement tous les immigrés en situation irrégulière
• « Stopper », puis « inverser les flux migratoires » par le rétablissement des contrôles aux frontières
• Mettre fin à tout regroupement familial

L’actualité française nous permet d’illustrer que le phénomène de criminalisation de la misère est de plus en plus répandu. La politique de la tolérance zéro que prône certains politiciens comme solution pour combattre l’insécurité est un discours jouant sur les peurs de la population, ceux-ci promettent des mesures répressives et efficaces pour lutter contre l’insécurité. Nous avons pris la France comme exemple mais elle n’est pas le seul pays a être tenté par un Etat pénal et policier.

Le programme politique de le Pen illustre bien comment cette tolérance zéro poussée à l’extrême peut être raciste et dévastatrice socialement. Bien que son programme pénal revendique un retour dans l’histoire des acquis en matière de droits humains, ce candidat est passé au deuxième tour avec un pourcentage d’électeurs très élevé. Si les mutations sociales que le Front National propose évoquent des images de la deuxième Guerre Mondiale, considérée comme une catastrophe humaine, comment peut-on expliquer le fait qu’autant d’électeurs, provenant surtout de classe ouvrière et employée sans diplôme ont voté pour lui ? On sait que les médias ont joué un rôle fondamental dans la construction d’une paranoïa collective au détriment de la perception des marginaux, et des immigrés. Or le taux de criminalité tant aux Etats-Unis, comme en France est resté relativement stable pendant cette dernière décennie. A qui profite alors le grand renfermement?

Dans un contexte de globalisation où la consommation colonise de plus en plus le monde, l’accès aux richesses concentrées au Nord de la planète se restreint à ceux qu’on appelle les bénéficiaires « légitimes ». Par contre, ceux qui à l'autre bout, n’arrivent plus à couvrir leurs besoins matériels dans un monde où la possession et l’image sont si valorisés, sont stigmatisés et enfermés pour cacher la misère du monde. Est-ce qu'un Etat policier tentant par tous les moyens de réduire l'insécurité et l'incivilité peut résoudre le problème? Les politiciens devraient s'interroger sur les réelles causes de l'insécurité, celle-ci n'est-elle pas le symptôme d'une misère? Il est donc urgent d'instaurer une politique dont l'impératif serait de lutter contre la misère et non d'enfermer les pauvres (citons à titre d'exemple la ville de San Francisco qui par une politique d'orientation des jeunes délinquants vers des programmes de formation a permis de diminuer le taux de criminalité de 33 % ,cf article du "Courrier 8 mai) Voulons-nous d'une Europe pénale ou sociale ? Allonsnous suivre l'Amérique ? La criminalisation de la misère n'est pas une fatalité, c'est à nous citoyen de construire un Etat plus social et plus juste.


Origine : http://www.unige.ch/ses/socio/socpol/articles/wacquant.pdf