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Dossier Sarkozy et la droite (1)
http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=955
La nazification de Sarkozy n’a pas empêché
une partie significative des travailleurs de voter pour lui
Cinq années de propagande inepte de la gauche (en partie
grâce au futur « traître » Eric Besson !),
de l’extrême gauche et d’une grande partie des
libertaires n’ont servi qu’à renforcer l’image
positive de Sarkozy et de l’UMP auprès d’une
partie des petits salariés et des plus démunis comme
en témoignent les résultats des élections présidentielles
et législatives.
Selon Jacques Serieys (http://www.prs12.com/article.php3 ?id_article=3323),
au premier tour des présidentielles, Sarkozy a obtenu 17
% des voix chez les ouvriers ; 25% chez les employés ; 28%
chez les professions intermédiaires (agents de maîtrise)
et professions intellectuelles (enseignants) ; 31% parmi les cadres
et 37% chez les chefs d’entreprise, commerçants et
artisans.
Si l’on tient compte de l’appartenance syndicale Sarkozy
a obtenu chez les adhérents de la CGT : 11% ; FO : 20 % ;
CFDT : 20 % ; UNSA : 20 % ; CGC : 60 % ; et enfin, cerise sur le
gâteau, MEDEF et CGPME : 96 %. Quant au second tour Sarkozy
a obtenu 46 % chez les ouvriers et 49 % chez les employés
- du moins chez ceux qui ne se sont pas abstenus, c’est-à-dire
un bon paquet. Qu’est-ce qui a poussé les électeurs
à voter pour Sarkozy ? Quand les instituts de sondage les
ont interrogés sur leur motivation principale, entre «
plus d’ordre et plus d’autorité » ou plus
de libertés individuelles, 83 % des électeurs de Sarkozy
ont choisi, on l’aura deviné, la première solution.
Mais on notera aussi que, avant l’élection, 60 % des
électeurs favorables à Sarkozy identifiaient leur
petit réac chéri à l’idée d’un
changement profond, alors que ce n’était le cas que
de 30 % des électeurs de Ségolène Royal. La
propagande grossière et mystificatrice de l’UMP contre
« l’immobilisme » (y compris donc son propre immobilisme
puisqu’au cours des trente dernières années
la droite a été au pouvoir presque la moitié
du temps) a apparemment fonctionné. En tout cas, ce qui nous
semble évident c’est que l’assimilation de Sarkazy
au (néo)fascisme, à Vichy II, à Hitler, ou
même au bushisme, au berlusconisme, à l’aristocratie
hongroise, en bref au « Parti de l’Etranger »
a été non seulement stupide sur le plan politique
mais contreproductive sur le plan électoral. Ou alors il
faudrait en déduire qu’un bon quart de la classe ouvrière
est composée de (néo)fascistes, de pétainistes
et de bushiens. Et il faudrait ajouter aux électeurs sarkozytes
ceux du Front national : rappelons qu’en 2002 un ouvrier sur
quatre et 23 pour cent des électeurs gagnant moins de 1500
euros ont voté pour Le Pen.
Evidemment une telle conclusion (un quart des prolétaires
seraient des électeurs (néo)fascistes), personne,
dans la gauche ou l’extrême gauche parlementaires, n’ose
ni la faire, ni en tirer les conséquences éventuelles.
Les accusations de « fascisme » sont lancés de
façon purement démagogique, et ceux qui les utilisent
ne savent le plus souvent même pas ce que ce mot signifie
(2). A notre avis, même si ce n’est évidemment
pas le seul facteur expliquant l’élection de Sarkozy
et la victoire de l’UMP au second tour, la propagande mal
ciblée contre le futur Président a surtout fait le
jeu de la candidate PS qui s’est présentée en
rempart de l’« ordre juste » contre le «
désordre » sarkoziste. Avec le résultat que
l’on sait...
En second lieu, elle a involontairement fait le jeu de la droite
(qui a réussi à attirer une bonne partie des voix
du Front national, d’ailleurs lui-même qualifié
à tort de « fasciste » depuis 20 ans, sans que
cela lui fasse jusqu’ici perdre la moindre voix aux élections)
en faisant passer Sarkozy pour une victime. Lui le « fils
d’immigré » qualifié de « fasciste
», voire de « nazi » ? Lui un « bushien
», un « traître à la Nation » alors
qu’il n’arrête pas de faire l’éloge
du général de Gaulle ? etc. Plutôt que de se
concentrer sur son programme économique et social, clairement
opposé aux intérêts des travailleurs, une bonne
partie de la propagande anti-Sarkozy s’est échinée
à faire de lui plus qu’un simple ennemi de la classe
ouvrière. Un monstre. Et la caricature s’est finalement
retournée contre ses auteurs. Quand une analyse ne marche
pas il y a deux solutions :
- continuer comme avant. Apparemment, c’est ce qu’ont
décidé de faire la gauche comme l’extrême
gauche parlementaires, voire des franges encore plus radicales qui
nous promettent soit le (néo)fascisme pour demain soit des
insurrections dans les banlieues et autres prédictions apocalyptiques.
La Gauche pourrielle et les organisations trotskystes ont fait,
après l’élection présidentielle, de grands
moulinets afin de nous inciter à aller voter pour elles aux
législatives de juin 2007. Et malgré la veste qu’elles
se sont prise, elles ont quand même toutes eu le culot de
trouver quelque chose de positif à leurs résultats
électoraux, oubliant que l’abstention était
passée de 16 à 39 % entre les présidentielles
et les législatives de 2007. Pas mal pour des partisans de
la démocratie électorale...
D’autres, anarchistes, libertaires, etc., veulent se (et
nous) doper aux amphétamines d’un antifascisme mythologique.
Or comme comme nous devrions tous le savoir, les partis «
antifascistes » chaque fois qu’ils se sont retrouvés
au pouvoir ont fait marner les ouvriers autant que leurs prédécesseurs.
- Ou alors reconnaître que l’on s’est lourdement
trompé et se demander ce qui a pu clocher dans les analyses
avancées depuis 5 ans contre Sarkozy. Les articles de ce
dossier consacré à Sarkozy et la droite, donnent quelques
éléments pour mieux comprendre qui était Sarkozy
avant son élection et comment il a pu devenir président.
En tout cas nous sommes sûrs que le président actuel
n’a rien d’un nazi, d’un fasciste, ni même
d’un libéral (1) pur jus, même s’il est
bien sûr un fervent adepte du Capitalisme et de l’esclavage
salarié.
