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Origine : http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/VernaG/EH/F/cause/lectures/Lanature_l'%C3%A9cologieetl'%C3%A9conomie.htm
L'anti-utilitarisme, en s'attaquant aux racines de l'économie
moderne et de l'économisme, ne peut que rencontrer le souci
écologiste du respect de l'environnement. L'élimination
de la démesure instituée par un réenchâssement
de l'économique dans le social, voire le retour à
un certain réenchantement du monde, ne peuvent qu'entrer
en résonance avec une certaine écologie. Toutefois,
notre redécouverte du politique comme base du commerce social
nous préserve de sombrer tant dans la gestion rationnelle
de la nature et de l'environnement que dans le respect béat
de la sauvagerie mythique.
Dans la production et la satisfaction de nos besoins matériels,
selon la vulgate économique (et utilitariste), le plus grand
bonheur pour le plus grand nombre serait engendré par la
concurrence et l'émulation entre les individus cherchant
à maximiser leurs intérêts. Il y aurait une
harmonie naturelle de ces intérêts comme si une main
invisible avait créé un ordre providentiel. Cette
main invisible permettrait d'éliminer les conflits et les
antagonismes d'intérêts entre les patrons et les ouvriers,
comme entre le Nord et le Sud. Même s'il en était ainsi,
cette main invisible permettrait-elle d'éliminer aussi les
conflits d'intérêts entre les hommes et la nature ?
On sent qu'à vouloir pousser le bouchon trop loin, les libéraux
sapent les bases même de leur propre dogme. L'intégrisme
de la religion du marché se heurte là à un
obstacle d'autant plus difficile à nier que les faits sont
têtus et nous reviennent dans le vécu sous la forme
de vaches folles, de changements climatiques et autres pollutions
quotidiennes. L'imposture économique doit donc être
dénoncée tant dans ses conséquences pratiques
sur l'environnement que dans ses impasses théoriques.
I L'élimination pratique de l'environnement
L'environnement, pour l'essentiel, se situe hors de la sphère
des échanges marchands. Aucun mécanisme ne s'oppose
donc naturellement à sa destruction. La concurrence et le
marché qui nous fourniraient notre dîner aux meilleures
conditions ont des effets désastreux sur la biosphère.
Jean-Baptiste Lamarck notait déjà : "L'homme,
par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres
intérêts, par son penchant à jouir de tout ce
qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance
pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à
l'anéantissement de ses moyens de conservation et à
la destruction même de sa propre espèce" (1).
Rien ne vient limiter le pillage des richesses naturelles dont
la gratuité permet d'abaisser les coûts. L'ordre naturel
n'a pas plus sauvé le dodo de l'île Maurice ou les
baleines bleues que les Fuegiens (habitants de la terre de feu).
Seule l'incroyable fécondité naturelle des morues
risque de les préserver du sort des baleines ! Et encore
si les marées noires ne s'en mèlent pas... Le pillage
des fonds marins et des ressources halieutiques semble irréversible.
Le gaspillage des minéraux se poursuit de façon irresponsable.
Les chercheurs d'or individuels, comme les garimpeiros d'Amazonie
ou les grosses sociétés australiennes en Nouvelle
Guinée, ne reculent devant rien pour se procurer l'objet
de leur convoitise. Or, dans notre système, tout capitaliste,
et même tout homo œconomicus, est une espèce de
chercheur d'or. Cette exploitation de la nature n'est pas moins
violente ni dangereuse quand il s'agit de fourguer nos ordures et
nos déchets dans cette même nature-poubelle. Incidemment,
notons qu'en France un tiers des transports routiers, qui sont déjà
un cauchemar en soi et une source de pollutions multiples, est consacré
au déplacement des déchets.
La crise écologique a bel et bien été engendrée
par la croissance économique et la poursuite du développement
constitue une menace pour la nature et pour les naturels. On connaît
les drames de l'Amazonie : incendies sauvages, déforestation
sauvage, prospection minière sauvage, mise en valeur sauvage,
avec pour conséquences l'extermination des indiens, la disparition
des espèces animales et végétales, des dommages
immenses causés aux écosystèmes. Des centaines
d'espèces végétales et animales disparaissent
chaque année sous nos yeux (2) tandis que six millions d'hectares
de la forêt amazonienne partent en fumée pour permettre
aux grands fazendeiros de faire plus de boeufs et aux petits de
survivre (3). Au niveau planétaire ce sont entre 12 et 17
millions d'hectares du poumon de la terre, soit l'équivalent
de 1% de la planète ou d'un tiers de la France, qui disparaissent
chaque année. A coté des désastres réalisés
et irréparables, il y a les dangers qui nous guettent directement,
les pollutions globales comme l'effet de serre, la mort des océans,
la radioactivité, le couple infernal innondation-sécheresse,
sans parler des biotechnologies et du génie génétique.
Si on observe quelque ralentissement dans certaines évolutions,
comme celle des trous dans la couche d'ozone, sous l'effet des accords
internationaux (Le protocole de Montréal de 1987 sur les
clhorofluorocarbones), eux-mêmes fruits de la sensibilisation
croissante de l'opinion, le nécessaire changement de cap
n'est pas encore à l'ordre du jour, loin de là. Les
échecs à répétition de ma mise en oeuvre
de la convention sur le changement climatique le montrent bien.
