"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Dossier Sarkozy et la droite (1 - 2 - 3 - 4 - 5)
www.mondialisme.org

Dossier Sarkozy et la droite (1)

http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=955


La nazification de Sarkozy n’a pas empêché une partie significative des travailleurs de voter pour lui

Cinq années de propagande inepte de la gauche (en partie grâce au futur « traître » Eric Besson !), de l’extrême gauche et d’une grande partie des libertaires n’ont servi qu’à renforcer l’image positive de Sarkozy et de l’UMP auprès d’une partie des petits salariés et des plus démunis comme en témoignent les résultats des élections présidentielles et législatives.

Selon Jacques Serieys (http://www.prs12.com/article.php3 ?id_article=3323), au premier tour des présidentielles, Sarkozy a obtenu 17 % des voix chez les ouvriers ; 25% chez les employés ; 28% chez les professions intermédiaires (agents de maîtrise) et professions intellectuelles (enseignants) ; 31% parmi les cadres et 37% chez les chefs d’entreprise, commerçants et artisans.

Si l’on tient compte de l’appartenance syndicale Sarkozy a obtenu chez les adhérents de la CGT : 11% ; FO : 20 % ; CFDT : 20 % ; UNSA : 20 % ; CGC : 60 % ; et enfin, cerise sur le gâteau, MEDEF et CGPME : 96 %. Quant au second tour Sarkozy a obtenu 46 % chez les ouvriers et 49 % chez les employés - du moins chez ceux qui ne se sont pas abstenus, c’est-à-dire un bon paquet. Qu’est-ce qui a poussé les électeurs à voter pour Sarkozy ? Quand les instituts de sondage les ont interrogés sur leur motivation principale, entre « plus d’ordre et plus d’autorité » ou plus de libertés individuelles, 83 % des électeurs de Sarkozy ont choisi, on l’aura deviné, la première solution. Mais on notera aussi que, avant l’élection, 60 % des électeurs favorables à Sarkozy identifiaient leur petit réac chéri à l’idée d’un changement profond, alors que ce n’était le cas que de 30 % des électeurs de Ségolène Royal. La propagande grossière et mystificatrice de l’UMP contre « l’immobilisme » (y compris donc son propre immobilisme puisqu’au cours des trente dernières années la droite a été au pouvoir presque la moitié du temps) a apparemment fonctionné. En tout cas, ce qui nous semble évident c’est que l’assimilation de Sarkazy au (néo)fascisme, à Vichy II, à Hitler, ou même au bushisme, au berlusconisme, à l’aristocratie hongroise, en bref au « Parti de l’Etranger » a été non seulement stupide sur le plan politique mais contreproductive sur le plan électoral. Ou alors il faudrait en déduire qu’un bon quart de la classe ouvrière est composée de (néo)fascistes, de pétainistes et de bushiens. Et il faudrait ajouter aux électeurs sarkozytes ceux du Front national : rappelons qu’en 2002 un ouvrier sur quatre et 23 pour cent des électeurs gagnant moins de 1500 euros ont voté pour Le Pen.

Evidemment une telle conclusion (un quart des prolétaires seraient des électeurs (néo)fascistes), personne, dans la gauche ou l’extrême gauche parlementaires, n’ose ni la faire, ni en tirer les conséquences éventuelles. Les accusations de « fascisme » sont lancés de façon purement démagogique, et ceux qui les utilisent ne savent le plus souvent même pas ce que ce mot signifie (2). A notre avis, même si ce n’est évidemment pas le seul facteur expliquant l’élection de Sarkozy et la victoire de l’UMP au second tour, la propagande mal ciblée contre le futur Président a surtout fait le jeu de la candidate PS qui s’est présentée en rempart de l’« ordre juste » contre le « désordre » sarkoziste. Avec le résultat que l’on sait...

En second lieu, elle a involontairement fait le jeu de la droite (qui a réussi à attirer une bonne partie des voix du Front national, d’ailleurs lui-même qualifié à tort de « fasciste » depuis 20 ans, sans que cela lui fasse jusqu’ici perdre la moindre voix aux élections) en faisant passer Sarkozy pour une victime. Lui le « fils d’immigré » qualifié de « fasciste », voire de « nazi » ? Lui un « bushien », un « traître à la Nation » alors qu’il n’arrête pas de faire l’éloge du général de Gaulle ? etc. Plutôt que de se concentrer sur son programme économique et social, clairement opposé aux intérêts des travailleurs, une bonne partie de la propagande anti-Sarkozy s’est échinée à faire de lui plus qu’un simple ennemi de la classe ouvrière. Un monstre. Et la caricature s’est finalement retournée contre ses auteurs. Quand une analyse ne marche pas il y a deux solutions :
- continuer comme avant. Apparemment, c’est ce qu’ont décidé de faire la gauche comme l’extrême gauche parlementaires, voire des franges encore plus radicales qui nous promettent soit le (néo)fascisme pour demain soit des insurrections dans les banlieues et autres prédictions apocalyptiques. La Gauche pourrielle et les organisations trotskystes ont fait, après l’élection présidentielle, de grands moulinets afin de nous inciter à aller voter pour elles aux législatives de juin 2007. Et malgré la veste qu’elles se sont prise, elles ont quand même toutes eu le culot de trouver quelque chose de positif à leurs résultats électoraux, oubliant que l’abstention était passée de 16 à 39 % entre les présidentielles et les législatives de 2007. Pas mal pour des partisans de la démocratie électorale...

D’autres, anarchistes, libertaires, etc., veulent se (et nous) doper aux amphétamines d’un antifascisme mythologique. Or comme comme nous devrions tous le savoir, les partis « antifascistes » chaque fois qu’ils se sont retrouvés au pouvoir ont fait marner les ouvriers autant que leurs prédécesseurs.
- Ou alors reconnaître que l’on s’est lourdement trompé et se demander ce qui a pu clocher dans les analyses avancées depuis 5 ans contre Sarkozy. Les articles de ce dossier consacré à Sarkozy et la droite, donnent quelques éléments pour mieux comprendre qui était Sarkozy avant son élection et comment il a pu devenir président. En tout cas nous sommes sûrs que le président actuel n’a rien d’un nazi, d’un fasciste, ni même d’un libéral (1) pur jus, même s’il est bien sûr un fervent adepte du Capitalisme et de l’esclavage salarié.