Y.C.
1. La notion de « libéralisme » est une notion
très ambiguë pour ses partisans comme pour ses adversaires
confus. A droite, elle est le prétexte pour critiquer les
actions « redistributrices » de l’Etat (qui consiste
à prendre les cotisations sociales versées par les
célibataires, les bien-portants et ceux qui ont un boulot
fixe pour les redistribuer à ceux qui ont des enfants, qui
sont malades ou chômeurs), sauf quand elles se font en faveur
des patrons (on n’a jamais vu un patron protester contre une
subvention ou une loi anti-ouvrière). A gauche et à
l’extrême gauche, elle est une façon de réclamer
l’étatisation (partielle ou totale) du Capital, sans
pour autant appeler au renversement du capitalisme, à la
suppression de la hiérarchie, du salaire et de la division
du travail. Dans les deux cas, les mots « libéralisme
» ou « néo-libéralisme » empêchent
d’envisager même la possibilité de supprimer
le salariat, comme mode d’exploitation. C’est pourquoi
nous préférons ne pas les utiliser.
2. Sur le site néo-stalinien Bellaciao, Jacques Richaud
(http://bellaciao.org/fr/article.php3 ?id_article=47317) affirme
ainsi doctement, à partir de quatre citations de Sarkozy
associant les mots « liberté » et « travail
», que la devise « Arbeit macht frei » (Le travail
rend libre) figurant au fronton des camps de concentration aurait
inspiré l’UMP !!! Il ignore, tout comme les sites Indymedia
et même ceux de la CNT-AIT sur lesquels on a pu lire des «
raisonnements » aussi creux et ridicules, que l’on peut
retrouver ce genre de rapprochement entre « travail »
et « émancipation » chez toutes sortes de gens,
des féministes à Tony Blair !
Le dénommé Richaud va jusqu’à affirmer
que les nazis auraient commencé par introduire un certain
nombre de mots dans le vocabulaire politique et à les banaliser
pour mieux s’emparer du pouvoir. Il n’a sans doute jamais
entendu parler du premier putsch manqué de Hitler à
Munich en 1923, des corps francs, des sections d’assaut (SA
ou chemises brunes) du NSDAP, de tous ceux qui pendant dix ans ont
semé la terreur dans les quartiers ouvriers en Allemagne,
attaqué les réunions des partis communiste et socialiste,
les sièges des syndicats, assassinant les militants ouvriers,
brûlant les permanences, etc. Ce crétin prétentieux
croit que le fascisme se limite à un problème de changement
lexical, qu’à la limite un publicitaire doué
à la tête d’une puissante agence pourrait imposer
dans le langage commun.
A lire ce genre d’âneries, on regretterait presque
la propagande du PCF des années 30 ou 50 qui au moins expliquait
que les fascistes italiens comme les nazis allemands se sont appuyés
sur des organisations de masse regroupant des chômeurs, des
petits-bourgeois ruinés, des anciens combattants et une fraction
de l’armée, et qu’ils n’ont pas pris le
pouvoir grâce à une simple victoire linguistique, mais
par l’usage systématique de la violence contre les
syndicats et partis ouvriers et l’organisation de milices
paramilitaires !
(12 juillet 2007)
Dossier : Sarkozy et la droite (2)
http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=956
Sarkozy : chronologie d’une lente ascension au service de
la bourgeoisie
Nous n’éprouvons, est-il besoin de le dire, aucune
fascination pour l’arrivisme de Nicolas Sarkozy et ses «
succès » obtenus à coups de trahisons, de bluff,
de coups médiatiques et de mensonges éhontés.
Sans compter son copinage avec la bande à Pasqua (responsable
des milices gaullistes du SAC et membre important des juteux réseaux
de la FrançAfrique), les patrons des médias, les gérants
des gros groupes industriels et des grandes banques. Quant à
sa « pensée », elle est indigente, faite de bric
et de broc, d’emprunts incohérents et de phrases toutes
faites dignes de l’Almanach Vermot. Néanmoins, dans
le cadre d’un dossier consacré à ce personnage,
il nous faut quand même offrir un minimum d’informations
sur l’individu lui-même, données qui permettent
de comprendre - en partie - son ascension politique. (Ni patrie
ni frontières)
Contrairement à la légende tissée par d’innombrables
journalistes complaisants, Sarkozy a bénéficié
d’une enfance dorée, même si ses parents ont
divorcé quand le pitchoune avait cinq ans. Ce qui est le
cas de la moitié des familles aujourd’hui n’était
pas un phénomène fréquent dans les années
60 (Sarkozy est né en 1955) - et surtout au sein de la bourgeoisie
catholique. Nicolas-le-Petit a d’abord habité au premier
étage de l’hôtel particulier de son grand-père
(chirurgien), dans le XVIIe arrondissement, avec jardin et domestiques
à sa disposition, puis dans l’appartement acheté
par sa mère avocate (elle a dû reprendre ses études
pour faire bouillir la - grosse - marmite dorée et assurer
son indépendance financière). Ses trois frères
ont tous réussi des études supérieures et intégré
la bourgeoisie, même si pendant leur vie d’étudiants
ils ont dû faire des petits boulots pour avoir un peu d’argent
de poche supplémentaire (le Petit Nicolas a bossé
dans une pizzeria et chez un fleuriste).
Sarkozy a fait toute sa scolarité avant le bac dans le privé,
dans un établissement fréquenté par des gens
de la Haute, et il a ensuite étudié le droit des affaires
(filière idéale pour les larbins du Capital) à
Nanterre. Puis il a ouvert un cabinet d’avocats dans lequel
il a travaillé sauf pendant les périodes où
il était ministre. Cet aspect du personnage n’est pas
secondaire : d’une part son métier lui a permis de
rencontrer le gratin du patronat français. D’autre
part, contrairement à beaucoup d’autres politiciens,
il n’a pas eu besoin de la politique pour se payer son caviar
Belouga. Comme il le répète depuis des années
: « Quand je veux, Martin [Bouygues] me donnera un job. »
Le cynisme de ce m’as-tu-vu sans complexes est aussi sans
limites...
Ce qui le singularise par rapport à d’autres politiciens
bourgeois classiques, c’est qu’il n’a pas bénéficié
d’un réseau ou d’un clan politico-familial (bien
que son grand-père fut un gaulliste acharné) ou financier.
