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Aux Etats-Unis, le suremprisonnement sert avant tout à « gérer
la populace » qui dérange, bien plus qu'à lutter contre les crimes
de sang dont le spectre hante les médias et alimente une florissante
industrie culturelle de la peur des pauvres. Les émissions de télévision,
America’s Most Wanted, Rescue 911 (le numéro de police-secours)
et COPS, diffusent aux heures de grande écoute des vidéos
d'interventions réelles des services de police dans les quartiers
déshérités noirs et latinos au mépris le plus total du droit des
personnes arrêtées et humiliées devant les caméras[1].
A preuve, le nombre des condamnés pour crimes violents dans les
prisons d'Etat a augmenté de 86% entre 1985 et 1995 alors que l'effectif
de leurs camarades détenus pour troubles à l'ordre public et pour
infraction à la législation sur les stupéfiants affichait respectivement
une croissance de 187% et 478%. Les premiers ont contribué de 39%
à la croissance de la population incarcérée mesurée en stock durant
cette période, les seconds de 43%[2].
Ces tendances sont particulièrement prononcées dans les Etats
en tête du palmarès carcéral. Ainsi, sur 100 personnes condamnées
à la prison au Texas au début de la présente décennie, 77 l'étaient
pour seulement quatre catégories d’infractions mineures : possession
et transport de drogue (22% et 15% respectivement), cambriolage
et vol (chacun à hauteur de 20%). En outre, plus de la moitié des
condamnés au titre de la législation sur les stupéfiants l'étaient
pour simple détention de moins d'un gramme de drogue[3].
Grand rival du Texas dans la course à l’enfermement, la Californie
a multiplié sa population carcérale par quatre entre 1980 et 1993.
Cette croissance s'explique pour les trois quarts par l'embastillement
des délinquants non-violents et particulièrement des toxicomanes.
Haro sur les toxicos
En 1981, les prisonniers condamnés pour infraction à la législation
sur les stupéfiants (ILS) composaient à peine 6% de la population
pénitentiaire de Californie ; en 1997, ce pourcentage avait quadruplé
pour approcher 27%. La montée de l’incarcération pour détention
ou commerce de drogues est particulièrement spectaculaire chez les
femmes puisque, dans leur cas, ce taux est passé de 12% à 43%. Mais,
mieux que la mesure des stocks (qui accorde un poids disproportionné
aux condamnations passées et aux longues peines pour crimes de sang),
la statistique des flux fait clairement apparaître le rôle moteur
de la campagne de répression pénale de la toxicomanie de rue dans
l’hyperinflation carcérale américaine.
En moins de vingt ans, le nombre des condamnés admis dans les
pénitenciers de Californie pour ILS s’est envolé de moins de 1000
entrants en 1980 à plus de 15 000 en 1997 (sur un total de 47 000),
alors même que toutes les enquêtes de consommation concluent que
l’usage de stupéfiants est resté stable dans l’intervalle. Depuis
1988, leur contingent est chaque année supérieur à celui des entrants
pour infractions contre les biens ainsi qu’à l’effectif des nouveaux
admis condamnés pour violences. De fait, le taux d’emprisonnement
(hors maison d’arrêt) pour possession ou cession de drogues a décuplé
en quinze ans, passant de 4 prisonniers pour 100 000 habitants en
1980 à 46 pour cent mille en 1997, alors que dans le même temps
le taux d’incarcération pour atteintes aux biens doublait (de 16
à 30 détenus pour 100 000), rattrapant celui des atteintes aux personnes
qui augmentait lui de moitié seulement (de 26 à 37 pour 100 000).
Là encore, l’écart est encore plus fort chez les femmes, pour qui
le taux d’emprisonnement pour drogues a été multiplié par 15 en
quinze ans et s’élève à quatre fois le taux d’emprisonnement pour
atteintes aux personnes (7,7 contre 2,0 pour 100 000)[4].
Il est clair que, depuis le milieu de la décennie 80 et pour les
deux sexes, l’infraction à la législation sur les stupéfiants est
devenue le premier motif d’incarcération, en Californie comme
dans les autres états leaders de l’emprisonnement de masse. Or, il
faut savoir que 80% des arrestations au titre de la législation sur
les stupéfiants sont effectuées pour simple détention. Et que 60%
et 36% respectivement des détenus des geôles municipales et des prisons
d’Etat condamnés pour ILS étaient consommateurs de drogues au moment
de leur dernier méfait[5].
C’est dire que la « Guerre à la drogue » se ramène, dans les faits,
à une politique d’embastillement des toxicomanes, dont la locomotive
est le gouvernement fédéral. Après avoir baissé à la fin des années
70, la part des pensionnaires des pénitenciers fédéraux condamnés
pour ILS a explosé en passant de 25% des effectifs en 1980 à 60% en
1995. A eux seuls, les contrevenants à la législation sur les stupéfiants
ont apporté 71% de la croissance fulgurante de la population consignée
dans ces établissements.
