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Origine Reseau Sans titre : http://www.under.ch/SansTitre/SansTitre/Bulletins/Bulletin18/BioPouvoir.htm
« Chaque matin, l'écureuil compte les arbres qu'il a
convaincu et espère constituer une force propositionnelle de
cogestion pour influencer le gouvernement. »
DES FORMES DE POUVOIR CHEZ FOUCAULT, ET NOTAMMENT DU BIO-POUVOIR
1 - L'ANALYTIQUE DU POUVOIR
Dans sa réflexion sur le pouvoir, Foucault se défait
d'emblée de la grille de lecture habituelle, qu'il nomme
« juridico-discursive ». Le pouvoir ne se réduit
donc pas au triplet: règle-transgression- sanction. De plus,
il n'agit pas seulement à travers la formulation de règles
ou l'énonciation d'interdits. En rester à cette compréhension
du pouvoir comme ne relevant que du droit et du discours, c'est
schématiser le pouvoir en termes binaires : dominant/dominé,
loi/obéissance, licite- illicite, etc. . Foucault ne croit
pas à un pouvoir aussi simpliste, c'est pourquoi il cherchera
à se déprendre des définitions admises et commencera
son enquête sur une généalogie du pouvoir. Par
conséquent, la question n'est pas « qu'est- ce que
le pouvoir » mais : « comment le pouvoir s'exerce-t-il
? » Cette méthode est une analytique du pouvoir : on
repère les zones de pouvoir et l'on en analyse les spécificités
: décortiquer les relations de pouvoir, déterminer
les acteurs, ressentir les intensités, comprendre les mécanismes.
En d'autres termes, quels sont les jeux de pouvoir : tactiques,
stratégies, règles, hasards, enjeux, objectifs...
autour des zones où l'on ressent un exercice effectif de
pouvoirs : la prison, la maladie, les écoles, les ateliers,
l'armée, la famille, etc.
2 - UNE MICROPHYSIQUE DU POUVOIR
Refuser les conceptions classiques du pouvoir, c'est ne pas «postuler
comme données initiales la souveraineté de l'Etat,
la forme de la loi, ou l'unité globale d'une domination»
Partir du bas
Dès lors, l'analyse sera ascendante : on part de «micro
pouvoirs» et l'on cherche dans quelle mesure ils permettent
l'édification des macro- catégories, telles que le
capitalisme, la bourgeoisie, la souveraineté. La sujétion
à l'Etat souverain, l'assujettissement à une loi,
la domination d'un groupe ne sont que les effets résultants
de l'incorporation stratégique de multiples micro pouvoirs
disséminés à travers la réalité
sociale.
Pouvoirs sans sujet
Il n'existe pas de porteurs de pouvoir. Le pouvoir n'est ni une
substance, une chose, ni l'apanage d'une classe sociale restreinte
et privilégiée. C'est plutôt un élément
qui circule entre tous, un réseau de points dispersés,
sans foyer ni centre. Donc la centralité n'est pas un état
de fait mais l'effet de stratégies différentes qui
proviennent de multiples pouvoirs locaux. Par conséquent,
on ne peut jamais localiser le pouvoir dans une ou plusieurs instances
centrales et identifiables, à partir desquelles il se diffuserait.
Au contraire, pour saisir le pouvoir, il faut partir des rapports
de forces multiples, ponctuels et locaux exprimés dans la
famille, la sexualité, l'éducation, l'économie,
la connaissance, etc. . Donc, les relations de pouvoir sont «
les effets immédiatsdespartages,inégalitésetdéséquilibres
» qui se produisent dans toute relation qui implique un rapport
de forces.