Il a su profiter des liens tissés dans un établissement
scolaire privé (le cours Saint-Louis-de Monceau, «
le plus chic de Paris » selon sa maman), de ses études
à la fac de droit (pépinière de réacs),
de sa résidence à Neuilly (havre de la grande bourgeoisie
et du show bizz), et même des lieux de villégiature
choisis par sa mère (la Côte d’Azur et Pontaillac).
Cela lui a permis, dès l’adolescence, de rencontrer
(voire de tisser des liens d’amitié avec) plusieurs
héritiers de grandes fortunes familiales. Le point commun
à tous ces gens connus dans sa jeunesse ou plus tard : ils
ne sont généralement pas issus de la bourgeoisie dite
« méritocratique » d’Etat : ENA, Grandes
Ecoles. (Lee « mérite » de ces gens-là,
d’ailleurs, tient surtout au fait que leurs parents sont à
90 % des cadres, des enseignants et des professions libérales.)
Les potes de Sarkozy sont plutôt des héritiers de grandes
fortunes ou des « self-made-men » (on sait à
quel point cette notion est trompeuse (1) mais cela permet de dessiner
un profil à la hache) : Lagardère, Decault, Bolloré,
Pinault, Paul Desmarais milliardaire canadien associé d’Albert
Frère, principal actionnaire de Suez et Total, Serge Dassault
et son fils Olivier Dassault, etc.
Sa lente ascension politique au sein du RPR puis de l’UMP
lui a aussi permis de se lier avec des gestionnaires du grand capital
comme Charles Milhaud (président de la Caisse nationale des
Caisses d’épargne), René Carron (président
du Crédit agricole), Michel Pébereau (président
de BNP Paribas) ou Geoffroy Roux de Bézieux (président
de Croissance plus, le petit frère du MEDEF). Que du beau
linge, quoi !
Face à des liens aussi étroits avec la grande bourgeoisie
française, liens conquis à la force du poignet, les
petites vannes sur ses origines familiales nobles et son père
aristocrate déchu dont la famille faisait marner 2 000 paysans
en Hongrie avant la Seconde Guerre mondiale relèvent des
plaisanteries de chansonniers.
1. Un seul exemple, celui de Bernard Tapie. Il a toujours (et la
gauche avec lui) prétendu qu’il était «
parti de rien ». Mais il ne s’est jamais vanté
de la façon dont il a trouvé ses premiers financiers
dans des cercles de jeu, souvent illégaux, où il venait
flamber son maigre salaire... Ce petit coup de pouce de gens qui
avaient de l’argent plus ou moins douteux à blanchir,
ou pour lesquels perdre 50 000 euros au poker est une plaisanterie,
explique le démarrage de ce sinistre individu. Après,
on connaît l’histoire, et la façon dont il saura
trouver des sources plus légales et « respectables
» de financement pour ses magouilles et ses carambouilles.
Les 7 étapes de la carrière du « Petit Démagogue
»*
Ce qui frappe dans l’ascension de Nicolas Sarkozy, c’est
le parallélisme entre son ascension dans l’appareil
d’Etat (municipalité, Conseil régional, Conseil
général, Parlement, ministères, présidence
de la République) et au sein l’appareil du RPR puis
de l’UMP (trésorier d’une section locale, délégué
aux Assises nationales, délégué des jeunes
du RPR, membre du Comité central, superviseur des Fédérations,
membre du Bureau politique, président du Parti).
1. L’ADHESION AU RPR 1974 Prend contact avec la permanence
du RPR à Neuilly. Successivement colleur d’affiches,
distributeur de tracts, trésorier (en piquant la place à
son meilleur pote), chauffeur de salle (grâce à ses
dons oratoires) 1975 Délégué des Hauts-de-Seine
aux Assises nationales du RPR grâce à Pasqua 1976 Co-organise
une réunion de 25 000 jeunes Porte Maillot 1977 Membre du
comité central du RPR (on remarquera que le Petit Nicolas
a vite fait partie du Parlement dirigeant du parti gaulliste)
2. L’ENTREE DANS L’APPAREIL MUNICIPAL ET LA MONTEE
DANS L’APPAREIL DU RPR 1977 - 1983 conseiller municipal de
Neuilly-sur-Seine 1978-1979 Planqué à l’état-major
de l’armée de l’air pendant son service militaire
grâce à ses contacts au RPR (cela ne l’empêche
pas d’affirmer que, dans la vie, personne ne l’a jamais
aidé !) Délégué national des jeunes
du RPR 1981 Président du Comité national des jeunes
en soutien à Jacques Chirac 1983 septième maire adjoint
alors que ses copains sont déjà maires (Balkany le
ripou à Levallois-Perret, et Devedjian l’ultraréac
à Antony)
3. MAIRE DE NEUILLY - ASCENSION DANS LES HAUTS-DE-SEINE ET AU RPR
1983 - 2002, maire de Neuilly (60 000 habitants) 1983 - 1988, conseiller
régional d’Île-de-France ; conseiller général
du canton de Neuilly ; vice-président du conseil général
des Hauts-de-Seine, chargé de l’enseignement de la
culture ; 1988 Secrétaire général adjoint du
RPR, chargé de la Jeunesse et de la Formation 1989 Co-directeur
de la liste d’union pour les élections européennes
1992-1993 Secrétaire général-adjoint du RPR,
chargé des Fédérations (un poste fondamental
pour connaître personnellement tous les cadres du Parti, les
maires et les députés) Depuis 1993 Membre du bureau
politique du RPR
4. MINISTRE ET DEPUTE Mars 1993 - mai 1995, ministre du Budget,
porte-parole du gouvernement, et, à titre provisoire, ministre
de la Communication (gouvernement Balladur)
5. PETITE « TRAVERSEE DU DESERT » TOUT EN GARDANT SES
MANDATS DE DEPUTE ET DE MAIRE Traité de « traître
» de « nabot » et de « salaud » aux
réunions du RPR suite à son soutien à Balladur
contre Chirac, il revient à son cabinet d’avocats,
qu’il avait « abandonné » (il téléphone
quand même tous les jours et suit les dossiers) pendant ses
deux années de ministre. Ecrit Libre (cf. notre critique)
1995-1997 Porte-parole du RPR 1998-1999 Secrétaire général
du RPR Député des Hauts-de-Seine (6e circonscription)
depuis 1993, réélu à toutes les élections
jusqu’en 2002. 1999 Président du RPR par intérim
Juin 1999 : Tête de la liste RPR-DL pour les élections
européennes Ce parfait cumulard était, à ce
moment-là, maire de Neuilly, député des Hauts-de-Seine
et député européen. Il démissionne de
son mandat européen qu’il refile à son copain
de toujours Brice Hortefeux, un fils de pauvre... banquier 2000
Élu président du Comité départemental
du RPR des Hauts-de-Seine
6. MINISTRE de l’INTERIEUR mai 2002 - mars 2004, ministre
de l’Intérieur, dans les premier et deuxième
gouvernements Raffarin mars - novembre 2004, ministre de l’Économie,
des Finances et de l’Industrie dans le troisième gouvernement
Raffarin mai 2005 - mars 2007, ministre de l’Intérieur
et dans le gouvernement Villepin 2004 - 2007, président du
Conseil général des Hauts-de-Seine ; conseiller général
du canton de Neuilly-sur-Seine-Nord
7. PRESIDENT DE L’UMP PUIS PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE novembre
2004 -mai 2007 : Président de l’UMP car Juppé
est condamné pour l’affaire des emplois fictifs à
la Mairie de Paris Parution de Ensemble (cf. notre critique) 6 mai
2007, élu président de la République avec 53,06
% des voix face à Ségolène Royal
(*) Cf. notre critique du livre de Jean-Luc Porcher, Le Petit démagogue,
La Découverte, 2007.