Les toxicomanes remplissent les prisons fédérales |
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1975 |
1980 |
1985 |
1990 |
1995 |
Nombre total de détenus |
23 566 |
24 252 |
40 505 |
57 331 |
89 564 |
Part des condamnés pour ILS[6] |
27% |
25% |
34% |
52% |
60% |
Source : Federal Bureau of Prisons, Quick Facts
1998, Washington, FBP, 1999. |
Or, selon un rapport de la U.S. Sentencing Commission,
11% à peine des condamnés pour ILS par les cours fédérales sont
des « gros bonnets » et 55% des « contrevenants mineurs »[7]
dont la seule faute peut être de s’être trouvé « au mauvais endroit
au mauvais moment », comme le veut le dicton du ghetto. Parents,
amis et simples connaissances d’un (petit) dealer présumé peuvent
en effet être condamnés par association à des peines pouvant aller
jusqu’à la réclusion à perpétuité, en vertu des dispositions autorisant
les procureurs fédéraux à poursuivre pour « conspiration visant
la distribution de stupéfiants » toute personne associée de près
ou de loin au plus petit échange de drogue, et cela sur la foi d’un
seul témoin visuel (aucune preuve matérielle n’est requise ; le
procureur n’est même pas tenu de produire la drogue impliquée comme
pièce à conviction ; et les membres du jury ne sont pas informés
des peines obligatoires et incompressibles qu’encourent les accusés).
Le traitement pénal diligent et drastique se substitue ainsi au
traitement médical auquel les toxicomanes des classes populaires
n’ont pas accès en raison de la déréliction des services de santé
publique.
Les deux tiers des 3,2 millions d’Américains mis en « probation
» en 1995 étaient répertoriés comme ayant un problème d’alcool ou
de drogue. La moitié d’entre eux étaient soumis à un dépistage de
stupéfiants comme condition de leur liberté surveillée, mais 17%
seulement suivaient un traitement visant à guérir leur dépendance.
Et 52% des condamnés avec sursis ayant commis leur méfait dans le
but de s’approvisionner en drogues n’ont bénéficié d’aucun suivi
médical (dont 38% des toxicomanes par injection)
[8]. En 1997, 57% des pensionnaires des pénitenciers d’Etat
du pays déclaraient avoir fait usage de drogues illicites durant
le mois précédent leur arrestation (dont 20% par voie intraveineuse)
; un tiers avaient commis le méfait qui leur valait d’être enfermé
sous l’influence de stupéfiants (dont 20% sous cocaïne ou héroïne).
Mais moins de 15% de ces prisonniers toxicomanes suivaient ou avaient
suivi un traitement médical visant à guérir leur addiction en détention,
et cette proportion est en chute libre – elle dépassait le tiers
en 1991 – alors même que le nombre de drogués sous les verrous ne
cesse de s’accroître. Cette année-là, les pénitenciers de Californie
disposaient de seulement 400 lits pour désintoxication alors que
le nombre de détenus souffrant de dépendance psychotropique, d’après
les chiffres du California Department of Corrections, dépassait
les 100 000 ![9]
De même, moins d’un cinquième des reclus des prisons d’Etat identifiés
comme souffrant d’alcoolisme bénéficient d’un suivi médical pour
ce motif.
Rien de surprenant à ce qu’une fois relâchés, ces repris de
justice soient aussitôt arrêtés pour avoir commis un nouveau délit
lié à leur addiction ou pour avoir été « testé positif » lors de
l’examen hebdomadaire des urines, obligatoire pour la majorité des
libérés sous tutelle pénale en Californie, Etat où la moitié des
révocations de conditionnelle sont motivées par un dépistage de
drogue. D’autant plus qu’une des dispositions de la réforme de l’aide
sociale de 1996, adoptée en quelques minutes par le biais d’un amendement
voté par les deux partis, interdit à vie à toute personne condamnée
à la prison pour infraction à la législation sur les stupéfiants
(ILS) de percevoir l’aide sociale aux démunis (TANF, qui remplace
AFDC) ainsi que l’assistance alimentaire aux indigents (food
stamps). Une autre disposition exclut définitivement du logement
social toute personne ayant fait de la détention pour possession
ou cession de drogues et une loi de 1994 autorise l’administration
fédérale du logement à exclure les repris de justice de l’habitat
public. Ces deux mesures sont assurées d’avoir un effet disproportionné
et dévastateur sur les femmes du (sous-)prolétariat, qui forment
le gros des effectifs des allocataires de l’assistance sociale et
dont le premier chef d’emprisonnement est justement l’ILS, ainsi
que sur les communautés noire et hispanophone, qui fournissent les
trois quarts des prisonniers « tombés » pour une affaire de « stups
». Et sur leurs enfants, dont un nombre croissant devront être mis
sous tutelle des services sociaux ou confiés à des familles d’adoption
puisque leur mère n’aura plus accès aux ressources minimales nécessaires
pour en conserver la garde, cela malgré les dysfonctionnements calamiteux
des services de protection de l’enfance qui les assimile à de la
maltraitance institutionnalisée[10].
Enfin, en bannissant les condamné(e)s pour drogue de l’aide sociale,
la loi les exclut dans le même mouvement de la plupart des programmes
para-publics de désintoxication, pour lesquels l’admission dépend
justement de l’octroi d’une allocation sociale qui défraie le coût
du gîte et du couvert des patients[11].
Plutôt punir que prévenir : les psychopathes à la rue
Le sort des malades mentaux fournit une vérification expérimentale
tragique à l’hypothèse du lien causal et fonctionnel entre le dépérissement
de l’Etat social et la prospérité de l’Etat pénal. Ils ont été,
avec les toxicomanes et les sans-abri, les premiers frappés par
le recul de la protection médicale en même temps que les principaux
« bénéficiaires » de l’expansion du système carcéral américain.