Y.C.


1. La notion de « libéralisme » est une notion très ambiguë pour ses partisans comme pour ses adversaires confus. A droite, elle est le prétexte pour critiquer les actions « redistributrices » de l’Etat (qui consiste à prendre les cotisations sociales versées par les célibataires, les bien-portants et ceux qui ont un boulot fixe pour les redistribuer à ceux qui ont des enfants, qui sont malades ou chômeurs), sauf quand elles se font en faveur des patrons (on n’a jamais vu un patron protester contre une subvention ou une loi anti-ouvrière). A gauche et à l’extrême gauche, elle est une façon de réclamer l’étatisation (partielle ou totale) du Capital, sans pour autant appeler au renversement du capitalisme, à la suppression de la hiérarchie, du salaire et de la division du travail. Dans les deux cas, les mots « libéralisme » ou « néo-libéralisme » empêchent d’envisager même la possibilité de supprimer le salariat, comme mode d’exploitation. C’est pourquoi nous préférons ne pas les utiliser.

2. Sur le site néo-stalinien Bellaciao, Jacques Richaud (http://bellaciao.org/fr/article.php3 ?id_article=47317) affirme ainsi doctement, à partir de quatre citations de Sarkozy associant les mots « liberté » et « travail », que la devise « Arbeit macht frei » (Le travail rend libre) figurant au fronton des camps de concentration aurait inspiré l’UMP !!! Il ignore, tout comme les sites Indymedia et même ceux de la CNT-AIT sur lesquels on a pu lire des « raisonnements » aussi creux et ridicules, que l’on peut retrouver ce genre de rapprochement entre « travail » et « émancipation » chez toutes sortes de gens, des féministes à Tony Blair !

Le dénommé Richaud va jusqu’à affirmer que les nazis auraient commencé par introduire un certain nombre de mots dans le vocabulaire politique et à les banaliser pour mieux s’emparer du pouvoir. Il n’a sans doute jamais entendu parler du premier putsch manqué de Hitler à Munich en 1923, des corps francs, des sections d’assaut (SA ou chemises brunes) du NSDAP, de tous ceux qui pendant dix ans ont semé la terreur dans les quartiers ouvriers en Allemagne, attaqué les réunions des partis communiste et socialiste, les sièges des syndicats, assassinant les militants ouvriers, brûlant les permanences, etc. Ce crétin prétentieux croit que le fascisme se limite à un problème de changement lexical, qu’à la limite un publicitaire doué à la tête d’une puissante agence pourrait imposer dans le langage commun.

A lire ce genre d’âneries, on regretterait presque la propagande du PCF des années 30 ou 50 qui au moins expliquait que les fascistes italiens comme les nazis allemands se sont appuyés sur des organisations de masse regroupant des chômeurs, des petits-bourgeois ruinés, des anciens combattants et une fraction de l’armée, et qu’ils n’ont pas pris le pouvoir grâce à une simple victoire linguistique, mais par l’usage systématique de la violence contre les syndicats et partis ouvriers et l’organisation de milices paramilitaires !
(12 juillet 2007)


Dossier : Sarkozy et la droite (2)

http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=956

Sarkozy : chronologie d’une lente ascension au service de la bourgeoisie

Nous n’éprouvons, est-il besoin de le dire, aucune fascination pour l’arrivisme de Nicolas Sarkozy et ses « succès » obtenus à coups de trahisons, de bluff, de coups médiatiques et de mensonges éhontés. Sans compter son copinage avec la bande à Pasqua (responsable des milices gaullistes du SAC et membre important des juteux réseaux de la FrançAfrique), les patrons des médias, les gérants des gros groupes industriels et des grandes banques. Quant à sa « pensée », elle est indigente, faite de bric et de broc, d’emprunts incohérents et de phrases toutes faites dignes de l’Almanach Vermot. Néanmoins, dans le cadre d’un dossier consacré à ce personnage, il nous faut quand même offrir un minimum d’informations sur l’individu lui-même, données qui permettent de comprendre - en partie - son ascension politique. (Ni patrie ni frontières)

Contrairement à la légende tissée par d’innombrables journalistes complaisants, Sarkozy a bénéficié d’une enfance dorée, même si ses parents ont divorcé quand le pitchoune avait cinq ans. Ce qui est le cas de la moitié des familles aujourd’hui n’était pas un phénomène fréquent dans les années 60 (Sarkozy est né en 1955) - et surtout au sein de la bourgeoisie catholique. Nicolas-le-Petit a d’abord habité au premier étage de l’hôtel particulier de son grand-père (chirurgien), dans le XVIIe arrondissement, avec jardin et domestiques à sa disposition, puis dans l’appartement acheté par sa mère avocate (elle a dû reprendre ses études pour faire bouillir la - grosse - marmite dorée et assurer son indépendance financière). Ses trois frères ont tous réussi des études supérieures et intégré la bourgeoisie, même si pendant leur vie d’étudiants ils ont dû faire des petits boulots pour avoir un peu d’argent de poche supplémentaire (le Petit Nicolas a bossé dans une pizzeria et chez un fleuriste).

Sarkozy a fait toute sa scolarité avant le bac dans le privé, dans un établissement fréquenté par des gens de la Haute, et il a ensuite étudié le droit des affaires (filière idéale pour les larbins du Capital) à Nanterre. Puis il a ouvert un cabinet d’avocats dans lequel il a travaillé sauf pendant les périodes où il était ministre. Cet aspect du personnage n’est pas secondaire : d’une part son métier lui a permis de rencontrer le gratin du patronat français. D’autre part, contrairement à beaucoup d’autres politiciens, il n’a pas eu besoin de la politique pour se payer son caviar Belouga. Comme il le répète depuis des années : « Quand je veux, Martin [Bouygues] me donnera un job. » Le cynisme de ce m’as-tu-vu sans complexes est aussi sans limites...

