"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Le Sarkozy sans peine
Vol. 1 : la république, les religions, l’espérance
par Richard Monvoisin
Décembre 2005

Origine : http://infokiosques.net/spip.php?article=295

L’histoire

Le livre de Nicolas Sarkozy « La République, les religions, l’espérance » édité en 2004 aux Éditions du Cerf m’a été envoyé par l’AFIS (Association française pour l’information scientifique [1]) en vue d’une fiche de lecture d’une demie page que je m’étais proposé de rédiger. Cette demie page n’a jamais vu le jour, pour deux raisons très simples.
D’abord, à moins de faire partie de ces fast-thinkers qui servent de la fast-culture, il est des sujets pour lesquels une restriction formelle (la demie page) allège tellement le propos qu’il vaudrait mieux s’abstenir. En l’occurrence, parler de l’homme politique français le plus en vogue et de son avis sur les religions sur un minuscule bout de papier relèverait soit d’une fumisterie, soit d’une minuscule police de caractère - et j’ai pensé que parler du chef de la police au grand caractère avec une petite police de caractère eut été un comble. Hum.

Ensuite, ayant décidé de ne pas voter tant que les processus électoraux français, que je trouve biaisés, outrageusement mensongers et déresponsabilisants n’auront pas un tant soit peu évolués, je n’ai pas accès à la bonne conscience empreinte de bonhomie du citoyen, sortant craintif mais satisfait de sa séance quinquennale de scrutin. Alors pour être en cohérence avec mes opinions, je préfère exercer le petit peu d’influence politique dont ce gouvernement me laisse l’usage, sans être trop dupe pour autant : cette marge de manœuvre relève moins d’une quelconque bienveillance envers moi que d’un simple manque de moyens de contrôle.

Et puis je suis né dans un pays très riche, je n’ai jamais manqué de nourriture, d’électricité ou d’eau, j’ai encore mes deux bras et mes deux jambes, j’ai été à l’école et j’ai été soigné. Je me dis qu’au nom de tous les cousins, toutes les cousines du reste du monde dont une grande partie crève doucement la bouche ouverte en regardant nos sitcoms, et dont les conditions de vie dépendent en grande partie des décisions politiques qui émanent de chez nous, si moi je n’ouvre pas ma gueule, je ne vois pas qui le fera. Surtout qu’ayant la capacité de pouvoir lire assez vite et de posséder un petit bagage analytique, il était dans mes cordes d’ébaucher une critique sur le dernier livre de celui qui sera certainement notre suprême représentant : ne serait-ce que pour tenter de faire achopper cette prédiction.

Au fait : je ne remercierai personne de toutes celles et tous ceux qui m’ont aidé, au cas où malheureusement cette prédiction n’achoppe pas.

La méthodologie

Voici comment je m’y suis pris.

1er soir : je lis le livre, en poussant des ooh, des aah, et en annotant la marge

2e soir : je relis (plus vite) en axant mon jugement sur la distinction thèses / argumentations

3e soir : je recopie les phrases-clés des propos de Nicolas Sarkozy, et je les ordonne par thème (ce que j’ai appelé ensuite les maillons).

4e soir : j’opère une recherche sur Internet sur les éditions du Cerf, et sur Messieurs Rollin et Verdin, qui menèrent l’entretien avec le ministre.

5e, 6e et 7e soir : je tente de rendre intelligibles mes propos (étape la plus difficile)

8e soir : je le donne à lire à quelques commères et compères.

Je laisse mijoter deux mois, je relis, et voilà.

En guise d’introduction, voici la page de présentation du livre sur le site des Éditions du Cerf :

« Avec ce livre, Nicolas Sarkozy affronte l’un des tabous de la société française : la place des religions dans la République. Il aborde sans complexes le défi de l’islam comme religion en France, la construction des mosquées, le foulard à l’école et dans l’administration, le radicalisme de certains imams, l’élan religieux des jeunes générations, la formation des prêtres, les relations avec le Vatican, l’anticléricalisme, le contrôle des sectes, l’enseignement du fait religieux, les violences racistes qui prennent pour prétexte des appartenances religieuses... Sur toutes ces questions, Nicolas Sarkozy s’engage. Il souhaite inventer une laïcité ouverte et apaisée, où chacun, quels que soient sa foi ou ses doutes, puisse vivre son espérance et participer à la construction de la société démocratique. Dans la liberté de la conversation, le lecteur découvre un homme qui parle de la République, de la foi, de ses rencontres avec des figures spirituelles qui l’ont marqué, des convictions qu’il veut transmettre à ses enfants. L’autorité de l’auteur et l’urgence des thèmes abordés font de cet ouvrage une contribution majeure à la réflexion sur les valeurs fondatrices de la République et l’avenir de la laïcité française. »

La trame

J’ai découpé en 11 maillons distincts la chaîne de raisonnement que Nicolas Sarkozy (NS) me semble suivre. Je trouvais l’image de la chaîne charmante pour l’occasion. Ce découpage est certainement discutable, je l’ai d’ailleurs retouché deux fois. Je vais tenter d’illustrer chacun de ces maillons par les propos de Monsieur Sarkozy, puisés dans le livre, puis d’émettre quelques pistes critiques qui n’engagent, bien évidemment que moi et les générations futures.

Chaîne de raisonnement de Nicolas Sarkozy

1er maillon : les immigrés musulmans ont perdu (ou risquent de perdre) leurs racines culturelles.

2e maillon : perdre ses racines culturelles mène à la désespérance : on le constate bien dans les banlieues (sous-entendu : les immigrés désespérés habitent les banlieues).

3e maillon : l’athéisme est à proscrire, car cela enlève l’espoir.

4e maillon : or, le manque d’espoir mène à l’intégrisme (sous-entendu, les banlieues en sont le lit).

5e maillon : la religion est un excellent vecteur de sens moral.

6e maillon : introduire des lieux de culte dans les banlieues est une solution de garantie de la non-désespérance, et donc de la mort de l’intégrisme.
Aparté : quelques propos étranges

7e maillon : l’État doit pour cela user d’un processus de laïcité active pour promouvoir le développement des institutions de culte (et y distiller le sens moral souhaité).

8e maillon : le maintien de l’ordre public est la condition d’exercice des libertés.

9e maillon : l’État garantit l’exercice de la liberté de culte mais tant que l’ordre public n’est pas troublé.

10e maillon : la promotion des institutions cultuelles ne débordera pas des religions « d’État », le reste n’étant que sectes.

11e maillon : il faut savoir « raison garder » - comme pour la Turquie dans l’Europe.

En bonus : Quelques inclassables

Les co-auteurs

Annexe : interview de Fiammetta Venner


Je vais maintenant essayer d’étayer mes propos.

1er maillon : les immigrés musulmans ont perdu (ou risquent de perdre) leurs racines culturelles.

« Deux censures pèsent sur la pensée,
la censure politique et la censure cléricale ;
l’une garrotte l’opinion, l’autre bâillonne la conscience. »
Victor Hugo, intervention à l’assemblée législative, 19 octobre 1849.

Nicolas Sarkozy commence ainsi :
« Le fait religieux n’a pas simplement une dimension spirituelle. Il a aussi une dimension culturelle. Si vous additionnez le besoin d’espérance et la nécessité de racines culturelles dans la définition d’une identité, vous avez, me semble-t-il, une des raisons de fond qui justifient a posteriori la fameuse phrase qu’on prête à Malraux : « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ». N.S., p. 22

Ça, c’est la base de son raisonnement, qui ne débute pas trop mal. Effectivement, le fait religieux couple une dimension spirituelle et une dimension typiquement culturelle. On peut ne posséder qu’une seule de ces dimensions : qu’un bas-Breton, par exemple, n’ayant jamais été en Asie, se convertisse au bouddhisme relève a priori du choix spirituel, non du choix culturel. Á l’inverse, certains africains athées font le ramadan pour accompagner leur famille, amis, etc. Une majorité d’athées français fête par exemple Noël et plante une crèche au pied du sapin, sans adhérer ni au dogme chrétien, ni au dogme celte. Il s’agit d’une pression plus ou moins forte, mais exclusivement culturelle. On pourrait rajouter une troisième dimension, qui est l’opportunisme (tant qu’à faire, autant faire bombance), et même une quatrième, l’utilitarisme politique [2], mais cela nous éloignerait du sujet.

Les choses se gâtent ensuite. On peut le lire de deux manières, toutes deux problématiques. Si la nécessité de racines culturelles dans la définition d’une identité peut être admise sans trop de difficultés, en quoi, mon bon monsieur, le besoin d’espérance en est-il un ingrédient ? Sans espérance, point d’identité ? Surprenant.

Attention : ceci est le paragraphe le plus technique de la brochure !

Schématisons.

La phrase finale "Si vous additionnez (...religieux ou ne sera pas" équivaut alors à :

(Besoin d’espérance + Racines culturelles) entrant dans Définition d’une identité = , Raison de fond (qui justifie, blablabla)

Mais pour les puristes de la logique, on pourrait lire :

Besoin d’espérance + (Racines culturelles entrant dans Définition d’une identité) = , Raison de fond (qui justifie, blablabla)

C’est-à-dire que seules les racines culturelles entrent dans la définition d’une identité, et que le besoin d’espérance se greffe par dessus... bref, inutile d’ergoter, cela sent l’effet de style à plein nez, tombant à plat comme une crêpe de chandeleur lorsqu’il y a un public [3].

La vraie question est alors : quelle Raison de fond, Nicolas ? On n’en sait rien, mais elle justifie la religion, notamment par la fameuse phrase qu’on prête à Malraux, indiscutable autorité morale ! Par un tour de passe-passe, la religion est introduite comme conséquence directe de la définition de l’identité. Et le tour est joué.

Quant à l’affaire Malraux, elle est eventée :

- d’une part, plus grand monde ne la prête à Malraux - celui-ci ayant râlé plusieurs fois de son vivant sur la question ;

- d’autre part, Nicolas Sarkozy la recopie mal : la phrase prétendument « prêtée » à Malraux était le XXIe siècle sera spirituel [et non religieux ] ou ne sera pas.

Après avoir remisé Malraux et fini de ricaner, on se rend mieux compte que la conclusion ne découle pas des prémisses et que des raisonnements comme celui de notre ministre sont très pratiques. En voici un, tout de mon cru :
Si vous additionnez le besoin d’espérance et la nécessité de racines culturelles dans la définition d’une identité, vous avez, me semble-t-il, une des raisons de fond qui justifient a posteriori la fameuse phrase qu’on prête à Paul Valéry : « La politique c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. ».

On y croit, non ?

Bref, Nicolas Sarkozy tente de nous faire comprendre de force que la religion est une valeur identitaire.
Ça n’a l’air de rien, comme ça. Mais regardez où ça nous mène.

« Je note que les juifs non pratiquants sont souvent présents dans les synagogues pour Kippour, que les musulmans non pratiquants considèrent que l’islam fait également partie de leur identité. Pourquoi ? Parce que nombre d’entre eux se sentent juifs ou musulmans dans le regard de l’autre. Le reniement ou l’indifférence à l’endroit d’un engagement religieux revient presque à se désolidariser d’une communauté de naissance, comme si on abandonnait un héritage, une facette de sa vie ». N.S., p. 21

Dire cela de façon systématique, c’est faux, en France tout du moins. C’est en outre très dangereux.

Faux parce qu’il y a un paquet de catholiques, musulmans, juifs ayant renoncé à leur croyance qui ne se sentent pas désolidarisés de leur communauté. Il en est certainement qui font le grand dam de leur père ou de leur mère, de la même façon que les dernières générations françaises générèrent des cris d’orfraie chez les vieilles mamies à crucifix. Mais de là à insinuer une ‘désolidarisation’, cela colporte une vision simpliste et somme toute un peu tribale de ces communautés.

Faux parce qu’on peut renoncer à sa croyance sans renoncer à l’héritage reçu. Ce n’est pas parce que je suis athée que j’en ai oublié la teneur de l’enseignement catéchiste reçu jusqu’à onze ans, ce n’est pas parce qu’un musulman s’indiffère de sa religion qu’il en oublie l’histoire de Mahomet ou les sourates qu’il a apprises. Je pousserai même le vice à croire qu’un ancien musulman athée qui fête l’Aïd-el-kébir vient plus pour le goût du mouton et des condiments, pour le regroupement social et familial que la cérémonie engendre, que pour ne pas abandonner un quelconque héritage. Cela reviendrait à dire que les catholiques fêtent Pâques pour ne pas perdre leur héritage culturel, et pour ne pas se désolidariser de leur communauté de naissance. Moi je fête Pâques pour le chocolat.

Dangereux parce que c’est une manœuvre politique à la Damoclès : jouant sur l’effroi, la menace de la désolidarisation, Nicolas Sarkozy encourage les braves petits musulmans pullulants dans les cages d’escalier à rentrer dans le giron de la religion. Quand, après dissection de son livre, on sait ce qu’il entend par laïcité active, on comprend qu’il s’agisse d’une manœuvre détournée de parcage ovin des sauvageons par le biais du culte : en clair, si tu renonces à l’islam, tu perds ton bagage culturel et tes racines, tu n’es plus rien dans le regard des autres, donc tu n’es plus rien du tout. Alors rentre vite dans le rang avec ta famille et ton couscous, le Conseil Régional du Culte Musulman que moi, Nicolas S., j’ai aidé à créer dans ta région gérera les décisions de ta communauté (dont tu ne peux t’extraire), et t‘encouragera dans une politique sécuritaire et dans un vote présidentiel en ma faveur, quand, en 2007, tu regarderas mon visage de vainqueur apparaître sur ton écran, laissant béer ta bouche pleine de tajine.

N.B. : on retrouve ce type de procédé en entreprise ou dans les corps de métier à tradition : raffermir le tissu social entre les gens dans ces groupes socioprofessionnels (en cherchant la fameuse « culture d’entreprise », en créant de toutes pièces des « événementiels », anniversaire de la boîte, etc. plus ou moins ritualisés), quitte à menacer (exemple : ‘ne trahissez pas « l’esprit de l’entreprise »’, etc.) ceci afin d’y placer discrètement une nasse politique et morale dont il est, au bilan, très difficile de s’extraire.

« Quand on parle des juifs, on ne désigne pas ceux qui vont à la synagogue, mais ceux qui appartiennent à cette communauté. Il en va de même avec les musulmans. Il ne s’agit pas de désigner ceux qui vont à la mosquée, mais ceux qui ont reçu, de par leur histoire individuelle, l’islam en héritage culturel et non seulement culturel. Je ne vois pas en quoi la dénomination de « musulman français » est choquante ou réductrice ». N.S., p. 22

Elle n’est ni choquante ni réductrice, elle est purement stigmatisante. Si l’origine culturelle devait être toujours indiquée, l’auteur de ces lignes (moi) serait d’origine culturelle française moyenne, catholique, provinciale et conservatrice, ce qui ne manquerait de semer le trouble en imposant une grille de lecture sur les propos ou les actes qu’il commettrait. Mais une grille, dans tous les sens du terme, est une séparation arbitraire. Lorsque la confession, qui relève de la sphère privée, devient un critère, et que ce critère devient une marque nécessaire, il y a moult raisons historiques (dont certaines ne sont guère lointaines de craindre la dérive). Par conséquent, la dénomination de « musulman français » contient au moins un mot de trop [4].

Et que faire des gens ayant renoncé à l’islam : sont-ce selon le maire de Neuilly des « musulmans athées », des « musulmans agnostiques » ? Malgré le ridicule de ces dénominations, Nicolas Sarkozy y pense.

Il dit plus loin page 22 :

« dire les « musulmans de France », ce n’est pas exclure les musulmans athées ou agnostiques ; c’est au contraire donner un nom à une composante de la société française dont nous devons organiser l’intégration [...] ».

Le stigmate, vous dis-je.

En passant, Nicolas Sarkozy nous explique, toujours p. 22, que :

« [...] certains affirment qu’il conviendrait plutôt de parler des Arabes. Je m’inscris en faux contre cette expression car les quatre cent mille turcophones qui vivent en France n’en sont pas ; pas plus que les musulmans d’Afrique noire. »

Comme dit Odon Vallet, parler d’Arabes à propos de musulmans est à double tranchant : c’est une erreur géographique - les arabes, même en ajoutant les berbères, ne représentant qu’une minorité du milliard cent millions de musulmans -, mais c’est une vérité théologique : tout comme les catholiques sont tous des « Romains » et les chrétiens tous « spirituellement des sémites » selon l’expression du pape Pie XI, les musulmans sont tous arabes, de cœur et d’au moins un peu de langue, ne serait-ce parce que le Coran fut révélé à Mahomet en arabe, que l’arabe est la langue liturgique de l’islam et que la Mecque est en Arabie [5]. Bref, on ne peut en vouloir à Nicolas S. de ne pas être fin connaisseur de l’Islam : mais on peut lui reprocher son populisme. Il refuse un stigmate (arabe) pour plaire et faire le gentil protecteur des minorités ethniques musulmanes, mais en rajoute un autre (musulman) parce que quand même, faut pas pousser. Il faut bien qu’on les repère, pour qu’on puisse organiser leur intégration (cf. ci-dessus).

Je fais mienne au passage la remarque de mon compère Damiàn O. Une autre récupération politique devient par le même processus possible : « Si certains athées ou agnostiques sont « musulmans », d’autres athées et agnostiques sont aussi « chrétiens » ou « catholiques ». Il devient alors facile de proclamer « La France, grand pays catholique », car 70 ou 80% de la population devient catholique selon cette acception, bien que le nombre de réels croyants soit des plus réduits. Sachant que le décompte du nombre de croyants a des effets politiques importants (attributions financières en Alsace, rôle politique du Vatican accepté, etc.) la démarche n’est pas gratuite : elle permet de stigmatiser une partie de la population, tout en mettant sous perfusion une église catholique moribonde. » Rappelons-nous : nous n’avons pas été les derniers en France à diffuser les obsèques du pape Jean-Paul II en boucle [6].

Il insiste finement dans la même page :

« D’autres préfèrent parler des Français d’origine immigrée. Ce vocable est absurde, car nous sommes tous quasiment fils de l’immigration. De surcroît, c’est une phraséologie lepéniste, qui distingue les Français de l’immigration des Français de souche. »

La première phrase requiert tous les suffrages. Comme l’écrit P. Bourdieu, comment peut-on parler d’ « immigrés » à propos de gens qui n’ont « émigré » de nulle part et dont on dit par ailleurs qu’ils sont « de seconde génération ? » [7].

Mais pardon ! Avec musulman, c’est exactement la même chose que vous faîtes, Monsieur Sarkozy. Entre Français d’origine immigrée, musulman français et bougnoule, il y a autant de différence qu’entre mal-entendant, sourd et bouché à l’émeri.

*****
2e maillon : perdre ses racines culturelles mène à la désespérance : on le constate bien dans les banlieues

(sous-entendu : les immigrés désespérés habitent les banlieues).