On ne peut pas raisonner en termes de propriété :
le pouvoir s'exerce en se déployant dans des relations. Il
n'existe pas de monopole du pouvoir, aucune force active unilatérale
qui agirait contre un objet passif. On peut plutôt interpréter
le pouvoir comme [une force dominante + une force dominée]
: « Le pouvoir qui s'exerce n'est pas conçu comme une
propriété, mais comme une stratégie, que ses
effets de domination ne soient pas attribués à une
« appropriation », mais à des dispositions, des
manoeuvres, des tactiques, des techniques, des fonctionnements...
Il faut en somme admettre que ce pouvoir s'exerce plutôt qu'il
ne se possède, qu'il n'est pas le « privilège
» acquis ou conservé de la classe dominante, mais l'effet
d'ensemble de ses positions stratégiques - effet que manifeste
et parfois reconduit la position de ceux qui sont dominés.
» (Surveiller et Punir, p35)
Pouvoir omniprésent
Le pouvoir, en tant que relations de pouvoirs, est donc partout.
Mais pas au sens où il engloberait tout, comme un dieu omniprésent.
S'il y a partout du pouvoir, c'est qu'il vient de partout : il est
immanent à toute relation qui met de forces en rapport. L'analyse
marxiste commet par exemple l'erreur de schématiser bourgeoisie
vs prolétariat ; alors que tout prolétaire réamorce
à son échelle les mêmes structures de pouvoir
et de domination que celles de la bourgeoisie. Le pouvoir «
ne s'applique pas purement et simplement, comme une obligation ou
une interdiction, à ceux qui « ne l'ont pas »
; il les investit, passe par eux et à travers eux ; il prend
appui sur eux, tout comme eux- mêmes, dans leur lutte contre
lui, prennent appui à leur tour sur les prises qu'il exerce
sur eux. Ce qui veut dire que ces relations descendent loin dans
l'épaisseur de la société, qu'elles ne se localisent
pas dans les relations de l'Etat aux citoyens ou à la frontière
des classes et qu'elles ne se contentent pas de reproduire au niveau
des individus, des corps, des gestes et des comportements, la forme
générale de la loi ou du gouvernement ; que s'il y
a continuité (elles s'articulent bien en effet sur cette
forme selon toute une série de rouages complexes), il n'y
a pas analogie ni homologie, mais spécificité de mécanisme
et de modalité. Enfin, elles ne sont pas univoques ; elles
définissent des points innombrables d'affrontement, des foyers
d'instabilité dont chacun comporte ses risques de conflit,
de luttes, et d'inversion au moins transitoire des rapports de forces.
Le renversement de ces « micropouvoirs » n'obéit
donc pas à la loi du tout ou rien ; il n'est pas acquis une
fois pour toutes par un nouveau contrôle des appareils ni
par un nouveau fonctionnement ou une destruction des institutions
» (Surveiller et Punir, p35)
3 - CAPITALISME,LIBÉRALISME ET TECHNOLOGIES DE POUVOIR
Pour se détacher du modèle juridique et négatif
d'un pouvoir central qui fonctionnerait seulement grâce à
des prohibitions, des lois, à travers le fait de dire «
tu ne dois pas », Foucault forge le modèle des «
technologies de pouvoir ». Selon lui, à côté
des inventions et des technologies industrielles, il existe une
histoire des technologies politiques, c'est-à-dire des procédés
de pouvoir qui sont inventés, perfectionnés, transmis,
reconduits, imités et appliqués dans divers secteurs.
Or, si capitalisme et libéralisme n'expliquent pas tout,
il est en revanche certain qu'ils ont fortement influencé
l'histoire de ces technologies de pouvoir, en ce qu'ils leur ont
offert une direction : la réification des corps en force
de travail comme moyen d'augmentation de puissance.