Article suivant : Un parti conservateur de masse ?
(12 juillet 2007)
Dossier : Sarkozy et la droite (3)
http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=957
UN PARTI CONSERVATEUR DE MASSE ?
Selon les historiens qui ont étudié la droite (1),
ce courant serait fondamentalement rétif à l’idée
d’un Parti politique centralisé, pour des raisons idéologiques
: pour la droite, on sait qu’il est obscène de parler
de classes sociales ayants des intérêts divergents,
et encore moins de lutte des classes. Dans sa vision de la société,
la droite ne tient habituellement compte que des individus qui jouissent
(généralement à la naissance) de plus ou moins
de talents, ou des « groupements corporatifs » habituellement
considérés d’un mauvais œil (surtout d’ailleurs
quand ce sont les exploités qui se regroupent). Par contre
le concept de nation a tout son sens pour la droite, à la
fois comme mythe fondateur de l’Etat, et pour rassembler toutes
les classes derrière la bourgeoisie et son Etat.
Il faut se souvenir que le gaulliste Chirac dénonçait
encore, en 1971, les partis comme des « écrans entre
les citoyens et le pouvoir politique ». D’après
les historiens de la droite française, celle-ci n’admettait
autrefois l’idée d’un parti qu’à
condition qu’il s’agisse d’un parti d’électeurs
(nous ajouterons, pour notre part, obéissants et bornés),
de supporters ou de fans d’un grand chef charismatique.
La droite française a toujours préféré
:
- les regroupements de notables,
- les clubs de patrons et de « décideurs »,
- voire même, pour une frange plus extrême, les clubs
de réflexion (GRECE, Club de l’Horloge), clubs qui
auront un rôle important dans la bataille pour l’hégémonie
idéologique avant l’élection de 2007,
- les loges maçonniques, etc.
(Pour ceux qui l’ont oublié, le GRECE faisait l’éloge
de la « différence » (on voit que le multiculturalisme
n’est pas loin) ; il réhabilitait les nationalismes
(y compris ceux du tiers monde) ; il critiquait la trop grande importance
prise par « l’économie » ; il défendait
la décolonisation fondée sur l’idée de
nation. Pour ce faire, il organisait des colloques aux prétentions
scientifiques qui avaient pour objectif de créer des passerelles
entre la droite et l’extrême droite et surtout de partir
à la conquête idéologique des Universités,
des médias, etc.
Où l’on voit que, contrairement à ce que prétendent
Serge Halimi et le Monde diplomatique, qui ont pourtant consacré
de nombreux articles à cette fraction nauséabonde
de la droite « intellectuelle », la droite réactionnaire
française n’a pas eu besoin de copier l’exemple
des néoconservateurs américains. Il lui a suffi d’observer
les conditions de la victoire de la gauche en 1981. Le RPR était
un mouvement « bonapartiste » où les élections
se faisaient par acclamation (c’est ainsi que Chirac fut élu
aux premières assises du RPR). Même le Comité
central n’était qu’en partie élu.
Il est intéressant de noter, surtout aujourd’hui que
l’UMP et Sarkozy nous bassinent avec des chiffres d’adhérents
constamment en hausse (au moins 300 000), que le RPR aimait lui
aussi à une époque brandir des chiffres mirobolants.
Or, les chiffres réels du RPR et du PR avant 1981 étaient
de 70 000 et de 7 000 pour le PR même si ces deux formations
annonçaient fièrement 500 000 et 50 000 adhérents.
Les chiffres actuels officiels de l’UMP sont donc inférieurs
à ceux qu’annonçait le parti qui l’a précédé.
De là à penser que les chiffres réels de l’UMP
sont aujourd’hui eux aussi très inférieurs,
il n’y a qu’un pas... que nous franchirons allégrement.
Selon les historiens de la droite, trois événements
auraient profondément marqué la droite française
:
- le succès du PS après le congrès d’Epinay
(congrès qui consacre la fusion entre la SFIO - nom du vieux
parti socialiste -, la FGDS de Mitterrand et les différents
clubs de gauche), et la dynamique enclenchée par ce nouveau
rassemblement politique,
- l’adoption du Programme commun en 1974
- et enfin le séjour de la droite dans l’opposition
après la défaite de 1981. Ces trois événements
auraient poussé la droite à changer radicalement d’avis
sur l’intérêt d’avoir à sa disposition
un vrai parti et pas simplement un réseau de notables ou
d’électeurs-fans décérébrés.
Et même de copier la gauche jusque dans ses appellations :
comité central, bureau politique, secrétariat national,
etc.
Il faut noter que ce processus était déjà
enclenché par l’usure du gaullisme (le gaullisme chimiquement
pur, centré autour de la figure charismatique du Général,
n’a duré que quelques années), les rivalités
personnelles multiples et les contradictions idéologiques
au sein de la droite (gaullistes de gauche et de droite, libéraux
divers, centristes ralliés)
Le succès du PS en tant que parti au début des années
80 aurait donc provoqué, de façon lente et chaotique,
une dynamique d’union des droites qui a mis très longtemps
à se mettre en place (et on peut d’ailleurs se demander
si l’UMP sera capable de conserver son homogénéité
vu le nombre de chefs, la récente direction collective Rafarin/Devedjian,
etc.), mais dont Sarkozy sera peut-être l’ultime et
talentueux artisan.
