Origine : http://www.marianne2.fr/sarkofrance/Insecurite-la-pensee-unique-irresponsable-de-Nicolas-Sarkozy_a147.html
Vendredi, il fallait écouter le discours du chef de Sarkofrance
dans l'enceinte de la préfecture de l'Isère. Un grand
discours, l'un de ceux qui donne la nausée aux républicains,
l'un de ceux qui décrédibilise un homme, l'un de ceux
qui mêlent injonctions, approximations et outrances. L'homme
qui parlait vendredi ainsi à Grenoble était pourtant,
paraît-il, président de la République. De laquelle
? La sienne, fiscalement indulgente avec son premier cercle de donateurs,
idéologiquement complaisante avec l'extrême droite,
politiquement inefficace sur le terrain. Ensemble et pour lui, tout
est possible, pourvu qu'il soit réélu.
Insécurité : la pensée unique irresponsable
de Nicolas Sarkozy
Sarkozy, tout en self-contrôle
Vendredi, le ton du chef de Sarkofrance était posé,
très posé. Sarkozy évita de se couper la parole,
répétait certains arguments, se ménageait quelques
silences pour appuyer sa détermination, les yeux souvent
rivés sur son papier, parfois fixant le fond de la salle
pour marquer un silence, ou prenant à témoin deux
socialistes locaux, Michel Destot, maire de Grenoble, et André
Vallini, président du conseil général de l'isère.
Ce long monologue, calme, approximatif et fastidieux, contrastait
avec la grossièreté de ses propos. Sarkozy mélangeait
tout, citant pêle-mêle les cocktails Molotov jetés
par des mineurs de 12 ans dans les cités, les petit et grand
banditismes, l'immigration «incontrôlée»,
les multirécidivistes, les parents irresponsables de leurs
gamins délinquants, et les attaques à l'arme de guerre
contre les forces de l'ordre. Il ne manquait qu'une mention d'Al
Qaida et Ben Laden pour que la bouillie fut complète.
Paradoxe suprême, tout au long de ces 33 minutes de paroles,
Sarkozy chercha constamment à devancer les critiques, à
nier qu'il instrumentalisait les sujets évoqués ou
pratiquait l'amalgame. Une vraie gageure ! Il y a deux jours, nous
nous posions la question suivante : quelle différence subsiste
encore entre Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen sur le sujet de
l'insécurité et de l'immigration ? Une seule, Sarkozy
est au pouvoir.
Au fait, pourquoi est-il venu ?
Sarkozy commença par rappeler les faits. Il a raison. Les
violences de Grenoble sont avant tout une affaire de banditisme.
«Grenoble vient de connaitre une flambée de violence
sans précédent qui a profondément choqué
nos concitoyens. Les actes qui ont été commis ici...
je n'irai pas par quatre chemins, je les qualifierai d'une extrême
gravité. Et ils méritent une condamnation sans réserves.
(...) Les forces de l'orde ont été prises à
partoe par des assaill qui se sont permis de tirer à balles
réelles avec l'intention de tuer. Ce sont des tentatives
de meurtres. Tout sera mis en oeuvre pour que les auteurs soient
retrouvés et châtiés.» (silence, Sarkozy
fixe la salle...) Et je le dis aux Français, nous les retrouverons
tous...» (silence, regard fixe).
«Des policiers de la BAC - Brigade Anti-Criminalité
de Grenoble - ont l'objet de menaces de mort. C'est i-n-a-c-c-e-p-t-a-b-l-e,
inacceptable. Je veux les assurer de notre soutien, de ma confiance,
de ma reconnaissance, et leur dire que nous n'aurons aucune complaisance,
aucune faiblesse, vis-à-vis des délinquants et des
criminels qui seront mis hors d'état de nuire et dont la
seule place est en prison.»
Il s'avance: «vous verrez que les résultats ne vont
pas tarder.» On a peine à le croire. Comme le notait
Julien Dray, interrogé sur Europe1 la semaine dernière,
la fusion des Renseignements généraux avec la DST
pour créer la DCRI en juillet 2008 a eu des effets dévastateurs
sur la qualité du renseignement de terrain.
Porte ouverte
Sarkozy enfonce une porte grande ouverte. Pas une critique n'a
été publiquement émise contre l'action des
forces de l'ordre. Pas une seule. Pourtant...