« le corps est (...) directement plongé dans un champ
politique ; les rapports de pouvoir opèrent sur lui une prise
immédiate ; ils l'investissent, le marquent, le dressent,
le supplicient, l'astreignent à des travaux, l'obligent à
des cérémonies, exigent de lui des signes. Cet investissement
politique du corps est lié, selon des relations complexes
et réciproques, à son utilisation économique
; c'est pour une bonne part, comme force de production que le corps
est investi de rapports de pouvoir et de domination ; mais en retour,saconstitutioncommeforcedetravailn'estpossible
que s'il est pris dans un système d'assujettissement (où
le besoin est aussi un instrument politique soigneusement aménagé,
calculé et utilisé) (...). Cet assujettissement (...)
peut être calculé, organisé, techniquement réfléchi,
il peut être subtil, ne faire usage ni des armes, ni de la
terreur, et pourtant rester de l'ordre physique. C'est-à-
dire qu'il peut y avoir un «savoir» du corps qui n'est
pas exactement la science de son fonctionnement, et une maîtrise
de ses forces qui est plus que la capacité de les vaincre
: ce savoir et cette maîtrise constituent ce qu'on pourrait
appeler la technologie politique du corps. » (Surveiller et
Punir, p34)
4 - L'ANATOMO-POLITIQUE
C'est la technologie de pouvoir développée par le
système monarchique de souveraineté. Son orientation
se résume à « faire mourir et laisser vivre
». Le sujet n'est ni vivant, ni mort : il demeure neutre,
c'est-à-dire qu'il ne vit que par la grâce du souverain
qui peut décider à tout moment sa mort. L'anatomo-pollitique
se déroule en deux temps : d'abord une action spectaculaire
sur les corps (tortures, supplices, pendaisons, ...) pour imposer
aux esprits la puissance du roi ; ensuite un adoucissement du pouvoir
qui entre dans une logique de discipline et donc de construction
des individus selon des normes utiles à l'Etat, puis, de
manière plus sophistiquée, à la bourgeoisie
capitaliste.
Car le système de pouvoir que la monarchie avait organisé
implique deux inconvénients pour le développement
du capitalisme au 19ème siècle. Premièrement,
le pouvoir politique se montrait trop discontinu, les mailles du
filet restaient trop lâches. Trop de choses, de conduites
qui échappentaupouvoir:contrebande,communautés nomades,
savoirs hérétiques, etc... Aussi, on cherche à
développer des techniques de pouvoir qui cessent d'être
globales, mais lacunaires, pour passer à un pouvoir continu,
bien qu'atomique et individualisant. Il faudrait que chacun puisse
être contrôlé dans son corps, dans ses gestes.
Deuxièmement, les mécanismes de pouvoir se montraient
trop onéreux : le pouvoir restait un pouvoir de prélèvement
de biens et de richesses, voire de sang : il était trop percepteur
et prédateur et opérait des soustractions économiques
préjudiciables aux flux économiques désirés
par la bourgeoisie en prise de pouvoir. L'essor du capitalisme perfectionne
donc les technologies de pouvoir de discipline et d'anatomo-politique
qui permettent de contrôler le corps social jusqu'aux détails
les plus tenus, en en surveillant les individus, les conduites,
attitudes, tout en intensifiant les performances individuelles et
les capacités de chacun.
Buts
Par la discipline des corps, il s'agit de régir la multiplicité
des hommes en tant que cette multiplicité peut se résoudre
en corps individuels à surveiller, dresser, utiliser, punir.
La démarche n'est pas négative : il ne s'agit pas
d'ôter des capacités ou des propriétés
de l'homme. On n'opère donc pas essentiellement par interdictions
et privations, mais par structuration et orientation des comportements
pour aboutir à une réelle construction raisonnée
des individus.
Champs et modalités
Les champs d'expression de l'anatomo- politique tournent autour
du corps individualisé, comme organisme doué de capacités.