« Peu m’importent mes chances
peu m’importe le temps,
ou la désespérance... »
J. Brel, la Quête, 1968

« [Les français] ont déserté la campagne pour les villes. La France profonde, c’est maintenant la France des banlieues » N.S., p. 129

« Partout en France, et dans les banlieues plus encore qui concentrent toutes les désespérances [...] » N.S., p. 15

Nicolas Sarkozy est assez cavalier. D’abord, la notion de France Profonde, comme celle de la France d’en bas, fleure la pestilentielle arrogance du parvenu. Ça sent l’ordre moral, le haut Moyen-Âge et la piétaille, ça sent le foin et le palefrenier. Ça tente d’imposer la figure rustaude et rubiconde du bonhomme profond, un peu laid mais comment voulez-vous, les horaires de la ferme ça use, ça rend vilain et râpeux, mais allez, c’est pittoresque, venez dans mes bras, on fera une photo. Personne mieux que Valéry Giscard d’Estaing qui s’invitait à dîner chez des gens « du peuple » n’a mieux incarné cette supériorité, malgré une splendide tentative d’Edouard Balladur de faire peuple en feignant de faire du stop. Condescendance typiquement parisianiste, où l’on prend en même temps un ton emprunté et un cocktail parasol pour gloser sur le bon sens du paysan auvergnat, glousser à l’idée d’une traite, rosir à celle d’une saillie chevaline, et frémir d’horreur à la simple évocation de l’odeur de l’ensilage un peu daté.

Ensuite, les banlieues ne concentrent pas toutes les désespérances, loin s’en faut. Sans faire de comparaisons quantitatives, il est d’assez vertigineuses désespérances africaines ou Moyen-orientales qui épargnent nos braves banlieues. Les désespérances rampant à Sarcelles sont différentes de celles qui pénètrent les hères survivants de Groznyï, celles du Val Fourré à mille lieux de celles de Gaza. Somme toute, cela témoigne d’une mauvaise connaissance des banlieues, où fleurissent des espérances qui feraient certainement se plisser encore un peu plus nos dirigeants et oléagineux énarques, si jamais ils se hasardaient à comparer la désespérance banlieusarde avec le côté « tirelipinpon sur le chihuahua fête du slip » de notre guilleret parlement et de nos gaudriolesques conseils des ministres, de nos primesautières cours de justice, de nos hilarants commissariats, de nos paillards ministères, de nos égrillardes chambres de commerce et de tribunaux pénaux débordant d’espoir. Par ailleurs c’est regrouper sous le terme substantialiste banlieue les maux dont notre société souffrirait : technique typiquement populiste du bouc émissaire qui a pour utilité de rassurer nos petits boutiquiers [8], friands d’exutoires simples et de contes doucereux où si le méchant n’est pas noir, c’est quand même mieux s’il est basané. Or, de fait, « banlieue » est un terme générique impropre, car simplement géographique ; par essence, la banlieue n’est naturellement mauvaise qu’aux yeux de certains villageois haut-savoyards et limougeauds [9], trop veules pour tenter de pénétrer les raisons politiques de leur mal-être mais à tel point désireux de s’octroyer une once de pouvoir qu’ils adopteraient n’importe quel chien galeux, pour le simple pouvoir de l’accuser de la rage et y fatiguer leur ressentiment en coups de pieds dans le poitrail.

Les vallées consanguines des Alpes, par exemple, troquent ainsi contre une crétinisation politique leur traditionnel crétinisme qui, les laissant auparavant esseulés avec un goitre de deux kilos, ne leur permettait pas ces joyeux regroupements claniques et arrosés de diabolisation du bougnoule-des-banlieues-qui-égorge-nos-filles-et-nos-compagnes-et-chourave-nos-autoradios, grand’messes des soirées de comptoir qui garantirent les plus magnifiques scores de la frange extrême droite de notre champ politique lors de l’expression du jet de gourme quinquennal octroyé dans sa grande largesse par l’ordre établi au petit peuple. Mais je m’égare [10].

Si la France des banlieues est profonde, la réflexion sarkozienne, pour le coup, ne l’est pas.

« Quel est le problème de nos banlieues ? C’est qu’elles se sentent abandonnées, y compris par l’État. On y installe des terrains de sports, c’est très bien. Mais est-ce suffisant pour satisfaire les aspirations des jeunes ? Je ne le pense pas, car ces dernières ne relèvent pas que du domaine temporel. » N.S., p. 130

Voilà l’un des leitmotive de Nicolas Sarkozy : l’opposition temporel - spirituel, le temporel étant le ressort de l’État, le spirituel celui de la religion, nous est resservie presque une dizaine de fois dans son livre. On le retrouve en particulier page 147 :

« le principe de séparation des Églises et de l’État, du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel »

et page 152

« Dans tous les pays européens, le pouvoir temporel est séparé du pouvoir spirituel. »

« Distinguer le temporel du spirituel »
est pour le coup le titre du sous-chapitre page 22.

Il aurait tort de s’en priver ; car il s’agit de son concept le plus élaboré.

Il explique :

« La morale républicaine, c’est le respect de la loi. Est moral ce qui se conforme à la loi. Dans le domaine spirituel, on ne se situe pas dans le même ordre. N’est pas forcément moral ce qui respecte la loi, et n’est pas forcément immoral ce qui ne la respecte pas. On est dans une autre logique et je pense que les deux se renvoient, se complètent, s’équilibrent et s’enrichissent à vivre en interaction. » N.S., p. 163-164

Je pense que c’est un découpage relativement pauvre, étant donné que le pouvoir temporel peut être spirituel (rois, dalaï-Lama, clique évangéliste de la famille Bush, etc.) et le pouvoir spirituel temporel (par exemple le pape). Au final, tout se mélange. Bien que des paradis leur soient promis, les pouvoirs spirituels n’oublient pas de profiter un tantinet des pouvoirs temporels qu’il leur est loisible d’exercer.

« Partout en France, et dans les banlieues plus encore qui concentrent toutes les désespérances, il est bien préférable que des jeunes puissent espérer spirituellement plutôt que d’avoir dans la tête, comme seule « religion », celle de la violence, de la drogue ou de l’argent ». N.S., p. 18

Outre l’amalgame banlieue / désespérance déjà discuté, Nicolas Sarkozy commet ici plusieurs erreurs très communes.

D’abord, on entre rarement dans la « religion » de la violence, la drogue ou l’argent, tout simplement parce que les principaux ingrédients d’une religion - ligand social, foi, dogme et clergé - y sont absents.

Mais employer ce terme laisse accroire l’idée du choix délibéré, pour le jeune-des-banlieues (musulman français, devrais-je préciser) d’un culte à ces valeurs. Or, ces valeurs sont rarement érigées en valeurs morales.

Si le recours à la violence comme critère d’insertion sociale existe (des enfants soldats du Libéria au Sentier Lumineux péruvien pour des exemples forts, des bizutages des grandes écoles aux camps scouts qui « aguerrissent » pour des exemples décrits comme badins par leurs promoteurs), son érection en culte reste l’apanage de la fiction. Même dans le film « Fight-Club » [11] elle est un moyen, non une fin en soi. Elle fut un transfuge de notions floues et médiévales telles que l’honneur, ce qui, à moins d’être héritier de Scarface, Il Padrino ou Pablo Escobar, se fait aussi rare de nos jours que les duels à 20 pas au petit matin clairet.

Sur la question de la drogue, il faut signaler que la fuite systématique dans une autre réalité ne ressemble en rien à un acte de foi. Elle s’apparente :

- soit à un loisir (couches sociales en moyenne relativement aisées, ne serait-ce que pour assumer le coût du produit psychotrope),

- soit à un commerce (couches sociales en moyennes peu aisées, qui trouvent, en fournissant le loisir des couches plus aisées, un fond fiduciaire non négligeable et un des rares statuts ne demandant pas d’éventuels diplômes),

- soit à un déni plus ou moins complet de la réalité : on ne peut, dans ce dernier cas faire l’économie d’une réflexion sur les raisons qui amèneraient un « jeune », ou même un « vieux », à dénier la réalité en optant pour des paradis artificiels. Il faudra alors se rendre à l’évidence que le coupable n’est pas tant le fuyard que ceux qui ont eu et ont en charge la réalité, mais qui, malheureusement, ne font rien pour la rendre viable à un taux concurrentiel des psychotropes.

Quant à l’argent, il est un tantinet surfait de parler de religion de l’argent chez les petites frappes de banlieues, lorsque l’on regarde de près le montant des malversations « en col blanc » dans les sphères politiques ou péri-politiques. Il faudrait créer un collectif de coopératives inter-banlieues de chouraves pour subtiliser des sommes d’argent qui feraient rougir les Carignon, Messier, Bez, Tapie, Juppé, Chirac. Quand bien même on y arriverait, il serait bien plus malaisé pour nos détourneurs de fonds officiels de justifier leurs écarts par d’éventuels problèmes d’accès aux services fondamentaux que pour la majorité de ces petites frappes. Le problème n’est pas de justifier moralement le vol (ce qui a déjà été fait ailleurs [12]), mais d’expliquer en quoi il est socialement mieux accepté de voir voler gros par un blanc aisé suant dans sa chemise que voler peu par un basané pauvre se pelant le cul en anorak.
Parler d’adhésion à une religion de l’argent, de la violence ou de la drogue témoigne d’une très mauvaise compréhension des genèses sociales.

« Je pense que ce qui est le plus important dans chaque existence, c’est l’espérance, et ce quels que soient son âge et son parcours. Peu importe à la rigueur la manière d’espérer. La vraie césure, elle se situe entre ceux qui espèrent et ceux qui n’espèrent pas. D’ailleurs, existe-t-il des hommes qui n’espèrent pas ? Peut-on vivre sans espérance ? Il y a des personnes qui affirment ne pas espérer. Est-ce une attitude sincère ? Est-ce davantage qu’une posture ou qu’une provocation ? J’en doute souvent. Il y a un besoin d’espérance consubstantiel à la vie humaine. L’homme n’est pas fait pour supporter et assumer le désespoir. Le doute est déjà très difficile à vivre. Alors la certitude de néant... ce serait bien pire ! ». N.S., p. 35

La césure n’est pas entre ceux qui espèrent et ceux qui n’espèrent pas, mais entre ceux qui espèrent pour ce monde-ci et ceux à qui on apprend à espérer un autre monde dans l’au-delà. Faire miroiter sans preuve un autre monde au-delà du Styx, c’est une aliénation. Quant à savoir comment qualifier ceux qui n’espèrent pas, non sincères, posturaux ou provocateurs, je préfère un autre terme, comme par exemple activistes romantiques : activistes dans le sens où le seul espoir temporel un tant soit peu nutritif est l’espoir politique d’influencer la chose publique. Romantiques parce qu’il y a eu un véritable rapt de cet espoir-là. Logique, donc, que des gens survivent sans espoir aucun. Ils se seraient volontiers suicidés si l’ordre pseudo-public le leur permettait.

*****
3e maillon : l’athéisme est à proscrire, car cela enlève l’espoir

« C’est Lautréamont qui se perd
Dans les déserts, là où il prêche
Où devant rien on donne la messe »
Noir Désir, les écorchés, 1989

Dans son ouvrage, Nicolas Sarkozy n’opère pas une distinction claire entre athéisme et agnosticisme, et alterne les deux termes. Si la distinction est fondamentale [13], elle ne l’est pas pour notre propos. N. Sarkozy nous fait comprendre que l’athéisme est un phénomène contemporain qui expliquerait un certain nombre de crises spirituelles. Il faut d’emblée mettre court à cette idée : l’athéisme est loin d’être un phénomène contemporain. Sans parler de Démocrite, des épicuriens, il y eut les matérialistes Ajita Keshakambala, du temps de Bouddha, puis Sanjaya Belatthaputta ; plus tard, il y eut au XIIe siècle la vague des poètes persans et arabes athées et libertins, comme Omar Khayyâm. Même les Hébreux avaient leurs athées.

« Ceux qui s’affirment non-croyants se définissent par rapport à ce qu’ils ne croient pas. Leur athéisme est affirmé, scandé parfois avec force. Cela ne les empêche pas d’espérer en l’avenir, d’avoir des enfants, d’agir selon une morale. Ce sont des attentes communes. » N.S., p. 19

Là, il faut y aller par morceaux.

Il est inexact de dire que ceux qui s’affirment non-croyants se définissent par rapport à ce qu’ils ne croient pas. Un exemple : le zététicien, qui investigue scientifiquement les phénomènes extraordinaires, ne croit a priori pas en l’astrologie. Sa démarche ne se définit absolument pas par rapport à l’astrologie, mais par rapport à la pensée rationnelle, l’investigation critique et la déconstruction des mythes aliénants. De même pour un bon nombre d’athées ou d’agnostiques : la question métaphysique qui sous-tend la discussion sur Dieu peut leur sembler intéressante. C’est la réponse, imposée, qui leur semble consternante. Le déni d’une autorité divine, d’un clergé participe bien plus d’une dénonciation d’une aliénation morale et sociale que d’un simple nihilisme. Esthétiquement parlant, il leur semble bien plus intéressant de vivre sans étai, sans canne, sans perfusion continue de soporifique social, et de puiser leur force et leur responsabilité ailleurs. Est-ce cela, un renoncement à toute espérance ? A mon avis, c’est l’inverse. Comme me le susurre mon ami Kandjare, N. Sarkozy crée un stigmate social laissant croire que chaque individu se définit seulement par rapport à une entité transcendante (groupe, nation, patrie, religion, clan) d’ordre plus ou moins divin. D’ailleurs, l’idée qu’il puisse exister des personnes qui ne raisonnent pas du tout vis-à-vis de ça mais à partir plutôt de choix « moraux » immanents, par exemple, ne l’effleure semble-t-il même pas.

« Cela ne les empêche pas d’espérer en l’avenir, d’avoir des enfants, d’agir selon une morale Ce sont des attentes communes. ». Phrase-bidon. On peut très bien désespérer en ayant un Dieu à ses côtés. En Palestine, bien nombreux sont ceux des deux camps qui revendiquent la gloire de Dieu [14]. On peut d’ailleurs d’autant mieux espérer en l’avenir sans Dieu que l’avenir radieux avec Dieu est post-mortem. On peut avoir des enfants et agir selon une morale sans que l’engendrement de ces enfants et que ladite morale soient transcendants.

Enfin, en quel sens est employé « Ce sont des attentes communes ? » Communes au sens de répandues ? OK. Communes au sens de partagées par tous ? C’est une lecture à rebours, de la catégorie du noir paresseux, du juif aux doigts crochus, de la femme docile et de l’animal qui ne souffre pas. L’espoir en l’avenir n’est pas une obligation - surtout en regard du monde tel qu’il est. Faire des enfants non plus : le rôle social de pondeuse dévolu aux femmes a déjà été déconstruit par les féministes [15]. Cela ne veut évidemment pas dire que faire des enfants serait s’assujettir, mais en faire au nom d’une féminité épanouie selon les canons de l’ordre moral public serait une allégeance : quid des femmes stériles, des lesbiennes, des transsexuelles, des travesti-es, des ménopausées, des prépubères ? Peut-on leur dénier une quelconque « féminité », sachant de surcroît que ce concept, et plus largement celui de genre, est fortement discutable [16]. Agir selon une morale est, en revanche, quasi-général : reste à savoir quelle morale. L’inconvénient dans la morale, c’est que c’est toujours celle des autres.

« Je me suis toujours dit qu’il y avait de l’arrogance dans la certitude de la non-existence divine. J’espère que chacun a en lui cette part de doute qui permet de continuer à espérer. » N.S., p. 119

« Celui qui ne croit pas n’est pas indifférent à la question de Dieu puisqu’il exprime une conviction sur elle. Il fait de ses doutes une certitude. Il pense que l’homme est le fruit du hasard et sa propre fin. Je ne juge pas cette attitude. Je m’interroge toutefois sur la possibilité de vivre sans avoir vraiment aucune espérance dans le registre des fins dernières ». N.S., p 171

Rare et non rationnelle est la certitude de la non-existence divine. De la même façon qu’il est irrationnel d’être certain de l’existence de Dieu, il est irrationnel d’être certain de son inexistence. Arrogant, pourquoi pas. La seule posture qui tienne rationnellement est la posture sceptique : douter, maintenir son jugement suspendu, placer son propre curseur « vraisemblance » entre ces deux certitudes et agir en conséquence. Quant à savoir si le doute permet d’espérer, je crois qu’il permet surtout de rêver [17]. Et préférer une vie avec des joies concrètes présentes plutôt que des promesses d’avenir et un hypothétique avenir ailé, c’est finalement bien pragmatique, et pas si dur que ça à vivre.

« Il est plus aisé de vivre avec l’espoir qu’avec le désespoir. D’une certaine manière, il n’y a pas tellement de mérite à croire. C’est tellement sinistre de ne pas avoir de perspectives. » N.S., p. 119

L’athéisme n’est pas synonyme de désespoir, et le refus d’une obéissance contrite dans l’attente d’une vie après la mort n’est pas une absence de perspective. Nicolas Sarkozy le sait certainement, mais il lui est probablement difficile d’insérer cela dans un livre d’entretiens avec Thibaud Collin et le père Philippe Verdin. Plus que de ne pas avoir de perspective, c’est Thibaud Collin qui mérite le plus l’adjectif épithète Sinistre. (cf. Co-auteurs).

« [...] c’est sans doute l’attitude de François Mitterrand qui incarne le mieux ce que vivent beaucoup de nos concitoyens en matière de foi. Il croyait en quelque chose de difficilement définissable, une force, une puissance surnaturelle. C’était une façon de croire sans le formuler. C’était surtout une façon de refuser la désespérance du vide. » N.S., p. 119

C’est une façon de croire et c’est tout à fait formulé. Je hasarde tout de même deux remarques.

Il me semble très probable que l’Homme est à la mesure de toute chose, notamment du sens de son existence. Le sens d’une vie est celui que l’on veut bien lui donner, point. Il n’y a aucune raison logique de penser qu’une finalité cachée est à l’œuvre, qu’elle soit une conscience cosmique, un dieu, une évolution dirigée etc [18]. Devant la latitude que cela donne, on peut être pris de vertige, c’est vrai, mais ce vide métaphysique qu’il appartient à chacun de combler n’est pas du tout désespérant. Au contraire, dans la mesure où toutes les poétiques, toutes les constructions mentales y sont permises et peuvent s’y exprimer, il est bien plus vecteur d’espoir immédiat qu’une hypothétique éternité dans un paradis blanc, assis sur un nuage et réajustant sa feuille de vigne si tant est que le jugement dernier vous ait trouvé digne de ne pas aller rôtir dans un des nombreux limbes crasseux de l’Enfer.

Ma deuxième remarque consiste à dire que si refuser la désespérance du vide implique l’intrusion de Germaine « Élisabeth » Teissier dans les affaires d’État, et que c’est cette attitude qui incarne le mieux ce que vivent beaucoup de nos concitoyens en matière de foi, j’ai le droit légitime d’être inquiet sur les propositions de foi de Nicolas Sarkozy et sur la salubrité des décisions prises, contre mon gré, en mon nom par le gouvernement qui prétend me représenter.

Une petite bulle en passant :
« Il y a un fond anticlérical dans notre pays. Quand, de surcroît, cet anticléricalisme peut se fondre avec une forme de racisme antimusulman, alors on se retrouve devant un mélange détonant » N.S., p.91

Phrase énigmatique. Le fond anticlérical, quoique plus développé en France que dans beaucoup d’autres pays, est assez clairsemé et ne se fond a priori pas avec une forme de racisme antimusulman, ceci pour deux raisons assez simples : lorsqu’on comprend le mécanisme de l’oppression cléricale, et qu’on fait vœu de la dénoncer ou de la démolir, on a généralement déjà dépassé le stade du racisme, levier oppressif du même genre mais bien plus facile à circonscrire ; et surtout, le racisme peut être antisémite, anti-noir, anti-asiatique, mais pas antimusulman - sauf chez Monsieur Sarkozy pour qui, nous l’avons lu, le fait d’être musulman revêt un intérêt majeur dans le cadre d’une intégration devant être orchestrée par l’État. Même là, il faudrait parler de ségrégation antimusulmane, et non de racisme, afin d’éviter ce mélange des genres qui amène les individus les moins scrupuleux à créer de grands sacs dans lesquels tout mixte Arabo-musulmano-basano-terroristo-alqaido-voilé peut être fourré. Relevons au passage que le mélange (détonant selon notre ministre) anticléricalisme + racisme n’a jamais explosé nulle part à ma connaissance, et en tous les cas drastiquement moins que le mélange cléricalisme + racisme, qui lui, nous a enflammé parmi les plus flambants brasiers de l’Histoire. Dont acte.

