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SOUMISSION A L’AUTORITE
STANLEY MILGRAM
Note de lecture

Origine : http://www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/smilgramsoumautor.doc

REDSLOB LUDIVINE
MASTER CMA « ETUDES ET RECHERCHE »
SEMINAIRE Y.PESQUEUX
ANNEE 2005-2006


TABLE DES MATIERES

1.INTRODUCTION

2.BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

3.QUESTIONS POSEES PAR L’AUTEUR

4.POSTULATS

5.HYPOTHESES

6.MODE DE DEMONSTRATION

a)Méthodologie

b)Cheminement de la pensée

7.RESUME

a)Prévisions de comportement

b)Expériences

c)Témoignages

d)Explications

e)Objections à la méthode

8.COMMENTAIRES

9.ACTUALITE DE LA QUESTION

10.BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE


1. INTRODUCTION
2.
Au cours d’un stage au ministère de la défense, une anecdote a éveillé mon attention sur les thèmes du pouvoir et de la soumission à l’autorité. Alors que je me trouvais dans une réunion sur la Loi Organique Relative aux Lois de Finances, en compagnie de quelques commandants et généraux, une situation de tension naît au sujet d’un choix comptable. Un commandant « quatre galons », diplômé d’une grande école en Finance, suggère une solution qui constituait aux yeux des quelques personnes compétentes en la matière, la seule issue viable au problème. Cependant, cette situation impliquait quelques sacrifices et notamment aux plus haut gradés. Ces derniers firent donc taire ce commandant. Persuadé d’avoir proposé la meilleure solution pour l’armée, ce dernier se permis tout de même d’insister mais très vite, il prit partie de se dérober. Pourquoi donc a-t-il choisi de se muer alors qu’il lui était possible de prouver à ces hommes, par de simples calculs, que sa proposition était la meilleure pour l’ensemble de l’armée ?

Ce type d’attitude est finalement banal. Qu’il s’agisse de l’armée ou d’une entreprise quelconque, les subordonnées laissent toujours le dernier mot à leurs supérieurs, qu’ils approuvent ou non leurs choix. Les patrons quant à eux n’ont aucun scrupule à affirmer qu’ils sont seuls compétents pour décider de ce qui est le meilleur pour l’organisation.

Cette fois cependant, la situation m’a interpellée car elle mettait en jeu des sommes d’argent faramineuses. Optimiste, j’ai pensé que si aucune des personnes compétentes en comptabilité n’était intervenue c’est parce que finalement ce n’était « que d’argent » dont il était question. Mais alors, qu’en serait-il de cette obéissance si la vie d’hommes, de femmes, d’enfants était remise en cause ? L’obéissance à l’autorité longtemps prônée comme une vertu, revêt en effet un caractère différent quand elle est au service d’une cause néfaste.

C’est dans cet esprit que j’ai commencé des recherches bibliographiques sur les thèmes du pouvoir et de l’autorité. De Foucault à Crozier et Friedberg, en passant par Weber ou Xenophon, de nombreuses théories du pouvoir fascinantes ont été développées. Mais ce qui n’était pas approfondi dans la littérature, je l’ai trouvé chez Stanley Milgram : pourquoi les individus se soumettent-ils à l’autorité ? Dans quelle mesure, un individu quelconque est-il capable de faire souffrir un semblable par simple soumission à l’autorité ? Comment un individu peut-il concilier les impératifs de ses supérieurs avec la voix de sa conscience ?

Les réponses apportées à ces questions par Stanley Milgram sont inquiétantes. Chez nombre d’individus l’obéissance l’emporterait sur la formation en matière d’éthique, d’affectivité, et de règles personnelles de conduite. C’est à la lumière de ces observations que l’auteur tente de comprendre les mécanismes en jeux dans le processus de soumission à l’autorité.

3. BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR
4.
Stanley Milgram (1933-1984) fut un psychologue social de l’université de Yale.

Etudiant en science politique jusqu’en 1954, il décide par la suite de se lancer dans une thèse en psychologie sociale à l’université de Harvard. Très inspiré par les travaux de son mentor, Solomon Asch, sur les effets du groupe sur l’individu, Stanley Milgram se lance dans une recherche sur la soumission des hommes à l’autorité. L’éthique de ses expériences est cependant remise en cause si bien que l’Association américaine de Psychologie suspend son adhésion. Il fera tout de même connaître son expérience en 1963 et publiera « Obedience to Authority » en 1974. Il est ensuite traduit dans de nombreuses langues. Ses écrits fascinent et soulèvent de nombreuses controverses. En 2004, Thomas Blass entreprend ainsi de rédiger un livre en sa mémoire « The Man Who Schocked the World : The Life and Legacy of Stanley Milgram ». Par ailleurs, de nombreuses revues de psychologie ont été consacrées à cette expérience.

Une autre de ses théories le rendra célèbre : celle « du petit monde ». En 1967, Milgram entreprend en effet une expérience originale, il essaye de démontrer que tout être humain peut assez facilement être relié à un autre être humain par une chaîne ou une autre de relations sociales. Il n’y aurait ainsi qu’au plus 6 intermédiaires entre deux individus quels que soient leur emplacement dans le monde. Avec le développement des nouvelles technologies, Internet notamment, cette théorie a pu être prouvée sur un plus large échantillon.

5. QUESTIONS POSEES PAR L’AUTEUR
6.
Ce livre a pour ambition d’étudier le comportement des hommes placés au centre d’une opposition entre leur conscience et l’autorité. Comme nous venons de l’exposer, le protocole expérimental a donc été conçu de manière à retranscrire le plus fidèlement possible ce type de conflit. De ce point de vue, la situation de laboratoire a eu les effets escomptés : alors que l’expérimentateur enjoint au sujet de continuer, celui-ci éprouve une réelle souffrance qui l’incite à arrêter. Seule la rupture avec l’autorité permettra à l’individu de se libérer de ce dilemme. Mais, quand et comment cette séparation va-t-elle se produire ? Telle est la question initiale à laquelle Stanley Milgram voulait répondre.

Les résultats inquiétants et inattendus auxquels il est parvenu ont cependant nécessité une refonte de sa problématique. En effet, même si beaucoup de sujets éprouvent un stress considérable au cours de l’expérience et expriment leur désaccord, une proportion importante d’individus continuent tout de même à administrer les chocs. « La découverte majeure de cette étude est donc cette propension extrême des adultes à se soumettre à l’autorité ». Mais qu’est ce donc qui les contraint à obéir ? C’est la question à laquelle Stanley Milgram tentera de répondre dans la seconde partie de son ouvrage. Pour cela, il articulera son analyse autour des sept questions ci-dessous :

- Comment expliquer que la soumission à l’autorité soit un trait constant et prédominant de la condition humaine ?
-
- Quelles sont les conditions requises pour qu’un individu passe de l’état autonome à l’état agentique ?
-
- Une fois ce changement survenu, quelles en sont les répercussions sur les traits comportementaux et psychologiques de l’individu ?
-
- Pourquoi certains sujets désobéissent ?
-
- Qu’est ce qui contraint l’individu à demeurer dans l’état agentique ?
-
- Quels sont les mécanismes qui permettent la résolution de la tension ?
-
- L’agression est elle à l’origine du comportement des sujets obéissants ?
-
7. POSTULATS
8.

- La soumission à l’autorité est un trait constant et prédominant de la condition humaine.
-
- Toute autorité suppose une volonté et une capacité à obéir.
-
- Tout individu a la liberté d’accepter ou de rejeter les diktats de l’autorité.
-
- Toute autorité doit être légitime pour être efficace
-
- Le comportement de l’individu a été modelé au cours de générations successives par les exigences de la survie de l’espèce
-
9. HYPOTHESES
10.

Comme nous l’avons souligné dans une partie précédente, la principale question de ce texte est la suivante : « qu’est ce qui contraint les individus à obéir ? ». Après avoir testé divers types de variables qui pourraient influer sur la soumission à l’autorité, l’auteur déduit de son étude, qu’il existe très peu de phénomènes qui incitent l’homme à désobéir. Il émet ainsi les hypothèses suivantes quant aux raisons qui pourraient favoriser la docilité :

- Comment un individu honnête et bienveillant par nature peut-il faire preuve d’une telle cruauté envers un inconnu ? Quand un individu fonctionne à l’intérieur d’un mode organisationnel, il n’évalue pas les directives issues de l’agent coordonnateur en se référant aux critères de son code moral personnel ; ceux-ci ne réglementent et contrôlent ses pulsions instinctuelles que lorsqu’il fonctionne de façon autonome. Stanley Milgram pense donc qu’une modification interne doit être apportée à tout élément pour qu’il puisse s’insérer avec succès dans une hiérarchie. Il doit être dans « l’état agentique ».
-
- Une fois converti, l’individu devient un autre être, présentant des aspects nouveaux qu’il n’est pas toujours facile de relier à sa personnalité habituelle. Toute la série d’actions que le sujet exécute se trouve entièrement conditionnée par sa relation avec l’expérimentateur.
-
- Il faut nécessairement qu’il existe des forces qui maintiennent l’individu dans l’état agentique pour qu’il continue de se soumettre à l’autorité.
-
- L’explication morale ne convient pas pour comprendre le phénomène de désobéissance. C’est davantage une forme de tension qui pousse le sujet à se rebeller.
-
- L’agression n’est pas à l’origine du comportement des individus. Car, il semblerait que l’obéissance soit caractérisée par le fait que l’acte accompli ne correspond pas aux mobiles de son auteur, mais à son origine dans le système de motivations des individus plus haut placés dans la hiérarchie sociale. Si on ordonne à un individu de boire, il le fera, il ne faut pas pour autant en déduire qu’il a soif.
-
11. MODE DE DEMONSTRATION
12.

a) Méthodologie

b)
Dans cette expérience des sujets de toute classe sociale, de sexes différents, de tout niveau d’étude, de tout âge, des citoyens « ordinaires » sont amenés à commettre des actions meurtrières par la seule présence d’une « autorité supérieure ».

