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Origine : http://infokiosques.net/spip.php?article=295
L’histoire
Le livre de Nicolas Sarkozy « La République, les
religions, l’espérance » édité
en 2004 aux Éditions du Cerf m’a été
envoyé par l’AFIS (Association française pour
l’information scientifique [1]) en vue d’une fiche de
lecture d’une demie page que je m’étais proposé
de rédiger. Cette demie page n’a jamais vu le jour,
pour deux raisons très simples.
D’abord, à moins de faire partie de ces fast-thinkers
qui servent de la fast-culture, il est des sujets pour lesquels
une restriction formelle (la demie page) allège tellement
le propos qu’il vaudrait mieux s’abstenir. En l’occurrence,
parler de l’homme politique français le plus en vogue
et de son avis sur les religions sur un minuscule bout de papier
relèverait soit d’une fumisterie, soit d’une
minuscule police de caractère - et j’ai pensé
que parler du chef de la police au grand caractère avec une
petite police de caractère eut été un comble.
Hum.
Ensuite, ayant décidé de ne pas voter tant que les
processus électoraux français, que je trouve biaisés,
outrageusement mensongers et déresponsabilisants n’auront
pas un tant soit peu évolués, je n’ai pas accès
à la bonne conscience empreinte de bonhomie du citoyen, sortant
craintif mais satisfait de sa séance quinquennale de scrutin.
Alors pour être en cohérence avec mes opinions, je
préfère exercer le petit peu d’influence politique
dont ce gouvernement me laisse l’usage, sans être trop
dupe pour autant : cette marge de manœuvre relève moins
d’une quelconque bienveillance envers moi que d’un simple
manque de moyens de contrôle.
Et puis je suis né dans un pays très riche, je n’ai
jamais manqué de nourriture, d’électricité
ou d’eau, j’ai encore mes deux bras et mes deux jambes,
j’ai été à l’école et j’ai
été soigné. Je me dis qu’au nom de tous
les cousins, toutes les cousines du reste du monde dont une grande
partie crève doucement la bouche ouverte en regardant nos
sitcoms, et dont les conditions de vie dépendent en grande
partie des décisions politiques qui émanent de chez
nous, si moi je n’ouvre pas ma gueule, je ne vois pas qui
le fera. Surtout qu’ayant la capacité de pouvoir lire
assez vite et de posséder un petit bagage analytique, il
était dans mes cordes d’ébaucher une critique
sur le dernier livre de celui qui sera certainement notre suprême
représentant : ne serait-ce que pour tenter de faire achopper
cette prédiction.
Au fait : je ne remercierai personne de toutes celles et tous
ceux qui m’ont aidé, au cas où malheureusement
cette prédiction n’achoppe pas.
La méthodologie
Voici comment je m’y suis pris.
1er soir : je lis le livre, en poussant des ooh, des aah, et en
annotant la marge
2e soir : je relis (plus vite) en axant mon jugement sur la distinction
thèses / argumentations
3e soir : je recopie les phrases-clés des propos de Nicolas
Sarkozy, et je les ordonne par thème (ce que j’ai appelé
ensuite les maillons).
4e soir : j’opère une recherche sur Internet sur
les éditions du Cerf, et sur Messieurs Rollin et Verdin,
qui menèrent l’entretien avec le ministre.
5e, 6e et 7e soir : je tente de rendre intelligibles mes propos
(étape la plus difficile)
8e soir : je le donne à lire à quelques commères
et compères.
Je laisse mijoter deux mois, je relis, et voilà.
En guise d’introduction, voici la page de présentation
du livre sur le site des Éditions du Cerf :
« Avec ce livre, Nicolas Sarkozy affronte l’un des
tabous de la société française : la place des
religions dans la République. Il aborde sans complexes le
défi de l’islam comme religion en France, la construction
des mosquées, le foulard à l’école et
dans l’administration, le radicalisme de certains imams, l’élan
religieux des jeunes générations, la formation des
prêtres, les relations avec le Vatican, l’anticléricalisme,
le contrôle des sectes, l’enseignement du fait religieux,
les violences racistes qui prennent pour prétexte des appartenances
religieuses... Sur toutes ces questions, Nicolas Sarkozy s’engage.
Il souhaite inventer une laïcité ouverte et apaisée,
où chacun, quels que soient sa foi ou ses doutes, puisse
vivre son espérance et participer à la construction
de la société démocratique. Dans la liberté
de la conversation, le lecteur découvre un homme qui parle
de la République, de la foi, de ses rencontres avec des figures
spirituelles qui l’ont marqué, des convictions qu’il
veut transmettre à ses enfants. L’autorité de
l’auteur et l’urgence des thèmes abordés
font de cet ouvrage une contribution majeure à la réflexion
sur les valeurs fondatrices de la République et l’avenir
de la laïcité française. »
La trame
J’ai découpé en 11 maillons distincts la chaîne
de raisonnement que Nicolas Sarkozy (NS) me semble suivre. Je trouvais
l’image de la chaîne charmante pour l’occasion.
Ce découpage est certainement discutable, je l’ai d’ailleurs
retouché deux fois. Je vais tenter d’illustrer chacun
de ces maillons par les propos de Monsieur Sarkozy, puisés
dans le livre, puis d’émettre quelques pistes critiques
qui n’engagent, bien évidemment que moi et les générations
futures.
Chaîne de raisonnement de Nicolas Sarkozy
1er maillon : les immigrés musulmans ont perdu (ou risquent
de perdre) leurs racines culturelles.
2e maillon : perdre ses racines culturelles mène à
la désespérance : on le constate bien dans les banlieues
(sous-entendu : les immigrés désespérés
habitent les banlieues).
3e maillon : l’athéisme est à proscrire, car
cela enlève l’espoir.
4e maillon : or, le manque d’espoir mène à
l’intégrisme (sous-entendu, les banlieues en sont le
lit).
5e maillon : la religion est un excellent vecteur de sens moral.
6e maillon : introduire des lieux de culte dans les banlieues
est une solution de garantie de la non-désespérance,
et donc de la mort de l’intégrisme.
Aparté : quelques propos étranges
7e maillon : l’État doit pour cela user d’un
processus de laïcité active pour promouvoir le développement
des institutions de culte (et y distiller le sens moral souhaité).
8e maillon : le maintien de l’ordre public est la condition
d’exercice des libertés.
9e maillon : l’État garantit l’exercice de
la liberté de culte mais tant que l’ordre public n’est
pas troublé.
10e maillon : la promotion des institutions cultuelles ne débordera
pas des religions « d’État », le reste
n’étant que sectes.
11e maillon : il faut savoir « raison garder » - comme
pour la Turquie dans l’Europe.
En bonus : Quelques inclassables
Les co-auteurs
Annexe : interview de Fiammetta Venner
Je vais maintenant essayer d’étayer mes propos.
1er maillon : les immigrés musulmans ont perdu (ou
risquent de perdre) leurs racines culturelles.
« Deux censures pèsent sur la pensée,
la censure politique et la censure cléricale ;
l’une garrotte l’opinion, l’autre bâillonne
la conscience. »
Victor Hugo, intervention à l’assemblée législative,
19 octobre 1849.
Nicolas Sarkozy commence ainsi :
« Le fait religieux n’a pas simplement une dimension
spirituelle. Il a aussi une dimension culturelle. Si vous additionnez
le besoin d’espérance et la nécessité
de racines culturelles dans la définition d’une identité,
vous avez, me semble-t-il, une des raisons de fond qui justifient
a posteriori la fameuse phrase qu’on prête à
Malraux : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera
pas ». N.S., p. 22
Ça, c’est la base de son raisonnement, qui ne débute
pas trop mal. Effectivement, le fait religieux couple une dimension
spirituelle et une dimension typiquement culturelle. On peut ne
posséder qu’une seule de ces dimensions : qu’un
bas-Breton, par exemple, n’ayant jamais été
en Asie, se convertisse au bouddhisme relève a priori du
choix spirituel, non du choix culturel. Á l’inverse,
certains africains athées font le ramadan pour accompagner
leur famille, amis, etc. Une majorité d’athées
français fête par exemple Noël et plante une crèche
au pied du sapin, sans adhérer ni au dogme chrétien,
ni au dogme celte. Il s’agit d’une pression plus ou
moins forte, mais exclusivement culturelle. On pourrait rajouter
une troisième dimension, qui est l’opportunisme (tant
qu’à faire, autant faire bombance), et même une
quatrième, l’utilitarisme politique [2], mais cela
nous éloignerait du sujet.
Les choses se gâtent ensuite. On peut le lire de deux manières,
toutes deux problématiques. Si la nécessité
de racines culturelles dans la définition d’une identité
peut être admise sans trop de difficultés, en quoi,
mon bon monsieur, le besoin d’espérance en est-il un
ingrédient ? Sans espérance, point d’identité
? Surprenant.
Attention : ceci est le paragraphe le plus technique de la brochure
!
Schématisons.
La phrase finale "Si vous additionnez (...religieux ou ne
sera pas" équivaut alors à :
(Besoin d’espérance + Racines culturelles) entrant
dans Définition d’une identité = , Raison de
fond (qui justifie, blablabla)
Mais pour les puristes de la logique, on pourrait lire :
Besoin d’espérance + (Racines culturelles entrant
dans Définition d’une identité) = , Raison de
fond (qui justifie, blablabla)
C’est-à-dire que seules les racines culturelles entrent
dans la définition d’une identité, et que le
besoin d’espérance se greffe par dessus... bref, inutile
d’ergoter, cela sent l’effet de style à plein
nez, tombant à plat comme une crêpe de chandeleur lorsqu’il
y a un public [3].
La vraie question est alors : quelle Raison de fond, Nicolas ?
On n’en sait rien, mais elle justifie la religion, notamment
par la fameuse phrase qu’on prête à Malraux,
indiscutable autorité morale ! Par un tour de passe-passe,
la religion est introduite comme conséquence directe de la
définition de l’identité. Et le tour est joué.
Quant à l’affaire Malraux, elle est eventée
:
- d’une part, plus grand monde ne la prête à
Malraux - celui-ci ayant râlé plusieurs fois de son
vivant sur la question ;
- d’autre part, Nicolas Sarkozy la recopie mal : la phrase
prétendument « prêtée » à
Malraux était le XXIe siècle sera spirituel [et non
religieux ] ou ne sera pas.
Après avoir remisé Malraux et fini de ricaner, on
se rend mieux compte que la conclusion ne découle pas des
prémisses et que des raisonnements comme celui de notre ministre
sont très pratiques. En voici un, tout de mon cru :
Si vous additionnez le besoin d’espérance et la nécessité
de racines culturelles dans la définition d’une identité,
vous avez, me semble-t-il, une des raisons de fond qui justifient
a posteriori la fameuse phrase qu’on prête à
Paul Valéry : « La politique c’est l’art
d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les
regarde. ».
On y croit, non ?
Bref, Nicolas Sarkozy tente de nous faire comprendre de
force que la religion est une valeur identitaire.
Ça n’a l’air de rien, comme ça. Mais regardez
où ça nous mène.
« Je note que les juifs non pratiquants sont souvent présents
dans les synagogues pour Kippour, que les musulmans non pratiquants
considèrent que l’islam fait également partie
de leur identité. Pourquoi ? Parce que nombre d’entre
eux se sentent juifs ou musulmans dans le regard de l’autre.
Le reniement ou l’indifférence à l’endroit
d’un engagement religieux revient presque à se désolidariser
d’une communauté de naissance, comme si on abandonnait
un héritage, une facette de sa vie ». N.S., p. 21
Dire cela de façon systématique, c’est
faux, en France tout du moins. C’est en outre très
dangereux.
Faux parce qu’il y a un paquet de catholiques, musulmans,
juifs ayant renoncé à leur croyance qui ne se sentent
pas désolidarisés de leur communauté. Il en
est certainement qui font le grand dam de leur père ou de
leur mère, de la même façon que les dernières
générations françaises générèrent
des cris d’orfraie chez les vieilles mamies à crucifix.
Mais de là à insinuer une ‘désolidarisation’,
cela colporte une vision simpliste et somme toute un peu tribale
de ces communautés.
Faux parce qu’on peut renoncer à sa croyance sans
renoncer à l’héritage reçu. Ce n’est
pas parce que je suis athée que j’en ai oublié
la teneur de l’enseignement catéchiste reçu
jusqu’à onze ans, ce n’est pas parce qu’un
musulman s’indiffère de sa religion qu’il en
oublie l’histoire de Mahomet ou les sourates qu’il a
apprises. Je pousserai même le vice à croire qu’un
ancien musulman athée qui fête l’Aïd-el-kébir
vient plus pour le goût du mouton et des condiments, pour
le regroupement social et familial que la cérémonie
engendre, que pour ne pas abandonner un quelconque héritage.
Cela reviendrait à dire que les catholiques fêtent
Pâques pour ne pas perdre leur héritage culturel, et
pour ne pas se désolidariser de leur communauté de
naissance. Moi je fête Pâques pour le chocolat.
Dangereux parce que c’est une manœuvre politique à
la Damoclès : jouant sur l’effroi, la menace de la
désolidarisation, Nicolas Sarkozy encourage les braves petits
musulmans pullulants dans les cages d’escalier à rentrer
dans le giron de la religion. Quand, après dissection de
son livre, on sait ce qu’il entend par laïcité
active, on comprend qu’il s’agisse d’une manœuvre
détournée de parcage ovin des sauvageons par le biais
du culte : en clair, si tu renonces à l’islam, tu perds
ton bagage culturel et tes racines, tu n’es plus rien dans
le regard des autres, donc tu n’es plus rien du tout. Alors
rentre vite dans le rang avec ta famille et ton couscous, le Conseil
Régional du Culte Musulman que moi, Nicolas S., j’ai
aidé à créer dans ta région gérera
les décisions de ta communauté (dont tu ne peux t’extraire),
et t‘encouragera dans une politique sécuritaire et
dans un vote présidentiel en ma faveur, quand, en 2007, tu
regarderas mon visage de vainqueur apparaître sur ton écran,
laissant béer ta bouche pleine de tajine.
N.B. : on retrouve ce type de procédé en entreprise
ou dans les corps de métier à tradition : raffermir
le tissu social entre les gens dans ces groupes socioprofessionnels
(en cherchant la fameuse « culture d’entreprise »,
en créant de toutes pièces des « événementiels
», anniversaire de la boîte, etc. plus ou moins ritualisés),
quitte à menacer (exemple : ‘ne trahissez pas «
l’esprit de l’entreprise »’, etc.) ceci
afin d’y placer discrètement une nasse politique et
morale dont il est, au bilan, très difficile de s’extraire.
« Quand on parle des juifs, on ne désigne pas ceux
qui vont à la synagogue, mais ceux qui appartiennent à
cette communauté. Il en va de même avec les musulmans.
Il ne s’agit pas de désigner ceux qui vont à
la mosquée, mais ceux qui ont reçu, de par leur histoire
individuelle, l’islam en héritage culturel et non seulement
culturel. Je ne vois pas en quoi la dénomination de «
musulman français » est choquante ou réductrice
». N.S., p. 22
Elle n’est ni choquante ni réductrice, elle est purement
stigmatisante. Si l’origine culturelle devait être toujours
indiquée, l’auteur de ces lignes (moi) serait d’origine
culturelle française moyenne, catholique, provinciale et
conservatrice, ce qui ne manquerait de semer le trouble en imposant
une grille de lecture sur les propos ou les actes qu’il commettrait.
Mais une grille, dans tous les sens du terme, est une séparation
arbitraire. Lorsque la confession, qui relève de la sphère
privée, devient un critère, et que ce critère
devient une marque nécessaire, il y a moult raisons historiques
(dont certaines ne sont guère lointaines de craindre la dérive).
Par conséquent, la dénomination de « musulman
français » contient au moins un mot de trop [4].
Et que faire des gens ayant renoncé à l’islam
: sont-ce selon le maire de Neuilly des « musulmans athées
», des « musulmans agnostiques » ? Malgré
le ridicule de ces dénominations, Nicolas Sarkozy y pense.
Il dit plus loin page 22 :
« dire les « musulmans de France », ce n’est
pas exclure les musulmans athées ou agnostiques ; c’est
au contraire donner un nom à une composante de la société
française dont nous devons organiser l’intégration
[...] ».
Le stigmate, vous dis-je.
En passant, Nicolas Sarkozy nous explique, toujours p. 22, que
:
« [...] certains affirment qu’il conviendrait plutôt
de parler des Arabes. Je m’inscris en faux contre cette expression
car les quatre cent mille turcophones qui vivent en France n’en
sont pas ; pas plus que les musulmans d’Afrique noire. »
Comme dit Odon Vallet, parler d’Arabes à propos de
musulmans est à double tranchant : c’est une erreur
géographique - les arabes, même en ajoutant les berbères,
ne représentant qu’une minorité du milliard
cent millions de musulmans -, mais c’est une vérité
théologique : tout comme les catholiques sont tous des «
Romains » et les chrétiens tous « spirituellement
des sémites » selon l’expression du pape Pie
XI, les musulmans sont tous arabes, de cœur et d’au moins
un peu de langue, ne serait-ce parce que le Coran fut révélé
à Mahomet en arabe, que l’arabe est la langue liturgique
de l’islam et que la Mecque est en Arabie [5]. Bref, on ne
peut en vouloir à Nicolas S. de ne pas être fin connaisseur
de l’Islam : mais on peut lui reprocher son populisme. Il
refuse un stigmate (arabe) pour plaire et faire le gentil protecteur
des minorités ethniques musulmanes, mais en rajoute un autre
(musulman) parce que quand même, faut pas pousser. Il faut
bien qu’on les repère, pour qu’on puisse organiser
leur intégration (cf. ci-dessus).
Je fais mienne au passage la remarque de mon compère Damiàn
O. Une autre récupération politique devient par le
même processus possible : « Si certains athées
ou agnostiques sont « musulmans », d’autres athées
et agnostiques sont aussi « chrétiens » ou «
catholiques ». Il devient alors facile de proclamer «
La France, grand pays catholique », car 70 ou 80% de la population
devient catholique selon cette acception, bien que le nombre de
réels croyants soit des plus réduits. Sachant que
le décompte du nombre de croyants a des effets politiques
importants (attributions financières en Alsace, rôle
politique du Vatican accepté, etc.) la démarche n’est
pas gratuite : elle permet de stigmatiser une partie de la population,
tout en mettant sous perfusion une église catholique moribonde.
» Rappelons-nous : nous n’avons pas été
les derniers en France à diffuser les obsèques du
pape Jean-Paul II en boucle [6].
Il insiste finement dans la même page :
« D’autres préfèrent parler des Français
d’origine immigrée. Ce vocable est absurde, car nous
sommes tous quasiment fils de l’immigration. De surcroît,
c’est une phraséologie lepéniste, qui distingue
les Français de l’immigration des Français de
souche. »
La première phrase requiert tous les suffrages. Comme l’écrit
P. Bourdieu, comment peut-on parler d’ « immigrés
» à propos de gens qui n’ont « émigré
» de nulle part et dont on dit par ailleurs qu’ils sont
« de seconde génération ? » [7].
Mais pardon ! Avec musulman, c’est exactement la même
chose que vous faîtes, Monsieur Sarkozy. Entre Français
d’origine immigrée, musulman français et bougnoule,
il y a autant de différence qu’entre mal-entendant,
sourd et bouché à l’émeri.
*****
2e maillon : perdre ses racines culturelles mène
à la désespérance : on le constate bien dans
les banlieues
(sous-entendu : les immigrés désespérés
habitent les banlieues).
