Origine : http://citron-vert.info/article.php3?id_article=619
Quand la police ignore le droit, il faut aussi parler de zones
de non-droit. La Ligue des Droits de l’Homme, le Syndicat
de la Magistrature et le Syndicat des Avocats de France viennent
de publier leur enquête relative à l’application
de la loi sur le racolage.
La Commission nationale Citoyens-Justice-Police s’est fixé
pour objectif d’enquêter sur les rapports entre les
citoyens et les forces de sécurité, sur le contrôle
et le traitement de ces rapports par l’institution judiciaire.
Les membres sont la LDH, le MRAP, le Syndicat des avocats de France,
et le Syndicat de la magistrature.
Fin juin, ils ont publié un rapport sur les infractions
de racolage et les conditions de ces constats. Les témoignages
recueillis, malheureusement concordants, permettent de montrer les
limites des pratiques policières.
C’est d’abord une nouvelle forme de taxe pour les prostitué(e)s
qui est apparue sous la forme des PV pour stationnement interdit,
qui, selon le rapport, ne touchent que les camionnettes de prostitution.
"Les témoignages précis et concordants des prostituées,
qui y exercent leur métier dans des camionnettes, mettent
en évidence un détournement du pouvoir de dresser
des procès-verbaux : l’enjeu n’est plus la circulation
routière, mais la lutte contre la prostitution. [...] De
fait, ces contraventions sont considérées par les
prostituées comme un impôt, dont l’alourdissement
récent est considérable."
Le rapport estime bien des garde à vue abusives. "Mais
la plupart sont menottées durant leur transfert ; nombre
d’entre elles sont fouillées dans des conditions humiliantes,
leur imposant de se placer, entièrement dénudées,
en position accroupie, au prétexte de vérifier qu’elles
ne détiennent aucun objet illicite dans les voies naturelles."
Une prostituée témoigne : "Je n’avais
plus que mon string ; on m’a demandé de l’enlever
; que pouvais-je bien cacher dans ce bout de tissu ?"
Au bois de Boulogne, les fouilles de sécurité (imposant
une nudité totale) sont quasi-systématiques pour les
transsexuels, sauf pour les Français. Voilà qui contraste
avec le code de déontologie de la police : "toute personne
appréhendée est placée sous la responsabilité
et la protection de la police ; elle ne doit subir, de la part des
fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement
inhumain ou dégradant."
Les garde à vue durent "bien au-delà du temps
nécessaire aux investigations" et "parfois, cette
prolongation est un moyen de punir ceux qui refusent de signer un
procès verbal de déposition". La durée
des gardes à vue semblent alors détachées de
celles des enquêtes très courtes, puisqu’elles
relèvent souvent du flagrant délit : en fait, selon
le rapport, elles constituent une sorte de peine délivrée
par la police.
Pour être en flagrant délit, il faut pouvoir relever
du racolage. Or, accuse le rapport, lors des interpellations, les
clients sont souvent sommés par les fonctionnaires de témoigner
de racolage même si c’est faux.
Le rapport note aussi que les sommes d’argent détenues
lors des interpellations ne sont pas toujours rendues. Une prostituée
rapporte les propos d’un agent de police, "qui a fouillé
dans son sac mais ne s’est pas emparé de son argent
: « eh bien dis donc t’as de la chance de tomber sur
des gars comme nous » (ce qui sous-entend, et confirmerait
les propos de plusieurs prostituées, que certains agents
de police ne sont pas aussi "scrupuleux"."
Le problème du fichier STIC, que l’on a souvent décrit
en d’autres occasions comme casier judiciaire parallèle,
apparait aussi avec la prostitution : "même non poursuivie
devant la justice, la prostituée demeure enregistrée
comme auteur d’une infraction de racolage". En cas de
nouvelles interpellation ou de comparution, de telles informations
(souvent fausses d’ailleurs) sont susceptibles de resservir.
"De fait, une justice policière s’est mise en
place : les preuves sont appréciées par la seule police,
la garde à vue joue le rôle d’une courte peine
d’emprisonnement, la confiscation de l’argent tient
lieu d’amende, le rappel à la loi de jugement, les
conditions dont il est assorti de mise à l’épreuve,
le STIC de casier judicaire."
Pour en savoir plus, le rapport est disponible sur le site du Syndicat
de la Magistrature.
Syndicat de la magistrature - 12-14, rue Charles Fourier - 75013
Paris
Tel. 01 48 05 47 88 - Fax. 01 47 00 16 05 - syndicat.magistrature
at wanadoo.fr
http://www.syndicat-magistrature.org/article/791.html
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