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Origine : diffusion publique et échange de fichiers
Jean –Jacques Gouguet, enseignant à la Faculté
des sciences économiques de Limoges, introduit la soirée
par une présentation de l’œuvre de Serge Latouche,
montrant son ampleur au travers des titres de ses écrits.
Il s’agit pour J-J.G d’un des intellectuels qui compte
en cette fin de siècle, en raison de ses apports et de son
originalité : ce qui contraste avec la plupart des économistes
qui écrivent... pour ne rien dire, confinant leur travaux
dans des élaborations mathématiques aussi stériles
que sophistiquées.
Aujourd’hui, l’un des éléments les plus
frappants est le décalage qui existe entre la vie telle qu’elle
pourrait être, eu égard à l’état
de la technique, des sciences etc.., et la vie telle qu’elle
est.
Ainsi Serge Latouche, qui a établi un bilan peu glorieux
de ce siècle (génocides, guerres, atteintes à
l’environnement, pauvreté au milieu de l’abondance..),
nous projette dans une double direction.
Son premier objectif est de penser autrement ; car il nous est
difficile de penser le 21ème siècle avec les instruments
du 19ème ; l’autre consistant à anticiper et
imaginer un nouveau projet de société à long
terme.
J-J. G relève dans les travaux de Serge Latouche, deux types
essentiels d’apports. Il s’agit, d’une part, de
ses travaux d’épistémologie : étude critique
de la science, en l’occurrence économique, illustrée
notamment par l’ouvrage collectif L’économie
dévoilée. Son autre apport essentiel concerne le développement
et les propositions qu’il énonce à partir de
sa remise en cause.
Nous vous présentons, dans ce numéro, la partie "exposé"
de la soirée.
Serge Latouche nous confie qu’il aurait préféré
comme titre du débat « Pour en finir avec l’omnimarchandisation
du monde». Parce que, si la marchandisation n’est pas
un phénomène nouveau, au stade actuel on assiste,
et ceci est nouveau, à la transformation de tous les aspects
de la vie en marchandise (il cite l’exemple tout récent
des randonneurs réfugiés dans un igloo en montagne).
Sortir du développement
Aujourd’hui, parler du développement c’est prononcer
un requiem pour un mort en survie artificielle prolongée.
On peut dire du développement, comme du progrès,
qu’il est une maladie qui se prend pour son propre remède...
A l’origine, en 1948-49, le développement était
une entreprise paternaliste et transitive. Les pays riches s’engageaient
à concourir au développement des pays moins avancés.
Mais ce développement-là est très mal en point.
Ainsi, les pays les plus riches, qui devaient consacrer à
l’assistance technique et au développement 1% de leur
Produit Intérieur Brut (P.I.B), ont, au fil des années,
ramené leurs prétentions à un taux avoisinant
0,25%. Autre signe manifeste de cette décrue : les instituts
d’étude et de recherche sur le développement
ont fermé leurs portes.
Mais, au fond, si le développement s’est volatilisé
(y compris du paysage intellectuel), ce n’est pas en raison
de ses échecs, ou de son refus par les victimes, mais au
contraire de son accomplissement : accomplissement de sa mission
historique, qui était de réaliser l’économie
mondialisée.
En effet, dans une économie mondialisée il n’y
a pas de place pour une prise en considération spécifique
d’une région de la planète (le Sud). Il n’y
a place que pour une seule théorie économique, valable
à la fois au Nord, comme au Sud, du village planétaire.
Toutefois, le développement survit, en particulier avec
« l’ère du développement à particule
», c’est à dire celle du développement
assorti d’un qualificatif comme : durable, supportable, soutenable,
viable. Véritable bricolage intellectuel, ce recentrage est
mystificateur. Il correspond en fait au déplacement opéré
par la mondialisation à l’issue des « trente
glorieuses » (1945-1975).
Ainsi, au cours de ces années de croissance vigoureuse,
les miettes des riches permirent de nourrir, non seulement les nouvelles
bourgeoisies des Etats « indépendants », mais
même leur clientèle élargie. Cela permettait
d’assurer une cohésion nationale. Ce fut la glorieuse
époque du welfare (l’abondance, la providence) de la
société salariale. On s’aperçoit que
le développement d’alors était toujours national.