*****
4e maillon : or, le manque d’espoir mène à l’intégrisme

(sous-entendu, les banlieues en sont le lit)

« Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire
Contre les étrangers tous plus ou moins barbares
Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part. »
G. Brassens, La ballade des gens qui sont nés quelque part

Voici l’argument clé de Nicolas Sarkozy pour justifier une retouche de la laïcité. La désespérance, décrite comme le lot des banlieues, mène à l’intégrisme, donc...

« L’intégrisme règne dans les déserts spirituels. » N.S., p. 129

Hop ! Le saut est fait. Pour notre ancien ministre de l’Intérieur, des banlieues à l’intégrisme, il n’y a qu’un entrechat. Les fameux problèmes des banlieues et l’intégrisme auraient le même humus : le manque de spiritualité.

Ce glissement est quasi-totalement faux car :

a. les problèmes des banlieues sont sociaux, non spirituels. Ils sont la conséquence quasi-directe d’une politique sociale d’exclusion, commencée dès le début des vagues d’immigration d’après-guerre. Quel que soit votre état spirituel, grandir dans un chaâba [19] augure plus de difficultés que dans les 600 m2 du ministre Hervé Gaymard.

b. L’intégrisme est un mot fourre-tout qui, comme le mot barbare, stigmatise toujours l’Autre, le voisin, l’étranger. Reprenons le cas de Hervé Gaymard : il est catholique rigide, héritier idéologique de son oncle feu le sinistre Professeur Lejeune, chef de file des pro-vie (expression qui teinte de feutrine les gens anti-avortement). Thibaud Collin est lui aussi ce que l’on pourrait appeler un intégriste catholique (cf. Auteurs). Ça ne semble paradoxalement pas gêner outre mesure Monsieur Sarkozy, qui cosigne ce livre avec lui, et bosse avec le précédent.

c. L’intégrisme ne règne pas dans les déserts spirituels : Thibaud Collin, par exemple, n’est pas exempt de spiritualité. Et pourtant. Penser que l’intégrisme religieux de type islamiste règne dans l’absence de spiritualité est la conséquence d’une profonde inculture. Prenons l’intégrisme islamiste du FIS, ou le judaïsme total des groupes Stern. Il ne viendrait à personne l’idée de remettre en cause qu’ils ont bel et bien une spiritualité. Non, c’est la spiritualité qui est à discuter : quand elle promeut l’homophobie, l’abstinence sexuelle, le déni de l’avortement et l’inégalité des sexes (ce qui est le lot commun de tous ces intégrismes religieux, de l’Opus Dei à Al-Qaida), n’est-on pas en droit de lui préférer un désert spirituel, à peine parsemé de quelques cactus égalitaires et libertaires ?

d. L’intégrisme ne naît pas dans les banlieues : il naît dans les déserts éducatifs, comme à peu près toutes les idées réactionnaires de ce monde.

« [...] car les incroyants sont des désespérés, et c’est ça qui fait les drames »

« Ce sont des millions de croyants qui se trouvent mis en cause par l’attitude de quelques fanatiques insensés se réclamant d’une foi et d’une espérance qui professent l’inverse de ce qu’ils sont devenus. Ces fous de Dieu n’ont rien à voir avec Lui. Ils sont ivres de haine, de vengeance, de sang, de destruction, de cruauté. » N.S., Avant-propos, p.9

...quelques fanatiques insensés se réclamant d’une foi et d’une espérance qui professent l’inverse de ce qu’ils sont devenus : M. Sarkozy désigne ici bien sûr les intégristes islamistes. Mais ils ne sont que la poussée extrémiste des failles de morale de la religion, et la conséquence des exégèses ultra-scripturaires, c’est-à-dire collées à la lettre au texte sacré. Ils sont une conséquence prévisible de tout système religieux basé sur une Écriture Sainte et des préceptes figés. Ils ne sont donc pas l’inverse de ce que prône leur foi : ils n’en forment qu’une (souvent monstrueuse) excroissance.

Ces fous de Dieu n’ont rien à voir avec Lui. (Lui, c’est Dieu, et non N. Sarkozy - je le dis pour ceux qui avaient un doute).

Ils sont ivres de haine, de vengeance, de sang, de destruction, de cruauté. Faux et archi-faux : ils ne sont ivres de rien, et à ce qu’on peut en lire, leur démarche est réfléchie. La haine et la vengeance sont souvent présentes, mais elles n’apparaissent pas ex nihilo, et les pays impérialistes, comme les États-Unis, ou la France dans son pré carré, ont su générer parfois volontairement ces haine et soif de vengeance. Par contre, le goût du sang, de la destruction et de la cruauté relève d’un folklorisme de mauvais aloi. On retrouve souvent ces éléments folkloriques dans la pensée petit-bourgeoise : prétendus goût du sang et cruauté d’Action Directe, du FLNC, du FIS, des émeutes anti-françaises en Côte d’Ivoire, des Tchétchènes, goût de la destruction des Black Blocks, de José Bové, des indépendantistes Basques, des anti-G8, des anti-Davos etc. Mais, entre nous, c’est tellement plus rassurant de « monstruosifier » ce qui nous est étranger. Le mot terroriste remplit une fonction similaire. Quand on entend le mot terrorisme, je crois qu’il faut examiner en premier lieu la bouche en cul-de-poule qui le prononce.

« Mais peut-on condamner ceux qui espèrent au nom d’une minorité poussée à la folie par le désespoir et la manipulation ? » N.S., p. 35

Non. Mais le problème réside dans ce que la minorité en question est rarement poussée à la folie, et que si les moyens peuvent être discutés, les causes sont entérinées. Ce n’est pas parce qu’on ne cautionne pas leurs méthodes que l’on peut se permettre de faire l’économie d’une réflexion sur la genèse de la revendication de ces minorités, quasiment toujours niée et n’ayant pratiquement pas de tribune.

Voici, en aparté, le genre de question posée par MM. Collin et Verdin :
« Pour une religion qui tend, par nature, à l’expansion, peut-on réellement croire que ce « fondamentalisme républicain » pourra résister à l’intégrisme ? » N.S., p. 89

L’Islam tend, comme tout courant religieux prosélyte, à l’expansion [20]. Mais de là à invoquer un fait de nature, il faudra dès lors trouver une nature expansionniste commune à la religion chrétienne, championne toute catégorie de l’expansion, et expliquer pourquoi personne ne s’inquiète, assurément à tort, de la montée de l’intégrisme chrétien. Peut-être que tout simplement l’intégrisme n’est pas un corollaire direct des religions, et que certains éléments primordiaux (exogènes, comme par exemple le maccarthysme américain ; ou endogènes comme l’indigence d’un peuple) sont opportunément occultés dans les circulaires gouvernementales.
Notons qu’il est tout à fait seyant d’employer ici le terme de fondamentalisme républicain pour M. Sarkozy (cf. plus bas).

« On craint les imams, l’islamisme : « ces imams qui embrigadent les jeunes ! » Au début du siècle dernier, on disait la même chose des curés. On regardait d’un mauvais œil les patronages et les groupes scouts. Aujourd’hui, les sociologues et les historiens reconnaissent le rôle majeur des patronages dans la constitution des meilleures équipes de sport, et du scoutisme dans la formation des cadres syndicaux et politiques. » N.S., pp. 130 - 131.

Je ne pense pas qu’il faille s’étendre sur la facilité argumentaire du ministre de l’Intérieur, mais il vaut mieux préciser que :

- primo, si des sociologues et des historiens reconnaissent les rôles que M. Sarkozy prête aux patronages et au scoutisme, ils ne sont à ma connaissance pas légion, bien au contraire ; Kandjare m’écrit : « N.S. n’hésite pas à convoquer des arguments scientifiques : "les sociologues et les historiens". Il n’en cite, ceci dit, aucun avec précision ; un autre problème étant qu’il les convoque tous dans leur globalité comme ça, on ne risque pas d’en louper un-e seul-e : il ne dit pas "DES sociologues et DES historiens", ce qui serait concevable, mais "LES sociologues et LES historiens" ce qui est, au pire, malhonnête, au mieux, maladroit, ce qui dans tous les cas est inexact. Ceci laisse à penser que N.S. se construit une vision historique sans fondement historique précis, et la balance, aux yeux de tou-te-s, comme LA vision pouvant influencer le cours de l’histoire précisément : d’où l’idée de "prophétie auto-réalisatrice basée probablement sur une inversion historique". La boucle est bouclée. ». On pourrait presque parler d’imposture historiographique. Kandjare enfonce le dernier clou du cercueil de l’argument du ministre : « Inversion chronologique probablement, car, contrairement à ce qu’affirme N.S. ici, certaines études laissent à penser que la tendance générale des sociétés occidentales équivaut à une décléricalisation des pratiques, sans pour autant qu’on puisse parler d’une déreligiosité (voir par exemple, Olivier Tschannen [21]. On en revient à sa déclaration initiale qui sonne, du coup, comme une profession de foi : "le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas" ; c’est celui qui l’a dit qui l’a fait. C’est l’illustration de comment un discours peut construire de toute pièce une vision des choses et, par là, ces choses elles-mêmes ; ou comment couvrir sa représentation subjective d’une auréole prétendument objective. Ça renvoie de manière plus générale aux questions de représentations historiographiques, et aux impostures objectives qu’on peut parfois en tirer » [22].

- secundo, quitte à chercher l’efficacité, les techniques berlusconiennes ont de bien meilleurs résultats que les patronages traditionnels dans la constitution des meilleures équipes de sport, et les jeunesses hitlériennes et mussoliniennes furent également excellentes dans la formation des cadres politiques. D’accord, j’exagère. De nos jours, le scoutisme est formateur, mais encore faut-il survivre aux stages de voile force 6 à 7 de l’Abbé Cottard [23].

Finalement, le message, quoique mal argumenté, est clair :
« Je crois que c’est parce qu’il n’y a pas assez de lieux de culte musulmans publics qu’il y a une progression de l’intégrisme aujourd’hui. » N.S., p. 131.

*****
5e maillon : la religion est un excellent vecteur de sens moral.

« La morale moderne consiste à accepter les critères de son époque.
Je considère pour ma part qu’accepter les critères de son époque
est faire preuve de l’immoralité la plus grossière. »
Oscar Wilde, Les ailes du paradoxe.

Voyons de quelle matière est faite l’espérance de N. Sarkozy.

« Les religions constituent un enjeu majeur pour notre société car elles sont le support d’une espérance. Le fait religieux est un élément primordial en ce qu’il « inscrit » la vie dans un processus qui ne s’arrête pas avec la mort. » N.S., p. 14

Il s’agit ici de la métempsycose, c’est-à-dire de la vie dans l’au-delà, qui, bien sûr, est porteuse d’espoir. Néanmoins, il faut se rendre à l’évidence que c’est un espoir post-mortem. On retrouve alors exactement ce que fut la religion durant au moins les deux millénaires écoulés : un lénitif social, qui apaise la vie ante-mortem de l’individu, en lui faisant accepter au nom d’un espoir ultérieur des conditions sociales qu’il n’aurait certainement pas supportées autrement. On le retrouve dans les propos suivants :

« [...] l’espérance dans un au-delà meilleur est un facteur d’apaisement et de consolation pour la « vie d’aujourd’hui ». N.S., p. 35

L’espérance en question s’apparente surtout à un carcan moral, sorte de garantie du maintien de l’ordre public (cf. maillon n°8 ) et de la paix sociale. Car contrairement à la façon dont elle est présentée, cette espérance n’est pas gratuite : l’au-delà meilleur, qui se monnayait au Moyen Age, s’échange de nos jours contre un péché originel persistant, une culpabilité que ni contrition ni confesse ne résorbe, la reconnaissance d’un clergé, l’onction d’au moins quelques sacrements et le délestage d’un certain nombre de deniers du culte dans les sébiles vouées à cet effet juste après l’eucharistie. C’est une espérance coûteuse, qui génère ses peurs et qui a un prix. Notons qu’au vu des obligations d’aumônes comme le zakat ou le denier du culte, la Française des Jeux n’a finalement pas inventé grand-chose.

« Sans être un militant d’aucune religion, je pense que l’on peut reconnaître la religion comme une source d’apaisement utile au fonctionnement de la République. » N.S., p. 157

C’est exactement cela. Soulignons l’emploi immodéré, dans la sphère politique, du mot République, jamais assorti de la définition qu’on lui prête. Pour se détendre, relire la phrase du ministre en rajoutant après « République » les compléments suivants :
a. « de Weimar »
b. « Populaire de Chine »
c. « Démocratique du Congo »

« [L’espérance dans un au-delà meilleur] appelle au respect de la vie, elle condamne la violence et bannit toutes formes d’exploitation ». N.S., p. 35

« Je crois profondément que les valeurs de tolérance, de respect de la vie, d’amour du prochain, portées par l’Église catholique peuvent être utiles à la Corse. » N.S., p. 47

« Dans beaucoup de pays, les défis que doivent relever les peuples de l’hémisphère Sud le seront avec l’aide de l’Église catholique. » N.S., p. 25

Nicolas Sarkozy n’a pas dû se relire. Si le respect de la vie corroborait l’espérance en un au-delà meilleur, alors Papon, Pinochet, Sidi Amin Dada, les Carabinieri de Berlusconi et ses propres CRS seront voués aux Enfers, les pauvres, et lui avec. Si la condamnation de la violence est une clause de l’accès à un au-delà meilleur, comment expliquer la propension au crime de l’Empereur Constantin, la deuxième Croisade de Saint Bernard de Clairveaux, le bain de sang Saint Barthélémien de Charles IX ou le bombardement de civils vietnamiens par le moine-amiral G. T. d’Argenlieu ? Peu seront ceux qui, dans les services d’ordre étatique, dans les services diplomatiques françafricains pro-Eyadema, pro-Ben Ali, les acteurs de l’opération Turquoise au Rwanda ne rôtiront pas chez Satan. Si le bannissement de toutes les formes d’exploitation est un incontournable du paradis, alors les contremaîtres de Michelin, Accor, TOTALFinaELF, Peugeot, des chantiers navals de Lorient risquent de se tortiller quelques siècles dans un âpre purgatoire.

De même, vanter les valeurs de tolérance, de respect de la vie, d’amour du prochain, portées par l’Église catholique n’est pas vraiment convaincant. Il suffit de demander aux Bagas de Guinée, aux Sénégalais côtiers si les missionnaires, même de nos jours, témoignent de beaucoup de tolérance [24]. Les bulles papales condamnant le préservatif font douter du respect de la vie des populations en danger potentiel de contamination par le SIDA [25], et c’est certainement le même amour du prochain qui arma les arquebuses des trois frères Pizarro dans le Pérou des Incas, et provoqua une déconcertante inertie au Vatican durant l’entreprise d’extermination des Slaves, Tziganes, juifs, homosexuels, handicapés etc.

Pour finir, l’Église aidera les pays de l’Hémisphère Sud dans les défis qu’ils relèveront. Oui, mais quels défis ? C’est sûr, s’il s’agit de faire rentrer en Australie le Créationnisme, elle sait s’y prendre. [26]

Baaah... Dieu reconnaîtra les chiens.

*****
6e maillon : introduire des lieux de culte dans les banlieues est une solution de garantie de la non-désespérance, et donc de la mort de l’intégrisme

« Des écoles sans Dieu et des maîtres sans foi,
délivrez-nous Seigneur »
Prière bretonne [27]

« Les religions ont-elles par ailleurs une importance spécifique pour l’équilibre de notre société ? Je n’hésite pas à répondre deux fois oui. Oui parce que la religion catholique a joué un rôle en matière d’instruction civique et morale pendant des années, lié à la catéchèse qui existait dans tous les villages de France. Le catéchisme a doté des générations entières de citoyens d’un sens moral assez aiguisé.
Cela permettait d’acquérir des valeurs qui comptaient pour l’équilibre de la société. Incontestablement, l’Église catholique, quasi hégémonique jusque dans la première moitié du XXe siècle, a joué un rôle d’éducateur et même d’intégrateur dans la société française. » N.S., p. 17 - 18

« [...] je pense que les religieux, les femmes et les hommes spirituels, les hommes de foi sont un élément apaisant. Oserai-je dire un élément civilisateur ? » N.S., p. 18-19

Ben voyons. C’est au nom de la religion, de la foi, et de l’apport de la civilisation que près de 10 millions de Nord-Amérindiens ont été réduits à l’état de macchabées. C’est au nom de ces mêmes religion, foi et civilisation que des millions de Sud-Américains ont été massacrés, que les révoltes anticoloniales en Afrique se sont terminées (et se terminent encore [28]) dans le sang. La foi est à la vertu civilisatrice ce que la férule jésuite est à l’apprentissage [29].

Quant à savoir si le catéchisme a doté des générations entières de citoyens d’un sens moral assez aiguisé,
C’est indéniable...mais quel sens moral fut aiguisé ? Ou plutôt le sens de quelle morale ? Celui des national-socialistes allemands, par exemple, était finement aiguisé. N. Sarkozy pêche ici par une considération universelle de sa morale, en l’occurrence chrétienne, et qui est loin d’être la morale la plus fine : réactionnariat politique, aliénation de la femme, culpabilité indélébile et adhésion à un ordre moral divin ne me semblent pas relever d’une grande finesse de sens moral. De dire que l’Église catholique [...] a joué un rôle d’éducateur et même d’intégrateur dans la société française est vrai. Cela n’affranchit pas son auteur de se demander si l’éducateur fut bon, et l’intégrateur partial.

« Ces points de convergences [de l’ensemble des messages religieux] sont plus nombreux qu’on ne le croit et donnent en réalité une cohérence d’ensemble au fait spirituel : il existe une vie après la mort, un seul et unique Dieu, un sens à l’histoire, une possibilité de rédemption, une morale naturelle commune à toutes les civilisations en référence avec un absolu ». N.S., pp.159 - 160

Sans s’appesantir sur les assertions métaphysiques ouvertes, du genre il existe une vie après la mort ou
[Il existe] un seul et unique Dieu [30], regardons de près la suite :

[Il existe] un sens à l’histoire : c’est une conception historiciste finaliste très dangereuse. Au nom d’une nécessaire direction de l’Histoire, et par extrapolation d’un but conféré à l’humanité, ont été légitimés nombre de choses discutables, comme l’éradication de minorités ethniques ou le progressisme scientiste. Ce n’est pas fortuit de constater que les principaux philosophes théoriciens du sens de l’Histoire - Hegel en tête, mais aussi le courant Naturphilosophie (Goethe et Schelling en particulier) ont ensuite servi de pavois moral à de nombreux courants conservateurs, pour ne pas dire d’extrême droite - le national-socialisme allemand, par exemple.