Le pouvoir s'y développe sous la forme principale de la discipline,
qui vise à constituer des sujets obéissants. La méthode
du supplice et de la torture a longtemps été la pièce
maîtresse de ce type de pouvoir, dans une optique d'incorporation
des relations de pouvoir. L'action spectaculaire sur les corps suppliciés
avait la tâche extra-punitive de marquer les esprits, d'incorporer
la puissance du souverain sur ses sujets. Mais cette méthode
avait l'inconvénientdelacruautéets'exposaitdoncàdes
volontés de réponses tout aussi brutales. Le 18ème
siècle adoucit donc les relations de pouvoir vers des techniques
de gestion des hommes, pour les contrôler en amont de leurs
velléités de dissidence.
Cette spiritualisation des techniques de pouvoir continue d'agir
sur les corps mais en préférant la discipline au châtiment.
La discipline commence par un art de répartition spatiale
des individus (ex-: à l'armée où l'on passe
d'une organisation qui ne joue que sur la densité d'une masse
humaine chaotique à une distribution spatiale des individus
étudiée selon des critères d'efficacité).
La discipline est une orthopédie du comportement, fondée
sur un art d'utilisation du corps humain : gestion optimale des
gestes, emplois du temps, mise en série des opérations,
composition des forces, hiérarchisation ultra-détaillée...
On entre dans une logique de rentabilité des comportements.
Les structures relationnelles qui se mettent en place astreignent
les individus à un schéma de conformité et
de normalisation.
Outils
La répartition spatiale qui atomise les individus permet
une meilleure surveillance. Les rangs à l'école, les
couloirs à l'hôpital, les prisons circulaires, les
rues perpendiculaires construisent une géographie panoptique.
Le panoptisme est l'art de tout voir sans être vu. Le but
étant de produire une norme à partir de laquelle il
sera aisé de repérer les écarts. L'apparition
de la police vient accomplir ses nouvelles technologies de pouvoir
par une multiplication des agents de surveillance. Cette police
se décline en police nationale, contremaîtres, milices,
médecins psychiatriques, pions dans les écoles, etc.,
mais la fonction de cette police n'est pas tant de réprimer
que de faire s'incorporer comme toujours présente la sensation
de surveillance des éventuels écarts à la norme.
5 - LA BIO POLITIQUE
La notion de population et l'émergence de la bio-politique
On découvre, à la fin du 18ème siècle,
que le pouvoir peut s'exercer non seulement sur des sujets et des
individus, mais sur une population. Or une population ne signifie
pas tant un grand nombre d'hommes qu'un ensemble d'êtres vivants
traversés, commandés par des processus et des lois
biologiques. Et une population a un taux de natalité, une
courbe d'âge, une morbidité, un état de santé,
qui signifient que cette population peut croître ou périr.
Dès lors, le bio-pouvoir s'exercera selon le principe : «
faire vivre et laisser mourir ». Par conséquent, ce
pouvoir s'exerce sur les individus en tant qu'ils constituent une
entité biologique qui doit être prise elle-même
en considération, si on veut l'utiliser comme machine à
produire des richesses, des biens ou d'autres individus. La transformation
des procédés politiques de l'occident tourne à
présent autour de trois noyaux, qui sont trois découvertes
technologiques : l'individu, le corps dressable et la population.
Champs et modalités « La vie est devenue un objet de
pouvoir. La vie et le corps. » Le problème consiste
à régler les flux de population, régler les
migrations, la croissance de la population, inciter ou non à
faire des enfants, etc. . Dans ce dessein, le pouvoir se déploie
autour de l'habitat, des conditions de vie dans les villes, de l'hygiène
publique, des rapports entre mortalité et natalité.
Si l'on veut augmenter la force productive et militaire d'une population,
alors il faut y prévenir les accidents, accroître le
sentiment de bien-être, stabiliser la santé, etc. .
« Pour la société capitaliste, c'est le bio-politique
qui importe avant tout, le biologique, le somatique, le corporel
» : le but est de repérer les endémies (forme,
nature, expansion, durée, intensité des maladies d'une
population) pour éviter une soustraction permanente des forces,
une diminution du temps de travail, une baisse de l'énergie,
des coûts économiques liés aux soins, etc...