« Peu m’importent mes chances
peu m’importe le temps,
ou la désespérance... »
J. Brel, la Quête, 1968
« [Les français] ont déserté la campagne
pour les villes. La France profonde, c’est maintenant la France
des banlieues » N.S., p. 129
« Partout en France, et dans les banlieues plus encore qui
concentrent toutes les désespérances [...] »
N.S., p. 15
Nicolas Sarkozy est assez cavalier. D’abord, la notion de
France Profonde, comme celle de la France d’en bas, fleure
la pestilentielle arrogance du parvenu. Ça sent l’ordre
moral, le haut Moyen-Âge et la piétaille, ça
sent le foin et le palefrenier. Ça tente d’imposer
la figure rustaude et rubiconde du bonhomme profond, un peu laid
mais comment voulez-vous, les horaires de la ferme ça use,
ça rend vilain et râpeux, mais allez, c’est pittoresque,
venez dans mes bras, on fera une photo. Personne mieux que Valéry
Giscard d’Estaing qui s’invitait à dîner
chez des gens « du peuple » n’a mieux incarné
cette supériorité, malgré une splendide tentative
d’Edouard Balladur de faire peuple en feignant de faire du
stop. Condescendance typiquement parisianiste, où l’on
prend en même temps un ton emprunté et un cocktail
parasol pour gloser sur le bon sens du paysan auvergnat, glousser
à l’idée d’une traite, rosir à
celle d’une saillie chevaline, et frémir d’horreur
à la simple évocation de l’odeur de l’ensilage
un peu daté.
Ensuite, les banlieues ne concentrent pas toutes les désespérances,
loin s’en faut. Sans faire de comparaisons quantitatives,
il est d’assez vertigineuses désespérances africaines
ou Moyen-orientales qui épargnent nos braves banlieues. Les
désespérances rampant à Sarcelles sont différentes
de celles qui pénètrent les hères survivants
de Groznyï, celles du Val Fourré à mille lieux
de celles de Gaza. Somme toute, cela témoigne d’une
mauvaise connaissance des banlieues, où fleurissent des espérances
qui feraient certainement se plisser encore un peu plus nos dirigeants
et oléagineux énarques, si jamais ils se hasardaient
à comparer la désespérance banlieusarde avec
le côté « tirelipinpon sur le chihuahua fête
du slip » de notre guilleret parlement et de nos gaudriolesques
conseils des ministres, de nos primesautières cours de justice,
de nos hilarants commissariats, de nos paillards ministères,
de nos égrillardes chambres de commerce et de tribunaux pénaux
débordant d’espoir. Par ailleurs c’est regrouper
sous le terme substantialiste banlieue les maux dont notre société
souffrirait : technique typiquement populiste du bouc émissaire
qui a pour utilité de rassurer nos petits boutiquiers [8],
friands d’exutoires simples et de contes doucereux où
si le méchant n’est pas noir, c’est quand même
mieux s’il est basané. Or, de fait, « banlieue
» est un terme générique impropre, car simplement
géographique ; par essence, la banlieue n’est naturellement
mauvaise qu’aux yeux de certains villageois haut-savoyards
et limougeauds [9], trop veules pour tenter de pénétrer
les raisons politiques de leur mal-être mais à tel
point désireux de s’octroyer une once de pouvoir qu’ils
adopteraient n’importe quel chien galeux, pour le simple pouvoir
de l’accuser de la rage et y fatiguer leur ressentiment en
coups de pieds dans le poitrail.
Les vallées consanguines des Alpes, par exemple, troquent
ainsi contre une crétinisation politique leur traditionnel
crétinisme qui, les laissant auparavant esseulés avec
un goitre de deux kilos, ne leur permettait pas ces joyeux regroupements
claniques et arrosés de diabolisation du bougnoule-des-banlieues-qui-égorge-nos-filles-et-nos-compagnes-et-chourave-nos-autoradios,
grand’messes des soirées de comptoir qui garantirent
les plus magnifiques scores de la frange extrême droite de
notre champ politique lors de l’expression du jet de gourme
quinquennal octroyé dans sa grande largesse par l’ordre
établi au petit peuple. Mais je m’égare [10].
Si la France des banlieues est profonde, la réflexion sarkozienne,
pour le coup, ne l’est pas.
« Quel est le problème de nos banlieues ? C’est
qu’elles se sentent abandonnées, y compris par l’État.
On y installe des terrains de sports, c’est très bien.
Mais est-ce suffisant pour satisfaire les aspirations des jeunes
? Je ne le pense pas, car ces dernières ne relèvent
pas que du domaine temporel. » N.S., p. 130
Voilà l’un des leitmotive de Nicolas Sarkozy : l’opposition
temporel - spirituel, le temporel étant le ressort de l’État,
le spirituel celui de la religion, nous est resservie presque une
dizaine de fois dans son livre. On le retrouve en particulier page
147 :
« le principe de séparation des Églises et
de l’État, du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel
»
et page 152
« Dans tous les pays européens, le pouvoir temporel
est séparé du pouvoir spirituel. »
« Distinguer le temporel du spirituel »
est pour le coup le titre du sous-chapitre page 22.
Il aurait tort de s’en priver ; car il s’agit de son
concept le plus élaboré.
Il explique :
« La morale républicaine, c’est le respect
de la loi. Est moral ce qui se conforme à la loi. Dans le
domaine spirituel, on ne se situe pas dans le même ordre.
N’est pas forcément moral ce qui respecte la loi, et
n’est pas forcément immoral ce qui ne la respecte pas.
On est dans une autre logique et je pense que les deux se renvoient,
se complètent, s’équilibrent et s’enrichissent
à vivre en interaction. » N.S., p. 163-164
Je pense que c’est un découpage relativement pauvre,
étant donné que le pouvoir temporel peut être
spirituel (rois, dalaï-Lama, clique évangéliste
de la famille Bush, etc.) et le pouvoir spirituel temporel (par
exemple le pape). Au final, tout se mélange. Bien que des
paradis leur soient promis, les pouvoirs spirituels n’oublient
pas de profiter un tantinet des pouvoirs temporels qu’il leur
est loisible d’exercer.
« Partout en France, et dans les banlieues plus encore qui
concentrent toutes les désespérances, il est bien
préférable que des jeunes puissent espérer
spirituellement plutôt que d’avoir dans la tête,
comme seule « religion », celle de la violence, de la
drogue ou de l’argent ». N.S., p. 18
Outre l’amalgame banlieue / désespérance déjà
discuté, Nicolas Sarkozy commet ici plusieurs erreurs très
communes.
D’abord, on entre rarement dans la « religion »
de la violence, la drogue ou l’argent, tout simplement parce
que les principaux ingrédients d’une religion - ligand
social, foi, dogme et clergé - y sont absents.
Mais employer ce terme laisse accroire l’idée du
choix délibéré, pour le jeune-des-banlieues
(musulman français, devrais-je préciser) d’un
culte à ces valeurs. Or, ces valeurs sont rarement érigées
en valeurs morales.
Si le recours à la violence comme critère d’insertion
sociale existe (des enfants soldats du Libéria au Sentier
Lumineux péruvien pour des exemples forts, des bizutages
des grandes écoles aux camps scouts qui « aguerrissent
» pour des exemples décrits comme badins par leurs
promoteurs), son érection en culte reste l’apanage
de la fiction. Même dans le film « Fight-Club »
[11] elle est un moyen, non une fin en soi. Elle fut un transfuge
de notions floues et médiévales telles que l’honneur,
ce qui, à moins d’être héritier de Scarface,
Il Padrino ou Pablo Escobar, se fait aussi rare de nos jours que
les duels à 20 pas au petit matin clairet.
Sur la question de la drogue, il faut signaler que la fuite systématique
dans une autre réalité ne ressemble en rien à
un acte de foi. Elle s’apparente :
- soit à un loisir (couches sociales en moyenne relativement
aisées, ne serait-ce que pour assumer le coût du produit
psychotrope),
- soit à un commerce (couches sociales en moyennes peu
aisées, qui trouvent, en fournissant le loisir des couches
plus aisées, un fond fiduciaire non négligeable et
un des rares statuts ne demandant pas d’éventuels diplômes),
- soit à un déni plus ou moins complet de la réalité
: on ne peut, dans ce dernier cas faire l’économie
d’une réflexion sur les raisons qui amèneraient
un « jeune », ou même un « vieux »,
à dénier la réalité en optant pour des
paradis artificiels. Il faudra alors se rendre à l’évidence
que le coupable n’est pas tant le fuyard que ceux qui ont
eu et ont en charge la réalité, mais qui, malheureusement,
ne font rien pour la rendre viable à un taux concurrentiel
des psychotropes.
Quant à l’argent, il est un tantinet surfait de parler
de religion de l’argent chez les petites frappes de banlieues,
lorsque l’on regarde de près le montant des malversations
« en col blanc » dans les sphères politiques
ou péri-politiques. Il faudrait créer un collectif
de coopératives inter-banlieues de chouraves pour subtiliser
des sommes d’argent qui feraient rougir les Carignon, Messier,
Bez, Tapie, Juppé, Chirac. Quand bien même on y arriverait,
il serait bien plus malaisé pour nos détourneurs de
fonds officiels de justifier leurs écarts par d’éventuels
problèmes d’accès aux services fondamentaux
que pour la majorité de ces petites frappes. Le problème
n’est pas de justifier moralement le vol (ce qui a déjà
été fait ailleurs [12]), mais d’expliquer en
quoi il est socialement mieux accepté de voir voler gros
par un blanc aisé suant dans sa chemise que voler peu par
un basané pauvre se pelant le cul en anorak.
Parler d’adhésion à une religion de l’argent,
de la violence ou de la drogue témoigne d’une très
mauvaise compréhension des genèses sociales.
« Je pense que ce qui est le plus important dans chaque
existence, c’est l’espérance, et ce quels que
soient son âge et son parcours. Peu importe à la rigueur
la manière d’espérer. La vraie césure,
elle se situe entre ceux qui espèrent et ceux qui n’espèrent
pas. D’ailleurs, existe-t-il des hommes qui n’espèrent
pas ? Peut-on vivre sans espérance ? Il y a des personnes
qui affirment ne pas espérer. Est-ce une attitude sincère
? Est-ce davantage qu’une posture ou qu’une provocation
? J’en doute souvent. Il y a un besoin d’espérance
consubstantiel à la vie humaine. L’homme n’est
pas fait pour supporter et assumer le désespoir. Le doute
est déjà très difficile à vivre. Alors
la certitude de néant... ce serait bien pire ! ». N.S.,
p. 35
La césure n’est pas entre ceux qui espèrent
et ceux qui n’espèrent pas, mais entre ceux qui espèrent
pour ce monde-ci et ceux à qui on apprend à espérer
un autre monde dans l’au-delà. Faire miroiter sans
preuve un autre monde au-delà du Styx, c’est une aliénation.
Quant à savoir comment qualifier ceux qui n’espèrent
pas, non sincères, posturaux ou provocateurs, je préfère
un autre terme, comme par exemple activistes romantiques : activistes
dans le sens où le seul espoir temporel un tant soit peu
nutritif est l’espoir politique d’influencer la chose
publique. Romantiques parce qu’il y a eu un véritable
rapt de cet espoir-là. Logique, donc, que des gens survivent
sans espoir aucun. Ils se seraient volontiers suicidés si
l’ordre pseudo-public le leur permettait.
*****
3e maillon : l’athéisme est à proscrire,
car cela enlève l’espoir
« C’est Lautréamont qui se perd
Dans les déserts, là où il prêche
Où devant rien on donne la messe »
Noir Désir, les écorchés, 1989
Dans son ouvrage, Nicolas Sarkozy n’opère pas une
distinction claire entre athéisme et agnosticisme, et alterne
les deux termes. Si la distinction est fondamentale [13], elle ne
l’est pas pour notre propos. N. Sarkozy nous fait comprendre
que l’athéisme est un phénomène contemporain
qui expliquerait un certain nombre de crises spirituelles. Il faut
d’emblée mettre court à cette idée :
l’athéisme est loin d’être un phénomène
contemporain. Sans parler de Démocrite, des épicuriens,
il y eut les matérialistes Ajita Keshakambala, du temps de
Bouddha, puis Sanjaya Belatthaputta ; plus tard, il y eut au XIIe
siècle la vague des poètes persans et arabes athées
et libertins, comme Omar Khayyâm. Même les Hébreux
avaient leurs athées.
« Ceux qui s’affirment non-croyants se définissent
par rapport à ce qu’ils ne croient pas. Leur athéisme
est affirmé, scandé parfois avec force. Cela ne les
empêche pas d’espérer en l’avenir, d’avoir
des enfants, d’agir selon une morale. Ce sont des attentes
communes. » N.S., p. 19
Là, il faut y aller par morceaux.
Il est inexact de dire que ceux qui s’affirment non-croyants
se définissent par rapport à ce qu’ils ne croient
pas. Un exemple : le zététicien, qui investigue scientifiquement
les phénomènes extraordinaires, ne croit a priori
pas en l’astrologie. Sa démarche ne se définit
absolument pas par rapport à l’astrologie, mais par
rapport à la pensée rationnelle, l’investigation
critique et la déconstruction des mythes aliénants.
De même pour un bon nombre d’athées ou d’agnostiques
: la question métaphysique qui sous-tend la discussion sur
Dieu peut leur sembler intéressante. C’est la réponse,
imposée, qui leur semble consternante. Le déni d’une
autorité divine, d’un clergé participe bien
plus d’une dénonciation d’une aliénation
morale et sociale que d’un simple nihilisme. Esthétiquement
parlant, il leur semble bien plus intéressant de vivre sans
étai, sans canne, sans perfusion continue de soporifique
social, et de puiser leur force et leur responsabilité ailleurs.
Est-ce cela, un renoncement à toute espérance ? A
mon avis, c’est l’inverse. Comme me le susurre mon ami
Kandjare, N. Sarkozy crée un stigmate social laissant croire
que chaque individu se définit seulement par rapport à
une entité transcendante (groupe, nation, patrie, religion,
clan) d’ordre plus ou moins divin. D’ailleurs, l’idée
qu’il puisse exister des personnes qui ne raisonnent pas du
tout vis-à-vis de ça mais à partir plutôt
de choix « moraux » immanents, par exemple, ne l’effleure
semble-t-il même pas.
« Cela ne les empêche pas d’espérer en
l’avenir, d’avoir des enfants, d’agir selon une
morale Ce sont des attentes communes. ». Phrase-bidon. On
peut très bien désespérer en ayant un Dieu
à ses côtés. En Palestine, bien nombreux sont
ceux des deux camps qui revendiquent la gloire de Dieu [14]. On
peut d’ailleurs d’autant mieux espérer en l’avenir
sans Dieu que l’avenir radieux avec Dieu est post-mortem.
On peut avoir des enfants et agir selon une morale sans que l’engendrement
de ces enfants et que ladite morale soient transcendants.
Enfin, en quel sens est employé « Ce sont des attentes
communes ? » Communes au sens de répandues ? OK. Communes
au sens de partagées par tous ? C’est une lecture à
rebours, de la catégorie du noir paresseux, du juif aux doigts
crochus, de la femme docile et de l’animal qui ne souffre
pas. L’espoir en l’avenir n’est pas une obligation
- surtout en regard du monde tel qu’il est. Faire des enfants
non plus : le rôle social de pondeuse dévolu aux femmes
a déjà été déconstruit par les
féministes [15]. Cela ne veut évidemment pas dire
que faire des enfants serait s’assujettir, mais en faire au
nom d’une féminité épanouie selon les
canons de l’ordre moral public serait une allégeance
: quid des femmes stériles, des lesbiennes, des transsexuelles,
des travesti-es, des ménopausées, des prépubères
? Peut-on leur dénier une quelconque « féminité
», sachant de surcroît que ce concept, et plus largement
celui de genre, est fortement discutable [16]. Agir selon une morale
est, en revanche, quasi-général : reste à savoir
quelle morale. L’inconvénient dans la morale, c’est
que c’est toujours celle des autres.
« Je me suis toujours dit qu’il y avait de l’arrogance
dans la certitude de la non-existence divine. J’espère
que chacun a en lui cette part de doute qui permet de continuer
à espérer. » N.S., p. 119
« Celui qui ne croit pas n’est pas indifférent
à la question de Dieu puisqu’il exprime une conviction
sur elle. Il fait de ses doutes une certitude. Il pense que l’homme
est le fruit du hasard et sa propre fin. Je ne juge pas cette attitude.
Je m’interroge toutefois sur la possibilité de vivre
sans avoir vraiment aucune espérance dans le registre des
fins dernières ». N.S., p 171
Rare et non rationnelle est la certitude de la non-existence divine.
De la même façon qu’il est irrationnel d’être
certain de l’existence de Dieu, il est irrationnel d’être
certain de son inexistence. Arrogant, pourquoi pas. La seule posture
qui tienne rationnellement est la posture sceptique : douter, maintenir
son jugement suspendu, placer son propre curseur « vraisemblance
» entre ces deux certitudes et agir en conséquence.
Quant à savoir si le doute permet d’espérer,
je crois qu’il permet surtout de rêver [17]. Et préférer
une vie avec des joies concrètes présentes plutôt
que des promesses d’avenir et un hypothétique avenir
ailé, c’est finalement bien pragmatique, et pas si
dur que ça à vivre.
« Il est plus aisé de vivre avec l’espoir qu’avec
le désespoir. D’une certaine manière, il n’y
a pas tellement de mérite à croire. C’est tellement
sinistre de ne pas avoir de perspectives. » N.S., p. 119
L’athéisme n’est pas synonyme de désespoir,
et le refus d’une obéissance contrite dans l’attente
d’une vie après la mort n’est pas une absence
de perspective. Nicolas Sarkozy le sait certainement, mais il lui
est probablement difficile d’insérer cela dans un livre
d’entretiens avec Thibaud Collin et le père Philippe
Verdin. Plus que de ne pas avoir de perspective, c’est Thibaud
Collin qui mérite le plus l’adjectif épithète
Sinistre. (cf. Co-auteurs).
« [...] c’est sans doute l’attitude de François
Mitterrand qui incarne le mieux ce que vivent beaucoup de nos concitoyens
en matière de foi. Il croyait en quelque chose de difficilement
définissable, une force, une puissance surnaturelle. C’était
une façon de croire sans le formuler. C’était
surtout une façon de refuser la désespérance
du vide. » N.S., p. 119
C’est une façon de croire et c’est tout à
fait formulé. Je hasarde tout de même deux remarques.
Il me semble très probable que l’Homme est à
la mesure de toute chose, notamment du sens de son existence. Le
sens d’une vie est celui que l’on veut bien lui donner,
point. Il n’y a aucune raison logique de penser qu’une
finalité cachée est à l’œuvre, qu’elle
soit une conscience cosmique, un dieu, une évolution dirigée
etc [18]. Devant la latitude que cela donne, on peut être
pris de vertige, c’est vrai, mais ce vide métaphysique
qu’il appartient à chacun de combler n’est pas
du tout désespérant. Au contraire, dans la mesure
où toutes les poétiques, toutes les constructions
mentales y sont permises et peuvent s’y exprimer, il est bien
plus vecteur d’espoir immédiat qu’une hypothétique
éternité dans un paradis blanc, assis sur un nuage
et réajustant sa feuille de vigne si tant est que le jugement
dernier vous ait trouvé digne de ne pas aller rôtir
dans un des nombreux limbes crasseux de l’Enfer.
Ma deuxième remarque consiste à dire que si refuser
la désespérance du vide implique l’intrusion
de Germaine « Élisabeth » Teissier dans les affaires
d’État, et que c’est cette attitude qui incarne
le mieux ce que vivent beaucoup de nos concitoyens en matière
de foi, j’ai le droit légitime d’être inquiet
sur les propositions de foi de Nicolas Sarkozy et sur la salubrité
des décisions prises, contre mon gré, en mon nom par
le gouvernement qui prétend me représenter.
Une petite bulle en passant :
« Il y a un fond anticlérical dans notre pays. Quand,
de surcroît, cet anticléricalisme peut se fondre avec
une forme de racisme antimusulman, alors on se retrouve devant un
mélange détonant » N.S., p.91
Phrase énigmatique. Le fond anticlérical, quoique
plus développé en France que dans beaucoup d’autres
pays, est assez clairsemé et ne se fond a priori pas avec
une forme de racisme antimusulman, ceci pour deux raisons assez
simples : lorsqu’on comprend le mécanisme de l’oppression
cléricale, et qu’on fait vœu de la dénoncer
ou de la démolir, on a généralement déjà
dépassé le stade du racisme, levier oppressif du même
genre mais bien plus facile à circonscrire ; et surtout,
le racisme peut être antisémite, anti-noir, anti-asiatique,
mais pas antimusulman - sauf chez Monsieur Sarkozy pour qui, nous
l’avons lu, le fait d’être musulman revêt
un intérêt majeur dans le cadre d’une intégration
devant être orchestrée par l’État. Même
là, il faudrait parler de ségrégation antimusulmane,
et non de racisme, afin d’éviter ce mélange
des genres qui amène les individus les moins scrupuleux à
créer de grands sacs dans lesquels tout mixte Arabo-musulmano-basano-terroristo-alqaido-voilé
peut être fourré. Relevons au passage que le mélange
(détonant selon notre ministre) anticléricalisme +
racisme n’a jamais explosé nulle part à ma connaissance,
et en tous les cas drastiquement moins que le mélange cléricalisme
+ racisme, qui lui, nous a enflammé parmi les plus flambants
brasiers de l’Histoire. Dont acte.