Car c’était l’existence d’une régulation
nationale qui permettait de passer de la croissance au développement.
Mais la transnationalisation de l’économie et, du
reste, les 3 D (dérèglementation, décloisonnement,
désintermédiation), ont fait voler en éclats
le cadre étatique de cette régulation qui permettait
un certain saupoudrage, un certain amortissement des inégalités.
Et la polarisation des richesses, les inégalités se
développèrent, à nouveau sans limites selon
la dynamique capitaliste dure et classique qu’on connaissait
au début du 19ème siècle. Un seul chiffre,
en donne la mesure : les 225 plus grosses fortunes (1000 milliards
de $) possèdent l’équivalent du revenu annuel
des 2,5 milliards d’habitants les plus pauvres de la planètes
(47%). Au développement, succèdent alors les ajustements
structurels, et aux politiques sociales, le « SAMU mondial
» (Organisations Non Gouvernementales - O.N.G. - humanitaires,
urgenciers).
Au développement, poursuite de la colonisation par d’autres
moyens, succède donc la mondialisation, poursuite du développement.
Les Etats-nations qui s’étaient déjà
faits plus discrets dans le passage du témoin de la colonisation
au développement (avec les indépendances) quittent
carrément la scène au profit de la dictature des marchés
(Fonds Monétaire International, plans d’ajustement
...)
Derrière tout cela on retrouve toujours le mouvement long
d’occidentalisation de la planète poussé aujourd’hui
à son point ultime : la colonisation de l’imaginaire
par le progrès, la science, la technique, l’économicisation,
la technicisation .
Finalement, on peut dire du développement, comme du progrès,qu’il
est une maladie qui se prend pour son propre remède.
Par son action corrosive sur l’Etat, sur le politique, sur
l’environnement, sur l’éthique, sur la culture,
la mondialisation constitue un danger planétaire. L’intégration
abstraite de l’humanité dans le marché se fait
au prix d’une destruction du tissu social au Nord, et correspond,
en plus, au Sud, à une déculturation d’autant
plus dramatique que le Sud n’a souvent pour seule richesse
que sa culture.
Faute de trouver sa place nécessaire, son épanouissement
légitime, la culture fait son retour de manière explosive,
et parfois sous des formes insidieuses. On reconnaîtra ainsi
le terrorisme identaire qui se manifeste par le morcellement et
le nationalisme (Kosovo, Rwanda, Irlande du Nord, Corse..) ainsi
que la montée des intégrismes religieux musulmans
(Algérie, Iran..), mais aussi brahmanistes et chrétiens.
Démystifier la mondialisation
Si le monde est entré dans sa mondialisation depuis Christophe
Colomb (1492), l’actuelle phase (mondialisation des marchés)
est la pointe ultime d’une marchandisation du monde, autrement
dit de son économicisation.
Quand on a un marteau (l’économie) dans la tête,
on voit tous les problèmes sous la forme d’un clou
(économique)
Avant la Renaissance, l’Européen et, jusqu’à
une époque récente, les autres hommes donnaient très
peu de place dans leur vie à l’économie. Chacun
accomplissait ses tâches, le plus souvent domestiques, et
se préoccupait, pour l’homme du Moyen-âge, de
la religion, pour l’indigène d’Afrique, de fêtes
ou de rituels. D’ailleurs le mot "économie"
était alors absent de la plupart des langues.
Mais, aujourd’hui, chacun participe à la vie économique
et possède un minimum de connaissances, surtout de croyances,
voire de mythes, concernant l’économie. Le chef d’entreprise
s’intéresse aux taux d’intérêts
et aux prélèvements fiscaux, et la ménagère
au prix du beurre et aux versements de la Sécurité
sociale ; tout cela étant des catégories économiques.
Cette situation de l’homme moderne est bien illustrée
par le proverbe : "Quand on a un marteau (l’économie)
dans la tête, on voit tous les problèmes sous la forme
d’un clou (économique)". Le revenu est devenu
la condition normale - en tout cas de survie - de l’homme
moderne.