Dans ce cas, l’objectif du président de la République
et de ses partisans serait peut-être de créer un grand
parti conservateur, miroir du PS dans son fonctionnement et son
implantation. C’est du moins ce qu’avance, Jacques Serieys,
un membre de la tendance PRS du Parti socialiste (2) qui écrit
au lendemain des élections présidentielles :
« Depuis que Nicolas Sarkozy a été élu
président de l’UMP, les caractéristiques de
ce parti ont changé :
- finies les instances nationales essentiellement composées
d’élus absentéistes ; voici un Conseil national
de 2 500 membres, creuset permettant la structuration d’un
réseau national de cadres ;
- finies les seules assemblées générales départementales,
voici 3000 cercles locaux chargés de relayer l’orientation
politique et de répartir les tâches militantes ;
- finie l’extériorité de la droite par rapport
au monde du travail ; voici 24 fédérations professionnelles
"conçues à la fois comme boîtes à
idées et courroies de transmission dans la société,
un peu sur le modèle du Parti socialiste des années
1970 à la grande époque des Groupes socialistes d’entreprises"
(A Gauche n°1083). » N’étant pas du tout
spécialistes de la droite, nous ignorons si l’auteur
de cet article ne grossit pas un peu le trait et ne se livre pas
à des pronostics hasardeux. Nul ne sait si l’UMP réussira
son pari et surtout si elle arrivera à empêcher le
MODEM d’exister, si elle laminera définitivement le
FN, s’imposant ainsi comme l’unique parti de droite.
Ce qu’il y a de sûr, pour le moment, c’est que
Sarkozy s’est attelé à cette tâche et
qu’il a posé de solides premiers jalons dans cette
direction.
1. Histoire des droites en France, trois volumes, NRF Gallimard,
1992. Sous la direction de J.F. Sirinelli. Au tome 1 (« Politique
», 800 pages) ont collaboré Michel Denis, Bernard Ménager,
Philippe Levillain, Gilles Le Béguec, Jacques Prévôtat,
Jean-Luc Pinol, Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun, Jean El Gammal,
Yves-Marie Hilaire, François Bourricaud, Philippe Burin,
Jean Charlot et Pierre Milza.
2. http://www.prs12.com/article.php3 ?id_article=3323
Article suivant : les « fédérations professionnelles
» de l’UMP
(12 juillet 2007)
Dossier
: Sarkozy et la droite (4)
http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=958
Les fédérations de métiers : boîtes
à idées ou sections d’entreprises ?
L’UMP est divisé en 24 fédérations des
métiers aux noms parfois amusants ou révélateurs
des intérêts de classe qu’elles entendent défendre
: métiers de l’air, de l’espace et de la défense
; métiers de l’art et du luxe ; métiers de l’artisanat
et du commerce ; métiers de l’audit et du conseil ;
métiers de l’économie sociale ; métiers
de l’enseignement et de la recherche ; métiers de l’urbanisme
et de l’habitat ; métiers de la Banque Finance Assurance
; métiers de la chimie ; métiers de la justice et
du droit ; métiers de la mer ; métiers de la santé
; métiers de la sécurité ; métiers de
la terre ; métiers des nouvelles technologies de l’information
; métiers du commerce et de l’industrie ; métiers
du secteur public ; métiers du sport ; métiers du
tourisme. Les appellations donnent plutôt l’impression
qu’il s’agit d’un rassemblement, de cadres, de
chefs d’entreprise, de professions libérales et de
responsables policiers que de fédérations destinées
à organiser de simples ouvriers ou employés. Ou alors
quelques exploités très arrivistes, le genre à
fayoter auprès de leur chef de service ou leur contremaître
et à bosser les concours internes pour marcher sur leurs
collègues.
On ne s’en étonnera pas, le credo sarko-blairiste
est au cœur de ce projet : « Le travail est au cœur
des valeurs qui nous rassemblent », affirme le site de l’UMP.
La perspective politique est à la fois interclassiste (on
gomme les différences entre patrons et salariés) et
corporatiste (on se regroupe par métier) : « salariés,
ouvriers, chefs d’entreprise, fonctionnaires, professions
libérales, artisans » Quant à l’objectif,
il est connu : « les réformes dont le pays a besoin
». En clair, le démantèlement des acquis sociaux
(Code du travail, Sécurité sociale), des services
publics (déjà engagé dans de nombreux domaines
comme la Poste, les transports, l’énergie, etc.), le
« dégraissage » de l’administration (50
% des postes non renouvelés), etc.
Quelle est la réalité sur le terrain de ces fédérations
professionnelles ? Difficile de le dire. On ne dispose que des chiffres
fournis par l’UMP : 13 701 adhérents adhéreraient
à ces fédérations, ce qui constitue un tout
petit pourcentage par rapport au nombre officiel d’adhérents
; il y aurait 2 575 « sympathisants actifs », ce qui
donne des proportions assez modestes au projet, mais pas ridicules
; « 521 élus des comités professionnels »
(pas très clair : que sont ces comités ?) ; «
96 délégués départementaux ; 1142 réunions
tenues ; 62 colloques, dîners, débats, cafés
politiques ; 60 rapports et contributions présentés
;192 thèmes de réflexion travaillés ».
En dehors de cet inventaire un peu hétéroclite, on
a quand même l’impression que Sarkozy a appliqué
à l’UMP les règles du management d’entreprise,
tout comme il prétend le faire maintenant à la tête
de l’Etat. Constituer une boîte à idées.
Bâtir un réseau, créer un « réservoir
de savoirs et d’expertises », grâce à un
« panel de professionnels » (traduire d’apprentis
exploiteurs et d’exploiteurs).
Le bilan pour le moment n’est guère impressionnant
mais si l’on va sur le site de chaque fédération,
on voit qu’elles ont mis au point un catalogue de «
revendications » patronales ou de pseudo « réformes
» qui sont assez concrètes. Ce travail idéologique
et pratique, ainsi qie l’organisation de 18 colloques thématiques,
dans les deux années précédant la présidentielle,
a sans doute contribué à donner l’impression
aux cadres de l’UMP qu’ils avaient un projet idéologique
original, relativement bien ficelé, et traduisant assez fidèlement
les intérêts des petits et grands patrons.
