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Origine : http://www.under.ch/SansTitre/Textes/Textes.Frame.htm
«Chaque matin, les arbres se relaient sous l'écureuil
pour lui faire croire qu'il saute encore de branche en branche »
VIOL
« Les femmes aiment souvent n'accorder que sous la contrainte
ce qu'elles ont vraiment envie d'offrir. »
Ovide, L'art d'aimer
« Il n'y a pas de possibilité de viol dans le cadre
de l'union légitime, car, alors, que deviendraient les devoirs
conjugaux ? »
Louis Virapoullé, débat des sénateurs lors
de la loi sur le viol, 1978
On a pour habitude, dans notre joli petit monde, de poser un certain
nombre de principes. CertainEs appellent cela des vérités
générales, d'autres des idées reçues.
Exemple : les femmes apprécient les sifflets, commentaires
obscènes et autres regards salaces parce qu'il est flatteur
d'être considérée comme objet de désir,
un morceau de chair ; les femmes seraient ainsi rassurées
de sentir que les hommes les regardent et qu'elles leur plaisent...
Ou je ne suis pas une femme ou il y a un truc qui cloche. Toujours
est-il que les hommes sujets à ce genre d'attitudes ne risquent
pas grand-chose : les femmes restent le plus souvent passives, sourdes
ou indifférentes à celui qui se balade la bite à
la main, comme un brave soldat qui, parce qu'il est pourvu d'un
fusil, cherche quelqu'unE sur qui le décharger. Ainsi, aussi
bizarre que cela puisse paraître, que l'on ait 13 ou 50 ans,
que l'on soit grosse, tordue, boutonneuse, maigre, ridée,
moche, bourrelée, petite, en mini jupe ou en salopette, cadre
sup' en tailleur, chômeuse ou militante, on peut toutes être
tour à tour « bonne », « salope »,
« suceuse », « pétasse », «
mal baisée », « pute », ou consolation,
posséder une partie de son anatomie qui attire les considérations
masculines : « cul de salope », « bouche de suceuse
», « démarche de pute » ou « maquillage
de pétasse »... Car qu'elle que l'on soit, on participe
du mythe de la femme tentatrice, de la salope avide quand ce n'est
pas de la pétasse nymphomane, mythe derrière lequel
se dissimule la triste réalité qu'un homme a le droit
de considérer ainsi une femme, de l'agresser, de la traiter
comme une chose à son service. Ces comportements masculins
quotidiens légitiment par ailleurs des actes dramatiques.
Ils concernent toutes les femmes quelles qu'elles soient et se traduisent
par des violences physiques à caractère sexuel (viols
et agressions sexuelles). Pour mémoire, la loi française
qualifie de viol tout acte de pénétration sexuelle
par menace, surprise ou contrainte, d'agression sexuelle tout acte
sexuel imposé par la violence, la contrainte, la menace ou
la surprise sur unE individuE, excluent tout acte de pénétration
sexuelle. Considérer les violences sexuelles sous l'angle
de la répression juridique en fausse la perception. Agresseurs
et violeurs condamnés (quand ils le sont) ne règlent
en rien, absolument en rien, le problème, ni pour la société,
ni pour les hommes et encore moins pour les femmes.
Pour une plainte déposée,combien de silences ? Pour
un agresseur condamné, combien de plaintes sans suite ? Et
surtout, la justice constitue-t-elle une réponse adaptée
à la question des violences sexuelles? En effet, le viol
et les agressions sexuelles ne sont pas des faits divers, des accidents
de parcours isolés résultant de la vie privée,
mais des faits sociaux, révélateurs des rapports entre
les sexes et entre les âges. Ce n'est pas à la question
« pourquoi O a violé F ? » qu'il faut répondre,
mais « pourquoi les hommes violent-ils les femmes ? »
La reconnaissance de la souffrance psychologique ainsi que l'importance
prise par les initiatives de solidarité entre femmes, avec
ou sans le soutien de leurs proches, me semblent déterminantes,
révélant des ébauches de nouveaux rapports
entre les protagonistes. Mettre des mots sur des actes et des douleurs
est une chose fondamentale pour qui est enfermée dans le
silence. Parler est une chose, être écoutée
en est une autre. Mais jusqu'où la parole est-elle libératrice?