Le projet de la modernité repose sur cette prétention
de construire la vie sociale sur la seule base de la raison, en
s’émancipant de la tradition et de la transcendance.
Dans une vision héritée des Lumières, l’économie
n’est au fond que la réalisation du plan de la Raison.
Cette montée en puissance de la rationalité (calculatrice)
se manifeste, de façon indissociable, dans la technique et
dans l’économie : il s’agit d’accroître
l’efficience en économisant au maximum les moyens pour
obtenir les résultats les plus importants suivant la norme
du « toujours plus ». Cela tourne à l’absurde,
et renvoie à la rumination bavarde de la science économique
actuelle dont parlait J-J Gouguet.
L’actuelle expansion des firmes transnationales, ces nouveaux
maîtres du monde, a rendu possible aujourd’hui, le triomphe
apparent de la pensée unique , pointe avancée de l’économicisation
des esprits, qui se présente, avec l’ultra libéralisme,
comme une déferlante réactionnaire sur notre imaginaire.
Depuis l’effondrement des pays de l’Est et la faillite
du projet socialiste, l’économie de marché connaît
un triomphe quasiment exclusif. Ce succès apparaît
comme la plus belle réussite de l’économie des
économistes (les lois sacro-saintes du marché).
Mais, plus l’imaginaire de la grande société
du marché mondial et pacifique (la fin de l’Histoire
!), devient planétaire, plus la misère, plus l’exclusion,
semblent gagner du terrain.
Ces dysfonctionnements de toute nature favorisent l’émergence
de contre dogmes, de fondamentalismes ethniques, plus ou moins bricolés
avec les séquelles idéologiques du passé et
l’énergie du ressentiment.
Toutefois, ces réactions nient plus le rationalisme qu’elles
ne le dépassent, et continuent, souvent, à s’en
nourrir. Elles n’attentent pas à la majesté
de la pensée unique impliquée dans l’universalisme
occidental. Car elles ne s’attaquent pas à ses racines,
qui sont celles de l’économisme et celles de l’utilitarisme.
Seule la remise en cause de l’empire du rationnel peut ouvrir
la voie à une pensée moins intolérante qui
pourrait être dite plurielle. Car il y a plusieurs chemins
pour chercher le raisonnable ; de même qu’il y a pluralité
conflictuelle et indépassable des fins ultimes.
Que faire ?
Il faut commencer par voir les choses autrement pour qu’elles
puissent devenir autres. En d’autres termes : des solutions
originales, vraiment novatrices, seront concevables dès lors
que l’on aura commencé à se sortir le marteau
économique de la tête.
On devrait ainsi aspirer à une société dans
laquelle les valeurs économiques auraient cessé d’être
uniques ou centrales ; où l’économie serait
remise à sa place, comme un simple moyen de la vie humaine,
et non pas posée comme une fin ultime.
L’alternative historique
L’alternative historique existe lorsque la situation n’offre
aucun choix ; quand on est condamné à construire malgré
soi, de manière plus ou moins inconsciente, une autre société.
Cette réalité est aujourd’hui perceptible dans
les laboratoires de l’après-développement africains
relatés et étudiés dans l’ouvrage L’autre
Afrique : entre don et marché (1998).
L’économie mondiale, avec l’aide des institutions
de Bretton Woods (Fonds Monétaire International., Organisation
Mondiale du Commerce..) a chassé des millions de personnes
des campagnes, les condamnant à disparaître : ce sont
les naufragés du développement. Mais, paradoxalement,
ils se multiplient et survivent mystérieusement. C’est
le cas des 700 millions d’Africains au sud du Sahara, qui
n’existent aujourd’hui pratiquement plus statistiquement
(moins de 2% du PIB mondial).
Pour ne pas disparaître, ils n’ont eu d’autre
choix que de se débrouiller, d’organiser leur survie
en dehors de l’économie, en dehors du développement,
donc selon une autre logique. Même si ce n’est pas fait
par tous et pas toujours très bien, Ils inventent donc, effectivement,
un autre système, une autre vie.