[Il existe] une possibilité de rédemption : encore faut-il avoir fauté, et craindre d’encourir un jugement divin, pour voir miroiter une possibilité de rédemption. Nous sommes encore dans une dialectique ici-bas / au-delà, avec application des sermons miséricordieux dans le champ incontrôlé par l’individu - l’au-delà, bien sûr. C’est sur ce genre de discours que se justifient les pires choses. L’exemple classique en est la peine de mort : s’il est exécuté ici bas, ce n’est pas grave, puisqu’il y a une vie après la mort dans laquelle il sera en mesure de racheter ses fautes. Et Dieu reconnaîtra les siens.

[Il existe] une morale naturelle commune à toutes les civilisations en référence avec un absolu : il n’existe pas de morale naturelle. La morale est un produit social. Ce n’est d’ailleurs pas le fait qu’elle se bâtisse en référence avec un absolu qui soit un vrai problème : le hic se loge dans ce qu’un clergé devienne intercesseur de cet absolu, et que le non-clergé (la piétaille, quoi) devienne dépendant de ces dépositaires de la connaissance. Parfois, le vice est poussé jusqu’à faire l’intercession avec l’absolu en latin ou en arabe classique, ce qui n’est quand même pas très gentil.

« Ce qui me paraît nécessaire, c’est d’affirmer que la religion joue un rôle et que nous n’avons aucun intérêt à sa disparition ou à la réduction de son influence. » N.S., p. 158

Cette phrase est une magnifique phrase-puits [31].


Apprendre en s’amusant :

Exercice de phrase-puits : reprenons la phrase en question, et remplaçons la religion par ce qu’on veut :

« Ce qui me parait nécessaire, c’est d’affirmer que l’œuvre de Clint Eastwood joue un rôle et que nous n’avons aucun intérêt à sa disparition ou à la réduction de son influence. » Imparable, non ?

On essayera avec
· « l’art pompier »
· « la pensée de Charles De Gaulle »
· « le Costa-Rica »
· « Sylvie Vartan ».

[...] nous n’avons aucun intérêt à sa disparition ou à la réduction de son influence : sauf erreur, le « nous » intégratif désigne le pouvoir politique en place (le même qui décide de l’ordre public, cf. maillon n°8). Dans la mesure où la religion joue un rôle d’opiacée sociale, elle devient un levier politique très maniable. Par conséquent, il est évident que N. Sarkozy n’a aucun intérêt à la voir disparaître. C’est là que se loge son idée, qu’il perçoit comme révolutionnaire : plutôt que d’empêcher l’enracinement de l’islam, il se propose, en lui flattant la croupe, de l’intégrer dans la panoplie des leviers moraux, s’offrant ainsi du pain bénit en matière d’asservissement d’un peuple immigré dont selon lui le seul bien commun, hormis le statut de paria, est justement le culte musulman.

« Le message universel du christianisme est un message d’ouverture et d’acculturation. Les responsables catholiques devraient se réjouir de ce que des jeunes aient la foi, plutôt qu’un agnosticisme désespéré, que ce soit la foi du credo catholique ou la foi musulmane ». N.S., p. 53

Le mot est lâché : acculturation. C’est par cela que l’ancien ministre des finances voit la paix sociale qui lui est si chère, ce qui présuppose du même coup que nous soyons en « guerre sociale » - ce avec quoi je suis assez d’accord, mais pas pour les mêmes raisons que lui.

L’argument de N. Sarkozy à l’endroit des responsables catholiques est en revanche très bien trouvé, et ressemble à une lame à double tranchant : voyons, prêtres, presbytériens, évêques et prélats, ne pensez-vous pas que, même si ces arabes et ces nègres sont musulmans, (N.D.T. : c’est-à-dire d’une foi archaïque et moyenâgeuse), c’est toujours mieux que des agnostiques désespérés, non ?

Selon le schéma moral sarkozien, nous avons donc :

1. catholique

2. protestant (un peu moins bien, mais ce n’est quand même pas juif)

3. juif (parce qu’il faut bien ménager Israël et puis parce qu’il y a des juifs à des postes importants, et puis parce que c’est un excellent fer de lance pour se démarquer du FN)

4. musulman

5. intégriste islamiste sanguinaire (pléonasme pour N. Sarkozy, cf. 4ème maillon), et

6. agnostique / athée désespéré (pléonasme, encore cf. 2ème maillon).

Ce qui m’amène à un dilemme :

- soit, en tant qu’athée plein d’espoir, je suis une bizarrerie

- soit je suis classé derrière Oussama Ben Laden et le Mollah Omar...

« un ministre du culte - qu’il soit rabbin prêtre, imam, pasteur - est une source de fraternité, de compréhension, d’écoute ; c’est un vecteur de dialogue. » N.S., p. 129

Ne devons-nous pas trouver douteux que, devant le saccage de la main gauche de l’État, -ses services publics, de ses travailleurs sociaux [32]-, ce soit la main droite de l’État coercitive et vengeresse que le ministre de l’Intérieur incarne si bien, qui propose de promouvoir la fraternité, et qui plus est propose des ministres du culte comme vecteurs de dialogue ?

Si la politique n’était pas kidnappée par une caste professionnelle (énarque bien souvent), caste vantant un individualisme et un utilitarisme libéral extrêmes, alors ce rôle de vecteur de dialogue, de source de fraternité, de compréhension pourrait très bien redevenir le lot de tout individu lambda. C’est un tantinet plus universaliste que d’attendre les ministres du culte, promoteurs d’une réponse métaphysique et d’une construction morale figées.

« Je pense donc utile que soit créée une grande mosquée dans celles de nos grandes villes qui en sont dépourvues. [...] si l’on partage l’opinion qu’il s’agit d’un enjeu pour que la vie soit meilleure dans nos banlieues, il convient d’en tirer les conséquences et d’être inventif. » N.S., p. 130

Être inventif, pour Nicolas Sarkozy, c’est rompre avec la loi de séparation des Églises et de l’État, et financer des ministres du culte. Je n’exagère pas :
« A mon sens, il est temps de poser la question du financement national des grandes religions et celle de la formation « nationale républicaine » des ministres du culte. » N.S., p. 123

Et en bon chantre de la décentralisation des pouvoirs, il avance :
« Je ne crois pas aux négociations nationales, j’y crois d’ailleurs de moins en moins [...] je crois au contraire à la régulation régionale qui permet à chacun de trouver des aménagements en fonction du rythme de la vie locale dans laquelle on se trouve » N.S., p. 160

En d’autres termes : pour certains trucs (sauf les pouvoirs de police évidemment), je crois à la déconcentration du pouvoir : le pouvoir n’est pas supprimé, il est juste déconcentré, c’est ce que je viens de vous dire : c’est quand même plus sympa d’avoir un représentant de l’État qui vous contrôle, qui a la même religion que la vôtre, - comment, vous êtes athée ? Bon alors qui a la même couleur de peau que la vôtre ou la même origine géographique que vous à peu de choses près et qui en plus sera ainsi censé vous représenter parce que mon petit/ma petite vous êtes bien incapable de vous représenter vous même. C’est donc quand même plus sympa d’être contrôlé par un chef du coin, d’ailleurs non élu mais nommé, que par un chef presque fantôme qui vient de la capitale. En plus c’est plus pratique, parce que lui au moins est toujours sur place, et n’a pas à contenter l’électeur - il n’en a pas (rire sardonique).

« je pense que les prêtres, les rabbins, les pasteurs, les imams, ou les laïcs les représentant, doivent être les bienvenus dans les discussions sur l’organisation du temps scolaire pour la catéchèse. » N.S., p. 160

On y est. Bienvenue au XIXe siècle.

Note : à propos du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) - un des thèmes traités par N.Sarkozy dans son livre -, je renvois aux propos récents de Fiammetta Venner, qui dit plus clairement que je ne pourrais le dire, et en bien moins de mots, mon opinion sur le sujet (cf. Annexe).

******
Aparté : quelques propos étranges

« Le boulanger du coin a quitté ses fourneaux
Pour s’en venir cracher sur mon corps déjà froid,
Il dit ‘j’suis pas raciste, mais quand même les bicots,
Dès qu’y un sale coup, ben ils faut qu’ils en soient’ »
Renaud Séchan, Les charognards, 1977

« Il me semble en revanche que l’on doit trouver un moyen terme, qui respecte l’esprit de la loi de 1905 et aide en même temps les religions à être utiles à la société et à se couper d’influences étrangères qui ne sont pas apaisantes.
Ainsi l’on pourrait réfléchir à la possibilité pour l’État et les collectivités locales de garantir les emprunts pour la construction d’édifices religieux, à l’instauration d’avantages fiscaux plus importants pour les fidèles qui participent au denier du culte [33], à une redéfinition des travaux de « confortement », ou encore à la consolidation juridique du recours aux baux emphytéotiques. Pour la formation des ministres du culte,l’État pourrait participer « en nature » en quelque sorte, en mettant à disposition des enseignants dans les matières autres que spirituelles, en prêtant des locaux, en signant des conventions avec les représentants des religions pour former des ministres du culte français. Je ne vois pas en quoi cela nuirait à l’indépendance des ministres du culte, et à leur lien privilégié avec leur hiérarchie religieuse. En revanche, cela permettrait d’assurer un enracinement national et de se protéger d’un certain nombre d’influences étrangères , notamment s’agissant d’islam . [34] » N.S., pp. 124-125

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’épiloguer sur ce contre-pied flagrant de la loi laïque française que propose Monsieur Sarkozy. Je soulignerai seulement la dernière phrase, qui témoigne d’abord du fait que si les moyens qu’il se propose d’employer sont présentés emballés dans du papier-cadeau, les ambitions sont extrêmement conservatrices. À croire qu’il s’agisse d’une technique propre au néo-gaullisme : Jacques Chirac défend ses intérêts commerciaux pétroliers en refusant la guerre, passant pour le pacifiste qu’il n’est pas [35] Nicolas Sarkozy, par peur de l’invasion de l’islam, circonscrit la chose en s’accaparant de la mainmise de l’État sur les éventuels lieux de culte, les Conseils musulmans, et par conséquent toute une population par trop rétive au gouvernement... en passant pour un œcuménique bienfaiteur de l’islam. Il s’agit, il faut le reconnaître, de prouesses médiatiques rares. Il s’agit aussi d’une illustration du proverbe bantou cher à Patrice Lumumba : « la main qui donne, la main qui dirige ».

Mais la dernière phrase fait craindre le pire, car elle ne détonnerait pas chez un Bruno Mégret. Plusieurs embrasures de ce genre sur les préjugés sarkoziens sont ménagées dans son livre, dont voici quelques-unes :

« Il en a d’ailleurs été de même dans les familles de religion ou de tradition juive ou protestante dont les valeurs individuelles et sociales sont en réalité communes avec celles de l’Église catholique et qui ont apporté, en plus, leurs spécificités à la construction de l’identité nationale : entre autres, un attachement profond à la République et une volonté exemplaire d’intégration pour les juifs, le souci aigu de la liberté de conscience chez les protestants. » N.S., p. 18

Juif, juive, protestante, protestant, faudrait-il que vous aimiez vous laisser flatter la croupe et regarder les dents pour laisser le champ libre à ce genre de stupidité.

« Il faut quand même dire les choses telles qu’elles sont : ce qu’on reproche aujourd’hui aux musulmans, dans les pays musulmans, nous l’avons vécu il y a quelques siècles avec une imbrication totale du pouvoir religieux et du pouvoir royal ». N.S., p. 19

Cette assertion mériterait un commentaire sérieux de nombreuses pages, mais pour faire succinct :

1. nous avons vécu une imbrication du pouvoir religieux et du pouvoir royal qui a rarement été totale (le summum, dans les « quelques siècles » présentés par Sarkozy, ayant certainement été Louis XIV, et Bonaparte pour qui « les conquérants habiles ne se sont jamais brouillés avec les prêtres » - ce qui me rappelle quelqu’un). La fin du XIXe par exemple, fut un monument d’athéisme, tout comme quelques velléités éparses et lumineuses de la seconde moitié du XVIII e.
2. la France est ces derniers temps de moins en moins laïque. L’État subventionne directement ou indirectement les religions. Qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, il faut se plonger dans les documents budgétaires (les bleus de la loi de finances) pour mesurer l’importance de cette évolution [36].

Alors je pense qu’il va falloir un jour faire comprendre au ministre qu’il est temps de tordre le cou à cette médiévalisation de l’islam, qui ressemble dans ses traits à la vision tribale et belliqueuse sans cesse ressassée à propos des africains, le caractère ladre des juifs aux doigts crochus et à l’indécrottabilité du tzigane moyen, autant de poncifs de la pensée facile des âmes blanches civilisatrices et bourrées de préjugés qui font la lie des meilleurs tonneaux racistes.

« Si l’on veut aborder cette question de manière sereine, il faut reconnaître qu’il n’y a pas que l’islam qui rend difficile la vie des femmes musulmanes. Il y aussi la pauvreté, il y a le sous-développement, la misère, la ghettoïsation de certains quartiers. » N.S., p. 95

L’immense philosophe arabe du XXIe siècle, Jamel Debbouze, fait dans son dernier spectacle une remarque sur ce thème que je paraphrase de mémoire : Ah, c’est facile pour les français de rigoler sur le sort des femmes musulmanes, mais il n’y a pas si longtemps que le sort des femmes de France a un tantinet évolué, encore que. Et puis nous, dans les banlieues, l’information circule mal, alors c’est certainement dû au temps que ça nous parvienne.

« Je reconnais que, parfois, même sans projection de son engagement religieux, il existe des comportements ambigus au regard de nos règles républicaines. Certaines confessions ou traditions où l’on se flagelle, certaines représentations caricaturales, l’expression fanatique de foules manipulées peuvent mettre en cause le consensus. » N.S., p. 37

L’hôpital rit de la charité. Il est des confessions où certains se flagellent, d’autres gravissent à genou des calvaires avec des croix et s’extasient devant de purulents stigmates. Il est des liesses populaires, notamment autour de faux miracles comme celui du sang de Saint Janvier à Milan, qui sont des expressions fanatiques de foules manipulées (puisqu’on prétend à un miracle alors que le principe de la liquéfaction du faux sang est connu depuis plus d’un siècle [37]). On sent poindre le mépris chez notre ancien ministre de l’Intérieur, mépris très partial. Quant au consensus invoqué à la fin, s’il porte sur les règles républicaines, il est une vue de l’esprit (sain bien entendu).

« Selon vous, le port du voile est-il le reflet d’une certaine pratique culturelle des pays arabes ou a -t-il une signification religieuse ?
Je me garderai bien de trancher ce débat théologique qui fait l’objet de nombreux commentaires, y compris chez les musulmans les plus érudits. » N.S., pp. 96-97

Question stupide (qu’on ne pose pas au fichu français ou au bigouden breton) et réponse marécageuse. En l’occurrence ce n’est pas du tout un débat théologique. Vallet, encore, nous précise que « le voile des femmes n’est pas plus islamique que le béret basque n’est catholique ». Il ajoute que la tradition du voile est antérieure de plusieurs millénaires au prophète Mohamed, la première mention de son port obligatoire remontant aux lois assyriennes (tablette A, 40) attribuées au roi Téglat-Phalazar 1er [38], vers 1000 avant l’Ère Chrétienne. Mais la Bible également évoque le voile dans le livre de la Genèse (24,65) et le Cantique des cantiques (4,1), et fait elle aussi d’une tête non voilée un symbole de prostitution. Vallet termine : « on n’a jamais entendu parler de « voile juif » ou de « voile chrétien », même si Saint-Paul en exige le port pour les prières : « toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef » (1 Corinthiens 11,5). Là encore, se couvrir la tête relève plus de la tradition que de la religion, sans quoi il faudrait sacraliser les chapeaux de la reine d’Angleterre [39] ». Foin de débat théologique, donc. Mais N.S. nous confiera plus loin (page 118) :
« Je ne me pique pas de percer les secrets de la civilisation arabe ou musulmane, d’être un érudit. »
Effectivement, mais on pourrait attendre un peu plus sur un ministre des Cultes se consacrant près de deux ans à la question.

« Il [le voile, NdR] est une réaction au regard hostile que les jeunes filles musulmanes rencontrent dans la société ou qu’elles ont le sentiment de rencontrer. Lassées et blessées d’être en permanence musulmanes dans le regard des autres, elles provoquent : « puisque tu me vois comme musulmane, je vais te montrer que je le suis bien réellement, et encore davantage. C’est une réaction compréhensible. Ne sous-estimons pas combien ce regard peut être douloureux à vivre. Les catholiques ne sont pas catholiques dans le regard de l’autre. Le problème est que rien ne se résout par la provocation ou par l’affirmation caricaturale d’une identité. » N.S., p. 97

Penser que le port du voile ne puisse être qu’une affirmation caricaturale d’une identité est le degré 0 de la problématique. Il sort du cadre de ce texte de parler du problème du voile, qui n’est abordé que succinctement par N. Sarkozy, mais je ne résiste pas à citer le récent film documentaire « un racisme à peine voilé », qui lève un peu le voile sur le fait que le problème est ailleurs et qu’à l’inverse, la problématisation de ce voile ressemble plus au fruit d’une politique ségrégationniste à peine cachée [40].

Voici encore quelques savoureux passages sur la question des éventuelles réformes sarkoziennes, qui je vous le rappelle, sont présentées comme une « contribution majeure à la réflexion sur les valeurs fondatrices de la République et l’avenir de la laïcité française ».

« Au nom de quoi nos universités seraient-elles fermées aux ministres du culte ? Un plus grand brassage entre les séminaristes et les autres étudiants dans les universités n’apporteraient que de la compréhension et de l’enrichissement mutuels. Sans aller jusqu’à un soutien en numéraire, l’État pourrait offrir une aide sous la forme d’affectations de professeurs. Pour les imams, il pourrait prendre à sa charge l’apprentissage de l’arabe par les imams français et l’apprentissage du français par les imams arabes. » N.S., p. 126

« Il faut réfléchir à l’élaboration de conventions entre l’État et le séminaire israélite de France, ou les séminaires catholiques. Une délégation de professeurs, des crédits d’heure, ce sont des choses qui sont, non seulement possibles, mais de surcroît, de mon point de vue, souhaitables. » N.S., p. 127

« Il est regrettable que l’attrait du séminaire pâtisse des conditions de vie faîtes aux étudiants séminaristes et aux prêtres. Enfin, donner un statut aux imams pour mieux assurer la stabilité de leur situation juridique, économique, sociale, ne pourra que favoriser un discours d’apaisement. Comment aider à intégrer dans les banlieues si l’on est soi-même en situation précaire ? » N.S., p. 126

Simple : en s’arrangeant pour que personne ne soit précaire dans les banlieues.

« A contrario, maintenant que les lieux de cultes officiels et publics sont si absents de nos banlieues, on mesure combien cet apport spirituel a pu être un facteur d’apaisement et quel vide il crée quand il disparaît. » N.S., p. 18

D’abord, rien ne prouve que ces fameux lieux de culte aient effectivement disparu. Une banlieue peut être soit une vieille commune phagocytée par une agglomération, soit une ville-dortoir nouvelle ; dans le premier cas, la commune n’est sûrement pas exempte d’au minimum un lieu de culte traditionnel (une église bien sûr) ; dans le deuxième cas, on peut supputer l’existence d’églises à l’architecture contemporaine type Le Corbusier, églises new style et parfois new age assez répandues par exemple à Grenoble et ses faubourgs.

Ensuite, il y a typiquement confusion entre corrélation et causalité. Il faudrait pouvoir comparer deux périodes extrêmement différentes sur une kyrielle de paramètres pour conclure qu’un quelconque vide est imputable à une absence de lieu de culte. Quand on connaît l’intelligence de l’auteur de cette confusion, on présume plus d’un procédé rhétorique facile que d’une faute de raisonnement.

