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Origine : http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=10657
Source/auteur : http://www.cadtm.org/
Nous avons vu que la santé ne peut pas être définie
simplement pas l’état « absence de maladie »
mais qu’il s’agit plutôt d’un état
complet de bien être physique, mental et social, défini
ainsi par l’OMS dès 1948. Ces conditions ne peuvent
être réunies au minimum sans que soient satisfaits
les besoins fondamentaux que sont :
Les soins de santé primaires (prévention et contrôle
des maladies, soins curatifs de base, éducation sanitaire,
formation du personnel de la santé, développement
des capacités d’accès aux soins).
L’éducation de base (éducation des jeunes enfants,
enseignement primaire et éducation de base pour les jeunes
adultes, développement des capacités d’accès
aux établissements scolaires).
La planification familiale et les soins de santé génésiques
(information et accès à la contraception, aux soins
prénataux, d’accouchement et post nataux, dépistages
et prise en charge des grossesses à risque, programmes de
prévention des MST.
L’alimentation (accès à tous à une alimentation
équilibrée, éducation de base à la nutrition,
sécurité alimentaire, dépistage et prise en
charge des malnutritions).
L’accès à l’eau potable (approvisionnement
en eau potable, prévention des risques de contamination,
assainissement).
L’accès à un logement décent.
De plus, la santé et le bien-être requièrent
la paix, l’absence de violence, l’accès à
un travail rémunéré, la justice sociale, un
écosystème stable et des ressources durables (Cook,
1994 ; Timoteo et Llanos-Cuentas, 1994).
Ces besoins fondamentaux, nécessaires donc à l’état
de bien-être physique, mental et social que nous avons défini
comme étant la santé, sont profondément remis
en cause par les Plans d’Ajustement Structurel (PAS) imposés
par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale
(BM) et méprisés par plusieurs accords constitutifs
de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Les points de convergence entre ces 3 institutions sont tels qu’il
aurait été possible de faire un exposé en un
seul chapître, sur les conséquences de leurs interventions
dans les PED. Cependant j’ai finalement choisi de le faire
en deux points, pour déterminer plus clairement les rôles
respectifs. Nous aborderons donc d’abord les conséquences
des PAS et ensuite celles des accords de l’OMC sur la santé.
IMPACT DES PLANS D’AJUSTEMENT STRUCTUREL SUR LA SANTE.
Une étude conjointe effectuée par l’OMS et
le Programme alimentaire mondial (PAM) en 92 concluait « que
dans plus de la moitié des cas étudiés, le
secteur de la santé avait été le premier touché
par les difficultés budgétaires » des pays s’étant
soumis à l’ajustement structurel.
Les Plans d’Ajustement Structurel imposés dès
la fin des années 70 aux pays en difficulté par le
FMI et la BM consistent à imposer aux pays du Sud, sous forme
de conditionnalités, les mesures économiques néolibérales
qui constituent le « Consensus de Washington » : ouverture
totale et libéralisation de l’économie, augmentation
des exportations et réduction des dépenses ; ils consistent
à assurer coûte que coûte les remboursements
de dettes. Les mêmes « recettes » sont appliquées
dans tous les pays en difficulté, quelque soit le contexte.
Les conséquences en sont, lorsque l’on regarde les
indicateurs de santé mondiaux, un accroissement des inégalités,
soit par la baisse des indicateurs dans de nombreux pays, soit par
une amélioration beaucoup plus lente de ceux-ci dans les
pays du Sud. L’écart entre l’espérance
de vie d’un Européen et celle d’un habitant d’un
pays africain pauvre est de 45 ans.
En ce qui concerne les soins de santé proprement dits, on
assiste lors de la mise en place des mesures d’ajustement
à une réduction des dépenses de santé.