On estime que plus de 200 000 psychopathes graves – schizophrènes,
maniaco-dépressifs ou dépressifs cliniques – croupissent aujourd’hui
sous les verrous, faute pour la plupart d’entre eux d’avoir eu accès
aux soins requis à l’extérieur. Un test approfondi administré à
un échantillon représentatif de 728 entrants à la maison d’arrêt
de Chicago en 1993 a établi que 30% présentaient des troubles psychiatriques
aigus (autres qu’un trouble de la personnalité) et 29% une dépendance
psychotropique au moment de leur mise sous les vérrous[12].
Un cinquième au moins des mineurs enfermés aux Etats-Unis, soit
vingt mille jeunes, souffrent d’afflictions psychiques. En Californie,
ce pourcentage atteint 44% pour les garçons et 64% pour les filles
; en Virginie, 10% des jeunes détenus requièrent des soins psychiatriques
lourds et 40 autres pour cent un traitement suivi. Et, comme pour
les adultes, l’incidence de la pathologie mentale chez les adolescents
est fortement associée à la consommation de stupéfiants[13].
« Les patients que nous examinons à la maison d’arrêt aujourd’hui
sont les mêmes que ceux que nous avions l’habitude d’examiner dans
les hôpitaux psychiatriques » il y a une vingtaine d’années, explique
un ancien responsable du pavillon psychiatrique de la clinique de
Men’s Central Jail à Los Angeles[14].
Car, suite à la politique de fermeture des grands hospices publics,
le nombre de patients dans les asiles du pays a fondu de 559 000
en 1955 à 69 000 quarante ans plus tard. Ces patients devaient théoriquement
être pris en charge sur le mode déambulatoire par des « centres
communautaires ». Mais les cliniques de proximité supposées remplacer
les asiles ne se sont jamais développées par carence de financements
publics et les centres existants ont périclité au fur et à mesure
que les assurances privées se défaussaient et que la couverture
médicale offerte par l’Etat fédéral se réduisait – alors même que,
ces dernières années, le nombre d’Américains dépourvus d’assurance
maladie battait tous les records. La « désinstitutionnalisation
» des malades mentaux dans le secteur médical s’est donc traduite
par leur « réinstitutionnalisation » dans le secteur pénal,
après avoir transité plus ou moins longtemps par le sans-abrisme
– on évalue à 80% la proportion des homeless américains qui
sont passés par un établissement de détention ou de soins psychiatriques[15].
La majorité des infractions pour lesquelles ils sont écroués relèvent
en effet de « troubles à l’ordre public » qui ne sont souvent rien
d’autre que la manifestation de leurs troubles mentaux, comme le
souligne cet échantillon des motifs d’arrestation de psychopathes,
récemment « déchargés » d’un l’hôpital où ils suivaient un traitement
médical en vertu de la politique dite de désinstitutionnalisation
:
Un jeune homme s’empara d’un véhicule 4x4 avec lequel il
emboutit la vitrine d’un magasin parce qu’il avait y vu un dinosaure
prêt à lui sauter dessus. Une jeune femme fut arrêtée à de nombreuses
reprises pour avoir mangé dans des restaurants d’où elle sortait
sans jamais régler l’addition parce que, disait-elle, elle n’avait
pas besoin de payer, étant la réincarnation de Jésus Christ. Un
homme fut arrêté pour désordre sur la voie publique après avoir
suivi deux individus jusque dans le lobby d’un hôtel de luxe de
Nob Hill [le quartier huppé de San Francisco]. Artiste miséreux
mais non dénué de talent, il était persuadé que ces individus étaient
des agents du FBI responsable de l’enlèvement de sa dame-patronesse.
Une femme d’un certain âge s’était mise à crier des accusations
dans un restaurant à l’heure de grande affluence quand un client
qui avait fini son repas tenta de passer à côté de sa table. Elle
saisit alors sa broche à chapeau et, à en croire le rapport de police,
la lui planta dans la fesse droite. Tandis qu’il marchait dans une
rue au milieu de la foule des passants, un jeune homme se retourna
subitement pour frapper une femme qui marchait derrière lui : il
était persuadé qu’elle avait un rayon laser braqué sur ses testicules
et qu’elle cherchait à le rendre stérile[16].
On pourrait multiplier à l’envi les exemples qui montrent comment
la logique punitive et dichotomique de la « loi et l’ordre » gouverne
désormais la gestion des psychopathes des classes populaires assimilés
à la fraction la plus visible de la catégorie honnie des « mauvais
pauvres » – ou des pauvres inutiles, ce qui revient ici au même[17].
Ils décrivent une gamme qui va du cocasse au tragique. On se contentera
d’un seul cas, pris à l’autre extrémité du spectre des possibles,
qui illustre, en le portant à son paroxysme sur le cursus d’une
vie, le processus d’accumulation et de renforcement mutuel
des carences de l’Etat-providence et des rigueurs de l’Etat-pénitence.
Le 5 mai 1999, jour de ses cinquante ans, Manuel Pina Babbitt, récipiendaire
de la purple star pour sa bravoure sur les champs de bataille
du Vietnam, est mis à mort par injection de poisons chimiques à
la prison de San Quentin. Il avait été condamné à la peine capitale
en 1980 à l’issu d’un procès bâclé pour avoir, lors d’un « flash-back
» causé par les troubles post-traumatiques liés à ses expériences
à la guerre, cambriolé puis agressé une vieille dame qui mourut
d’une crise cardiaque par suite de ses blessures[18].
