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La nature, l'écologie et l'économie. Une approche antiutilitariste
Serge Latouche*

Origine : http://www.fsa.ulaval.ca/personnel/VernaG/EH/F/cause/lectures/Lanature_l'%C3%A9cologieetl'%C3%A9conomie.htm

L'anti-utilitarisme, en s'attaquant aux racines de l'économie moderne et de l'économisme, ne peut que rencontrer le souci écologiste du respect de l'environnement. L'élimination de la démesure instituée par un réenchâssement de l'économique dans le social, voire le retour à un certain réenchantement du monde, ne peuvent qu'entrer en résonance avec une certaine écologie. Toutefois, notre redécouverte du politique comme base du commerce social nous préserve de sombrer tant dans la gestion rationnelle de la nature et de l'environnement que dans le respect béat de la sauvagerie mythique.

Dans la production et la satisfaction de nos besoins matériels, selon la vulgate économique (et utilitariste), le plus grand bonheur pour le plus grand nombre serait engendré par la concurrence et l'émulation entre les individus cherchant à maximiser leurs intérêts. Il y aurait une harmonie naturelle de ces intérêts comme si une main invisible avait créé un ordre providentiel. Cette main invisible permettrait d'éliminer les conflits et les antagonismes d'intérêts entre les patrons et les ouvriers, comme entre le Nord et le Sud. Même s'il en était ainsi, cette main invisible permettrait-elle d'éliminer aussi les conflits d'intérêts entre les hommes et la nature ?

On sent qu'à vouloir pousser le bouchon trop loin, les libéraux sapent les bases même de leur propre dogme. L'intégrisme de la religion du marché se heurte là à un obstacle d'autant plus difficile à nier que les faits sont têtus et nous reviennent dans le vécu sous la forme de vaches folles, de changements climatiques et autres pollutions quotidiennes. L'imposture économique doit donc être dénoncée tant dans ses conséquences pratiques sur l'environnement que dans ses impasses théoriques.

I L'élimination pratique de l'environnement

L'environnement, pour l'essentiel, se situe hors de la sphère des échanges marchands. Aucun mécanisme ne s'oppose donc naturellement à sa destruction. La concurrence et le marché qui nous fourniraient notre dîner aux meilleures conditions ont des effets désastreux sur la biosphère. Jean-Baptiste Lamarck notait déjà : "L'homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l'avenir et pour ses semblables, semble travailler à l'anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce" (1).

Rien ne vient limiter le pillage des richesses naturelles dont la gratuité permet d'abaisser les coûts. L'ordre naturel n'a pas plus sauvé le dodo de l'île Maurice ou les baleines bleues que les Fuegiens (habitants de la terre de feu). Seule l'incroyable fécondité naturelle des morues risque de les préserver du sort des baleines ! Et encore si les marées noires ne s'en mèlent pas... Le pillage des fonds marins et des ressources halieutiques semble irréversible. Le gaspillage des minéraux se poursuit de façon irresponsable. Les chercheurs d'or individuels, comme les garimpeiros d'Amazonie ou les grosses sociétés australiennes en Nouvelle Guinée, ne reculent devant rien pour se procurer l'objet de leur convoitise. Or, dans notre système, tout capitaliste, et même tout homo œconomicus, est une espèce de chercheur d'or. Cette exploitation de la nature n'est pas moins violente ni dangereuse quand il s'agit de fourguer nos ordures et nos déchets dans cette même nature-poubelle. Incidemment, notons qu'en France un tiers des transports routiers, qui sont déjà un cauchemar en soi et une source de pollutions multiples, est consacré au déplacement des déchets.