En moyenne, les dépenses de santé représentent
4,3% du PIB des Etats Africains, 6,4% en Asie, 8,8% en Amérique
latine, 16,6% en Amérique du Nord, et 24,8% en Europe. Baisse
drastique ou même disparition complète des budgets
alloués à l’entretien des infrastructures, à
l’achat de gros matériel (radiologique, chirurgical,
réa, etc....), mais aussi à l’achat du matériel
pour les soins courants : gants, blouses, compresses, aiguilles
et petit matériel (et l’on perçoit l’importance
que revêt la ré-utilisation d’un matériel
jetable non ou mal stérilisé dans la transmission
du VIH notamment), produits de laboratoires. Les médicaments
subissent le même sort, les difficultés d’achat
étant liées à la fois aux restrictions budgétaires
et aux prix élevés fixés par les firmes pharmaceutiques
pour les médicaments sous brevet, sujet sur lequel nous reviendrons
plus loin et demain dans l’exposé sur les accords de
l’OMC.
Au Nicaragua, où l’ajustement structurel a pris effet
après 1990, le budget du ministère de la santé
qui était de 200 millions en 1988, passait à 70 millions
en 1992, avec très rapidement des conséquences négatives
observées sur la prévention notamment.
D’autre part l’exigence contenue dans les PAS de diminution
des dépenses publiques produit une réduction du nombre
des fonctionnaires de santé, par l’arrêt des
embauches et les licenciements. Par départs volontaires également,
les conditions de travail désastreuses et les salaires très
bas imposés par les PAS découragent beaucoup de médecins
notamment et les incitent à émigrer (c’est ainsi
qu’en 1995 le ministre nigérian de la santé
avait estimé qu’il y avait à peu près
autant de médecins nigérians travaillant aux Etats
Unis qu’au Nigéria). Ce déficit de personnel
serait d’évidence aggravé par l’application
du concept de l’émigration choisie, en fonction duquel
les pays riches pourraient « se servir » dans les pays
pauvres en personnel de santé qui leur fait défaut.
Les rapports de l’OMS indiquent qu’en 2004, il y avait
329 médecins pour 100 000 personnes en France, 69 en Afrique
du Sud, 29 au Nigéria, 9 au Ghana ; et ce sont des statistiques
globales, ne tenant pas compte des inégalités de répartition
villes/campagnes. Rien qu’en une année, l’Afrique
a perdu quelques 70 000 travailleurs de la santé au profit
des pays développés, ce qui a fragilisé encore
davantage les systèmes sanitaires du continent.
Lors de la réunion du Comité régional de l’OMS
à Bamako en 1987, le directeur général de l’Unicef,
largement influencé par la Banque Mondiale, proposa d’instituer
le principe du recouvrement des coûts, instaurant ainsi le
paiement des soins de santé dans des régions où
les systèmes d’assurance maladie n’existent pas
ou ne sont pas développés ou tout au moins accessibles,
et faisant ainsi supporter directement aux budgets des familles
les coûts des soins de santé. En Afrique, seulement
5% à 10% de la population active bénéficie
d’une couverture sociale selon l’Organisation Internationale
du Travail.
Une étude de la Banque Mondiale, intitulée «
Pour une meilleure santé en Afrique », (1994) propose
cependant une augmentation du budget de santé des états,
qui devrait passer de 8$ en moyenne par habitant à 13$, somme
que la BM estime nécessaire et suffisante pour un ensemble
adéquat de services préventifs et curatifs de base,
y compris l’eau potable et des conditions sanitaires satisfaisantes
dans les pays africains à bas revenu. Par comparaison, la
dépense totale de santé par habitant et par an était
en 2002 en Belgique en moyenne de 2515 $, dont 71% financés
par l’état, et 2736 $ en France dont 77% financés
par l’Etat.