Ce qui le singularise par rapport à d’autres politiciens bourgeois classiques, c’est qu’il n’a pas bénéficié d’un réseau ou d’un clan politico-familial (bien que son grand-père fut un gaulliste acharné) ou financier. Il a su profiter des liens tissés dans un établissement scolaire privé (le cours Saint-Louis-de Monceau, « le plus chic de Paris » selon sa maman), de ses études à la fac de droit (pépinière de réacs), de sa résidence à Neuilly (havre de la grande bourgeoisie et du show bizz), et même des lieux de villégiature choisis par sa mère (la Côte d’Azur et Pontaillac). Cela lui a permis, dès l’adolescence, de rencontrer (voire de tisser des liens d’amitié avec) plusieurs héritiers de grandes fortunes familiales. Le point commun à tous ces gens connus dans sa jeunesse ou plus tard : ils ne sont généralement pas issus de la bourgeoisie dite « méritocratique » d’Etat : ENA, Grandes Ecoles. (Lee « mérite » de ces gens-là, d’ailleurs, tient surtout au fait que leurs parents sont à 90 % des cadres, des enseignants et des professions libérales.) Les potes de Sarkozy sont plutôt des héritiers de grandes fortunes ou des « self-made-men » (on sait à quel point cette notion est trompeuse (1) mais cela permet de dessiner un profil à la hache) : Lagardère, Decault, Bolloré, Pinault, Paul Desmarais milliardaire canadien associé d’Albert Frère, principal actionnaire de Suez et Total, Serge Dassault et son fils Olivier Dassault, etc.

Sa lente ascension politique au sein du RPR puis de l’UMP lui a aussi permis de se lier avec des gestionnaires du grand capital comme Charles Milhaud (président de la Caisse nationale des Caisses d’épargne), René Carron (président du Crédit agricole), Michel Pébereau (président de BNP Paribas) ou Geoffroy Roux de Bézieux (président de Croissance plus, le petit frère du MEDEF). Que du beau linge, quoi !

Face à des liens aussi étroits avec la grande bourgeoisie française, liens conquis à la force du poignet, les petites vannes sur ses origines familiales nobles et son père aristocrate déchu dont la famille faisait marner 2 000 paysans en Hongrie avant la Seconde Guerre mondiale relèvent des plaisanteries de chansonniers.

1. Un seul exemple, celui de Bernard Tapie. Il a toujours (et la gauche avec lui) prétendu qu’il était « parti de rien ». Mais il ne s’est jamais vanté de la façon dont il a trouvé ses premiers financiers dans des cercles de jeu, souvent illégaux, où il venait flamber son maigre salaire... Ce petit coup de pouce de gens qui avaient de l’argent plus ou moins douteux à blanchir, ou pour lesquels perdre 50 000 euros au poker est une plaisanterie, explique le démarrage de ce sinistre individu. Après, on connaît l’histoire, et la façon dont il saura trouver des sources plus légales et « respectables » de financement pour ses magouilles et ses carambouilles.

Les 7 étapes de la carrière du « Petit Démagogue »*

Ce qui frappe dans l’ascension de Nicolas Sarkozy, c’est le parallélisme entre son ascension dans l’appareil d’Etat (municipalité, Conseil régional, Conseil général, Parlement, ministères, présidence de la République) et au sein l’appareil du RPR puis de l’UMP (trésorier d’une section locale, délégué aux Assises nationales, délégué des jeunes du RPR, membre du Comité central, superviseur des Fédérations, membre du Bureau politique, président du Parti).

1. L’ADHESION AU RPR 1974 Prend contact avec la permanence du RPR à Neuilly. Successivement colleur d’affiches, distributeur de tracts, trésorier (en piquant la place à son meilleur pote), chauffeur de salle (grâce à ses dons oratoires) 1975 Délégué des Hauts-de-Seine aux Assises nationales du RPR grâce à Pasqua 1976 Co-organise une réunion de 25 000 jeunes Porte Maillot 1977 Membre du comité central du RPR (on remarquera que le Petit Nicolas a vite fait partie du Parlement dirigeant du parti gaulliste)

2. L’ENTREE DANS L’APPAREIL MUNICIPAL ET LA MONTEE DANS L’APPAREIL DU RPR 1977 - 1983 conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine 1978-1979 Planqué à l’état-major de l’armée de l’air pendant son service militaire grâce à ses contacts au RPR (cela ne l’empêche pas d’affirmer que, dans la vie, personne ne l’a jamais aidé !) Délégué national des jeunes du RPR 1981 Président du Comité national des jeunes en soutien à Jacques Chirac 1983 septième maire adjoint alors que ses copains sont déjà maires (Balkany le ripou à Levallois-Perret, et Devedjian l’ultraréac à Antony)

3. MAIRE DE NEUILLY - ASCENSION DANS LES HAUTS-DE-SEINE ET AU RPR 1983 - 2002, maire de Neuilly (60 000 habitants) 1983 - 1988, conseiller régional d’Île-de-France ; conseiller général du canton de Neuilly ; vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine, chargé de l’enseignement de la culture ; 1988 Secrétaire général adjoint du RPR, chargé de la Jeunesse et de la Formation 1989 Co-directeur de la liste d’union pour les élections européennes 1992-1993 Secrétaire général-adjoint du RPR, chargé des Fédérations (un poste fondamental pour connaître personnellement tous les cadres du Parti, les maires et les députés) Depuis 1993 Membre du bureau politique du RPR

4. MINISTRE ET DEPUTE Mars 1993 - mai 1995, ministre du Budget, porte-parole du gouvernement, et, à titre provisoire, ministre de la Communication (gouvernement Balladur)

5. PETITE « TRAVERSEE DU DESERT » TOUT EN GARDANT SES MANDATS DE DEPUTE ET DE MAIRE Traité de « traître » de « nabot » et de « salaud » aux réunions du RPR suite à son soutien à Balladur contre Chirac, il revient à son cabinet d’avocats, qu’il avait « abandonné » (il téléphone quand même tous les jours et suit les dossiers) pendant ses deux années de ministre. Ecrit Libre (cf. notre critique) 1995-1997 Porte-parole du RPR 1998-1999 Secrétaire général du RPR Député des Hauts-de-Seine (6e circonscription) depuis 1993, réélu à toutes les élections jusqu’en 2002. 1999 Président du RPR par intérim Juin 1999 : Tête de la liste RPR-DL pour les élections européennes Ce parfait cumulard était, à ce moment-là, maire de Neuilly, député des Hauts-de-Seine et député européen. Il démissionne de son mandat européen qu’il refile à son copain de toujours Brice Hortefeux, un fils de pauvre... banquier 2000 Élu président du Comité départemental du RPR des Hauts-de-Seine