La crise écologique a bel et bien été engendrée par la croissance économique et la poursuite du développement constitue une menace pour la nature et pour les naturels. On connaît les drames de l'Amazonie : incendies sauvages, déforestation sauvage, prospection minière sauvage, mise en valeur sauvage, avec pour conséquences l'extermination des indiens, la disparition des espèces animales et végétales, des dommages immenses causés aux écosystèmes. Des centaines d'espèces végétales et animales disparaissent chaque année sous nos yeux (2) tandis que six millions d'hectares de la forêt amazonienne partent en fumée pour permettre aux grands fazendeiros de faire plus de boeufs et aux petits de survivre (3). Au niveau planétaire ce sont entre 12 et 17 millions d'hectares du poumon de la terre, soit l'équivalent de 1% de la planète ou d'un tiers de la France, qui disparaissent chaque année. A coté des désastres réalisés et irréparables, il y a les dangers qui nous guettent directement, les pollutions globales comme l'effet de serre, la mort des océans, la radioactivité, le couple infernal innondation-sécheresse, sans parler des biotechnologies et du génie génétique. Si on observe quelque ralentissement dans certaines évolutions, comme celle des trous dans la couche d'ozone, sous l'effet des accords internationaux (Le protocole de Montréal de 1987 sur les clhorofluorocarbones), eux-mêmes fruits de la sensibilisation croissante de l'opinion, le nécessaire changement de cap n'est pas encore à l'ordre du jour, loin de là. Les échecs à répétition de ma mise en oeuvre de la convention sur le changement climatique le montrent bien.

La foi dans le progrès et la technologie a supporté le culte du développement dans les années 60. Les économistes ont été les grands prêtres de cette nouvelle religion qui a accompagné l'expansion économique sans précédent de l'Occident. En dépit de l'apparition de quelques hérésies, le dogme reste toujours triomphant, sinon triomphaliste. Le pouvoir d'autoregénération de la nature a été occulté, méprisé, détruit au bénéfice de celui du capital et de la technique. La nature a été réduite à un réservoir de matière inerte et à une poubelle. Aussi, ce ne sont pas les économistes mais les physiciens qui ont attiré l'attention de l'opinion sur les pollutions globales comme l'effet de serre ou les trous dans la couche d'ozone. La science économique et ses prophètes restent dans l'ensemble les chantres de la mondialisation des marchés, laquelle aggrave encore les effets délétères de l'économie sur l'environnement.

Cette mondialisation actuelle est en train de parachever l'oeuvre de destruction de l'oikos planétaire. Ne serait-ce que parce que la concurrence exacerbée pousse les pays du Nord à manipuler la nature de façon incontrôlée et les pays du Sud à en épuiser les ressources non renouvelables. Avec le démantèlement des régulations nationales, il n'y a plus de limite inférieure à la baisse des coûts et au cercle vicieux suicidaire. C'est un véritable jeu de massacre entre les hommes, entre les peuples et au détriment de la nature... Il se trouve même des prix Nobel pour s'en réjouir. Ainsi, l'impayable Gary Becker déclare : "Le droit au travail et la protection de l'environnement sont devenus excessifs dans la plupart des pays développés. Le libre-échange va réprimer certains de ces excès en obligeant chacun à rester concurrentiel" (4). On comprend dès lors toutes les réticences des gouvernements européens à controler les pirates des mers responsables des marées noires récurrentes.

Dans l'agriculture, l'usage intensif d'engrais chimiques, de pesticides, l'irrigation systématique, le recours aux organismes génétiquement modifiés ont pour conséquence la destruction des sols, l'assèchement et l'empoisonnement des nappes phréatiques, la désertification, la dissémination de parasites indésirables, le risque de ravages microbiens. Sans parler du fait que la sélection des espèces les plus rentables engendre une inquiétante réduction des sources de l'alimentation humaine. En France, trois races bovines constituent 98 % du cheptel, une seule variété de pomme, la golden, représente 75 % de l'offre. "Une certitude donc, conclut René Passet : la maladie de l'homme fou se transmet bien à la vache" (5).

Les pays du Sud, pris dans l'étau de la dette, n'ont guère d'autre choix que d'accroître encore plus l'exploitation des ressources naturelles et des sols au détriment de l'environnement. Il s'agit de comprimer d'autant plus les coûts, au mépris de la reconstitution ou de la préservation des équilibres naturels les plus élémentaires, que l'accroissement des exportations déprime les prix et réduisent les recettes. Tous les pays sans doute sont pris dans cette spirale infernale et suicidaire, mais dans le cas du Sud, la survie biologique immédiate étant en jeu, la reproduction des écosystèmes est totalement sacrifiée. Pour exporter des grumes, la forêt tropicale disparaît à grande allure (Cameroun, Indonésie, Papouasie-Nouvelle Guinée) avec comme conséquences annexes une érosion accélérée des sols (comme au Népal) et l'aggravation des inondations (comme celles du Mékong).