*****
4e maillon : or, le manque d’espoir mène à
l’intégrisme
(sous-entendu, les banlieues en sont le lit)
« Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire
Contre les étrangers tous plus ou moins barbares
Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part. »
G. Brassens, La ballade des gens qui sont nés quelque part
Voici l’argument clé de Nicolas Sarkozy pour justifier
une retouche de la laïcité. La désespérance,
décrite comme le lot des banlieues, mène à
l’intégrisme, donc...
« L’intégrisme règne dans les déserts
spirituels. » N.S., p. 129
Hop ! Le saut est fait. Pour notre ancien ministre de l’Intérieur,
des banlieues à l’intégrisme, il n’y a
qu’un entrechat. Les fameux problèmes des banlieues
et l’intégrisme auraient le même humus : le manque
de spiritualité.
Ce glissement est quasi-totalement faux car :
a. les problèmes des banlieues sont sociaux, non spirituels.
Ils sont la conséquence quasi-directe d’une politique
sociale d’exclusion, commencée dès le début
des vagues d’immigration d’après-guerre. Quel
que soit votre état spirituel, grandir dans un chaâba
[19] augure plus de difficultés que dans les 600 m2 du ministre
Hervé Gaymard.
b. L’intégrisme est un mot fourre-tout qui, comme
le mot barbare, stigmatise toujours l’Autre, le voisin, l’étranger.
Reprenons le cas de Hervé Gaymard : il est catholique rigide,
héritier idéologique de son oncle feu le sinistre
Professeur Lejeune, chef de file des pro-vie (expression qui teinte
de feutrine les gens anti-avortement). Thibaud Collin est lui aussi
ce que l’on pourrait appeler un intégriste catholique
(cf. Auteurs). Ça ne semble paradoxalement pas gêner
outre mesure Monsieur Sarkozy, qui cosigne ce livre avec lui, et
bosse avec le précédent.
c. L’intégrisme ne règne pas dans les déserts
spirituels : Thibaud Collin, par exemple, n’est pas exempt
de spiritualité. Et pourtant. Penser que l’intégrisme
religieux de type islamiste règne dans l’absence de
spiritualité est la conséquence d’une profonde
inculture. Prenons l’intégrisme islamiste du FIS, ou
le judaïsme total des groupes Stern. Il ne viendrait à
personne l’idée de remettre en cause qu’ils ont
bel et bien une spiritualité. Non, c’est la spiritualité
qui est à discuter : quand elle promeut l’homophobie,
l’abstinence sexuelle, le déni de l’avortement
et l’inégalité des sexes (ce qui est le lot
commun de tous ces intégrismes religieux, de l’Opus
Dei à Al-Qaida), n’est-on pas en droit de lui préférer
un désert spirituel, à peine parsemé de quelques
cactus égalitaires et libertaires ?
d. L’intégrisme ne naît pas dans les banlieues
: il naît dans les déserts éducatifs, comme
à peu près toutes les idées réactionnaires
de ce monde.
« [...] car les incroyants sont des désespérés,
et c’est ça qui fait les drames »
« Ce sont des millions de croyants qui se trouvent mis en
cause par l’attitude de quelques fanatiques insensés
se réclamant d’une foi et d’une espérance
qui professent l’inverse de ce qu’ils sont devenus.
Ces fous de Dieu n’ont rien à voir avec Lui. Ils sont
ivres de haine, de vengeance, de sang, de destruction, de cruauté.
» N.S., Avant-propos, p.9
...quelques fanatiques insensés se réclamant d’une
foi et d’une espérance qui professent l’inverse
de ce qu’ils sont devenus : M. Sarkozy désigne ici
bien sûr les intégristes islamistes. Mais ils ne sont
que la poussée extrémiste des failles de morale de
la religion, et la conséquence des exégèses
ultra-scripturaires, c’est-à-dire collées à
la lettre au texte sacré. Ils sont une conséquence
prévisible de tout système religieux basé sur
une Écriture Sainte et des préceptes figés.
Ils ne sont donc pas l’inverse de ce que prône leur
foi : ils n’en forment qu’une (souvent monstrueuse)
excroissance.
Ces fous de Dieu n’ont rien à voir avec Lui. (Lui,
c’est Dieu, et non N. Sarkozy - je le dis pour ceux qui avaient
un doute).
Ils sont ivres de haine, de vengeance, de sang, de destruction,
de cruauté. Faux et archi-faux : ils ne sont ivres de rien,
et à ce qu’on peut en lire, leur démarche est
réfléchie. La haine et la vengeance sont souvent présentes,
mais elles n’apparaissent pas ex nihilo, et les pays impérialistes,
comme les États-Unis, ou la France dans son pré carré,
ont su générer parfois volontairement ces haine et
soif de vengeance. Par contre, le goût du sang, de la destruction
et de la cruauté relève d’un folklorisme de
mauvais aloi. On retrouve souvent ces éléments folkloriques
dans la pensée petit-bourgeoise : prétendus goût
du sang et cruauté d’Action Directe, du FLNC, du FIS,
des émeutes anti-françaises en Côte d’Ivoire,
des Tchétchènes, goût de la destruction des
Black Blocks, de José Bové, des indépendantistes
Basques, des anti-G8, des anti-Davos etc. Mais, entre nous, c’est
tellement plus rassurant de « monstruosifier » ce qui
nous est étranger. Le mot terroriste remplit une fonction
similaire. Quand on entend le mot terrorisme, je crois qu’il
faut examiner en premier lieu la bouche en cul-de-poule qui le prononce.
« Mais peut-on condamner ceux qui espèrent au nom
d’une minorité poussée à la folie par
le désespoir et la manipulation ? » N.S., p. 35
Non. Mais le problème réside dans ce que la minorité
en question est rarement poussée à la folie, et que
si les moyens peuvent être discutés, les causes sont
entérinées. Ce n’est pas parce qu’on ne
cautionne pas leurs méthodes que l’on peut se permettre
de faire l’économie d’une réflexion sur
la genèse de la revendication de ces minorités, quasiment
toujours niée et n’ayant pratiquement pas de tribune.
Voici, en aparté, le genre de question posée par
MM. Collin et Verdin :
« Pour une religion qui tend, par nature, à l’expansion,
peut-on réellement croire que ce « fondamentalisme
républicain » pourra résister à l’intégrisme
? » N.S., p. 89
L’Islam tend, comme tout courant religieux prosélyte,
à l’expansion [20]. Mais de là à invoquer
un fait de nature, il faudra dès lors trouver une nature
expansionniste commune à la religion chrétienne, championne
toute catégorie de l’expansion, et expliquer pourquoi
personne ne s’inquiète, assurément à
tort, de la montée de l’intégrisme chrétien.
Peut-être que tout simplement l’intégrisme n’est
pas un corollaire direct des religions, et que certains éléments
primordiaux (exogènes, comme par exemple le maccarthysme
américain ; ou endogènes comme l’indigence d’un
peuple) sont opportunément occultés dans les circulaires
gouvernementales.
Notons qu’il est tout à fait seyant d’employer
ici le terme de fondamentalisme républicain pour M. Sarkozy
(cf. plus bas).
« On craint les imams, l’islamisme : « ces imams
qui embrigadent les jeunes ! » Au début du siècle
dernier, on disait la même chose des curés. On regardait
d’un mauvais œil les patronages et les groupes scouts.
Aujourd’hui, les sociologues et les historiens reconnaissent
le rôle majeur des patronages dans la constitution des meilleures
équipes de sport, et du scoutisme dans la formation des cadres
syndicaux et politiques. » N.S., pp. 130 - 131.
Je ne pense pas qu’il faille s’étendre sur
la facilité argumentaire du ministre de l’Intérieur,
mais il vaut mieux préciser que :
- primo, si des sociologues et des historiens reconnaissent les
rôles que M. Sarkozy prête aux patronages et au scoutisme,
ils ne sont à ma connaissance pas légion, bien au
contraire ; Kandjare m’écrit : « N.S. n’hésite
pas à convoquer des arguments scientifiques : "les sociologues
et les historiens". Il n’en cite, ceci dit, aucun avec
précision ; un autre problème étant qu’il
les convoque tous dans leur globalité comme ça, on
ne risque pas d’en louper un-e seul-e : il ne dit pas "DES
sociologues et DES historiens", ce qui serait concevable, mais
"LES sociologues et LES historiens" ce qui est, au pire,
malhonnête, au mieux, maladroit, ce qui dans tous les cas
est inexact. Ceci laisse à penser que N.S. se construit une
vision historique sans fondement historique précis, et la
balance, aux yeux de tou-te-s, comme LA vision pouvant influencer
le cours de l’histoire précisément : d’où
l’idée de "prophétie auto-réalisatrice
basée probablement sur une inversion historique". La
boucle est bouclée. ». On pourrait presque parler d’imposture
historiographique. Kandjare enfonce le dernier clou du cercueil
de l’argument du ministre : « Inversion chronologique
probablement, car, contrairement à ce qu’affirme N.S.
ici, certaines études laissent à penser que la tendance
générale des sociétés occidentales équivaut
à une décléricalisation des pratiques, sans
pour autant qu’on puisse parler d’une déreligiosité
(voir par exemple, Olivier Tschannen [21]. On en revient à
sa déclaration initiale qui sonne, du coup, comme une profession
de foi : "le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas"
; c’est celui qui l’a dit qui l’a fait. C’est
l’illustration de comment un discours peut construire de toute
pièce une vision des choses et, par là, ces choses
elles-mêmes ; ou comment couvrir sa représentation
subjective d’une auréole prétendument objective.
Ça renvoie de manière plus générale
aux questions de représentations historiographiques, et aux
impostures objectives qu’on peut parfois en tirer »
[22].
- secundo, quitte à chercher l’efficacité,
les techniques berlusconiennes ont de bien meilleurs résultats
que les patronages traditionnels dans la constitution des meilleures
équipes de sport, et les jeunesses hitlériennes et
mussoliniennes furent également excellentes dans la formation
des cadres politiques. D’accord, j’exagère. De
nos jours, le scoutisme est formateur, mais encore faut-il survivre
aux stages de voile force 6 à 7 de l’Abbé Cottard
[23].
Finalement, le message, quoique mal argumenté, est clair
:
« Je crois que c’est parce qu’il n’y a pas
assez de lieux de culte musulmans publics qu’il y a une progression
de l’intégrisme aujourd’hui. » N.S., p.
131.
*****
5e maillon : la religion est un excellent vecteur de sens
moral.
« La morale moderne consiste à accepter les critères
de son époque.
Je considère pour ma part qu’accepter les critères
de son époque
est faire preuve de l’immoralité la plus grossière.
»
Oscar Wilde, Les ailes du paradoxe.
Voyons de quelle matière est faite l’espérance
de N. Sarkozy.
« Les religions constituent un enjeu majeur pour notre société
car elles sont le support d’une espérance. Le fait
religieux est un élément primordial en ce qu’il
« inscrit » la vie dans un processus qui ne s’arrête
pas avec la mort. » N.S., p. 14
Il s’agit ici de la métempsycose, c’est-à-dire
de la vie dans l’au-delà, qui, bien sûr, est
porteuse d’espoir. Néanmoins, il faut se rendre à
l’évidence que c’est un espoir post-mortem. On
retrouve alors exactement ce que fut la religion durant au moins
les deux millénaires écoulés : un lénitif
social, qui apaise la vie ante-mortem de l’individu, en lui
faisant accepter au nom d’un espoir ultérieur des conditions
sociales qu’il n’aurait certainement pas supportées
autrement. On le retrouve dans les propos suivants :
« [...] l’espérance dans un au-delà
meilleur est un facteur d’apaisement et de consolation pour
la « vie d’aujourd’hui ». N.S., p. 35
L’espérance en question s’apparente surtout
à un carcan moral, sorte de garantie du maintien de l’ordre
public (cf. maillon n°8 ) et de la paix sociale. Car contrairement
à la façon dont elle est présentée,
cette espérance n’est pas gratuite : l’au-delà
meilleur, qui se monnayait au Moyen Age, s’échange
de nos jours contre un péché originel persistant,
une culpabilité que ni contrition ni confesse ne résorbe,
la reconnaissance d’un clergé, l’onction d’au
moins quelques sacrements et le délestage d’un certain
nombre de deniers du culte dans les sébiles vouées
à cet effet juste après l’eucharistie. C’est
une espérance coûteuse, qui génère ses
peurs et qui a un prix. Notons qu’au vu des obligations d’aumônes
comme le zakat ou le denier du culte, la Française des Jeux
n’a finalement pas inventé grand-chose.
« Sans être un militant d’aucune religion, je
pense que l’on peut reconnaître la religion comme une
source d’apaisement utile au fonctionnement de la République.
» N.S., p. 157
C’est exactement cela. Soulignons l’emploi immodéré,
dans la sphère politique, du mot République, jamais
assorti de la définition qu’on lui prête. Pour
se détendre, relire la phrase du ministre en rajoutant après
« République » les compléments suivants
:
a. « de Weimar »
b. « Populaire de Chine »
c. « Démocratique du Congo »
« [L’espérance dans un au-delà meilleur]
appelle au respect de la vie, elle condamne la violence et bannit
toutes formes d’exploitation ». N.S., p. 35
« Je crois profondément que les valeurs de tolérance,
de respect de la vie, d’amour du prochain, portées
par l’Église catholique peuvent être utiles à
la Corse. » N.S., p. 47
« Dans beaucoup de pays, les défis que doivent relever
les peuples de l’hémisphère Sud le seront avec
l’aide de l’Église catholique. » N.S.,
p. 25
Nicolas Sarkozy n’a pas dû se relire. Si le respect
de la vie corroborait l’espérance en un au-delà
meilleur, alors Papon, Pinochet, Sidi Amin Dada, les Carabinieri
de Berlusconi et ses propres CRS seront voués aux Enfers,
les pauvres, et lui avec. Si la condamnation de la violence est
une clause de l’accès à un au-delà meilleur,
comment expliquer la propension au crime de l’Empereur Constantin,
la deuxième Croisade de Saint Bernard de Clairveaux, le bain
de sang Saint Barthélémien de Charles IX ou le bombardement
de civils vietnamiens par le moine-amiral G. T. d’Argenlieu
? Peu seront ceux qui, dans les services d’ordre étatique,
dans les services diplomatiques françafricains pro-Eyadema,
pro-Ben Ali, les acteurs de l’opération Turquoise au
Rwanda ne rôtiront pas chez Satan. Si le bannissement de toutes
les formes d’exploitation est un incontournable du paradis,
alors les contremaîtres de Michelin, Accor, TOTALFinaELF,
Peugeot, des chantiers navals de Lorient risquent de se tortiller
quelques siècles dans un âpre purgatoire.
De même, vanter les valeurs de tolérance, de respect
de la vie, d’amour du prochain, portées par l’Église
catholique n’est pas vraiment convaincant. Il suffit de demander
aux Bagas de Guinée, aux Sénégalais côtiers
si les missionnaires, même de nos jours, témoignent
de beaucoup de tolérance [24]. Les bulles papales condamnant
le préservatif font douter du respect de la vie des populations
en danger potentiel de contamination par le SIDA [25], et c’est
certainement le même amour du prochain qui arma les arquebuses
des trois frères Pizarro dans le Pérou des Incas,
et provoqua une déconcertante inertie au Vatican durant l’entreprise
d’extermination des Slaves, Tziganes, juifs, homosexuels,
handicapés etc.
Pour finir, l’Église aidera les pays de l’Hémisphère
Sud dans les défis qu’ils relèveront. Oui, mais
quels défis ? C’est sûr, s’il s’agit
de faire rentrer en Australie le Créationnisme, elle sait
s’y prendre. [26]
Baaah... Dieu reconnaîtra les chiens.
*****
6e maillon : introduire des lieux de culte dans les banlieues
est une solution de garantie de la non-désespérance,
et donc de la mort de l’intégrisme
« Des écoles sans Dieu et des maîtres sans
foi,
délivrez-nous Seigneur »
Prière bretonne [27]
« Les religions ont-elles par ailleurs une importance spécifique
pour l’équilibre de notre société ? Je
n’hésite pas à répondre deux fois oui.
Oui parce que la religion catholique a joué un rôle
en matière d’instruction civique et morale pendant
des années, lié à la catéchèse
qui existait dans tous les villages de France. Le catéchisme
a doté des générations entières de citoyens
d’un sens moral assez aiguisé.
Cela permettait d’acquérir des valeurs qui comptaient
pour l’équilibre de la société. Incontestablement,
l’Église catholique, quasi hégémonique
jusque dans la première moitié du XXe siècle,
a joué un rôle d’éducateur et même
d’intégrateur dans la société française.
» N.S., p. 17 - 18
« [...] je pense que les religieux, les femmes et les hommes
spirituels, les hommes de foi sont un élément apaisant.
Oserai-je dire un élément civilisateur ? » N.S.,
p. 18-19
Ben voyons. C’est au nom de la religion, de la foi, et de
l’apport de la civilisation que près de 10 millions
de Nord-Amérindiens ont été réduits
à l’état de macchabées. C’est au
nom de ces mêmes religion, foi et civilisation que des millions
de Sud-Américains ont été massacrés,
que les révoltes anticoloniales en Afrique se sont terminées
(et se terminent encore [28]) dans le sang. La foi est à
la vertu civilisatrice ce que la férule jésuite est
à l’apprentissage [29].
Quant à savoir si le catéchisme a doté des
générations entières de citoyens d’un
sens moral assez aiguisé,
C’est indéniable...mais quel sens moral fut aiguisé
? Ou plutôt le sens de quelle morale ? Celui des national-socialistes
allemands, par exemple, était finement aiguisé. N.
Sarkozy pêche ici par une considération universelle
de sa morale, en l’occurrence chrétienne, et qui est
loin d’être la morale la plus fine : réactionnariat
politique, aliénation de la femme, culpabilité indélébile
et adhésion à un ordre moral divin ne me semblent
pas relever d’une grande finesse de sens moral. De dire que
l’Église catholique [...] a joué un rôle
d’éducateur et même d’intégrateur
dans la société française est vrai. Cela n’affranchit
pas son auteur de se demander si l’éducateur fut bon,
et l’intégrateur partial.
« Ces points de convergences [de l’ensemble des messages
religieux] sont plus nombreux qu’on ne le croit et donnent
en réalité une cohérence d’ensemble au
fait spirituel : il existe une vie après la mort, un seul
et unique Dieu, un sens à l’histoire, une possibilité
de rédemption, une morale naturelle commune à toutes
les civilisations en référence avec un absolu ».
N.S., pp.159 - 160
Sans s’appesantir sur les assertions métaphysiques
ouvertes, du genre il existe une vie après la mort ou
[Il existe] un seul et unique Dieu [30], regardons de près
la suite :
[Il existe] un sens à l’histoire : c’est une
conception historiciste finaliste très dangereuse. Au nom
d’une nécessaire direction de l’Histoire, et
par extrapolation d’un but conféré à
l’humanité, ont été légitimés
nombre de choses discutables, comme l’éradication de
minorités ethniques ou le progressisme scientiste. Ce n’est
pas fortuit de constater que les principaux philosophes théoriciens
du sens de l’Histoire - Hegel en tête, mais aussi le
courant Naturphilosophie (Goethe et Schelling en particulier) ont
ensuite servi de pavois moral à de nombreux courants conservateurs,
pour ne pas dire d’extrême droite - le national-socialisme
allemand, par exemple.
[Il existe] une possibilité de rédemption : encore
faut-il avoir fauté, et craindre d’encourir un jugement
divin, pour voir miroiter une possibilité de rédemption.