A la suite d'une petite annonce, deux personnes se présentent au laboratoire de psychologie de l’université de Yale qui effectue des recherches sur les effets de la punition sur le processus d’apprentissage. L'expérimentateur explique que l'une d'elles va jouer le rôle de « maître » et l’autre celui d'« élève ». Le maître va soumettre des associations de mots à l'élève, et à chaque fois que celui-ci se trompera, il devra le sanctionner par une décharge électrique. Devant le maître, on attache l’élève sur une chaise et on fixe des électrodes à ses poignets. Puis on introduit le maître dans une autre pièce et on le place devant un impressionnant stimulateur de chocs composé d'une trentaine de manettes allant de 15 à 450 volts. Figurent également des mentions allant de « Choc léger » à « Attention: choc dangereux! ». Quant aux deux dernières manettes, elles sont simplement accompagnées d'une étiquette xx.

L'expérience commence, et à chaque nouvelle erreur de l’élève, le maître doit infliger une décharge d'une intensité supérieure à la précédente. Le maître est rapidement amené à des intensités importantes. A 75 volts, l'élève gémit, à 150 volts, il supplie qu'on arrête l'expérience, à 270 volts, sa réaction est un véritable cri d'agonie. Mais après 330 volts, on n'entend plus rien, l'élève est complètement silencieux. Lorsque le sujet souhaite arrêter l’expérience, l’expérimentateur dispose de quatre injonctions pour pousser le sujet à continuer. Au premier refus du sujet, l’expérimentateur rétorquait : « je vous prie de continuer » ; au second refus, l’injonction était « l’expérience exige que vous continuiez » ; au troisième refus l’injonction était « il est absolument indispensable que vous continuiez » et en dernier lieu « vous n’avez pas le choix, vous devez continuer ». L’expérimentateur insistait par ailleurs sur le fait que si ces chocs pouvaient paraître très douloureux, l’individu n’en garderait aucune séquelle. Si cette dernière injonction échouait l’expérience se terminait et était noté le choc maximal délivré par le sujet. Sinon l’expérience se termine après l’administration à trois reprises de la décharge maximale, soit 450 volts. On appelle obéissance le point antérieur à la rupture alors que la désobéissance correspond à ce même point.

L'élève était en fait un comédien professionnel qui simulait la douleur ; le stimulateur de chocs, les sangles et les électrodes n'étaient que des artifices destinés à tromper le maître qui, lui, était le véritable sujet de l'expérience.

Ainsi, dans un entretien post-expérimental, les chercheurs expliquaient à l’individu que l’élève n’avait en réalité reçu aucune décharge. Ils lui apprenaient que l’étude visait à étudier les processus de soumission à l’autorité. Puis, ils l’incitaient à analyser son comportement et à faire part des sentiments qu’il avait ressenti au cours de l’expérimentation.

Afin de les rassurer, les chercheurs affirmaient aux sujets obéissants que leur comportement était normal et que nombre d’individus avaient choisi la même solution. Ils expliquaient par ailleurs aux sujets rebelles que leur comportement était remarquable et qu’ils avaient fait le bon choix.

Finalement, la situation créée par le protocole expérimental générait une situation très embarrassante dans laquelle l’individu devait résoudre un conflit issu de la concomitance de deux exigences incompatibles émanant de son environnement social : suivre l’expérimentateur et continuer à faire souffrir un innocent ou rompre avec l’autorité. Les résultats sont impressionnants : 65% des sujets sont allés jusqu'à 450 volts !

c) Cheminement de la pensée
d)

Dans les premiers chapitres, l’auteur présente sa méthode expérimentale. Il expose les différentes variantes qu’il a développées pour son étude sur la soumission à l’autorité. Il montre ainsi qu’il s’est concentré sur de nombreux caractères qui pourraient influer sur la soumission à l’autorité : le sexe du sujet, la proximité du sujet à l’élève, la proximité de l’élève à l’expérimentateur, l’importance de l’environnement, des effets de groupe, du « prestige de la victime »… Il nous livre par ailleurs les témoignages de quelques sujets. Nous pouvons ainsi analyser comment les individus interprètent les choix qu’ils ont faits au cours de l’expérience.

Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur procède à une analyse cybernétique des causes de l’obéissance.

13. RESUME
14.

a) Prévisions de comportement
b)

Préalablement à leur étude, les chercheurs ont mené des conférences au cours desquelles ils présentaient leur projet de recherche. Ils en profitaient pour mener un sondage dans lequel ils demandaient aux participants du séminaire :

- A quel niveau de choc pensez-vous que vous vous seriez arrêtés ?
-
- A quel niveau de choc pensez-vous qu’un individu quelconque puisse s’arrêter ?
-
En réponse à la première question, sur les 110 sujets interrogés seuls 11 pensent qu’ils se seraient arrêtés au delà de 180V. Les raisons les plus couramment invoquées par ces individus sont les suivantes : « j’ai peur des décharges électriques, je ne ferai pas subir cela à un semblable », « j’ai des principes, je ne veux pas faire souffrir un être humain pour une simple expérience «. La compassion, l’empathie, le sentiment de justice sont à la base de leurs justifications.

De plus, à la seconde question la majorité des participants au sondage invoquent le refus d’obéissance.

Cependant, il semblerait que ces individus aient évoqué ce qui serait souhaitable et non ce qui serait conforme à la réalité. Leurs raisonnements s’appuient sur une image de la société dans laquelle les hommes sont bons et maîtres de leur conduite. Ils ignorent ainsi le réseau complexe de forces qui pèsent sur l’individu lorsqu’il est soumis à un dilemme entre le système d’autorité et sa conscience.

c) Expériences
d)

Les chercheurs ont mis au point plusieurs versions de l’expérience qui prennent en compte de nombreuses variables susceptibles d’influer sur la propension des individus à se soumettre à l’autorité. Cette partie consiste à les exposer.

Proximité de la victime

Expérience 1 (feedback à distance) : la victime et le sujet sont placés dans deux pièces différentes, le sujet ne peut ni entendre ni voir les réponses de la victime. Elles apparaissent juste sur l’écran de signalisation. A 350V, l’élève tambourine sur les cloisons pour protester. Ensuite, il ne fournit plus de réponses au test d’apprentissage et les coups cessent. Sur les 40 sujets, 26 ont obéi jusqu’à 450V.

Expérience 2 (feedback vocal) : Dans la première variante, l’élève ne pouvait donner son avis sur l’expérience. Il y avait bien les coups sur la cloison mais cette manifestation n’était pas suffisante pour faire réfléchir le moniteur. Les chercheurs font ainsi l’hypothèse que si les sujets sont en mesure de voir ou d’entendre la victime, de ressentir ses angoisses, ils seront peut-être moins dociles. Ainsi, l’expérience 2 est identique à la première mais, les plaintes et les cris de l’élève peuvent être perçues à travers la cloison.

Expérience 3 (proximité) : Cette version se base sur la même hypothèse que l’expérience 2 mais accentue la variable « proximité ». Ainsi, on place le sujet et l’élève dans la même pièce à quelques dizaines de mètres.

Expérience 4 (contact) : Les chercheurs ont observé que dans l’expérience 3, les sujets trouvaient un autre moyen de se dérober. Ils détournaient le regard de la victime. Les seules manifestations de douleur qu’ils pouvaient percevoir étaient donc ses cris. Ainsi, afin de soumettre l’individu au regard de l’élève mais aussi au spectacle de sa souffrance, les chercheurs ont fait en sorte que le sujet et l’élève soient occasionnellement en contacts. Le moniteur devait remettre lui même la main de la victime sur la plaque qui émettait les décharges électriques.

Les résultats de ces quatre expériences révèlent que « le taux d’obéissance diminue à mesure que la présence de la victime s’impose ».

Quelles en sont les raisons ?

- Réactions d’empathie chez le sujet. La souffrance de la victime demeure abstraite et lointaine dans les deux premières versions de l’expérience. Il se peut que les manifestations visibles de l’élève provoquent chez le sujet des réactions d’empathie et lui donnent une meilleure compréhension de ce que l’autre endure.
-
- Mécanisme de refus et de rétrécissement du champ cognitif. La variante « Feedback à distance » permet un rétrécissement du champ cognitif si bien que la victime est pratiquement oubliée par le sujet. De même dans les versions 2 et 3 de l’expérience, les sujets détournent le regard de la victime et refusent de reconnaître sa souffrance. Au contraire, quand l’élève est proche, il s’impose à la conscience du moniteur.
-
- Champs réciproques. Dans la variante proximité, le sujet voit mieux la souffrance de l’élève. Mais l’élève aussi perçoit mieux le sujet. Or, il est souvent plus aisé de faire souffrir quelqu’un quand cette personne ne nous voit pas agir.
-
- Conscience de l’unité d’action. Dans la variante feedback à distance, le sujet n’a pas conscience des conséquences de son action. Il y a séparation physique entre l’acte et ses effets.
-
- Début de formation de groupe. Il y a un début de formation de groupe entre le sujet et l’expérimentateur dans la variante feedback à distance. En effet, cette version de l’expérience exclut l’élève. Au contraire, dans les variantes de proximité, le sujet a un allié à qui se liguer en cas de refus d’obéissance : l’élève.
-
- Dispositions de comportement acquises. Les dispositions acquises telles que « ne pas faire de mal à autrui » jouent dans les cas où il y a contact avec les autres.
-
Les résultats des expériences révèlent donc des comportements inattendus. La loi morale est transgressée par plus de la moitié des sujets puisqu’ils maltraitent un être sans défense. Un refus d’obéissance n’aurait pourtant pas mené à un préjudice ou un châtiment, l’expérimentateur ne disposait en effet d’aucun moyen de coercition. Quels sont donc ces facteurs de maintenance qui s’opposent au refus d’obéissance ?