Les prêts des Institutions Financières Internationales
(IFI), censés améliorer les systèmes de santé
sont le plus souvent utilisés dans des travaux de prestige,
constructions ou agrandissement des structures hospitalières
(« cathédrales hospitalières » selon le
terme de Joseph Brunet-Jailly ) dans les capitales, équipement
de prestige en technologies modernes, engloutissant la moitié
du budget public de la santé qui sont réservés
à l’usage exclusif des classes dominantes. Ils sont
en tous cas inabordables pour la majorité de la population,
tant fiancièrement que géographiquement, bien souvent
hyperspécialisées dans des activités qui n’ont
rien à voir avec la santé publique. Ce point sera
peut-être repris dans l’exposé sur l’impact
des IFI.
Dans de nombreux pays, ce sont les communautés villageoises
qui se sont organisées pour assurer les soins de santé
de base : ainsi au Mali, plus de 1700 agents de santé (médecins,
infirmiers ) ont été recrutés par les communautés
afin de suppléer les insuffisances de l’état,
assurant les soins de santé dans les villages, avec pour
conséquence la privatisation des soins.
Baisse des budgets nationaux de santé, recouvrements des
coûts, privatisations, exode des personnels de santé,
programmes inadaptés aux besoins réels des populations,
tels sont les effets direct des plans d’ajustement structurel
sur les systèmes de santé. Voici quelques conséquences
:
La mortalité des enfants de moins de 5 ans a augmenté
dans 10 pays, notamment en Afrique du Sud, au Cameroun, en Côte
d’Ivoire et au Kenya. En 2002, elle était de 171 décès
pour 1 000 naissances vivantes (contre 20 décès pour
1 000 naissances en Europe). Près de la moitié de
ces décès surviennent durant le premier mois de la
vie, principalement des suites d’un infection, d’une
hypoxie, d’une naissance prématurée ou du tétanos.
Dans le district de Kasongo en RDC, les consultations externes
de l’hôpital recevaient 11 800 patients en 1973, ce
chiffre est tombé à 1050 patients en 1989, après
la mise en application du recouvrement des coûts.
En RCA, selon le rapport du PNUD 2004, le taux de mortalité
maternelle était de 683 pour 100 000 naissances vivantes
en 1988, de 948 pour 100 000 en 1994, pour atteindre le taux de
1100 pour 100 000 en 2004, un des plus élevés de l’Afrique
sub saharienne. Ceci s’expliquant notamment par la diminution
de l’assistance du personnel de santé aux femmes enceintes
et par la diminution du pourcentage de femmes enceintes ayant reçu
une protection contre le tétanos (76% en 1996 contre 61%
en 2000).
Selon ce même rapport, « la plupart des indicateurs
déterminants de la bonne santé des enfants se sont
sérieusement dégradés durant la dernière
décennie. Il s’agit notamment des taux de vaccination,
de malnutrition et de l’incidence de maladies courantes comme
le paludisme. Dans le meilleur des cas, le taux de mortalité
infanto-juvénile sera ramené à 120 pour mille
en 2015, loin des objectifs du millénaire. »
Mais nous avons vu que l’accès aux services de santé
et aux médicaments, s’il est essentiel, n’est
pas suffisant pour assurer la promotion de la santé pour
tous.
L’accès à l’éducation est un élement
fondamental pour un bon niveau de santé, en ce sens qu’elle
permet la connaissance et l’appropriation des conseils de
prévention, de nutrition, la compréhension de ce qu’est
la santé et l’importance de la préserver. L’éducation
facilite les échanges de savoir et de savoir-faire, qu’ils
soient « scientifiques » ou traditionnels. L’éducation
permet aussi d’avoir un regard critique sur les charlatanismes
ou les messages commerciaux. Citons l’exemple des campagnes
publicitaires pour le lait en poudre qui ont conduit à l’abandon
de l’allaitement maternel par de nombreuses femmes, à
l’origine de nombreux cas de malnutrition. Les Plans d’Ajustement
structurel ont entraîné une dégradation des
services de l’enseignement. La réduction des budgets
dédiés à l’éducation a provoqué
la dégradation des établissements scolaires, ne permettant
plus d’accueillir les élèves dans des conditions
décentes. Les enseignants ont été licenciés
ou, comme nous l’avons vu pour les personnels de santé,
ne sont pas payés, entraînant chez un certain nombre
d’entre eux, et souvent les plus qualifiés, le désir
de s’expatrier. De nombreux établissements scolaires
ont été fermés.
