Origine : http://www.ism-france.org/news/article.php?id=806&type=analyse&lesujet=Histoire
L'attaque de Kibya était la première attaque majeure
opérée par l'Unité 101.[9]
Aujourd'hui les tactiques israéliennes n'ont guère
changées. Et Sharon est encore aux commandes de ces destructions
de toutes les structures palestiniennes.
Ce qui ressort très clairement et cela depuis la mise en
place du projet sioniste sur la Palestine, c'est la volonté
de prendre le territoire sans s'encombrer de la population.
Le transfert qui fut possible par l'expulsion en 1948, ne l'est
plus depuis la ratification des Conventions de Genève en
1949.
Kibya - 1953 - Un habitant dans les ruines après le passage
de l'Unité 101 commandée par Ariel Sharon
Le village de Kibya (1) se trouve à environ 30 kilomètres
au nord-ouest de Jérusalem, du côté jordanien
à environ quatre kilomètres de la ligne de démarcation
frontalière.
Au mois d'août 1953, le 24 très exactement le Ministère
des Affaires Etrangères Jordanien transmettait à l'Ambassadeur
de France à Amman en Jordanie une lettre provenant de la
Légion Arabe, qui indiquait les craintes que cette dernière
avait en constatant l'augmentation de l'effectif de l'armée
israélienne, à la frontière des lignes d'armistice
jordano-israélienne, augmentation contraire au maximum autorisé
par ces accords d'armistice.
"Des officiers supérieurs de la Légion Arabe
(dont un des principaux adjoints du général Glubb)
nous confiaient récemment qu'un "coup de folie"
d'Israël ne leur paraissait point exclu, étant donné
l'état d'excitation qui, à les en croire, régnait
en Israël."[2]
Le 13 octobre 1953, un observateur des Nations Unies, accompagné
d'un soldat de l'armée israélienne et d'un chien menaient
une enquête avec la coopération des autorités
jordaniennes pour retrouver la trace d'une attaque qui avait été
menée sur une colonie juive ce jour-là et qui avait
coûté la vie à une femme et deux enfants.
La Jordanie avait montré une entière coopération
dans ce dossier là, mettant tout en ouvre pour aider à
retrouver les auteurs de ce meurtre. En fait cette attaque faisait
suite à une série d'attaques de part et d'autres de
la zone de démarcation qui avait régulièrement
fait des victimes des deux côtés.
L'armée israélienne pourchassait sans fin ce qu'elle
appelait des infiltrés mais comme le dit très bien
Michaël Fischbach : "La plupart des "infiltrés"
n'étaient pas des terroristes qui menaçaient la sécurité
d'Israël, mais seulement des réfugiés cherchant
à retourner dans leurs foyers perdus et dans leurs villages".[3]
L'armée israélienne n'était pas prête
à laisser les choses dans l'état.
"A 19h30, le 14 octobre deux Arabes, qui surveillaient dans
une oliveraie près de Kibya la route, furent attrapés
et ligotés par une force israélienne. L'un d'eux parvint
à s'échapper et à prévenir les habitants
de Kibya.
L'armée israélienne monta un barrage, accompagnée
par la Garde National et de la police, totalisant un maximum de
40 hommes pour mener l'attaque contre Kibya.
Les Israéliens employèrent la même tactique
qu'à Wadi Foukine le 11 août : encerclement du village
sur trois côtés, maintient d'un armement léger,
de fusil mitrailleurs, et de tirs de mortiers, jusqu'à ce
que vers minuit, les munitions de la défense soient épuisées.
Ensuite ils avancèrent dans le village, et des groupes s'infiltrèrent
de manière systématique tuant tous les civils qu'ils
trouvaient dans les maisons : tous les corps retrouvé jusque
là sont ceux de civils, et presque tous avec des tirs de
balles ou des tirs de grenades."[4]
En réalité quelques jours plus tard l'enchaînement
des évènements devint plus clair aux différentes
autorités. Pour permettre de faire diversion en vue de l'attaque
sur le village de Kibya, les forces militaires israéliennes
tirèrent au mortier sur deux villages voisins à savoir
Budrus et Shuka.
Il n'y eut qu'une personne blessée et peu de dommages dans
les deux cas. Mais par contre l'attaque visait réellement
Kibya «la formation israélienne demeura jusqu'à
5h du matin à Qibya, détruisant systématiquement
les édifices publics, la poste, la mairie, l'école
et toutes les maisons qui présentaient une apparence un peu
cossue à coups d'explosifs et de grenades. Quand leurs occupants
s'efforçaient d'en sortir, ils étaient mitraillés
avec efficacité puisque l'on compte 66 morts, dont 25 enfants
de moins de 15 ans, à l'heure actuelle, pour une quinzaine
de blessés.»[5]
Le 22 octobre, le chargé d'affaires de France en Jordanie
indiquait que finalement les habitants de Kibya n'avaient eu pour
se défendre que trente fusils qui furent mis rapidement hors
de combat, chaque fusil porteur de 25 cartouches chacun. Rien ne
fut laissé au hasard, et au-delà de l'horreur du massacre
des habitants qui n'avaient pas eu le temps de fuir, le bétail
également fut abattu, le réservoir d'eau du village
détruit ainsi que 40 maisons.