La bio-politique agit par prévisions, estimations globales,
mesures statistiques pour modifie non pas tel phénomène
particulier, mais pour intervenir sur les déterminations
de phénomènes généraux, comme mortalité
ou natalité. Les bio-pouvoirs sont autant de mécanismes
de régulation pour fixer un équilibre, maintenir une
moyenne dans une population globale et aléatoire. On a donc
tout un ensemble de mécanismes de sécurité
pour optimaliser un état de vie dans une quête d'homéostasie,
c'est-à-dire la sécurité d'un ensemble par
rapport à ses dangers internes Outils On dispose d'outils
de calcul nouveaux, comme la statistique, et la création
de grands organismes administratifs et politiques chargés
de réguler la population. Mais avant tout, dans le souci
de créer une force physique nationale, on redéfinit
la médecine comme une pratique sociale au moyen de sa fonction
d'hygiène publique. Car la maladie et la santénesontpasseulementdesfaitsobjectivablesen
termes organiques, ils sont aussi des constructions sociales, susceptibles
de diverses interprétations. Dans une optique capitalisme,
la naissance de la médecine sociale est immédiatement
liée à la notion de santé comme un capital
collectif. Le type de médecine qui se développe est
alors centralisé, dans l'objectif de préserver la
force physique à des fins économiques.Lasantéprendplacedansunepolice,
à travers des mécanismes d'ordre et d'organisation.
Le bio-pouvoir coordonne une population qui se lit en termes de
variables, de répartition, de longévité et
de santé. La population est donc d'emblée un objet
d'analyse, de surveillance et d'intervention. Cela implique la mise
en place d'une police médicale, comme système d'observation
de la morbidité, d'enregistrement des phénomènes
endémiques, de normalisation de la pratique médicale
par des diplômes d'Etat. On ne définit plus la santé
comme absence de maladie, mais comme élévation du
bien-être. Par conséquent, la médecine agit
sur les conditions d'existence et se préoccupe du milieu.
Avec l'expansion des structures urbaines, se développe une
intervention autoritaire sur l'espace urbain, pour l'organiser et
l'homogénéiser. Les villes sont interprétées
comme des objets d'inquiétude politico-sanitaires, donc on
organise l'espace pour contrôler la circulation de l'air et
de l'eau, en plus de celle des individus. Les médecins décident
de la ventilation, de la destruction de certaines maisons, de l'emplacement
des fontaines, égouts, lavoirs... C'est ainsi qu'apparaît
la notion de salubrité, qui ouvre sur « le concept
d'hygiène publique comme technique de contrôle et de
modification des éléments qui peuvent favoriser ou
nuire à la santé. » ; le milieu d'existence
devient l'objet d'un « contrôle politico scientifique
». Enfin, on observe une médicalisation des pauvres
et des ouvriers, pour les rendre plus aptes au travail et pour créer
un cordon sanitaire qui protège les classes privilégiées.
Ce contrôle provoque « de violents phénomènes
de réactions et de résistances populaires, de petites
insurrections antimédicales. » La médicalisation
crée des catégories abusives en ce qui concerne les
anormaux. La psychiatrie tente de définir une personnalité
criminelle, qui va du vol au meurtre, en passant par la fraude.
Ce pouvoir médical sert de moyen tactique qui permet d'alourdir
le poids des déterminants biologiques dans la genèse
des comportements criminels ou déviants. Médicaliser
et biologiser permet de minimiser l'efficacité de l'action
éducative, plus coûteuse et plus laborieuse ; c'est
un alibi commode qui permet d'expliquer et de résoudre tout
problème par une loi de nature contraignante et convaincante.