De même que pour l’accès aux soins de santé,
dans de nombreux cas, les communautés se sont organisées
pour pallier aux carences des Etats et assurer une éducation
minimum : construction d’écoles communautaires, frais
d’écolage à la charge des associations de parents.
Mais, outre que ceci est l’entrée dans une privatisation
du système scolaire, ce mode de financement sous-tend une
grande précarité : en cas de baisse des revenus d’une
communauté (mauvaise récolte par exemple), le financement
de l’enseignant (ou auxiliaire d’éducation) n’est
plus assuré. Ce système favorise de plus l’exclusion
des petites filles de la scolarité : par manque de moyen
d’assurer des frais de scolarisation pour plusieurs enfants
dans de nombreuses familles, ce sont préférentiellement
les garçons qui sont scolarisés.
Il est évident aussi que l’accès aux établissements
scolaires n’est pas facilité par la dégradation
des voies de communication.
D’une importance capitale pour le maintien d’une bonne
santé, l’alimentation est particulièrement rapidement
dégradée par les PAS.
Une des premières mesures de ceux-ci est la suppression des
subventions aux produits de première nécessité,
parmi lesquels de nombreux produits servant à l’alimentation
de base ; riz, pain, lait, sucre. On peut citer l’exemple
du Pérou, où en 1991, à la suite de l’application
par le président Fujimori des PAS, le prix du pain a été
multiplié par 12 en une nuit. Au Zimbabwe, en octobre 2000,
la hausse de 30 % du prix du pain et du sucre a entraîné
des émeutes, et les exemples foisonnent de hausses brutales
des prix des denrées de base ou des combustibles servant
à la préparer et à faire bouillir l’eau
pour la rendre potable.
Les IFI imposent aux pays endettés d’augmenter leurs
exportations afin de favoriser les entrées de devises qui
serviront à payer la dette. Ceci signifie l’abandon
des cultures vivrières au profit des monocultures. Les cultures
traditionnelles sont abandonnées, comme le manioc, le mil
par exemple, au profit de cultures d’exportation, comme le
café, le tabac, le coton qui ne nourrissent pas les populations.
La privatisation des terres au profit des grands propriétaires
ou des grandes multinationales entraîne un appauvrissement
des paysans ou leur exode vers les zones urbaines.
L’augmentation des taux d’intérêt, autre
mesure d’ajustement structurel, réduit les capacités
d’emprunt d des petits paysans pour acheter leurs semences
ou les intrants, diminuant les productions locales, voire les poussant
à abandonner leurs exploitations pour se rendre dans les
villes ou dans les zones d’exploitation des richesses minières,
zones dévastées et polluées par la surexploitation
des ressources, pollutions qui sont elles aussi à l’origine
de pathologies.
Et bien entendu, les réductions des salaires des fonctionnaires,
les licenciements, le chômage, les dévaluations et
hausses de la TVA, toutes mesures imposées par les Plans
d’Ajustement Structurels, sont causes de pauvreté et
donc de malnutrition.
Selon l’UNICEF, chaque année, la dénutrition
contribue au décès de 5,6 millions d’enfants
dans le monde. Dans le monde en développement, 146 millions
d’enfants de moins de 5 ans présentent une insuffisance
pondérale, dont plus de la moitié en Asie du Sud où
46% des enfants présentent une insuffisance pondérale
(28% en Afrique sub-saharienne). Le taux d’insuffisance pondérale
des enfants en milieu rural est presque le double de celui en milieu
urbain, encore que ceci doit être nuancé, puisqu’une
enquête effectuée en 2003 dans 6 pays d’Afrique
australe a montré que les taux d’insuffisance pondérale
ont augmenté plus vite dans des communautés relativement
prospères à proximité des centres urbains (à
cause d’une forte prévalence VIH).