La foi dans le progrès et la technologie a supporté
le culte du développement dans les années 60. Les
économistes ont été les grands prêtres
de cette nouvelle religion qui a accompagné l'expansion économique
sans précédent de l'Occident. En dépit de l'apparition
de quelques hérésies, le dogme reste toujours triomphant,
sinon triomphaliste. Le pouvoir d'autoregénération
de la nature a été occulté, méprisé,
détruit au bénéfice de celui du capital et
de la technique. La nature a été réduite à
un réservoir de matière inerte et à une poubelle.
Aussi, ce ne sont pas les économistes mais les physiciens
qui ont attiré l'attention de l'opinion sur les pollutions
globales comme l'effet de serre ou les trous dans la couche d'ozone.
La science économique et ses prophètes restent dans
l'ensemble les chantres de la mondialisation des marchés,
laquelle aggrave encore les effets délétères
de l'économie sur l'environnement.
Cette mondialisation actuelle est en train de parachever l'oeuvre
de destruction de l'oikos planétaire. Ne serait-ce que parce
que la concurrence exacerbée pousse les pays du Nord à
manipuler la nature de façon incontrôlée et
les pays du Sud à en épuiser les ressources non renouvelables.
Avec le démantèlement des régulations nationales,
il n'y a plus de limite inférieure à la baisse des
coûts et au cercle vicieux suicidaire. C'est un véritable
jeu de massacre entre les hommes, entre les peuples et au détriment
de la nature... Il se trouve même des prix Nobel pour s'en
réjouir. Ainsi, l'impayable Gary Becker déclare :
"Le droit au travail et la protection de l'environnement sont
devenus excessifs dans la plupart des pays développés.
Le libre-échange va réprimer certains de ces excès
en obligeant chacun à rester concurrentiel" (4). On
comprend dès lors toutes les réticences des gouvernements
européens à controler les pirates des mers responsables
des marées noires récurrentes.
Dans l'agriculture, l'usage intensif d'engrais chimiques, de pesticides,
l'irrigation systématique, le recours aux organismes génétiquement
modifiés ont pour conséquence la destruction des sols,
l'assèchement et l'empoisonnement des nappes phréatiques,
la désertification, la dissémination de parasites
indésirables, le risque de ravages microbiens. Sans parler
du fait que la sélection des espèces les plus rentables
engendre une inquiétante réduction des sources de
l'alimentation humaine. En France, trois races bovines constituent
98 % du cheptel, une seule variété de pomme, la golden,
représente 75 % de l'offre. "Une certitude donc, conclut
René Passet : la maladie de l'homme fou se transmet bien
à la vache" (5).
Les pays du Sud, pris dans l'étau de la dette, n'ont guère
d'autre choix que d'accroître encore plus l'exploitation des
ressources naturelles et des sols au détriment de l'environnement.
Il s'agit de comprimer d'autant plus les coûts, au mépris
de la reconstitution ou de la préservation des équilibres
naturels les plus élémentaires, que l'accroissement
des exportations déprime les prix et réduisent les
recettes. Tous les pays sans doute sont pris dans cette spirale
infernale et suicidaire, mais dans le cas du Sud, la survie biologique
immédiate étant en jeu, la reproduction des écosystèmes
est totalement sacrifiée. Pour exporter des grumes, la forêt
tropicale disparaît à grande allure (Cameroun, Indonésie,
Papouasie-Nouvelle Guinée) avec comme conséquences
annexes une érosion accélérée des sols
(comme au Népal) et l'aggravation des inondations (comme
celles du Mékong).
Les exemples du cacao, de la pêche ou de la banane mériteraient
d'être médités pour éclairer les effets
de la mondialisation sur le Sud. Alors que le cours mondial du cacao
était au plus bas dans les années quatre vingt, et
que les économies du Ghana et de la Côte d'ivoire subissaient
de ce fait une crise dramatique, les experts de la Banque Mondiale
ne trouvaient rien de mieux que d'encourager et de financer la plantation
de milliers d'hectares de cacaoyers en Indonésie, en Malaisie
et aux Philippines. En sacrifiant toujours un peu plus la nature
et les hommes, on pouvait encore espérer quelques profits
sur la misère plus productive des travailleurs de ces pays-là.
Pour couronner le tout, les Européens, à Bruxelles,
s'alignant sur la seule Angleterre, ont honteusement capitulé
devant le lobby des grands chocolatiers. Définissant le chocolat
comme un produit pouvant contenir jusqu'à 15% de graisse
végétale bon marché (Sans vérification
vraiment fiable) autre que du beurre de cacao, ils ont fait perdre
à la Côte d'ivoire et au Ghana quelques milliards de
plus. Faut-il se scandaliser si dans ces conditions certains planteurs
ont arraché leurs plants pour faire du haschich ?
Le long des côtes de l’Afrique, les bateaux-usines
et les chalutiers ex-soviétiques, espagnols, bretons, japonais
ruinent les systèmes locaux de pêche à la pirogue
et contribuent ainsi à affamer l’Afrique à court
terme et à détruire son écosystème à
long terme. On ne sait pas assez qu'en supprimant le pillage des
fonds marins sur les côtes de l'Afrique, on ferait plus pour
aider celle-ci, en assurant la survie des pêcheurs traditionnels
et l'approvisionnement en poisson, que par toute l'aide alimentaire.