«L'homme qui est tombé sous le tir d'un policier
venait de commettre un braquage. Non content d'avoir commis un braquage,
il a ouvert le feu avec une arme automatique, une arme de guerre,
contre les policiers. Les policiers ont riposté en état
de légitime défense. En tant que chef de l'Etat, je
veux dire que les policiers n'ont fait que leur devoir. Les policiers
ont fait leur devoir.
Et j'appelle chacun à ne pas confondre les délinquants,
les victimes, et les forces de l'ordre. Les policiers ont bien agi.
Il n'y a rien à leur reprocher. Il y a à les soutenir
totalement.»
Il s'obstine: «si on ne veut pas d'ennui avec la police,
on ne tire pas à l'arme de guerre sur la police, dans un
pays qui est un Etat de droit comme la France.» Sans blague
? Le chef de Sarkofrance détaille ensuite la réponse
judiciaire et policière : 26 gardes à vues, 5 personnes
écrouées, 10 convocations devant un juge. Il lâche
ensuite un curieux constat : «les violences à Grenoble
sont le fruit d'une petite minorité certes, mais d'une minorité
qui a voulu marquer son allégeance envers les truands.»
Sarkozy cherche un prétexte, une transition facile qui reste
maladroite, vers les annonces du jour, sans rapport avec le problème
évoqué. Il lui faut trouver un fil directeur à
sa pensée fouillie, désarçonné qu'il
est par son incapacité à résoudre l'insécurité.
«C'est trop facile de dire qu'il y a d'un côté
la grande délinquance, et de l'autre la petite délinquance.
En l'occurrence, la petite délinquance a été
instrumentalisée par la grande délinquance.»
Quelles sont les preuves de ce qu'il avance ? La violence des tirs
? Des aveux des premiers interpelés ? Comment est-il parvenu
en si peu de temps à la conclusion que les combats de la
semaine précédente étaient le fruit de petits
délinquants ordinaires ? Il livre son explication: «ces
deux individus [NDA : les auteurs du braquage du casino voisin]
sont venus à dessein dans ce quartier pour bénéficier
de l'impunité de ce quartier.»
Le moment est venu de dévoiler les nouvelles nouvelles nouvelles
annonces du moment:
«C'est donc une guerre que nous avons décidé
de mener contre les trafiquants et les délinquants, comme
nous l'avons fait en Seine-Saint-Denis. Nous avons décidé
de nous occuper particulièrement de certains territoires
qui ont besoin d'une action ciblée pour que les conditions
de l'ordre républicain y soient rétablies.»
Des préfets-flics
Sarkozy invoque donc l'ordre républicain. Jugez donc les
annonces qui suivirent, tantôt effets de style guerrier, tantôt
menaces démocratiques. Après une rapide éloge
du nouveau préfet nommé en Isère, Eric Le Doiron,
Sarkozy fustige le «grand débat pour savoir si un policier
pouvait être préfet.» Pour justifier son choix
de nommer coup sur coup deux policiers comme préfets (Isère
et Seine-Saint-Denis), Sarkozy évoque leur expérience,
leur connaissance, leurs «capacités humaines»
et leurs «envies de travailler.» Les préfets
apprécieront. Il remercie au passage le précédent
préfet: «il ne faut jamais accabler les gens.»
Son limogeage a suscité un certain émoi au sein du
corps préfectoral.
«Face à certaines situations, il est de mon devoir
de trouver la meilleure personne à la meilleure place. Par
ailleurs, je vous annonce que notre volonté de dégeler...
de déloger les trafiquants de leurs repères va nous
amener à créer à Grenoble et dans l'Isère
un GIR départemental qui pourra porter l'effort d'investigation
au plus prêt des besoins du terrain. Depuis 3 jours, un inspecteur
du fisc est installé dans les services de police, et nous
allons nous interesser au patrimoine des délinquants à
Grenoble comme dans l'Isère de façon extrêmement
approfondie.»
Quelle belle affaire ! On découvre qu'une milliardaire,
première contribuable de France, a réussi des années
durant à (1) éviter un contrôle fiscal, (2)
soustraire une île aux Seychelles et deux comptes en Suisse
pour quelques 80 millions d'euros. Mais en Isère, un inspecteur
du fisc va traquer des trafiquants de quartier...