Les exemples du cacao, de la pêche ou de la banane mériteraient d'être médités pour éclairer les effets de la mondialisation sur le Sud. Alors que le cours mondial du cacao était au plus bas dans les années quatre vingt, et que les économies du Ghana et de la Côte d'ivoire subissaient de ce fait une crise dramatique, les experts de la Banque Mondiale ne trouvaient rien de mieux que d'encourager et de financer la plantation de milliers d'hectares de cacaoyers en Indonésie, en Malaisie et aux Philippines. En sacrifiant toujours un peu plus la nature et les hommes, on pouvait encore espérer quelques profits sur la misère plus productive des travailleurs de ces pays-là. Pour couronner le tout, les Européens, à Bruxelles, s'alignant sur la seule Angleterre, ont honteusement capitulé devant le lobby des grands chocolatiers. Définissant le chocolat comme un produit pouvant contenir jusqu'à 15% de graisse végétale bon marché (Sans vérification vraiment fiable) autre que du beurre de cacao, ils ont fait perdre à la Côte d'ivoire et au Ghana quelques milliards de plus. Faut-il se scandaliser si dans ces conditions certains planteurs ont arraché leurs plants pour faire du haschich ?

Le long des côtes de l’Afrique, les bateaux-usines et les chalutiers ex-soviétiques, espagnols, bretons, japonais ruinent les systèmes locaux de pêche à la pirogue et contribuent ainsi à affamer l’Afrique à court terme et à détruire son écosystème à long terme. On ne sait pas assez qu'en supprimant le pillage des fonds marins sur les côtes de l'Afrique, on ferait plus pour aider celle-ci, en assurant la survie des pêcheurs traditionnels et l'approvisionnement en poisson, que par toute l'aide alimentaire.

Le cas de la banane est lié au stabex, ce mécanisme de garantie de recettes d'exportation octroyé par les pays du marché commun aux pays A. C. P. (Afrique, Caraïbe, Pacifique). Ce système instauré par les conventions de Lomé (de l à 5) avait été salué un peu hâtivement comme la mise en oeuvre d'un nouvel ordre économique international. Le prix de la banane acheté en Guadeloupe, en Martinique, aux Canaries ou en Afrique Noire permet aux producteurs locaux de survivre (avec bien sûr de grandes inégalités de situation...). Sans être nuls, les résultats ont été médiocres avec certains effets pervers. De toute façon, c'était encore trop pour les intégristes du libre-échange. Poussés par les multinationales nord américaines, comme Chiquita Brands (exUnited Fruit) et Castel & Cooke, qui contrôlent l'essentiel de la production et de la distribution des républiques bananières et des plantations de Colombie, les pays d'Amérique centrale ont traîné l'Europe devant les panels du GATT puis de l'ORD (Organisation de règlement des conflits) l'instance d'arbitrage de l'O.M.C. Ils dénoncent les barrières et entraves au libre jeu du marché. Ils veulent à tout prix accroître leur part de marché grâce aux salaires de misère des ouvriers agricoles, dont des centaines ont succombé à l'emploi inconsidéré de pesticides (contre les nématodes). L'OMC leur a donné raison. "Vous menez la pire des guerres économiques contre un peuple sans défense. Vous emportez nos bananes et vous nous laissez dans la misère, les conflits et la souffrance" a déclaré le président des planteurs de bananes de la petite île de Sainte-Lucie, en commentant le verdict, fustigeant au passage la campagne "diabolique" de l'administration Clinton (6). Évidemment, les Allemands, gros consommateurs, qui rechignaient à payer leurs bananes un peu plus cher que celles de Colombie n'ont pas été des alliés à toute épreuve dans cette affaire. A Jacques Chirac reprochant cette trahison à son ami Kohl, et dénonçant les conditions "pire encore que l'esclavage" de la production sur les plantations américaines, le chancelier allemand a répliqué : "La morale est une chose, les affaires en sont une autre" (7). Tout est là, en effet ; les affaires ne se soucient pas de l'environnement, sauf à exploiter les niches rentables créées par les législations protectrices que la pression de l'opinion publique réussit parfois à imposer. Les industriels de l'écologie, dont Bouyghes avec la SAUR ou Vivendi sont de bons représentants, ne manquent jamais une occasion de souligner la compatibilité fondamentale des intérêts biens compris de l'environnement et des affaires...

Légitimée par la théorie économique, la mondialisation réalise de fait la plus superbe ignorance de la nature sinon pour l'exploiter sans limite.

II L'impossible prise en compte théorique.