Un être humain, pour mener une vie active en bonne santé,
a besoin en moyenne de 2400 calories par jour. La production agricole
mondiale pourrait apporter à chaque habitant de la planète
2700 calories par jour, ce qui est plus que suffisant. Or le dernier
rapport de la FAO montre que plus de 820 millions de personnes souffrent
encore de la faim.
En Afrique sub-saharienne, ce nombre est passé de 169 millions
en 90-92 à 206 millions en 2001-2003. Selon ce rapport aussi
86 pays ne produisent pas de quoi nourrir leur population ; la moitié
de ces pays sont en Afrique, seul continent ou la malnutrition est
en progression.
L’accès à l’eau potable nous l’avons
vu est mis en cause par l’arrêt des subventions aux
combustibles qui permettent de bouillir l’eau, et surtout
remis en cause par les mesures de privatisation de la distribution
de l’eau, faisant partie des plans d’ajustement.
En 2000, le Mali cédait la gestion de l’eau et de l’électricité
à un consortium dirigé par Bouygues et sa filiale
Saur international, qui promettaient d’entretenir les réseaux
tout en baissant les tarifs. En 4 ans seulement, les tarifs ont
augmenté de 60%, les réseaux n’ont été
ni entretenus ni développés et moins de 50% des Maliens
ont de l’eau potable à proximité de leur domicile.
On peur citer aussi la privatisation en Bolivie, sous pression de
la BM, qui menaçait de suspendre son aide si la privatisation
n’était pas réalisée dans les grandes
villes boliviennes. Le Service de l’eau potable et du Réseau
sanitaire fut légué à un groupement de multinationales
dont une filiale de la Lyonnaise des Eaux et les habitants ont vu
brutalement leur facture d’eau multipliée par 3.
Le désinvestissement de l’état laisse aussi
à l’abandon les réseaux d’évacuation
des eaux usées, avec les débordements des égouts
pendant les pluies, les canalisations à l’air libre,
avec les risques de contamination que cela comporte. Actuellement
une épidémie de choléra se développe
à Pointe Noire et à Brazzaville.
Quant à l’accès à un logement décent
: les conséquences des ventes des terres agricoles à
de grands propriétaires fonciers, la désintégration
des modes d’exploitation traditionnelle, la dégradation
des transports ferroviaires de voyageurs avec les fermetures des
petites gares, entraînent une destruction du tissu socila
et comme nous l’avons dit l’exode des paysans vers les
villes, ou vers les centres d’exploitation minières.
Bidonvilles des périphéries des capitales, campements
de travailleurs aux alentours des centres miniers, entassement des
familles dans des logements insalubres et/ou trop petits, tout cela
favorisant la promiscuité, la propagation des épidémies,
le manque d’hygiène et d’intimité. La
pauvreté et le chômage, conséquences des PAS,
ne permettent pas de payer des loyers pour un logement décent,
ou de faire les réparations nécessaires.
Un exemple précis illustre malheureusement parfaitement
les méfaits des PAS sur la santé, celui du SIDA. Loin
d’être une fatalité, la propagation du VIH est
largement favorisée par les mesures d’ajustement, ainsi
que l’a démontré la revue américaine
Aids en 1995 :
en favorisant l’exode des paysans vers les centres urbains,
les centres miniers ou les grandes plantations. Aids donne l’exemple
de la Zambie, ou 45% de s cas de SIDA se trouvent dans la «
copper belt » ; en encourageant l’investissement dans
l’industrie du tourisme dans des pays où l’épidémie
de sida est particulièrement ravageuse ; en induisant des
réductions des dépenses de santé et d’éducation.