Nous sommes encore dans une dialectique ici-bas / au-delà,
avec application des sermons miséricordieux dans le champ
incontrôlé par l’individu - l’au-delà,
bien sûr. C’est sur ce genre de discours que se justifient
les pires choses. L’exemple classique en est la peine de mort
: s’il est exécuté ici bas, ce n’est pas
grave, puisqu’il y a une vie après la mort dans laquelle
il sera en mesure de racheter ses fautes. Et Dieu reconnaîtra
les siens.
[Il existe] une morale naturelle commune à toutes les civilisations
en référence avec un absolu : il n’existe pas
de morale naturelle. La morale est un produit social. Ce n’est
d’ailleurs pas le fait qu’elle se bâtisse en référence
avec un absolu qui soit un vrai problème : le hic se loge
dans ce qu’un clergé devienne intercesseur de cet absolu,
et que le non-clergé (la piétaille, quoi) devienne
dépendant de ces dépositaires de la connaissance.
Parfois, le vice est poussé jusqu’à faire l’intercession
avec l’absolu en latin ou en arabe classique, ce qui n’est
quand même pas très gentil.
« Ce qui me paraît nécessaire, c’est
d’affirmer que la religion joue un rôle et que nous
n’avons aucun intérêt à sa disparition
ou à la réduction de son influence. » N.S.,
p. 158
Cette phrase est une magnifique phrase-puits [31].
Apprendre en s’amusant :
Exercice de phrase-puits : reprenons la phrase en question, et remplaçons
la religion par ce qu’on veut :
« Ce qui me parait nécessaire, c’est d’affirmer
que l’œuvre de Clint Eastwood joue un rôle et que
nous n’avons aucun intérêt à sa disparition
ou à la réduction de son influence. » Imparable,
non ?
On essayera avec
· « l’art pompier »
· « la pensée de Charles De Gaulle »
· « le Costa-Rica »
· « Sylvie Vartan ».
[...] nous n’avons aucun intérêt à sa
disparition ou à la réduction de son influence : sauf
erreur, le « nous » intégratif désigne
le pouvoir politique en place (le même qui décide de
l’ordre public, cf. maillon n°8). Dans la mesure où
la religion joue un rôle d’opiacée sociale, elle
devient un levier politique très maniable. Par conséquent,
il est évident que N. Sarkozy n’a aucun intérêt
à la voir disparaître. C’est là que se
loge son idée, qu’il perçoit comme révolutionnaire
: plutôt que d’empêcher l’enracinement de
l’islam, il se propose, en lui flattant la croupe, de l’intégrer
dans la panoplie des leviers moraux, s’offrant ainsi du pain
bénit en matière d’asservissement d’un
peuple immigré dont selon lui le seul bien commun, hormis
le statut de paria, est justement le culte musulman.
« Le message universel du christianisme est un message d’ouverture
et d’acculturation. Les responsables catholiques devraient
se réjouir de ce que des jeunes aient la foi, plutôt
qu’un agnosticisme désespéré, que ce
soit la foi du credo catholique ou la foi musulmane ». N.S.,
p. 53
Le mot est lâché : acculturation. C’est par
cela que l’ancien ministre des finances voit la paix sociale
qui lui est si chère, ce qui présuppose du même
coup que nous soyons en « guerre sociale » - ce avec
quoi je suis assez d’accord, mais pas pour les mêmes
raisons que lui.
L’argument de N. Sarkozy à l’endroit des responsables
catholiques est en revanche très bien trouvé, et ressemble
à une lame à double tranchant : voyons, prêtres,
presbytériens, évêques et prélats, ne
pensez-vous pas que, même si ces arabes et ces nègres
sont musulmans, (N.D.T. : c’est-à-dire d’une
foi archaïque et moyenâgeuse), c’est toujours mieux
que des agnostiques désespérés, non ?
Selon le schéma moral sarkozien, nous avons donc
:
1. catholique
2. protestant (un peu moins bien, mais ce n’est quand même
pas juif)
3. juif (parce qu’il faut bien ménager Israël
et puis parce qu’il y a des juifs à des postes importants,
et puis parce que c’est un excellent fer de lance pour se
démarquer du FN)
4. musulman
5. intégriste islamiste sanguinaire (pléonasme pour
N. Sarkozy, cf. 4ème maillon), et
6. agnostique / athée désespéré (pléonasme,
encore cf. 2ème maillon).
Ce qui m’amène à un dilemme :
- soit, en tant qu’athée plein d’espoir, je
suis une bizarrerie
- soit je suis classé derrière Oussama Ben Laden
et le Mollah Omar...
« un ministre du culte - qu’il soit rabbin prêtre,
imam, pasteur - est une source de fraternité, de compréhension,
d’écoute ; c’est un vecteur de dialogue. »
N.S., p. 129
Ne devons-nous pas trouver douteux que, devant le saccage de la
main gauche de l’État, -ses services publics, de ses
travailleurs sociaux [32]-, ce soit la main droite de l’État
coercitive et vengeresse que le ministre de l’Intérieur
incarne si bien, qui propose de promouvoir la fraternité,
et qui plus est propose des ministres du culte comme vecteurs de
dialogue ?
Si la politique n’était pas kidnappée par
une caste professionnelle (énarque bien souvent), caste vantant
un individualisme et un utilitarisme libéral extrêmes,
alors ce rôle de vecteur de dialogue, de source de fraternité,
de compréhension pourrait très bien redevenir le lot
de tout individu lambda. C’est un tantinet plus universaliste
que d’attendre les ministres du culte, promoteurs d’une
réponse métaphysique et d’une construction morale
figées.
« Je pense donc utile que soit créée une grande
mosquée dans celles de nos grandes villes qui en sont dépourvues.
[...] si l’on partage l’opinion qu’il s’agit
d’un enjeu pour que la vie soit meilleure dans nos banlieues,
il convient d’en tirer les conséquences et d’être
inventif. » N.S., p. 130
Être inventif, pour Nicolas Sarkozy, c’est rompre
avec la loi de séparation des Églises et de l’État,
et financer des ministres du culte. Je n’exagère pas
:
« A mon sens, il est temps de poser la question du financement
national des grandes religions et celle de la formation «
nationale républicaine » des ministres du culte. »
N.S., p. 123
Et en bon chantre de la décentralisation des pouvoirs,
il avance :
« Je ne crois pas aux négociations nationales, j’y
crois d’ailleurs de moins en moins [...] je crois au contraire
à la régulation régionale qui permet à
chacun de trouver des aménagements en fonction du rythme
de la vie locale dans laquelle on se trouve » N.S., p. 160
En d’autres termes : pour certains trucs (sauf les pouvoirs
de police évidemment), je crois à la déconcentration
du pouvoir : le pouvoir n’est pas supprimé, il est
juste déconcentré, c’est ce que je viens de
vous dire : c’est quand même plus sympa d’avoir
un représentant de l’État qui vous contrôle,
qui a la même religion que la vôtre, - comment, vous
êtes athée ? Bon alors qui a la même couleur
de peau que la vôtre ou la même origine géographique
que vous à peu de choses près et qui en plus sera
ainsi censé vous représenter parce que mon petit/ma
petite vous êtes bien incapable de vous représenter
vous même. C’est donc quand même plus sympa d’être
contrôlé par un chef du coin, d’ailleurs non
élu mais nommé, que par un chef presque fantôme
qui vient de la capitale. En plus c’est plus pratique, parce
que lui au moins est toujours sur place, et n’a pas à
contenter l’électeur - il n’en a pas (rire sardonique).
« je pense que les prêtres, les rabbins, les pasteurs,
les imams, ou les laïcs les représentant, doivent être
les bienvenus dans les discussions sur l’organisation du temps
scolaire pour la catéchèse. » N.S., p. 160
On y est. Bienvenue au XIXe siècle.
Note : à propos du Conseil Français du Culte Musulman
(CFCM) - un des thèmes traités par N.Sarkozy dans
son livre -, je renvois aux propos récents de Fiammetta Venner,
qui dit plus clairement que je ne pourrais le dire, et en bien moins
de mots, mon opinion sur le sujet (cf. Annexe).
******
Aparté : quelques propos étranges
« Le boulanger du coin a quitté ses fourneaux
Pour s’en venir cracher sur mon corps déjà froid,
Il dit ‘j’suis pas raciste, mais quand même les
bicots,
Dès qu’y un sale coup, ben ils faut qu’ils en
soient’ »
Renaud Séchan, Les charognards, 1977
« Il me semble en revanche que l’on doit trouver un
moyen terme, qui respecte l’esprit de la loi de 1905 et aide
en même temps les religions à être utiles à
la société et à se couper d’influences
étrangères qui ne sont pas apaisantes.
Ainsi l’on pourrait réfléchir à la possibilité
pour l’État et les collectivités locales de
garantir les emprunts pour la construction d’édifices
religieux, à l’instauration d’avantages fiscaux
plus importants pour les fidèles qui participent au denier
du culte [33], à une redéfinition des travaux de «
confortement », ou encore à la consolidation juridique
du recours aux baux emphytéotiques. Pour la formation des
ministres du culte,l’État pourrait participer «
en nature » en quelque sorte, en mettant à disposition
des enseignants dans les matières autres que spirituelles,
en prêtant des locaux, en signant des conventions avec les
représentants des religions pour former des ministres du
culte français. Je ne vois pas en quoi cela nuirait à
l’indépendance des ministres du culte, et à
leur lien privilégié avec leur hiérarchie religieuse.
En revanche, cela permettrait d’assurer un enracinement national
et de se protéger d’un certain nombre d’influences
étrangères , notamment s’agissant d’islam
. [34] » N.S., pp. 124-125
Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’épiloguer
sur ce contre-pied flagrant de la loi laïque française
que propose Monsieur Sarkozy. Je soulignerai seulement la dernière
phrase, qui témoigne d’abord du fait que si les moyens
qu’il se propose d’employer sont présentés
emballés dans du papier-cadeau, les ambitions sont extrêmement
conservatrices. À croire qu’il s’agisse d’une
technique propre au néo-gaullisme : Jacques Chirac défend
ses intérêts commerciaux pétroliers en refusant
la guerre, passant pour le pacifiste qu’il n’est pas
[35] Nicolas Sarkozy, par peur de l’invasion de l’islam,
circonscrit la chose en s’accaparant de la mainmise de l’État
sur les éventuels lieux de culte, les Conseils musulmans,
et par conséquent toute une population par trop rétive
au gouvernement... en passant pour un œcuménique bienfaiteur
de l’islam. Il s’agit, il faut le reconnaître,
de prouesses médiatiques rares. Il s’agit aussi d’une
illustration du proverbe bantou cher à Patrice Lumumba :
« la main qui donne, la main qui dirige ».
Mais la dernière phrase fait craindre le pire, car elle
ne détonnerait pas chez un Bruno Mégret. Plusieurs
embrasures de ce genre sur les préjugés sarkoziens
sont ménagées dans son livre, dont voici quelques-unes
:
« Il en a d’ailleurs été de même
dans les familles de religion ou de tradition juive ou protestante
dont les valeurs individuelles et sociales sont en réalité
communes avec celles de l’Église catholique et qui
ont apporté, en plus, leurs spécificités à
la construction de l’identité nationale : entre autres,
un attachement profond à la République et une volonté
exemplaire d’intégration pour les juifs, le souci aigu
de la liberté de conscience chez les protestants. »
N.S., p. 18
Juif, juive, protestante, protestant, faudrait-il que vous aimiez
vous laisser flatter la croupe et regarder les dents pour laisser
le champ libre à ce genre de stupidité.
« Il faut quand même dire les choses telles qu’elles
sont : ce qu’on reproche aujourd’hui aux musulmans,
dans les pays musulmans, nous l’avons vécu il y a quelques
siècles avec une imbrication totale du pouvoir religieux
et du pouvoir royal ». N.S., p. 19
Cette assertion mériterait un commentaire sérieux
de nombreuses pages, mais pour faire succinct :
1. nous avons vécu une imbrication du pouvoir religieux
et du pouvoir royal qui a rarement été totale (le
summum, dans les « quelques siècles » présentés
par Sarkozy, ayant certainement été Louis XIV, et
Bonaparte pour qui « les conquérants habiles ne se
sont jamais brouillés avec les prêtres » - ce
qui me rappelle quelqu’un). La fin du XIXe par exemple, fut
un monument d’athéisme, tout comme quelques velléités
éparses et lumineuses de la seconde moitié du XVIII
e.
2. la France est ces derniers temps de moins en moins laïque.
L’État subventionne directement ou indirectement les
religions. Qu’on s’en félicite ou qu’on
le déplore, il faut se plonger dans les documents budgétaires
(les bleus de la loi de finances) pour mesurer l’importance
de cette évolution [36].
Alors je pense qu’il va falloir un jour faire comprendre
au ministre qu’il est temps de tordre le cou à cette
médiévalisation de l’islam, qui ressemble dans
ses traits à la vision tribale et belliqueuse sans cesse
ressassée à propos des africains, le caractère
ladre des juifs aux doigts crochus et à l’indécrottabilité
du tzigane moyen, autant de poncifs de la pensée facile des
âmes blanches civilisatrices et bourrées de préjugés
qui font la lie des meilleurs tonneaux racistes.
« Si l’on veut aborder cette question de manière
sereine, il faut reconnaître qu’il n’y a pas que
l’islam qui rend difficile la vie des femmes musulmanes. Il
y aussi la pauvreté, il y a le sous-développement,
la misère, la ghettoïsation de certains quartiers. »
N.S., p. 95
L’immense philosophe arabe du XXIe siècle, Jamel
Debbouze, fait dans son dernier spectacle une remarque sur ce thème
que je paraphrase de mémoire : Ah, c’est facile pour
les français de rigoler sur le sort des femmes musulmanes,
mais il n’y a pas si longtemps que le sort des femmes de France
a un tantinet évolué, encore que. Et puis nous, dans
les banlieues, l’information circule mal, alors c’est
certainement dû au temps que ça nous parvienne.
« Je reconnais que, parfois, même sans projection
de son engagement religieux, il existe des comportements ambigus
au regard de nos règles républicaines. Certaines confessions
ou traditions où l’on se flagelle, certaines représentations
caricaturales, l’expression fanatique de foules manipulées
peuvent mettre en cause le consensus. » N.S., p. 37
L’hôpital rit de la charité. Il est des confessions
où certains se flagellent, d’autres gravissent à
genou des calvaires avec des croix et s’extasient devant de
purulents stigmates. Il est des liesses populaires, notamment autour
de faux miracles comme celui du sang de Saint Janvier à Milan,
qui sont des expressions fanatiques de foules manipulées
(puisqu’on prétend à un miracle alors que le
principe de la liquéfaction du faux sang est connu depuis
plus d’un siècle [37]). On sent poindre le mépris
chez notre ancien ministre de l’Intérieur, mépris
très partial. Quant au consensus invoqué à
la fin, s’il porte sur les règles républicaines,
il est une vue de l’esprit (sain bien entendu).
« Selon vous, le port du voile est-il le reflet d’une
certaine pratique culturelle des pays arabes ou a -t-il une signification
religieuse ?
Je me garderai bien de trancher ce débat théologique
qui fait l’objet de nombreux commentaires, y compris chez
les musulmans les plus érudits. » N.S., pp. 96-97
Question stupide (qu’on ne pose pas au fichu français
ou au bigouden breton) et réponse marécageuse. En
l’occurrence ce n’est pas du tout un débat théologique.
Vallet, encore, nous précise que « le voile des femmes
n’est pas plus islamique que le béret basque n’est
catholique ». Il ajoute que la tradition du voile est antérieure
de plusieurs millénaires au prophète Mohamed, la première
mention de son port obligatoire remontant aux lois assyriennes (tablette
A, 40) attribuées au roi Téglat-Phalazar 1er [38],
vers 1000 avant l’Ère Chrétienne. Mais la Bible
également évoque le voile dans le livre de la Genèse
(24,65) et le Cantique des cantiques (4,1), et fait elle aussi d’une
tête non voilée un symbole de prostitution. Vallet
termine : « on n’a jamais entendu parler de «
voile juif » ou de « voile chrétien »,
même si Saint-Paul en exige le port pour les prières
: « toute femme qui prie ou prophétise tête nue
fait affront à son chef » (1 Corinthiens 11,5). Là
encore, se couvrir la tête relève plus de la tradition
que de la religion, sans quoi il faudrait sacraliser les chapeaux
de la reine d’Angleterre [39] ». Foin de débat
théologique, donc. Mais N.S. nous confiera plus loin (page
118) :
« Je ne me pique pas de percer les secrets de la civilisation
arabe ou musulmane, d’être un érudit. »
Effectivement, mais on pourrait attendre un peu plus sur un ministre
des Cultes se consacrant près de deux ans à la question.
« Il [le voile, NdR] est une réaction au regard hostile
que les jeunes filles musulmanes rencontrent dans la société
ou qu’elles ont le sentiment de rencontrer. Lassées
et blessées d’être en permanence musulmanes dans
le regard des autres, elles provoquent : « puisque tu me vois
comme musulmane, je vais te montrer que je le suis bien réellement,
et encore davantage. C’est une réaction compréhensible.
Ne sous-estimons pas combien ce regard peut être douloureux
à vivre. Les catholiques ne sont pas catholiques dans le
regard de l’autre. Le problème est que rien ne se résout
par la provocation ou par l’affirmation caricaturale d’une
identité. » N.S., p. 97
Penser que le port du voile ne puisse être qu’une
affirmation caricaturale d’une identité est le degré
0 de la problématique. Il sort du cadre de ce texte de parler
du problème du voile, qui n’est abordé que succinctement
par N. Sarkozy, mais je ne résiste pas à citer le
récent film documentaire « un racisme à peine
voilé », qui lève un peu le voile sur le fait
que le problème est ailleurs et qu’à l’inverse,
la problématisation de ce voile ressemble plus au fruit d’une
politique ségrégationniste à peine cachée
[40].
Voici encore quelques savoureux passages sur la question des éventuelles
réformes sarkoziennes, qui je vous le rappelle, sont présentées
comme une « contribution majeure à la réflexion
sur les valeurs fondatrices de la République et l’avenir
de la laïcité française ».
« Au nom de quoi nos universités seraient-elles fermées
aux ministres du culte ? Un plus grand brassage entre les séminaristes
et les autres étudiants dans les universités n’apporteraient
que de la compréhension et de l’enrichissement mutuels.
Sans aller jusqu’à un soutien en numéraire,
l’État pourrait offrir une aide sous la forme d’affectations
de professeurs. Pour les imams, il pourrait prendre à sa
charge l’apprentissage de l’arabe par les imams français
et l’apprentissage du français par les imams arabes.
» N.S., p. 126
« Il faut réfléchir à l’élaboration
de conventions entre l’État et le séminaire
israélite de France, ou les séminaires catholiques.
Une délégation de professeurs, des crédits
d’heure, ce sont des choses qui sont, non seulement possibles,
mais de surcroît, de mon point de vue, souhaitables. »
N.S., p. 127
« Il est regrettable que l’attrait du séminaire
pâtisse des conditions de vie faîtes aux étudiants
séminaristes et aux prêtres. Enfin, donner un statut
aux imams pour mieux assurer la stabilité de leur situation
juridique, économique, sociale, ne pourra que favoriser un
discours d’apaisement. Comment aider à intégrer
dans les banlieues si l’on est soi-même en situation
précaire ? » N.S., p. 126
Simple : en s’arrangeant pour que personne ne soit précaire
dans les banlieues.
« A contrario, maintenant que les lieux de cultes officiels
et publics sont si absents de nos banlieues, on mesure combien cet
apport spirituel a pu être un facteur d’apaisement et
quel vide il crée quand il disparaît. » N.S.,
p. 18
D’abord, rien ne prouve que ces fameux lieux de culte aient
effectivement disparu. Une banlieue peut être soit une vieille
commune phagocytée par une agglomération, soit une
ville-dortoir nouvelle ; dans le premier cas, la commune n’est
sûrement pas exempte d’au minimum un lieu de culte traditionnel
(une église bien sûr) ; dans le deuxième cas,
on peut supputer l’existence d’églises à
l’architecture contemporaine type Le Corbusier, églises
new style et parfois new age assez répandues par exemple
à Grenoble et ses faubourgs.
