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http://icietlabas.lautre.net/article.php3?id_article=67
La citoyenneté est indivisible". Cette maxime pourrait
résumer le pamphlet que vient de publier le sociologue et
militant associatif Saïd Bouamama aux éditions l'Esprit
Frappeur.
"J'y suis, j'y vote !" relate les différentes
étapes de la lutte pour les droits politiques non seulement
pour les résidents étrangers, mais aussi en remontant
dans le temps, pour les esclaves, les pauvres, les travailleurs
et les femmes. N'en déplaise aux tenants du "républicainement
correct", l'étendard de l'égalité des
droits de l'homme porté par la Révolution française
de 1789 est entâché d'exclusions. Si la République
des débuts reconnaît en principe à tous de jouir
des droits de "citoyens passifs" (protection de leur personne,
de leur propriété, de leur liberté...), elle
récuse pour les femmes, les enfants et les jeunes, les étrangers
et les oisifs, une citoyenneté active, c'est-à-dire
les droits politiques et le pouvoir d'influer sur la chose publique.
Et cela au nom d'une "logique capacitaire", qui prétend
que certaines catégories de la population sont incapables
d'exercer ces droits politiques ou qui considère à
tout le moins qu'elles doivent être soumises à une
période probatoire plus ou moins longue.
Tout au long des XIXème et XXème siècles,
cette indignité citoyenne "va marquer nettement une
inégalité des droits" qui ancre dans les esprits
et les comportements le principe de droits différenciés
entre citoyens, entre citoyens et non-citoyens. La hiérarchisation
de la citoyenneté ainsi pérennisée conduit
inévitablement aujourd'hui à des phénomènes
comme la catégorie des immigrés sans-papiers qui,
bien que partie- prenante de la société française,
se différencie en droits des résidents immigrés
en situation régulière, eux-mêmes soumis à
un régime de lois spéciales différencié
selon leur appartenance à l'Union européenne, à
des "pays sûrs" ou des "pays à risques"
etc.
Face à cette citoyenneté à étages justifiée
par des personnages illustres comme Condorcet ou Siéyès
hier et par de grands ténors socialistes aujourd'hui, Saïd
Bouamama préconise la réaffirmation de l'égalité
des droits pour tous. Il appuie son argumentaire sur les droits
historiques acquis par la lutte des esclaves, des travailleurs et
des femmes.
Concernant l'accès des immigrés au droit de vote
et à la nationalité, il rappelle que la Constitution
de 1793 et les propositions du parti communiste français
en 1930 ou à la veille du Front populaire allaient bien au-delà
des attermoiements d'aujourd'hui. Il met en garde contre les tentations
de démonstration "capacitaire" (conseils municipaux
consultatifs, droit de vote limité aux élections locales
etc.) et avance le mot d'ordre de pleine égalité des
droits politiques à tous les échelons. Il réclame
même l'accès automatique à la nationalité
française par simple déclaration comme cela se pratique
désormais en Belgique. Or, cet accès en France n'est
toujours pas un droit, mais une option soumise au pouvoir discrétionnaire
de l'administration.
Selon Saïd Bouamama, ce cadre permet de réunifier les
luttes des différentes composantes de l'immigration et du
mouvement social, en écartant les velléités
de division comme celles qui voudraient par exemple opposer la question
du droit de vote au mouvement des sans-papiers.
A cet égard, le titre du pamphlet est explicite. Le slogan
"J'y suis, j'y vote !" renvoie directement à celui
des immigrés avec ou sans papiers : "J'y suis, j'y reste
!" (tous deux renvoient d'ailleurs à des campagnes sur
ces thèmes entre 1986 et 1989 -cf. aussi le livre de MognissH.
Abdallah "J'y suis, j'y reste ! les luttes de l'immigration
en France depuis les années 60 ; éditions Reflex).
Cependant, le droit de vote et d'éligibilité à
tous les échelons n'est pas une fin en soi. C'est, conclut
l'auteur, une condition nécessaire mais pas suffisante pour
l'égalité des droits et pour une transformation sociale
et politique radicale de la société, sous l'impulsion
de l'ensemble des citoyens actifs et solidaires.
Mogniss H. Abdallah agence IM'média
J'y suis, j'y vote ! La lutte pour les droits politiques aux résidents
étrangers par Saïd Bouamama, Editions L'Esprit frappeur,
Paris, 2000. 1,5 euros.
J'y suis, j'y vote - La Lutte pour les droits politiques aux
résidents
Saïd Bouamama
Présentation du livre
http://www.agora-international.com/cgi-bin/librairie/reference/EF077
J'y suis, j'y vote - La Lutte pour les droits politiques aux résidents
-
Savez-vous que les parents de Zinedine Zidane n'ont pas
le droit de voter ?
S'il est aujourd'hui enfin question d'accorder le droit de vote
aux résidents étrangers, la cause n'est pas entendue
pour autant. Et les arguments avancés pour le refuser ou
le retarder ressemblent à s'y méprendre à ceux
qu'on utilisa contre les pauvres jusqu'au 18e siècle, contre
les femmes jusqu'à la Libération.
Saïd Bouamama clarifie ici une question qui fait l'objet de
toutes les manipulations politiques imaginables et nous rappelle
l'essentiel : les étrangers en France continuent à
avoir les mêmes devoirs que les Français sans avoir
les mêmes droits...
En matière de droit de vote des étrangers, la France
est en passe de devenir la lanterne rouge européenne, comme
elle le fut naguère pour le droit de vote des femmes. La
question, comme celle de l'immigration, a fait l'objet de toutes
les manipulations idéologiques et politiques imaginables.
Or, la question du droit de vote reste un aspect essentiel du combat
démocratique.
La glorification excessive de la Révolution française
fondant " le pays des droits de l'homme " permet depuis
deux siècles de masquer une conception réactionnaire
de la nation et des droits du citoyen. Ce sont, à chaque
fois, des luttes sociales et des rapports de force qui ont permis
successivement aux ouvriers, puis aux femmes, d'avoir accès
au droit de vote, et non une " révolution ". Les
arguments avancés hier pour refuser ou retarder le droit
de vote à ces derniers ressemblent à s'y méprendre
à ceux utilisés pour les immigrés aujourd'hui.
Les étrangers en France continuent à avoir les mêmes
devoirs que les Français sans pourtant avoir les mêmes
droits.
Ce que la Révolution française avait proclamé
comme droits de l'homme et du citoyen devait, à l'époque
des nationalismes européens, se réduire très
rapidement à des droits du citoyen, le concept de citoyen
étant interprété de manière restrictive
comme ressortissant. Cette logique étroite du nationalisme
et l'État-nation considère comme allant de soi que
celui qui est sans État, soit aussi sans droit. "
P. Leuprecht
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