Cette opération planifiée reçoit l'approbation
de la majorité de la population israélienne de l'époque
comme l'indique le Consul général de France à
Jérusalem dans une lettre datée du 19 octobre 1953
: "Il convient d'observer que, d'une façon générale,
l'opinion publique, dans la mesure où j'ai pu la consulter,
approuve cette action dont la responsabilité serait ainsi
partagée, d'après ce que j'entends à Jérusalem,
par l'ensemble de la nation.
Il ne semble pas s'agir de nervosité car je connais peu de
gens moins nerveux que les Israéliens. On paraît plutôt
se trouver devant le sentiment que la destruction de Qibya était
utile et qu'aucune considération humanitaire ne doit entrer
en ligne de compte quand il s'agit de l'intérêt d'Israël.
Les Autorités israéliennes ont voulu terroriser."[6]
Cette opération avait été organisée
par "l'état-major général (qui) mit sur
pied en août 1953 l'Unité 101, un commando spécialisé
dirigé par Sharon. Il opéra jusqu'en janvier 1954
et se distingua par des entraînements très astreignants,
comprenant des incursions régulières en territoire
cisjordanien et gazaouite, ainsi que des prouesses d'efficacité
et de brutalité. »[7]
A la suite de ce massacre, des manifestations eurent lieu à
travers le monde arabe, rappelant également le rôle
que devait tenir les Grandes Puissances (France, Grande-Bretagne
et Etats-Unis) pour empêcher que de tels actes aient lieu
à nouveau et surtout pour condamner l'action par Israël.
Mais le gouvernement israélien refusait de reconnaître
officiellement sa responsabilité dans cette attaque.
Ces dans ce cadre là que l'ensemble de la communauté
internationale condamna cette attaque meurtrière car «tout
le monde comprit que l'armée était responsable et
que l'opération avait reçu le feu vert du gouvernement.
Le 24 novembre, le Conseil de sécurité des Nations
Unies procéda dans les règles à une condamnation
«très ferme » de l'Etat hébreu »[8].
L'attaque de Kibya était la première attaque majeure
opérée par l'Unité 101.[9]
Aujourd'hui les tactiques israéliennes n'ont guère
changées. Et Sharon est encore aux commandes de ces destructions
de toutes les structures palestiniennes.
Ce qui ressort très clairement et cela depuis la mise en
place du projet sioniste sur la Palestine, c'est la volonté
de prendre le territoire sans s'encombrer de la population.
Le transfert qui fut possible par l'expulsion en 1948, ne l'est
plus depuis la ratification des Conventions de Genève en
1949.
Les autorités israéliennes ont donc recours à
une forme déguisée de transfert qui oscille entre
l'apartheid pour ceux qui sont en Cisjordanie et à Gaza,
et des mesures qui visent à vider cette terre de ses habitants
par tous les moyens violents possibles. Dans la mythologie grecque
Charon est le passeur aux enfers « moyennant une obole »[10].
Certes, ce qui différencie Sharon de Charon c'est une lettre
de l'alphabet. Mais en réalité c'est exactement de
cela dont il s'agit : Sharon essaye d'envoyer les Palestiniens en
enfer pour récupérer leur territoire tout en profitant
des aides américaines notamment financières afin de
mener à bien son projet.
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[1] Dans ce texte vous trouverez les deux transcriptions pour le
nom du village dont il est question : Kibya et Qybia en fonction
des auteurs qui écrivent.
[2] CADN. Amman série B carton 20. Lettre de Morel-Francoz
n*712/AL du 24 août 1953.
[3] Michaël R. Fischbach, Records of Dispossession, Columbia
University Press, New York, 2003, p.76.
[4] CADN. Op.Cit. Article "Three villages attacked : 45 killed"
du 16 octobre 1953.
[5] CADN. Op. Cit. Lettre du Consul general de France à Jérusalem
n*851/AL du 19 octobre 1953.
[6] CADN. Ibid.
[7] Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du Conflit
arabo-sioniste. Editions Complexes.2003. P. 305.
[8] Ibid. p. 306.
[9] Photos de Kibya CADN. Op. Cit.
[10] Le Petit Larousse illustré 2002.
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