Le cas de la banane est lié au stabex, ce mécanisme
de garantie de recettes d'exportation octroyé par les pays
du marché commun aux pays A. C. P. (Afrique, Caraïbe,
Pacifique). Ce système instauré par les conventions
de Lomé (de l à 5) avait été salué
un peu hâtivement comme la mise en oeuvre d'un nouvel ordre
économique international. Le prix de la banane acheté
en Guadeloupe, en Martinique, aux Canaries ou en Afrique Noire permet
aux producteurs locaux de survivre (avec bien sûr de grandes
inégalités de situation...). Sans être nuls,
les résultats ont été médiocres avec
certains effets pervers. De toute façon, c'était encore
trop pour les intégristes du libre-échange. Poussés
par les multinationales nord américaines, comme Chiquita
Brands (exUnited Fruit) et Castel & Cooke, qui contrôlent
l'essentiel de la production et de la distribution des républiques
bananières et des plantations de Colombie, les pays d'Amérique
centrale ont traîné l'Europe devant les panels du GATT
puis de l'ORD (Organisation de règlement des conflits) l'instance
d'arbitrage de l'O.M.C. Ils dénoncent les barrières
et entraves au libre jeu du marché. Ils veulent à
tout prix accroître leur part de marché grâce
aux salaires de misère des ouvriers agricoles, dont des centaines
ont succombé à l'emploi inconsidéré
de pesticides (contre les nématodes). L'OMC leur a donné
raison. "Vous menez la pire des guerres économiques
contre un peuple sans défense. Vous emportez nos bananes
et vous nous laissez dans la misère, les conflits et la souffrance"
a déclaré le président des planteurs de bananes
de la petite île de Sainte-Lucie, en commentant le verdict,
fustigeant au passage la campagne "diabolique" de l'administration
Clinton (6). Évidemment, les Allemands, gros consommateurs,
qui rechignaient à payer leurs bananes un peu plus cher que
celles de Colombie n'ont pas été des alliés
à toute épreuve dans cette affaire. A Jacques Chirac
reprochant cette trahison à son ami Kohl, et dénonçant
les conditions "pire encore que l'esclavage" de la production
sur les plantations américaines, le chancelier allemand a
répliqué : "La morale est une chose, les affaires
en sont une autre" (7). Tout est là, en effet ; les
affaires ne se soucient pas de l'environnement, sauf à exploiter
les niches rentables créées par les législations
protectrices que la pression de l'opinion publique réussit
parfois à imposer. Les industriels de l'écologie,
dont Bouyghes avec la SAUR ou Vivendi sont de bons représentants,
ne manquent jamais une occasion de souligner la compatibilité
fondamentale des intérêts biens compris de l'environnement
et des affaires...
Légitimée par la théorie économique,
la mondialisation réalise de fait la plus superbe ignorance
de la nature sinon pour l'exploiter sans limite.
II L'impossible prise en compte théorique.
La science économique a très largement cautionné
les dégâts provoqués par la vie économique.
Inconsciente hier, elle a éliminé progressivement
mais radicalement la nature, en accord avec la foi de la modernité
dans le destin de l'homme d'en devenir "maître et dominateur",
et convaincue qu'elle était inépuisable. Forcée
d'en voir aujourd'hui les limites, elle s'avère impuissante
à l'intégrer pleinement dans son mode de raisonnement.
Les rapports entre l'économie et l'écologie se nouent
ainsi sous le signe du paradoxe. Dans leur sens étymologique,
les deux mots sont, en effet, quasiment synonymes. Tous deux sont
issus de l'oikos (la maison, le patrimoine, la niche), ce qui est
de bon augure. On sait pourtant que les écologistes conséquents
sont devenus les plus farouches critiques de l'économie comme
théorie (Marx lui-même ne trouve pas grâce à
leurs yeux) et les plus violents adversaires de l'économie
comme pratique. C'est que, en intitulant en l6l5 , "Traité
d'économie politique" ce qu'Aristote eût dénommé
avec horreur "La science de l'accumulation nationale"
ou Chrématistique, Antoine de Montchrétien a embrouillé
durablement l'affaire. Cette désignation d'une chose par
son contraire n'était peut-être pas innocente et explique
le succès et la persistance du malentendu...
L'économie politique des Mercantilistes et des Physiocrates
accorde cependant à la nature une place centrale. "Le
travail est le père et la nature est la mère de la
valeur" dit William Petty. Le docteur François Quesnay
et ses disciples mettent la terre et les forces naturelles au centre
de leur analyse. La fécondité naturelle est la source
du produit net et le point de départ du circuit de la richesse.
Malheureusement, confondant fécondité naturelle et
productivité de l'activité humaine, les Physiocrates
échouent à rendre compte de la part qui revient à
la nature à côté de celle qui revient au travail.
Au lieu d'inscrire l'économique dans la biosphère
et d'étudier les contraintes que cette dernière fait
peser sur celui-là, ils poseront définitivement l'autonomie
de la sphère économique en la pensant abusivement
comme un organisme naturel.