*****
7e maillon : l’État doit pour cela user d’un processus de laïcité active pour promouvoir le développement des institutions de culte (et y distiller le sens moral souhaité).

« La bonne foi est une vertu essentiellement laïque,
qui remplace la foi tout court. »
André Gide, 13 décembre 1927

« Je crois en une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui garantit le droit de vivre sa religion comme un droit fondamental de la personne. La laïcité n’est pas l’ennemie des religions. Bien au contraire. La Laïcité, c’est la garantie pour chacun de pouvoir croire et vivre sa foi. » N.S., p. 14

Vision faussée : la laïcité, c’est la séparation des affaires cultuelles des affaires d’État ; c’est le caractère non-confessionnel. La Laïcité ne garantit rien en soi, si ce n’est la non-immixtion des cultes dans les affaires gouvernementales. Elle ne garantit pas le droit de vivre sa religion comme un droit fondamental (ça, ce sont les Droits de l’Homme, peut être ne les a-t-il plus en tête), ni de pouvoir croire et vivre sa foi. La laïcité implique que la foi (privée) et les services (publics) soient deux mondes qu’il convient de séparer.

« Pour ma part, je n’ai pas une vision sectaire de la laïcité. » N.S., p.87

Qu’est une vision sectaire de la laïcité ? Je prends sa phrase précédente :
« En revanche, je dis que nous devons revenir à une laïcité active, et non passive ou honteuse parce qu’il s’agit de religion »

Toujours pas clair ? Je prends la suivante :
« Cela n’aurait pas de sens, à l’aune de l’Histoire de France, de considérer tout ce qui concerne le religieux comme dangereux, illégitime, suspect ».

Plus loin il précise que nombre de responsables politiques ou syndicaux ont eu une vision sectaire de la laïcité, « une vision marquée par un souci de revanche », (page 88) et il cite Fouad Alaoui et le terme d’« intégrisme laïque ».

Je ne crois pas qu’on puisse avoir une vision sectaire de la laïcité : soit elle est, et les cultes sont bien séparés de l’État, soit elle n’est pas. C’est tout. Il n’y a pas de petites connivences possibles pour un état dit laïque - ce qui permet de douter de la laïcité du nôtre (Accords Briand-Ceretti [41], statuts de l’Alsace et de la Lorraine, financement d’écoles religieuses, etc.)

Cela me fait penser aux accusations de la science sectaire, refusant l’entrée du spiritualisme dans son champ. Il s’agit non d’un choix, mais d’une nécessité ontologique. La science (comme démarche, bien sûr, pas comme institution) ne peut tolérer une seule incursion de ce genre, au risque de voir tout l’édifice s’effondrer [42].

« Non, la laïcité n’est pas au service des religions car cela signifierait qu’elle serait dominée par elles ». N.S., p. 16

Effet de style. Faut-il, lorsque Nicolas Sarkozy, ancien ministre des finances, se dit au service de la population, y voir une domination de la population sur lui ? Auquel cas, comment se fait-il que vous et moi, membres de la population, n’ayons aucun moyen ni d’orienter ses décisions, ni de le démettre ?

« Les religions constituent un enjeu majeur pour notre société car elles sont le support d’une espérance. Le fait religieux est un élément primordial en ce qu’il « inscrit » la vie dans un processus qui ne s’arrête pas avec la mort. C’est pourquoi je n’ai pas une conception sectaire de la laïcité. Pas même la vision d’une laïcité indifférente. Je crois au besoin de religieux pour la majorité des femmes et des hommes de notre siècle. La place de la religion dans la France de ce début de troisième millénaire est centrale. » N.S., p. 16
Le ton solennel imposerait presque un silence contrit.

Note : on peut très bien donner à la religion une place centrale, mais sur une petite chaise, et à l’ombre, bien séparée de la chose publique. Quant au besoin de ‘religieux’, il est d’autant plus fort que les personnes sont dans la misère. On l’a appelée pour cela une maladie de pauvre. Je crois malheureusement beaucoup plus au besoin de pognon et de biens publics garantis pour la majorité des femmes et des hommes de ce siècle.

******
8ème maillon : le maintien de l’ordre public est la condition d’exercice des libertés

« Jamais la loi n’a rendu les hommes plus justes d’une seule once,
mais, en raison du respect qu’ils lui portent,
il arrive chaque jour que même des gens dotés des meilleures dispositions
se fassent les agents de l’injustice. »
Henry D. Thoreau, Désobéir
« J’ajoute que le maintien de l’ordre public, qui est la responsabilité première du ministre de l’Intérieur, n’est pas une fin en soi, mais la condition d’exercice des libertés ». N.S., p. 14

Analysons sur un plan logique cette assertion. Il y a 4 parties et une équivalence.

* Les 4 parties :
o l’ordre public
o le maintien (de l’ordre public) (A)
o l’exercice des libertés
o la condition (d’exercice des libertés) (B)

* L’équivalence :
o (A) est (B)

L’ordre public
Pour faire au plus court sans écrire 25 pages, l’ordre public, c’est le somme des lois qui régissent la vie des individus appartenant à une société donnée et qui, par dommage collatéral, régissent même la vie des rares individus qui ne veulent pas spécialement appartenir à cette société [43].

La somme de ces lois, appelée corpus pour faire savant, n’est décidée que par une fraction infime de la population, issue d’un système de représentation par élection, elle-même contrebalancée par une institution non élue par le peuple, le Sénat, et par quelques divines engeances dotée d’un abusif droit de regard sur la question, corroborant ainsi l’adage « l’avenir est à ceux qui ont le veto ». Jusqu’à preuve du contraire, l’ordre public n’a de public que le nom. Le système politique dont nous dépendons ne permet pratiquement aucune intrusion de l’individu lambda dans la définition de cet ordre public, - ni d’ailleurs de l’individu qui remettrait en cause le fondement lui-même de cette notion. Par contre, cet ordre s’impose à tous, sans aucune discussion.

Pour les candides qui pensaient que le députat est tout de même l’expression votante de l’individu lambda, qu’ils se demandent quels processus, assortis de quelles compromissions, quelles mécanismes de castes ils devraient emprunter pour parvenir eux-mêmes au statut de députables. Accès aux médias, cooptation, clientélisme, consociativisme [44] des élites... Devant de tels obstacles, ils parviendront rapidement au constat lapidaire du pilier de la pensée philosophico-politique française, le groupe Soldat Louis : « Député c’est déjà cher, alors président, j’te dis pas, faut des biffetons par containers ou un pote secrétaire d’État ; t’imagines, moi pour m’présenter, le nombre d’autoradios volés, de bouteilles à déconsigner, de pétard à dealer » [45].

Ainsi, le droit d’inférence dans l’ordre public devient de facto un droit d’élite.

Si l’ordre était vraiment public, son maintien incomberait directement ou quasi-directement au public (c’est-à-dire nous) soit par une internalisation des valeurs vécues collectivement comme nécessaires à l’ordre souhaité par le public, soit par un système de représentation momentané, localisé et révocable de cet ordre. Or c’est loin d’être le cas : s’approprier la valeur d’une justice lorsque les inégalités que celle-ci proroge sont criantes est un exercice qui ne fonctionne que dans les casernes. Sur le système de représentation, il faut souligner la non-élection du ministre de l’intérieur - et de tous les autres -, son irrévocabilité - hormis, à la rigueur, lors de ce simulacre de démocratie qu’est le vote quinquennal, qui garantit autant le renouveau chantant que les vœux de Nouvel An ne garantissent une année meilleure que la précédente. En clair, en quoi la gestion de l’ordre public par le ministre est représentative ? De qui ? Ces questions ne semblent pas devoir être soulignées. De surcroît, si l’ordre était public, l’idée même de caisse noire, de police parallèle, de Renseignements Généraux, de tractation à huis clos lors des sommets dirigeants tels que le G8 serait caduques. L’accès à la connaissances des avoirs de l’État, par exemple, serait libre (alors qu’il est actuellement quasi-inaccessible, même pour un député).

Bref, la notion d’ordre public est une notion réservée à une frange très réduite et plénipotentiaire. Ca porte un nom. Aristocratie.

Simili-conclusion : l’ordre public n’est pas public. Il n’est que l’imposition de l’ordre souhaité par la caste dirigeante.

Le maintien (de l’ordre public)

Il est évident, dans ces conditions, que le maintien de l’ordre public relève plus de la conservation des privilèges des classes dominantes que d’un réel ordre public négocié et, dans l’idéal, renégociable constamment. Les nombreux travaux de l’équipe de Bourdieu assoient très bien ce type de processus social [46].

Hasardons deux remarques :

- Le maintien de lois qui n’incluent pas l’individu lambda, mais qui servent la couche décisionnaire (donc supérieure) est un maintien légal, mais illégitime.

- Si d’aventure la majorité des individus lambda souhaitait un changement d’ordre public, ils n’auraient d’autre solution que de s’opposer à ce maintien, solution non prévue dans la vision politique classique dont Nicolas Sarkozy est le chantre, et solution nécessairement violente. L’allégorie est possible avec des menottes : vous mettre des menottes est nécessairement violent. Soit vous les contestez, et il vous faudra les briser, soit on vous a donné les clés avec, ce qui annihile toute utilité à ces menottes. Soit vous les supportez très bien, puisqu’on vous a convaincu de la nécessité de les porter pour votre bien. Un maintien de l’ordre public (coercitif et armé - les policiers et les gendarmes étant, comme leur nom l’indique des gens d’armes) contient, sous des dehors apaisant et lénitifs, les germes de la violence légitime pour qui voudra s’extraire de cette domination.

Simili-conclusion : le maintien (armé) de l’ordre public (pas public) est illégitime

L’exercice des libertés (et sa condition)

Un exposé de l’idée d’exercice des libertés ne peut faire l’économie d’une discussion sur l’idée de liberté, ce que je ne ferai pas ici, tant par manque de place que par manque de talent devant la littérature disponible.

Je me contenterai de deux petites instillations :

Il y a deux façons de voir l’exercice des libertés, notamment des autres (qui sont plus nombreux que moi) : soit vis-à-vis de moi, soit par devers moi. Vis-à-vis de moi signifie que la « liberté des uns commence là où s’arrête celle des autres », et que, comme les autres sont souvent hargneux, barbares et costauds, il faut bien une force d’interposition : la police, bras armé de l’instance gouvernante. Mais le bémol vient du constat qu’imposer ma liberté à quelqu’un par le truchement d’une incontournable police me semble une restriction drastique de ma propre liberté.

Alors je propose l’exercice des libertés par devers moi. Si je raisonne de façon globale sur mon groupe social, je suis obligé d’élargir mon empathie même sur mon voisin hargneux, barbare et costaud. Lui-même, malgré sa hargne et sa barbarie, sera obligé de faire pareil. La résolution des problèmes s’effectuera alors de façon optimale par consensus, puisque les nécessités de l’autres seront devenues miennes. C’est le même résultat que la charité chrétienne, sans la charité chrétienne. À partir de là, il sera délicat de voir autre chose qu’une forme d’intrusion violente dans toute action de régulation et de restriction de la liberté d’autrui de type policière. L’adage deviendrait alors « la liberté des uns commence là où commence celles des autres ». Bien plus responsabilisant, et ne nécessitant aucune conditionnalité - et certainement pas celle d’un quelconque maintien de l’ordre public. Pour rassurer cell-eux qui estiment que ce modèle sociétal est irréalisable, c’est effectivement le cas à grande échelle, et pour le moment. Mais irréalisable ne signifie pas irréaliste, et il existe déjà en France quelques îlots de tentatives de gestion de la liberté de l’autre par devers soi [47].
L’échelle de ces groupes sociaux ne dépasse pas la trentaine de personnes, mais entre nous, peu sont ceux qui entretiennent des rapports soutenus avec des hordes plus grandes.

Simili-conclusion : l’exercice des libertés garanti par la force est un non-sens

L’équivalence : [le maintien de l’ordre public] = [la condition d’exercice des libertés]

Il y a une contradiction logique dans la pensée de NS : l’exercice de la liberté de changer d’ordre public n’est pas garanti par la vision sarkozienne. Cela montre bien que la notion d’ « ordre public » exogène, c’est-à-dire imposée de l’extérieur sur le public, mais serinée sans cesse jusqu’à incorporation bêlante, est consubstantielle au maintien du pouvoir en place et au conservatisme politique.

Bilan : le maintien (illégitime et armé) de l’ordre public (non public) n’est certainement pas une condition d’exercice des libertés, ne serait-ce que parce qu’il n’inclut nullement la possibilité de changer d’ordre public (ou de conditions de maintien de cet ordre).

*****
9e maillon : l’État garantit l’exercice de la liberté de culte mais tant que l’ordre public n’est pas troublé.

« Il ne faut pas confondre ‘La société m’opprime’
et ‘le système m’étrique’ »
Anonyme

Il y a un splendide raisonnement en boucle dans ce maillon de raisonnement : le maillon n°8 clame que le maintien de l’ordre public est la condition d’exercice des libertés. Le maillon n°9 nous dit que l’exercice des libertés, en l’occurrence celle du culte, est garantie par l’État tant que l’ordre public n’est pas troublé.

Nicolas Sarkozy raisonne a priori comme ceci :
A (maintien de l’ordre public) est condition de B (exercice des libertés) - maillon n°8
Mais B, c’est très bien, tant que ça n’empêche pas A - maillon n°9
Auquel cas il faut conclure tragiquement que A (le maintien de l’ordre établi) prime sur B (l’exercice des libertés). Pour quelqu’un qui aime le parler-franc, monsieur le ministre aurait mieux fait de le dire tout de suite, d’autant qu’il nous assurait tantôt que « le maintien de l’ordre public n’est pas une fin en soi ». Les doublures de sa veste doivent boulocher, à force de retournements.

Il le dit un peu plus loin, à sa façon :
« D’ailleurs, il n’y a pas d’émancipation possible en dehors du respect des lois de la République. » N.S., p. 103

« Mgr de Berranger n’avait pas besoin de moi pour comprendre la nécessité de l’évacuation des sans-papiers de sa cathédrale. L’exaspération des fidèles progressait chaque jour. [...] ». N.S. p.28

Et l’exaspération des fidèles catholiques prime sur l’exaspération des fidèles au poste de la régularisation, les petits matins frisquets de consulat. Amusant de voir que dans le cheminement spirituel du catholique décrit ici par N.S., le besoin de prier (qu’on peut assouvir pourtant partout) surpasse le besoin de voir son voisin étranger se faire traiter correctement, au point de demander la charge de CRS, avec un S, certainement, signifiant syncrétisme.

« Il n’y a aucune raison pour que la communauté catholique soit systématiquement victime de ces occupations d’églises ». N.S. p.28

C’est étrange. Je croyais que c’étaient ces gens fuyant pour la plupart leur pays en guerre - guerres dont les ressorts restent rarement longtemps sans être retendus par une quelconque main française [48] - ces gens apatrides, ayant voyagé dans des conditions peu douces en emportant pour tout bien un peu de latérite natale sous leurs semelles, je croyais que c’étaient ces gens-là, et non les bigotines, qui étaient les victimes. Et puis, entre nous : p.20 N. Sarkozy nous dit que les églises sont vides. Du 28 juin au 22 août 1996, l’église Saint-Bernard avait 300 « fidèles » tous les jours, sans compter les quelques dizaines de personnes en mitre bleue et en crosse de caoutchouc le dernier jour. En clair, une fréquentation record sur les 20 dernières années. Si la communauté catholique ne va presque plus dans les églises hormis en la voussure de quelques grenouilles de bénitier, en quoi est-elle systématiquement victime de ces occupations ? J’ai une hypothèse : en contribution en coût de cierge. C’est dans ces moments-là que l’on réalise que si l’effort, valeur chère à Nicolas S., doit être commun, le tronc, lui, ne l’est guère.

Là, N. Sarkozy nous offre une de ses perles :
« La police s’oppose à la violence sans être elle-même une violence. Elle n’est même pas une « violence légitime ». Elle est une force au service de la loi et des libertés ». N.S., p.50

Il persistera plus loin, fulgurant :
« Nous sommes reconnus à travers le monde comme protecteurs du droit des minorités. » N.S., p. 114
C’est le genre de phrase qui mériterait une minute de silence.

La police s’oppose à la violence sans être elle-même une violence : le jour où le citoyen Nicolas S. sera en mesure de convaincre les Roms d’Achères la Forêt, les réfugiés de Sangatte, les manifestants de Marseille du 11 mars 1997, les squatteurs politiques ou non de Grenoble, les précaires de l’incinérateur de Fumel et les algériens survivants des quais de Javelle que la police n’est pas une violence ; le jour où le citoyen Nicolas S. persuadera les familles des multiples morts des zones d’attente de la Police Aérienne des Frontières que le bâillon, le coussin et la matraque participent d’une force au service de la loi et des libertés, alors je m’engagerai dans les forces de l’ordre.

Enfin, sur la question du rôle du ministre de l’intérieur dans le processus de nomination des évêques, qui consiste à saisir le préfet, sur injonction du Ministère des Affaires Etrangères, enjoint lui-même par le nonce apostolique, ambassadeur du Vatican en France à regarder s’il y a des éléments à charge contre le prêtre pressenti pour être évêque, NS le juge aussi formel que satisfaisant. Surprenant ? Non point :

« Les éléments à charge susceptibles d’être retenus sont d’éventuelles prises de position publiques contraires à l’ordre public [...]. Depuis les années 1950, il n’y a eu que deux refus : en 1952, pour un prêtre guadeloupéen indépendantiste et, en 1968 pour un prêtre du diocèse de Rennes qui avait appelé à la grève des impôts ». N.S., p. 24

Comme quoi parfois, les affaires temporelles l’emportent sur les démarches spirituelles. Faut pas déconner.

*****
10e maillon : la promotion des institutions cultuelles ne débordera pas des religions « d’État », le reste n’étant que sectes.

« J’ai ainsi dissous 550 milliards de démons terrestres
et ressuscités d’entre les morts 350 milliards
de démons inférieurs, devenus des serviteurs de la lumière
entre l’année 84 et 85 ».
Gilbert Bourdin, alias Messie Cosmo-Planétaire, Mandarom.

« Si l’on veut promouvoir une conception plus active de la laïcité et aider, d’une manière ou d’un autre, les religions à jouer un rôle constructif dans la société, il faut bien distinguer les religions et les « nouvelles religiosités », dont le poids est quand même très différent. Il faut aussi proposer quelques critères qui permettent de montrer quand la ligne est franchie entre ce qui est authentique religieux et ce qui est “dérive sectaire“. » N.S., p. 141

« On voit bien les caractéristiques fondamentales qui permettent d’identifier une religion. Le nombre des fidèles, l’universalité du message et, plus encore, son ancienneté, sont des critères objectifs de distinction. Si on voulait essayer de trouver une définition de la religion par rapport aux sectes, je pense que l’un des critères les plus pertinents serait celui de la pérennité historique, car on doit convenir que l’authenticité du message spirituel est en quelque sorte légitimé par sa pérennité au travers des générations. [...] tout ne se vaut pas » N.S., p. 136

N. Sarkozy est un peu primesautier. La distinction sectes-religions n’est qu’un vœu pieux. Il est impossible de les distinguer réellement, car il n’y a pas de définition précise de la secte. Vallet : « une religion est une secte qui a réussi, un petit groupe devenu grand, une chapelle rebaptisée Église. [...] pour distinguer une secte d’une religion, on a essayé le critère du nombre qui ferait d’une secte une religion de poche. Il est vrai que la plupart des sectes ont du mal à prospérer à cause de leur intransigeance et que les grandes religions sont d’anciennes sectes qui ont accepté des compromis. Si une Église chrétienne exigeait de ses membres qu’ils suivent à la lettre l’ordre du Christ « Viens, quitte tout et suis-moi », ce suivisme aveugle serait sectaire » [49] . Quelques tentatives de critérier le statut sectaire ont été menées : la commission d’enquête parlementaire sur les sectes, sous l’égide de Jacques Guyard s’appuie sur les infractions pénales (troubles à l’ordre public, détournement de fonds, atteinte à l’intégrité physique, etc.) ; Mgr Jean Vernette, secrétaire du service national « Pastorale, sectes et nouvelles croyances » propose les trois concupiscences de la morale catholique : le pouvoir abusif ou l’oppression, le savoir confisqué ou l’endoctrinement, l’avoir détourné ou l’exploitation.

