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« La décroissance : un enjeu électoral » par Serge Latouche
Texte paru initialement dans Politis, n°905, du 8 juin 2006.

Origine : http://www.decroissance.info/La-decroissance-un-enjeu-electoral

Le thème de la décroissance opère une percée remarquable. Il fait débat au sein des Verts, des altermondialistes, mais aussi d’un public bien plus vaste. Il s’est invité dans la campagne électorale italienne. Il est aussi au coeur des vives contestations locales contre de « grands projets ». L’apparition de cet ovni a mis en ébullition les médias - peu informés et déformant souvent les rares analyses disponibles. Au départ, la décroissance est une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui font une critique radicale du développement, afini d’envisager un projet alternatif pour « l’après-développement » : la construction, au Nord comme au Sud, de sociétés conviviales, autnomes et économes.

Cette proposition vise à rendre toute sa dignité au politique. Elle est nécessaire pour rouvrir l’espace de l’inventivité et de l’imaginaire bloqué par le totalitarisme économiciste, développementiste et progressiste : tous les régimes modernes ont été productivistes. Républiques, dictature ; gouvernements de droite ou de gauche ; libéraux, socialistes, populistes, sociaux-démocrates, centristes, radicaux, communistes, etc., tous ont posé comme objectif inquestionnable la croissance économique. Qui aujourd’hui n’est rentable qu’à condition d’en faire porter le poids sur la nature, les générations futures, la santé des consommateurs et les conditions de travail. C’est pourquoi une rupture est nécessaire. Tout le monde ou presque en convient, mais nul n’ose sauter le pas. Ce n’est pas à portée d’une simple élection, d’une nouvelle majorité. Ce qui est requis est beaucoup plus radical qu’un changement des structures du droit et des rapports de production : une révolution culturelle, ni plus ni moins. L’alternative au productivisme se pose à tous les niveaux : individuel, local, régional, national, européen, mondial. Il faut trouver les leviers pour agir de façon concertée et complémentaire. Faut-il pour autant figer dès maintenant le mouvement en un « parti de la décroissance » ? Nous ne le pensons pas. L’institutionnaliser prématurément nous expose au risque de la politique politicienne, alors que les conditions ne sont pas mûres pour espérer une mise en oeuvre de notre programme. Il est des plus douteux que la problématique Etat-nation en soit le cadre prioritaire. L’« agir local » constitue même une voie de solution des impasses globales. Peser dans le débat, participer à l’évolution des mentalités, telles sont à ce jour notre mission et notre ambition. Ainsi comprise, la politique ne serait plus une technique pour détenir le pouvoir, mais redeviendrait l’autogestion de la société par ses membres. Dire que la décroissance sera au centre du débat électoral de 2007 serait présomptueux, mais il est sûr qu’elle n’en sera pas absente.

le samedi 17 juin 2006
par Serge Latouche