La science économique des classiques sera certes encore
naturaliste. La nature qu'ils se sont donnée est même
plus contraignante que celle des écologistes contemporains.
Toutefois, elle est construite par l'économie capitaliste
comme une mère avare. La rareté occupe, en effet,
une place centrale dans le dispositif économique. Seulement,
cette nature hostile est dénuée de valeur. L'avarice
de la nature ne porte pas tant sur les limites des matières
premières que sur la nécessité de leur transformation
par un travail pénible. La rareté des "utilités"
marchandes se combine ainsi à l'abondance des ressources
brutes. La nature est hors de l'économie. En adoptant le
modèle de la mécanique classique newtonienne, l'économie
exclut l'irréversibilité du temps. Les modèles
économiques se passent dans un temps mécanique et
réversible. Ils ignorent l'entropie, c'est-à-dire
la non réversibilité des transformations de l'énergie
et de la matière. Toute référence à
un quelconque substrat biophysique ayant disparu, la production
économique telle qu'elle est conçue par la plupart
des théoriciens néoclassiques, ne semble confrontée
à aucune limite écologique (8). La conséquence
en est un gaspillage inconscient des ressources rares disponibles
et une sous-utilisation du flux d'énergie solaire abondant.
Comme le note Nicholas Georgescu Roegen, les déchets et la
pollution, pourtant produits par l'activité économique
n'entrent pas dans les fonctions de production standard. Ainsi,
rien ne s'oppose plus à la réalisation par la technique
et l'économie du programme de la modernité de maîtrise
et d'exploitation totale de l'univers.
Certes, la poussée écologique a obligé les
économistes à un aggiornamento de leur discipline
et à inclure l'impact de l'environnement dans leurs modèles.
L'économie écologique prétend ainsi prendre
en compte la nature. Seulement, l'économie écologique
est loin de remettre en question la logique marchande qui est la
source véritable de la négation de la nature. La dette
à l'égard de la nature et la troublante et mystérieuse
solidarité des espèces, en particulier, sont réduits
à des dispositifs techniques permettant la transformation
de l'environnement en quasi-marchandises Il en résulte que
cette économie écologique est très largement
mystificatrice, et le développement durable qui en découle
est une imposture (9).
La tendance dominante dans l'économie standard à
considérer le capital naturel comme totalement ou au moins
largement substituable aboutit à évacuer de facto
le problème. L'enquête menée par Carla Ravaioli
auprès des trente cinq plus grands économistes de
la planète, est révélatrice de l'extraordinaire
cécité de la profession (10). L'expert ignore l'environnement
et ne s'en sent pas responsable ! Pour Wilfrid Beckerman, économiste
adversaire résolu de l'écologie, "le problème
de la pollution de l'environnement n'est qu'une simple question
de correction d'un léger défaut d'allocation de ressources
au moyen de redevances de pollution" (11). "Le système
des prix et le progrès technique assurent les économistes,
doivent ainsi permettre des prises de relais entre les ressources
et la poursuite de la croissance économique dans un univers
physique pourtant limité" (12). Seulement, la croyance
en l'inépuisabilité des ressources naturelles sur
laquelle reposait le modèle industriel de développement
soutenu par les économistes s'est effondrée, tandis
que les sous-produits délétères de l'activité
économique menacent la survie même de notre espèce.
Quel que soit l'arbitraire des évaluations faites dans les
comptabilités écologiques, on ne peut plus ignorer
que le massacre de la nature limite sérieusement les bienfaits
du développement. En l'absence d'évaluation, on aboutit
à des absurdités. Comme le note Robert Repetto, "un
pays pourrait épuiser ses ressources minérales, couper
ses forêts, éroder ses sols, polluer ses nappes phréatiques,
conduire sa faune sauvage à l'extinction, la disparition
de ce capital n'affecterait pas son revenu mesuré" (13).
C'est en gros le cas de l'Indonésie dont la croissance annuelle
du PIB entre 1971 et 1984 devrait être ramenée de 7
à 4 % si l'on tenait compte de la perte la plus visible du
capital naturel (14).
Il a donc fallu tenter d'inclure la nature et l'environnement dans
la "rationalité économique", et en particulier
dans le modèle d'équilibre général de
Walras et celui de l'optimum de Pareto. Cette prise en compte se
pose principalement à deux niveaux : celui de l'épuisement
des ressources et celui des pollutions. Les deux supposent des traitements
raffinés : modèles à soutenabilité forte
ou faible pour le premier, internalisation des effets externes pour
le second. L'intégration du problème des ressources
non renouvelables, a été inaugurée par Hotelling
en 1931 et a trouvé plus récemment son aboutissement
avec la règle de compensation énoncée par Harwick
en l977. Il s'agit d'assurer l'équité entre les générations
actuelles et futures. Les rentes prélevées au fur
et à mesure de l'épuisement des ressources, qui sont
égales à la différence entre le prix de marché
et le coût marginal des dites ressources, devraient être
réinvesties pour produire un capital de substitution au capital
naturel détruit. Ces rentes croissant de période en
période d'un taux égal au taux d'actualisation, il
n'y aurait aucun avantage à reporter d'une période
sur l'autre l'utilisation de la ressource. Il est en effet, en théorie,
indifférent de placer au taux d'actualisation r les bénéfices
provenant de la vente d'une unité de la ressource (par exemple
du pétrole) ou bien d'attendre la période suivante
pour l'exploiter sachant qu'elle rapportera alors un bénéfice
augmenté d'un taux r. On reste dans l'idée que le
capital artificiel peut se substituer au patrimoine naturel, simplement,
il convient de lui donner un prix pour assurer la reconstitution
de son équivalent. A partir de là, les économistes
divergent sur le degré de substituabilité à
accorder et donc sur les exigences à imposer à l'économie.