La seule question intéressante est de savoir s’ils
arriveront à en persuader une fraction suffisante de la classe
ouvrière pour que cela paralyse pour un temps toute riposte
d’envergure. Quant à savoir si l’UMP, en dehors
d’organiser des clubs pour cadres et jeunes aux dents longues,
est vraiment capable d’organiser les travailleurs, non seulement
il est trop tôt pour le dire mais cela semble une perspective
assez utopique.
Le FN, qui, lui, avait plus de raisons d’organiser les couches
populaires vu son incapacité à s’infiltrer dans
l’appareil d’Etat et à devenir un parti de notables,
et les visions fascisantes d’une partie de son appareil, a
échoué dans ce projet, même s’il a réussi
à placer des hommes dans certains syndicats FO ou dans des
syndicats de police ou de petits commerçants.
Mais il faudra surveiller ces tentatives, dont la possibilité
pour tout nouveau « syndicat » de se présenter
au premier tour des élections syndicales professionnelles
donnera une première idée dans les entreprises.
Y.C.
(12 juillet 2007)
Dossier Sarkozy et la droite (5)
http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=959
A PROPOS DE DEUX BIOGRAPHIES DE SARKOZY
Catherine Nay, Un pouvoir nommé désir, Grasset
Bruno Jeudy, Ludovic Vigogne, Nicolas Sarkozy, De Neuilly à
l’Elysée, L’Archipel
Des dizaines de livres sont parus sur Nicolas Sarkozy, avant même
qu’il soit élu en mai 2007. Nous avons choisi ces deux
livres un peu au hasard, n’ayant le goût ni l’habitude
de lire des bios de politiciens réactionnaires. Nay est «
éditorialiste à Europe n° 1 », Jeudy est
journaliste au Figaro, et Vigogne travaille au Parisien, tous deux
« suivent Nicolas Sarkozy depuis plusieurs années »,
nous dit la quatrième de couverture.
Quel que soit leur statut, la première chose qui frappe
lorsqu’on lit ces deux ouvrages, c’est que nos trois
compères n’ont guère de distance vis-à-vis
de leur sujet. Plus crûment, on a l’impression que Sarkozy
leur a dicté l’essentiel des « analyses »
contenues dans leurs livres, tant ils sont acritiques. Catherine
Nay nous dépeint le portrait d’une Cosette (la mère
de Sarkozy), mère avocate élevant seule ses quatre
enfants, vivant dans les quartiers bourgeois du XVIIe puis ayant
les moyens de se payer un appartement à Neuilly ; quant à
Vigogne et Jeudy, ils ne font pas un grand effort dans une première
partie pour nous apporter un éclairage nouveau ou original
sur la vie de Sarkozy et ils puisent dans les livres écrits
par d’autres collègues complaisants ; quant à
la seconde moitié de leur livre, loin d’être
une biographie, il s’agit en fait d’un journal de campagne,
rempli d’anecdotes le plus souvent assez triviales, même
si tout de même on arrive quand même à récupérer
quelques anecdotes significatives sur l’hypocrisie de Sarkozy,
notamment le contraste entre ses déclarations publiques sur
« l’amour » et le perpétuel « J’ai
changé », « J’ai appris à écouter
les gens », etc., et les engueulades et les insultes qu’il
adresse à des responsables flics de la Seine-Saint-Denis
après la publication du rapport du préfet démontrant
que son ministre mentait en ce qui concerne la baisse de la délinquance
dans ce département. Une fois que l’on a fermé
ces deux livres, on se dit que l’entreprise de décervelage
des lecteurs est bien enclenchée, si ces derniers ne cherchent
pas à creuser au-delà du rideau de fumée lancé
par Sarkozy et les écrivaillons béats d’admiration
devant son « volontarisme », sa « sensibilité
», etc. Que peut-on malgré tout retenir de ces deux
ouvrages qui soit utile à des militants ?
Sarkozy a eu la fibre gaulliste et anti « communiste »
très jeune ; en clair, à 52 piges c’est déjà
un vieux réac ; il a gravi un par un les échelons
du parti gaulliste jusqu’à en prendre la tête,
il a su s’entourer d’amis à gauche (Jacques Attali)
comme à droite (Peretti, maire de Neuilly ; Balladur ; Pasqua,
l’homme des Services d’Action civique, de la Françafrique,
des barbouzes, des trafics d’armes et de la corruption dans
les Hauts-de-Seine), qui l’ont considérablement aidé
dans son ascension vers le pouvoir. On apprend, au cas où
on l’aurait oublié, que ni le mot « Karcher »,
ni même le terme de « racaille » n’ont été
utilisés la première fois par lui. Le mot Karcher
a été utilisé par l’un des membres de
la famille d’un enfant de 11 ans Sidi Mohammed Hammache mort
d’une balle perdue lors d’un affrontement entre deux
bandes locales dans la Cité des 4000 à La Courneuve.
« Monsieur le ministre il faut nettoyer la cité au
Karcher », a déclaré l’un des parents
de la victime. Et Sarkozy de répondre du tac au tac : «
Vous avez raison, il faut nettoyer la cité au Karcher ».
Sarkozy a fait preuve d’une double et terrible habileté
: il a su reprendre les mots d’un travailleur anonyme et utiliser
à fond le registre émotionnel pour en tirer des bénéfices
politiques. A la sortie de l’immeuble, le même soir,
lorsqu’une mère de famille maghrébine lui dit
: « On veut sortir d’ici, on est français. On
veut que nos enfants vivent comme des Français », le
ministre de l’Intérieur lui lance : « Les voyous
vont disparaître, je mettrai les effectifs qu’il faut,
mais on nettoiera la cité des 4000. » On voit là
encore que ce sont des travailleurs, franco-maghrébins ou
maghrébins de surcroît, qui donnent à Sarkozy
l’occasion d’enrichir son vocabulaire pour après
le recycler au service de sa politique répressive. En ce
qui concerne le mot de « racaille », il a été
employé par un habitant lors d’une visite mouvementée
de Sarkozy d’une esplanade, surnommée la « dalle
d’Argenteuil » en juin 2005, plusieurs mois donc avant
les émeutes de novembre. Une femme d’origine maghrébine
l’interpelle depuis sa fenêtre « Il faut débarrasser
le quartier de cette racaille » car le ministre de l’Intérieur
est accueilli par une pluie de projectiles et Sarko de répondre
illico démago : « Nous allons vous débarrasser
de cette racaille. » Idem aussi pour « la France qui
se lève tôt ». Des jeunes ouvriers d’une
usine de traitement de poissons lui font remarquer gentiment : «
Nous, on a des salaires de misère, et pourtant on se lève
tôt », et l’expression sera reprise allégrement
par la droite. Reprendre les mots de l’autre peut plomber
un homme politique et, le moins qu’on puisse dire, c’est
que cela n’a pas été le cas de Sarkozy.