Mais
1) ces critères englobent les religions d’état, finalement
2) les notions comme « trouble à l’ordre public » sont porteuses de ferments moraux dangereux (cf. maillon précédent)
3) ces critères sont très vite amalgamants, voire partiaux, et créent des normes sociales [50].

On voit bien les caractéristiques fondamentales qui permettent d’identifier une religion.

- Le nombre des fidèles : Sauf N. Sarkozy, « aucun spécialiste sérieux des sectes ne retient comme critère le petit nombre des adeptes (les zoroastriens sont à peine cent mille dans le monde mais sont les ultimes représentants d’une grande religion), ni la nouveauté du mouvement (le caodaïsme vietnamien n’a pas cent ans mais n’est sûrement pas une secte [51]) ».

- et, plus encore, son ancienneté,
Il ajoute plus loin
« Je pense qu’il faut faire confiance aux grands courants spiritualistes qui ont fait leur preuves au travers des siècles pour organiser, et même encourager, la diversité dans leurs rangs. » N.S., p. 141

« L’universalité est un facteur positif quand elle permet, comme pour la religion chrétienne, de promouvoir les valeurs de la vie, de l’égalité entre les êtres humains et de la nécessité du pardon. » N.S., p. 137

Survivre au temps n’est pas un critère de justesse. Sinon, il faudrait légitimer les flagellations, les lapidations, se réjouir des corridas et se féliciter du renouvellement continuel des guerres. À l’instar des régimes politiques, certaines religions employèrent des techniques de maintien à travers les siècles requérrant plus le sabre que l’encens. Et puis d’importants courants sont très récents : le kimbanguiste zaïrois n’a pas un siècle, et de nombreuses églises évangéliques américaines ne se développent que depuis cinquante ans.

« La confusion entre les religions, les nouveaux mouvements spirituels et les sectes, ou encore l’impression qu’il n’est pas possible de distinguer les uns des autres, trouvent en partie leur origine dans une sacralisation extrême de la liberté. Même au nom de la liberté, on ne peut laisser faire n’importe quoi : le droit de se droguer, le droit de se prostituer, le droit de s’avilir si on le veut. Je ne pense pas que cette conception de la liberté permette la vie sociale et le service du bien commun. » N.S., p. 139 - 140

La première phrase est fausse : Monsieur le ministre devrait savoir que la raison principale à la non-distinction est qu’il ne peut exister, en droit français, aucune définition d’une religion et, donc, d’une secte. En effet, selon l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation de l’Église et de l’État, « la République ne reconnaît aucun culte ». Monsieur Sarkozy ignore, ou feint d’ignorer la loi qu’il prétend incarner.

Ensuite, il faut ouvrir l’œil : insensiblement, la discussion sur les sectes glisse et N. Sarkozy laisse entendre que c’est la même conception de la liberté qui promeut l’indistinction secte-religion et le droit de se droguer, le droit de se prostituer, le droit de s’avilir si on le veut. D’une part on retrouve la pensée moraliste réactionnaire de l’auteur (la dénonciation de ces misères sociales comme autant de péchés) - et on relèvera avec contrition que la solution proposée par NS revient à enfermer les prostituées (cf. la loi sur le racolage passif sous son ministère), les drogués et autres « tâches » sociales. D’autre part, pas besoin d’être un inconditionnel des sectes pour trouver que de telles associations d’idées sont outrancières.

« Les seules limites que l’État doit faire respecter sont celles de l’ordre public. Il y a ensuite les mouvements qui sont organisés pour l’exploitation de la faiblesse des gens, l’abus sexuel, la manipulation mentale, la violence physique et la contrainte. [...] je veux rappeler que, sauf dérive, ce ne sont pas les rabbins, les imams ou les curés qui abusent de leurs paroissiens ou exploitent financièrement leurs fidèles en leur faisant croire qu’ils gagneront la vie dans l’au-delà ! On ne peut placer dans la même catégorie tel ou tel gourou, qui viole tous les membres de sa secte, et les ministres du culte de nos grandes religions ! Les différences sautent quand même aux yeux. Il faut être frappé de cécité ou de particulière mauvaise foi pour ne pas le mesurer. » N.S., p. 139

Bien qu’une majorité des NMR (Nouveaux Mouvements Religieux) sentent l’abus de confiance et l’aliénation, tous ne sont pas organisés pour l’exploitation de la faiblesse des gens, l’abus sexuel, la manipulation mentale, la violence physique et la contrainte... ou alors, ils ne cumulent pas toutes ces caractéristiques en même temps. Il s’agit d’un amalgame.

je veux rappeler que, sauf dérive, ce ne sont pas les rabbins, les imams ou les curés qui abusent de leurs paroissiens ou exploitent financièrement leurs fidèles en leur faisant croire qu’ils gagneront la vie dans l’au-delà !

Ca s’appelle faire fi de l’histoire, et par exemple des lucratives ventes d’indulgences ou de l’aumône islamique obligatoire. Actuellement, le fonctionnement de certains ordres monastiques et groupes du genre Opus Dei font vaciller les distinctions proposées par N. Sarkozy.
On ne peut placer dans la même catégorie tel ou tel gourou, qui viole tous les membres de sa secte, et les ministres du culte de nos grandes religions ! Les différences sautent quand même aux yeux, mais les yeux sont parfois cillés, notamment lorsqu’on se contente de transférer d’une paroisse à l’autre des prêtres auteurs d’attouchement sexuel sur enfants (cf. note 24). Amusant comme N. Sarkozy en appelle au bon sens populaire, à travers des phrases qui pourraient volontiers être suivies de « voyons, ma brave dame » sur un ton mi-plaisanterie mi-reproche. L’appel au bon sens populaire, qui est parfois mal placé, est un des ingrédients des meilleurs populismes. [52]

« L’autorité incarnée par les évêques permet d’éviter les phénomènes de gourous, ou la prolifération de croyances aveugles proposées par des déséquilibrés. » N.S., p. 143

Phrase d’une (fausse) naïveté incroyable, et colportant des préjugés : les Nouveaux Mouvements Religieux ne sont pas tous sectaires, n’ont pas tous des gourous, ne prolifèrent pas (proliférer s’applique usuellement aux bactéries !) et ne sont pas toutes dirigées par des déséquilibrés - il faudrait d’ailleurs définir ce qu’est le déséquilibre, hors du cadre de marginalisation classique que réserve le conservatisme ambiant aux drogués, délinquants, fous [53]... Je pense en revanche que les NMR possèdent de façon générale la faculté d’abêtir (à grands renforts de techniques de développement notamment), la faculté de donner un sens arbitraire à l’existence, et celle de créer, au travers une exégèse de connaissances ésotériques, une hiérarchisation entre les membres initiés et les disciples, avec toutes les cases intermédiaires possibles.

« Croyez-moi, ce n’est pas très difficile de voir quand les gens sont violés, quand leur patrimoine est dilapidé, quand les enfants ne sont pas soignés, quand on a abusé des plus fragiles. Ce n’est pas impossible à discerner, à comprendre, à analyser. » N.S., p. 145

Nicolas Sarkozy est vraiment très fort, et remplacerait efficacement des armadas d’assistants sociaux. Il a d’ailleurs dû se tromper de ministère.

Remarque : c’est assez ignoble et mensonger de dire que ce n’est pas très difficile de voir quand les gens sont violés. Si c’était si simple, ça se saurait. Il peut être intéressant pour le lecteur de savoir que la notion de viol émarge souvent du cliché « spectaculaire » et fait son principal lit dans les sphères conjugales. Le viol prend pour forme principale en France les relations sexuelles conjugales contre le gré de l’un des partenaires, et bien malin qui pourra prétendre, comme N. Sarkozy, que ce n’est pas très difficile à voir.

******
11e maillon : il faut savoir « raison garder » - comme pour la Turquie dans l’Europe

« Si la Turquie était chrétienne, il n’y aurait aucun problème. »
Uluc Ozulker, ambassadeur de Turquie en France, Le Parisien, 11 octobre 2004
Ce paragraphe pourrait s’appeler De l’inconvénient d’être turc : l’acculturation de Sarkozy s’arrête au Bosphore. Voici un panel des réflexions sarkoziennes sur le sujet :

« Rappelons d’abord que 98 % de son territoire n’est pas situé en Europe, mais en Asie. » N.S., p. 149

« L’Europe a, qu’on le veuille ou non, une déclinaison géographique qui s’arrête au Bosphore. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est une réalité qu’on apprend à l’école. Cette dimension exclut la Turquie, au moins de ce point de vue. » N.S., p. 151

Admettons. Mais dans ce cas, il faudrait que N. Sarkozy conclue que Jésus était, selon cette définition, un asiatique, non ?

« L’entrée d’un pays aussi important que la Turquie sur le plan démographique, qui deviendrait rapidement la première nation européenne, et en outre de culture musulmane, même si son état est laïque, risque de changer la nature de l’identité commune et de dénaturer le projet européen. » N.S., p. 151

« En outre, je ne suis pas persuadé que nos concitoyens comprendraient que la première nation d’Europe en termes démographiques dans vingt ans soit une nation de culture musulmane. » N.S., p. 149

Bizarre bizarre. Les gouvernements gaullistes français et les concitoyens de l’époque n’avaient guère de problèmes pour comprendre la présence dans le pré carré français de pays africains, et sous certaines conditions, n’auraient pas rechigné à garder l’Algérie par exemple, dont tout le territoire, paradoxalement, est sur le continent africain.

On lira plus loin :

« On voit bien dans quelle logique nous entraînerait l’adhésion de la Turquie : comment pourrait-on ensuite refuser à l’Algérie, qui était française il y a moins de cinquante ans, ce que l’on reconnaîtrait aux Turcs ? » N.S., p. 150

Soudainement, la peur d’une horde turque armée de quelconques cimeterres et emmenées par un général Mustafa Kemal moderne et sanguinaire refait surface, empruntant en cela le syndrome de Poitiers, sorti tout droit de l’imaginaire collectif des membres du Front National (cf. note 21).

Un autre exemple est ici :

« Intégrer tout le monde en l’Europe, y compris les pays qui ne sont pas européens, c’est prendre le risque de diluer l’identité européenne au profit de la conception anglo-saxonne du grand marché ». N.S., p. 149

« Enfin, nous sommes désormais 25 pays : est-ce que l’élargissement indéfini de l’Europe ne risque pas à terme de diluer l’Europe et donc de l’anéantir ? » N.S., p. 151

De quelle identité européenne parle-t-il ? Quelle est ‘la nature de l’identité commune’ ? Elle n’existe pas - à moins que la blancheur de la peau, toute relative et variant avec la saison, n’en soit le ciment. L’Europe n’est qu’une construction économique, et bien peu sociale. Elle ne porte aucune identité globale, hormis le fait d’être plantée sur une plaque de terre coincée entre Caucase, Oural et Méditerranée. Aurions-nous peur d’une dilution de notre identité, nous-mêmes milk-shakes ambulants de Celtes, d’Allobroges, d’Ostrogoths, de Francs ripuaires, de Lombards et d’Étrusques... ? Signalons que la peur de la dilution d’identité a toujours été le ferment des pensées racistes [54], et ne serait-ce que le mot « diluer » me fait penser à l’une de sauces épaisses et pâteuses qu’on voudrait me faire avaler de force.

Relevons aussi que la référence à la conception anglo-saxonne de grand marché, est gonflée. Il feint de dénoncer le libre-échange, alors qu’il suffit de regarder les octrois de fonds dans le cadre de la Politique Agricole Commune pour comprendre que la loi de la jungle - pardon, d’offre et de la demande - régit les rapports européens ; sans compter qu’en plusieurs occasions N. Sarkozy n’a pas feint de montrer son admiration pour ce modèle « anglo-saxon » qu’il fait semblant ici de mépriser. Le thème de l’intégration dans l’Europe et son conditionnement ne devrait emprunter que des logiques sociales. Ce n’est malheureusement pas le cas, malgré le vœu pieux de N. Sarkozy.

Pour se détendre, on peut comparer le leitmotiv « on ne peut pas intégrer en Europe tous les pays du monde » avec le préambule de la Constitution Européenne qui déclare avec emphase : « Convaincus que l’Europe [...] souhaite [...] oeuvrer pour la paix, la justice et la solidarité dans le monde ». [55]

« Nous avons tout intérêt à stabiliser ce grand pays, qui témoigne d’une prestigieuse civilisation. » N.S., p. 149

Ce genre de phrase embaume la condescendance dont nous avons déjà parlé (médiévalisation de l’islam + bonhomisation de la France profonde). Bourdieu appelait cela les stratégies de condescendance. D’ailleurs, qu’est la France pour prétendre stabiliser un autre pays ? [56] Elle ferait mieux d’arrêter d’en déstabiliser d’autres - je pense à son opération Licorne en Côte d’Ivoire, à la précaution de principe autour du coup d’état du fils Eyadema au Togo, au soutien jusqu’il y a quelques jours de Gaston Flosse en Polynésie, etc.

[Quant à l’idée d’une intégration du Maghreb] « Il y aurait une union économique, mais plus d’union fondée sur une culture commune. Il existe plusieurs façons de tuer l’idée européenne. » N.S., p. 150

Cette culture commune n’existe pas. Quel lien culturel y a t’il entre le Danemark et la Roumanie - hormis la blancheur chrétienne ?

« Il y a également le critère d’une communauté de valeurs démocratiques. La Turquie n’est pas encore un pays aux habitudes démocratiques aussi ancrées qu’en Espagne ou en Suède. » N.S., p. 151

Parlons-en, justement, des habitudes démocratiques :

- de la Suède : pour notre gouverne, entre 1935 et 1976, en Suède, 62000 personnes, dont 93% de femmes, ont été stérilisées. En 1934 puis en 1941, les différents gouvernements ont adopté deux lois de stérilisation à ces fins, autorisant cet acte d’abord pour les « déficients mentaux » puis pour tous les « asociaux » : handicapés mentaux, femmes aux « mauvaises mœurs » ou ne pouvant entretenir leurs enfants, « marginaux », tziganes, mauvais élèves, et toutes personnes perçues comme entraves au développement d’une société moderne ! Ces pratiques, décidées par un Comité national saisi de demandes écrites des hôpitaux psychiatriques, des maîtres d’école, des maisons de correction, étaient, selon les mots de l’historienne Maija Runcis « perçues comme une intervention humanitaire profitable à tous, permettant d’éliminer les maladies et la pauvreté » [57]. Ce n’est qu’en 1997 qu’un journal suédois a révélé au grand public le scandale [58]. Peut-on parler d’habitude démocratique ancrée ?

- de l’Espagne : il est interdit d’éclater de rire sur l’ancrage des habitudes démocratiques de l’Espagne, qui ne commence timidement qu’en novembre 1975 à la mort d’un certain général Franco, et connaît régulièrement quelques hoquets -dernièrement, l’engagement par José Marià Aznar de l’Espagne dans le bourbier irakien n’était pas des plus plébiscités.

- de chez nous : allez, une petite liste des entorses à la démocratie en France. Impossibilité de démettre un élu, non prise en compte du vote blanc ou nul, impossibilité de déclencher un référendum de façon populaire, budgets de l’état occultés, projets présidentiels, caisses noires, pas de droit de regard sur la répartition des impôts, autorités non élues par le peuple (sénateurs, préfets, ministres), impunités parlementaires, ministérielles et présidentielles, caution d’entités illégitimes comme le G8, le quadrilatère de la Banque Mondiale ou le FMI, entretiens de paradis fiscaux et de sociétés de clearing, complicités de crimes politiques ou de génocide non jugées, pillage de pays pauvres et j’en passe.

« J’ajoute qu’à partir du moment où il y a dix nouveaux pays qui viennent d’entrer dans l’Union, dont l’un, la Pologne, a quarante millions d’habitants, le temps est, en tout état de cause venu de faire une pause. » N.S., p. 151

J’aime beaucoup cette phrase, qui laisse paraître que la voix des peuples est essoufflée et que le thaumaturge artisan de l’Europe a, comme Dieu, besoin du repos le 7ème jour de la création du monde... lorsqu’ « il vit que cela était bien ».

******
Quelques inclassables

« L’idéal républicain d’égalité des chances, de méritocratie, de développement de tous les territoires, d’éducation pour tous, reste d’une actualité brûlante ». N.S., p. 19

Très brûlante. À l’heure où ces lignes sont écrites, les lycéens français qui étaient dans la rue au printemps sont traînés en justice pour s’être opposés, entre autres au thème brûlant de l’inégalité des chances - mais comme le disait Luc Ferry le soir du dimanche 20 février 2005 sur France 3, il ne faut pas laisser les enfants décider, nous vivons dans un monde d’adultes.
Je ne savais pas, en revanche, que le développement de tous les territoires relevait de l’idéal républicain. C’est le retour à Charlemagne. Quant à la méritocratie, elle est comme l’ordre public, un concept vide sans référentiel : qui préjuge du mérite de quelqu’un ? Vis-à-vis de quelle valeur morale ? Puisque les valeurs morales développées institutionnellement sont toujours celles de la classe dominante, j’ai bien peur que ce soit la méritocratie sarkozienne, érigée au rang de mamelle de la République, qui soit justement l’une des causes de l’inégalité des chances.

En vrac :

« [...] indépendamment de mes choix personnels, il était naturel qu’en tant que ministre des Cultes, à l’époque, je participe aux grandes fêtes religieuses du principal culte de France. » N.S., p. 154

« Ce qui ne m’empêche pas de retourner dans le combat du monde, parce que c’est ma nature et sans doute ma vocation. » N.S., p. 42

« J’ai toujours eu la volonté de convaincre. Bien avant d’être avocat, déjà au collège ! Pourquoi ? sans doute parce que c’était dans ma nature. » N.S., p. 44

Relevons le nombre de fois que N.S. invoque une quelconque nature, essentialiste, que ce soit à propos de l’Europe, de l’Ordre public ou de lui-même.