L’observation des sujets révèle un autre fait inattendu : ces derniers sont les victimes d’une tension nerveuse parfois très importante. Elle est révélatrice de trois phénomènes :

- la présence d’un conflit entre la conscience et l’autorité
-
- la domination que la situation exerce sur le sujet ; situation dont il est incapable de s’évader par le refus d’obéissance
-
- enfin, la tension constitue pour certains individus une force qui les pousse à réagir
-
Il semblerait donc que les facteurs qui poussent les individus à se soumettre à l’autorité prennent le dessus sur le stress qu’ils ressentent au cours de l’expérience.

A la suite de ces quatre expériences et des débriefings réalisés, l’auteur a pris conscience qu’il devait étudier de nouvelles variables. D’autres facteurs ont en effet été invoqués par les moniteurs pour justifier leur soumission à l’autorité. Les expériences suivantes sont donc exposées ci-dessous.

Autres variantes et contrôle

Expérience 5 (nouvel environnement) : Dans cette version de l’expérience, les chercheurs font l’hypothèse que l’environnement dans lequel se déroule la situation d’autorité a une influence sur l’obéissance. En effet, elle pourrait affecter la légitimité de l’autorité. Ils entreprennent donc de mener leurs observations dans un nouvel environnement : le soul sol de l’université. (Ils y effectuent l’expérience 2 (feedback vocal))

Par ailleurs, l’élève dans ses protestations, invoquera une légère anomalie au cœur. Cet élément pourrait en effet fournir une justification supplémentaire au refus d’obéissance.

Cependant, ces deux modifications de l’expérience n’ont en rien modifié le taux d’obéissance. Rien de ce que dit l’élève ne peut finalement modifier le comportement du sujet puisque les actes de celui-ci sont dirigés par l’expérimentateur.

Expérience 6 (Changement de personnel) : Les chercheurs font ici l’hypothèse que la personnalité de l’autorité et de l’élève peuvent influer sur sa perception de l’autorité. Ils placent donc un expérimentateur doux et pacifique alors que la victime est un homme assez brutal. Ce changement de caractéristiques n’a eu que très peu d’influence sur le taux d’obéissance.

Expérience 7 (Proximité de l’autorité) : Les chercheurs font ici l’hypothèse que la soumission à l’autorité est due à une volonté des individus de faire bonne impression devant un homme de science. Il se peut que l’éloignement de l’expérimentateur provoque une nette différence dans les résultats de l’étude. Ainsi, dans cette expérience, l’expérimentateur quitte le laboratoire après avoir donné ses premières instructions et donne le reste de ses ordres par téléphone. Le niveau d’obéissance a ici subi une baisse sensible. Les sujets semblaient beaucoup plus capables de résister à l’expérimentateur quand il n’était pas à proximité. Cependant, il leur était toujours difficile de rompre avec l’autorité : ils en venaient ainsi à tricher en administrant des chocs plus légers mais se gardaient de signaler leurs mensonges à l’expérimentateur. Ils étaient dans ce cas en paix avec eux-mêmes et avec l’autorité.

Ainsi, il semblerait que « la présence physique d’une autorité soit un facteur important dans la détermination du comportement ».

Expérience 8 (sujets féminins) : Dans cette version de l’expérience, Stanley Milgram fait l’hypothèse que le degré d’obéissance varie en fonction du sexe du sujet. Il est en effet possible de penser que les femmes sont plus malléables que les hommes par nature. Mais, elles sont aussi considérées comme plus enclines à l’empathie que les hommes. Selon les observations de laboratoire, elles font preuve d’une soumission presque similaire. Elles subissent cependant une tension d’une intensité supérieure.

Expérience 9 (engagement limité de la victime) : La plupart des sujets disent avoir obéit car il existait entre l’élève, l’expérimentateur et eux-mêmes un contrat social. De même que le sujet s’était engagé auprès de l’expérimentateur à l’aider dans son travail, l’élève avait consenti à recevoir des chocs électriques. Les chercheurs ont donc fait l’hypothèse qu’en modifiant les conditions d’entrée de la victime, la soumission des individus à l’autorité serait moindre.

Dans cette version de l’expérience, avant de signer la décharge selon laquelle « elle s’engageait à n’entreprendre aucune poursuite contre l’université de Yale », la victime invoquait des problèmes de cœur. Elle affirmait qu’elle n’acceptait de participer à l’expérience qu’à la condition qu’il y soit mis un terme sur sa demande.

Le taux de refus d’obéissance n’a subit qu’une très légère variation. 16 sujets sur 40 ont continué à administrer les chocs jusqu’à 450V malgré les demandes expresses de la victime de cesser l’expérience. L’argument du contrat social est donc négligeable.

Expérience 10 (Contexte institutionnel) : Quelques sujets dans les premières interviews post expérimentales avaient invoqué le prestige du lieu : l’université de Yale. Certains avaient même affirmé qu’ils n’auraient peut-être pas continué à obéir si l’expérimentation s’était déroulée ailleurs.

Les chercheurs font ainsi l’hypothèse que l’individu accorderait une importance au milieu dans lequel il agit. Dans cette variante de l’expérience, les observations se font dans des bureaux d’une ville industrielle voisine. Les sujets ignorent par ailleurs l’appartenance des expérimentateurs à l’université de Yale. Ils pensent que ces derniers sont au service d’un grand groupe industriel. Apparemment, la tension ressentie par les sujets était globalement la même et soumission à l’autorité quasi identique. Le contexte institutionnel n’a donc que très peu d’effets sur les phénomènes d’obéissance.

Expérience 11 (Le sujet choisit lui-même le niveau de choc) : Certaines personnes ayant eu vent des résultats de nos travaux ont suggéré que les actions des individus ne résultaient pas d’une quelconque soumission à l’autorité. Ils étaient plutôt la conséquence de la part de haine que chaque individu contient en soi et qui avait la possibilité de s’exprimer librement dans ce contexte. De ce point de vue, l’ordre serait superflu. Dans cette version de l’expérience les sujets avaient donc la liberté de choisir niveau de choc.

Aucun d’entre eux n’est allé au delà des 75V.

Ainsi, « quelque soit la raison qui pousse le sujet à administrer à la victime le choc le plus élevé, il faut la chercher ailleurs que dans la libération de ses pulsions agressives : seule peut l’expliquer la modification de comportement qui intervient chez lui à la suite de l’obéissance aux ordres ».

Permutation des rôles

La position, le statut et l’action semblent constituer des éléments clés de cette expérience :

- La position indique si la personne ordonne, administre ou reçoit le choc.
-
- Le statut se rapporte au fait que la personne est présentée comme une autorité légitime ou un individu ordinaire.
-
- L’action se réfère à la conduite de la personne dans chacune des trois positions et, plus spécifiquement, au fait qu’elle recommande la pénalisation de la victime ou qu’elle s’y oppose.
-
Dans les expériences précédentes, la personne qui recevait le choc était toujours un individu ordinaire. Ici, les chercheurs considèrent qu’il est nécessaire de faire varier le triptyque statut, action, position pour comprendre si le sujet est plus sensible à l’ordre ou au statut de la personne qui le donne. Son comportement est-il déterminé par l’injonction elle-même ou par la qualité de celui qui la formule ?

Expérience 12 (l’élève demande à recevoir les chocs) : Ici, l’élève demande à ce que l’expérience continue malgré la douleur qu’il ressent car ceci est nécessaire pour l’avancée de la science. L’expérimentateur au contraire s’y oppose formellement.

Les résultats montrent que l’ensemble des sujets ont suivi la requête de l’expérimentateur et non de l’élève. Les sujets acceptent donc d’administrer les chocs sur la demande de l’autorité et non sur celle de la victime ! Ils estiment donc que celle-ci a moins de droits sur elle-même que n’en a l’autorité.

Ainsi, il semblerait que « l’administration des chocs ne dépende ni des volontés exprimées par celui-ci ni des impulsions bienveillantes ou hostiles du sujet, mais du degré d’engagement que l’individu pense avoir contracté en s’insérant dans le système d’autorité ».

Expérience 13 (un individu ordinaire donne les ordres) : Faut-il attribuer l’obéissance au contenu de l’ordre ou au prestige de la source d’autorité dont il émane ? Les chercheurs ont fait l’hypothèse que oui. Ils ont donc enlevé l’autorité des mains de l’expérimentateur pour la place dans celles d’un individu ordinaire. Pour ce faire, trois individus se rendent au laboratoire (deux complices et un sujet naïf). Ils y rencontrent l’expérimentateur qui leur explique le déroulement de l’expérience. Mais, ce dernier doit partir en urgence du laboratoire, il est appelé à l’extérieur pour affaires. Il déclare alors qu’un des hommes (un complice) doit prendre sa place et décider du niveau de chocs à administrer. Une fois l’expérimentateur parti, ce complice annonce au sujet qu’il a trouvé un système infaillible pour que l’élève apprenne les mots : il faut augmenter le niveau de voltage à chaque erreur. Ainsi, le sujet se trouve confronté à une situation définie dans ses grandes lignes par l’autorité de l’expérimentateur mais subordonnée à un individu ordinaire pour la décision du niveau des chocs.