La science économique a très largement cautionné les dégâts provoqués par la vie économique. Inconsciente hier, elle a éliminé progressivement mais radicalement la nature, en accord avec la foi de la modernité dans le destin de l'homme d'en devenir "maître et dominateur", et convaincue qu'elle était inépuisable. Forcée d'en voir aujourd'hui les limites, elle s'avère impuissante à l'intégrer pleinement dans son mode de raisonnement.

Les rapports entre l'économie et l'écologie se nouent ainsi sous le signe du paradoxe. Dans leur sens étymologique, les deux mots sont, en effet, quasiment synonymes. Tous deux sont issus de l'oikos (la maison, le patrimoine, la niche), ce qui est de bon augure. On sait pourtant que les écologistes conséquents sont devenus les plus farouches critiques de l'économie comme théorie (Marx lui-même ne trouve pas grâce à leurs yeux) et les plus violents adversaires de l'économie comme pratique. C'est que, en intitulant en l6l5 , "Traité d'économie politique" ce qu'Aristote eût dénommé avec horreur "La science de l'accumulation nationale" ou Chrématistique, Antoine de Montchrétien a embrouillé durablement l'affaire. Cette désignation d'une chose par son contraire n'était peut-être pas innocente et explique le succès et la persistance du malentendu...

L'économie politique des Mercantilistes et des Physiocrates accorde cependant à la nature une place centrale. "Le travail est le père et la nature est la mère de la valeur" dit William Petty. Le docteur François Quesnay et ses disciples mettent la terre et les forces naturelles au centre de leur analyse. La fécondité naturelle est la source du produit net et le point de départ du circuit de la richesse. Malheureusement, confondant fécondité naturelle et productivité de l'activité humaine, les Physiocrates échouent à rendre compte de la part qui revient à la nature à côté de celle qui revient au travail. Au lieu d'inscrire l'économique dans la biosphère et d'étudier les contraintes que cette dernière fait peser sur celui-là, ils poseront définitivement l'autonomie de la sphère économique en la pensant abusivement comme un organisme naturel.

La science économique des classiques sera certes encore naturaliste. La nature qu'ils se sont donnée est même plus contraignante que celle des écologistes contemporains. Toutefois, elle est construite par l'économie capitaliste comme une mère avare. La rareté occupe, en effet, une place centrale dans le dispositif économique. Seulement, cette nature hostile est dénuée de valeur. L'avarice de la nature ne porte pas tant sur les limites des matières premières que sur la nécessité de leur transformation par un travail pénible. La rareté des "utilités" marchandes se combine ainsi à l'abondance des ressources brutes. La nature est hors de l'économie. En adoptant le modèle de la mécanique classique newtonienne, l'économie exclut l'irréversibilité du temps. Les modèles économiques se passent dans un temps mécanique et réversible. Ils ignorent l'entropie, c'est-à-dire la non réversibilité des transformations de l'énergie et de la matière. Toute référence à un quelconque substrat biophysique ayant disparu, la production économique telle qu'elle est conçue par la plupart des théoriciens néoclassiques, ne semble confrontée à aucune limite écologique (8). La conséquence en est un gaspillage inconscient des ressources rares disponibles et une sous-utilisation du flux d'énergie solaire abondant. Comme le note Nicholas Georgescu Roegen, les déchets et la pollution, pourtant produits par l'activité économique n'entrent pas dans les fonctions de production standard. Ainsi, rien ne s'oppose plus à la réalisation par la technique et l'économie du programme de la modernité de maîtrise et d'exploitation totale de l'univers.

Certes, la poussée écologique a obligé les économistes à un aggiornamento de leur discipline et à inclure l'impact de l'environnement dans leurs modèles. L'économie écologique prétend ainsi prendre en compte la nature. Seulement, l'économie écologique est loin de remettre en question la logique marchande qui est la source véritable de la négation de la nature. La dette à l'égard de la nature et la troublante et mystérieuse solidarité des espèces, en particulier, sont réduits à des dispositifs techniques permettant la transformation de l'environnement en quasi-marchandises Il en résulte que cette économie écologique est très largement mystificatrice, et le développement durable qui en découle est une imposture (9).