Ensuite, il y a typiquement confusion entre corrélation
et causalité. Il faudrait pouvoir comparer deux périodes
extrêmement différentes sur une kyrielle de paramètres
pour conclure qu’un quelconque vide est imputable à
une absence de lieu de culte. Quand on connaît l’intelligence
de l’auteur de cette confusion, on présume plus d’un
procédé rhétorique facile que d’une faute
de raisonnement.
*****
7e maillon : l’État doit pour cela user d’un
processus de laïcité active pour promouvoir le développement
des institutions de culte (et y distiller le sens moral souhaité).
« La bonne foi est une vertu essentiellement laïque,
qui remplace la foi tout court. »
André Gide, 13 décembre 1927
« Je crois en une laïcité positive, c’est-à-dire
une laïcité qui garantit le droit de vivre sa religion
comme un droit fondamental de la personne. La laïcité
n’est pas l’ennemie des religions. Bien au contraire.
La Laïcité, c’est la garantie pour chacun de pouvoir
croire et vivre sa foi. » N.S., p. 14
Vision faussée : la laïcité, c’est la
séparation des affaires cultuelles des affaires d’État
; c’est le caractère non-confessionnel. La Laïcité
ne garantit rien en soi, si ce n’est la non-immixtion des
cultes dans les affaires gouvernementales. Elle ne garantit pas
le droit de vivre sa religion comme un droit fondamental (ça,
ce sont les Droits de l’Homme, peut être ne les a-t-il
plus en tête), ni de pouvoir croire et vivre sa foi. La laïcité
implique que la foi (privée) et les services (publics) soient
deux mondes qu’il convient de séparer.
« Pour ma part, je n’ai pas une vision sectaire de
la laïcité. » N.S., p.87
Qu’est une vision sectaire de la laïcité ? Je
prends sa phrase précédente :
« En revanche, je dis que nous devons revenir à une
laïcité active, et non passive ou honteuse parce qu’il
s’agit de religion »
Toujours pas clair ? Je prends la suivante :
« Cela n’aurait pas de sens, à l’aune de
l’Histoire de France, de considérer tout ce qui concerne
le religieux comme dangereux, illégitime, suspect ».
Plus loin il précise que nombre de responsables politiques
ou syndicaux ont eu une vision sectaire de la laïcité,
« une vision marquée par un souci de revanche »,
(page 88) et il cite Fouad Alaoui et le terme d’« intégrisme
laïque ».
Je ne crois pas qu’on puisse avoir une vision sectaire de
la laïcité : soit elle est, et les cultes sont bien
séparés de l’État, soit elle n’est
pas. C’est tout. Il n’y a pas de petites connivences
possibles pour un état dit laïque - ce qui permet de
douter de la laïcité du nôtre (Accords Briand-Ceretti
[41], statuts de l’Alsace et de la Lorraine, financement d’écoles
religieuses, etc.)
Cela me fait penser aux accusations de la science sectaire, refusant
l’entrée du spiritualisme dans son champ. Il s’agit
non d’un choix, mais d’une nécessité ontologique.
La science (comme démarche, bien sûr, pas comme institution)
ne peut tolérer une seule incursion de ce genre, au risque
de voir tout l’édifice s’effondrer [42].
« Non, la laïcité n’est pas au service
des religions car cela signifierait qu’elle serait dominée
par elles ». N.S., p. 16
Effet de style. Faut-il, lorsque Nicolas Sarkozy, ancien ministre
des finances, se dit au service de la population, y voir une domination
de la population sur lui ? Auquel cas, comment se fait-il que vous
et moi, membres de la population, n’ayons aucun moyen ni d’orienter
ses décisions, ni de le démettre ?
« Les religions constituent un enjeu majeur pour notre société
car elles sont le support d’une espérance. Le fait
religieux est un élément primordial en ce qu’il
« inscrit » la vie dans un processus qui ne s’arrête
pas avec la mort. C’est pourquoi je n’ai pas une conception
sectaire de la laïcité. Pas même la vision d’une
laïcité indifférente. Je crois au besoin de religieux
pour la majorité des femmes et des hommes de notre siècle.
La place de la religion dans la France de ce début de troisième
millénaire est centrale. » N.S., p. 16
Le ton solennel imposerait presque un silence contrit.
Note : on peut très bien donner à la religion une
place centrale, mais sur une petite chaise, et à l’ombre,
bien séparée de la chose publique. Quant au besoin
de ‘religieux’, il est d’autant plus fort que
les personnes sont dans la misère. On l’a appelée
pour cela une maladie de pauvre. Je crois malheureusement beaucoup
plus au besoin de pognon et de biens publics garantis pour la majorité
des femmes et des hommes de ce siècle.
******
8ème maillon : le maintien de l’ordre public
est la condition d’exercice des libertés
« Jamais la loi n’a rendu les hommes plus justes d’une
seule once,
mais, en raison du respect qu’ils lui portent,
il arrive chaque jour que même des gens dotés des meilleures
dispositions
se fassent les agents de l’injustice. »
Henry D. Thoreau, Désobéir
« J’ajoute que le maintien de l’ordre public,
qui est la responsabilité première du ministre de
l’Intérieur, n’est pas une fin en soi, mais la
condition d’exercice des libertés ». N.S., p.
14
Analysons sur un plan logique cette assertion. Il y a 4 parties
et une équivalence.
* Les 4 parties :
o l’ordre public
o le maintien (de l’ordre public) (A)
o l’exercice des libertés
o la condition (d’exercice des libertés) (B)
* L’équivalence :
o (A) est (B)
L’ordre public
Pour faire au plus court sans écrire 25 pages, l’ordre
public, c’est le somme des lois qui régissent la vie
des individus appartenant à une société donnée
et qui, par dommage collatéral, régissent même
la vie des rares individus qui ne veulent pas spécialement
appartenir à cette société [43].
La somme de ces lois, appelée corpus pour faire savant,
n’est décidée que par une fraction infime de
la population, issue d’un système de représentation
par élection, elle-même contrebalancée par une
institution non élue par le peuple, le Sénat, et par
quelques divines engeances dotée d’un abusif droit
de regard sur la question, corroborant ainsi l’adage «
l’avenir est à ceux qui ont le veto ». Jusqu’à
preuve du contraire, l’ordre public n’a de public que
le nom. Le système politique dont nous dépendons ne
permet pratiquement aucune intrusion de l’individu lambda
dans la définition de cet ordre public, - ni d’ailleurs
de l’individu qui remettrait en cause le fondement lui-même
de cette notion. Par contre, cet ordre s’impose à tous,
sans aucune discussion.
Pour les candides qui pensaient que le députat est tout
de même l’expression votante de l’individu lambda,
qu’ils se demandent quels processus, assortis de quelles compromissions,
quelles mécanismes de castes ils devraient emprunter pour
parvenir eux-mêmes au statut de députables. Accès
aux médias, cooptation, clientélisme, consociativisme
[44] des élites... Devant de tels obstacles, ils parviendront
rapidement au constat lapidaire du pilier de la pensée philosophico-politique
française, le groupe Soldat Louis : « Député
c’est déjà cher, alors président, j’te
dis pas, faut des biffetons par containers ou un pote secrétaire
d’État ; t’imagines, moi pour m’présenter,
le nombre d’autoradios volés, de bouteilles à
déconsigner, de pétard à dealer » [45].
Ainsi, le droit d’inférence dans l’ordre public
devient de facto un droit d’élite.
Si l’ordre était vraiment public, son maintien incomberait
directement ou quasi-directement au public (c’est-à-dire
nous) soit par une internalisation des valeurs vécues collectivement
comme nécessaires à l’ordre souhaité
par le public, soit par un système de représentation
momentané, localisé et révocable de cet ordre.
Or c’est loin d’être le cas : s’approprier
la valeur d’une justice lorsque les inégalités
que celle-ci proroge sont criantes est un exercice qui ne fonctionne
que dans les casernes. Sur le système de représentation,
il faut souligner la non-élection du ministre de l’intérieur
- et de tous les autres -, son irrévocabilité - hormis,
à la rigueur, lors de ce simulacre de démocratie qu’est
le vote quinquennal, qui garantit autant le renouveau chantant que
les vœux de Nouvel An ne garantissent une année meilleure
que la précédente. En clair, en quoi la gestion de
l’ordre public par le ministre est représentative ?
De qui ? Ces questions ne semblent pas devoir être soulignées.
De surcroît, si l’ordre était public, l’idée
même de caisse noire, de police parallèle, de Renseignements
Généraux, de tractation à huis clos lors des
sommets dirigeants tels que le G8 serait caduques. L’accès
à la connaissances des avoirs de l’État, par
exemple, serait libre (alors qu’il est actuellement quasi-inaccessible,
même pour un député).
Bref, la notion d’ordre public est une notion réservée
à une frange très réduite et plénipotentiaire.
Ca porte un nom. Aristocratie.
Simili-conclusion : l’ordre public n’est pas public.
Il n’est que l’imposition de l’ordre souhaité
par la caste dirigeante.
Le maintien (de l’ordre public)
Il est évident, dans ces conditions, que le maintien de
l’ordre public relève plus de la conservation des privilèges
des classes dominantes que d’un réel ordre public négocié
et, dans l’idéal, renégociable constamment.
Les nombreux travaux de l’équipe de Bourdieu assoient
très bien ce type de processus social [46].
Hasardons deux remarques :
- Le maintien de lois qui n’incluent pas l’individu
lambda, mais qui servent la couche décisionnaire (donc supérieure)
est un maintien légal, mais illégitime.
- Si d’aventure la majorité des individus lambda
souhaitait un changement d’ordre public, ils n’auraient
d’autre solution que de s’opposer à ce maintien,
solution non prévue dans la vision politique classique dont
Nicolas Sarkozy est le chantre, et solution nécessairement
violente. L’allégorie est possible avec des menottes
: vous mettre des menottes est nécessairement violent. Soit
vous les contestez, et il vous faudra les briser, soit on vous a
donné les clés avec, ce qui annihile toute utilité
à ces menottes. Soit vous les supportez très bien,
puisqu’on vous a convaincu de la nécessité de
les porter pour votre bien. Un maintien de l’ordre public
(coercitif et armé - les policiers et les gendarmes étant,
comme leur nom l’indique des gens d’armes) contient,
sous des dehors apaisant et lénitifs, les germes de la violence
légitime pour qui voudra s’extraire de cette domination.
Simili-conclusion : le maintien (armé) de l’ordre
public (pas public) est illégitime
L’exercice des libertés (et sa condition)
Un exposé de l’idée d’exercice des libertés
ne peut faire l’économie d’une discussion sur
l’idée de liberté, ce que je ne ferai pas ici,
tant par manque de place que par manque de talent devant la littérature
disponible.
Je me contenterai de deux petites instillations :
Il y a deux façons de voir l’exercice des libertés,
notamment des autres (qui sont plus nombreux que moi) : soit vis-à-vis
de moi, soit par devers moi. Vis-à-vis de moi signifie que
la « liberté des uns commence là où s’arrête
celle des autres », et que, comme les autres sont souvent
hargneux, barbares et costauds, il faut bien une force d’interposition
: la police, bras armé de l’instance gouvernante. Mais
le bémol vient du constat qu’imposer ma liberté
à quelqu’un par le truchement d’une incontournable
police me semble une restriction drastique de ma propre liberté.
Alors je propose l’exercice des libertés par devers
moi. Si je raisonne de façon globale sur mon groupe social,
je suis obligé d’élargir mon empathie même
sur mon voisin hargneux, barbare et costaud. Lui-même, malgré
sa hargne et sa barbarie, sera obligé de faire pareil. La
résolution des problèmes s’effectuera alors
de façon optimale par consensus, puisque les nécessités
de l’autres seront devenues miennes. C’est le même
résultat que la charité chrétienne, sans la
charité chrétienne. À partir de là,
il sera délicat de voir autre chose qu’une forme d’intrusion
violente dans toute action de régulation et de restriction
de la liberté d’autrui de type policière. L’adage
deviendrait alors « la liberté des uns commence là
où commence celles des autres ». Bien plus responsabilisant,
et ne nécessitant aucune conditionnalité - et certainement
pas celle d’un quelconque maintien de l’ordre public.
Pour rassurer cell-eux qui estiment que ce modèle sociétal
est irréalisable, c’est effectivement le cas à
grande échelle, et pour le moment. Mais irréalisable
ne signifie pas irréaliste, et il existe déjà
en France quelques îlots de tentatives de gestion de la liberté
de l’autre par devers soi [47].
L’échelle de ces groupes sociaux ne dépasse
pas la trentaine de personnes, mais entre nous, peu sont ceux qui
entretiennent des rapports soutenus avec des hordes plus grandes.
Simili-conclusion : l’exercice des libertés garanti
par la force est un non-sens
L’équivalence : [le maintien de l’ordre public]
= [la condition d’exercice des libertés]
Il y a une contradiction logique dans la pensée de NS :
l’exercice de la liberté de changer d’ordre public
n’est pas garanti par la vision sarkozienne. Cela montre bien
que la notion d’ « ordre public » exogène,
c’est-à-dire imposée de l’extérieur
sur le public, mais serinée sans cesse jusqu’à
incorporation bêlante, est consubstantielle au maintien du
pouvoir en place et au conservatisme politique.
Bilan : le maintien (illégitime et armé) de l’ordre
public (non public) n’est certainement pas une condition d’exercice
des libertés, ne serait-ce que parce qu’il n’inclut
nullement la possibilité de changer d’ordre public
(ou de conditions de maintien de cet ordre).
*****
9e maillon : l’État garantit l’exercice
de la liberté de culte mais tant que l’ordre public
n’est pas troublé.
« Il ne faut pas confondre ‘La société
m’opprime’
et ‘le système m’étrique’ »
Anonyme
Il y a un splendide raisonnement en boucle dans ce maillon de
raisonnement : le maillon n°8 clame que le maintien de l’ordre
public est la condition d’exercice des libertés. Le
maillon n°9 nous dit que l’exercice des libertés,
en l’occurrence celle du culte, est garantie par l’État
tant que l’ordre public n’est pas troublé.
Nicolas Sarkozy raisonne a priori comme ceci :
A (maintien de l’ordre public) est condition de B (exercice
des libertés) - maillon n°8
Mais B, c’est très bien, tant que ça n’empêche
pas A - maillon n°9
Auquel cas il faut conclure tragiquement que A (le maintien de l’ordre
établi) prime sur B (l’exercice des libertés).
Pour quelqu’un qui aime le parler-franc, monsieur le ministre
aurait mieux fait de le dire tout de suite, d’autant qu’il
nous assurait tantôt que « le maintien de l’ordre
public n’est pas une fin en soi ». Les doublures de
sa veste doivent boulocher, à force de retournements.
Il le dit un peu plus loin, à sa façon :
« D’ailleurs, il n’y a pas d’émancipation
possible en dehors du respect des lois de la République.
» N.S., p. 103
« Mgr de Berranger n’avait pas besoin de moi pour
comprendre la nécessité de l’évacuation
des sans-papiers de sa cathédrale. L’exaspération
des fidèles progressait chaque jour. [...] ». N.S.
p.28
Et l’exaspération des fidèles catholiques
prime sur l’exaspération des fidèles au poste
de la régularisation, les petits matins frisquets de consulat.
Amusant de voir que dans le cheminement spirituel du catholique
décrit ici par N.S., le besoin de prier (qu’on peut
assouvir pourtant partout) surpasse le besoin de voir son voisin
étranger se faire traiter correctement, au point de demander
la charge de CRS, avec un S, certainement, signifiant syncrétisme.
« Il n’y a aucune raison pour que la communauté
catholique soit systématiquement victime de ces occupations
d’églises ». N.S. p.28
C’est étrange. Je croyais que c’étaient
ces gens fuyant pour la plupart leur pays en guerre - guerres dont
les ressorts restent rarement longtemps sans être retendus
par une quelconque main française [48] - ces gens apatrides,
ayant voyagé dans des conditions peu douces en emportant
pour tout bien un peu de latérite natale sous leurs semelles,
je croyais que c’étaient ces gens-là, et non
les bigotines, qui étaient les victimes. Et puis, entre nous
: p.20 N. Sarkozy nous dit que les églises sont vides. Du
28 juin au 22 août 1996, l’église Saint-Bernard
avait 300 « fidèles » tous les jours, sans compter
les quelques dizaines de personnes en mitre bleue et en crosse de
caoutchouc le dernier jour. En clair, une fréquentation record
sur les 20 dernières années. Si la communauté
catholique ne va presque plus dans les églises hormis en
la voussure de quelques grenouilles de bénitier, en quoi
est-elle systématiquement victime de ces occupations ? J’ai
une hypothèse : en contribution en coût de cierge.
C’est dans ces moments-là que l’on réalise
que si l’effort, valeur chère à Nicolas S.,
doit être commun, le tronc, lui, ne l’est guère.
Là, N. Sarkozy nous offre une de ses perles :
« La police s’oppose à la violence sans être
elle-même une violence. Elle n’est même pas une
« violence légitime ». Elle est une force au
service de la loi et des libertés ». N.S., p.50
Il persistera plus loin, fulgurant :
« Nous sommes reconnus à travers le monde comme protecteurs
du droit des minorités. » N.S., p. 114
C’est le genre de phrase qui mériterait une minute
de silence.
La police s’oppose à la violence sans être
elle-même une violence : le jour où le citoyen Nicolas
S. sera en mesure de convaincre les Roms d’Achères
la Forêt, les réfugiés de Sangatte, les manifestants
de Marseille du 11 mars 1997, les squatteurs politiques ou non de
Grenoble, les précaires de l’incinérateur de
Fumel et les algériens survivants des quais de Javelle que
la police n’est pas une violence ; le jour où le citoyen
Nicolas S. persuadera les familles des multiples morts des zones
d’attente de la Police Aérienne des Frontières
que le bâillon, le coussin et la matraque participent d’une
force au service de la loi et des libertés, alors je m’engagerai
dans les forces de l’ordre.
Enfin, sur la question du rôle du ministre de l’intérieur
dans le processus de nomination des évêques, qui consiste
à saisir le préfet, sur injonction du Ministère
des Affaires Etrangères, enjoint lui-même par le nonce
apostolique, ambassadeur du Vatican en France à regarder
s’il y a des éléments à charge contre
le prêtre pressenti pour être évêque, NS
le juge aussi formel que satisfaisant. Surprenant ? Non point :
« Les éléments à charge susceptibles
d’être retenus sont d’éventuelles prises
de position publiques contraires à l’ordre public [...].
Depuis les années 1950, il n’y a eu que deux refus
: en 1952, pour un prêtre guadeloupéen indépendantiste
et, en 1968 pour un prêtre du diocèse de Rennes qui
avait appelé à la grève des impôts ».
N.S., p. 24
Comme quoi parfois, les affaires temporelles l’emportent
sur les démarches spirituelles. Faut pas déconner.
*****
10e maillon : la promotion des institutions cultuelles ne
débordera pas des religions « d’État »,
le reste n’étant que sectes.
« J’ai ainsi dissous 550 milliards de démons
terrestres
et ressuscités d’entre les morts 350 milliards
de démons inférieurs, devenus des serviteurs de la
lumière
entre l’année 84 et 85 ».
Gilbert Bourdin, alias Messie Cosmo-Planétaire, Mandarom.
« Si l’on veut promouvoir une conception plus active
de la laïcité et aider, d’une manière ou
d’un autre, les religions à jouer un rôle constructif
dans la société, il faut bien distinguer les religions
et les « nouvelles religiosités », dont le poids
est quand même très différent. Il faut aussi
proposer quelques critères qui permettent de montrer quand
la ligne est franchie entre ce qui est authentique religieux et
ce qui est “dérive sectaire“. » N.S., p.