Les chercheurs ont constaté une baisse sensible du niveau d’obéissance dans cette expérience.

Expérience 13 A (le sujet est spectateur) : Après le refus du sujet d’obéir, le complice outré par cette attitude se déclare prêt à administrer les chocs. Il prend ainsi la place du sujet. Il est ainsi déchargé de la tâche de pénaliser l’élève, mais il est spectateur d’une scène éprouvante. Presque tous les participants ont blâmé l’attitude du complice qui administrait des chocs élevés. Cinq ont mis fin à l’expérience en se jetant sur lui. Plusieurs ont tenté de débrancher l’appareil. Et même si, le taux d’obéissance est encore très élevé dans cette variante, cinq des personnes ont pris le parti de la victime. Elles se sont violemment rebellées contre la nouvelle autorité, ce qui contraste avec l’attitude déférente des autres sujets. En refusant d’obéir à l’individu ces hommes sont persuadés d’avoir agi comme l’expérimentateur aurait aimé qu’ils le fassent.

Expérience 14 (L’autorité dans le rôle de la victime. Un individu ordinaire donne les ordres) : Les chercheurs pensent qu’il est nécessaire d’observer ce qui se passe quand l’autorité subit le traitement infligé à la victime.

Pour cela, lorsque les sujets arrivent dans le laboratoire et discutent avec l’expérimentateur, la personne qui a été désignée comme l’élève affirme qu’elle refuse de recevoir les chocs. Le chercheur affirme qu’ils doivent finir d’urgence leur étude et qu’il est absolument nécessaire que l’expérience ait lieu. Il décide alors de prendre la place de l’élève et demande à l’autre homme de jouer le rôle de l’autorité. Si jamais, le chercheur ne ressent rien, l’élève désigné par tirage au sort devra reprendre sa place. Au bout de quelques décharges, l’expérimentateur se plaint, la personne dans le rôle de l’autorité ordonne au sujet de continuer. Le sujet est donc pris entre un expérimentateur qui lui demande de le libérer et un individu quelconque qui lui ordonne de continuer l’expérience. A la première protestation de l’expérimentateur, tous les sujets ont arrêté l’expérience. Pendant le débriefing, ils attribuaient cette attitude à leur bonté naturelle et non pas à leur soumission à l’autorité.

« Ainsi, le facteur déterminant du comportement est bien l’autorité et non l’ordre en soi. Les ordres qui n’émanent pas d’une autorité légitime perdent toute leur force ».

Expérience 15 (autorité double) : Comment le choix entre plusieurs autorités s’exerce-t-il ? Comment l’individu va réagir s’il est confronté à deux expérimentateurs ayant des points de vue opposés (l’un refuse de continuer l’expérience, alors que l’autre affirme qu’il est nécessaire de poursuivre) ? Est ce que le résultat final est un compromis entre les deux autorités ou est ce que les valeurs personnelles de l’individu l’aident à faire un choix entre les deux autorités ? Cette expérience a augmenté le taux de tension chez les individus. 20 sujets, un seul avait arrêté avant que les deux autorités ne se trouvent en désaccord, 18 autres ont arrêtés à ce moment là et 1 autre a continué quelque peu. Ainsi, pas un sujet n’a profité des ordres d’un des deux expérimentateurs pour assouvir ses pulsions agressives.

Aussi, « à partir du moment où le signal émanant du niveau hiérarchique supérieur est vicié, la cohérence du système hiérarchique disparaît ainsi que son efficacité en tant que facteur déterminant du comportement ».

Expérience 16 (deux autorités, l’une d’elles dans le rôle de la victime) : Cette variante soulève une nouvelle question intéressante : l’autorité provient-elle seulement de la désignation du rang hiérarchique ou dépend-elle en grande partie de la position réelle de l’individu dans la structure de l’action que la situation lui impose ? Par exemple, un roi n’a d’autorité que tant qu’il est sur son trône. S’il se retrouve en prison, il est peu probable que ses ordres soient suivis.

Ainsi, dans cette nouvelle version de l’expérience, il s’avère que l’expérimentateur placé sur la chaise électrique n’est pas mieux servi qu’un individu ordinaire. Il y perd toute son autorité.

Pourquoi l’expérimentateur a-t-il perdu son autorité dans le rôle de la victime alors qu’il l’avait conservée dans les expériences 14 (l’expérimentateur dans le rôle de la victime - l’individu ordinaire donne des ordres) et 15 (autorité double) ? Parce que l’action du sujet est dirigée par la personne possédant le statut le plus élevé. Or, dans l’expérience 15, un des expérimentateurs a accepté le rôle de la victime, il a perdu provisoirement de son autorité par rapport à son collègue. L’autorité est par ailleurs dépendante du lieu dans lequel elle s’exerce.

Finalement, « tout système d’autorité doit se fonder sur l’agencement soigneusement calculé des individus à l’intérieur d’une hiérarchie. La perception du contrôle qui détermine l’action dépend de la clarté de la réponse apportée à la difficile question : qui est au dessus de qui ? »

Les effets de groupe

Dans son opposition à l’autorité, l’individu est faible mais le groupe est fort. L’auteur commence dans cette partie par faire la distinction entre conformisme et obéissance.

- Le conformisme est l’attitude du sujet qui agit à l’instar de ses pairs, des gens de son statut, n’ayant aucunement le droit de lui dicter sa conduite.
-
- Le terme obéissance sera réservé au comportement du sujet qui se soumet à l’autorité. Comme pour le conformisme, l’individu abandonne à des sources externes l’initiative de son action.
-
Mais les deux concepts sont opposés sur quelques points :

1. La hiérarchie : l’obéissance intervient à l’intérieur d’une structure hiérarchique dans laquelle l’auteur de l’action estime que la personne placée au-dessus de lui a le droit de la lui prescrire. Le conformisme détermine la conduite parmi des gens de statut égal.
2.
3. Le conformisme est de l’imitation pure et simple contrairement à l’obéissance.
4.
5. Dans l’obéissance l’action est dictée par un ordre. Dans le conformisme, c’est la pression collective implicite qui contraint le sujet à s’aligner sur le groupe.
6.
7. Comment les sujets expliquent leur attitude dans chacun des cas ? Le conformisme étant une réaction à des pressions implicites, le sujet voit dans sa conduite une manifestation de sa volonté. Alors que dans l’obéissance, le sujet refuse tout volontarisme. Il estime avoir agit sous l’ordre d’un commandement explicite. Les deux situations ont donc des conséquences psychologiques différentes.
8.
Expérience 17 (deux pairs se rebellent) : La rébellion contre une autorité malveillante est plus aisée dans le cas d’une action collective. Comment l’influence du groupe peut libérer l’individu de son assujettissement à l’autorité ?

Dans cette version, le sujet est placé entre deux de ses pairs qui défient ouvertement l’autorité. La plupart des sujets refusent d’obéir.

« La rébellion des pairs a donc eu pour effet de saper de façon spectaculaire l’autorité de l’expérimentateur ».

Selon l’auteur les causes de ce phénomène sont les suivantes :

- les pairs inoculent au sujet l’idée de se rebeller contre l’expérimentateur qui peut ne pas en avoir envisagé la possibilité
-
- l’individu comprend que son refus n’est pas dû à une anomalie. Ses deux compères lui montrent que la rébellion est une réaction naturelle.
-
- Les deux compères confirment au sujet qu’administrer des chocs électriques est contraire à la morale
-
- Les compères rebelles restent dans le laboratoire après avoir arrêté d’administrer les chocs. Ils portent donc un regard négatif sur le sujet qui se sent jugé et incité à arrêter.
-
- Tant que les deux compères ne se sont pas arrêtés la responsabilité est divisée en trois. Quand ils se retirent elle incombe au sujet naïf.
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- Le sujet naïf constate que le refus d’obéissance n’a pas de conséquences fâcheuses
-
- Le prestige de l’expérimentateur est affaibli par la rébellion des deux compères.
-
« La solidarité reste donc le rempart le plus efficace contre l’autorité ».

Expérience 18 (un pair administre les chocs) : La plupart des individus qui composent une autorité n’exécutent pas directement les actions néfastes. Ils manipulent des papiers mais l’effet final demeure loin de leurs yeux et de leur esprit. Ainsi, dans cette expérience le sujet naïf est spectateur et c’est un autre homme qui administre les chocs. Ce rôle est facile à assumer. Les sujets ne ressentent que très peu de tension et vont pour la majorité d’entre eux jusqu’aux chocs les plus violents.

Ainsi, « tout directeur d’un système d’autorité devrait faire en sorte que ce soient les personnes les plus obtus et les plus violentes qui soient directement impliquées dans la violence finale. Dans le cas contraire, la tension que fait naître l’acte chez un individu ordinaire peut le mener à se rebeller face à l’autorité ».

e) Témoignages
f)
Chaque sujet présente de telles disparités à côté des autres, que chacun a fait l’objet d’une étude individuelle. Il était difficile de généraliser les raisons qui les avaient poussées à obéir ou non. A ce stade de l’ouvrage, l’auteur nous fait part de nombreux témoignages d’hommes et de femmes ayant participé à l’expérience.