Parti au front à dix-sept ans après une enfance de misère dans
une bourgade rurale du Massachusetts (son père, capverdien, est
alcoolique et le bat, sa mère est démente ; il souffre lui-même
de handicaps mentaux et redouble toutes ses classes avant de quitter
l’école en cinquième à seize ans, illettré), l’ancien caporal des
marines, héros rescapé des 77 jours d’horreurs du siège de
Keh Sanh, l’un des épisodes les plus sanglants du conflit du Vietnam,
est diagnostiqué comme schizophrène paranoïaque à son retour d’Asie.
Son instabilité mentale lui vaut d’être remercié de l’armée, à la
suite de quoi, faute de prise en charge sociale et médicale, il
dérive passant des délits à la drogue, puis à la détention. Babbitt
est condamné à répétition pour vol et cambriolage. Puis, en 1973,
il se voit infliger huit ans de prison pour braquage et purge une
partie de sa peine dans un hôpital pour les criminels déments de
Bridgewater State. Contre l’avis de ses psychiatres, il est relâché
et retombe à la rue dans la ville de Providence, où son état empire
au fil des ans : il entend des voix, souffre d’hallucinations et
prend l’habitude de ramper à terre en treillis comme s’il était
toujours en patrouille, ainsi que d’arrêter les passants d’origine
asiatique pour leur demander s’il a tué certains de leurs parents.
Peu après avoir migré en Californie, lors d’une nuit moite de fort
brouillard, réminiscence de celles qu’il avait connues dans la jungle
de Khe Sanh durant l’offensive du Têt, Babbitt perd la raison et
commet un meurtre puis une seconde agression le soir suivant qui
lui vaudront la peine capitale.
C’est son frère qui le livre aux autorités après avoir reçu
de la police l’assurance que la vie de Manuel, le simplet du village,
le revenant du Vietnam dont tout le monde reconnaît qu’il n’est
plus lui-même depuis ses deux passages au front, serait épargnée
et qu’il recevrait enfin un traitement psychiatrique. Mais c’était
compter sans la détermination du procureur de Sacramento, qui s’acharne
à demander la peine de mort et qui l’obtient (la plupart des médias
présentent alors Babbitt comme un tueur patenté ayant également
violé sa victime alors que les experts du procès ne se sont jamais
prononcés par l’affirmative sur ce point). Sans grande peine puisque
l’avocat de la défense commis d’office omet de sa plaidoirie l’état
médical de l’ancien caporal – il oublie même de demander son dossier
militaire. Plusieurs dépositions sous serment d’employés du tribunal
affirmeront par la suite que cet avocat, qui démissionnera de l’ordre
en 1998 pour avoir détourné des fonds d’assistance à ses clients,
buvait jusqu’à l’ébriété durant le procès et qu’il est notoirement
raciste, alors qu’il défendait en l’occurrence un justiciable noir
accusé de meurtre (et d’un viol jamais prouvé mais qui pèsera sur
le verdict) sur la personne d’une femme blanche devant un jury à
cent pour cent blanc[19].
Durant les mois que dure ses dernières procédures d’appel, des
milliers d’anciens combattants du Vietnam – dont 600 survivants
de Keh Sanh – et diverses personnalités – dont le Prix Nobel de
littérature Wole Soyinka – font publiquement campagne pour la grâce
de Babbitt. Ils obtiennent qu’il reçoive sa médaille de bravoure
militaire, pour laquelle il n’avait jamais fait les démarches requises,
lors d’une cérémonie solennelle tenue dans le couloir de la mort
du pénitencier de San Quentin. Deux membres du jury qui l’a condamné
soutiennent la révision de son procès, en attestant qu’ils n’auraient
jamais voté en faveur de la peine capitale s’ils avaient eu connaissance
des antécédents médicaux de l’accusé. Le docteur Charles Marmar,
l’un des plus éminents psychiatres du pays et le spécialiste mondial
des afflictions post-traumatiques, témoigne que tous les détails
du crime indiquent qu’il a été commis sous l’emprise d’une « réaction
disassociative » tenant aux chocs psychiques subis au front : par
exemple, Babbitt a recouvert le corps de sa victime d’un matelas
après avoir posé une bouilloire sur son pelvis et lui avoir noué
un lacet de cuir à la cheville, comme le faisaient les soldats américains
dans la jungle asiatique afin de protéger et identifier leurs morts.
Et, pour tout butin après avoir saccagé l’appartement, il a emporté
un rouleau de pièces de cinquante centimes, une montre et un briquet.
En vain. Le nouveau gouverneur (démocrate) Gray Davis, un vétéran
du Vietnam qui a exploité durant toute sa carrière politique le
thème du respect à vouer aux anciens combattants, mais qui a aussi
promis, comme tous les politiciens du pays, d’être « dur avec le
crime », refuse en ces termes de commuer la peine de Babbitt en
réclusion à perpétuité sans possibilité de libération : « Un nombre
incalculable de gens ont subi les ravages de la guerre, des persécutions,
des famines, des désastres naturels et des calamités personnelles
et autres. Mais de telles expériences ne sauraient justifier ou
minimiser l’agression sauvage et la tuerie de citoyens sans défense
qui respectent la loi ». Davis considère en outre que les remords
du condamné sont insuffisants puisque ce dernier continue de maintenir
qu’il n’a aucun souvenir de la nuit du crime (ce qui est parfaitement
conforme à l’affliction dont il souffre). A l’annonce de la décision
du gouverneur, le fils de la victime déclare à la presse : « Le
mec va mourir et j’espère qu’il va souffrir comme ma mère a souffert.