Les Grenelles, ça ne sert à rien
Ensuite, Nicolas Sarkozy justifie sa présence sur place,
à Grenoble, combien il aime ce département mais que
la situation est grave et exigeait qu'il vienne. Il critique l'idée
d'un Grenelle de la Sécurité (qui s'est quand même
tenu sans lui ni le gouvernement quelques jours auparavant) : «mais
réfléchissez ! Si j'étais venu ici pour vous
dire on a tiré à balles réelles sur des policiers
et j'organise un colloque... Qui m'aurait pris au sérieux
? Ce n'est pas un problème social, ce qui s'est passé.
C'est un problème de truands. Ce sont des valeurs qui sont
en train de disparaître.» L'heure est donc grave.
Sarkozy se trompe. Le banditisme a toujours existé. Il ne
veut simplement pas admettre qu'il a affaibli tant les forces de
l'ordre que la prévention.
Des caméras plutôt que des policiers
Il évacue d'une boutade la question des moyens, alors que
les syndicats de policiers se plaignent justement de leur manque
d'effectifs et d'équipements vétustes. «Qui
peut penser que c'est quelques ilotiers supplémentaires qui
permettront d'éradiquer les trafiquants, les caïds et
les trafics ?» Qui peut penser que Nicolas Sarkozy croit encore
à ce qu'il dit ?
«Je souhaite d'ailleurs qu'au-delà des différences
entre nous, nous nous rassemblions. La videosurveillance, la videoprotection,
on en a besoin. Il n'y a pas les caméras de gauche et les
caméras de droite.» Et il rappelle: «60 000 caméras
seront installées d'ici 2012. Je laisserai ceux qui le veulent
crier à l'atteinte à la liberté individuelle.»
Sarkozy semble ignorer le fait qu'une caméra ne remplace
pas un policier ni un gendarme... L'efficacité des caméras
de surveillance n'est pas prouvée, bien au contraire. Et
sa promesse d'équipement en 3 ans date déjà
de ... 2007.
Vive la loi anti-bandes ?
Sarko replonge dans son texte : «la loi anti-bandes adoptée
par le parlement en mars dernier prévoit une peine d'un an
de prison pour quiconque appartient à une bande violente.»
Combien de condamnations depuis mars ? Motus et bouche cousue...
Il se contente de préciser : «Des procédures
sont en cours.» Et il ajoute : «Nous allons également
développer les polices d'agglomérations. C'est le
cas, depuis l'an dernier, en région parisienne. Lille, Lyon
et Marseille seront bientôt concernées» car «les
délinquants ignorent les frontières administratives
de nos communes, de nos départements et même de nos
régions.» Une nouvelle porte ouverte, enfoncée
tambour battant... A moins qu'il n'ait découvert le problème
8 ans après avoir été nommé ministre
de l'intérieur...
Il ment sur son bilan
Au passage, le président doit défendre son bilan.
Il s'auto-félicite : «depuis 2002, je suis en première
ligne dans la lutte contre l'insécurité. Le nombre
de crimes et délits a diminué de 17,54% depuis 2002.
Le taux d'élucidation qui reflète l'efficacité
des forces de l'ordre a augmenté d'un tiers. En 2001, les
forces de police et de gendarmerie trouvaient 25% des coupables.
En 2010, ils trouvent 38% des coupables. J'ai fixé au ministre
un objectif de 40%.»
Sarkozy ment par omission. Son bilan, d'après les statistiques
officielles, est bien moins flatteur. Les chiffres qu'il avance
ont peu à voir avec le motif précis de sa visite à
Grenoble : la violence aux personnes. En fait, selon l'Office National
de la Délinquance, si le taux d'élucidation global
était bien de 25% en 2001, la progression jusqu'à
38% masque des réalités différentes : il faut
d'abord soustraire l'élucidation des faits révélés
par l'action des services (par exemple, l'interpellation d'un consommateur
de cannabis compte à la fois comme un fait, et comme un fait
élucidé). Ensuite, les résultats de Sarkozy
apparaissent du coup piteux : le taux d'élucidation des atteintes
volontaires à l'intégrité physique (hors vols
violents) avait progressé de 70% en juin 2001 à 75%
en juin 2007. Il est depuis retombé ... à 57% en juillet
2010 ! Concernant les vols violents, il est d'une stabilité
redoutable, à 14%, depuis 2001. Sur les escroqueries et infractions
économiques et financières, il a stagné de
56% en juin 2001 à 57% en juin 2007, pour chuter à
53% en juillet dernier !
De nouvelles peines planchers... pour rien ?