6. MINISTRE de l’INTERIEUR mai 2002 - mars 2004, ministre de l’Intérieur, dans les premier et deuxième gouvernements Raffarin mars - novembre 2004, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie dans le troisième gouvernement Raffarin mai 2005 - mars 2007, ministre de l’Intérieur et dans le gouvernement Villepin 2004 - 2007, président du Conseil général des Hauts-de-Seine ; conseiller général du canton de Neuilly-sur-Seine-Nord

7. PRESIDENT DE L’UMP PUIS PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE novembre 2004 -mai 2007 : Président de l’UMP car Juppé est condamné pour l’affaire des emplois fictifs à la Mairie de Paris Parution de Ensemble (cf. notre critique) 6 mai 2007, élu président de la République avec 53,06 % des voix face à Ségolène Royal

(*) Cf. notre critique du livre de Jean-Luc Porcher, Le Petit démagogue, La Découverte, 2007.

Article suivant : Un parti conservateur de masse ?
(12 juillet 2007)



Dossier : Sarkozy et la droite (3)

http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=957

UN PARTI CONSERVATEUR DE MASSE ?

Selon les historiens qui ont étudié la droite (1), ce courant serait fondamentalement rétif à l’idée d’un Parti politique centralisé, pour des raisons idéologiques : pour la droite, on sait qu’il est obscène de parler de classes sociales ayants des intérêts divergents, et encore moins de lutte des classes. Dans sa vision de la société, la droite ne tient habituellement compte que des individus qui jouissent (généralement à la naissance) de plus ou moins de talents, ou des « groupements corporatifs » habituellement considérés d’un mauvais œil (surtout d’ailleurs quand ce sont les exploités qui se regroupent). Par contre le concept de nation a tout son sens pour la droite, à la fois comme mythe fondateur de l’Etat, et pour rassembler toutes les classes derrière la bourgeoisie et son Etat.

Il faut se souvenir que le gaulliste Chirac dénonçait encore, en 1971, les partis comme des « écrans entre les citoyens et le pouvoir politique ». D’après les historiens de la droite française, celle-ci n’admettait autrefois l’idée d’un parti qu’à condition qu’il s’agisse d’un parti d’électeurs (nous ajouterons, pour notre part, obéissants et bornés), de supporters ou de fans d’un grand chef charismatique.

La droite française a toujours préféré :
- les regroupements de notables,
- les clubs de patrons et de « décideurs »,
- voire même, pour une frange plus extrême, les clubs de réflexion (GRECE, Club de l’Horloge), clubs qui auront un rôle important dans la bataille pour l’hégémonie idéologique avant l’élection de 2007,
- les loges maçonniques, etc.

(Pour ceux qui l’ont oublié, le GRECE faisait l’éloge de la « différence » (on voit que le multiculturalisme n’est pas loin) ; il réhabilitait les nationalismes (y compris ceux du tiers monde) ; il critiquait la trop grande importance prise par « l’économie » ; il défendait la décolonisation fondée sur l’idée de nation. Pour ce faire, il organisait des colloques aux prétentions scientifiques qui avaient pour objectif de créer des passerelles entre la droite et l’extrême droite et surtout de partir à la conquête idéologique des Universités, des médias, etc.

Où l’on voit que, contrairement à ce que prétendent Serge Halimi et le Monde diplomatique, qui ont pourtant consacré de nombreux articles à cette fraction nauséabonde de la droite « intellectuelle », la droite réactionnaire française n’a pas eu besoin de copier l’exemple des néoconservateurs américains. Il lui a suffi d’observer les conditions de la victoire de la gauche en 1981. Le RPR était un mouvement « bonapartiste » où les élections se faisaient par acclamation (c’est ainsi que Chirac fut élu aux premières assises du RPR). Même le Comité central n’était qu’en partie élu.

Il est intéressant de noter, surtout aujourd’hui que l’UMP et Sarkozy nous bassinent avec des chiffres d’adhérents constamment en hausse (au moins 300 000), que le RPR aimait lui aussi à une époque brandir des chiffres mirobolants. Or, les chiffres réels du RPR et du PR avant 1981 étaient de 70 000 et de 7 000 pour le PR même si ces deux formations annonçaient fièrement 500 000 et 50 000 adhérents. Les chiffres actuels officiels de l’UMP sont donc inférieurs à ceux qu’annonçait le parti qui l’a précédé. De là à penser que les chiffres réels de l’UMP sont aujourd’hui eux aussi très inférieurs, il n’y a qu’un pas... que nous franchirons allégrement.

Selon les historiens de la droite, trois événements auraient profondément marqué la droite française :

- le succès du PS après le congrès d’Epinay (congrès qui consacre la fusion entre la SFIO - nom du vieux parti socialiste -, la FGDS de Mitterrand et les différents clubs de gauche), et la dynamique enclenchée par ce nouveau rassemblement politique,
- l’adoption du Programme commun en 1974
- et enfin le séjour de la droite dans l’opposition après la défaite de 1981. Ces trois événements auraient poussé la droite à changer radicalement d’avis sur l’intérêt d’avoir à sa disposition un vrai parti et pas simplement un réseau de notables ou d’électeurs-fans décérébrés. Et même de copier la gauche jusque dans ses appellations : comité central, bureau politique, secrétariat national, etc.

Il faut noter que ce processus était déjà enclenché par l’usure du gaullisme (le gaullisme chimiquement pur, centré autour de la figure charismatique du Général, n’a duré que quelques années), les rivalités personnelles multiples et les contradictions idéologiques au sein de la droite (gaullistes de gauche et de droite, libéraux divers, centristes ralliés)

Le succès du PS en tant que parti au début des années 80 aurait donc provoqué, de façon lente et chaotique, une dynamique d’union des droites qui a mis très longtemps à se mettre en place (et on peut d’ailleurs se demander si l’UMP sera capable de conserver son homogénéité vu le nombre de chefs, la récente direction collective Rafarin/Devedjian, etc.), mais dont Sarkozy sera peut-être l’ultime et talentueux artisan.