Si l'on considère le capital naturel et le capital artificiel
comme totalement substituables, la soutenabilité est dite
"faible" ; si on les considère comme complémentaires,
la soutenabilité est dite forte. Mais est-il légitime
de considérer la nature comme un capital ? En toute rigueur,
la valeur des ressources naturelles est inestimable en termes économiques.
Si ces ressources sont une condition de la survie humaine, elles
n'ont pas de prix au sens propre. Leur prix ne peut qu'être
infini. Ce ne sont donc pas les ressources en tant que telles dont
les économistes s'occupent mais, dans le meilleur des cas,
de la valeur économique créée ou détruite
dans le cours de leur exploitation.
Pour les pollutions, les économistes doivent s'efforcer
de donner un prix aux atteintes à l'environnement, c'est-à-dire
traduire celles-ci en termes monétaires. Cette introduction
a été réalisée, avec le concept de coût
externe ou "déséconomie externe" défini
par l'économiste britannique Arthur Cecil Pigou dans les
années l920. Il s'agit d'un coût social engendré
par l'activité d'un agent mais qui n'est pas supporté
par lui. Les exemples abondent : L'usine qui pollue une rivière,
obligeant les utilisateurs en aval à épurer l'eau
pour s'en servir ou toute autre nuisance. Symétriquement,
il y a des économies externes ou externalité positives.
Malheureusement, ces dernières ont tendance à se raréfier
avec le développement tandis que croissent les premières
de façon inquiétante. Ainsi, l'entretien de la nature
et des paysages assumé gratuitement pendant des siècles
par la paysannerie doit désormais être financé
de multiples façons (protection contre les feux de forêts,
les glissements de terrain, les inondations, etc.), comme le retour
à la plantation de haies vives ou la réintroduction
de la transhumance des troupeaux, etc.
La prise en compte des externalités négatives par
les économistes est une bonne chose, mais le concept même
indique bien qu'il s'agit de nuisances qui sont normalement ignorées
par la logique marchande. La mise en oeuvre des réparations
ne résulte pas du jeu normal des forces économiques,
il faut une intervention extérieure, c'est-à-dire
le plus souvent de l'État. Or, par ces temps de mondialisation
libérale, sous l'empire de la pensée unique, les grands
de ce monde y sont peu favorables. Les deux modalités proposées
de l'internalisation des externalités sont, en effet, la
tarification et l'émission de droits à polluer. Dans
le premier cas, il se pose deux problèmes celui de l'évaluation
monétaire des dommages et celui de l'exécution des
mesures. D'abord, il est difficile de prendre en considération
ces effets avant que le tort ne se soit manifesté, or les
dégâts peuvent être irréparables. Il en
est ainsi dans les cas des disparitions de variétés
végétales, animales et ... humaines, voire même
avec la pollution nucléaire vu les délais de décontamination.
Il faut donc avoir recours à des prix "fictifs"
correspondant au coût marginal des mesures de protection ou
de reconstitution. On tente alors de définir une valeur économique
de la nature comme la somme des valeurs liées à son
usage effectif ou potentiel (valeur d'option, de quasi-option, de
legs, d'existence ou écologique) (15). Ainsi, une équipe
d'économistes au prix d'un effort gigantesque a évalué
en l997, l'apport annuel de la nature à un montant situé
entre 16 000 et 54 000 milliards de $ 94, à partir du montant
que les populations sont prêtes à payer pour la conserver
(consentement à payer). Il s'agit là de chiffres astronomiques
qui remettent en cause toute croissance... Toutefois, que peuvent
signifier de tels chiffres qui additionnent l'éthique, l'esthétique
et l'économique à partir des seules activités
économiques ayant la nature pour support ?
En face des dommages difficilement réparables, il n'y a
que la prévention. Celle-ci repose sur la notion d'acceptabilité
des risques. Mais à quelles conditions, se demande Simon
Charbonneau, un risque technique pourra-t-il être réputé
acceptable ? (16). On connaît le difficile débat sur
l'amiante. Même des doses infimes peuvent être cancérigènes.
Le coût de la réparation d'un dommage ou, symétriquement,
le coût pour éviter ce dommage, sont difficiles à
évaluer et les experts jouent avec les millions de dollars
quand on parle de l'effet de serre, des trous dans la couche d'ozone,
de la destruction de la biodiversité. On ne connaît
pas encore à combien se monte la facture de Tchernobyl !
Le problème devient clairment un problème politique
et pas seulement de politique, mais on se garde bien d'en débattre
sur la place publique.