L’habileté de Sarkozy a été de reprendre
ces mots « du peuple » à son compte et de les
marteler dans ses discours jusqu’à leur donner une
légitimité, grâce évidemment au soutien
des médias (Jeudy et Vigogne racontent que les ventes des
magazines augmentent de 30 à 40 % quand la gueule de Sarkozy
figure en couverture). On apprend aussi dans ces deux ouvrages que
Sarkozy pratique les visites d’usines, d’hôpitaux,
de commissariats ou de petites fermes depuis des années.
Il a inauguré cette technique bien avant 2007. « Pendant
des années je n’ai fait que de la politique. Je veux
humaniser mes discours grâce à des expériences
vécues », confie-t-il après une visite en 2001,
à l’hôpital Saint-Antoine, au service des urgences
où il fait semblant d’écouter les « doléances
des infirmières, des urgentistes et des patients qui attendent
sur des brancards ». Ce labourage du terrain lui a permis
non seulement d’ « écouter » les petits
salariés, les petits paysans, les ménagères,
mais de chercher à adopter un langage qui soit compris de
« ceux qui souffrent », comme nous le serinent cyniquement
tous les politiciens UMP depuis quelques mois. Ou de découvrir
« la France des oubliés, des pauvres, des plus modestes
». Sarko a en partie réussi à se débarrasser
de son image de technocrate, très « libéral
», ami des patrons, qui lui collait à la peau. Pendant
la campagne présidentielle, affirmait-il, « dans tous
mes déplacements je veux aller dans les usines ». Il
faudrait vérifier mais on peut se demander s’il ne
s’est pas plus souvent rendu dans les entreprises que la candidate
« socialiste »... En cela, Sarkozy, loin de copier les
recettes de la droite américaine comme l’affirment
faussement Serge Halimi et Le Monde diplomatique, Sarkozy donc n’a
fait que revenir aux vieux thèmes de la droite depuis le
XIXe siècle : la sanctification de l’effort, la dénonciation
des paresseux, les louanges adressées à ceux qui se
lèvent tôt, le patriotisme, le retour du respect pour
les profs et leur autorité, le patriotisme, etc. Ses références
à Blum ou Jaurès n’ont choqué que ceux
qui ont oublié que la SFIO, le parti de ces deux dirigeants
socialistes, gouverna avec De Gaulle au sortir de la Résistance
en obligeant les ouvriers à marner ; ses louanges adressées
à Guy Moquet n’ont choqué que ceux qui ignorent
que le PCF collabora activement avec la Résistance gaulliste
puis contribua à l’arrivée et au maintien du
général de Gaulle au pouvoir en 1945-1947, à
l’époque où Thorez proclamait : « La grève
est l’arme des trusts ».
Catherine Nay nous apprend que la haine de Sarkozy contre Mai 68
remonte à très loin, puisqu’à l’époque
il se serait « fait tabasser par des gauchistes » à
Nanterre où il aurait pris la parole dans une AG en prenant
position contre la grève et qu’il aurait été
interdit de cours par les mêmes gauchistes pendant six mois.
On a du mal à le croire, mais après tout peu importe,
ce qui compte dans l’anecdote (qu’elle soit réelle,
totalement inventée, ou arrivée à l’un
de ses proches) est qu’elle nous explique en quoi sa volonté
de « liquider l’héritage de Mai 68 » a
des origines anciennes, bien antérieures au retournement
des médias et d’une partie de l’intelligentsia
de gauche contre « la pensée 68 » ou les «
soixante-huitards ».
Catherine Nay nous dépeint un bonhomme méticuleux,
bosseur, arriviste, très exigeant voire méprisant
vis-à-vis de ses proches collaborateurs, court-circuitant
toujours les hiérarchies ou les protocoles pour mieux arriver
à ses fins :
- c’est ainsi qu’il utilise les réseaux du socialiste
Julien Dray en 1993 lors du mouvement contre le CIP de Balladur,
un SMIC jeunes précurseur du CPE ;
- qu’il menace de contrôles fiscaux les ministres ou
députés de droite qui s’opposent à lui
quand il est ministre du Budget ;
- qu’il demande des conseils à Jack Lang lorsque le
ministre de l’Education nationale Luc Ferry est en difficulté
- le même Lang qui déclare complaisamment après
la fermeture de centre de Sangatte « Ah si nous avions seulement
fait 10 % de ce que vous avez fait là » (alors que
les sans papiers continuent à errer dans les bois) ;
- ou qu’il demande aux responsables du syndicat UNSA Police
des informations sur le représentant de l’UNSA Education
qu’il doit rencontrer à la même époque
;
- il prend directement contact avec Frédéric Imbrecht,
le leader de la CGT Energie lors du changement de statut EDF ;
- il prend contact directement avec les syndicats pendant le mouvement
du CPE, à la fois pour court-circuiter Villepin, mais aussi
parce qu’il n’est pas très chaud pour le CPE,
ou plus exactement sur la façon de l’imposer. Il appelle
personnellement Thibault, Mailly, Chérèque et comme
il n’arrive pas à avoir le numéro de téléphone
du dirigeant de la CGC il n’hésite à faire déplacer
un motard au domicile de ce dernier pour le lui demander.
Toutes ces petites anecdotes sont certes significatives sur son
caractère de touche-à-tout hyperactif qui ne peut
désormais que renforcer la présidentialisation du
régime, puisqu’il dirige désormais la République.
Mais elles sont surtout importantes d’un point de vue politique.
Elles montrent que loin d’être un fasciste, ou un apprenti
Pétain, Sarkozy a toujours eu des amitiés et même
des réseaux à gauche et chez les syndicalistes. Autre
aspect du personnage, qui le différencie de beaucoup de politiciens
qui n’ont qu’une seule mangeoire pour vivre en parasites.
