Origine : http://www.journaldunet.com/expert/cgi/expert/impression_article.php?f_id_article=13926
Face à la mise en place de dispositions contraires à
ses intérêts, le logiciel libre voit son avenir s'assombrir.
L'égalité des droits et des chances se doit d'être
effective. Au gouvernement d'agir
(05/07/2007)
Nicolas Sarkozy est intervenu pendant la loi DADVSI, alors qu'il
était président de l'UMP, pour que le Parlement adopte
des dispositions clairement contraires aux intérêts
du logiciel libre, notamment les fameux amendements Vivendi.
Or force est de constater que, comme nous l'avions prédit,
ces dispositions sont aujourd'hui utilisées par les producteurs
de disque pour poursuivre des auteurs de logiciels libres utilisant
des technologies P2P. C'est ce que nous appelons travailler à
l'encontre du Logiciel Libre mais aussi des intérêts
de la France. Il est en effet avéré que l'adoption
des amendements Vivendi, et plus largement l'épisode DADVSI,
a été la goutte d'eau de trop pour de nombreux ingénieurs
français qui sont partis travailler à l'étranger.
Le cas de l'auteur du logiciel libre Azureus - parti fonder son
entreprise aux États-Unis et aujourd'hui poursuivi à
distance par les producteurs de disques français avec une
loi qui ne s'applique pas là où il opère -
est un exemple concret de "dommage collatéral"
pour le moins désolant.
D'autre part, la réponse du candidat Nicolas Sarkozy au
questionnaire candidats.fr montre que, pendant la campagne, il n'avait
toujours pas pris conscience que la protection juridique des DRM
et les amendements Vivendi qu'il a fait adopter constituent une
discrimination vis-à-vis du logiciel libre.
Nous devons rencontrer prochainement le conseiller TIC du Président.
Nous espérons que les positions auront bougé sur ce
sujet mais aussi sur celui des brevets logiciels, le Président
ayant là aussi tenu quand il était candidat des positions
que nous considérons comme contraires aux intérêts
du Logiciel Libre, et plus largement des PME françaises.
Il ne semblait pas avoir perçu à l'époque qu'il
existe des différences fondamentales entre les brevets sur
les inventions industrielles et ceux portant sur logiciels.
Enfin, nous venons d'apprendre que le réexamen de la loi
DADVSI a été confié au ministère de
la culture alors qu'un tel dossier aurait dû être suivi
par le secrétariat d'État aux TIC promis par Nicolas
Sarkozy mais qui n'a pas été créé lors
du dernier remaniement.
C'est inquiétant dans la mesure où le ministère
de la culture n'a pas démontré, par le passé,
sa capacité à gérer un dossier aussi transversal.
Le risque majeur est en fait que l'histoire repasse les plats au
mauvais endroit pour la concertation préalable, en l'occurence
au Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire
et Artistique (CSPLA), commission administrative directement responsable
de l'échec de la DADVSI.
La nomination au CSPLA par décret entre les deux tours de
la présidentielle, de deux membres de la communauté
du logiciel libre ne change malheureusement rien au fait que cette
commission est contrôlée en pratique par des lobbies
Ces nouveaux membres du CSPLA ont été nommés
à titre individuel, sans concertation préalable avec
les associations du libre et ne représentent personne d'autre
qu'eux. Ils ont d'ailleurs tenu, pendant l'examen du DADVSI, des
positions contraires aux nôtres sur les vaporeux "DRM
libres", sans pour autant les afficher et permettre ainsi au
débat public de s'ouvrir. Nous allons donc être particulièrement
vigilants sur ce point.
Des mesures à prendre vis-à-vis des logiciels libres
?
Il faut en finir avec l'insécurité juridique et les
discriminations. Le Logiciel Libre ne pourra réellement concurrencer
le logiciel propriétaire sur des segments de marché
stratégiques comme le grand public que si l'égalité
des droits et des chances est effective.
Le premier chantier législatif au niveau national pour y
parvenir, c'est la loi DADVSI.