Mais considérer qu’il s’agit de laboratoires
de l’après-développement, et non de sociétés
transitoires (« l‘économie informelle »,
« les entrepreneurs aux pieds nus ») vivant d’expédients,
implique de se munir d’un autre regard, d’autres normes,
de se mettre dans la peau des acteurs de cette innovation sociale.
La société vernaculaire
Il s’agit, non pas d’une autre économie, mais
d’une autre société. L’économique
n’y est plus autonome. Il est dissous, incorporé dans
le social ; en l’occurrence, dans les réseaux complexes
qui structurent les cités africaines.
Il s’agit donc, surtout, de la façon dont ces naufragés
du développement, œuvrant dans un archipel de petits
métiers et entreprises, produisent et reproduisent leur vie,
hors du champ officiel, grâce à des stratégies
relationnelles. C’est à travers le lien social qui
reste extrêmement fort et vivant, et qu'ils savent réinventer,
que se réalise le miracle de cette survie. Cependant l’expérience
étudiée (Grand Yoff, banlieue de Dakar de 100.000
habitants), très intéressante à ce point de
vue, ne doit pas être considérée comme un paradis
retrouvé.
Toute cette population vit en auto-organisation. Elle se désigne
elle-même comme composée de reliés en grappes
(chaque individu a tant de reliés qui forment sa grappe).
Cette société est également néo-clanique
car elle invente de nouveaux réseaux sociaux plus riches,
dépassant les cadres traditionnels ethniques, villageois
et religieux.
Ces stratégies, jeux subtils de tiroirs sociaux et économiques
(que chaque membre ouvre ou ferme selon ses besoins), s’apparentent
à celles des ménagères qui tirent le diable
par la queue : mais ce sont les pratiques de ménagère
d’une famille qui comprend plusieurs centaines de membres.
La société vernaculaire africaine apparaît
avant tout féminine, fondée sur la pluriactivité
(non sur le professionnalisme) et sur les stratégies relationnelles.
Le phénomène est d’importance car on assiste,
là, à un processus de « réenchassement
» de l’économique par rapport au social, processus
inverse de celui décrit par le grand anthropologue Karl Polanyi
analysant les débuts du monde moderne dans La grande transformation.
L’échange, avec ou sans monnaie, repose plus
sur la réciprocité que sur le marché
La vie s’y caractérise par l’importance du temps,
de l’énergie des ressources qui sont consacrées
aux relations sociales (rencontres, visites, réceptions,
discussions) avec, au bout, des opérations qu’on peut
qualifier d’économiques (prêter, emprunter, donner,
recevoir, s’entraider, passer des commandes, livrer, se renseigner)
; sans parler du temps, non moins considérable, consacré
à la fête, à la danse, au rêve.
Ce qui frappe, c’est que tout ce qui est reçu (denrée
ou argent) est immédiatement placé (pour rembourser
une dette ou en faire profiter ses proches) à l’intérieur
du réseau. Car chacun est conscient qu’un bienfait
n’est jamais perdu ; chaque « relié » vivant
dans le sentiment qu’il reçoit plus qu’il ne
donne.
Une conséquence de ce fonctionnement est le contrôle
de l’argent par le groupe. Contrôle social pouvant nous
paraître insupportable, mais qui a pour conséquence
de favoriser des pratiques financières communautaires - comme
les tontines - et de mettre hors-jeu les banques, considérées
ici comme impersonnelles et peu sûres.
Nous voyons donc que l’économie néo-clanique,
forme de l’alternative historique et invention sociale, fonctionne
selon une logique très différente de la logique marchande.
L’échange, avec ou sans monnaie, repose plus sur la
réciprocité que sur le marché. On est en présence
de cette triple obligation, analysée par le sociologue Marcel
Mauss dans son Essai sur le don : obligation de donner, de recevoir,
de rendre. Dans une telle logique qui s’apparente à
celle du don, le lien social est plus important que le bien.