Parmi les nombreuses réactions retranscrites par l’auteur, j’ai tenu à en souligner certaines qui m’ont choquée, impressionnée ou encore fait sourire.

- Tout d’abord, ce qu’il me paraît important de souligner c’est qu’à la question « quel choc maximal auriez-vous consenti à recevoir ? », les sujets ont tous donné des paliers bien inférieurs au niveau de choc qu’ils avaient administré à la victime.
-
- Par ailleurs, au cours des observations, la plupart des hommes ont exprimé une grande répugnance vis à vis de l’expérience. Cependant, ceci ne les a pas empêché de continuer à administrer les chocs. Les paroles sont en effet difficilement transformables en actes.
-
- Les uns nient les réactions de la victime, ils ne semblent pas la considérer comme un être humain. Les autres pensent que l’élève par sa bêtise et son ignorance s’est lui-même attiré la punition.
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- Certains sujets obéissants ont exprimé une grande fierté vis à vis de leur comportement malgré la souffrance qu’ils ont cru faire endurer à la victime.
-
- Ils placent leur action dans un cadre plus large : celui de la participation à une grande cause, celle de la science.
-
- La plupart des sujets obéissants pense que la faute doit être rejetée sur l’expérimentateur car c’est lui qui a donné l’ordre. Notre société facilite ce type de raisonnement. Elle est en effet ancrée dans des structures basées sur la division du travail où chacun a la possibilité de rejeter la faute sur son voisin.
-
- D’autres individus protègent leur image au cours de ce débriefing. « Moi qui suit si à l’écoute des autres, ça ne me ressemble vraiment pas ».
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- Manifestement, un autre facteur psychologique en jeu est le contre-anthropomorphisme. Certains individus ont en effet conféré une qualité impersonnelle à des forces humaines. Les ordres d’un homme sont devenus partie intégrante d’un schéma qui s’imprime avec une telle force dans l’esprit de certains qu’il l’emporte sur toute considération personnelle. L’expérimentateur n’était pas un simple mortel, l’élément humain s’était volatilisé et « l’Expérience » avait acquis une existence propre, totalement désincarnée.
-
- Le coût de la désobéissance est l’impression de s’être rendu coupable de déloyauté. C’est le rebelle qui ressent douloureusement les conséquences de son action et non le sujet obéissant.
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- Pour quelques sujets, l’expérience a fait naître de nombreuses interrogations. Un ingénieur ira même jusqu’à proposer son aide au laboratoire tant il a été fasciné par cette étude. Dans une lettre, il exprime ainsi sa profonde gratitude pour Stanley Milgram « bien que je sois… dans l’industrie, j’ai maintenant acquis la conviction que les sciences sociales, et en particulier la psychologie, sont autrement importantes dans notre monde actuel ».
-
- Et pour les réactions qui font sourire, en voici une que j’ai trouvé particulièrement pertinente :
-
L’expérimentateur : « vous devez continuer, vous n’avez pas le choix ! »

Un sujet : « si nous étions en Russie, peut-être, mais ici, nous sommes en Amérique ».

Stanley Milgram aurait montré que les hommes ayant fait preuve d’obéissance n’étaient pas des cas à la marge. Ils n’étaient pas de simples tortionnaires ayant besoin d’assouvir une quelconque agressivité. Ils souhaitaient simplement répondre à leurs obligations envers le laboratoire auprès duquel ils s’étaient engagés. Des gens ordinaires, dépourvus de toute hostilité, peuvent donc en s’acquittant simplement de leur tâche, devenir les agents d’un atroce processus de destruction. Rares sont les personnes qui possèdent les ressources internes nécessaires pour résister à l’autorité. De même dans ce type de situation, il semblerait que les valeurs individuelles ne représentent qu’une mince bande de motivations dans le spectre complet des forces contradictoires qui s’exercent sur les sujets. Le sens moral n’est finalement pas si contraignant.

Qu’est ce donc qui contraint l’individu à obéir ? Pourquoi ce dernier décharge le soin de diriger son action et d’en garantir la moralité à l’expérimentateur ? C’est à ces questions que la prochaine partie tente de répondre. Nous verrons qu’entrent en jeu des facteurs de maintenance comme la politesse, la promesse faite à l’expérimentateur, le désir de se montrer à la hauteur de la tâche…

g) Explications
h)

Comment expliquer que la soumission à l’autorité soit un trait constant et prédominant de la condition humaine ?

La réponse que donne l’auteur à cette question peut-être résumée en six points :

1. l’organisation de la vie en société accroît les chances de survie des individus qui en font partie et du groupe
2.
3. tous les caractères comportementaux et psychologiques qui ont produit chez l’homme la capacité de réaliser une telle organisation ont été modelés par les forces évolutionnistes
4.
5. du point de vue cybernétique, la condition indispensable à l’insertion d’automates indépendants dans une structure hiérarchique est la suppression des directives du contrôle individuel en faveur de celui de l’agent coordonnateur
6.
7. d’une manière plus générale, les hiérarchies ne peuvent fonctionner que si une modification interne est apportée aux éléments qui la composent.
8.
9. les hiérarchies impliquées par l’organisation de la vie en société présentent chacun de ces caractères
10.
11. les individus qui s’intègrent dans de telles hiérarchies sont nécessairement modifiés dans leur mode de fonctionnement.
12.
On prend ainsi conscience des changements qui surviennent obligatoirement lorsqu’une unité autonome devient partie intégrante d’un système. Cette transformation correspond précisément au problème central de l’expérience : comment un individu honnête et bienveillant par nature peut-il faire preuve d’une telle cruauté envers un inconnu ?

Stanley Milgram en est donc arrivé à la conclusion qu’une modification interne doit être apportée à tout élément pour qu’il puisse s’insérer avec succès dans une hiérarchie. Chez l’humain, à quoi correspond la transition du mode autonome au mode systématique et quelles en sont les conséquences ?

Il semblerait qu’au cours de ce processus, l’individu qui entre dans un système d’autorité ne se voit plus comme l’auteur de ses actes, mais plutôt comme l’agent exécutif des volontés d’autrui. C’est ce que Stanley Milgram appelle l’état « agentique » ; par opposition à l’état autonome dans lequel l’individu estime être l’auteur de ses actes. L’état agentique intervient quand une entité autonome subit une modification interne lui permettant de fonctionner efficacement à l’intérieur d’un système de contrôle hiérarchique.

Du point de vue phénoménologique, un individu est en état agentique quand, dans une situation sociale donnée, il se définit de façon telle qu’il accepte le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé.

Quelles sont les conditions requises pour qu’un individu passe de l’état autonome à l’état agentique ?

Telle est la question à laquelle Stanley Milgram tente ensuite de répondre. Pour cela, il commence par se poser la question suivante : quelles sont les forces qui ont préparé le terrain de l’obéissance chez l’individu ? Trois réponses peuvent y être apportées :

- La famille. Les parents dès le plus jeune âge, inculquent une discipline qui implique un respect pour l’autorité. De plus, ils sont à la source des impératifs éthiques. La genèse de nos idéaux est inséparable de la façon dont ils nous ont été inculqués.
-
- Le cadre institutionnel. Dès que l’enfant émerge du cocon familial, il est transféré dans un système d’autorité institutionnel, l’école. Là, on lui apprend à fonctionner à l’intérieur d’un cadre organisationnel. Ses actions sont réglementées. Et il apprend très vite que la soumission est indispensable à l’harmonie des rapports avec les représentants de l’autorité.
-
- Récompenses. Très vite, l’individu apprend que la docilité vaut généralement une faveur alors que la rébellion entraîne un châtiment.
-
Quatre conditions sont nécessaires dans la conversion de l’individu à l’état agentique.

1. L’individu doit percevoir l’autorité légitime.
2.
La perception de l’autorité est liée aux conditions dans lesquelles elle s’exerce. Par exemple, si le sujet croisait l’expérimentateur chez le boulanger, il n’aurait plus aucune autorité.

L’autorité s’appuie aussi sur des normes, elle n’est pas forcément associée à la notion de prestige. C’est ainsi qu’au théâtre nous nous soumettons généralement sans protester au contrôle de l’ouvreuse. Par quels moyens donc, l’individu reconnaît l’autorité ?

- le sujet aborde toute situation avec la conviction que quelqu’un la dirige. Ainsi, lorsque l’expérimentateur se présente à l’individu dans notre cas, il satisfait les attentes de ce dernier
-
- la tenue vestimentaire
-
- le sujet ne reconnaît aucune autre autorité rivale.
-
C’est donc à l’apparence de l’autorité et non à sa qualité intrinsèque que le sujet répond.

3. L’individu reconnaît l’appartenance de la personne au système d’autorité qu’elle prétend représenter.
4.
La perception de l’autorité ne suffit pas, encore faut-il qu’il y ait une relation directe entre elle et nous. Ainsi, lorsque nous regardons un défilé militaire et que l’officier crie « demi tour à gauche », nous ne nous exécutons pas. Les systèmes d’autorité sont en fait limités par un contexte physique.

5. Il doit y avoir un lien entre la fonction du détenteur de l’autorité et l’ordre qu’il donne.
6.
Un chef militaire ne peut pas ordonner à un de ses subordonnés d’embrasser sa petite amie. Mais, dès lors que l’autorité donne ses ordres dans un milieu qu’elle est censée connaître, son pouvoir s’en trouve accru et facilite ainsi le passage de l’individu à l’état agentique.