La tendance dominante dans l'économie standard à considérer le capital naturel comme totalement ou au moins largement substituable aboutit à évacuer de facto le problème. L'enquête menée par Carla Ravaioli auprès des trente cinq plus grands économistes de la planète, est révélatrice de l'extraordinaire cécité de la profession (10). L'expert ignore l'environnement et ne s'en sent pas responsable ! Pour Wilfrid Beckerman, économiste adversaire résolu de l'écologie, "le problème de la pollution de l'environnement n'est qu'une simple question de correction d'un léger défaut d'allocation de ressources au moyen de redevances de pollution" (11). "Le système des prix et le progrès technique assurent les économistes, doivent ainsi permettre des prises de relais entre les ressources et la poursuite de la croissance économique dans un univers physique pourtant limité" (12). Seulement, la croyance en l'inépuisabilité des ressources naturelles sur laquelle reposait le modèle industriel de développement soutenu par les économistes s'est effondrée, tandis que les sous-produits délétères de l'activité économique menacent la survie même de notre espèce. Quel que soit l'arbitraire des évaluations faites dans les comptabilités écologiques, on ne peut plus ignorer que le massacre de la nature limite sérieusement les bienfaits du développement. En l'absence d'évaluation, on aboutit à des absurdités. Comme le note Robert Repetto, "un pays pourrait épuiser ses ressources minérales, couper ses forêts, éroder ses sols, polluer ses nappes phréatiques, conduire sa faune sauvage à l'extinction, la disparition de ce capital n'affecterait pas son revenu mesuré" (13). C'est en gros le cas de l'Indonésie dont la croissance annuelle du PIB entre 1971 et 1984 devrait être ramenée de 7 à 4 % si l'on tenait compte de la perte la plus visible du capital naturel (14).

Il a donc fallu tenter d'inclure la nature et l'environnement dans la "rationalité économique", et en particulier dans le modèle d'équilibre général de Walras et celui de l'optimum de Pareto. Cette prise en compte se pose principalement à deux niveaux : celui de l'épuisement des ressources et celui des pollutions. Les deux supposent des traitements raffinés : modèles à soutenabilité forte ou faible pour le premier, internalisation des effets externes pour le second. L'intégration du problème des ressources non renouvelables, a été inaugurée par Hotelling en 1931 et a trouvé plus récemment son aboutissement avec la règle de compensation énoncée par Harwick en l977. Il s'agit d'assurer l'équité entre les générations actuelles et futures. Les rentes prélevées au fur et à mesure de l'épuisement des ressources, qui sont égales à la différence entre le prix de marché et le coût marginal des dites ressources, devraient être réinvesties pour produire un capital de substitution au capital naturel détruit. Ces rentes croissant de période en période d'un taux égal au taux d'actualisation, il n'y aurait aucun avantage à reporter d'une période sur l'autre l'utilisation de la ressource. Il est en effet, en théorie, indifférent de placer au taux d'actualisation r les bénéfices provenant de la vente d'une unité de la ressource (par exemple du pétrole) ou bien d'attendre la période suivante pour l'exploiter sachant qu'elle rapportera alors un bénéfice augmenté d'un taux r. On reste dans l'idée que le capital artificiel peut se substituer au patrimoine naturel, simplement, il convient de lui donner un prix pour assurer la reconstitution de son équivalent. A partir de là, les économistes divergent sur le degré de substituabilité à accorder et donc sur les exigences à imposer à l'économie. Si l'on considère le capital naturel et le capital artificiel comme totalement substituables, la soutenabilité est dite "faible" ; si on les considère comme complémentaires, la soutenabilité est dite forte. Mais est-il légitime de considérer la nature comme un capital ? En toute rigueur, la valeur des ressources naturelles est inestimable en termes économiques. Si ces ressources sont une condition de la survie humaine, elles n'ont pas de prix au sens propre. Leur prix ne peut qu'être infini. Ce ne sont donc pas les ressources en tant que telles dont les économistes s'occupent mais, dans le meilleur des cas, de la valeur économique créée ou détruite dans le cours de leur exploitation.