Je ne crois pas que ce sera le cas. Mais j’espère qu’il sera suffisamment
tourmenté mentalement quand il se retrouvera dans la chambre d’exécution
et qu’on l’attachera à la couchette [pour lui injecter le mélange
des poisons mortels] »[20].
Cinq jours après sa mise à mort, Manuel Babbitt est enterré
au son du clairon, entre deux haies d’honneur dressées par ses anciens
camarades des marines. Mais sa dépouille repose dans le petit
cimetière de l’église de Wareham, sa ville natale, et non au cimetière
militaire voisin de Bourne. Car la famille de la victime de Babbitt
s’était scandalisée du fait que l’ancien caporal ait reçu sa purple
star dans l’antichambre de la mort, et elle a mené campagne
pour que plus jamais de tels honneurs ne soient rendus à un criminel.
Avec succès : depuis 1997, une loi fédérale votée dans le sillage
de l’attentat à la bombe d’Oklahoma interdit aux anciens combattants
condamnés pour crimes de sang d’être mis en terre au milieu de leurs
compagnons d’armes[21].
Tout indique que cette double tragédie aurait été évitée si,
d’une part, la couverture médicale publique n’abandonnait pas à
leur sort les psychopathes dépourvus des moyens d’accéder aux soins
nécessaires sur le marché privé de la santé (y compris les anciens
combattants dont on pourrait penser qu’ils ont acquis un « crédit
» auprès de la nation) et si, d’autre part, le système judiciaire
ne s’était pas substitué aux programmes d’assistance sociale pour
« nettoyer » la misère de rue qui dérange et menace. Il est en tout
cas certain que si Babbitt avait disposé des moyens financiers et
de l’entregent nécessaire pour s’attacher les services d’un bon
avocat, il serait aujourd’hui vivant et finirait ses jours en prison,
comme Théodore Kaczynski, l’Unabomber, lui aussi dénoncé
par son frère David (ce dernier a activement participé à la campagne
pour épargner Babbitt), mais qui doit d’avoir la vie sauve au fait
d’être blanc et de classe sociale élevée. En deux décennies, Babbitt
aura parcouru la gamme complète des infractions et des peines, de
la probation à l’emprisonnement à la mort, sans jamais déclencher
de mécanisme-frein ou rencontrer de butoir susceptible d’enrayer
sa déchéance sociale et mentale, et d’arrêter l’escalade pénale
qui leur correspond. En toute logique : la forme extrême de la gestion
punitive de la misère ne consiste-t-elle pas à la supprimer par
l’élimination physique du miséreux ?
Un tiers des maisons d’arrêt des Etats-Unis détiennent dans
leurs cellules des aliénés qui n’ont commis aucun crime ou
délit, si ce n’est celui de n’avoir d’autre endroit où être entreposé.
Car il est légal d’emprisonner un psychopathe sans motif judiciaire
dans dix-sept états, et cette pratique est courante même dans les
états où elle est explicitement bannie par la loi. Le docteur Fuller
Torrey, spécialiste de la question auprès du National Institute
of Mental Health, ne mâche pas ses mots : « Les maisons d’arrêt
et les pénitenciers sont devenus des asiles psychiatriques de remplacement
pour un grand nombre de gens souffrant de pathologies mentales graves
» en raison de « la faillite du système public de santé mentale
»[22].
Il n’est pas exagéré de considérer que le système carcéral est
de fait devenu l’institution de « traitement » psychiatrique de
premier recours pour les Américains les plus démunis – de même que
le principal pourvoyeur de « logements sociaux ». Ainsi, l’Etat
de New York soigne-t-il à tout moment plus de malades mentaux dans
ses pénitenciers (6 000, soit 9% de leurs pensionnaires) qu’il n’en
traite dans ses asiles (5 800). Dans les grandes villes, le budget
du pavillon psychiatrique de la maison d’arrêt dépasse couramment
le budget du service de psychiatrie de l’hôpital public du comté.
C’est particulièrement vrai en Californie, qui a mené la politique
de retrait étatique du secteur psychiatrique avec une ardeur toute
particulière : le nombre de psychopathes dans les établissements
de santé publique a chuté de 36 000 en 1961 à 4 400 en 1997. Parallèlement,
le nombre de malades psychiatriques dans les seules maisons d’arrêt
du Golden state affichait une croissance explosive : il a augmenté
de 300% entre 1965 et 1975 et a depuis décuplé pour dépasser 12000
malades[23]. Une
étude réalisée par Santa Clara, capitale de la Silicon Valley, révèle
que la population enfermée dans la geôle du comté a brusquement
quadruplé lors des quatre années qui ont suivi la fermeture du Agnews
State Hospital pour les aliénés en 1973. Dans nombre d’états, les
règles d’admission dans les hôpitaux sont si restrictives que la
seule manière d’obtenir des soins psychiatriques pour un patient
qui n’a pas les moyens de les payer est de se faire arrêter et incarcérer.
Au Texas, par exemple, il est commun que les travailleurs sociaux
recommandent à des familles dépourvues de couverture médicale privée
de faire emprisonner leur fils ou leur fille, afin qu’elle puisse
bénéficier des thérapies nécessaires. « J’avais une fille de quinze
ans qui souffrait de psychose et d’hallucinations », raconte Cathy
Brock, une responsable du Centre Letot pour les enfants fugueurs
à Dallas. « Et un médecin du service de santé mentale était d’accord
que cette fille avait besoin d’être hospitalisée. Mais il a aussitôt
ajouté qu’ils avaient déjà dépassé leur budget pour l’année, alors,
est-ce que je pouvais déclarer à la police une infraction qui permette
de la faire emprisonner, comme une agression? (…) Quand j’ai un
enfant qui souffre de troubles mentaux graves et qui est arrêté,
et la famille est sans ressources, je fais tout ce que je peux pour
que ce gosse soit mis sous tutelle pénale »[24].