Comme une logique unique est supposée gouverner la totalité
du réel, on croît ou on fait mine de croîre que
les mécanismes du marché sont capables de résoudre
les problèmes des atteintes à l'environnement. Les
économistes partisans du tout-marché en sont presque
à déplorer l'existence des ressources naturelles,
et de biens communs. Confondant propriété collective
et absence de propriété, ils ont réussi le
tour de force de renverser les leçons de l'histoire des enclosures
(17). C'est ce qu'ils ont appelé "la tragédie
des commons" (18). Logiques jusqu'à l'absurde, les libertariens
souhaitent que toutes les ressources naturelles aient des propriétaires
identifiables et responsables. Le consentement à payer, c'est-à-dire
le prix maximum qu'un agent est disposé à payer pour
continuer à jouir d'un bien environnemental, et le consentement
à recevoir, c'est à dire la somme symétrique
pour qu'il y renonce, résoudraient la question. Selon Ronald
Coase, l'internalisation des effets externes, c'est-à-dire
leur prise en compte par les agents, pourrait être obtenue
sans intervention de l'État autre que l'établissement
de droits de propriété et par la seule négociation
marchande entre les pollués et les pollueurs quelle que soit
la répartition initiale des droits entre eux. C'est sur cette
base que pour éliminer l'essence au plomb et limiter les
émissions de dioxyde de soufre, les États-Unis ont
créé en l974 des marchés de droits à
polluer. Toutefois, comme on n'a pas osé attribuer la propriété
de l'air nommément aux industriels, le système fonctionne
grâce aux sanctions pénales en cas de dépassement
des normes fixées par l'État.
Le recours aux normes et au débat politique est donc inévitable.
Seulement, se pose le problème de leur application. Les instruments
ne manquent pas : fiscalité, péage, subventions ou
même échanges dette-nature (19). Toutefois, les taxes
sur la pollution ou même les amendes comme celles sur les
émissions de fumées toxiques risquent de se transformer
finalement en véritables "droits de polluer", les
entreprises préférant payer les pénalités
plutôt que de faire les investissements nécessaires.
On constate encore une fois que la logique économique ne
va pas dans le sens d'une approche positive des rapports de l'activité
humaine vis-à-vis de l'environnement. "Quand, par exemple,
interroge Simon Charbonneau, a-t-on entendu poser préalablement
à une décision d'implantation, une question comme
celle-ci : "La construction de telle usine de dérivés
azotés représente-t-elle un intérêt collectif
compte tenu et de la contamination croissante des milieux naturels
et de l'existence d'excédents agricoles ?" (20). Le
Droit de l'environnement de son côté pêche à
la fois par son laxisme dans des domaines importants et par son
abondance tatillonne et sa complexité dans d'autres. Tout
cela le rend inefficace et hors de portée du contrôle
des citoyens. Ainsi, en France, la réglementation du transport
des matières dangereuses comprenait déjà à
elle seule 7000 pages en l992 !
Finalement, pour la plupart des économistes, la nature n'étant
pas structurée conformément aux lois du marché
peut et doit être pillée et détruite pour être
éventuellement reconstruite et fabriquée par l'homme
conformément à ces lois. Alors, l'offre de "nature"
artificielle (eau synthétique, air en bouteille, semence
transgéniques, espèces animales génétiquement
modifiées et nourries en usine, etc.) sera payée à
son juste prix et engendrera des profits légitimes pour ses
producteurs, et non plus des rentes abusives pour des indigènes
oisifs qui en étaient les gardiens de fait. Jean-Baptiste
Say déjà l'avait bien dit : "Les seules espèces
animales qui survivront seront celle que l'industrie multipliera"
(21). Déjà, à Manhattan, comme le remarque
Jacques Prades, dans les cafés bruyants où vocifèrent
les juke-box, le silence peut s'acheter pour un dollar contre une
cassette vierge de trois minutes. Dans les carrefours pollués
des plus grandes avenues de Mexico, l'air dans les masques à
oxygène s'échange contre quelques pièces. Cet
achat du silence et de l'air, après l'eau en bouteille, la
vente d'organe et la location d'utérus illustrent la transformation
de la planète en un vaste supermarché. Pourtant, la
matière première de toutes ces manipulations reste
encore un insupportable don de la nature, doté de propriétés
naturelles non produites par la technoscience et le marché
(22)... La disparition des espèces sauvages ne mettra pas
fin à la biopiraterie et aux comportements prédateurs.
Là est le paradoxe auquel se heurtent les trusts agro-alimentaires
et pharmaceutiques dans leur entreprise de colonisation intégrale
du vivant. Ils détruisent la biodiversité en ne développant
et ne propageant que les gènes utiles (et si possible fabriqués
en laboratoire), mais ils ont besoin d'accéder au stock disponible,
voire même de le protéger, pour trouver leur indispensable
matière première (23). On peut, certes, voir là
une limite naturelle à la prédation, mais celle-ci
n'interviendra-t-elle pas trop tard ? Quelle garantie a-t-on que
l'on réalise l'optimum ?