141
« On voit bien les caractéristiques fondamentales
qui permettent d’identifier une religion. Le nombre des fidèles,
l’universalité du message et, plus encore, son ancienneté,
sont des critères objectifs de distinction. Si on voulait
essayer de trouver une définition de la religion par rapport
aux sectes, je pense que l’un des critères les plus
pertinents serait celui de la pérennité historique,
car on doit convenir que l’authenticité du message
spirituel est en quelque sorte légitimé par sa pérennité
au travers des générations. [...] tout ne se vaut
pas » N.S., p. 136
N. Sarkozy est un peu primesautier. La distinction sectes-religions
n’est qu’un vœu pieux. Il est impossible de les
distinguer réellement, car il n’y a pas de définition
précise de la secte. Vallet : « une religion est une
secte qui a réussi, un petit groupe devenu grand, une chapelle
rebaptisée Église. [...] pour distinguer une secte
d’une religion, on a essayé le critère du nombre
qui ferait d’une secte une religion de poche. Il est vrai
que la plupart des sectes ont du mal à prospérer à
cause de leur intransigeance et que les grandes religions sont d’anciennes
sectes qui ont accepté des compromis. Si une Église
chrétienne exigeait de ses membres qu’ils suivent à
la lettre l’ordre du Christ « Viens, quitte tout et
suis-moi », ce suivisme aveugle serait sectaire » [49]
. Quelques tentatives de critérier le statut sectaire ont
été menées : la commission d’enquête
parlementaire sur les sectes, sous l’égide de Jacques
Guyard s’appuie sur les infractions pénales (troubles
à l’ordre public, détournement de fonds, atteinte
à l’intégrité physique, etc.) ; Mgr Jean
Vernette, secrétaire du service national « Pastorale,
sectes et nouvelles croyances » propose les trois concupiscences
de la morale catholique : le pouvoir abusif ou l’oppression,
le savoir confisqué ou l’endoctrinement, l’avoir
détourné ou l’exploitation.
Mais
1) ces critères englobent les religions d’état,
finalement
2) les notions comme « trouble à l’ordre public
» sont porteuses de ferments moraux dangereux (cf. maillon
précédent)
3) ces critères sont très vite amalgamants, voire
partiaux, et créent des normes sociales [50].
On voit bien les caractéristiques fondamentales qui permettent
d’identifier une religion.
- Le nombre des fidèles : Sauf N. Sarkozy, « aucun
spécialiste sérieux des sectes ne retient comme critère
le petit nombre des adeptes (les zoroastriens sont à peine
cent mille dans le monde mais sont les ultimes représentants
d’une grande religion), ni la nouveauté du mouvement
(le caodaïsme vietnamien n’a pas cent ans mais n’est
sûrement pas une secte [51]) ».
- et, plus encore, son ancienneté,
Il ajoute plus loin
« Je pense qu’il faut faire confiance aux grands courants
spiritualistes qui ont fait leur preuves au travers des siècles
pour organiser, et même encourager, la diversité dans
leurs rangs. » N.S., p. 141
« L’universalité est un facteur positif quand
elle permet, comme pour la religion chrétienne, de promouvoir
les valeurs de la vie, de l’égalité entre les
êtres humains et de la nécessité du pardon.
» N.S., p. 137
Survivre au temps n’est pas un critère de justesse.
Sinon, il faudrait légitimer les flagellations, les lapidations,
se réjouir des corridas et se féliciter du renouvellement
continuel des guerres. À l’instar des régimes
politiques, certaines religions employèrent des techniques
de maintien à travers les siècles requérrant
plus le sabre que l’encens. Et puis d’importants courants
sont très récents : le kimbanguiste zaïrois n’a
pas un siècle, et de nombreuses églises évangéliques
américaines ne se développent que depuis cinquante
ans.
« La confusion entre les religions, les nouveaux mouvements
spirituels et les sectes, ou encore l’impression qu’il
n’est pas possible de distinguer les uns des autres, trouvent
en partie leur origine dans une sacralisation extrême de la
liberté. Même au nom de la liberté, on ne peut
laisser faire n’importe quoi : le droit de se droguer, le
droit de se prostituer, le droit de s’avilir si on le veut.
Je ne pense pas que cette conception de la liberté permette
la vie sociale et le service du bien commun. » N.S., p. 139
- 140
La première phrase est fausse : Monsieur le ministre devrait
savoir que la raison principale à la non-distinction est
qu’il ne peut exister, en droit français, aucune définition
d’une religion et, donc, d’une secte. En effet, selon
l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant
la séparation de l’Église et de l’État,
« la République ne reconnaît aucun culte ».
Monsieur Sarkozy ignore, ou feint d’ignorer la loi qu’il
prétend incarner.
Ensuite, il faut ouvrir l’œil : insensiblement, la
discussion sur les sectes glisse et N. Sarkozy laisse entendre que
c’est la même conception de la liberté qui promeut
l’indistinction secte-religion et le droit de se droguer,
le droit de se prostituer, le droit de s’avilir si on le veut.
D’une part on retrouve la pensée moraliste réactionnaire
de l’auteur (la dénonciation de ces misères
sociales comme autant de péchés) - et on relèvera
avec contrition que la solution proposée par NS revient à
enfermer les prostituées (cf. la loi sur le racolage passif
sous son ministère), les drogués et autres «
tâches » sociales. D’autre part, pas besoin d’être
un inconditionnel des sectes pour trouver que de telles associations
d’idées sont outrancières.
« Les seules limites que l’État doit faire
respecter sont celles de l’ordre public. Il y a ensuite les
mouvements qui sont organisés pour l’exploitation de
la faiblesse des gens, l’abus sexuel, la manipulation mentale,
la violence physique et la contrainte. [...] je veux rappeler que,
sauf dérive, ce ne sont pas les rabbins, les imams ou les
curés qui abusent de leurs paroissiens ou exploitent financièrement
leurs fidèles en leur faisant croire qu’ils gagneront
la vie dans l’au-delà ! On ne peut placer dans la même
catégorie tel ou tel gourou, qui viole tous les membres de
sa secte, et les ministres du culte de nos grandes religions ! Les
différences sautent quand même aux yeux. Il faut être
frappé de cécité ou de particulière
mauvaise foi pour ne pas le mesurer. » N.S., p. 139
Bien qu’une majorité des NMR (Nouveaux Mouvements
Religieux) sentent l’abus de confiance et l’aliénation,
tous ne sont pas organisés pour l’exploitation de la
faiblesse des gens, l’abus sexuel, la manipulation mentale,
la violence physique et la contrainte... ou alors, ils ne cumulent
pas toutes ces caractéristiques en même temps. Il s’agit
d’un amalgame.
je veux rappeler que, sauf dérive, ce ne sont pas les rabbins,
les imams ou les curés qui abusent de leurs paroissiens ou
exploitent financièrement leurs fidèles en leur faisant
croire qu’ils gagneront la vie dans l’au-delà
!
Ca s’appelle faire fi de l’histoire, et par exemple
des lucratives ventes d’indulgences ou de l’aumône
islamique obligatoire. Actuellement, le fonctionnement de certains
ordres monastiques et groupes du genre Opus Dei font vaciller les
distinctions proposées par N. Sarkozy.
On ne peut placer dans la même catégorie tel ou tel
gourou, qui viole tous les membres de sa secte, et les ministres
du culte de nos grandes religions ! Les différences sautent
quand même aux yeux, mais les yeux sont parfois cillés,
notamment lorsqu’on se contente de transférer d’une
paroisse à l’autre des prêtres auteurs d’attouchement
sexuel sur enfants (cf. note 24). Amusant comme N. Sarkozy en appelle
au bon sens populaire, à travers des phrases qui pourraient
volontiers être suivies de « voyons, ma brave dame »
sur un ton mi-plaisanterie mi-reproche. L’appel au bon sens
populaire, qui est parfois mal placé, est un des ingrédients
des meilleurs populismes. [52]
« L’autorité incarnée par les évêques
permet d’éviter les phénomènes de gourous,
ou la prolifération de croyances aveugles proposées
par des déséquilibrés. » N.S., p. 143
Phrase d’une (fausse) naïveté incroyable, et
colportant des préjugés : les Nouveaux Mouvements
Religieux ne sont pas tous sectaires, n’ont pas tous des gourous,
ne prolifèrent pas (proliférer s’applique usuellement
aux bactéries !) et ne sont pas toutes dirigées par
des déséquilibrés - il faudrait d’ailleurs
définir ce qu’est le déséquilibre, hors
du cadre de marginalisation classique que réserve le conservatisme
ambiant aux drogués, délinquants, fous [53]... Je
pense en revanche que les NMR possèdent de façon générale
la faculté d’abêtir (à grands renforts
de techniques de développement notamment), la faculté
de donner un sens arbitraire à l’existence, et celle
de créer, au travers une exégèse de connaissances
ésotériques, une hiérarchisation entre les
membres initiés et les disciples, avec toutes les cases intermédiaires
possibles.
« Croyez-moi, ce n’est pas très difficile de
voir quand les gens sont violés, quand leur patrimoine est
dilapidé, quand les enfants ne sont pas soignés, quand
on a abusé des plus fragiles. Ce n’est pas impossible
à discerner, à comprendre, à analyser. »
N.S., p. 145
Nicolas Sarkozy est vraiment très fort, et remplacerait
efficacement des armadas d’assistants sociaux. Il a d’ailleurs
dû se tromper de ministère.
Remarque : c’est assez ignoble et mensonger de dire que
ce n’est pas très difficile de voir quand les gens
sont violés. Si c’était si simple, ça
se saurait. Il peut être intéressant pour le lecteur
de savoir que la notion de viol émarge souvent du cliché
« spectaculaire » et fait son principal lit dans les
sphères conjugales. Le viol prend pour forme principale en
France les relations sexuelles conjugales contre le gré de
l’un des partenaires, et bien malin qui pourra prétendre,
comme N. Sarkozy, que ce n’est pas très difficile à
voir.
******
11e maillon : il faut savoir « raison garder »
- comme pour la Turquie dans l’Europe
« Si la Turquie était chrétienne, il n’y
aurait aucun problème. »
Uluc Ozulker, ambassadeur de Turquie en France, Le Parisien, 11
octobre 2004
Ce paragraphe pourrait s’appeler De l’inconvénient
d’être turc : l’acculturation de Sarkozy s’arrête
au Bosphore. Voici un panel des réflexions sarkoziennes sur
le sujet :
« Rappelons d’abord que 98 % de son territoire n’est
pas situé en Europe, mais en Asie. » N.S., p. 149
« L’Europe a, qu’on le veuille ou non, une déclinaison
géographique qui s’arrête au Bosphore. Ce n’est
pas moi qui le dis, c’est une réalité qu’on
apprend à l’école. Cette dimension exclut la
Turquie, au moins de ce point de vue. » N.S., p. 151
Admettons. Mais dans ce cas, il faudrait que N. Sarkozy conclue
que Jésus était, selon cette définition, un
asiatique, non ?
« L’entrée d’un pays aussi important
que la Turquie sur le plan démographique, qui deviendrait
rapidement la première nation européenne, et en outre
de culture musulmane, même si son état est laïque,
risque de changer la nature de l’identité commune et
de dénaturer le projet européen. » N.S., p.
151
« En outre, je ne suis pas persuadé que nos concitoyens
comprendraient que la première nation d’Europe en termes
démographiques dans vingt ans soit une nation de culture
musulmane. » N.S., p. 149
Bizarre bizarre. Les gouvernements gaullistes français
et les concitoyens de l’époque n’avaient guère
de problèmes pour comprendre la présence dans le pré
carré français de pays africains, et sous certaines
conditions, n’auraient pas rechigné à garder
l’Algérie par exemple, dont tout le territoire, paradoxalement,
est sur le continent africain.
On lira plus loin :
« On voit bien dans quelle logique nous entraînerait
l’adhésion de la Turquie : comment pourrait-on ensuite
refuser à l’Algérie, qui était française
il y a moins de cinquante ans, ce que l’on reconnaîtrait
aux Turcs ? » N.S., p. 150
Soudainement, la peur d’une horde turque armée de
quelconques cimeterres et emmenées par un général
Mustafa Kemal moderne et sanguinaire refait surface, empruntant
en cela le syndrome de Poitiers, sorti tout droit de l’imaginaire
collectif des membres du Front National (cf. note 21).
Un autre exemple est ici :
« Intégrer tout le monde en l’Europe, y compris
les pays qui ne sont pas européens, c’est prendre le
risque de diluer l’identité européenne au profit
de la conception anglo-saxonne du grand marché ». N.S.,
p. 149
« Enfin, nous sommes désormais 25 pays : est-ce que
l’élargissement indéfini de l’Europe ne
risque pas à terme de diluer l’Europe et donc de l’anéantir
? » N.S., p. 151
De quelle identité européenne parle-t-il ? Quelle
est ‘la nature de l’identité commune’ ?
Elle n’existe pas - à moins que la blancheur de la
peau, toute relative et variant avec la saison, n’en soit
le ciment. L’Europe n’est qu’une construction
économique, et bien peu sociale. Elle ne porte aucune identité
globale, hormis le fait d’être plantée sur une
plaque de terre coincée entre Caucase, Oural et Méditerranée.
Aurions-nous peur d’une dilution de notre identité,
nous-mêmes milk-shakes ambulants de Celtes, d’Allobroges,
d’Ostrogoths, de Francs ripuaires, de Lombards et d’Étrusques...
? Signalons que la peur de la dilution d’identité a
toujours été le ferment des pensées racistes
[54], et ne serait-ce que le mot « diluer » me fait
penser à l’une de sauces épaisses et pâteuses
qu’on voudrait me faire avaler de force.
Relevons aussi que la référence à la conception
anglo-saxonne de grand marché, est gonflée. Il feint
de dénoncer le libre-échange, alors qu’il suffit
de regarder les octrois de fonds dans le cadre de la Politique Agricole
Commune pour comprendre que la loi de la jungle - pardon, d’offre
et de la demande - régit les rapports européens ;
sans compter qu’en plusieurs occasions N. Sarkozy n’a
pas feint de montrer son admiration pour ce modèle «
anglo-saxon » qu’il fait semblant ici de mépriser.
Le thème de l’intégration dans l’Europe
et son conditionnement ne devrait emprunter que des logiques sociales.
Ce n’est malheureusement pas le cas, malgré le vœu
pieux de N. Sarkozy.
Pour se détendre, on peut comparer le leitmotiv «
on ne peut pas intégrer en Europe tous les pays du monde
» avec le préambule de la Constitution Européenne
qui déclare avec emphase : « Convaincus que l’Europe
[...] souhaite [...] oeuvrer pour la paix, la justice et la solidarité
dans le monde ». [55]
« Nous avons tout intérêt à stabiliser
ce grand pays, qui témoigne d’une prestigieuse civilisation.
» N.S., p. 149
Ce genre de phrase embaume la condescendance dont nous avons déjà
parlé (médiévalisation de l’islam + bonhomisation
de la France profonde). Bourdieu appelait cela les stratégies
de condescendance. D’ailleurs, qu’est la France pour
prétendre stabiliser un autre pays ? [56] Elle ferait mieux
d’arrêter d’en déstabiliser d’autres
- je pense à son opération Licorne en Côte d’Ivoire,
à la précaution de principe autour du coup d’état
du fils Eyadema au Togo, au soutien jusqu’il y a quelques
jours de Gaston Flosse en Polynésie, etc.
[Quant à l’idée d’une intégration
du Maghreb] « Il y aurait une union économique, mais
plus d’union fondée sur une culture commune. Il existe
plusieurs façons de tuer l’idée européenne.
» N.S., p. 150
Cette culture commune n’existe pas. Quel lien culturel y
a t’il entre le Danemark et la Roumanie - hormis la blancheur
chrétienne ?
« Il y a également le critère d’une
communauté de valeurs démocratiques. La Turquie n’est
pas encore un pays aux habitudes démocratiques aussi ancrées
qu’en Espagne ou en Suède. » N.S., p. 151
Parlons-en, justement, des habitudes démocratiques :
- de la Suède : pour notre gouverne, entre 1935 et 1976,
en Suède, 62000 personnes, dont 93% de femmes, ont été
stérilisées. En 1934 puis en 1941, les différents
gouvernements ont adopté deux lois de stérilisation
à ces fins, autorisant cet acte d’abord pour les «
déficients mentaux » puis pour tous les « asociaux
» : handicapés mentaux, femmes aux « mauvaises
mœurs » ou ne pouvant entretenir leurs enfants, «
marginaux », tziganes, mauvais élèves, et toutes
personnes perçues comme entraves au développement
d’une société moderne ! Ces pratiques, décidées
par un Comité national saisi de demandes écrites des
hôpitaux psychiatriques, des maîtres d’école,
des maisons de correction, étaient, selon les mots de l’historienne
Maija Runcis « perçues comme une intervention humanitaire
profitable à tous, permettant d’éliminer les
maladies et la pauvreté » [57]. Ce n’est qu’en
1997 qu’un journal suédois a révélé
au grand public le scandale [58]. Peut-on parler d’habitude
démocratique ancrée ?
- de l’Espagne : il est interdit d’éclater
de rire sur l’ancrage des habitudes démocratiques de
l’Espagne, qui ne commence timidement qu’en novembre
1975 à la mort d’un certain général Franco,
et connaît régulièrement quelques hoquets -dernièrement,
l’engagement par José Marià Aznar de l’Espagne
dans le bourbier irakien n’était pas des plus plébiscités.
- de chez nous : allez, une petite liste des entorses à
la démocratie en France. Impossibilité de démettre
un élu, non prise en compte du vote blanc ou nul, impossibilité
de déclencher un référendum de façon
populaire, budgets de l’état occultés, projets
présidentiels, caisses noires, pas de droit de regard sur
la répartition des impôts, autorités non élues
par le peuple (sénateurs, préfets, ministres), impunités
parlementaires, ministérielles et présidentielles,
caution d’entités illégitimes comme le G8, le
quadrilatère de la Banque Mondiale ou le FMI, entretiens
de paradis fiscaux et de sociétés de clearing, complicités
de crimes politiques ou de génocide non jugées, pillage
de pays pauvres et j’en passe.
« J’ajoute qu’à partir du moment où
il y a dix nouveaux pays qui viennent d’entrer dans l’Union,
dont l’un, la Pologne, a quarante millions d’habitants,
le temps est, en tout état de cause venu de faire une pause.
» N.S., p. 151
J’aime beaucoup cette phrase, qui laisse paraître
que la voix des peuples est essoufflée et que le thaumaturge
artisan de l’Europe a, comme Dieu, besoin du repos le 7ème
jour de la création du monde... lorsqu’ « il
vit que cela était bien ».
******
Quelques inclassables
« L’idéal républicain d’égalité
des chances, de méritocratie, de développement de
tous les territoires, d’éducation pour tous, reste
d’une actualité brûlante ». N.S., p. 19
Très brûlante. À l’heure où ces
lignes sont écrites, les lycéens français qui
étaient dans la rue au printemps sont traînés
en justice pour s’être opposés, entre autres
au thème brûlant de l’inégalité
des chances - mais comme le disait Luc Ferry le soir du dimanche
20 février 2005 sur France 3, il ne faut pas laisser les
enfants décider, nous vivons dans un monde d’adultes.
Je ne savais pas, en revanche, que le développement de tous
les territoires relevait de l’idéal républicain.
C’est le retour à Charlemagne. Quant à la méritocratie,
elle est comme l’ordre public, un concept vide sans référentiel
: qui préjuge du mérite de quelqu’un ? Vis-à-vis
de quelle valeur morale ? Puisque les valeurs morales développées
institutionnellement sont toujours celles de la classe dominante,
j’ai bien peur que ce soit la méritocratie sarkozienne,
érigée au rang de mamelle de la République,
qui soit justement l’une des causes de l’inégalité
des chances.
En vrac :
« [...] indépendamment de mes choix personnels, il
était naturel qu’en tant que ministre des Cultes, à
l’époque, je participe aux grandes fêtes religieuses
du principal culte de France. » N.S., p. 154
« Ce qui ne m’empêche pas de retourner dans
le combat du monde, parce que c’est ma nature et sans doute
ma vocation. » N.S., p. 42
« J’ai toujours eu la volonté de convaincre.
Bien avant d’être avocat, déjà au collège
! Pourquoi ? sans doute parce que c’était dans ma nature.
» N.S., p. 44
Relevons le nombre de fois que N.S. invoque une quelconque nature,
essentialiste, que ce soit à propos de l’Europe, de
l’Ordre public ou de lui-même.
« Constatons plutôt que l’Europe centrale et
orientale est frappée par une déchristianisation qui
s’explique par la fin de la répression communiste.