Pour les pollutions, les économistes doivent s'efforcer de donner un prix aux atteintes à l'environnement, c'est-à-dire traduire celles-ci en termes monétaires. Cette introduction a été réalisée, avec le concept de coût externe ou "déséconomie externe" défini par l'économiste britannique Arthur Cecil Pigou dans les années l920. Il s'agit d'un coût social engendré par l'activité d'un agent mais qui n'est pas supporté par lui. Les exemples abondent : L'usine qui pollue une rivière, obligeant les utilisateurs en aval à épurer l'eau pour s'en servir ou toute autre nuisance. Symétriquement, il y a des économies externes ou externalité positives. Malheureusement, ces dernières ont tendance à se raréfier avec le développement tandis que croissent les premières de façon inquiétante. Ainsi, l'entretien de la nature et des paysages assumé gratuitement pendant des siècles par la paysannerie doit désormais être financé de multiples façons (protection contre les feux de forêts, les glissements de terrain, les inondations, etc.), comme le retour à la plantation de haies vives ou la réintroduction de la transhumance des troupeaux, etc.

La prise en compte des externalités négatives par les économistes est une bonne chose, mais le concept même indique bien qu'il s'agit de nuisances qui sont normalement ignorées par la logique marchande. La mise en oeuvre des réparations ne résulte pas du jeu normal des forces économiques, il faut une intervention extérieure, c'est-à-dire le plus souvent de l'État. Or, par ces temps de mondialisation libérale, sous l'empire de la pensée unique, les grands de ce monde y sont peu favorables. Les deux modalités proposées de l'internalisation des externalités sont, en effet, la tarification et l'émission de droits à polluer. Dans le premier cas, il se pose deux problèmes celui de l'évaluation monétaire des dommages et celui de l'exécution des mesures. D'abord, il est difficile de prendre en considération ces effets avant que le tort ne se soit manifesté, or les dégâts peuvent être irréparables. Il en est ainsi dans les cas des disparitions de variétés végétales, animales et ... humaines, voire même avec la pollution nucléaire vu les délais de décontamination. Il faut donc avoir recours à des prix "fictifs" correspondant au coût marginal des mesures de protection ou de reconstitution. On tente alors de définir une valeur économique de la nature comme la somme des valeurs liées à son usage effectif ou potentiel (valeur d'option, de quasi-option, de legs, d'existence ou écologique) (15). Ainsi, une équipe d'économistes au prix d'un effort gigantesque a évalué en l997, l'apport annuel de la nature à un montant situé entre 16 000 et 54 000 milliards de $ 94, à partir du montant que les populations sont prêtes à payer pour la conserver (consentement à payer). Il s'agit là de chiffres astronomiques qui remettent en cause toute croissance... Toutefois, que peuvent signifier de tels chiffres qui additionnent l'éthique, l'esthétique et l'économique à partir des seules activités économiques ayant la nature pour support ?

En face des dommages difficilement réparables, il n'y a que la prévention. Celle-ci repose sur la notion d'acceptabilité des risques. Mais à quelles conditions, se demande Simon Charbonneau, un risque technique pourra-t-il être réputé acceptable ? (16). On connaît le difficile débat sur l'amiante. Même des doses infimes peuvent être cancérigènes. Le coût de la réparation d'un dommage ou, symétriquement, le coût pour éviter ce dommage, sont difficiles à évaluer et les experts jouent avec les millions de dollars quand on parle de l'effet de serre, des trous dans la couche d'ozone, de la destruction de la biodiversité. On ne connaît pas encore à combien se monte la facture de Tchernobyl ! Le problème devient clairment un problème politique et pas seulement de politique, mais on se garde bien d'en débattre sur la place publique.

Comme une logique unique est supposée gouverner la totalité du réel, on croît ou on fait mine de croîre que les mécanismes du marché sont capables de résoudre les problèmes des atteintes à l'environnement. Les économistes partisans du tout-marché en sont presque à déplorer l'existence des ressources naturelles, et de biens communs. Confondant propriété collective et absence de propriété, ils ont réussi le tour de force de renverser les leçons de l'histoire des enclosures (17). C'est ce qu'ils ont appelé "la tragédie des commons" (18). Logiques jusqu'à l'absurde, les libertariens souhaitent que toutes les ressources naturelles aient des propriétaires identifiables et responsables. Le consentement à payer, c'est-à-dire le prix maximum qu'un agent est disposé à payer pour continuer à jouir d'un bien environnemental, et le consentement à recevoir, c'est à dire la somme symétrique pour qu'il y renonce, résoudraient la question. Selon Ronald Coase, l'internalisation des effets externes, c'est-à-dire leur prise en compte par les agents, pourrait être obtenue sans intervention de l'État autre que l'établissement de droits de propriété et par la seule négociation marchande entre les pollués et les pollueurs quelle que soit la répartition initiale des droits entre eux. C'est sur cette base que pour éliminer l'essence au plomb et limiter les émissions de dioxyde de soufre, les États-Unis ont créé en l974 des marchés de droits à polluer. Toutefois, comme on n'a pas osé attribuer la propriété de l'air nommément aux industriels, le système fonctionne grâce aux sanctions pénales en cas de dépassement des normes fixées par l'État.