Saisie par l'économie, la crise de l'environnement aboutit
ainsi à renforcer le productivisme de la société
technicienne. La brochure publiée par l'ONU pour le sommet
de la planète terre de Rio 1992 parle de gérer l'environnement
par des "techniques écologiquement rationnelles"
(24). La divulgation au même moment de la note interne de
l'éminent expert de la Banque Mondiale, Lawrence Summers,
vient à point pour donner une illustration prémonitoire
de ce que les libéraux entendent par soutenabilité
avec "substituabilité forte" dans l'optique du
développement durable (25). Cet économiste distingué
(devenu depuis sous-secrétaire d'état au Trésor)
préconise une migration des industries polluantes vers les
pays les moins avancés. Cela résulte d'un calcul économique
implacable. Les coûts de la dépollution sont beaucoup
plus faibles au Sud compte tenu des salaires. Les coûts de
la pollution y sont aussi très inférieurs parce que
le degré de pollution y est moindre : "Les pays sous-peuplés
d'Afrique, lit-on dans le rapport, sont largement sous-pollués
; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau inutilement
élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico"
(souligné par nous). En outre, le prix de la vie humaine
(calculé par des indices économiques, espérance
de vie et salaires), en cas de catastrophes, y est très nettement
plus bas. La vie d'un anglais vaut davantage que celle de cent indiens.
A cela s'ajoute que l'exigence d'un environnement propre croît
avec le niveau de vie. "On se préoccupera évidemment
beaucoup plus d'un facteur qui augmente de manière infinitésimale
les risques de cancer de la prostate dans un pays où les
gens vivent assez longtemps pour avoir cette maladie, que dans un
autre où deux cents enfants sur mille meurent avant l'âge
de cinq ans". Cette exportation massive de la pollution vers
le Sud stimulera son développement (26). L'argumentation
est imparable. Mieux vaut vivre pollué que de mourir d'inanition
! Quand on rationalise l'écologie, c'est nécessairement
l'économie qui impose sa loi (27).
Conclusion
En prétendant qu'une humanité, composée d'atomes
individuels mus par leurs seuls intérêts égoïstes
et s'attribuant tous les droits sur la nature et les autres espèces
vivantes devait atteindre le plus grand bonheur pour le plus grand
nombre, sous l'effet d'une "main invisible", la science
économique a soutenu et encouragé la plus extraordinaire
entreprise de destruction de la planète. En mettant en oeuvre
ce programme et en se lançant dans une accumulation illimitée,
stimulée par une compétition sans frein, l'économie
marchande et capitaliste, désormais totalement mondialisée,
s'évertue à éliminer tout souci de l'oikos,
toute forme environnementale ou culturelle qui échapperait
à la marchandisation et à la logique du profit.
Il y a fort heureusement de plus en plus d'économistes écologistes,
mais force est de reconnaître que la science économique
dans son essence, par son histoire et sa logique ignore superbement
la nature et que le système économique demeure hostile
à l'environnement. Ce n'est que sous la pression constante
de l'opinion que des interventions ont lieu et que les experts et
les théoriciens consentent à prendre en compte marginalement
le fait que le marché se déroule dans une biosphère.
L'intégration dans le calcul économique des éléments
de l'environnement comptabilisés artificiellement ne modifie
pas la nature du développement ni la logique de la modernité.
Il est bien, par exemple, de tenir compte du rendement en calories
de l'agriculture et de réduire le gaspillage d'énergie
fossile (28). La prise en compte de ces données ne change
pas la recherche obsessionnelle de maximisation des rendements et
des profits ni la réduction du social à un objet de
calcul. C'est par la fuite en avant dans la technique que l'on pense
résoudre les problèmes posés par le système
technicien. La pression pour contourner l'impératif écologique
est permanente. On peut se demander si le politique sera toujours
en mesure dans l'avenir de jouer son rôle nécessaire
pour la contrebalancer.
Face à la corruption marchande et technique du politique,
il est plus que jamais nécessaire de restaurer la délibération
démocratique à tous les niveaux, du local au global
et en revenir à une forme renouvelée de la raison
raisonnable. Autrement dit, il devient urgent que les hommes, redevenus
citoyens, reprennent en main la question de leur survie, dès
lors que celle-ci est de plus en plus menacée par le jeu
de mécanismes pseudo-rationnels garantis par des arguments
pseudo-scientifiques.
Notes
1. Système analytique des connaissances positives de l'homme,
1820 cité par Passet René, L'illusion néo-libérale.
Fayard2000, p. 56.
2. Selon le rapport de la Banque Mondiale l992 (p.63-64) : "Le
taux d'extinction des espèces est très largement supérieur
de 5O à lOOO fois à ce que serait un taux naturel
en l'absence de toute influence humaine. Il disparaîtrait
une ou deux espèces par jour, en moyenne, mais des centaines
de milliers d'espèces restent à découvrir."
3. Patrice van Eersel - Le Brésil déchiré
par l'écologie - Actuel n°12, 3 décembre 1991.
Si ces chiffres qui traînent partout et qui sont très
approximatifs ne permettent pas de cerner la réalité
d'une menace comme l'effet de serre qui résulte de causes
infiniment complexes et controversées, ils donnent une mesure
de notre insouciance.
4. cité Passet, op. cit. p. 148
5. Passet René, L'illusion néo-libérale. Fayard2000,
p. 170.