7. La légitimité de la situation dépend de sa relation avec une idéologie justificatrice.
8.
Ici, par exemple, c’est l’utilité scientifique qui justifie l’expérience. Or, la justification idéologique se révèle essentielle quand on veut obtenir l’obéissance spontanée. Elle conditionne donc elle aussi le passage de l’individu à l’état agentique. Un système d’autorité est donc composé au minimum de deux personnes qui sont a priori d’accord sur le fait que l’une d’elles a le droit de déterminer la conduite de l’autre. L’influence de l’expérimentateur sur le sujet n’est pas due à l’utilisation de la force ou de la menace, mais à la position qu’il occupe dans une structure sociale.

Une fois ce changement survenu, quelles en sont les répercussions sur les traits comportementaux et psychologiques de l’individu ?

Une fois converti, l’individu devient un autre être, présentant des aspects nouveaux qu’il n’est pas toujours facile de relier à sa personnalité habituelle. Toute la série d’actions que le sujet exécute se trouve entièrement conditionnée par sa relation avec l’expérimentateur.

Cinq phénomènes doivent être pris en compte :

- Syntonisation. Il se produit chez l’individu un phénomène de syntonisation qui lui fait accueillir avec un maximum de réceptivité tout ce qui vient de l’autorité, alors que les manifestations de détresse de l’élève lui sont à peine perceptibles et demeurent psychologiquement lointaines.
-
- Nouvelle définition de la signification de la situation. Toute situation possède également une sorte d’idéologie que nous appelons la « définition de la situation » et qui est l’interprétation de sa signification sociale. Ainsi, selon le contexte dans lequel il s’insère, un acte peut paraître odieux ou parfaitement licite. Une fois le changement agentique accomplit, bien que le sujet accomplisse l’action, il permet à l’autorité de décider de sa signification. C’est cette abdication idéologique qui constitue le fondement cognitif de l’obéissance.
-
- Perte du sens de la responsabilité. Le changement agentique a pour conséquence la plus grave que l’individu estime être engagé vis-à-vis de l’autorité dirigeante, mais ne se sent pas responsable du contenu des actes que celle-ci lui prescrit. Le sens moral ne disparaît pas, c’est son point de mire qui est différent : le subordonné éprouve humiliation ou fierté selon la façon dont il a accompli la tâche exigée de lui. Pour qu’un homme se sente responsable de ses actes, il doit avoir conscience que son comportement lui a été dicté par son moi profond. Dans la situation de laboratoire, tel n’est pas le cas. Le surmoi n’a plus pour rôle d’apprécier la notion de bien ou de mal inhérente à l’acte en soi, mais celui de contrôler la qualité du fonctionnement de l’individu dans le système d’autorité. Les forces inhibitrices qui empêchent normalement l’homme de nuire à autrui sont court-circuitées. Personne ne lui a jamais appris à évaluer les actions dictées par l’autorité. C’est la raison pour laquelle cette dernière constitue un danger pour l’humanité.
-
- Image de soi. L’homme tient également à avoir une image satisfaisante de lui-même. Mais une fois converti à l’état agentique, cette auto-évaluation n’existe plus. L’individu considère que ses actes n’étant pas issus de ses propres motivations, ne se réfléchissent pas sur lui. C’est donc sa capacité à se soumettre à l’autorité qui lui donnera une bonne ou mauvaise image de lui et non l’acte qu’il exercera en lui-même.
-
Il reste à souligner que l’état agentique constitue la disposition mentale propice aux actes d’obéissance, mais pour que ceux-ci aient effectivement lieu, cette potentialité ne suffit pas : il faut qu’il y ait des ordres spécifiques qui serviront de mécanismes de déclenchement. Un individu peut très bien être dans l’état agentique sans jamais recevoir d’ordres et, par conséquent, sans jamais avoir à obéir.

Qu’est ce qui contraint l’individu à demeurer dans l’état agentique ?

Il faut nécessairement qu’il existe des forces qui maintiennent l’individu dans l’état agentique. Pourquoi en effet la plupart des individus réprouvent l’acte qu’ils commettent mais sont incapables de traduire leurs pensées en actes ?

L’auteur avance trois facteurs de maintenance :

- La continuité de l’action. L’individu désire poursuivre ce qu’il est en train de faire. Le fait de continuer le rassure sur le bien-fondé de sa conduite antérieure.
-
- Obligations inhérentes à la situation. Toute situation sociale est assortie implicitement d’une étiquette qui joue un rôle important dans la détermination du comportement. S’il veut désobéir, le sujet doit donc rompre les accords tacitement convenus. C’est la raison pour laquelle les rebelles ne voient dans leur acte qu’un reniement de l’obligation contractée vis-à-vis de l’expérimentateur. Ainsi, toute tentative d’altération de la structure définie est ressentie comme une transgression morale entraînant gêne, anxiété, honte et détérioration de l’image personnelle.
-
- Anxiété. Les manifestations émotionnelles observées en laboratoire telles que les tremblements, les ricanements, l’embarras, constituent autant de preuves que le sujet envisage d’enfreindre les règles. Il en résulte un état d’anxiété qui l’incite à reculer devant la réalisation de l’action interdite et crée ainsi un barrage affectif qu’il devra forcer pour défier l’autorité. Le fait le plus remarquable est que, une fois le refus d’obéissance exprimé, la tension, l’anxiété et la peur disparaissent presque totalement.
-
TENSION ET DESOBEISSANCE

Pourquoi les sujets désobéissent ?

L’explication morale ne convient pas. C’est davantage une forme de tension qui pousse le sujet à se rebeller. Il y a risque de tension chaque fois qu’une entité capable de fonctionner de façon indépendante est introduite dans une hiérarchie. En effet, l’homme a la double capacité d’agir suivant sa propre initiative et de s’intégrer dans des systèmes complexes en assumant certains rôles. Mais l’existence même de cette dualité suppose un compromis dans sa structure. Nous ne sommes parfaitement taillés ni pour l’autonomie complète ni pour la soumission totale. L’organisme doit donc posséder des mécanismes capables de résoudre la tension, car sans leur présence, le système s’effondrerait fatalement très vite.

L’auteur affirme ainsi qu’il y a obéissance quand les facteurs de maintenance sont plus importants que le taux net de tension.

La tension prouve la faiblesse de l’autorité. En dépit de l’influence exercée par l’expérimentateur, il subsiste chez le sujet, à des degrés divers, des bribes de personnalité qui sauvegardent l’existence de ses critères moraux et engendrent une tension susceptible, si elle est assez élevée, de l’amener au refus d’obéissance.

Les sources de tension sont de cinq types :

1. les cris de douleur de l’élève sont désagréables
2.
3. le fait d’infliger des souffrances à un innocent viole les valeurs morales et sociales
4.
5. la menace implicite de représailles de la part de la victime représente aussi une source de tension (les sujets ont peur de se retrouver à sa place ou d’être attaqués en justice par l’élève)
6.
7. les directives contradictoires de l’élève et de l’expérimentateur. Le premier demande à être libéré alors que le second exige que l’étude continue
8.
9. le fait d’infliger un traitement douloureux à la victime est incompatible avec l’image que nombre de sujets se font d’eux-mêmes.
10.
A ces sources de tensions, s’opposent des amortisseurs de tension. Ils correspondent à tous les moyens permettant d’atténuer la signification implicite de l’action, « je fais souffrir un innocent ». Ils facilitent ainsi l’obéissance. C’est pourquoi l’éloignement de la victime augmente la soumission à l’autorité. De même, le stimulateur de chocs rend l’action de pénalisation de l’élève plus facile. Si le sujet devait le faire à base de coups de poing, il serait certainement plus enclin à se rebeller. La distance, la durée et les obstacles physiques neutralisent le sens moral et facilitent les actes les plus odieux.

Quels sont les mécanismes qui permettent la résolution de la tension ?

Le refus d’obéissance représente le moyen ultime d’abolir la tension mais ce n’est pas là un acte à la portée de tous et les forces de maintenance décrites plus haut en ont exclu l’éventualité pour nombre de sujets.

- La dérobade est donc un moyen adapté. Le sujet tente ainsi de se dissimuler les conséquences perceptibles de ses actes. A cet effet, les chercheurs ont pu observé que nombre de sujets tournaient la tête pour ne pas avoir la victime sous leurs yeux. D’autres sujets ont nié la douleur des chocs. Quelques individus ont négligé leur part de responsabilité, ils l’ont rejeté sur l’expérimentateur ou sur l’élève. L’exemple de l’expérience n° 11 où les individus trichent tous, montre aussi la facilité des sujets à se dérober. Les sujets s’efforcent d’aider la victime sans en arriver au refus d’obéissance. Ils réduisent ainsi leur tension en ayant la conviction d’être « un brave homme ».
-
- Les manifestations psychosomatiques constituent un autre moyen d’évacuer la tension. Les chercheurs ont été témoins de nombreux signes de stress : transpiration, tremblements, accès de rires nerveux. Ces phénomènes sont à la fois les témoins d’une tension mais contribuent aussi à la réduire.
-
- Désapprobation. La tension conduit au refus d’obéissance mais au départ elle provoque la désapprobation. La désapprobation a une fonction double et contradictoire. C’est un mécanisme réducteur de tension mais c’est aussi le premier stade de conflit entre le sujet et l’expérimentateur. Nombre d’individus capables de signifier leur désaccord avec l’autorité n’en respecteront pas moins le droit de celle-ci de ne pas tenir compte de leur avis. Le sujet émet son avis ce qui lui permet de projeter une image de lui-même satisfaisante. En même temps, il conserve intacte sa relation avec l’autorité puisqu’il continue d’obéir.
-
- Désobéissance. C’est le moyen ultime pour mettre un terme à la tension. Il s’accompagne d’appréhension car il signifie qu’il va falloir redéfinir la relation entre le sujet et l’expérimentateur. Ceci créé une forme d’anomie car le sujet sort de la place qui lui a été assignée.
-
Pour résumer les mécanismes qui permettent la résolution de la tension, nous pouvons affirmer qu’en premier lieu, le sujet a un doute intérieur qui s’extériorise par l’expression de ses craintes à l’expérimentateur. Puis, faute de parvenir à ses fins, il transforme sa désapprobation en menace de refus d’obéissance. Finalement, à court d’arguments, il désobéit.