« Constatons plutôt que l’Europe centrale et orientale est frappée par une déchristianisation qui s’explique par la fin de la répression communiste. Cette répression, ajoutée à la désespérance marxiste, entretenait en réaction une espérance spirituelle qui permettait d’envisager un avenir plus clément pour ceux qui n’en avaient pas dans leur quotidien immédiat ». N.S., p. 153

« Au cours de notre débat, j’ai très vite senti que Tariq Ramadan était très à l’aise pour développer de longs et harmonieux raisonnements, mais qu’il pouvait perdre pied dès qu’on lui demandait d’être précis et de s’engager. Sa proposition de moratoire sur la lapidation des femmes restera pour moi un grand moment. » N.S., p.80

« [...] mais ne sous-estimez pas les questions de forme pour autant. Les juristes le disent à leur manière : « la forme tient le fond en l’état ». La forme, c’est important, c’est même parfois aussi important que le fond. Je ne suis pas de ceux qui font une différence entre la forme et le fond. Le respect formel des procédures, c’est la garantie des libertés. » [59] N.S., p. 145

« Cela dit, le sport est incontestablement une valeur civilisatrice . » N.S., p. 38

Enfin, voici le passage que je considère comme le plus représentatif du livre de Monsieur Sarkozy. Oscillant entre préjugés classiques et refus de la compréhension des genèses sociales, empruntant quelques glissements faciles et quelques pseudo-causalités opportunes, il annonce ouvertement des lendemains peu chantants. Remarquez, on ne pourra pas dire qu’il ne nous avait pas prévenu.

« Il n’y a aucune cause religieuse possible au racisme et à l’antisémitisme. Attaquer un juif parce qu’il est juif, c’est un acte de délinquance, cela n’a rien à voir avec l’islam ou avec le judaïsme. Il y a trop de complaisance de certains milieux ou de certains militants pour expliquer, ou pire, justifier, des actes de délinquance sous couvert de religion. C’est faire déchoir la religion dans l’arsenal des voyous. Pour ma part, je n’ai pas l’intention d’expliquer cet acte de délinquance et de lâcheté par des raisons religieuses. De la même façon que poser une bombe en Corse n’est pas un acte politique, c’est un crime tout court. Ou que le viol d’une adolescente dans une cave sordide ne souffre aucune explication. C’est un crime odieux, un acte de barbarie que ni la pauvreté, ni le manque d’éducation ou d’instruction ne peut le moins du monde excuser ou expliquer. On n’aime pas les juifs, mais s’il n’y a pas de juifs dans le quartier, on n’aimera pas la personne âgée qui rentre dans le hall de son immeuble ou toute catégorie à qui l’on reprochera simplement d’exister. [...] Voilà bien l’une des maladies du siècle : à force de chercher l’inexplicable, on finit par excuser l’inexcusable. On cherche des raisons et des explications à tout. Forcément, on finit par croire qu’on en a trouvé. Une fois celles-ci installées, répandues, on en arrive à justifier les actes les plus pitoyables et répréhensibles. Il en va ainsi de l’antisémitisme, qui n’est pas plus justifiable parce qu’Ariel Sharon est Premier ministre en Israël, ou du racisme anti-musulman, qui n’est pas plus acceptable parce que Ben Laden arme des exaltés terroristes. [...] La situation au Moyen-Orient, la détresse des Palestiniens, l’Intifada n’ont rien à voir avec l’agression d’un adolescent juif dans une patinoire ou d’une femme qui se rend depuis 20 ans dans la synagogue de son quartier. C’est même insulter les victimes que d’avancer de telles explications. Je ne rentrerai pas dans le piège où sont tombés tant d’autres. En la matière, il n’y a rien à expliquer et tout à réprimer. » N.S., p. 134

Co-Auteurs

Si tout le monde connaît, ou croit connaître Nicolas Sarkozy, qui sont donc Thibaud Collin et Philippe Verdin, co-signataires des entretiens de M. Nicolas Sarkozy ?

Le premier d’entre eux est Thibaud Collin : philosophe agrégé, enseignant en classe préparatoire
(source : www.quartiergay.com/noticias/772.shtml)

Son agrégation de philosophie lui sert à commettre des choses du genre :
« Les Français sont en majorité, sans le savoir, " hétérosexistes "... et probablement la majorité des députés UMP. Ceux-ci risquent de l’apprendre à leur dépens dans quelques mois quand, s’opposant au " mariage " homosexuel, et au nom de la loi qu’ils auront votée, ils seront poursuivis pour propos homophobes. » (Décryptage, 11 juin 2004).

Il milite hargneusement contre le mariage homosexuel. Il est ouvertement homophobe, mais on ne peut pas lui dire, car selon lui l’homophobie est un véritable cheval de Troie libertaire qui sert le Lobby gay. Il l’explique dans le livre Le Mariage gay, Eyrolles, 2005.

Il contribue à Liberté Politique, nouvelle revue d’idées chrétienne publiée par l’Association pour la Fondation de Service Politique, ou AFSp. L’AFSp, créée en 1992, proche de l’Opus Deï, « est un laboratoire d’idées qui travaille à la promotion d’une pensée politique française cohérente avec l’enseignement social de l’Église. S’y retrouvent des Français attachés aux valeurs fondatrices de la civilisation européenne et à la vocation de la France, qu’ils veulent libre, généreuse et souveraine ». Tout un programme. Les activités de cette fondation sont soutenues et financées par deux émanations du Vatican : la sinistre Alliance pour les droits de la vie, présidée par Christine Boutin [60], et la sépulcrale Fondation Jérôme-Lejeune, du nom du tristement célèbre Professeur Lejeune spécialisé dans les commandos anti-avortement. [61]

Considérant que la crise sociale est d’abord une crise morale, l’AFSp est la pierre d’achoppement entre milieux catholiques traditionalistes et néo-conservateurs. Dans cette mouvance se croisent des anti-avortement, des anti-Euro souverainistes, des ecclésiastiques, des anti-État-providence, des élus, des royalistes... On y a remarqué, entre autres, outre Mme Boutin, Philippe de Villiers, quelques membres du MPF (P.M. Couteaux, F. Seillier, D. Souchet...), Patrice de Plunkett (ex-rédacteur en chef du Fig-Mag), François Guillaume (ex-président de la FNSEA), Pierre Chaunu, Jean Foyer et Jean Royer, membres de Démocratie Libérale, Chantal Delsol l’épouse de Charles Millon, quelques historiens révisionnistes de Lyon-III et des patrons comme Yvon Chotard et François Michelin [62]... Ajoutez à cela d’anciens hommes politiques des pays de l’Est, des cadres dirigeants, des ecclésiastiques, des militaires, des juristes, des universitaires, des membres du Club de l’Horloge, etc. Bref, Thibaud Collin est bien entouré.

La revue liberté politique a sa propre agence de presse, Décryptage ; le site, www.libertepolitique.com, est administré par Président Francis Jubert (entre autre vice-président fondateur de l’Alliance pour les droits de la vie, qui nous l’avons dit soutient l’AFSp). En somme, une grande famille. Monsieur Collin y trouve certainement son compte, lui qui est en outre contre le droit à l’avortement. Dans ses luttes pléthoriques, il trouve la force de mener campagne contre l’adhésion de la perfide Turquie à l’Union Européenne (http://www.libertepolitique.com/public/initiatives/petition.php) et il participe également à la Fondation Guilé, notamment en co-signant « Laïcisation et sécularisation, questions pour l’Europe de demain » [63], Actes du 4ème Colloque International de la Fondation Guilé [64], aux côtés de Jean Staune, éminence de l’association Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), association s’infiltrant par tous les orifices possibles dans les plus éclectiques colloques, et dont le but est de réconcilier coûte que coûte science et religion [65].

Il tient par ailleurs des propos fascinants, dont voici deux extraits

Sur le site Christcity (le portail de la nouvelle évangélisation) :
« L’idéologie de la libération sexuelle est encore à l’œuvre quand sous couvert de prévention du sida, on initie les enfants aux pratiques sexuelles et on normalise les relations précoces. »
(in Le cadavre de la révolution sexuelle bouge encore, 2 mars 2001) [66].

Dans le Figaro du 18 mars 2005 :
« [Thibaud Collin] L’enjeu pour lequel lutte le lobby gay, c’est une révolution dans la conception de la sexualité. [...] Si l’on votait une loi en faveur du mariage gay, cela changerait profondément la société. Il y aurait un coût humain important, cela ébranlerait les fondements des relations humaines. [...]
[Laurence de Charette] N’en est-il pas ainsi de chaque évolution de la société ? Le divorce était banni, aujourd’hui les familles recomposées sont nombreuses et la loi s’adapte...
[Thibaud Collin] Quoi qu’on en dise, le divorce est toujours vécu comme un échec. Il a un coût dans la société. Son existence même fragilise le mariage et les individus. Si l’on instaurait le mariage gay, la société se recomposerait à long terme avec un coût qui, selon moi, n’est pas souhaitable. Surtout, cette revendication est la face émergée d’un iceberg vers lequel nous filons, insouciants.
(In Les militants du mariage gay veulent changer la sexualité, Thibaud Collin, interviewé par Laurence de Charette) [67].

Le second s’appelle Philippe Verdin : prêtre et religieux dominicain, 39 ans.
(Source : prev.figaro.net/traitpourtrait/20041026.FIG0202.html)

Arrière petit-fils du général Mangin, ancien louveteau, responsable de la formation des chefs chez les Scouts unitaires de France et aumônier, il se veut l’un des bâtisseurs de la spiritualité scout. Il est l’auteur de l’essai « Les pieds sur terre et la tête dans le ciel, Spiritualité du scoutisme », aux Éditions du Cerf, 2002, et d’un roman, « La Grande tribu », aux Éditions de la Table-Ronde, 2004.

Il est également directeur de la revue Esprit & Vie, revue catholique de formation permanente, qui compte parmi ses plumes des gens comme Thierry Magnin, membre de... l’UIP (cf. note 65), ainsi que de la revue « Signe des Pistes », revue destinées aux scouts catholiques. Il préside accessoirement l’association des Amis du Signe de Piste.
Il a été éditeur des éditions du Cerf, maison d’édition des dominicains, pendant cinq ans, et y a édité le livre qui nous préoccupe, La république, les religions, l’espérance, - ce qui lui a valu dans la presse l’appellation de « confesseur du ministre ».

Ce livre d’entretiens avec N. Sarkozy aurait-il été perçu comme un peu trop libre ? Monsieur Verdin, de façon surprenante, vient de se faire muter au Sénégal, bien loin de la sphère parisienne. Et si le Figaro écrit :

« Au fait, pourquoi toutes ces caisses ?
« Je suis nommé à l’aumônerie de la faculté de Dakar, pour donner un coup de main aux frères dominicains africains. Là-bas, 80% des étudiants sont musulmans. Il y a du travail. » A peine les projecteurs sont-ils tournés vers lui qu’il semble se dérober. Derrière les fines lunettes, les yeux se plissent : « C’est la vie dominicaine... » » [68]

Le site PACTE au Service du Royaume, lui, juge autrement les ressorts de la vie dominicaine :
« Est-ce un hasard d’ailleurs si Philippe Verdin a été brutalement envoyé au Sénégal par ses supérieurs ? Le manifeste laïque que ce jeune dominicain plein d’avenir signe avec Nicolas Sarkozy, « La république, les religions, l’espérance », publié par les Éditions du Cerf, a eu le don de déplaire souverainement aux évêques... L’ex-ministre de l’Economie y exposait largement ses thèses sur la nécessaire réforme (en faveur de l’électorat musulman) de la loi canonique. Aujourd’hui, pour les évêques de France, toucher à la loi de 1905, c’est risquer de perdre le contrôle des innombrables églises construites antérieurement au XXe siècle, qui appartiennent à l’État et sont dévolues à la hiérarchie catholique officielle. » [69]

Enfin, il est semble-t-il très d’accord avec Thibaud Collin et ses thèses homophobes, flattant la croupe des mêmes idées réactionnaires et trempant son esprit dans les mêmes auges conservatrices que son co-auteur et affidé - pour s’en convaincre, contempler la revigorante et primesautière revue du livre de Collin Du mariage au bordel : l’offensive idéologique du lobby gay, publié le Lundi 20 Juin 2005 sur http://prodeo.over-blog.com/article-490219.html.

En cadeau

Un entretien avec Philippe Verdin, Editeur du livre de Nicolas Sarkozy La République, les religions, l’espérance.

Pourquoi avoir proposé à Monsieur Nicolas Sarkozy de publier un livre d’entretiens sur les religions ?

J’ai découvert, au premier semestre 2003, dans la presse, l’engagement du ministre de l’Intérieur pour faire avancer l’invention du CFCM (ndlr le conseil français du culte musulman), son souci de rencontrer les évêques français, sa volonté de rassurer la communauté juive. J’ai pensé que la France avait pour la première fois depuis longtemps un ministre de l’Intérieur qui s’intéressait aux cultes, qui envisageait la relation de la République avec les religions de manière sereine, inventive, bienveillante et féconde. Dés lors, je lui ai proposé ce livre d’entretiens. Il a accepté rapidement, après que nous ayons fait connaissance au ministère de l’Intérieur.

Proche des milieux Villepin, Gaymard, avez-vous découvert un homme éloigné de l’image que vous pouviez en avoir ? Comment définiriez-vous Nicolas Sarkozy ?

J’imaginais Nicolas Sarkozy comme une sorte d’Astérix le gaulois, petit teigneux plein de malice et d’ambition. J’ai découvert un homme à la vivacité intellectuelle remarquable, un homme passionné, un homme qui écoute - ce qui est rare en politique - les engagements de ses interlocuteurs, surtout s’ils ont un art de vivre différent du sien. Il a beaucoup d’imagination et de culot. Je trouve qu’il ressemble finalement beaucoup au Président de la République : il aime les gens, se passionnent [sic] pour leur vie, a un immense talent d’orateur et une grande fidélité. En outre, comme Jacques Chirac, il n’est pas idéologue, mais pragmatique. Il s’appuie surtout sur son expérience pour inventer des solutions aux problèmes embourbés. J’ai été en outre frappé de la qualité et de la rigueur de son travail, remarquablement relaillés [sic] par une équipe qui l’a suivi de la place Beauvau à Bercy et l’accompagnera sans doute à l’UMP.

Que retenez-vous de ces entretiens ?

Je retiens de ces entretiens que Nicolas Sarkozy me paraît avoir la stature d’un chef d’État. En politique, avec des personnalités comme la sienne, on peut imaginer que des problèmes compliqués et des situations coincées, dans l’impasse trouveront leurs solutions, à force de concertation, d’imagination, de courage et de talent. Même si on n’est pas d’accord avec toutes ses initiatives ou ses prises de position, on ne peut que reconnaître son courage, son opiniâtreté et son talent.

Un père dominicain qui confesse un politique, de surcroît Ministre d’État, que vous inspire cette image ?

En réalité, je n’ai pas confessé, mais j’ai dialogué. Nicolas Sarkozy, avec ce livre, affronte un tabou de la politique française qui choisit depuis longtemps la défiance ou le dédain vis-à-vis des religions, ignorant en aveugle le rôle important qu’elles jouent dans l’âme de la Nation, dans le fonctionnement de la société et dans la vie de beaucoup de citoyens.

Propos recueillis par Julien Serey.

Extrait du site Comité des jeunes avec Sarkozy

Annexe

Fiammetta Venner répond à Primo-Europe

Richard Monvoisin

[1] L’AFIS publie une excellente petite revue, Science & Pseudo-Science (SPS), et gère un site,
À l'instar de Charles VII, qui accepte de se faire sacrer sur injonction de Jeanne d'Arc, non pour, comme elle le croit, être en rapport avec Dieu, mais pour avoir une longueur d'avance et cacher son illégitimité sur Henri V d'Angleterre, auquel pourtant le Traité de Troyes, signé par un Charles VI un peu ébréché de la cafetière, confiait la régence de la France. À titre informatif, le champion de ce genre de manœuvre politique concordiste fut sans conteste Bonaparte.

Avez-vous remarqué que la crêpe retombe dignement dans la poêle quand personne ne vous regarde, et choit lamentablement dans le tas de poussière près du balai dès qu'un quelconque jette un œil sur vous ?

Je ne suis pas loin de penser que, la nationalité n'incombant à une personne que par le plus pur des hasards, il n'y pas beaucoup de raisons moralement justifiables d'être fier ou honteux de son pays d'origine, - et donc peu de raisons valables d'être contraint de préciser sa provenance. Chaque individu a le droit de se revendiquer d'un creuset culturel comme la France, le Cambodge ou le Kabinda, mais à mon avis aucune institution ne devrait en exiger la stipulation sur des papiers d'identité.

Odon Vallet, Petit lexique des idées fausses en religion, Albin Michel, 2002, pp.30-32<br />

En boucle, la diffusion, pas le pape - qui était assez dégarni.

Bourdieu P. Contre-feux, le sort des étrangers comme Schibboleth, Raison d'Agir, 2002, p. 22.

Il n'est évidemment pas question de stigmatiser les petits commerçants mais de pointer nos petits foyers ladres et jaloux les uns des autres, vivotant à peine mais préférant se faire concurrence, houspiller l'ouvrier arabe qui mange le pain des français et conspuer le fonctionnaire paresseux, l'instit fainéant plutôt que s'approprier sa révolte. J'emprunte ce terme à celui qui contre toute attente reste encore un modèle politique pour de nombreux français, Napoléon, qui parla de « l'Angleterre, cette nation de boutiquiers » dans un sens je crois assez proche.

>Haut savoyards et limougeauds peuvent être remplacés sans grande perte de substance par d'autre

Bon, c'est pour rire un peu. La consanguinité, forcée, comme le crétinisme - dû principalement au manque d'iode - n'ont pas grand-chose à voir avec la stupidité politique. Mais des fois, ça fait du bien de craquer un peu.

Fight Club, film de David Fincher, 1999.

Pour une introduction lapidaire, lire [la déclaration interdite de Ravachol->http://infokiosques.net/imprimersans2?id_article=10" class="spip_out">pseudo-sciences.org sur infokiosques.net

[13] Au cas où :
Les agnostiques ne nient pas l’existence du divin mais la possibilité présente ou définitive d’en avoir connaissance.
Les athées considèrent que le besoin d’une divinité n’est qu’un élément de renfort psychique, une sorte d’antidépresseur.

[14] Ce qui prouve bien que Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part, même pas sur le Mur de Jérusalem.

[15] Cela ne semble malheureusement pas suffisant : ouvrir un magazine dit « féminin » nous condamne à 3 genres d’articles. Les articles mode / bijoux / tendance (femme objet sexuel), les articles bébé / grossesse / famille (femme pondeuse), et l’ésotérisme-facile-chez-soi, astrologie, horoscope chinois, psychogénéalogie, je-suis-mon propre-médecin-en-8-jours, etc. (en clair, contre-culture bon marché).

[16] Pour une introduction sur la question, Françoise Héritier, Masculin / Féminin, la pensée de la différence, Odile Jacob, 1996.

[17] Mais « le droit au rêve a pour pendant le devoir de vigilance », nous répète Henri Broch, dans son livre « Au cœur de l’extraordinaire », Ed. Book-i-book.com, 2002.

[18] Pour une réfutation puissante de plusieurs types de finalismes ou de téléologies, on lira avantageusement Dubessy, Lecointre & al. Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Syllepse 2001, ainsi que le récent Dubessy, Lecointre, Silberstein & al, Les matérialismes et leurs détracteurs, 2004, même édition.

[19] Un chaâba est un de ces bidonvilles dans lesquels habitaient les immigrés algériens des années 50. Ce mot est célèbre depuis le film « le gone du chaâba », réalisé par Azouz Begag en 1997 - qui a par ailleurs réalisé l’impressionnante prouesse de mettre à jour certains éléments de genèse sociale de la misère & d’appartenir à l’UMP, qui a une tendance récurrente à nier ces éléments ou à en naturaliser les symptômes. Il a accepté de rentrer en 2005 au gouvernement de De Villepin en tant que ministre délégué à la Promotion de l’Égalité des chances, ce qui ne laisse pas d’inquiéter sur sa probité quand on regarde le recul des acquis sociaux, notamment en terme d’égalité des chances et d’accès égalitaires aux biens publics, orchestré par le « clan » de Jacques Chirac ces dix dernières années.