Dans ce cas, l’objectif du président de la République et de ses partisans serait peut-être de créer un grand parti conservateur, miroir du PS dans son fonctionnement et son implantation. C’est du moins ce qu’avance, Jacques Serieys, un membre de la tendance PRS du Parti socialiste (2) qui écrit au lendemain des élections présidentielles :

« Depuis que Nicolas Sarkozy a été élu président de l’UMP, les caractéristiques de ce parti ont changé :
- finies les instances nationales essentiellement composées d’élus absentéistes ; voici un Conseil national de 2 500 membres, creuset permettant la structuration d’un réseau national de cadres ;
- finies les seules assemblées générales départementales, voici 3000 cercles locaux chargés de relayer l’orientation politique et de répartir les tâches militantes ;
- finie l’extériorité de la droite par rapport au monde du travail ; voici 24 fédérations professionnelles "conçues à la fois comme boîtes à idées et courroies de transmission dans la société, un peu sur le modèle du Parti socialiste des années 1970 à la grande époque des Groupes socialistes d’entreprises" (A Gauche n°1083). » N’étant pas du tout spécialistes de la droite, nous ignorons si l’auteur de cet article ne grossit pas un peu le trait et ne se livre pas à des pronostics hasardeux. Nul ne sait si l’UMP réussira son pari et surtout si elle arrivera à empêcher le MODEM d’exister, si elle laminera définitivement le FN, s’imposant ainsi comme l’unique parti de droite.

Ce qu’il y a de sûr, pour le moment, c’est que Sarkozy s’est attelé à cette tâche et qu’il a posé de solides premiers jalons dans cette direction.



1. Histoire des droites en France, trois volumes, NRF Gallimard, 1992. Sous la direction de J.F. Sirinelli. Au tome 1 (« Politique », 800 pages) ont collaboré Michel Denis, Bernard Ménager, Philippe Levillain, Gilles Le Béguec, Jacques Prévôtat, Jean-Luc Pinol, Jean-Marie Donegani, Marc Sadoun, Jean El Gammal, Yves-Marie Hilaire, François Bourricaud, Philippe Burin, Jean Charlot et Pierre Milza.

2. http://www.prs12.com/article.php3 ?id_article=3323

Article suivant : les « fédérations professionnelles » de l’UMP

(12 juillet 2007)



Dossier : Sarkozy et la droite (4)

http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=958

Les fédérations de métiers : boîtes à idées ou sections d’entreprises ?

L’UMP est divisé en 24 fédérations des métiers aux noms parfois amusants ou révélateurs des intérêts de classe qu’elles entendent défendre : métiers de l’air, de l’espace et de la défense ; métiers de l’art et du luxe ; métiers de l’artisanat et du commerce ; métiers de l’audit et du conseil ; métiers de l’économie sociale ; métiers de l’enseignement et de la recherche ; métiers de l’urbanisme et de l’habitat ; métiers de la Banque Finance Assurance ; métiers de la chimie ; métiers de la justice et du droit ; métiers de la mer ; métiers de la santé ; métiers de la sécurité ; métiers de la terre ; métiers des nouvelles technologies de l’information ; métiers du commerce et de l’industrie ; métiers du secteur public ; métiers du sport ; métiers du tourisme. Les appellations donnent plutôt l’impression qu’il s’agit d’un rassemblement, de cadres, de chefs d’entreprise, de professions libérales et de responsables policiers que de fédérations destinées à organiser de simples ouvriers ou employés. Ou alors quelques exploités très arrivistes, le genre à fayoter auprès de leur chef de service ou leur contremaître et à bosser les concours internes pour marcher sur leurs collègues.

On ne s’en étonnera pas, le credo sarko-blairiste est au cœur de ce projet : « Le travail est au cœur des valeurs qui nous rassemblent », affirme le site de l’UMP.

La perspective politique est à la fois interclassiste (on gomme les différences entre patrons et salariés) et corporatiste (on se regroupe par métier) : « salariés, ouvriers, chefs d’entreprise, fonctionnaires, professions libérales, artisans » Quant à l’objectif, il est connu : « les réformes dont le pays a besoin ». En clair, le démantèlement des acquis sociaux (Code du travail, Sécurité sociale), des services publics (déjà engagé dans de nombreux domaines comme la Poste, les transports, l’énergie, etc.), le « dégraissage » de l’administration (50 % des postes non renouvelés), etc.

Quelle est la réalité sur le terrain de ces fédérations professionnelles ? Difficile de le dire. On ne dispose que des chiffres fournis par l’UMP : 13 701 adhérents adhéreraient à ces fédérations, ce qui constitue un tout petit pourcentage par rapport au nombre officiel d’adhérents ; il y aurait 2 575 « sympathisants actifs », ce qui donne des proportions assez modestes au projet, mais pas ridicules ; « 521 élus des comités professionnels » (pas très clair : que sont ces comités ?) ; « 96 délégués départementaux ; 1142 réunions tenues ; 62 colloques, dîners, débats, cafés politiques ; 60 rapports et contributions présentés ;192 thèmes de réflexion travaillés ».

En dehors de cet inventaire un peu hétéroclite, on a quand même l’impression que Sarkozy a appliqué à l’UMP les règles du management d’entreprise, tout comme il prétend le faire maintenant à la tête de l’Etat. Constituer une boîte à idées. Bâtir un réseau, créer un « réservoir de savoirs et d’expertises », grâce à un « panel de professionnels » (traduire d’apprentis exploiteurs et d’exploiteurs).

Le bilan pour le moment n’est guère impressionnant mais si l’on va sur le site de chaque fédération, on voit qu’elles ont mis au point un catalogue de « revendications » patronales ou de pseudo « réformes » qui sont assez concrètes. Ce travail idéologique et pratique, ainsi qie l’organisation de 18 colloques thématiques, dans les deux années précédant la présidentielle, a sans doute contribué à donner l’impression aux cadres de l’UMP qu’ils avaient un projet idéologique original, relativement bien ficelé, et traduisant assez fidèlement les intérêts des petits et grands patrons.