Enfin en conclusion on peut citer le Docteur Gottlieb L. Monekosso,
directeur régional de l’OMS pour l’Afrique, qui
résumait ainsi la situation en 1990 : « l’ajustement
est une médication qui nous rend malades ».
L’IMPACT DES ACCORDS DE L’OMC SUR LA SANTE.
Les mesures de libéralisation, d’ouverture des frontières,
de privatisation des services publics, la vente des entreprises
nationales aux firmes étrangères sont certes des exigences
de IFI, mais sont largement facilitées par les accords de
l’OMC. Certains de ces accords, et non des moindres, ont un
impact direct sur la santé.
L’OMC, fondée en avril 1994 par les accords de Marrakech,
a remplacé l’accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce (GATT) qui ne concernait que le commerce
des marchandises. L’OMC couvre aussi le commerce des services
(AGCS) et la propriété intellectuelle (ADPIC). L’OMC
compte aujourd’hui 150 Etats membres et a acquis au cours
de ces années une influence considérable sur tous
les aspects de notre vie.
Les Etats membres de l’OMC doivent respecter les accords à
la lettre, chaque pays est tenu de mettre sa législation
en conformité avec les règles de l’OMC. L’Organe
de Règlement des différents (ORD) règle les
litiges éventuels. L’OMC est donc une organisation
qui, à la fois, établit les règles, les applique
et sanctionne les pays qui y dérogent.
L’OMC se targue d’être une institution démocratique,
avec le slogan « un pays, un voix ». Cependant, dans
la pratique, elle fonctionne dans une totale opacité et les
négociations qui y ont lieu sont tout sauf démocratiques
car toujours basées sur des rapports de force.
Les principaux accords de l’OMC affectant la santé
sont l’Accord sur les Droits de Propriété Intellectuelle
(ADPIC) et l’Accord Général sur le Commerce
des Services (AGCS). D’autres accords touchent également
à la santé, dans des domaines aussi divers que la
lutte anti-tabac ou les règles phytosanitaires, nous les
aborderons aussi.
L’ADPIC
Chaque jour 8000 personnes meurent du sida dans les pays en développement.
Les causes de ces difficultés d’accès aux médicaments
sont nombreuses : manque de financement public, pauvreté,
manque des structures de soins et de distribution des traitements,
manque de personnel qualifié. Cependant, dans de nombreux
cas, c’est le prix des médicaments qui est le principal
obstacle. Les médicaments sont en effet protégés
par l’accord sur la propriété intellectuelle,
l’accord ADPIC.
Nous détaillerons cet accord dans un autre exposé,
mais déjà quelques éléments.
Les brevets sur les médicaments, qui protègent ceux-ci
de toute concurrence pendant 20 ans, créent par le fait,
des monopoles, qui conduisent à des prix élevés.
La relation entre les brevets et le prix des médicaments
a longtemps été niée, contre toute évidence,
notamment par Pascal Lamy, actuel directeur général
de l’OMC.
Cependant, une étude de MSF effectuée en 2004, a montré
la chute vertigineuse des prix des médicaments dès
la commercialisation de génériques, faisant passer
le coût des traitements de plus 10 000 $ par an et par patient
à 250 $ par an et par patient.
Les brevets empêchent aussi la fabrication et la commercialisation
de combinaisons à doses fixes, rendant plus faciles la distribution
et l’acceptation du traitement, ainsi que le développement
de techniques de diagnostic.
L’OMS estime que sur les 6,5 millions de personnes ayant
un besoin urgent de traitement par ARV dans les PED, seul 1 million
en bénéficie. Le manque de formes pédiatriques
est encore plus criant, les enfants ne représentant pas un
marché dans les pays riches, les formules pédiatriques
des traitements n’ont pas été développées.