Cette répression, ajoutée à la désespérance
marxiste, entretenait en réaction une espérance spirituelle
qui permettait d’envisager un avenir plus clément pour
ceux qui n’en avaient pas dans leur quotidien immédiat
». N.S., p. 153
« Au cours de notre débat, j’ai très
vite senti que Tariq Ramadan était très à l’aise
pour développer de longs et harmonieux raisonnements, mais
qu’il pouvait perdre pied dès qu’on lui demandait
d’être précis et de s’engager. Sa proposition
de moratoire sur la lapidation des femmes restera pour moi un grand
moment. » N.S., p.80
« [...] mais ne sous-estimez pas les questions de forme
pour autant. Les juristes le disent à leur manière
: « la forme tient le fond en l’état ».
La forme, c’est important, c’est même parfois
aussi important que le fond. Je ne suis pas de ceux qui font une
différence entre la forme et le fond. Le respect formel des
procédures, c’est la garantie des libertés.
» [59] N.S., p. 145
« Cela dit, le sport est incontestablement une valeur civilisatrice
. » N.S., p. 38
Enfin, voici le passage que je considère comme le plus
représentatif du livre de Monsieur Sarkozy. Oscillant entre
préjugés classiques et refus de la compréhension
des genèses sociales, empruntant quelques glissements faciles
et quelques pseudo-causalités opportunes, il annonce ouvertement
des lendemains peu chantants. Remarquez, on ne pourra pas dire qu’il
ne nous avait pas prévenu.
« Il n’y a aucune cause religieuse possible au racisme
et à l’antisémitisme. Attaquer un juif parce
qu’il est juif, c’est un acte de délinquance,
cela n’a rien à voir avec l’islam ou avec le
judaïsme. Il y a trop de complaisance de certains milieux ou
de certains militants pour expliquer, ou pire, justifier, des actes
de délinquance sous couvert de religion. C’est faire
déchoir la religion dans l’arsenal des voyous. Pour
ma part, je n’ai pas l’intention d’expliquer cet
acte de délinquance et de lâcheté par des raisons
religieuses. De la même façon que poser une bombe en
Corse n’est pas un acte politique, c’est un crime tout
court. Ou que le viol d’une adolescente dans une cave sordide
ne souffre aucune explication. C’est un crime odieux, un acte
de barbarie que ni la pauvreté, ni le manque d’éducation
ou d’instruction ne peut le moins du monde excuser ou expliquer.
On n’aime pas les juifs, mais s’il n’y a pas de
juifs dans le quartier, on n’aimera pas la personne âgée
qui rentre dans le hall de son immeuble ou toute catégorie
à qui l’on reprochera simplement d’exister. [...]
Voilà bien l’une des maladies du siècle : à
force de chercher l’inexplicable, on finit par excuser l’inexcusable.
On cherche des raisons et des explications à tout. Forcément,
on finit par croire qu’on en a trouvé. Une fois celles-ci
installées, répandues, on en arrive à justifier
les actes les plus pitoyables et répréhensibles. Il
en va ainsi de l’antisémitisme, qui n’est pas
plus justifiable parce qu’Ariel Sharon est Premier ministre
en Israël, ou du racisme anti-musulman, qui n’est pas
plus acceptable parce que Ben Laden arme des exaltés terroristes.
[...] La situation au Moyen-Orient, la détresse des Palestiniens,
l’Intifada n’ont rien à voir avec l’agression
d’un adolescent juif dans une patinoire ou d’une femme
qui se rend depuis 20 ans dans la synagogue de son quartier. C’est
même insulter les victimes que d’avancer de telles explications.
Je ne rentrerai pas dans le piège où sont tombés
tant d’autres. En la matière, il n’y a rien à
expliquer et tout à réprimer. » N.S., p. 134
Co-Auteurs
Si tout le monde connaît, ou croit connaître Nicolas
Sarkozy, qui sont donc Thibaud Collin et Philippe Verdin, co-signataires
des entretiens de M. Nicolas Sarkozy ?
Le premier d’entre eux est Thibaud Collin : philosophe agrégé,
enseignant en classe préparatoire
(source : www.quartiergay.com/noticias/772.shtml)
Son agrégation de philosophie lui sert à commettre
des choses du genre :
« Les Français sont en majorité, sans le savoir,
" hétérosexistes "... et probablement la
majorité des députés UMP. Ceux-ci risquent
de l’apprendre à leur dépens dans quelques mois
quand, s’opposant au " mariage " homosexuel, et
au nom de la loi qu’ils auront votée, ils seront poursuivis
pour propos homophobes. » (Décryptage, 11 juin 2004).
Il milite hargneusement contre le mariage homosexuel. Il est ouvertement
homophobe, mais on ne peut pas lui dire, car selon lui l’homophobie
est un véritable cheval de Troie libertaire qui sert le Lobby
gay. Il l’explique dans le livre Le Mariage gay, Eyrolles,
2005.
Il contribue à Liberté Politique, nouvelle revue
d’idées chrétienne publiée par l’Association
pour la Fondation de Service Politique, ou AFSp. L’AFSp, créée
en 1992, proche de l’Opus Deï, « est un laboratoire
d’idées qui travaille à la promotion d’une
pensée politique française cohérente avec l’enseignement
social de l’Église. S’y retrouvent des Français
attachés aux valeurs fondatrices de la civilisation européenne
et à la vocation de la France, qu’ils veulent libre,
généreuse et souveraine ». Tout un programme.
Les activités de cette fondation sont soutenues et financées
par deux émanations du Vatican : la sinistre Alliance pour
les droits de la vie, présidée par Christine Boutin
[60], et la sépulcrale Fondation Jérôme-Lejeune,
du nom du tristement célèbre Professeur Lejeune spécialisé
dans les commandos anti-avortement. [61]
Considérant que la crise sociale est d’abord une
crise morale, l’AFSp est la pierre d’achoppement entre
milieux catholiques traditionalistes et néo-conservateurs.
Dans cette mouvance se croisent des anti-avortement, des anti-Euro
souverainistes, des ecclésiastiques, des anti-État-providence,
des élus, des royalistes... On y a remarqué, entre
autres, outre Mme Boutin, Philippe de Villiers, quelques membres
du MPF (P.M. Couteaux, F. Seillier, D. Souchet...), Patrice de Plunkett
(ex-rédacteur en chef du Fig-Mag), François Guillaume
(ex-président de la FNSEA), Pierre Chaunu, Jean Foyer et
Jean Royer, membres de Démocratie Libérale, Chantal
Delsol l’épouse de Charles Millon, quelques historiens
révisionnistes de Lyon-III et des patrons comme Yvon Chotard
et François Michelin [62]... Ajoutez à cela d’anciens
hommes politiques des pays de l’Est, des cadres dirigeants,
des ecclésiastiques, des militaires, des juristes, des universitaires,
des membres du Club de l’Horloge, etc. Bref, Thibaud Collin
est bien entouré.
La revue liberté politique a sa propre agence de presse,
Décryptage ; le site, www.libertepolitique.com, est administré
par Président Francis Jubert (entre autre vice-président
fondateur de l’Alliance pour les droits de la vie, qui nous
l’avons dit soutient l’AFSp). En somme, une grande famille.
Monsieur Collin y trouve certainement son compte, lui qui est en
outre contre le droit à l’avortement. Dans ses luttes
pléthoriques, il trouve la force de mener campagne contre
l’adhésion de la perfide Turquie à l’Union
Européenne (http://www.libertepolitique.com/public/initiatives/petition.php)
et il participe également à la Fondation Guilé,
notamment en co-signant « Laïcisation et sécularisation,
questions pour l’Europe de demain » [63], Actes du 4ème
Colloque International de la Fondation Guilé [64], aux côtés
de Jean Staune, éminence de l’association Université
Interdisciplinaire de Paris (UIP), association s’infiltrant
par tous les orifices possibles dans les plus éclectiques
colloques, et dont le but est de réconcilier coûte
que coûte science et religion [65].
Il tient par ailleurs des propos fascinants, dont voici deux extraits
Sur le site Christcity (le portail de la nouvelle évangélisation)
:
« L’idéologie de la libération sexuelle
est encore à l’œuvre quand sous couvert de prévention
du sida, on initie les enfants aux pratiques sexuelles et on normalise
les relations précoces. »
(in Le cadavre de la révolution sexuelle bouge encore, 2
mars 2001) [66].
Dans le Figaro du 18 mars 2005 :
« [Thibaud Collin] L’enjeu pour lequel lutte le lobby
gay, c’est une révolution dans la conception de la
sexualité. [...] Si l’on votait une loi en faveur du
mariage gay, cela changerait profondément la société.
Il y aurait un coût humain important, cela ébranlerait
les fondements des relations humaines. [...]
[Laurence de Charette] N’en est-il pas ainsi de chaque évolution
de la société ? Le divorce était banni, aujourd’hui
les familles recomposées sont nombreuses et la loi s’adapte...
[Thibaud Collin] Quoi qu’on en dise, le divorce est toujours
vécu comme un échec. Il a un coût dans la société.
Son existence même fragilise le mariage et les individus.
Si l’on instaurait le mariage gay, la société
se recomposerait à long terme avec un coût qui, selon
moi, n’est pas souhaitable. Surtout, cette revendication est
la face émergée d’un iceberg vers lequel nous
filons, insouciants.
(In Les militants du mariage gay veulent changer la sexualité,
Thibaud Collin, interviewé par Laurence de Charette) [67].
Le second s’appelle Philippe Verdin : prêtre et religieux
dominicain, 39 ans.
(Source : prev.figaro.net/traitpourtrait/20041026.FIG0202.html)
Arrière petit-fils du général Mangin, ancien
louveteau, responsable de la formation des chefs chez les Scouts
unitaires de France et aumônier, il se veut l’un des
bâtisseurs de la spiritualité scout. Il est l’auteur
de l’essai « Les pieds sur terre et la tête dans
le ciel, Spiritualité du scoutisme », aux Éditions
du Cerf, 2002, et d’un roman, « La Grande tribu »,
aux Éditions de la Table-Ronde, 2004.
Il est également directeur de la revue Esprit & Vie,
revue catholique de formation permanente, qui compte parmi ses plumes
des gens comme Thierry Magnin, membre de... l’UIP (cf. note
65), ainsi que de la revue « Signe des Pistes », revue
destinées aux scouts catholiques. Il préside accessoirement
l’association des Amis du Signe de Piste.
Il a été éditeur des éditions du Cerf,
maison d’édition des dominicains, pendant cinq ans,
et y a édité le livre qui nous préoccupe, La
république, les religions, l’espérance, - ce
qui lui a valu dans la presse l’appellation de « confesseur
du ministre ».
Ce livre d’entretiens avec N. Sarkozy aurait-il été
perçu comme un peu trop libre ? Monsieur Verdin, de façon
surprenante, vient de se faire muter au Sénégal, bien
loin de la sphère parisienne. Et si le Figaro écrit
:
« Au fait, pourquoi toutes ces caisses ?
« Je suis nommé à l’aumônerie de
la faculté de Dakar, pour donner un coup de main aux frères
dominicains africains. Là-bas, 80% des étudiants sont
musulmans. Il y a du travail. » A peine les projecteurs sont-ils
tournés vers lui qu’il semble se dérober. Derrière
les fines lunettes, les yeux se plissent : « C’est la
vie dominicaine... » » [68]
Le site PACTE au Service du Royaume, lui, juge autrement les ressorts
de la vie dominicaine :
« Est-ce un hasard d’ailleurs si Philippe Verdin a été
brutalement envoyé au Sénégal par ses supérieurs
? Le manifeste laïque que ce jeune dominicain plein d’avenir
signe avec Nicolas Sarkozy, « La république, les religions,
l’espérance », publié par les Éditions
du Cerf, a eu le don de déplaire souverainement aux évêques...
L’ex-ministre de l’Economie y exposait largement ses
thèses sur la nécessaire réforme (en faveur
de l’électorat musulman) de la loi canonique. Aujourd’hui,
pour les évêques de France, toucher à la loi
de 1905, c’est risquer de perdre le contrôle des innombrables
églises construites antérieurement au XXe siècle,
qui appartiennent à l’État et sont dévolues
à la hiérarchie catholique officielle. » [69]
Enfin, il est semble-t-il très d’accord avec Thibaud
Collin et ses thèses homophobes, flattant la croupe des mêmes
idées réactionnaires et trempant son esprit dans les
mêmes auges conservatrices que son co-auteur et affidé
- pour s’en convaincre, contempler la revigorante et primesautière
revue du livre de Collin Du mariage au bordel : l’offensive
idéologique du lobby gay, publié le Lundi 20 Juin
2005 sur http://prodeo.over-blog.com/article-490219.html.
En cadeau
Un entretien avec Philippe Verdin, Editeur du livre de Nicolas Sarkozy
La République, les religions, l’espérance.
Pourquoi avoir proposé à Monsieur Nicolas Sarkozy
de publier un livre d’entretiens sur les religions ?
J’ai découvert, au premier semestre 2003, dans la
presse, l’engagement du ministre de l’Intérieur
pour faire avancer l’invention du CFCM (ndlr le conseil français
du culte musulman), son souci de rencontrer les évêques
français, sa volonté de rassurer la communauté
juive. J’ai pensé que la France avait pour la première
fois depuis longtemps un ministre de l’Intérieur qui
s’intéressait aux cultes, qui envisageait la relation
de la République avec les religions de manière sereine,
inventive, bienveillante et féconde. Dés lors, je
lui ai proposé ce livre d’entretiens. Il a accepté
rapidement, après que nous ayons fait connaissance au ministère
de l’Intérieur.
Proche des milieux Villepin, Gaymard, avez-vous découvert
un homme éloigné de l’image que vous pouviez
en avoir ? Comment définiriez-vous Nicolas Sarkozy ?
J’imaginais Nicolas Sarkozy comme une sorte d’Astérix
le gaulois, petit teigneux plein de malice et d’ambition.
J’ai découvert un homme à la vivacité
intellectuelle remarquable, un homme passionné, un homme
qui écoute - ce qui est rare en politique - les engagements
de ses interlocuteurs, surtout s’ils ont un art de vivre différent
du sien. Il a beaucoup d’imagination et de culot. Je trouve
qu’il ressemble finalement beaucoup au Président de
la République : il aime les gens, se passionnent [sic] pour
leur vie, a un immense talent d’orateur et une grande fidélité.
En outre, comme Jacques Chirac, il n’est pas idéologue,
mais pragmatique. Il s’appuie surtout sur son expérience
pour inventer des solutions aux problèmes embourbés.
J’ai été en outre frappé de la qualité
et de la rigueur de son travail, remarquablement relaillés
[sic] par une équipe qui l’a suivi de la place Beauvau
à Bercy et l’accompagnera sans doute à l’UMP.
Que retenez-vous de ces entretiens ?
Je retiens de ces entretiens que Nicolas Sarkozy me paraît
avoir la stature d’un chef d’État. En politique,
avec des personnalités comme la sienne, on peut imaginer
que des problèmes compliqués et des situations coincées,
dans l’impasse trouveront leurs solutions, à force
de concertation, d’imagination, de courage et de talent. Même
si on n’est pas d’accord avec toutes ses initiatives
ou ses prises de position, on ne peut que reconnaître son
courage, son opiniâtreté et son talent.
Un père dominicain qui confesse un politique, de surcroît
Ministre d’État, que vous inspire cette image ?
En réalité, je n’ai pas confessé, mais
j’ai dialogué. Nicolas Sarkozy, avec ce livre, affronte
un tabou de la politique française qui choisit depuis longtemps
la défiance ou le dédain vis-à-vis des religions,
ignorant en aveugle le rôle important qu’elles jouent
dans l’âme de la Nation, dans le fonctionnement de la
société et dans la vie de beaucoup de citoyens.
Propos recueillis par Julien Serey.
Extrait du site Comité des jeunes avec Sarkozy
Annexe
Fiammetta Venner répond à Primo-Europe
Richard Monvoisin
[1] L’AFIS publie une excellente petite revue, Science &
Pseudo-Science (SPS), et gère un site,
À l'instar de Charles VII, qui accepte de se faire sacrer
sur injonction de Jeanne d'Arc, non pour, comme elle le croit, être
en rapport avec Dieu, mais pour avoir une longueur d'avance et cacher
son illégitimité sur Henri V d'Angleterre, auquel
pourtant le Traité de Troyes, signé par un Charles
VI un peu ébréché de la cafetière, confiait
la régence de la France. À titre informatif, le champion
de ce genre de manœuvre politique concordiste fut sans conteste
Bonaparte.
Avez-vous remarqué que la crêpe retombe dignement
dans la poêle quand personne ne vous regarde, et choit lamentablement
dans le tas de poussière près du balai dès
qu'un quelconque jette un œil sur vous ?
Je ne suis pas loin de penser que, la nationalité
n'incombant à une personne que par le plus pur des hasards,
il n'y pas beaucoup de raisons moralement justifiables d'être
fier ou honteux de son pays d'origine, - et donc peu de raisons
valables d'être contraint de préciser sa provenance.
Chaque individu a le droit de se revendiquer d'un creuset culturel
comme la France, le Cambodge ou le Kabinda, mais à mon avis
aucune institution ne devrait en exiger la stipulation sur des papiers
d'identité.
Odon Vallet, Petit lexique des idées fausses en religion,
Albin Michel, 2002, pp.30-32<br />
En boucle, la diffusion, pas le pape - qui était assez
dégarni.
Bourdieu P. Contre-feux, le sort des étrangers comme Schibboleth,
Raison d'Agir, 2002, p. 22.
Il n'est évidemment pas question de stigmatiser les petits
commerçants mais de pointer nos petits foyers ladres et jaloux
les uns des autres, vivotant à peine mais préférant
se faire concurrence, houspiller l'ouvrier arabe qui mange le pain
des français et conspuer le fonctionnaire paresseux, l'instit
fainéant plutôt que s'approprier sa révolte.
J'emprunte ce terme à celui qui contre toute attente reste
encore un modèle politique pour de nombreux français,
Napoléon, qui parla de « l'Angleterre, cette nation
de boutiquiers » dans un sens je crois assez proche.
>Haut savoyards et limougeauds peuvent être remplacés
sans grande perte de substance par d'autre
Bon, c'est pour rire un peu. La consanguinité, forcée,
comme le crétinisme - dû principalement au manque d'iode
- n'ont pas grand-chose à voir avec la stupidité politique.
Mais des fois, ça fait du bien de craquer un peu.
Fight Club, film de David Fincher, 1999.
Pour une introduction lapidaire, lire [la déclaration interdite
de Ravachol->http://infokiosques.net/imprimersans2?id_article=10"
class="spip_out">pseudo-sciences.org sur infokiosques.net
[13] Au cas où :
Les agnostiques ne nient pas l’existence du divin mais la
possibilité présente ou définitive d’en
avoir connaissance.
Les athées considèrent que le besoin d’une divinité
n’est qu’un élément de renfort psychique,
une sorte d’antidépresseur.
[14] Ce qui prouve bien que Dieu est un cercle dont le centre
est partout et la circonférence nulle part, même pas
sur le Mur de Jérusalem.
[15] Cela ne semble malheureusement pas suffisant : ouvrir un
magazine dit « féminin » nous condamne à
3 genres d’articles. Les articles mode / bijoux / tendance
(femme objet sexuel), les articles bébé / grossesse
/ famille (femme pondeuse), et l’ésotérisme-facile-chez-soi,
astrologie, horoscope chinois, psychogénéalogie, je-suis-mon
propre-médecin-en-8-jours, etc. (en clair, contre-culture
bon marché).
[16] Pour une introduction sur la question, Françoise Héritier,
Masculin / Féminin, la pensée de la différence,
Odile Jacob, 1996.
[17] Mais « le droit au rêve a pour pendant le devoir
de vigilance », nous répète Henri Broch, dans
son livre « Au cœur de l’extraordinaire »,
Ed. Book-i-book.com, 2002.
[18] Pour une réfutation puissante de plusieurs types de
finalismes ou de téléologies, on lira avantageusement
Dubessy, Lecointre & al. Intrusions spiritualistes et impostures
intellectuelles en sciences, Syllepse 2001, ainsi que le récent
Dubessy, Lecointre, Silberstein & al, Les matérialismes
et leurs détracteurs, 2004, même édition.