La seule question intéressante est de savoir s’ils arriveront à en persuader une fraction suffisante de la classe ouvrière pour que cela paralyse pour un temps toute riposte d’envergure. Quant à savoir si l’UMP, en dehors d’organiser des clubs pour cadres et jeunes aux dents longues, est vraiment capable d’organiser les travailleurs, non seulement il est trop tôt pour le dire mais cela semble une perspective assez utopique.

Le FN, qui, lui, avait plus de raisons d’organiser les couches populaires vu son incapacité à s’infiltrer dans l’appareil d’Etat et à devenir un parti de notables, et les visions fascisantes d’une partie de son appareil, a échoué dans ce projet, même s’il a réussi à placer des hommes dans certains syndicats FO ou dans des syndicats de police ou de petits commerçants.

Mais il faudra surveiller ces tentatives, dont la possibilité pour tout nouveau « syndicat » de se présenter au premier tour des élections syndicales professionnelles donnera une première idée dans les entreprises.

Y.C.

(12 juillet 2007)


Dossier Sarkozy et la droite (5)

http://www.mondialisme.org/article.php3?id_article=959

A PROPOS DE DEUX BIOGRAPHIES DE SARKOZY

Catherine Nay, Un pouvoir nommé désir, Grasset

Bruno Jeudy, Ludovic Vigogne, Nicolas Sarkozy, De Neuilly à l’Elysée, L’Archipel

Des dizaines de livres sont parus sur Nicolas Sarkozy, avant même qu’il soit élu en mai 2007. Nous avons choisi ces deux livres un peu au hasard, n’ayant le goût ni l’habitude de lire des bios de politiciens réactionnaires. Nay est « éditorialiste à Europe n° 1 », Jeudy est journaliste au Figaro, et Vigogne travaille au Parisien, tous deux « suivent Nicolas Sarkozy depuis plusieurs années », nous dit la quatrième de couverture.

Quel que soit leur statut, la première chose qui frappe lorsqu’on lit ces deux ouvrages, c’est que nos trois compères n’ont guère de distance vis-à-vis de leur sujet. Plus crûment, on a l’impression que Sarkozy leur a dicté l’essentiel des « analyses » contenues dans leurs livres, tant ils sont acritiques. Catherine Nay nous dépeint le portrait d’une Cosette (la mère de Sarkozy), mère avocate élevant seule ses quatre enfants, vivant dans les quartiers bourgeois du XVIIe puis ayant les moyens de se payer un appartement à Neuilly ; quant à Vigogne et Jeudy, ils ne font pas un grand effort dans une première partie pour nous apporter un éclairage nouveau ou original sur la vie de Sarkozy et ils puisent dans les livres écrits par d’autres collègues complaisants ; quant à la seconde moitié de leur livre, loin d’être une biographie, il s’agit en fait d’un journal de campagne, rempli d’anecdotes le plus souvent assez triviales, même si tout de même on arrive quand même à récupérer quelques anecdotes significatives sur l’hypocrisie de Sarkozy, notamment le contraste entre ses déclarations publiques sur « l’amour » et le perpétuel « J’ai changé », « J’ai appris à écouter les gens », etc., et les engueulades et les insultes qu’il adresse à des responsables flics de la Seine-Saint-Denis après la publication du rapport du préfet démontrant que son ministre mentait en ce qui concerne la baisse de la délinquance dans ce département. Une fois que l’on a fermé ces deux livres, on se dit que l’entreprise de décervelage des lecteurs est bien enclenchée, si ces derniers ne cherchent pas à creuser au-delà du rideau de fumée lancé par Sarkozy et les écrivaillons béats d’admiration devant son « volontarisme », sa « sensibilité », etc. Que peut-on malgré tout retenir de ces deux ouvrages qui soit utile à des militants ?

Sarkozy a eu la fibre gaulliste et anti « communiste » très jeune ; en clair, à 52 piges c’est déjà un vieux réac ; il a gravi un par un les échelons du parti gaulliste jusqu’à en prendre la tête, il a su s’entourer d’amis à gauche (Jacques Attali) comme à droite (Peretti, maire de Neuilly ; Balladur ; Pasqua, l’homme des Services d’Action civique, de la Françafrique, des barbouzes, des trafics d’armes et de la corruption dans les Hauts-de-Seine), qui l’ont considérablement aidé dans son ascension vers le pouvoir. On apprend, au cas où on l’aurait oublié, que ni le mot « Karcher », ni même le terme de « racaille » n’ont été utilisés la première fois par lui. Le mot Karcher a été utilisé par l’un des membres de la famille d’un enfant de 11 ans Sidi Mohammed Hammache mort d’une balle perdue lors d’un affrontement entre deux bandes locales dans la Cité des 4000 à La Courneuve. « Monsieur le ministre il faut nettoyer la cité au Karcher », a déclaré l’un des parents de la victime. Et Sarkozy de répondre du tac au tac : « Vous avez raison, il faut nettoyer la cité au Karcher ». Sarkozy a fait preuve d’une double et terrible habileté : il a su reprendre les mots d’un travailleur anonyme et utiliser à fond le registre émotionnel pour en tirer des bénéfices politiques. A la sortie de l’immeuble, le même soir, lorsqu’une mère de famille maghrébine lui dit : « On veut sortir d’ici, on est français. On veut que nos enfants vivent comme des Français », le ministre de l’Intérieur lui lance : « Les voyous vont disparaître, je mettrai les effectifs qu’il faut, mais on nettoiera la cité des 4000. » On voit là encore que ce sont des travailleurs, franco-maghrébins ou maghrébins de surcroît, qui donnent à Sarkozy l’occasion d’enrichir son vocabulaire pour après le recycler au service de sa politique répressive. En ce qui concerne le mot de « racaille », il a été employé par un habitant lors d’une visite mouvementée de Sarkozy d’une esplanade, surnommée la « dalle d’Argenteuil » en juin 2005, plusieurs mois donc avant les émeutes de novembre. Une femme d’origine maghrébine l’interpelle depuis sa fenêtre « Il faut débarrasser le quartier de cette racaille » car le ministre de l’Intérieur est accueilli par une pluie de projectiles et Sarko de répondre illico démago : « Nous allons vous débarrasser de cette racaille. » Idem aussi pour « la France qui se lève tôt ». Des jeunes ouvriers d’une usine de traitement de poissons lui font remarquer gentiment : « Nous, on a des salaires de misère, et pourtant on se lève tôt », et l’expression sera reprise allégrement par la droite. Reprendre les mots de l’autre peut plomber un homme politique et, le moins qu’on puisse dire, c’est que cela n’a pas été le cas de Sarkozy.