Cet état de fait n’est bien entendu pas spécifique
aux médicaments anti-sida, puisque selon l’OMS, 14
millions de personnes meurent chaque année de maladies infectieuses
ou parasitaires, faute d’accès aux traitements : paludisme,
tuberculose, leishmaniose, maladie de Chagas. Les traitements sont
soit trop chers, soit n’existent pas et comme ces maladies
touchent principalement des populations pauvres, aucun effort de
recherche n’est fait.
L’AGCS est aussi un des piliers de l’OMC. Il concerne
donc le secteur des services, c’est à dire les activités
du secteur tertiaire, qui ne concernent ni l’industrie, ni
l’agriculture : ce sont les activités financières,
de conseils ou d’assistance (services juridiques, comptables),
la distribution, le non marchand (les activités culturelles,
d’éducations permanente), la santé, l’éducation,
les télécommunications, les transports, l’environnement,
les loisirs, les administrations. L’AGCS entend libéraliser
progressivement tous ces domaines, en supprimant toutes les législations
nationales, régionales ou locales faisant obstacle à
cette libéralisation. L’OMC a inventorié 160
domaines de services.
La libéralisation se fait par phases de négociations.
Les pays membres de l’OMC doivent émettre des demandes
et des offres de libéralisation des services (engagements),
et s’ouvre un cycle de négociations. Actuellement nous
sommes dans le cycle de Doha, qui aurait du être achevé,
mais qui a marqué un coup d’arrêt au sommet de
Cnacun.
4 modes de fourniture de services ont été définis
:
- mode 1 : fourniture transfrontalière d’un service.
En ce qui concerne la santé ce peut être une société
d’assurance d’un pays A qui offre des prestations à
un client dans un pays B. Selon l’AGCS il y a exportation
du service du pays A au pays B
- mode 2 : la consommation transfrontalière d’un service
: un ressortissant d’un pays A sollicite les services d’un
chirurgien d’un pays B : il y a exportation du service du
pays B vers le pays A.
- mode 3 : présence commerciale : un fournisseur de service
d’un pays A s’installe sur le territoire d’un
pays B : création d’un hôpital ou investissement
dans un hôpital d’un pays A par des personnes d’un
pays B.
- mode 4 : présence de personnes physiques : fourniture de
services dans un pays A oar des professionnels de la santé
ressortissants d’un pays B.
Les négociations se font selon deux obligations générales
: la transparence et le principe de la nation la plus favorisée.
Au titre de la transparence, chaque nation doit fournir à
l’OMC l’ensemble de ses règlementations, législations,
etc concernant la fourniture des services. Le traitement de la nation
la plus favorisée oblige chaque état à offrir
à tous les états les éventuels avantages qu’il
a offert à un autre état. Lorsqu’un état
engage la libéralisation d’un service, il ne peut faire
aucune limitation, et ne peut revenir en arrière. Les négociations
se font toujours selon des rapports de force, dans un contexte défavorable
aux pays du Sud : les pays riches disposent de tout l’arsenal
juridique nécessaire, des experts et analystes économiques
et c’est bien cela qui permet de parler de rapports de force.
En ce qui concerne donc précisément la santé,
les pressions du secteur privé sont énormes, non seulement
pour faire avancer la privatisation des soins, mais aussi pour supprimer
toutes les législations maintenant un contrôle sur
la circulation des produits dangereux pour la santé (alcool,
tabac, OGM, publicité pour les médicaments etc...)
et les éventuels systèmes de protection sociale.
La BM et le FMI se sont chargés, par les PAS, de préparer
le terrain, comme on l’a vu en détruisant le service
public, et la voie est ouverte. Des hôpitaux financés
par des investisseurs étrangers se sont construits, ciblant
les marchés qui rapportent le plus et négligeant les
besoins élémentaires de santé des populations
locales. Ils offrent des conditions d’emploi attrayantes qui
détournent les personnels de santé des hôpitaux
publics ou des centres de soins où sont traités les
pauvres n’ayant pas accès aux hôpitaux privés.
