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Origine :
http://www.liberation.fr/rebonds/224967.FR.php
QUOTIDIEN : samedi 23 décembre 2006
La Décroissance pour tous de Nicolas Ridoux, éditions
Parangon.
Le pari de la décroissance de Serge Latouche, Fayard.
Depuis quelques années, l'idée de «décroissance»
fait modestement son chemin. Une revue bimestrielle (la Décroissance),
caustique et provocante, inspirée de feu la Gueule ouverte,
lui est consacrée depuis bientôt trois ans. Et, désormais,
une revue d'études politiques (Entropia) explore plus sérieusement
le concept. Lequel, peut se résumer ainsi : on ne peut plus
exiger de plus en plus, quand il y a de moins en moins.
Déjà, dans les années 70, la question d'un
autre développement s'était posée, notamment
au Sommet de Rio en 1972. Chacun serait étonné en
relisant la déclaration de la Conférence des Nations
unies sur l'environnement. Tout y était : principe de préservation
de la faune, de la flore, des ressources naturelles, de tous les
écosystèmes qui nous permettent de vivre et d'évoluer.
Mais les principes de Rio sont restés lettre morte et nous
avons continué à tout saloper joyeusement au nom de
la croissance et du progrès.
Dans les années 70 aussi vinrent les premiers chocs pétroliers,
les premiers taux de chômage à deux chiffres dans une
Europe nantie, les premiers «oubliés» de la croissance.
La décroissance, mal comprise, devenait une utopie indécente.
Aujourd'hui, l'urgence écologique, l'épuisement des
ressources naturelles, les pollutions répétées,
la dégradation des espaces naturels, la misère mondialisée
ébranlent les certitudes économiques des uns, la suffisance
scientiste des autres et, il est temps, à nouveau, d'explorer
l'idée d'un «après-développement».
Pour cela, Nicolas Ridoux offre une introduction très accessible
via la Décroissance pour tous, d'une intelligence pratique
quand il s'agit d'expliquer le concept à la grand-mère,
au voisin, à l'ami courtier en Bourse, au quinqua revenu
de tout, et surtout, de 68.
Dans Pari de la décroissance, Serge Latouche, prof d'économie
à Paris, va un peu plus loin. Pour lui, le développement
durable est une aberration et, il n'y a pas à tortiller,
il faut bouleverser nos modes de vie pour survivre. La société
de croissance n'est pas souhaitable pour au moins trois raisons
: «Elle engendre une montée des inégalités
et des injustices, elle crée un bien-être largement
illusoire, elle ne suscite pas, pour les "nantis" eux-mêmes,
une société conviviale mais une "antisociété"
malade de sa richesse.» Une fois posé le constat d'un
monde en désespérance, encore faut-il réenchanter
l'avenir et donner envie de «décroître».
Latouche l'avoue lui-même : sortir de la croissance est une
«question très difficile à résoudre parce
qu'on ne peut pas décider de changer son imaginaire et encore
moins celui des autres, surtout s'ils sont "accro" à
la drogue de la croissance.» Il faut reconceptualiser, changer
d'indicateurs économiques, penser autrement, détricoter
les valeurs dominantes (richesse, progrès, consommation,
surinformation et publicité) et comme il le dit joliment
«décoloniser son imaginaire». Ce qui n'est pas
une mince affaire. Surtout à la veille des soldes !
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