L’habileté de Sarkozy a été de reprendre ces mots « du peuple » à son compte et de les marteler dans ses discours jusqu’à leur donner une légitimité, grâce évidemment au soutien des médias (Jeudy et Vigogne racontent que les ventes des magazines augmentent de 30 à 40 % quand la gueule de Sarkozy figure en couverture). On apprend aussi dans ces deux ouvrages que Sarkozy pratique les visites d’usines, d’hôpitaux, de commissariats ou de petites fermes depuis des années. Il a inauguré cette technique bien avant 2007. « Pendant des années je n’ai fait que de la politique. Je veux humaniser mes discours grâce à des expériences vécues », confie-t-il après une visite en 2001, à l’hôpital Saint-Antoine, au service des urgences où il fait semblant d’écouter les « doléances des infirmières, des urgentistes et des patients qui attendent sur des brancards ». Ce labourage du terrain lui a permis non seulement d’ « écouter » les petits salariés, les petits paysans, les ménagères, mais de chercher à adopter un langage qui soit compris de « ceux qui souffrent », comme nous le serinent cyniquement tous les politiciens UMP depuis quelques mois. Ou de découvrir « la France des oubliés, des pauvres, des plus modestes ». Sarko a en partie réussi à se débarrasser de son image de technocrate, très « libéral », ami des patrons, qui lui collait à la peau. Pendant la campagne présidentielle, affirmait-il, « dans tous mes déplacements je veux aller dans les usines ». Il faudrait vérifier mais on peut se demander s’il ne s’est pas plus souvent rendu dans les entreprises que la candidate « socialiste »... En cela, Sarkozy, loin de copier les recettes de la droite américaine comme l’affirment faussement Serge Halimi et Le Monde diplomatique, Sarkozy donc n’a fait que revenir aux vieux thèmes de la droite depuis le XIXe siècle : la sanctification de l’effort, la dénonciation des paresseux, les louanges adressées à ceux qui se lèvent tôt, le patriotisme, le retour du respect pour les profs et leur autorité, le patriotisme, etc. Ses références à Blum ou Jaurès n’ont choqué que ceux qui ont oublié que la SFIO, le parti de ces deux dirigeants socialistes, gouverna avec De Gaulle au sortir de la Résistance en obligeant les ouvriers à marner ; ses louanges adressées à Guy Moquet n’ont choqué que ceux qui ignorent que le PCF collabora activement avec la Résistance gaulliste puis contribua à l’arrivée et au maintien du général de Gaulle au pouvoir en 1945-1947, à l’époque où Thorez proclamait : « La grève est l’arme des trusts ».

Catherine Nay nous apprend que la haine de Sarkozy contre Mai 68 remonte à très loin, puisqu’à l’époque il se serait « fait tabasser par des gauchistes » à Nanterre où il aurait pris la parole dans une AG en prenant position contre la grève et qu’il aurait été interdit de cours par les mêmes gauchistes pendant six mois. On a du mal à le croire, mais après tout peu importe, ce qui compte dans l’anecdote (qu’elle soit réelle, totalement inventée, ou arrivée à l’un de ses proches) est qu’elle nous explique en quoi sa volonté de « liquider l’héritage de Mai 68 » a des origines anciennes, bien antérieures au retournement des médias et d’une partie de l’intelligentsia de gauche contre « la pensée 68 » ou les « soixante-huitards ».

Catherine Nay nous dépeint un bonhomme méticuleux, bosseur, arriviste, très exigeant voire méprisant vis-à-vis de ses proches collaborateurs, court-circuitant toujours les hiérarchies ou les protocoles pour mieux arriver à ses fins :

- c’est ainsi qu’il utilise les réseaux du socialiste Julien Dray en 1993 lors du mouvement contre le CIP de Balladur, un SMIC jeunes précurseur du CPE ;
- qu’il menace de contrôles fiscaux les ministres ou députés de droite qui s’opposent à lui quand il est ministre du Budget ;
- qu’il demande des conseils à Jack Lang lorsque le ministre de l’Education nationale Luc Ferry est en difficulté - le même Lang qui déclare complaisamment après la fermeture de centre de Sangatte « Ah si nous avions seulement fait 10 % de ce que vous avez fait là » (alors que les sans papiers continuent à errer dans les bois) ;
- ou qu’il demande aux responsables du syndicat UNSA Police des informations sur le représentant de l’UNSA Education qu’il doit rencontrer à la même époque ;
- il prend directement contact avec Frédéric Imbrecht, le leader de la CGT Energie lors du changement de statut EDF ;
- il prend contact directement avec les syndicats pendant le mouvement du CPE, à la fois pour court-circuiter Villepin, mais aussi parce qu’il n’est pas très chaud pour le CPE, ou plus exactement sur la façon de l’imposer. Il appelle personnellement Thibault, Mailly, Chérèque et comme il n’arrive pas à avoir le numéro de téléphone du dirigeant de la CGC il n’hésite à faire déplacer un motard au domicile de ce dernier pour le lui demander.

Toutes ces petites anecdotes sont certes significatives sur son caractère de touche-à-tout hyperactif qui ne peut désormais que renforcer la présidentialisation du régime, puisqu’il dirige désormais la République. Mais elles sont surtout importantes d’un point de vue politique. Elles montrent que loin d’être un fasciste, ou un apprenti Pétain, Sarkozy a toujours eu des amitiés et même des réseaux à gauche et chez les syndicalistes. Autre aspect du personnage, qui le différencie de beaucoup de politiciens qui n’ont qu’une seule mangeoire pour vivre en parasites. Sarkozy se garde toujours une deuxième épée au feu : il est avocat d’affaires et a des parts dans le même cabinet depuis 1987, investissement qui lui rapporte une coquette somme chaque année.