L’alternative volontariste
Il s’agit des individus qui, refusant totalement ou partiellement
le monde dans lequel ils vivent, tentent de vivre autrement, de
travailler ou de produire autrement, au sein d’entreprises
différentes, ou d’inventer une monnaie pour la faire
servir à une autre façon de vivre, et selon une autre
logique que celle de l’accumulation illimitée.
Il y a des liens entre les deux formes de l’autre société.
Car au Sud les « bricolages de la survie » ne sont jamais
tout à fait spontanés. Ils incorporent des aspirations
et projets, on y détecte les traces de modèles et
d’utopies. Quant aux alternatifs du Nord, de plus en plus
souvent chômeurs (de fait ou en puissance), ils n’ont,
eux aussi, pas toujours le choix .
Les entreprises coopératives en auto-gestion, les communautés
néo-rurales, les systèmes d’échanges
locaux (SEL), des mouvements associatifs, doivent être mis
en liaison entre eux et avec l’auto-organisation des exclus
du Sud ; se féconder mutuellement. Leur cohérence
et leur intérêt proviennent d’abord du fait qu’il
s’agit de formes de résistance et de dissidence à
l’omnimarchandisation.
Créneau et niche
Le danger qui guette la plupart des initiatives alternatives est
de se cantonner dans le créneau qui leur a permis de prospérer,
au lieu de travailler à la construction d’une niche
; c’est-à-dire de tout un environnement, un milieu
porteur différent du marché mondialisé (dissident).
Le créneau est un concept de stratégie militaire de
conquête, lié à la rationalité économique
dominante (l’efficience) ; il sera nécessairement occupé
à son tour, un jour, par un concurrent. Seule la niche peut
garantir la pérennité de l’entreprise alternative
(l’efficacité sociale).
S’agissant du commerce équitable et solidaire, par
exemple, il est plus important de s’assurer du caractère
équitable de la totalité de la filière, depuis
le transport jusqu’à la commercialisation. Ce qui exclut,
certes, la distribution en grandes surfaces, mais qui, en contrepartie,
élargit le tissu porteur.
Cette extension-approfondissement du « champ des complicités
» doit aussi être liée à l’éducation
et à la formation des consommateurs-citoyens. C’est
cette cohérence qui représente une véritable
alternative au système.
Il s’agit, semble-t-il, de coordonner la protestation sociale
avec la protestation écologique, avec la solidarité
envers les exclus du Nord et du Sud, avec toutes les initiatives
associatives, pour articuler résistance et dissidence, afin
de déboucher à terme sur une société
autonome.
Survivance, résistance et dissidence
Nous sommes au centre d’un triangle dont les trois sommets
sont : la survivance, la résistance et la dissidence. Nous
ne devons ni oublier ni privilégier aucune de ces trois dimensions,
toutes trois nécessaires et essentielles.
Survivre, signifie que nous devons, dans une certaine mesure, nous
adapter au monde dans lequel nous vivons. Même si nous refusons
de l’accepter comme tel, nous passons nécessairement
des compromis dans l’action quotidienne. Il s’agit donc,
surtout et d’abord, de refuser la compromission dans la pensée
; de résister mentalement à la domination ravageuse
de la pensée unique.
Résister s’impose aussi, dans la mesure où
l’on a conscience d’être embarqué sur un
bolide, mégamachine techno-économique, qui fonce sans
pilote droit dans le mur. Nous devons résister, c’est
à dire freiner le monstre, changer la direction, passer la
marche arrière, si cela est encore possible.
Mais nous devons également songer à quitter l’engin
en délire. Il faudra faire sa niche ailleurs, dans ce monde
mondialisé. C’est cela la dissidence.
Ingénieux, industrieux, entreprenant
Dans ces trois cas (de survivance, résistance, dissidence),
le territoire, le local est très important, car c'est le
patrimoine local qui est à la base. Si la rationalité
est liée au triptyque ingénieur-industriel-entrepreneur
qui est caractéristique de la mondialisation du système
de la rationalité économique, le raisonnable quant
à lui est lié au triptyque ingénieux-industrieux-entreprenant.
C’est ce triptyque qui caractérise la société
vernaculaire et qui s’ancre dans le territoire, voire le terroir,
à reconstruire.
Francis Juchereau
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