Du bio-pouvoir au racisme d'Etat
Or ces pratiques de pouvoir débordent le champ purement
médical : impositions autoritaires de soins, eugénisme,
hantise de la dégénérescence, jusqu'au prix
nobel de médecine en 1912 qui propose l'élimination
des criminels endurcis et des débiles mentaux, ou les enquêtes
sur la « qualité biologique » des familles sous
Vichy, et les chambres à gaz, ou les lois états-uniennes
de stérilisation massive. Les bio-pouvoirs, sous couvert
de positivité et d'amélioration du bien- être,
se lancent rapidement dans des excès, dès qu'il est
techniquement et politiquement donné à l'homme d'aménager
la vie, de la faire proliférer, de fabriquer du vivant, du
monstre, des virus incontrôlables et destructeurs. De plus,
dans une société de normalisation, le racisme d'Etat
devient nécessaire, puisque ce racisme reste l'unique et
ultime condition d'acceptabilité d'une réactivation
de la mise à mort, qui appartenait au vieux droit souverain
de tuer (« laisser vivre et faire mourir »).
6 - STYLE ET AUTONOMIE
MêmesiFoucaultneconçoitpasd'échappatoire aux
bio-pouvoirs, étant donné que toute société
adopte des politiques d'hygiène, de santé, de surveillance,
il n'en demeure pas moins convaincu de l'existence de moyens de
contourner la machine de contrôle à revers. Il existe
des pratiques alternatives qui s'expriment dans une volonté
d'entretenir des rapports singuliers au corps, des relations autonomes
avec mon propre corps. On doit pouvoir exercer son propre bio-pouvoir,
en liberté, en le détournant de sa négativité
aliénante. A l'opposé de pratiques extrêmes
comme le taylorisme, qui provient d'une structure hétéronome
qui impose au corps d'être une machine vivante, Foucault parle
de techniques de pouvoir sur soi (souci de soi), relevant davantage
de la puissance. Il s'agit par exemple de penser la vie comme oeuvre
d'art, de créer son propre style d'existence. Pour éviter
de retomber dans une réification du corps, type Jeune &
Jolie ou style grunge de Neuilly, Foucault va chercher des exemples
dans l'antiquité, par exemple chez Epicure : dans des volontés
de posséder son propre réseau « savoir pouvoir
», en entretenant des rapports autonomes de raison et de plaisir
sur nos corps.
On trouve par exemple cela dans le deuxième tome de l'Histoire
de la sexualité, nommé L'usage des plaisirs, chap.
2.1 : « La réflexion morale des Grecs sur le comportement
sexuel n'a pas cherché à justifier des interdits,
mais à styliser une liberté : celle qu'exerce, dans
son activité, l'homme libre. (...) Autour d'eux, les Grecs
ont développé des arts de vivre, de se conduire et
d'»user des plaisirs» selon des principes exigeants
et austères. (...) Or l'exigence d'austérité,
impliquée par la constitution de ce sujet maître de
lui-même, ne se présente pas sous la forme d'une loi
universelle à laquelle chacun et tous devraient se soumettre
; mais plutôt comme un principe de stylisation delaconduitepourceuxquiveulentdonneràleurexistence
la forme la plus belle et la plus accomplie possible. »
François & Julien
BIBLIOGRAPHIE
• De Foucault, Dits et Ecrits, 1976-1988 ;
• Il faut défendre la société, Cours
au collège de France, 1976 ;
• Sécurité,territoire et population, Cours au
collège de France,1977-78 ;
• Naissance de la biopolitique, Cours au collège de
France,1978-79 ;
• Le Gouvernement des vivants, Cours au collège de
France,1979-80 ;
• Surveiller et punir ;
• Commentaires, Sur la généalogie du pouvoir,
Mauro Bertani ; in Lectures de Foucault, vol.1 ;
• Aide la plus précieuse où j'ai pompé
comme un ouf : Foucault, écriture polémique, Anne
Morer, Mémoire de Maîtrise.
Origine Reseau Sans titre : http://www.under.ch/SansTitre/SansTitre/Bulletins/Bulletin18/BioPouvoir.htm
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