Origine : http://www.millebabords.org/article.php3?id_article=1719
dimanche 14 novembre 2004
Communiqué de l’accident d’Avricourt
Témoignage des compagnons d’action de Sébastien
Briat
Source : Indymedia 12/11/04 17h49
5 jours après le drame voici le témoignage des compagnons
d’action de Sébastien Briat décédé
au cours d’une tentative de blocage d’un train de déchets
nucléaires.
Communiqué de presse suite à l’accident d’Avricourt
de dimanche 7 Novembre lors du blocage du train de déchets
nucléaires
« Ce communiqué représente notre première
et unique version des faits. Nous souhaitons qu’il soit respecté
pour sa famille et pour nous »
Le sept novembre 2004, Sébastien, 22 ans, est mort renversé
par la locomotive d’un convoi de déchets nucléaires
partant vers l’Allemagne.
Quelques semaines auparavant il s’était décidé
avec plusieurs d’entre nous à agir pour rendre publique
la vulnérabilité d’un tel convoi. Le fait qu’il
soit mort ne doit pas faire oublier que cette action était
non violente, réfléchie et volontaire. Contrairement
à ce que ce drame peut laisser transparaître, en aucun
cas notre acte était irresponsable et désespéré.
Notre engagement est le fruit de convictions profondes quant au
danger certain et réel que représente le nucléaire
depuis trop longtemps. Cette action était parfaitement planifiée,
collectivement, incluant des repérages précis des
lieux, et en respectant des procédures d’arrêt
éprouvées. Nous avions longuement envisagé
toutes les possibilités y compris un non arrêt du convoi.
Placés en sortie de courbe, nous pouvions être amenés
à quitter les rails très rapidement, du fait d’une
visibilité réduite. Nous étions quatre couchés
sur les voies ayant chacun un bras passé de part et d’autre
d’un tube d’acier glissé sous le rail extérieur
de la voie permettant ainsi un départ d’urgence plus
rapide. En aucun cas nous n’étions cadenassés
et nous avions la possibilité de nous dégager rapidement
de ces tubes.
Malheureusement l’équipe chargée de stopper
le train 1500m en amont n’a pas pu agir. L’ hélicoptère
de surveillance précédent en permanence le convoi
était absent, « partit se ravitailler en kérosène
» ; or cette équipe comptait essentiellement sur sa
présence qui signalait l’arrivée du train.
Enfin, conformément à ce qui était convenu
les stoppeurs ont renoncé à arrêter le convoi
car il était accompagné de véhicules de gendarmerie
le précédent à vive allure sur le chemin les
séparant de la voie. Le convoi est donc arrivé à
« 98 km/h » selon le procureur n’ayant pu être
arrêté par les militants ni averti par l’hélicoptère.
Ces multiples causes réunies nous mettaient en danger. De
ce fait, les personnes couchées sur les rails n’ont
bénéficié que de très peu de temps pour
s’apercevoir que le train n’avait pas été
stoppé et par conséquent n’avait pas réduit
son allure. Nous nous étions entraînés à
une évacuation d’urgence de l’ordre de quelques
secondes.
Sébastien à été percuté alors
qu’il quittait les rails, et en aucun cas, son bras n’est
resté bloqué à l’intérieur du
tube. La vitesse de l ’événement nous a dépassé
et personne parmi nous n’a eu le temps de lui venir en aide.
Avant que cela n’arrive, nous sommes restés dix heures
de suite cachés en lisière de bois à trente
mètres de la voie, gelés et ankylosés par le
froid. Durant cette attente, nous n’avons pas été
détecté par le dispositif de sécurité,
ni les guetteurs postés à une quinzaine de kilomètres
du lieu du blocage et chargés de nous prévenir de
l’arrivée du train, ni les stoppeurs chargés
de l’arrêter, ni les bloqueurs qui avaient préalablement
installé les deux tubes sous le rail au environ de cinq heures
du matin. Il est clair que la part de responsabilité de chaque
protagoniste doit être établie. Y compris la nôtre.
Pour l’heure nous sommes face à l’un des pires
moments de notre existence. Malgré ce que beaucoup de personnes
peuvent penser nous avions des raisons certaines d’être
là. En premier lieu la sauvegarde de la planète, dont
nous assistons au déclin d’années en années,
mais également le rejet de cet Etat monolithique refusant
toute remise en question. Nous n’avons pas décidé
d’arrêter ce train par immaturité ou par goût
de l’aventure, mais parce que dans ce pays, il faut en arriver
là pour qu’une question de fond, enfin, entre dans
le magasin de porcelaine. Sébastien est mort par accident,
il ne l’a pas choisi, personne ne l’a souhaité.
Il n’est pas mort au volant en rentrant ivre de discothèque,
mais en agissant pour faire entendre ses convictions. Et c’est
sans conteste pour cela que son décès ne sera jamais,
pour nous, un fait divers.
Face à une situation où nous étions si perdus,
nous n’imaginions pas recevoir tant de soutien. Nous remercions
particulièrement amis et parents, de nombreuses associations,
mais également les milliers d’anonymes allemands et
français ayant organisé des manifestations et des
commémorations en sa mémoire. L’ampleur de la
solidarité nous dépasse autant qu’elle nous
touche.
Le plus important, nous semble de pleurer un frère et de
soutenir sa famille et non d’ instrumentaliser son image.
Bichon était certes à la recherche d’un monde
moins fou, mais avant tout un jeune homme rempli de joie de vivre,
d’énergie et amoureux des gens.
Ce texte n’est ni une confession, ni une agression, nous
voulons seulement par celui ci rétablir la vérité
des faits.
Ses compagnes et compagnons de route
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