[20] On pourrait évoquer à ce sujet ce que d’aucuns appellent le « syndrome de Poitiers », hantise que l’inexorable chevauchée musulmane reprenne 1300 ans après avoir été difficilement stoppée par Charles Martel.

[21] Olivier Tschannen, Les théories de la sécularisation, Genève, Droz, 1992.

[22] Et Kandjare d’ajouter : « L’exemple le plus criant (car, peut-être, le plus gros qui perdure) est celui du "Moyen-Âge " (voir notamment à ce sujet, Régine Pernoud, Pour en finir avec le Moyen-Âge, Paris, Seuil, 1977). Au 16e siècle, certains théoriciens affirmaient qu’ils vivaient une période de « renaissance » de l’antiquité. Ils effaçaient ainsi d’un trait, le fait que les références à l’antiquité n’avaient pas disparu durant la période qui se vit taxée, au mieux, de « précédente », au pire de « Moyen-Âge »... Dès lors le message est passé et s’est transformé en vision historiographique quasi-dogmatique faisant de cette période un trou noir irrécupérable, alors que la richesse de cette période qu’on occulte très souvent, fut marquée de vives tensions structurelles entre centralisme et autonomisme. On pourrait aussi citer la représentation historiographique qui a construit le mythe des "rois fainéants" ; mythe certainement développé par les chroniqueurs du régime carolingien afin de dénier les prédécesseurs mérovingiens, histoire, entres autres, de se donner plus de prestige et de légitimité. »

[23] En juillet 1998, plusieurs jeunes scouts et un plaisancier avaient trouvé la mort à cause de l’incurie de l’Abbé Cottard, ayant envoyé les adolescents faire de la voile par mauvais temps pour les aguerrir. Soulignons qu’ hormis une mère, aucun autre parent des victimes n’a voulu accuser l’abbé, estimant que la conduite de ce dernier ne relevait pas de la justice des hommes.

[24] Je ne parle même pas des cas comme celui du prêtre François Lefort, grand « humanitaire » condamné entre autres pour le viol de mineurs sénégalais le 24 juin 2005.

[25] Pour une (légère) décharge de N. Sarkozy, il écrit page 47 : « Je ne veux pas réduire les religions à leurs caricatures si communes : l’intégrisme de l’islam, la position du pape sur le préservatif, face à l’évidence que l’acte sexuel n’est pas lié seulement à la reproduction, mais aussi au plaisir, le refus d’ordonner des femmes prêtres. Ces discussions ne portent pas forcément à l’apaisement dans les débats de société. L’engagement religieux peut être synonyme d’ouverture. » Très flou, très politique. Mais le cacher eut été accommoder le propos.

[26] Le pire scénario sur la question a échu à Ian Plimer, qui y a laissé sa chemise et sa santé ; pour plus d’information, lire Science contre créationnisme en Australie, in Dubessy, Lecointre & al, 1997, pp.271-280, ainsi que G. Lecointre, Anatomie d’un titre, même volume, pp. 23-68.

[27] in René Rémond, l’anticléricalisme en France de 1815 à nos jours, Éditions Complexe, 1992, p. 295

[28] Les situations au Togo et en Côte d’Ivoire, pour ne prendre que ces deux exemples sont des situations coloniales, dont il ne faut pas attendre l’instruction du procès avant au moins 15 ans (comme pour le Rwanda). Si vous souhaitez devancer ce délai « réglementaire », voir entre autre le communiqué de presse de Survie du 8 décembre 2004 « Fermer les bases militaires de la Françafrique », et le tout frais « Le choix volé des Togolais. Rapport sur un coup d’État électoral perpétré avec la complicité de la France et de la communauté internationale », ouvrage collectif, L’Harmattan, 2005.

[29] Kandjare souligne encore le message colonisateur plus ou moins subliminal : après avoir reconquis militairement « nos » banlieues sous les cris de ralliement du genre : « il faut reconquérir nos banlieues », patenôtre des prédécesseurs de N. Sarkozy, on va leur envoyer nos prêtres missionnaires pour que tout rentre dans le droit chemin et brimer toute contestation à l’encontre des pouvoirs normatifs... Le prêtre qui épaule le militaire ou qui devient même moine-soldat : c’est le schéma classique des missions évangélisatrices, qu’elles soient teutonnes et suédoises au XIIIe siècle pour aller convertir les « barbares » grouillants de l’Europe de l’Est, qu’elle soit orthodoxe ou païenne au XVIe siècle pour aller « civiliser » les « sauvages » d’Amérique, ou œcuménique au XIXe siècle pour imposer la « sainte et blanche » bible en Afrique.

[30] Rappelez-vous : p. 119, Je me suis toujours dit qu’il y avait de l’arrogance dans la certitude de la non-existence divine. Je trouve qu’il y a encore plus d’arrogance dans la certitude de l’existence divine, surtout lorsque cette existence nous place au centre de sa Création.

[31] Effet puits : « plus un discours est profond, profond dans le sens de creux, plus les personnes qui l’écoutent peuvent se reconnaître et se reconnaître majoritairement dans ce discours » (Broch H., Le paranormal, Seuil, 2001, pp. 194-195). C’est l’un des phénomènes psychologiques classés d’ « effet Barnum », décrit par le psychologue B.R. Forer. Lire par exemple
http://charlatans.free.fr/effet_barnum.shtml ou http://www.sceptiques.qc.ca/SD/forer.html.

[32] [...] tous ceux qu’on appelle les « travailleurs sociaux » - assistantes sociales, éducateurs, magistrats de base et aussi, de plus en plus, professeurs et instituteurs - constituent ce que j’appelle la main gauche de l’État, l’ensemble des agents des ministères dits dépensiers qui sont la trace, au sein de l’État, des luttes sociales du passé. Ils s’opposent à l’État de la main droite, aux énarques du ministère des Finances [...] », P. Bourdieu, Contre-feux I, Liber-Raisons d’Agir, 1998, p.9
« [...] ceux que l’on envoie en première ligne remplir des fonctions dites « sociales » et suppléer les insuffisances les plus intolérables de la logique du marché sans leur donner les moyens d’accomplir vraiment leur mission. » ibid, p. 11.
http://www.homme-moderne.org/societe/socio/bourdieu/lexique/m/maingauche.html

[33] Avouons que c’est assez énorme d’entendre ça. Il s’agit de faire un virement bancaire de l’argent public vers l’argent du culte, et, comme un virement, ça passe comme une lettre à la poste !

[34] La mise en gras est de mon fait. RM

[35] Il a d’ailleurs reçu un IgNobel de la paix pour sa reprise des essais nucléaires en Pacifique le jour du cinquantième anniversaire d’Hiroshima, en 1996. Voir http://www.improb.com/ig/ig-pastwinners.html#ig1996.

[36] On pourra utilement se référer sur la question à Odon Vallet, op. cit. pp. 118-122

[37] La première démythification remonte à Pierre Larousse, dans son Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle. Voir à ce sujet Broch H., op. cit., 1989, p 109.

[38] célèbre pour ses pantalons.

[39] Vallet O., op. cit. pp.266-267

[40] « Un racisme à peine voilé » de Jérome Host, La Flèche Production, 2004.

[41] Le descriptif de ces accords est fait dans l’ouvrage de N. Sarkozy, page 23, sous forme de note :
« Les relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège ont été rompues à la veille de la promulgation de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. En effet, cette loi mettait fin au Concordat de 1801 de façon unilatérale. À l’issue de la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a cherché à se rapprocher du Saint-Siège, ce qui a donné lieu à des échanges de lettres entre Aristide Briand, alors président du Conseil, et ses successeurs et Mgr Ceretti, représentant du Saint-Siège à Paris. Ces échanges de lettres diplomatiques, appelés « accords Briand-Ceretti », avaient pour but de trouver des solutions à différents problèmes liés à la loi de séparation, en particulier celui des associations diocésaines. »

[42] À ce propos, lire Bricmont, comment peut-on être positiviste ? Dogma, et encore Pour un monisme méthodologique, du même auteur.

[43] Essayez de vous installer sur le chemin des Ermites, au Saint-Eynard, près de Grenoble. Je pense que 3 mois à peine s’écouleront avant que l’on ne vienne vous réclamer une taxe d’habitation.

[44] Consociativisme : terme trop peu usité, emprunté à Arend Lijphart, désignant notamment un système de concertation entre élites partisanes, aboutissant à une pratique consensuelle du pouvoir politique et à l’existence de coalitions qui en deviennent majoritaires.
Attention : je ne connais pas correctement, et donc me garde de recommander les travaux d’A. Lijphart.

[45] Le refrain est le suivant : « Escrocs, pourris, bons à rien, vous qui rêvez d’être des gens biens, dev’nez la Roll’s du citoyen, dev’nez politiciens ». Soldat Louis, Juste une gigue en do, Pavillon noir, 1990.

[46] Pour une jolie et claire entrée en matière, se procurer « Initiation à une sociologie critique, lire Bourdieu » d’Alain Accardo

[47] Pour ne donner qu’un exemple local, la Charade, la Loupiotte, la Mordue, Golgoth-AXXX, la traverse des 400 couverts, squats politiques de Grenoble et de ses alentours, développent ou ont développé des modes de gestion de ce type. Il est surprenant que ces lieux aient été expulsés manu militari, ou soient en instance d’éviction à l’heure d’écriture de ces lignes, alors que l’alternative qui tente d’y être développée dépasse d’assez loin en finesse et en projection politique les oeuvres sociales étatiques ou communales. Pour plus d’information, http://www.inventati.org/nebuleuse/

[48] Sans entrer dans les (sinistres) détails, Haïti, Côte d’Ivoire, Congo, Tchad, Burkina Faso, Rwanda... pour une excellente étude de ces rapports françafricains, voir l’œuvre du regretté F-X. Verschave, dont la Françafrique, le plus gros scandale de la République, Stock 1998 ou Noir Silence, Les Arènes 2000, ainsi que les éditions Agone.

[49] Vallet O. op.cit., p. 220

[50] Lire notamment le texte de Raphaël Verrier intitulé Loi anti-secte. Le remède empoisonné d’un mal imaginaire, accessible sur le site du collectif « les mots sont importants ». Ce texte passe notamment au peigne fin les critères sur lesquels la commission de loi a tenté de définir les "sectes" à interdire. L’auteur du texte montre le caractère flou, voire amalgamant, de ces critères qui, s’ils étaient strictement appliqués, mettraient du "beau monde" hors-la-loi - en l’occurrence tout ce qui peut ressembler à des rassemblements collectifs idéologiques comme l’État, les religions, les entreprises privées, l’Education nationale, l’armée, les partis politiques, la famille, la plupart des associations... Par exemple, la loi évite soigneusement d’inclure l’Opus Dei dans sa liste, alors que cette organisation, qui s’avère être "ouvertement occulte", rentre convenablement dans ces critères. Mais il faut imaginer que si ça avait été le cas, beaucoup de membres de la caste dirigeante, ainsi que leurs partenaires européens, auraient été fâcheusement compromis (Christine Boutin, Hervé Gaymard, Raymond Barre, Louis Schweitzer, Didier Pineault-Valenciennes...). Kandjare me fait cette remarque : « C’est comme si ces critères se voilaient un peu la face : en voulant traquer uniquement les pouvoirs "occultes", on faisait ellipse sur les pouvoirs "visibles", qui ont probablement plus de poids sur le quotidien de la plupart des individus et qui marquent les populations d’empreintes structurales, lesquelles s’avèrent être en général sources de domination... Le problème de cette loi et de ses critères, c’est leur caractère partial sous couvert d’objectivité (objectivité qui avait alors été soigneusement préparée par la plupart des médias). Cette loi soulève ainsi des craintes puisqu’elle peut menacer les libertés "publiques" (ou privées, c’est comme on veut). Au cours de son élaboration, elle a ainsi pu être tentée d’amalgamer dans ses critères, des pratiques pas très normatives qui, de surcroît, contestaient radicalement les structures de pouvoir. Maloka, un collectif anarchiste dijonnais, a reçu la visite d’un membre de cette commission qui enquêta avant de rendre son rapport qui allait aboutir à la loi anti-secte en 2000-2001. Ce qui semblait avoir mis la puce à l’oreille de la commission, c’était le végétalisme revendiqué par ce collectif à travers une remise en question matérialiste de l’exploitation animale (ce qu’on appelle l’anti-spécisme). Même si ce collectif ne fut pas classé au final dans la liste des "sectes", la démarche inquisitoriale (au sens premier juridique) dont il fut l’objet, montre que tout-e ce qui sort des normes sociales peut être vite soupçonné-e d’illégitimité ou de dangerosité. Par ailleurs, dans son texte, Raphaël V. note que c’est à partir d’une loi similaire que Mussolini s’était lancé dans la répression contre le Parti Communiste Italien dès son arrivée au pouvoir en 1922 » .

[51] Le caodaïsme emprunte aux bahaïs la vénération d’Abraham, Moïse, Zoroastre, Bouddha, Jésus et Mahomet, mais aussi Lao-tseu, et Confucius ; surtout, elle reçoit des messages spirites d’Allan Kardec, de Jeanne d’Arc ( !), Descartes, ( !!), Camille Flammarion ( !!!), et Victor Hugo, à tel point que son portrait est déposé dans certains oratoires de ce culte. Je ne l’invente pas, c’est sur http://lecaodaisme.free.fr/Html/histoire-philo-gobron_02.htm.

[52] Sur la question du populisme, on pourra lire Meny Y., Surel Y., Par le peuple, pour le peuple, le populisme et les démocraties, Fayard 2000.

[53] Sur la question des déviances et de leur emploi politique, il existe de nombreux ouvrages : la notion de folie, Foucault M. Histoire de la folie, sur la notion de déviance Becker Howard S., Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, coll. « Observations », 1985, sur la notion épistémologique de pathologie, voir Canguilhem G., Le normal et le pathologique, Paris, Presses Universitaires de France, 1966.

[54] Un exemple ? http://www.francaisdabord.info/editorialgollnisch_detail.php ?id_inter=3 , dernier paragraphe.

[55] http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/site/fr/oj/2004/c_310/c_31020041216fr00030010.pdf

[56] Ca me rappelle un pseudo-élu guinéen de la ville de Kindia qui me disait en 2001 : « vous les français, là, vous me faîtes bien rire. Vous venez chez nous jouer les professeurs de démocratie, mais nous, au moins, on ne fait pas voter nos morts » (Allusion à l’élection calamiteuse de la mairie de Paris)

[57] Le Monde, 27 août 1997. Voir également http://www.historia.su.se/personal/maija_runcis et son livre Maija Runcis, Sterilisation in the Swedish Welfare State. Stockholm University. Ardfront, Stockholm, 1998.

[58] Il s’agit de Maciej Zaremba, dans le Dagens Nyheter. Pour toucher du doigt les « délais réglementaires » dont nous parlions plus haut (cf. note 29) on peut se reporter à http://www.lexpress.presse.fr/info/monde/dossier/suede/dossier.asp ?ida=418470 : « Mais dès 1986, deux journalistes de l’agence de presse nationale suédoise avaient révélé l’affaire au public. En 1991, un journaliste de la radio suédoise, Bosse Linqvist, avait consacré une série d’émissions aux victimes, en diffusant sur les ondes leurs témoignages. Mais, à l’époque, il n’y avait pratiquement pas eu de réactions ». D’autres infos sur http://michel151.chez.tiscali.fr/A.M.I./AMI_Accueil.html, le site de l’Association Nationale de Défense des Malades Invalides et Handicapés.

[59] Les mises en gras sont de mon fait. RM

[60] L’ADV a pour objet de " promouvoir sur le terrain social, politique et culturel, les initiatives des personnes, physiques ou morales ; des individus ou partis, décidés à agir sur le terrain de la défense de la Vie, des droits qui sont attachés à toute vie humaine, et en faveur du rayonnement de la France, fille aînée de l’Église, chaque fois que ses intérêts vitaux sont menacés, en se donnant , grâce au Fonds commun pour la vie, les moyens nécessaires à la réalisation de son objet ". Leur principale activité est l’organisation de comités anti-IVG et à faire pression sur les parlementaires lors des débats portant sur la bioéthique. Le site de cette joyeuse association bon-enfant ( !) est http://www.adv.org/

[61] Voir http://www.reseauvoltaire.net/article1937.html

[62] Voir http://www.humanite.fr/journal/2002-09-20/2002-09-20-40080

[63] Voir http://www.thesisverlag.ch/guile-laicisation.htm

[64] La fondation Guilé est un " centre européen de spiritualité ", émanant de l’Ordre des Légionnaires du Christ et tournée vers les hommes d’affaires et les décideurs. Cet ordre a été fondé le 3 janvier 1941 par un laïc mexicain, Marcial Maciel dont l’idée première était de former de très jeunes garçons à « devenir de petits soldats du Christ ». Pour les y contraindre : éducation paramilitaire et discipline « de fer », afin de devenir le bras armé du Vatican. La fondation Guilé, excroissance de cette Légion, est.installée dans le château de Boncourt, près de Bâle, offert par un milliardaire suisse, le cigarettier Charles Burrus.
Voir Le Monde diplomatique - décembre 1996, Réseau Voltaire et Charlie Hebdo (22.12.2004). Lire aussi http://www.unadfi.com/actualite/themes/legionnaires_christ.htm

[65] Voir sur ce sujet l’article « L’Université Interdisciplinaire de Paris » de Guillaume Lecointre, paru dans Science & Pseudo-Sciences N°244 ou la Newsletter N°9 de l’Observatoire Zététique. Quelques personnalités ayant fait les frais de la technique de la « photo de famille » de l’UIP, les responsables de l’Année Mondiale de la Physique à Grenoble ont eu la présence d’esprit, avec le soutien de l’Observatoire Zététique, de déloger l’UIP d’une table ronde d’Avril 2005 qu’elle avait totalement phagocyté - même le modérateur était l’un d’eux.

[66] www.christicity.com/4daction/web_gen_mail/fsp/78

[67] Texte disponible sur http://www.minorites.org/article.php ?IDA=7529

[68] Philippe Verdin, le confesseur de Nicolas, par Bertrand Galimard Flavigny, Le figaro, 27 octobre 2004

[69] http://site.pacte.free.fr/pacte/89/pacte89a.htm Il faut dire que Pacte, diffusée notamment à l’église Saint-Nicolas du Chardonnet, n’est pas une revue plaisantine : l’abbé Guillaume de Tanoüarn (vicaire de l’église et chef de la rédaction) et Claude Rousseau (collaborateur) ont été poursuivis pour diffamation, injures à caractères raciste et provocation à la haine raciale. Dans un article, Rousseau avait comparé les Arabes à des « prolétaires exotiques » et les juifs à des « financiers transnationaux ». Il existe une « solidarité foncière entre ces deux mondes », une « collusion d’intérêts » pour affaiblir la France. Il avait ajouté que les Maghrébins sont des « benladenistes en herbe », que les « arabes envahissant Lutèce, Lugdunum ou Phocée, c’est la France qu’ils menacent d’étrangler ». La Ligue des droits de l’Homme s’était portée partie civile. Ils furent condamnés le 17 octobre 2003 à 3000 Euros d’amende chacun.