Le recours aux normes et au débat politique est donc inévitable. Seulement, se pose le problème de leur application. Les instruments ne manquent pas : fiscalité, péage, subventions ou même échanges dette-nature (19). Toutefois, les taxes sur la pollution ou même les amendes comme celles sur les émissions de fumées toxiques risquent de se transformer finalement en véritables "droits de polluer", les entreprises préférant payer les pénalités plutôt que de faire les investissements nécessaires.

On constate encore une fois que la logique économique ne va pas dans le sens d'une approche positive des rapports de l'activité humaine vis-à-vis de l'environnement. "Quand, par exemple, interroge Simon Charbonneau, a-t-on entendu poser préalablement à une décision d'implantation, une question comme celle-ci : "La construction de telle usine de dérivés azotés représente-t-elle un intérêt collectif compte tenu et de la contamination croissante des milieux naturels et de l'existence d'excédents agricoles ?" (20). Le Droit de l'environnement de son côté pêche à la fois par son laxisme dans des domaines importants et par son abondance tatillonne et sa complexité dans d'autres. Tout cela le rend inefficace et hors de portée du contrôle des citoyens. Ainsi, en France, la réglementation du transport des matières dangereuses comprenait déjà à elle seule 7000 pages en l992 !

Finalement, pour la plupart des économistes, la nature n'étant pas structurée conformément aux lois du marché peut et doit être pillée et détruite pour être éventuellement reconstruite et fabriquée par l'homme conformément à ces lois. Alors, l'offre de "nature" artificielle (eau synthétique, air en bouteille, semence transgéniques, espèces animales génétiquement modifiées et nourries en usine, etc.) sera payée à son juste prix et engendrera des profits légitimes pour ses producteurs, et non plus des rentes abusives pour des indigènes oisifs qui en étaient les gardiens de fait. Jean-Baptiste Say déjà l'avait bien dit : "Les seules espèces animales qui survivront seront celle que l'industrie multipliera" (21). Déjà, à Manhattan, comme le remarque Jacques Prades, dans les cafés bruyants où vocifèrent les juke-box, le silence peut s'acheter pour un dollar contre une cassette vierge de trois minutes. Dans les carrefours pollués des plus grandes avenues de Mexico, l'air dans les masques à oxygène s'échange contre quelques pièces. Cet achat du silence et de l'air, après l'eau en bouteille, la vente d'organe et la location d'utérus illustrent la transformation de la planète en un vaste supermarché. Pourtant, la matière première de toutes ces manipulations reste encore un insupportable don de la nature, doté de propriétés naturelles non produites par la technoscience et le marché (22)... La disparition des espèces sauvages ne mettra pas fin à la biopiraterie et aux comportements prédateurs. Là est le paradoxe auquel se heurtent les trusts agro-alimentaires et pharmaceutiques dans leur entreprise de colonisation intégrale du vivant. Ils détruisent la biodiversité en ne développant et ne propageant que les gènes utiles (et si possible fabriqués en laboratoire), mais ils ont besoin d'accéder au stock disponible, voire même de le protéger, pour trouver leur indispensable matière première (23). On peut, certes, voir là une limite naturelle à la prédation, mais celle-ci n'interviendra-t-elle pas trop tard ? Quelle garantie a-t-on que l'on réalise l'optimum ?