Finalement, si l’on soustrait les mécanismes de résolution de la tension à la tension elle-même et que le résultat de cette opération est inférieur aux facteurs de maintenance, le sujet continuera à obéir.

L’agression est elle à l’origine du comportement des sujets ?

L’agression est une pulsion ou une action destinée à nuire à un autre organisme. Selon Freud, les forces destructrices sont présentes chez tous les individus mais ne trouvent pas toujours l’occasion de se libérer, car leur expression est inhibée par le surmoi ou la conscience. Ainsi, dans notre expérience, la force qui pousserait l’individu à se soumettre viendrait du fait que, en pénalisant l’élève, l’individu satisfait instinctivement des tendances destructrices profondément enracinées.

Cependant, il semblerait que l’obéissance soit caractérisée par le fait que l’acte accompli ne correspond pas aux mobiles de son auteur, mais à son origine dans le système de motivations des individus plus haut placés dans la hiérarchie sociale. Si l’autorité lui demandait de boire un verre d’eau, l’individu s’exécuterait. Il ne faut pourtant pas en déduire qu’il a soif.

De plus, il est évident qu’à de rares exceptions près, les sujets trouvaient déplaisante voire odieuse l’action qui leur était prescrite même s’ils s’estimaient tenus de l’accomplir.

Enfin, dans quelques variantes de l’expérience, les individus avaient le libre choix de pénaliser la victime, ils ne l’ont pourtant pas fait. Ce n’est donc pas dans le défoulement de la colère ni de l’agressivité qu’il faut chercher la clé du comportement des sujets, mais dans la nature de leur relation avec l’autorité.

i) Objections à la méthode
j)
De nombreuses personnes se sont offusquées face à cet ouvrage. En effet, les résultats ne correspondaient pas à l’idée que chacun de nous se fait de la nature humaine. Pour les détracteurs de cette étude, l’homme est globalement bon, si ces sujets ont administré de tels chocs à l’élève c’est que :

1. ils ne représentaient pas l’homme en général. L’auteur répond à cette objection en affirmant que son échantillon, en plus d’être large, réuni toutes les classes sociales, toutes les religions, tous les sexes, tous les types de profession… D’autres chercheurs ont aussi mené l’étude dans différents pays et sont parvenus aux mêmes conclusions.
2.
3. les sujets ne croyaient pas administrer des chocs à l’élève. Selon l’auteur la tension observée chez les sujets fournit une preuve flagrante que les sujets ont véritablement cru à la situation. Les ¾ des sujets reconnaissent d’ailleurs avoir cru qu’ils administraient des chocs à l’élève. Pour les personnes qui refusent d’y croire, c’est majoritairement parce qu’ils ont été des sujets obéissants et qu’ils préfèrent nier le mal qu’ils ont pu procuré à l’élève.
4.
5. l’expérience est trop particulière et non généralisable. Cependant, dans toutes les situations de ce type, les réactions de l’individu dépendent moins de la nature de ce qui est exigé de lui que de la base de sa relation avec la personne qui le lui demande. Chaque fois que l’autorité légitime est à l’origine de l’action, la relation de l’individu avec la première prime la nature de la seconde.
6.
Ce qui a offusqué les détracteurs de cette étude, c’est la capacité de Milgram à prouver que les actes de destruction accomplis dans la routine de la vie quotidienne sont le fait d’hommes ordinaires qui obéissent simplement aux ordres. De tout temps, il y a eu des hommes qui ont courbé l’échine devant l’autorité et sont ainsi devenus les exécuteurs de crimes atroces.

L’ironie c’est que les vertus de loyauté, de discipline, de sacrifice si hautement appréciées sur le plan individuel sont les mêmes qui amènent l’homme à créer sur le plan organisationnel de véritables entreprises de destruction et qui l’assujettissent aux systèmes d’autorité malfaisants. L’individu autonome cède la place à une créature nouvelle privée des barrières dressées par la morale personnelle, libérée de toute inhibition, uniquement préoccupée des sanctions de l’autorité. « C’est pourquoi partout et toujours la condition même de la liberté est une attitude de scepticisme général et systématique vis-à-vis des critères que le pouvoir veut imposer » .

15. COMMENTAIRES
16.

Les principales critiques qui ont été apportées à l’étude de Stanley Milgram sont d’ordre méthodologiques ou éthiques .

Premièrement, beaucoup de ses lecteurs - et notamment Martin Orne, professeur de psychologie à l’université de Pennsylvanie - ont affirmé que l’impassibilité de l’expérimentateur face à la souffrance de l’élève avait dû éveiller les soupçons des moniteurs quant au véritable but de l’expérience. Ainsi, les sujets auraient deviné que l’élève ne recevait en réalité aucun choc électrique. Cependant, ils continueraient d’obéir aux injonctions pour ne pas embarrasser l’expérimentateur en lui révélant qu’ils ont démasqué son réel projet. Stanley Milgram avait répondu à cette critique en affirmant que la tension ressentie par les sujets dans le laboratoire, les empêchaient d’avoir un quelconque discernement de la situation.

Quant aux critiques d’ordre éthique, elles mettaient en valeur les possibles répercussions psychologiques de cette expérience sur les individus. Dans les appendices de son ouvrage, Stanley Milgram nous fait part de quelques réponses qu’il a formulé à ce sujet. Selon lui, les chiffres montrent que les individus n’ont pas été négativement affectés par cette expérience puisqu’ils affirment pour la majorité d’entre eux qu’ils sont heureux d’y avoir participé. Un grand nombre de sujets affirme aussi avoir retiré de cette recherche, un réel enseignement sur eux-mêmes et sur la nature humaine. De plus, Stanley Milgram affirme que lui et ses collaborateurs avaient pris toutes les mesures nécessaires pour ne pas laisser de séquelles psychologiques aux individus. Le débriefing était notamment destiné à rassurer l’individu sur son comportement.

Mais finalement, ce qui a le plus soulevé la communauté scientifique c’est la capacité de Stanley Milgram à « banaliser » tous les actes d’horreur perpétrés depuis la nuit des temps. En effet, ce que l’on doit retirer de cet ouvrage, c’est que des individus parfaitement sains et équilibrés peuvent être menés à des actes d’une cruauté sans fin lorsqu’ils ont soumis à l’autorité. Les atrocités des régimes nazies ou communistes auraient été perpétrées par des hommes ordinaires. Stanley Milgram reprend ainsi à son compte la thèse d’Hannah Arendt sur la « banalité du mal ». Cette femme, journaliste au procès Eichmann, avait en effet affirmé que cet homme n’était pas un monstre, qu’il n’était pas différent de nous, mais qu’il était tout au plus, un « rond-de-cuir sans initiative qui se contentait de s’asseoir derrière son bureau et de s’acquitter de sa tâche ». Pour avoir exprimé de telles opinions, elle s’attira un mépris immense allant même jusqu’à la calomnie. « Chacun estimait que les abominations perpétrés par Eichmann ne pouvaient qu’être le fait d’une personnalité bestiale, pervertie et sadique, l’incarnation même du mal ». Ainsi, Daniel Jonah Goldhagen, professeur en sciences politiques à l’université Harvard, affirme que les partisans de la thèse de la banalité du mal, minimisent les capacités critiques des acteurs. D’autres plus optimistes, opposent à la « banalité du mal », « l’ordinaire de la bonté » en affirmant que les personnes ayant commis les plus grands actes de bravoures étaient eux aussi des individus quelconques, ni des héros, ni des saints. « L’ordinaire de la bonté est une réalité humaine aussi tangible que la banalité du mal » (François Rochat et André Modigliani, 1995).

J’ajouterai par ailleurs une autre remarque qui me paraît fondamentale au sujet de sa définition de l’autorité. Dans l’expérimentation, le chercheur doit parfois user de moyens de coercition pour parvenir à obtenir ce qu’il souhaite. Au commencement, l’autorité est naturelle ; il va de soi pour le moniteur qu’il doit faire ce que l’expérimentateur lui a demandé. Puis lorsque le conflit entre la conscience et l’autorité grandit chez le sujet, le chercheur se voit contraint d’user de processus de persuasion et d’argumentation tels que « vous n’avez pas le choix, vous devez continuer »… Or, l’autorité selon Hannah Arendt et bien d’autres, doit exclure l’usage de moyens extérieurs de coercition. Là où la force, l’argumentation ou la persuasion sont utilisées, l’autorité a échoué. Ainsi, l’autorité échoue à partir du moment où le sujet ose pour la première fois s’adresser à l’autorité et réprouver ses pratiques. La soumission n’existe que tant que l’individu réprime ses convictions. Spinoza le disait, tout être a la liberté d’opiner et de juger mais il ne doit jamais passer à l’acte lorsqu’il désapprouve l’autorité. Dans le cas contraire, il remettrait en cause cette dernière – garante, selon lui, de l’ordre démocratique - et menacerait ainsi sa propre liberté. La fin de l’autorité de l’Etat « n’est pas de dominer les hommes, de les retenir par la crainte, de les soumettre à la volonté d’autrui, mais tout au contraire de permettre à chacun […] de conserver intact le droit naturel qu’il a d’exister et d’agir, sans dommage ni pour lui ni pour autrui ». A la suite de la première injonction de continuer prononcée par l’expérimentateur, il ne s’agirait donc plus d’obéissance. Cependant, tout dépend de la posture de l’auteur ou du lecteur quant à la définition de l’autorité.