Selon un rapport conjoint de l’OMC et de l’OMS, «
certains signes indiquent que l’ouverture des marchés
bénéficie surtout aux riches » : le rapport
donne l’exemple d’un fond d’investissement multinational
ayant investi dans plusieurs sociétés latino-américaines
de soins et ayant obtenu des contrats de gestion d’hôpitaux
publics ; ce fond a rapidement cherché à réduire
la proportion de patients non assurés dans ses hôpitaux.
Les assurances privées attendent sans doute leur heure également,
comme le laisse penser le fait que l’’Union européenne
ait demandé à la Malaisie de supprimer la limitation
à 51% de partenaires étrangers dans les sociétés
d’assurance.
Par contre, les multinationales de l’eau ont usé de
toute leur influence pour que le marché leur soit ouvert
: c’est ainsi que l’UE a demandé la libéralisation
d de l’eau dans des pays ou pourtant le peuple avait montré
son opposition au processus de privatisation (Bolivie, Paraguay,
Egypte).
D’autres accords de l’OMC règlementent d’autres
domaines touchant à la santé : l’accord sur
les Obstacles Techniques au Commerce (OTC) et l’Accord sur
les mesures Sanitaires et Phyto Sanitaires (SPS), ces deux accords
étendant les principes du GATT tels que la non-discrimination
et la transparence à de nouveaux domaines.
L’accord OTC et l’accord SPS
la lutte contre les maladies infectieuses : « les mesures
concrètes destinées à lutter contre les maladies
infectieuses, qu’elles soient adoptées par les pouvoirs
publics ou recommandées par l’OMS, peuvent tomber sous
le coup des règles de l’OMC si elles affectent le commerce
des marchandises ou des services ». Les règles de l’OMC
exigent qu’un juste équilibre soit respecté
entre l’importance des intérêts de santé
à protéger, l’efficacité des mesures,
et leur incidence sur les importations et les exportations. Surtout
ne pas nuire...au commerce !
La sécurité sanitaire des produits alimentaires :
plusieurs crises sanitaires liées à l’alimentation
ont eu lieu ces dernières années : dioxine, maladie
de la vache folle, usage des antibiotiques pour l’élevage.
Les Etats doivent se conformer aux normes d’un règlement,
le Codex Alimentarus, ou prouver que les mesure prises le sont sur
des bases scientifiques « valables ». Toujours en toile
de fond la défense de la circulation des marchandises primant
sur toute autre considération.
La lutte anti-tabac : les fabricants de tabac transnationaux mènent
une offensive permanente pour l’abaissement des droits de
douane et l’ouverture des marchés. Ces efforts de commercialisation
intensifs ont augmenté la consommation de tabac dans les
pays pauvres (BM 1999). Certains pays ont voulu augmenter les droits
de douane afin, en augmentant les prix, de diminuer la consommation,
ceci a été déclaré contraire aux règles
de l’OMC (affaire Thaïlande).
La sécurité alimentaire et la nutrition. La libéralisation
du commerce prôné par l’OMC entraîne une
insécurité alimentaire, avec une dépendance
accrue aux produits d’importation. Les pays du sud, exposés
à la concurrence des produits venant de pays hautement industrialisés,
ne peuvent pas lutter. Parlons aussi des semences génétiquement
modifiées : les entreprises de l’agrobusiness cherchent
à créer une dépendance chez les agriculteurs
qui devront acheter chaque année leurs semences et ne pourront
réutiliser une partie de leur récolte comme semences.
Je terminerai en évoquant les dégâts écologiques
que provoque cette obsession forcenée des échanges
commerciaux, l’exploitation intensive des matières
premières, la destruction de zones côtières
ou des forêts, avec les catastrophes climatiques dont les
premières victimes sont les populations pauvres.
Source/auteur : http://www.cadtm.org/
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