Sarkozy avance sa première véritable annonce du jour
: «Dès le 7 septembre prochain, les peines planchers,
qui fonctionnent bien, mais qui ne s'appliquent qu'aux multirécidivistes
- 24 000 peines planchers ont été prononcées
- seront désormais étendues à toutes les formes
de violences aggravées, c'est-à-dire notamment des
violences sur des personnes dépositaires d'une autorité
publique.»
Qualifier de succès les peines planchers sous prétexte
que 24 000 ont été prononcées en 3 ans est
un peu court. S'agissait-il d'encombrer les prisons ? Ou d'être
dissuasif ? Ou de réduire la délinquance ?
Sarkozy ajoute sa seconde grande mesure du jour: «l'instauration
d'une peine incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers
ou de gendarmes sera discuté au Parlement dès la rentrée.
Et là... je veux que les choses soient claires... En tant
que chef de l'Etat, mon devoir est de travailler avec tout le monde...
tout le monde... Je n'ai pas à voir si Grenoble qui a choisi
un maire de gauche ou un maire de droite, je dois travailler avec
les élus, comme les élus doivent travailler avec le
chef de l'Etat...»
Encore une fois, Sarkozy veut convaincre qu'il ne cherche pas à
instrumentaliser l'insécurité à des fins électorales.
On a peine à le croire. D'ailleurs, il menace ses opposants:
«chacun d'entre nous sera mis en face de ses responsabilités.
Sur une peine incompressible de 30 ans, je demanderai au Parlement
d'en débattre, et je demanderai à chacun de faire
abstraction de ses appartenances partisanes pour voter des textes
non pas en fonction du ministre qui le présente mais de l'utilité
de ce texte.»
La belle affaire ! Le texte a peu à voir avec Brice Hortefeux.
ce dernier n'est qu'un messager, un fusible. Celui qui présente
ce projet, c'est Sarkozy. Ce couplet semblait tout droit adressé
à André Vallini, député socialiste et
président du conseil général de l'Isère,
présent dans la salle. Ce dernier, voici quelques jours,
avait exprimé le souhait que gauche et droite se retrouvent
sur le terrain de la lutte contre l'insécurité. Une
future prise de l'ouverture sarkozyenne ?
Posture guerrière...
Il enchaîne : «Les policiers nous regardent, les gendarmes
nous regardent, la population nous regarde. Les postures politiciennes,
d'un côté comme de l'autre, ne sont pas à la
hauteur de la situation.» C'est pourtant exactement ce que
fait Sarkozy devant nos yeux. Comment comprendre sinon les raisons
qui ont poussé Sarkozy ce même jour à glisser
dans un discours sécuritaire à propos du banditisme
vers ... l'immigration clandestine ?
Les multiréitérants...
Sarkozy évoque ensuite le bracelet électronique,
dont il souhaite que le Parlement débatte également
à la rentrée: «je souhaite notamment que les
magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes
au port du bracelet électronique pendant quelques années
après l'exécution de leur peine.» Comme pour
prévenir la surprise de son auditoire, il s'exclame aussitôt
: «Je parle des multirécidivistes, des multiréitérants.»
Multiréitérant ? Sarkozy produit comme souvent un
vocabulaire multi-redondant... comme pour excuser ses propos. Et
il livre quelques chiffres : «nous avons plus de 19 000 délinquants
en France qui ont plus de 50 inscriptions, 50 condamnations sur
nos fichiers.» On ne rappellera pas combien les fichiers de
police, notamment le fameux STIC, ont été longuement
critiqués, y compris par la CNIL, pour leur inexactitude...
Et à quoi bon cette mesure ? On croyait que les peines planchers,
qui fonctionnent bien d'après Sarkozy, servaient justement
à dissuader les délinquants les plus sérieux
de récidiver... Le serpent sarkozyen se mord la queue...
Haros sur l'immigration...
Puis, sans crier gare, ni ménager une quelconque transition,
Sarkozy dérape littéralement sur l'immigration. Rien,
dans ses précédents propos, ne laissait prévoir
un tel amalgame. Pas une révélation (par exemple sur
la nationalité des délinquants ou des suspects interpelés).
Rien. Sarkozy, tout seul, plonge dans le bain.
«De même, nous allons réévaluer les
motifs pouvant donner lieu à la déchéance de
la nationalité française.»