Sarkozy se garde toujours une deuxième épée
au feu : il est avocat d’affaires et a des parts dans le même
cabinet depuis 1987, investissement qui lui rapporte une coquette
somme chaque année.
C’est son travail d’avocat qui lui a d’ailleurs
permis de rencontrer des grands patrons comme Lagardère,
Bouygues, Dassault et Arnault.
Les deux ouvrages nous apprennent qu’en tant qu’élu
local, Sarkozy a appliqué à Neuilly les mêmes
techniques que Chirac en Corrèze : visiter chaque samedi
la ville à pied, assister à toutes les réunions
annuelles des associations, aux fêtes des écoles, aux
banquets des pompiers, écrire des lettres manuscrites à
ses administrés, etc. Mais en dehors du « petit peuple
» (pas très nombreux dans sa ville...) il a su aussi
se tisser un large réseau parmi les artistes, les gens du
showbizz, les journalistes et bien sûr les grands patrons
: Laurence Parisot le connaît depuis l’époque
où elle était patronne de l’IFOP et est maintenant
la dirigeante du MEDEF ; Bernard Arnault et Martin Bouygues seront
ses témoins de mariage ; Bouygues lui prêtera déjà
un yacht en août 2005 pour qu’il se remette de sa crise
conjugale ; et il considère Arnaud Lagardère comme
son « frère ». Ces techniques de travail de terrain
à Neuilly, il les a appliquées à la fois pour
conquérir l’appareil de l’UMP (en allant visiter
beaucoup de fédérations aux quatre coins de l’Hexagone
; garder à l’esprit que lorsque Sarkozy prend une semaine
de vacances il trouve le temps d’appeler 85 parlementaires
de l’UMP), mais aussi pour obtenir le soutien inconditionnel
de toutes les catégories de flics, pendant ses cinq ans Place
Beauvau. Il sait aussi utiliser les médias pour redorer le
blason de la police, qui en a bien besoin, la pauvrette, en organisant
« une opération par jour pour sécuriser les
gens » et en transformant son ministère en «
ministère de l’Actualité ».
Il fait adopter aussi beaucoup de mesures pratiques en faveur des
pandores : augmentation du budget de la police de 5, 83 % dès
la première année, embauche de 13 000 flics supplémentaires
en 5 ans, accélération de la réparation du
parc automobile, généralisation des flash-balls, adoption
de tenues plus « confortables » pour les gardiens de
la paix.
Son arrivisme lui a valu de se fâcher avec pas mal de chiraquiens
(dont Fillon, Michèle Alliot-Marie et Juppé) mais
le moins qu’on puisse dire est que sa rancune n’a pas
duré longtemps vu les places qu’il leur a accordées
dans son premier gouvernement. Son passage au ministère de
l’Economie et des Finances l’a amené à
au moins deux reprises à se départir de son image
de « libéral » cent pour cent. Quand il est intervenu
pour contrer l’OPA de Sanofi Synthélabo contre le groupe
franco-allemand Aventis ; et quand il a « lutté »
contre la reprise d’Alstom par un groupe allemand et fait
le siège de Mario Monti, commissaire européen. A force
de harcèlement et de manipulations médiatiques, il
a contribué à recapitaliser Alstom.... quitte à
en céder une partie dans trois ans à des groupes privés
; déjà à l’époque il s’était
rendu à Alstom-Belfort et La Rochelle pour voir les salariés.
Même si Chevènement s’attribue le mérite
d’avoir prévenu Sarko, c’est ce dernier qui en
a tiré tout le bénéfice politique. Lorsque
Sarkozy déclare : « ce n’est pas un droit pour
l’Etat d’aider ces grandes industries c’est un
devoir », même si ces mesures sont de la poudre aux
yeux, il fait croire aux travailleurs que l’Etat « protecteur
» dont se réclame tant le PS dans son matériel
électoral, jouera son rôle. Et surtout il montre qu’il
est loin d’être un « néolibéral
» pur jus. Ce qui n’empêche pas bien sûr
qu’il soit un ennemi des travailleurs.
L’ascension politique de Sarkozy a finalement été
assez lente. Il a mis 9 ans pour devenir maire, 14 ans pour devenir
député, 19 ans pour devenir ministre et 33 pour devenir
président de la République. Quand il vante le «
travail », il sait de quoi il parle, du moins si l’on
élargit le sens de ce mot au « travail » d’ascension
politique.
Sarkozy a transformé l’UMP en une machine à
son service, une machine au fonctionnement bonapartiste (tout comme
celui de la Cinquième République), puisque c’est
le Petit Nicolas qui a décidé de faire élire
le candidat à la présidentielle par les adhérents
du parti.
On découvre dans ces deux livres que M. le (futur) Président
de République a toujours eu un grand sens de la prédestination
: « Je n’ai pas envie d’être Président.
Je dois être Président. Ce n’est pas la même
chose. » « J’irai jusqu’au bout, je veux
réformer la France, je dois le faire, mais il faut que vous
sachiez que cela me coûte. » On n’est pas loin
du Christ se rendant au Golgotha pour sauver l’Humanité.
On est en plein dans la mythologie de l’homme providentiel,
qui a une mission sur terre, et pas loin du général
de Gaulle qui s’identifiait à la France. Seule différence
: Sarko est plus terre à terre et réaliste et se donne
dix ans puisqu’il est hostile à plus de deux quinquennats...
en principe. Selon Attali : « Sarkozy n’est pas atlantiste.
Il n’est pas un libéral, il n’est pas un idéologue
mais un pragmatique. Il fait partie de la génération,
droite et gauche confondues, qui a une vision un peu courte sur
le monde. »
A la limite, peu importe que ce soit vrai, ce qui compte c’est
ce que les travailleurs qui ont voté pour lui ou lui font
encore confiance ont perçu au moment de voter voire perçoivent
aujourd’hui.
Catherine Nay considère que Sarkozy va mettre en place un
« bonapartisme libéral ». Il est sans doute un
peu tôt pour en décider. Ce qui est sûr c’est
qu’il défendra au pouvoir les valeurs traditionnelles
de la droite (et de la gauche) républicaine : « travail,
mérite, discipline, équité, famille ».
Quant au « goût de l’autorité, au culte
pour le volontarisme et à la personnalisation » ils
ont caractérisé aussi bien Sarkozy que Royal mais
apparemment un des deux candidats de la bourgeoisie s’est
montré plus convainquant que l’autre, en 2007.
Y. C.
(12 juillet 2007)
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