Comme on l'a vu, cette loi alimente la fuite des cerveaux ; et
puis il faut arrêter l'escalade à la chinoise. Les
producteurs de disque en sont désormais à essayer
d'obtenir le filtrage aux frontières de logiciels libres
d'échange de fichiers, conscients qu'il est illusoire de
croire que la France pourra imposer une loi aussi inique que la
DADVSI au reste du monde.
Et quand on voit que l'Assemblée Nationale est aujourd'hui
elle-même confrontée à l'insécurité
juridique que crée cette loi puisqu'elle en vient à
se demander si l'installation d'un logiciel libre permettant la
lecture de DVD est légale en France, comment peut-on parler
de concurrence non faussée dans ce pays ? Et de simplification
administrative, quand on sait que l'Assemblée devrait faire
une demande à l'Autorité de Régulation des
Mesures Techniques - énième machin administratif -
pour être fixée ?
Tout cela est ridicule d'autant plus que les mesures techniques
sont notoirement inefficaces.
Ce que nous espérons aussi faire comprendre au conseiller
du Président, c'est que la loi DADVSI, en plus de poser des
barrières artificielles à l'entrée du marché
et de favoriser la vente liée, constitue une attaque sur
le modèle même du logiciel libre, sur le fait que le
code source soit ouvert et librement modifiable. Or c'est ce qui
fait son intérêt, notamment en terme d'indépendance
et de sécurité. C'est d'ailleurs ce qui a conduit,
en plus des motivations économiques, le Président
de l'Assemblée Nationale et les Questeurs à migrer
le poste de travail du député vers un système
libre.
Nous allons donc plaider pour une révision rapide de cette
loi et pour que le travail indispensable de concertation préalable
soit confié au Forum des Droits sur Internet.
Au niveau européen, la question des brevets exige évidemment
une vigilance absolue. La directive sur les brevets sur les logiciels
a été repoussée voici maintenant deux ans,
mais il y a de fortes chances que le sujet revienne d'une façon
ou d'une autre à l'ordre du jour des institutions européennes.
Espérons que le pouvoir en place ne fera pas le jeu à
cette occasion des entreprises dominantes américaines en
soutenant la légalisation des pratiques déviantes
de l'Office Européen des Brevets.
Nous espérons enfin que, dans le cadre de la modernisation
de l'État, la France jouera un rôle moteur dans la
démocratisation des standards ouverts normalisés de
façon à permettre le développement d'une société
de l'information durable, accessible au plus grand nombre et où
la liberté de choix du consommateur serait effective. Actuellement,
on est plus proche de la prise d'otage que du choix librement consenti.
Les débats en cours autour du Référentiel
Général d'Interopérabilité et à
l'AFNOR auxquels nous participons montrent que le chemin est encore
long et que Microsoft sait jouer des lourdeurs administratives existantes
dans notre pays et mettre en oeuvre un lobbying très efficace
pour perpétuer ses pratiques.
Le politique a une grande responsabilité sur ces dossiers
techniques mais stratégiques. C'est ce que nous nous efforçons
de faire comprendre à nos interlocuteurs.
Quelle cohabitation entre le libre et le propriétaire ?
La cohabitation existera vraisemblablement encore longtemps avec
une montée en puissance progressive du Logiciel Libre sur
tous les segments du marché, si tant est que le législateur
rétablisse la libre concurrence. Ce serait un premier pas
positif ; jusqu'à présent il l'a plutôt minée.
Après, il est possiblde d'envisager que le législateur
comprenne que l'intérêt du contribuable français
ne passe pas par le paiement par l'État d'une rente à
Microsoft, société qui organise la défiscalisation
de ses recettes via l'Irlande. Nous allons d'ailleurs intervenir
auprès des députés lors de l'examen du projet
annoncé de « Small Business Act à la française
» pour voir comment les petites entreprises françaises
proposant des services autour du libre pourraient bénéficier
plus facilement de la commande publique.
Benoît Sibaud
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