Le gros mot est lâché. Depuis Vichy, jamais la France
n'a fait le tri dans ces citoyens, ni dans leur degré de
citoyenneté. Le même Sarkozy, alors en campagne électorale
en 2006, s'était exprimé contre la double peine. Un
crime ou un délit commis par un Français de première
génération est-il plus grave que le même crime
ou délit commis par un Français de plus grande ancienneté
dans la nation ? Une source anonyme au Ministère de l'identité
nationale a confirmé que le nième projet de loi sur
l'immigration prévu pour l'automne avait été
durci en conséquence. Sarkozy s'égare, mais s'obstine.
«Je prends mes responsabilités. La nationalité
française devrait pouvoir être retirée à
toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement
porté atteinte à la vie d'un fonctionnaire de police
ou d'un militaire de la gendarmerie, ou de toute autre personne
dépositaire de l'autorité publique. La nationalité
française se mérite, et il faut pouvoir s'en montrer
digne. Quand on tire sur un agent chargé des forces de l'ordre,
on n'est plus digne d'être Français.»
Et quand on ne paye pas son juste impôt en France ? Le débat
sur l'identité nationale refait ainsi surface. Après
nombre de dérapages nauséabonds des ténors
de l'UMP, voici Sarkozy qui s'y colle. Personne n'égale le
maître.
... et les mineurs !
Sarkozy enchaîne. Il réclame une réforme profonde
du droit pénal des mineurs. Le voici qui utilise à
nouveau les mêmes éléments de langage sur la
délinquance des mineurs qui aurait changé et mériterait
un «examen sans tabou de toutes les pistes envisageables.»
Trébuchant sur son discours, il précise :
«convenons que l'ordonnance de 49 est-elle adaptée
aux mineurs d'aujourd'hui de 2010? (...) Là aussi, ce n'est
pas une question parttisane, c'est une question de réfléxion.»
Et inutile d'invoquer la question sociale, la précarité
des parents, ou l'impasse scolaire. Sarkozy prévient : «la
déliquance actuelle ne provient pas d'un mal-être comme
je l'entends trop souvent, elle résulte d'un mépris
des valeurs fondamentales de notre société. La question
de la responsabilité des parents est clairement posée.
Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité
engagée sur le plan pénal.»
N'est-ce pas le principe même de l'irresponsabilité
pénale des mineurs ? Sarkozy rappelle la suspension des allocations
familiales, votée récemment, pour les parents d'élèves
absentéistes. Il s'essaye, quelques secondes, pas plus, à
la compréhension : «je comprends parfaitement que telle
ou telle mère de famille, notamment dans les familles monoparentales,
soit dépassée. C'est si difficile d'élever
des enfants. Mais je ne comprends pas qu'on ne le signale pas au
chef d'établissement.»
Faudrait-il lui rappeler que la loi récemment votée
ne soumet pas la sanction éventuelle d'une suspension d'allocations
au signalement de l'absentéisme ?
«Il ne s'agit pas de sanctionner, il s'agit de faire réagir.»
Il ne s'agit pas de résoudre, mais de faire peur. Le chef
de Sarkofrance rappelle ensuite l'ouverture d'une vingtaine d'établissements
dès la rentrée prochaine (donc dans quelques semaines),
pour les collégiens et lycéens particulièrement
turbulents...
Et surtout, pas d'amalgame
Sans rire, Sarkozy se prend à préciser : «nous
devons nous poser les questions, sans tabous, sans stigmatisation,
c'est vrai... sans amalgame, c'est vrai... mais sans faiblesse non
plus... (...) il ne s'agit pas d'opposer ceux qui ont un coeur et
ceux qui sont fermes...(...) il nous faut nous adapter à
la situation, et pas décliner les uns comme les autres un
catéchisme qui serait frappé par la plus grande inefficacité.»
Une habile transition vers le grand saut... Récapitulons
: Sarkozy invoqua d'abord un braqueur, puis le grand banditisme,
des préfets-flics, des caméras plutôt que des
effectifs. Puis il glissa sur la déchéance de nationalité,
puis la délinquance des mineurs, la responsabilité
des parents... et, sans aucun amalgame... voici l'immigration «incontrôlée»
et clandestine ...
«Enfin, il faut le reconnaître... et je me dois de
le dire... Nous subissons les conséquences de 50 années
d'immigration insuffisamment régulée qui ont abouti
à un échec de l'intégration. Nous sommes si
fiers de notre système d'intégration. Peut-être
faut-il se réveiller pour voir ce qu'il a produit. Il a marché,
il ne marche plus. Je ne me suis jamais laissé intimidé
par la pensée unique.»