La palme du comté affichant la pire performance en matière d’incarcération
de psychopathes lourds est décerné au Comté de Flathead dans le
Montana. Depuis vingt ans, seule la maison d’arrêt du comté accepte
les admissions en urgence psychiatrique – ni l’hôpital public ni
l’hôpital psychiatrique privé de la région ne les prennent. Les
individus souffrant de pathologies mentales sont mis dans la « cellule
molle » de la maison d’arrêt, une pièce nue aux murs capitonnés
dotée d’une grille au sol en guise de toilettes. On passe les repas
aux détenus par une fente dans la porte, comme dans les cellules
pour les aliénés utilisées en 1950, 1920 ou 1820.
En ce qui concerne les Etats, la palme doit être décernée au
Kentucky. Sa performance réside dans son système à deux classes
: la plupart des psychopathes qui disposent d’une assurance médicale
ou de revenus suffisants vont en hôpital psychiatrique, mais la
majeure partie des psychopathes sans ressources va en prison – qu’ils
aient ou non commis une infraction. 81% des maisons d’arrêt du Kentucky
déclarent enfermer des psychopathes graves sur lesquels ne pèse
aucun chef d’accusation ou aucune plainte[25].
La criminalisation de la déréliction psychique qu’opère le transvasement
des malades mentaux de la « main gauche » à la « main droite » de
l’Etat, du secteur hospitalier au secteur carcéral, est un processus
auto-entretenu qui est assuré d’envoyer chaque année derrière
les barreaux un contingent croissant de malades. En effet, les prisons
ne sont, à l’évidence, ni conçues ni équipées pour traiter des pathologies
mentales, de sorte que les malades incarcérés y reçoivent des soins
grossièrement insuffisants ou inadéquats, voire parfois aucun soin
– soit qu’ils n’ont pas été correctement diagnostiqués, soit que
les moyens manquent ou que les médicaments requis sont trop chers,
soit enfin que l’institution qui les accueille n’est pas légalement
habilitée à les soigner, comme c’est le cas des centres pour jeunes
détenus du Texas[26].
Les psychopathes et retardés mentaux sont aussi la cible habituelle
des brimades et des sévices des autres détenus, et ils affichent
de très loin la plus forte propension au suicide. En l’absence de
structures susceptibles de les prendre en charge à l’extérieur,
les juges sont réticents à libérer sous caution des prévenus qui
n’ont pas tous leurs sens, ce qui rallonge notablement leur durée
de détention. La clinique de Rikers Island, par exemple, traite
chaque année plus de 15 000 détenus souffrant de troubles mentaux
graves ; ceux-ci séjournent dans la célèbre maison d’arrêt de New
York cinq fois plus longtemps en moyenne que les autres détenus
(215 jours contre 42 jours), alors même que les chefs d’accusation
qui pèsent sur eux sont beaucoup moins sérieux. En Californie, les
individus frappés de handicaps mentaux ont, à infraction égale,
plus de chances que les autres d’être arrêtés et condamnés, et à
des peines d’emprisonnement plus longues dont ils servent de surcroît
une fraction plus élevée[27].
A leur sortie de prison, les repris de justice souffrant de
troubles psychiques se trouvent généralement livrés à eux-mêmes
alors que leur pathologie s’est aggravée. « Nombre de responsables
des maisons d’arrêt ne savent pas ce qu’il advient des psychopathes
à leur libération ; 46% des établissements ignorent si les détenus
psychotiques reçoivent des soins psychiatriques à leur libération
; parmi ceux des établissements qui le savent, à peine 36% voient
leurs détenus pris en charge à l’extérieur »
[28]. Faute de suivi médical, ces derniers ne tardent pas à
être de nouveau capturés par la police qui les renvoie derechef
sous les verrous pour un séjour rallongé en vertu des dispositifs
réprimant le récidivisme. De leur côté, en réponse à la baisse continue
des remboursements pour les patients couverts par l’aide médicale
gratuite, les hôpitaux se déchargent des malades qui ne sont plus
« rentables » en les déversant à la rue, où ils sont là aussi promptement
ramassés par la police, pour troubles à l’ordre public, vagabondage
ou mendicité, ou tout simplement parce qu’ils sont incohérents et
qu’il faut bien trouver à les mettre quelque part où ils recevront
au moins le gîte et le couvert, à défaut de soins. Les policiers
ont même une expression spécifique pour désigner ces arrestations
: ils les appellent mercy booking (arrestation de clémence)[29],
mesure qu’ils appliquent également aux personnes sans domicile fixe
l’hiver, où toutes les geôles des grandes villes du Nord voient
leurs effectifs augmenter sensiblement par l’accueil des gens de
la rue qui autrement mourraient de froid dehors. « Beaucoup de gens
viennent à la maison d’arrêt parce qu’ils n’ont nulle part ailleurs
où aller », explique avec une grimace de dépit le responsable des
maisons d’arrêt de Chicago. Ils commettent des petits larcins pour
se faire arrêter et enfermer, là au moins ils ont un lit, trois
repas par jour et ils peuvent voir un médecin gratuitement. Chaque
hiver, nos effectifs montent brusquement, de cinq à dix pour cent
au moins, rien qu’avec les sans-abri qui ‘rentrent’. Et maintenant,
avec la suppression du welfare [AFDC, l’allocation aux mères
démunies], on va avoir un gros afflux de femmes. Déjà, je me rappelle
quand Reagan avait coupé les aides sociales, notre effectif avait
percé le plafond[30].