Permet-elle d'atteindre l'agresseur? Comment les femmes peuvent-elles
s'approprier l'agression pour la retourner en paroles, en actes
contre l'agresseur ? Vaste question, certes, mais ma certitude est
qu'il est plus simple d'être sourdE ou aveugle. Préférer
la facilité à la réalité est une hypocrisie
qui ne veut pas dire son nom. Comment peut-on considérer
des atteintes à l'intégrité physique et psychologique,
actes répétés par des générations
d'hommes depuis des siècles comme des faits divers? Comment
peut- on "oublier" que les agressions sexuelles ne sont
pas, le plus souvent, le fait de Monsieur X mais de mon père,
de mon mari, de mon grand frère, de mon cousin, d'un copain,
de mon copain, d'un ami de mes parents, d'hommes de mon entourage?
Comment peut-on omettre de considérer les violences sexuelles
comme des "problèmes" masculins, des "phénomènes"
liés à la construction de l'identité masculine?
Comment peut-on se sentir à l'aise quand la société
dans laquelle on vit reconnaît quand elle ne le nie pas que,
certes, c'est une épreuve difficile, mais qu'en fin de compte
c'est une réalité à laquelle les gens se sont
habitués. Une fatalité.
En effet, un homme s'est-il donné la peine d'imaginercomment
seraient sa vie, ses idées, ses sentiments dans un monde
où tout serait inversé ? Un monde où, depuis
des siècles et dans la quasi- totalité des civilisations,
ce serait lui qui aurait couru le risque d'être violé,
à l'occasion de n'importe quelle guerre, d'uneexpédition
punitive, d'une guérilla raciale, d'une bagarre nocturne,
d'une sortie de concert, d'une rentrée tardive chez lui ou
tout simplement d'un « dérapage » ? As-turéussi
à intégrer à quoi peut correspondre l'existence
d'une femme violée, c'est-à-dire le fait d'être
profondément atteinte dans son intégrité physique
et psychologique, de culpabiliser pour une agression dont elle est
la victime, de se voir imposer une violence contre son propre corps,
d'en porter les séquelles tout au long de sa vie, et surtout
d'en être réduite à se taire ? Quand ce n'est
pas à se justifier...
As-tu saisi le sens profond d'un acte répété
depuis des siècles par les hommes, comme une tradition à
perpétuer, et qui, par son caractère et surtout par
les excuses que l'on s'est toujours attaché à lui
trouver - les circonstances atténuantes dit-on- constituel'abusdepouvoirlepluscynique,
le plus abjecte et la démonstration la plus violente du mépris
du « sexe fort » pour le « beau sexe » ?
As-tu finalement véritablement pris conscience de l'hypocrisie
et de la lâcheté d'une position qui consiste à
ne surtout pas en avoir ou bien à considérer les agressions
sexuelles, non pas comme un problème masculin, mais comme
une fatalité regrettable inhérente à la condition
féminine, à une « imprudence » ou un à
malheureux concours de circonstances ?
L'hypocrisie d'une société consiste à ne pas
reconnaître que les violences sexuelles ont toujours fait
l'objet d'une relative tolérance. Le fameux « oui,
bien sûr, mais... »... Comme si un homme n'était
pas le seul et unique responsabled'un acte qu'il a décidé
et commis. Il n'existe pas de circonstances atténuantes,
quoi que l'on veuille en dire.
Anonyme
Merci à Benoîte Groult
Origine Réseau Sans Titre: http://www.under.ch/SansTitre/SansTitre/Bulletins/Bulletin18/Viol.htm
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