C’est son travail d’avocat qui lui a d’ailleurs permis de rencontrer des grands patrons comme Lagardère, Bouygues, Dassault et Arnault.

Les deux ouvrages nous apprennent qu’en tant qu’élu local, Sarkozy a appliqué à Neuilly les mêmes techniques que Chirac en Corrèze : visiter chaque samedi la ville à pied, assister à toutes les réunions annuelles des associations, aux fêtes des écoles, aux banquets des pompiers, écrire des lettres manuscrites à ses administrés, etc. Mais en dehors du « petit peuple » (pas très nombreux dans sa ville...) il a su aussi se tisser un large réseau parmi les artistes, les gens du showbizz, les journalistes et bien sûr les grands patrons : Laurence Parisot le connaît depuis l’époque où elle était patronne de l’IFOP et est maintenant la dirigeante du MEDEF ; Bernard Arnault et Martin Bouygues seront ses témoins de mariage ; Bouygues lui prêtera déjà un yacht en août 2005 pour qu’il se remette de sa crise conjugale ; et il considère Arnaud Lagardère comme son « frère ». Ces techniques de travail de terrain à Neuilly, il les a appliquées à la fois pour conquérir l’appareil de l’UMP (en allant visiter beaucoup de fédérations aux quatre coins de l’Hexagone ; garder à l’esprit que lorsque Sarkozy prend une semaine de vacances il trouve le temps d’appeler 85 parlementaires de l’UMP), mais aussi pour obtenir le soutien inconditionnel de toutes les catégories de flics, pendant ses cinq ans Place Beauvau. Il sait aussi utiliser les médias pour redorer le blason de la police, qui en a bien besoin, la pauvrette, en organisant « une opération par jour pour sécuriser les gens » et en transformant son ministère en « ministère de l’Actualité ».

Il fait adopter aussi beaucoup de mesures pratiques en faveur des pandores : augmentation du budget de la police de 5, 83 % dès la première année, embauche de 13 000 flics supplémentaires en 5 ans, accélération de la réparation du parc automobile, généralisation des flash-balls, adoption de tenues plus « confortables » pour les gardiens de la paix.

Son arrivisme lui a valu de se fâcher avec pas mal de chiraquiens (dont Fillon, Michèle Alliot-Marie et Juppé) mais le moins qu’on puisse dire est que sa rancune n’a pas duré longtemps vu les places qu’il leur a accordées dans son premier gouvernement. Son passage au ministère de l’Economie et des Finances l’a amené à au moins deux reprises à se départir de son image de « libéral » cent pour cent. Quand il est intervenu pour contrer l’OPA de Sanofi Synthélabo contre le groupe franco-allemand Aventis ; et quand il a « lutté » contre la reprise d’Alstom par un groupe allemand et fait le siège de Mario Monti, commissaire européen. A force de harcèlement et de manipulations médiatiques, il a contribué à recapitaliser Alstom.... quitte à en céder une partie dans trois ans à des groupes privés ; déjà à l’époque il s’était rendu à Alstom-Belfort et La Rochelle pour voir les salariés. Même si Chevènement s’attribue le mérite d’avoir prévenu Sarko, c’est ce dernier qui en a tiré tout le bénéfice politique. Lorsque Sarkozy déclare : « ce n’est pas un droit pour l’Etat d’aider ces grandes industries c’est un devoir », même si ces mesures sont de la poudre aux yeux, il fait croire aux travailleurs que l’Etat « protecteur » dont se réclame tant le PS dans son matériel électoral, jouera son rôle. Et surtout il montre qu’il est loin d’être un « néolibéral » pur jus. Ce qui n’empêche pas bien sûr qu’il soit un ennemi des travailleurs.

L’ascension politique de Sarkozy a finalement été assez lente. Il a mis 9 ans pour devenir maire, 14 ans pour devenir député, 19 ans pour devenir ministre et 33 pour devenir président de la République. Quand il vante le « travail », il sait de quoi il parle, du moins si l’on élargit le sens de ce mot au « travail » d’ascension politique.

Sarkozy a transformé l’UMP en une machine à son service, une machine au fonctionnement bonapartiste (tout comme celui de la Cinquième République), puisque c’est le Petit Nicolas qui a décidé de faire élire le candidat à la présidentielle par les adhérents du parti.

On découvre dans ces deux livres que M. le (futur) Président de République a toujours eu un grand sens de la prédestination : « Je n’ai pas envie d’être Président. Je dois être Président. Ce n’est pas la même chose. » « J’irai jusqu’au bout, je veux réformer la France, je dois le faire, mais il faut que vous sachiez que cela me coûte. » On n’est pas loin du Christ se rendant au Golgotha pour sauver l’Humanité. On est en plein dans la mythologie de l’homme providentiel, qui a une mission sur terre, et pas loin du général de Gaulle qui s’identifiait à la France. Seule différence : Sarko est plus terre à terre et réaliste et se donne dix ans puisqu’il est hostile à plus de deux quinquennats... en principe. Selon Attali : « Sarkozy n’est pas atlantiste. Il n’est pas un libéral, il n’est pas un idéologue mais un pragmatique. Il fait partie de la génération, droite et gauche confondues, qui a une vision un peu courte sur le monde. »

A la limite, peu importe que ce soit vrai, ce qui compte c’est ce que les travailleurs qui ont voté pour lui ou lui font encore confiance ont perçu au moment de voter voire perçoivent aujourd’hui.

Catherine Nay considère que Sarkozy va mettre en place un « bonapartisme libéral ». Il est sans doute un peu tôt pour en décider. Ce qui est sûr c’est qu’il défendra au pouvoir les valeurs traditionnelles de la droite (et de la gauche) républicaine : « travail, mérite, discipline, équité, famille ». Quant au « goût de l’autorité, au culte pour le volontarisme et à la personnalisation » ils ont caractérisé aussi bien Sarkozy que Royal mais apparemment un des deux candidats de la bourgeoisie s’est montré plus convainquant que l’autre, en 2007.

Y. C.

(12 juillet 2007)