En 1991, la police de Baltimore plaçait sous les verrous un sans-abri
du nom de Martin Henn suspecté d’avoir mis le feu à une voiture.
Mais la maison d’arrêt s’embrouilla dans ses papiers. Alors que
sa barbe s’allongeait, Henn demanda à plusieurs reprises aux travailleurs
sociaux la date de sa comparution devant le tribunal. Sans résultat.
Finalement, un statisticien de l’établissement remarqua lors d’une
sortie de données sur ordinateur que Henn croupissait dans la cellule
S-39 depuis plus d’un an sans même avoir été inculpé. Alors Henn
fut mis en accusation et conduit devant le tribunal, ses cheveux
longs jusqu’aux épaules. « Il était perdu dans le système », s’exclama
avec horreur la juge Ellen Heller, alors que le procureur s’empressait
d’annuler son inculpation. « Personne ne savait même que j’existais
», dit Henn[31].
Pour les Américains consignés au bas de la structure ethnique
et de classe, le mouvement simultané de rétrécissement du filet
de secours social et d’élargissement du filet de capture pénale
laisse une alternative : se résigner aux emplois de misère de la
nouvelle économie des services ou bien tenter sa chance dans l’économie
illégale de la rue et s’affronter à terme à la réalité de l’emprisonnement.
Les individus dépourvus de valeur sur le marché du travail, eux,
n’ont même pas ce « choix ». Toxicomanes, malades mentaux, sans-abri
: l’incurie des services sociaux et médicaux garantit que ces trois
catégories, qui se recoupent largement et entre lesquels les rebuts
de l’Amérique circulent comme dans un jeu macabre de chaises musicales,
se retrouvent chaque année plus nombreuses derrière les barreaux.
La prison sert aussi de dépotoir aux scories et aux déchets humains
d’une société de plus en plus soumise au diktat du marché.
[1] Fishman
Mark, Cavender Gray (dir.), Entertaining Crime : Television Reality
Programming, New York, Aldine, 1998.
[2] Mumola, Beck,
Prisoners in 1996, pp. 10-11.
[3] Fabello Tony,
Sentencing Dynamics Study, Austin, Criminal Justice Policy
Council, 1993.
[4] California
Department of Corrections, Historical Trends : Institution and
Parole Population, 1976-1996, Sacramento, CDC, 1997, tableau
4a.
[5] Mumola Christopher
J., Bonczar Thomas P., Substance Abuse and Treatment of Adults
on Probation, 1995, Washington, Bureau of Justice Statistics,
1998, p. 3.
[6] ILS : infractions
à la législation sur les stupéfiants
[7] United States
Sentencing Commission, Special Report to Congress : Cocaine and
Federal Sentencing Policy, Washington, Government Printing Office,
February 1995.
[8] Mumola Christopher
J., Bonczar Thomas P., Substance Abuse and Treatment of Adults
on Probation, 1995, Washington, Bureau of Justice Statistics,
1998, p. 7.
[9] Mumola Christopher
J., Substance Abuse and Treatment, State and Federal Prisoners,
1997, Washington, Bureau of Justice Statistics, 1998, p. 1 ;
Currie Elliott, Crime and Punishment in America, New York,
Henri Holt and Company, 1998, p. 166.
[10] Voir le
portrait en forme d’acte d’accusation de ces services dressé par
Susan Sheehan dans Life for Me Ain't Been no Crystal Stair
(New York, Vintage, 1993).
[11] Adams
Rukaiyah, Riker Alissa, Double Jeopardy : An Assessment of the
Felony Drug Provision of the Welfare Reform Act, Washington,
Justice Policy Institute, 1999. La loi fédérale de 1996 donnait
aux membres de l’Union l’option de ne pas appliquer cette clause
d’exclusion de l’aide sociale : 32 Etats ont néanmoins choisi de
l’adopter et 5 autres l’ont seulement modifié. La Californie a voté
sa propre loi en 1997 qui bannit également les condamnés pour ILS
du dernier programme d’aide aux indigents des comtés auxquels ils
auraient pu prétendre, General assistance.
[12] Teplin
Linda A., “Psychiatric and Substance Abuse Disorders Among Male
Urban Jail Detainees”, American Journal of Public Health,
84-2, février 1994, pp. 290-293. Une étude précédente avait trouvé
que les pensionnaires de la maison d’arrêt de Chicago présentaient
un taux de morbidité mentale et de toxicomanie trois fois plus élevé
que la moyenne des hommes de la ville (Kagan Daniel Ewt, “Landmark
Chicago Study Documents Rate of Mental Illness Among Jail Inmates”
Corrections Today, 52-7, décembre 1990, pp. 164-169).
[13] Edens John
F., Otto Randy K., “Prevalence of Mental Disorders Among Youth in
the Juveline Justice System”, Focal Point : A National Bulletin
on Family Support and Children’s Mental Health, 11, printemps
1997, p. 7 ; les chiffres sur la Californie nous ont été aimablement
communiqués par le Bureau de l’information de la California Youth
Authority en avril 1999.