Lisant son texte, il complète : «il est quand même
invraisemblable que des jeunes gens de la deuxième voire
de la troisième génération se sentent moins
Français que leurs parents ou que leurs grands-parents. (...)
Tous ici vous avez des exemples. pourquoi ne le dit-on. (...) Nous
n'avons pas le droit à la complaisance. (...). Pour réussir
l'intégration, il faut pouvoir contrôler nos flux migratoires.
Avec un taux de chômage des étrangers non communautaires
qui a atteint 24% en 2009.... je ne reprendrai pas la célèbre
phrase de Michel Rocard dans laquelle je me retrouve...» (et
il la reprend quand même) «... la France ne peut accueillir
toute la misère du monde.»
Pour la posture soit parfaite, il manque un argument, le voici :
«Nous allons donc évaluer les droits et les prestations
auxquels ont aujourd'hui accès les étrangers en situation
irrégulière.» Il s'arrête, lève
le doigt, puis reprend: «Je ne parle pas des étrangers
en situation régulière qui ont naturellement le droit
à des prestations et ce serait un comble qu'il en soit autrement.
Je parle des étrangers en situation irrégulière.
Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, une situation irrégulière
ne peut conférer plus de droits qu'une situation régulière
et légale ! Là aussi c'est pas une affaire de majorité
ou d'opposition, de gauche ou de droite.»
Et les Roms ?
Le tableau est complet, ou presque. Il manquait les Roms. «Les
clandestins doivent être reconduits dans leur pays. Et c'est
dans cet esprit d'ailleurs, que j'ai demandé au ministre
de l'intérieur de mettre fin aux implantations sauvages de
campements de Roms. Ce sont des zones de non-droit qu'on ne peut
pas tolérer en France. Il ne s'agit pas stimagtiser les Roms.»
Non, bien sûr. Pour quelqu'un qui dénonçait
les amalgames quelques minutes auparavant, il fait fort !
La pensée unique... de Sarkozy
Sarkozy termine par quelques constats sur la politique de la Ville,
désormais réduite à une peau de chagrin. Il
loue l'action des associations de quartiers, mais demande une évaluation.
«L'évaluation n'est pas un gros mot.» Il a raison.
Mais qui évaluera le Plan Marshall pour les banlieues promis
par Nicolas Sarkozy en 2007 ?
Sans rire, et sans gêne, il invoque la mixité sociale
défaillante des quartiers : «Et puis par ailleurs,
réfléchissons à la diversité sociale
aussi. parce que si on met toujours les mêmes dans les mêmes
quartiers, nous ne plaignons pas ensuite qu'ils deviennent des ghettos.»
L'ancien maire de Neuilly-sur-Seine sait de quoi il parle, lui qui
n'a jamais respecté le quota de 20% de logements sociaux
dans son ancienne commune.
Le discours s'achève, enfin. Sarkozy conclut.
«L'Etat, ça ne peut pas être donner toujours
plus et attendre toujours moins. La société ne fonctionne
pas comme ça (...) Et bien les évènements de
Grenoble, et leur gravité, imposent de notre part une réponse
ferme mais ce peut être une opportunité de sortir de
la pensée unique sur la politique de la ville, sur la politique
de l'immigration, et sur la politique de sécurité.»
Pompier pyromane, Sarkozy démontre au contraire, par ce discours,
combien il reste enfermée dans une pensée unique vieille
de trente ans, incapable d'apporter des solutions autres que des
clichés répressifs qu'il n'est d'ailleurs même
pas en mesure de tenir.
«La guerre que j'ai décidée de mener contre
les trafiquants et les voyous est une guerre sur plusieurs années.
(...). C'est une guerre nationale. Et je suis sûr que dans
toutes les formations politiques il se trouve des femmes et des
hommes de bonne volonté qui sont décidés à
réagir et à apporter leur soutien dans cette action
au gouvernement de la République.»
Ce jour-là, à Grenoble, Nicolas Sarkozy a dérapé
et échoué. Loin d'apporter un constat lucide sur la
situation et les problèmes, il a tout amalgamé, du
grand banditisme à l'échec de l'intégration,
de l'immigration, légale ou pas, à la délinquance
des mineurs. Il a ressorti l'une des pires bouillies idéologiques
que le Front National, et d'autres, servent aux médias et
l'opinion depuis l'aube des années 80.
Ami sarkozyste, es-tu encore là ?
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