6. Janette Habel, L'OMC, ou la déraison du plus fort, le
Monde du 23. O5. 97.
7. "Mangez des bananes !" le Canard enchaîné
du 23 août l995.
8. Frank-Dominique Vivien, Économie et écologie,
La découverte, col. repères, 1995, p. 43.
9. Nous ne reviendrons pas sur ce dernier sujet, longuement abordé
dans "Le développement durable, un concept alibi"
N° 137 de la revue Tiers-Monde, Janvier-mars 1994, repris dans
La Mégamachine. Raison techno-scientifique, raison économique
et mythe du progrès, La découverte/MAUSS, Paris, 1995.
10. Carla Ravaioli, Il planeta degli economisti, ovvero l'économia
contro il pianeta, ISESI, l992.
11. cité par Vivien, p. 58. Beckerman, en l972, taxa le
rapport Meadows, "Les limites de la croissance" dans un
article intitulé "Les limites au malentendu" de
"échantillon effronté et impudent de non-sens
émanant d'une équipe d'hurluberlus du MIT". Georgescu-Roegen
Nicholas - La décroissance. Entropie - Ecologie - Economie.
Présentation et traduction de Jacques Grinevald et Ivo Rens.
Sang de la terre, Paris l995. P. l03.
12. Vivien, op. cit. p. 74.
13. Robert Repetto - et al.- Wasting assets - (WRI), Washington
1989
14. Robert Repetto , Op.Cit.
15. La valeur d'option est celle que pourrait avoir un bien naturel
inutilisé aujourd'hui lors d'une utilisation future. La valeur
de quasi-option est celle dont la société bénéfiera
grâce à la collecte d'informations nouvelles lorsque
la consommation d'un bien naturel est différée. La
valeur de legs est liée au désir de transmettre un
élément du patrimoine naturel aux générations
futures. La valeur d'existence est celle qu'on peut attribuer à
la nature en dehors de toute utilisation. La valeur écologique
est celle attribuée à la préservation des ecosystèmes.
Voir, Jean-Marie Harribey, La prise en compte des ressources naturelles
et de l'environnement dans le modèle néoclassique
d'équilibre général : éléments
de critique. Economie et Sociétés, Série F,
n° 35, 4/l997.
16. Simon Charbonneau. La gestion de l'impossible. Ed.Economica,
Paris, 1992.
17. Rappelons que la cloture des "communaux" et la suppression
du droit de libre paturage des jachères, déjà
dénoncé par Thomas More, a été le point
de départ de la naissance de la rareté en Occident
et la ruine de millions de journaliers agricoles.
18. Garrett Hardin, The Tragedy of the Commons. Science, vol 162,
pp. 1243-1248, l968.
19. Il s'agit d'une création récente originale (1987).
Une organisation (ONG), parfois un Etat (Pays-Bas, Suède),
rachète une partie de la dette d'un Etat en échange
d'une action de protection de l'environnement (création d'un
parc, programme de protection, renonciation à l'implantation
d'une centrale nucléaire ...).
20. Simon Charbonneau. La gestion de l'impossible. op.cit.
21. Cours complet d'économie politique pratique, Bruxelles,
société typographique belge, 1843 (1828), 1ère
partie ch XIII, p. 74.
22. Ce point est bien mis en évidence par Hans Immler dans
ses différents livres. Voir par exemple "Vom Wert der
Natür" Zür ökologischen Reform von Wirschaft
und Gesellschaft, Westdeutscher Verlag, Opladen 1989.
23. Catherine Aubertin et Franck-Dominique Vivien, Les enjeux de
la biodiversité, Economica, Paris, l997.
24. "In Brundtland, ecology is merely a search for managerial
efficiency" Shiv Visvanathan, Mrs Brundtland's Disenchanted
cosmos, Alternatives l6, l99l, p.381.
25. voir Courrier International N°68 - Dernière trouvaille
de la Banque Mondiale : polluer les pays pauvres, 1992, et Michael
Prowse, Financial Times décembre l992.
26. On estimait à 10 millions de tonnes en l992 les exportations
de déchets toxiques au cours des cinq dernières années.
27. Le gouvernement américain donne l'exemple ; il a fait
bénéficier les entreprises confrontées au problème
des normes de pollution de dispositions favorables leur permettant
de localiser à l'étranger les unités polluantes
pour les éviter le coùt des équipements nécessaires.
En ont ainsi profité : Motorola, General instrument, Texas
instrument, Westinghouse, Cincinatti Electric. Voir Jean Masini
et Nayereh Pourdanay, L'apparition des économies en transition
: une exemplarité nouvelle pour les maquiladoras mexicaines,
Mondes en développement, tome 21, l993, n° 84.
28. Bien que la consommation d'énergie ne soit pas le seul
paramètre à prendre en compte, rappellons que la fourchette
extrème pour produire une calorie va de 0,01 calorie pour
l'agriculture archaïque contre 500 pour les formes les plus
modernes. Voir D. et M. Pimentel, compter les kilocalories, Revue
du CERES, N°59, septembre-octobre l977.
* Universitè de Paris Sud, France. E-mail: serge.latouche at
jm.u_psud.fr
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