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Origine : http://www.alternatives-economiques.fr/lectures/L234/NL234_014.html
« Ce qui est sociologiquement pertinent, ce n’est pas
la pauvreté en tant que telle, mais la relation d’interdépendance
entre la population qui est désignée socialement comme
pauvre et la société dont elle fait partie. »
L’objectif de l’ouvrage de Serge Paugam est de montrer
comment, à travers la comparaison européenne, on peut
analyser les différentes formes de pauvreté à
partir de leurs relations à la société dans
son ensemble. L’auteur distingue trois formes élémentaires
de pauvreté. La pauvreté intégrée –
pauvreté traditionnelle qui résulte du développement
à long terme des économies – touche une large
partie de la population. Dans les sociétés à
pauvreté intégrée, les pauvres ne forment pas
un groupe stigmatisé. La pauvreté marginale est celle
du quart-monde des pays riches, les pauvres sont peu nombreux, ils
constituent des « cas sociaux », des « ratés
du système ».
Enfin, la pauvreté disqualifiante est constituée d’un
groupe important mais aux situations hétéroclites,
les « exclus » ou les « travailleurs pauvres »
de sociétés riches marquées par le chômage.
Leur situation est instable et surtout contagieuse : de nombreux
groupes vivent dans la crainte de basculer dans cette forme de pauvreté.
Ces différentes formes sont des cas types qui se retrouvent
à des degrés divers selon les pays, jamais de façon
unique.
Serge Paugam montre bien les angoisses que génère
le développement de disqualification dans les sociétés
modernes où la performance semble l’étalon du
bien-être. En même temps, sa démonstration constitue
bien « un préalable à l’action politique
», qui devrait permettre aussi d’y apporter des réponses
plus adaptées. Mais là, beaucoup reste à faire.
par Louis Maurin (n° 234)
Résumé
La pauvreté dérange car elle est l'expression d'une
inégalité difficilement acceptable dans une société
globalement riche et démocratique. Les pauvres ne représentent-ils
pas le destin auquel les sociétés modernes ont cru
pouvoir échapper ? Dans ce livre, Serge Paugam propose une
réflexion qui englobe tous les éléments de
cette question sociale. Il étudie simultanément la
pauvreté comme expérience vécue par des hommes
et des femmes situés au bas de l'échelle sociale et
la pauvreté comme un élément de la conscience
que les sociétés ont d'elles-mêmes et qu'elles
cherchent le plus souvent à combattre : Il revient sur les
trois auteurs clés, Tocqueville, Marx et Simmel, ayant marqué
la réflexion sur le rapport social à la pauvreté
et développe à son tour une étude originale
qui s'attache non pas à la pauvreté en tant que telle,
mais à la relation d'assistance, à l'organisation
de ce tout social auquel appartiennent les pauvres. En s'appuyant
sur de nombreuses enquêtes comparatives, menées pour
la plupart en Europe, il définit ici de façon inédite
les différentes formes élémentaires que prend
cette relation d'interdépendance : la pauvreté intégrée,
la pauvreté marginale et la pauvreté disqualifiante.
La sociologie de la pauvreté qu'il nous propose est ainsi
avant tout une sociologie du lien social. Un livre préalable
à l'action politique, qui entend stimuler la réflexion
pour, sinon éradiquer, du moins soulager les souffrances
de ceux et celles dont le destin, un jour ou l'autre, croise celui
de la pauvreté.
Biographie
Serge Paugam est sociologue, directeur d'études à
l'Ecole des hautes études en sciences sociales et directeur
de recherche au CNRS. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, désormais
classiques, qui ont fortement éclairé le débat
sur la pauvreté et la précarité, dont La disqualification
sociale (PUF, 1991, Quadrige, 2000), La société française
et ses pauvres (PUF, 1993, Quadrige, 2002) et Le salarié
de la précarité (PUF, Le lien social, 2000).
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