D’un point de vue plus personnel, ce livre m’a posé quelques problèmes de sommeil !

D’une part parce que l’étude me paraît assez large. Il est donc difficile d’y apporter des objections fondées et nous devons alors reconnaître la portée de ces travaux. De nombreuses configurations ont été imaginées, de multiples variables ont été testées pour essayer de comprendre ce qui influait sur la soumission à l’autorité. Seul l’étude des femmes dans le rôle de la victime et dans le rôle de l’expérimentateur n’a pas été testée et aurait pu donner des résultats intéressants ; surtout à l’époque où les travaux ont été menés.

D’autre part, parce qu’un très faible nombre de critiques méthodologiques semblent acceptables. A mes yeux, seule l’utilisation de la cybernétique pour étudier un comportement humain est douteux. Elle mène à réduire le comportement d’un homme à celui d’un automate. Cependant, elle ne fonde pas toute la réflexion, certaines conditions restent donc valables en toutes circonstances.

Enfin, bien que ne partageant pas tout à fait sa conception de l’autorité, il me paraît évident que nous sommes dès notre plus jeune âge victime des structures hiérarchiques et du conformisme. Quel enfant n’a jamais été conduit à l’école ou chez des amis à commettre des actes – mêmes quelconques – qu’il n’aurait jamais perpétré à la maison ? Quel enfant n’a jamais dit à ses camarades « si mon père a dit ou fait cela, c’est que c’est ce qu’il faut dire ou faire ! ». A mes yeux, l’inhibition de notre sens critique commence à l’origine et se perpétue jusqu’à l’âge adulte. Serai-je en effet capable aujourd’hui d’alpaguer M. Colasse en lui disant « Salut Bernard ! » ?

Evidemment, les circonstances ne sont pas les mêmes que celles de l’Allemagne nazie. Alors, est ce que s’il s’agissait de la vie d’hommes et de femmes, mon comportement serait différent ? Il est fort probable que non selon la thèse de Stanley Milgram.

Des millions de personnes ont laissé Hitler perpétrer ses atrocités en toute connaissance de cause. Seuls quelques milliers de résistants ont été capables de mettre leur vie en danger pour s’ériger face à ce régime. Parce que quel que soit le problème, il me semble que l’homme pensera toujours à sa vie et à celle de ceux qu’il aime avant de sauver celles d’inconnus. Tout individu pensera ainsi aux représailles que lui et sa famille sont susceptibles de recevoir de la part de l’autorité. Et, par peur de mettre sa vie en danger en désobéissant, il préférera laisser les autres en danger. Il s’agit bien ici de soumission à l’autorité et non d’un quelconque réflexe de survie ou d’une autoprotection ! L’homme commet des actes répréhensibles ou collabore car il craint de se voir infliger une sanction par l’autorité s’il ne se soumet pas.

De même, il me semble que l’individu préfèrera toujours se soumettre à l’autorité plutôt que de s’user à remettre en cause son rapport avec le pouvoir. Nous pouvons ici faire un parallèle avec l’affaire Dreyfus dans laquelle l’injustice a été préférée à la remise en cause de certaines institutions de l’Etat.

Enfin, un autre élément m’a perturbé : c’est le constat du peu de corrélation entre les comportements observés et les individus eux-mêmes. Ce n’est pas parce qu’un homme a une forte personnalité, un large sens critique, un côté anti-conformiste ou généreux, qu’il désobéira aux ordres de l’expérimentateur. L’obéissance a pour origine un aspect complexe de la personnalité et dépend aussi du type de situation à laquelle le sujet est confronté. Ainsi, chacun de nous, quelque soit sa personnalité serait capable de se soumettre à l’autorité.

J’ajouterai à l’analyse de Stanley Milgram, que cette soumission à l’autorité est aussi probablement causée par la peur du conflit de notre société moderne. Même d’égaux à égaux il nous est parfois très difficile de désapprouver l’attitude de l’autre.

17. ACTUALITE DE LA QUESTION
18.

Le problème moral que pose l’obéissance dans les cas où il y a conflit entre l’ordre donné et la conscience avait déjà été étudié par Platon dans Antigone. Cette jeune femme avait en effet décidé après la mort de son frère et malgré les injonctions de Créon, de recouvrir le corps de poussière. Elle avait donc choisi de braver l’autorité afin de respecter ses idéaux, ses valeurs et sa morale. Il lui en coûta très cher puisqu’elle fut enfermée vivante dans un caveau.

D’autres philosophes se sont aventurés par la suite sur le terrain de la soumission à l’autorité. Ainsi, Spinoza par exemple écrira « c’est au droit de se rebeller contre l’autorité auquel l’homme a renoncé pour vivre dans la plus grande harmonie possible, c’est à dire au sein d’un Etat ». Selon lui, le bon citoyen ne doit pas se rebeller afin de préserver l’autorité de l’Etat. Il ne doit pas pour autant renoncer à son droit de critiquer, de parler, de penser, de juger… Mais il doit le faire sans mettre en péril l’autorité souveraine. Il faut donc laisser un certain pouvoir au souverain même si ceci nous contraint à agir contre ce qui nous semble bon. Pour cet auteur, finalement, la soumission à l’autorité souveraine est la garantie de vivre dans un Etat démocratique, donc de vivre libre. Ainsi, pour les philosophes conservateurs, toute rébellion met en péril les fondements de l’édifice social.

D’autres auteurs affirmeront au contraire que c’est le droit de désobéir qui fait de l’homme un être libre. Ainsi, tout homme a la liberté de s’opposer à l’autre et notamment à quelqu’un qui voudrait lui enlever sa vie. Alors pourquoi tant d’hommes partent sur les champs de batailles ? Pourquoi les juifs au cours de la seconde guerre mondiale ne se sont pas soulevés ? Pourquoi n’usons nous pas de ce droit à désobéir ? Cette thèse ne serait en effet qu’un idéal auquel aucune société ne pourrait parvenir. Selon Milgram, l’individu est si ancré dans les structures hiérarchiques, qu’il en perd sa capacité à déterminer les limites de l’autorité. Il oublie ainsi son droit de dire « non »

Puis, les philosophes humanistes feront du concept d’autorité un point inséparable de celui de devoir. Nous devons dans le cas où notre conscience serait en conflit avec l’autorité, faire primer notre éthique personnelle. Ici, c’est le respect de notre Loi morale qui fonde notre liberté. Autorité et liberté sont donc une fois encore inséparables.

Weber quant à lui ira aussi de sa propre définition de l’autorité. Dans Economie et Société, il s’intéresse à l’obéissance volontaire et tente de comprendre les raisons qui poussent un individu à agir sous l’emprise d’un autre. Selon lui, que l’autorité soit rationnelle, charismatique ou traditionnelle, les hommes obéissent sans penser à la valeur ou à la non valeur de l’ordre. C’est la croyance et la légitimité qui fondent la domination, ce n’est pas la portée de l’acte qui est exigée. La thèse de Milgram rejoint donc celle de Weber.

Aujourd’hui, la problématique de l’autorité prend sens au niveau des organisations. Les patrons fondent leur puissance sur de quelconques compétences et tentent d’asseoir leur légitimité par on ne sait quel moyen. La loyauté notamment est utilisée comme un procédé permettant d’asseoir son autorité. Le supérieur exige de ses subordonnés qu’ils lui soient loyaux. Mais, ceci ne signifie pas qu’ils aient le droit de donner leur avis sur les décisions prises. Au contraire, ils doivent exécuter les ordres sans émettre un quelconque jugement de valeur. Le management serait donc une manipulation tendant à faire des hommes de gentils serviteurs. C’est ce que Joule et Beauvois appellent la soumission librement consentie selon laquelle « on peut obtenir d’autrui qu’il se comporte comme on le souhaite, sans avoir recours à l’autorité, aux pressions, ni même à la persuasion. On peut donc exercer une telle influence sur autrui sans que celui-ci ait à mettre en doute cette liberté qu’il a appris à considérer comme l’un des attributs essentiels ».


19. BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE

H. Arendt (1966), Eichman à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, Gallimard, Paris

Joule R.V., Beauvois J.L. (1999), La soumission librement consentie : comment amener les gens à faire librement ce qu’ils doivent faire ? Paris, PUF

Laski, H.J. (1919), “The dangers of Obedience”, Harper’s Monthly Magazine, vol. 159, p. 1610

Lecomte, J. (1997), « Soumission à l’autorité », Sciences Humaines, n°72

Spinoza B. (), Traité théologico-politique, Paris, Flammarion

Weber, M. (1971), « Les fondements de la légitimité », in Economie et Société. Paris, Plon, pp. 219-222

www.wikipedia.fr

http://membres.lycos.fr/psychosociale/champs/champs-sa.htm

www.cnam.fr/lipsor

http://palissy.humana.univ-nantes.fr/cete/tvx/jai/Partie3.html