[14] Cité in
“Asylums Behind Bars : Prisons Replace Hospitals for the Nation’s
Mentally Ill”, The New York Times, 5 mars 1998. Le transfèrement
des psychopathes du système hospitalier au système carcéral est
confirmé par une analyse statistique approfondie des données nationales
par George Palermo, Maurice Smith et Frank Liska, “Jails Versus
Mental Hospitals : A Social Dilemma”, International Journal of
Offender Therapy and Comparative Criminology, 35-2, été 1991,
pp. 97-106.
[15] Burt
Martha, Over the Edge : The Growth of Homelessness in the 1980s,
New York, Russell Sage Foundation, 1992, p. 57. Les chiffres sur
les effectifs des hôpitaux publics sont tirés de : Rouse A., Substance
Abuse and Mental Health Statistics, Washington, Department of
Health and Human Services, 1998. Pour une revue d’ensemble de cette
politique de santé mentale voir : Mechanic David, Rochefort David
A., “Deinstitutionalization : An Appraisal Of Reform”, Annual
Review of Sociology, 16, 1990, pp. 301-327.
[16] Whitmer
Gary E., “From Hospitals to Jails : The Fate of California's Deinstitutionalized
Mentally Ill”, American Journal of Orthopsychiatry, 50-1,
janvier 1980, pp. 65-75, citation p. 66.
[17] Kupers
Terry, Prison Madness : The Mental Health Crisis Behind Bars
and What We Must Do About It, San Francisco, Jossey Bass, 1999,
esp. pp. 257-265.
[18] “Hundreds
Take Up the Cause of a Killer” et “Vietnam Veteran Executed for
1980 Murder”, The New York Times, 26 avril et 5 mai 1999.
Le récit qui suit s’appuie sur une lecture croisée des articles
parus sur cette affaire dans quatre grands journaux nationaux et
deux quotidiens régionaux.
[19] “Babbitt's
Lawyers Raise Race Issue as Execution Nears”, San Francisco Chronicle,
2 mai 1999.
[20] “Governor
Won't Block Execution of Vietnam Veteran”, Los Angeles Times,
1er mai 1999 ; “Manny Babbitt : A Tale of Justice gone both Blind
and Wrong”, The Minneapolis Star Tribune, 6 mai 1999.
[21] “Honorable
Discharge : Executed as a Villain, Vietnam Veteran Gets Hero's Burial”,
The Boston Globe, 11 mai 1999.
[22] Cité in
“California Mental Health Care : From the Snakepit to the Street
?”, California Journal, 1er octobre 1997, pp. 37-45 ; sur
la détention arbitraire des psychopathes, Torrey E. Fuller, al.,
“Criminalizing the Seriously Mentally Ill : The Abuse of Jails as
Mental Hospitals”, Mental Illness and the Law, Washingon,
National Alliance for the Mentally Ill, 1998, pp. 11-14, et Kupers,
Prison Madness, passim. <
[23] Whitmer
Gary E., “From Hospitals to Jails”, art. cit., pp. 65-75
; le chiffre de douze mille psychopathes dans les maisons d’arrêt
de Californie est une estimation basse, correspondant à 15% des
détenus pour lesquels une étude de l’administration pénitentiaire
a déterminé que des soins psychiatriques journaliers étaient
indispensables.
[24] Citée in
“Asylums Behind Bars”, The New York Times, 5 mars 1998.
[25] Fuller
E., Torrey, al., “Criminalizing the Seriously Mentally Ill : The
Abuse of Jails as Mental Hospitals”, Mental Illness and the Law,
Washingon, National Alliance for the Mentally Ill, 1998, p. 13.
[26] Une maison
d’arrêt sur cinq ne possède aucune structure pour la prise en charge
des pathologies mentales. (Torrey E. Fuller, al., “Criminalizing
the Seriously Mentally Ill”, art. cit., p. 12). En 1998, un rapport
de la Division des droits civils du Ministère fédéral de la justice
accusait la maison d’arrêt du Comté de Los Angeles “d’indifférence
délibérée envers les besoins sérieux de soins psychiatriques des
détenus” et concluait que “le seul moyen d’améliorer [leur] santé
mentale” serait de les évacuer immédiatement du pavillon psychiatrique.
[27] Petersilia
Joan, “Justice for All ? Offenders with Mental Retardation and the
California Corrections System”, Prison Journal, 77-4, décembre
1997, pp. 358-380.
[28] Petersilia
Joan, “Justice for All ? Offenders with Mental Retardation and the
California Corrections System”, Prison Journal, 77-4, décembre
1997, pp. 358-380.
[29] Dans les
grandes villes, les individus perçus par la police comme psychopathes
sont deux fois plus souvent arrêtés et incarcérés que les personnes
tenues pour saines d’esprit parce que les policiers jugent que c’est
la seule mesure qu’ils peuvent prendre à leur égard (Linda A. Teplin
et Nancy S. Pruett, “Police as Street Corner Psychiatrist : Managing
the Mentally Ill”, International Journal of Law and Psychiatry,
15-2, 1992, pp. 139-156).
[30] Entretien
en septembre 1998 à la maison d’arrêt de Cook County avec le directeur
de l’administration pénitentiaire du comté.
[31] “Lost in
cell S-39”, U.S. News & World Report, 111, 26 août 1991,
p. 16.
Loïc Wacquant
Université de Californie à Berkeley
E-mail : loic @
uclink4.berkeley.edu
Date de publication : septembre 2003
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