[19] Un chaâba est un de ces bidonvilles dans lesquels habitaient
les immigrés algériens des années 50. Ce mot
est célèbre depuis le film « le gone du chaâba
», réalisé par Azouz Begag en 1997 - qui a par
ailleurs réalisé l’impressionnante prouesse
de mettre à jour certains éléments de genèse
sociale de la misère & d’appartenir à l’UMP,
qui a une tendance récurrente à nier ces éléments
ou à en naturaliser les symptômes. Il a accepté
de rentrer en 2005 au gouvernement de De Villepin en tant que ministre
délégué à la Promotion de l’Égalité
des chances, ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur sa
probité quand on regarde le recul des acquis sociaux, notamment
en terme d’égalité des chances et d’accès
égalitaires aux biens publics, orchestré par le «
clan » de Jacques Chirac ces dix dernières années.
[20] On pourrait évoquer à ce sujet ce que d’aucuns
appellent le « syndrome de Poitiers », hantise que l’inexorable
chevauchée musulmane reprenne 1300 ans après avoir
été difficilement stoppée par Charles Martel.
[21] Olivier Tschannen, Les théories de la sécularisation,
Genève, Droz, 1992.
[22] Et Kandjare d’ajouter : « L’exemple le
plus criant (car, peut-être, le plus gros qui perdure) est
celui du "Moyen-Âge " (voir notamment à ce
sujet, Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen-Âge,
Paris, Seuil, 1977). Au 16e siècle, certains théoriciens
affirmaient qu’ils vivaient une période de «
renaissance » de l’antiquité. Ils effaçaient
ainsi d’un trait, le fait que les références
à l’antiquité n’avaient pas disparu durant
la période qui se vit taxée, au mieux, de «
précédente », au pire de « Moyen-Âge
»... Dès lors le message est passé et s’est
transformé en vision historiographique quasi-dogmatique faisant
de cette période un trou noir irrécupérable,
alors que la richesse de cette période qu’on occulte
très souvent, fut marquée de vives tensions structurelles
entre centralisme et autonomisme. On pourrait aussi citer la représentation
historiographique qui a construit le mythe des "rois fainéants"
; mythe certainement développé par les chroniqueurs
du régime carolingien afin de dénier les prédécesseurs
mérovingiens, histoire, entres autres, de se donner plus
de prestige et de légitimité. »
[23] En juillet 1998, plusieurs jeunes scouts et un plaisancier
avaient trouvé la mort à cause de l’incurie
de l’Abbé Cottard, ayant envoyé les adolescents
faire de la voile par mauvais temps pour les aguerrir. Soulignons
qu’ hormis une mère, aucun autre parent des victimes
n’a voulu accuser l’abbé, estimant que la conduite
de ce dernier ne relevait pas de la justice des hommes.
[24] Je ne parle même pas des cas comme celui du prêtre
François Lefort, grand « humanitaire » condamné
entre autres pour le viol de mineurs sénégalais le
24 juin 2005.
[25] Pour une (légère) décharge de N. Sarkozy,
il écrit page 47 : « Je ne veux pas réduire
les religions à leurs caricatures si communes : l’intégrisme
de l’islam, la position du pape sur le préservatif,
face à l’évidence que l’acte sexuel n’est
pas lié seulement à la reproduction, mais aussi au
plaisir, le refus d’ordonner des femmes prêtres. Ces
discussions ne portent pas forcément à l’apaisement
dans les débats de société. L’engagement
religieux peut être synonyme d’ouverture. » Très
flou, très politique. Mais le cacher eut été
accommoder le propos.
[26] Le pire scénario sur la question a échu à
Ian Plimer, qui y a laissé sa chemise et sa santé
; pour plus d’information, lire Science contre créationnisme
en Australie, in Dubessy, Lecointre & al, 1997, pp.271-280,
ainsi que G. Lecointre, Anatomie d’un titre, même volume,
pp. 23-68.
[27] in René Rémond, l’anticléricalisme
en France de 1815 à nos jours, Éditions Complexe,
1992, p. 295
[28] Les situations au Togo et en Côte d’Ivoire, pour
ne prendre que ces deux exemples sont des situations coloniales,
dont il ne faut pas attendre l’instruction du procès
avant au moins 15 ans (comme pour le Rwanda). Si vous souhaitez
devancer ce délai « réglementaire », voir
entre autre le communiqué de presse de Survie du 8 décembre
2004 « Fermer les bases militaires de la Françafrique
», et le tout frais « Le choix volé des Togolais.
Rapport sur un coup d’État électoral perpétré
avec la complicité de la France et de la communauté
internationale », ouvrage collectif, L’Harmattan, 2005.
[29] Kandjare souligne encore le message colonisateur plus ou
moins subliminal : après avoir reconquis militairement «
nos » banlieues sous les cris de ralliement du genre : «
il faut reconquérir nos banlieues », patenôtre
des prédécesseurs de N. Sarkozy, on va leur envoyer
nos prêtres missionnaires pour que tout rentre dans le droit
chemin et brimer toute contestation à l’encontre des
pouvoirs normatifs... Le prêtre qui épaule le militaire
ou qui devient même moine-soldat : c’est le schéma
classique des missions évangélisatrices, qu’elles
soient teutonnes et suédoises au XIIIe siècle pour
aller convertir les « barbares » grouillants de l’Europe
de l’Est, qu’elle soit orthodoxe ou païenne au
XVIe siècle pour aller « civiliser » les «
sauvages » d’Amérique, ou œcuménique
au XIXe siècle pour imposer la « sainte et blanche
» bible en Afrique.
[30] Rappelez-vous : p. 119, Je me suis toujours dit qu’il
y avait de l’arrogance dans la certitude de la non-existence
divine. Je trouve qu’il y a encore plus d’arrogance
dans la certitude de l’existence divine, surtout lorsque cette
existence nous place au centre de sa Création.
[31] Effet puits : « plus un discours est profond, profond
dans le sens de creux, plus les personnes qui l’écoutent
peuvent se reconnaître et se reconnaître majoritairement
dans ce discours » (Broch H., Le paranormal, Seuil, 2001,
pp. 194-195). C’est l’un des phénomènes
psychologiques classés d’ « effet Barnum »,
décrit par le psychologue B.R. Forer. Lire par exemple
http://charlatans.free.fr/effet_barnum.shtml ou http://www.sceptiques.qc.ca/SD/forer.html.
[32] [...] tous ceux qu’on appelle les « travailleurs
sociaux » - assistantes sociales, éducateurs, magistrats
de base et aussi, de plus en plus, professeurs et instituteurs -
constituent ce que j’appelle la main gauche de l’État,
l’ensemble des agents des ministères dits dépensiers
qui sont la trace, au sein de l’État, des luttes sociales
du passé. Ils s’opposent à l’État
de la main droite, aux énarques du ministère des Finances
[...] », P. Bourdieu, Contre-feux I, Liber-Raisons d’Agir,
1998, p.9
« [...] ceux que l’on envoie en première ligne
remplir des fonctions dites « sociales » et suppléer
les insuffisances les plus intolérables de la logique du
marché sans leur donner les moyens d’accomplir vraiment
leur mission. » ibid, p. 11.
http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/lexique/m/maingauche.html
[33] Avouons que c’est assez énorme d’entendre
ça. Il s’agit de faire un virement bancaire de l’argent
public vers l’argent du culte, et, comme un virement, ça
passe comme une lettre à la poste !
[34] La mise en gras est de mon fait. RM
[35] Il a d’ailleurs reçu un IgNobel de la paix pour
sa reprise des essais nucléaires en Pacifique le jour du
cinquantième anniversaire d’Hiroshima, en 1996. Voir
http://www.improb.com/ig/ig-pastwinners.html#ig1996.
[36] On pourra utilement se référer sur la question
à Odon Vallet, op. cit. pp. 118-122
[37] La première démythification remonte à
Pierre Larousse, dans son Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle.
Voir à ce sujet Broch H., op. cit., 1989, p 109.
[38] célèbre pour ses pantalons.
[39] Vallet O., op. cit. pp.266-267
[40] « Un racisme à peine voilé » de
Jérome Host, La Flèche Production, 2004.
[41] Le descriptif de ces accords est fait dans l’ouvrage
de N. Sarkozy, page 23, sous forme de note :
« Les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège
ont été rompues à la veille de la promulgation
de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises
et de l’État. En effet, cette loi mettait fin au Concordat
de 1801 de façon unilatérale. À l’issue
de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français
a cherché à se rapprocher du Saint-Siège, ce
qui a donné lieu à des échanges de lettres
entre Aristide Briand, alors président du Conseil, et ses
successeurs et Mgr Ceretti, représentant du Saint-Siège
à Paris. Ces échanges de lettres diplomatiques, appelés
« accords Briand-Ceretti », avaient pour but de trouver
des solutions à différents problèmes liés
à la loi de séparation, en particulier celui des associations
diocésaines. »
[42] À ce propos, lire Bricmont, comment peut-on être
positiviste ? Dogma, et encore Pour un monisme méthodologique,
du même auteur.
[43] Essayez de vous installer sur le chemin des Ermites, au Saint-Eynard,
près de Grenoble. Je pense que 3 mois à peine s’écouleront
avant que l’on ne vienne vous réclamer une taxe d’habitation.
[44] Consociativisme : terme trop peu usité, emprunté
à Arend Lijphart, désignant notamment un système
de concertation entre élites partisanes, aboutissant à
une pratique consensuelle du pouvoir politique et à l’existence
de coalitions qui en deviennent majoritaires.
Attention : je ne connais pas correctement, et donc me garde de
recommander les travaux d’A. Lijphart.
[45] Le refrain est le suivant : « Escrocs, pourris, bons
à rien, vous qui rêvez d’être des gens
biens, dev’nez la Roll’s du citoyen, dev’nez politiciens
». Soldat Louis, Juste une gigue en do, Pavillon noir, 1990.
[46] Pour une jolie et claire entrée en matière,
se procurer « Initiation à une sociologie critique,
lire Bourdieu » d’Alain Accardo
[47] Pour ne donner qu’un exemple local, la Charade, la
Loupiotte, la Mordue, Golgoth-AXXX, la traverse des 400 couverts,
squats politiques de Grenoble et de ses alentours, développent
ou ont développé des modes de gestion de ce type.
Il est surprenant que ces lieux aient été expulsés
manu militari, ou soient en instance d’éviction à
l’heure d’écriture de ces lignes, alors que l’alternative
qui tente d’y être développée dépasse
d’assez loin en finesse et en projection politique les oeuvres
sociales étatiques ou communales. Pour plus d’information,
http://www.inventati.org/nebuleuse/
[48] Sans entrer dans les (sinistres) détails, Haïti,
Côte d’Ivoire, Congo, Tchad, Burkina Faso, Rwanda...
pour une excellente étude de ces rapports françafricains,
voir l’œuvre du regretté F-X. Verschave, dont
la Françafrique, le plus gros scandale de la République,
Stock 1998 ou Noir Silence, Les Arènes 2000, ainsi que les
éditions Agone.
[49] Vallet O. op.cit., p. 220
[50] Lire notamment le texte de Raphaël Verrier intitulé
Loi anti-secte. Le remède empoisonné d’un mal
imaginaire, accessible sur le site du collectif « les mots
sont importants ». Ce texte passe notamment au peigne fin
les critères sur lesquels la commission de loi a tenté
de définir les "sectes" à interdire. L’auteur
du texte montre le caractère flou, voire amalgamant, de ces
critères qui, s’ils étaient strictement appliqués,
mettraient du "beau monde" hors-la-loi - en l’occurrence
tout ce qui peut ressembler à des rassemblements collectifs
idéologiques comme l’État, les religions, les
entreprises privées, l’Education nationale, l’armée,
les partis politiques, la famille, la plupart des associations...
Par exemple, la loi évite soigneusement d’inclure l’Opus
Dei dans sa liste, alors que cette organisation, qui s’avère
être "ouvertement occulte", rentre convenablement
dans ces critères. Mais il faut imaginer que si ça
avait été le cas, beaucoup de membres de la caste
dirigeante, ainsi que leurs partenaires européens, auraient
été fâcheusement compromis (Christine Boutin,
Hervé Gaymard, Raymond Barre, Louis Schweitzer, Didier Pineault-Valenciennes...).
Kandjare me fait cette remarque : « C’est comme si ces
critères se voilaient un peu la face : en voulant traquer
uniquement les pouvoirs "occultes", on faisait ellipse
sur les pouvoirs "visibles", qui ont probablement plus
de poids sur le quotidien de la plupart des individus et qui marquent
les populations d’empreintes structurales, lesquelles s’avèrent
être en général sources de domination... Le
problème de cette loi et de ses critères, c’est
leur caractère partial sous couvert d’objectivité
(objectivité qui avait alors été soigneusement
préparée par la plupart des médias). Cette
loi soulève ainsi des craintes puisqu’elle peut menacer
les libertés "publiques" (ou privées, c’est
comme on veut). Au cours de son élaboration, elle a ainsi
pu être tentée d’amalgamer dans ses critères,
des pratiques pas très normatives qui, de surcroît,
contestaient radicalement les structures de pouvoir. Maloka, un
collectif anarchiste dijonnais, a reçu la visite d’un
membre de cette commission qui enquêta avant de rendre son
rapport qui allait aboutir à la loi anti-secte en 2000-2001.
Ce qui semblait avoir mis la puce à l’oreille de la
commission, c’était le végétalisme revendiqué
par ce collectif à travers une remise en question matérialiste
de l’exploitation animale (ce qu’on appelle l’anti-spécisme).
Même si ce collectif ne fut pas classé au final dans
la liste des "sectes", la démarche inquisitoriale
(au sens premier juridique) dont il fut l’objet, montre que
tout-e ce qui sort des normes sociales peut être vite soupçonné-e
d’illégitimité ou de dangerosité. Par
ailleurs, dans son texte, Raphaël V. note que c’est à
partir d’une loi similaire que Mussolini s’était
lancé dans la répression contre le Parti Communiste
Italien dès son arrivée au pouvoir en 1922 »
.
[51] Le caodaïsme emprunte aux bahaïs la vénération
d’Abraham, Moïse, Zoroastre, Bouddha, Jésus et
Mahomet, mais aussi Lao-tseu, et Confucius ; surtout, elle reçoit
des messages spirites d’Allan Kardec, de Jeanne d’Arc
( !), Descartes, ( !!), Camille Flammarion ( !!!), et Victor Hugo,
à tel point que son portrait est déposé dans
certains oratoires de ce culte. Je ne l’invente pas, c’est
sur http://lecaodaisme.free.fr/Html/histoire-philo-gobron_02.htm.
[52] Sur la question du populisme, on pourra lire Meny Y., Surel
Y., Par le peuple, pour le peuple, le populisme et les démocraties,
Fayard 2000.
[53] Sur la question des déviances et de leur emploi politique,
il existe de nombreux ouvrages : la notion de folie, Foucault M.
Histoire de la folie, sur la notion de déviance Becker Howard
S., Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris,
Métailié, coll. « Observations », 1985,
sur la notion épistémologique de pathologie, voir
Canguilhem G., Le normal et le pathologique, Paris, Presses Universitaires
de France, 1966.
[54] Un exemple ? http://www.francaisdabord.info/editorialgollnisch_detail.php
?id_inter=3 , dernier paragraphe.
[55] http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/site/fr/oj/2004/c_310/c_31020041216fr00030010.pdf
[56] Ca me rappelle un pseudo-élu guinéen de la
ville de Kindia qui me disait en 2001 : « vous les français,
là, vous me faîtes bien rire. Vous venez chez nous
jouer les professeurs de démocratie, mais nous, au moins,
on ne fait pas voter nos morts » (Allusion à l’élection
calamiteuse de la mairie de Paris)
[57] Le Monde, 27 août 1997. Voir également http://www.historia.su.se/personal/maija_runcis
et son livre Maija Runcis, Sterilisation in the Swedish Welfare
State. Stockholm University. Ardfront, Stockholm, 1998.
[58] Il s’agit de Maciej Zaremba, dans le Dagens Nyheter.
Pour toucher du doigt les « délais réglementaires
» dont nous parlions plus haut (cf. note 29) on peut se reporter
à http://www.lexpress.presse.fr/info/monde/dossier/suede/dossier.asp
?ida=418470 : « Mais dès 1986, deux journalistes de
l’agence de presse nationale suédoise avaient révélé
l’affaire au public. En 1991, un journaliste de la radio suédoise,
Bosse Linqvist, avait consacré une série d’émissions
aux victimes, en diffusant sur les ondes leurs témoignages.
Mais, à l’époque, il n’y avait pratiquement
pas eu de réactions ». D’autres infos sur http://michel151.chez.tiscali.fr/A.M.I./AMI_Accueil.html,
le site de l’Association Nationale de Défense des Malades
Invalides et Handicapés.
[59] Les mises en gras sont de mon fait. RM
[60] L’ADV a pour objet de " promouvoir sur le terrain
social, politique et culturel, les initiatives des personnes, physiques
ou morales ; des individus ou partis, décidés à
agir sur le terrain de la défense de la Vie, des droits qui
sont attachés à toute vie humaine, et en faveur du
rayonnement de la France, fille aînée de l’Église,
chaque fois que ses intérêts vitaux sont menacés,
en se donnant , grâce au Fonds commun pour la vie, les moyens
nécessaires à la réalisation de son objet ".
Leur principale activité est l’organisation de comités
anti-IVG et à faire pression sur les parlementaires lors
des débats portant sur la bioéthique. Le site de cette
joyeuse association bon-enfant ( !) est http://www.adv.org/
[61] Voir http://www.reseauvoltaire.net/article1937.html
[62] Voir http://www.humanite.fr/journal/2002-09-20/2002-09-20-40080
[63] Voir http://www.thesisverlag.ch/guile-laicisation.htm
[64] La fondation Guilé est un " centre européen
de spiritualité ", émanant de l’Ordre des
Légionnaires du Christ et tournée vers les hommes
d’affaires et les décideurs. Cet ordre a été
fondé le 3 janvier 1941 par un laïc mexicain, Marcial
Maciel dont l’idée première était de
former de très jeunes garçons à « devenir
de petits soldats du Christ ». Pour les y contraindre : éducation
paramilitaire et discipline « de fer », afin de devenir
le bras armé du Vatican. La fondation Guilé, excroissance
de cette Légion, est.installée dans le château
de Boncourt, près de Bâle, offert par un milliardaire
suisse, le cigarettier Charles Burrus.
Voir Le Monde diplomatique - décembre 1996, Réseau
Voltaire et Charlie Hebdo (22.12.2004). Lire aussi http://www.unadfi.com/actualite/themes/legionnaires_christ.htm
[65] Voir sur ce sujet l’article « L’Université
Interdisciplinaire de Paris » de Guillaume Lecointre, paru
dans Science & Pseudo-Sciences N°244 ou la Newsletter N°9
de l’Observatoire Zététique. Quelques personnalités
ayant fait les frais de la technique de la « photo de famille
» de l’UIP, les responsables de l’Année
Mondiale de la Physique à Grenoble ont eu la présence
d’esprit, avec le soutien de l’Observatoire Zététique,
de déloger l’UIP d’une table ronde d’Avril
2005 qu’elle avait totalement phagocyté - même
le modérateur était l’un d’eux.
[66] www.christicity.com/4daction/web_gen_mail/fsp/78
[67] Texte disponible sur http://www.minorites.org/article.php
?IDA=7529
[68] Philippe Verdin, le confesseur de Nicolas, par Bertrand Galimard
Flavigny, Le figaro, 27 octobre 2004
[69] http://site.pacte.free.fr/pacte/89/pacte89a.htm Il faut dire
que Pacte, diffusée notamment à l’église
Saint-Nicolas du Chardonnet, n’est pas une revue plaisantine
: l’abbé Guillaume de Tanoüarn (vicaire de l’église
et chef de la rédaction) et Claude Rousseau (collaborateur)
ont été poursuivis pour diffamation, injures à
caractères raciste et provocation à la haine raciale.
Dans un article, Rousseau avait comparé les Arabes à
des « prolétaires exotiques » et les juifs à
des « financiers transnationaux ». Il existe une «
solidarité foncière entre ces deux mondes »,
une « collusion d’intérêts » pour
affaiblir la France. Il avait ajouté que les Maghrébins
sont des « benladenistes en herbe », que les «
arabes envahissant Lutèce, Lugdunum ou Phocée, c’est
la France qu’ils menacent d’étrangler ».
La Ligue des droits de l’Homme s’était portée
partie civile. Ils furent condamnés le 17 octobre 2003 à
3000 Euros d’amende chacun.
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