Saisie par l'économie, la crise de l'environnement aboutit ainsi à renforcer le productivisme de la société technicienne. La brochure publiée par l'ONU pour le sommet de la planète terre de Rio 1992 parle de gérer l'environnement par des "techniques écologiquement rationnelles" (24). La divulgation au même moment de la note interne de l'éminent expert de la Banque Mondiale, Lawrence Summers, vient à point pour donner une illustration prémonitoire de ce que les libéraux entendent par soutenabilité avec "substituabilité forte" dans l'optique du développement durable (25). Cet économiste distingué (devenu depuis sous-secrétaire d'état au Trésor) préconise une migration des industries polluantes vers les pays les moins avancés. Cela résulte d'un calcul économique implacable. Les coûts de la dépollution sont beaucoup plus faibles au Sud compte tenu des salaires. Les coûts de la pollution y sont aussi très inférieurs parce que le degré de pollution y est moindre : "Les pays sous-peuplés d'Afrique, lit-on dans le rapport, sont largement sous-pollués ; la qualité de l'air y est probablement d'un niveau inutilement élevé par rapport à Los Angeles ou Mexico" (souligné par nous). En outre, le prix de la vie humaine (calculé par des indices économiques, espérance de vie et salaires), en cas de catastrophes, y est très nettement plus bas. La vie d'un anglais vaut davantage que celle de cent indiens. A cela s'ajoute que l'exigence d'un environnement propre croît avec le niveau de vie. "On se préoccupera évidemment beaucoup plus d'un facteur qui augmente de manière infinitésimale les risques de cancer de la prostate dans un pays où les gens vivent assez longtemps pour avoir cette maladie, que dans un autre où deux cents enfants sur mille meurent avant l'âge de cinq ans". Cette exportation massive de la pollution vers le Sud stimulera son développement (26). L'argumentation est imparable. Mieux vaut vivre pollué que de mourir d'inanition ! Quand on rationalise l'écologie, c'est nécessairement l'économie qui impose sa loi (27).

Conclusion

En prétendant qu'une humanité, composée d'atomes individuels mus par leurs seuls intérêts égoïstes et s'attribuant tous les droits sur la nature et les autres espèces vivantes devait atteindre le plus grand bonheur pour le plus grand nombre, sous l'effet d'une "main invisible", la science économique a soutenu et encouragé la plus extraordinaire entreprise de destruction de la planète. En mettant en oeuvre ce programme et en se lançant dans une accumulation illimitée, stimulée par une compétition sans frein, l'économie marchande et capitaliste, désormais totalement mondialisée, s'évertue à éliminer tout souci de l'oikos, toute forme environnementale ou culturelle qui échapperait à la marchandisation et à la logique du profit.

Il y a fort heureusement de plus en plus d'économistes écologistes, mais force est de reconnaître que la science économique dans son essence, par son histoire et sa logique ignore superbement la nature et que le système économique demeure hostile à l'environnement. Ce n'est que sous la pression constante de l'opinion que des interventions ont lieu et que les experts et les théoriciens consentent à prendre en compte marginalement le fait que le marché se déroule dans une biosphère. L'intégration dans le calcul économique des éléments de l'environnement comptabilisés artificiellement ne modifie pas la nature du développement ni la logique de la modernité. Il est bien, par exemple, de tenir compte du rendement en calories de l'agriculture et de réduire le gaspillage d'énergie fossile (28). La prise en compte de ces données ne change pas la recherche obsessionnelle de maximisation des rendements et des profits ni la réduction du social à un objet de calcul. C'est par la fuite en avant dans la technique que l'on pense résoudre les problèmes posés par le système technicien. La pression pour contourner l'impératif écologique est permanente. On peut se demander si le politique sera toujours en mesure dans l'avenir de jouer son rôle nécessaire pour la contrebalancer.

Face à la corruption marchande et technique du politique, il est plus que jamais nécessaire de restaurer la délibération démocratique à tous les niveaux, du local au global et en revenir à une forme renouvelée de la raison raisonnable. Autrement dit, il devient urgent que les hommes, redevenus citoyens, reprennent en main la question de leur survie, dès lors que celle-ci est de plus en plus menacée par le jeu de mécanismes pseudo-rationnels garantis par des arguments pseudo-scientifiques.


Notes

1. Système analytique des connaissances positives de l'homme, 1820 cité par Passet René, L'illusion néo-libérale. Fayard2000, p. 56.

2. Selon le rapport de la Banque Mondiale l992 (p.63-64) : "Le taux d'extinction des espèces est très largement supérieur de 5O à lOOO fois à ce que serait un taux naturel en l'absence de toute influence humaine. Il disparaîtrait une ou deux espèces par jour, en moyenne, mais des centaines de milliers d'espèces restent à découvrir."

3. Patrice van Eersel - Le Brésil déchiré par l'écologie - Actuel n°12, 3 décembre 1991. Si ces chiffres qui traînent partout et qui sont très approximatifs ne permettent pas de cerner la réalité d'une menace comme l'effet de serre qui résulte de causes infiniment complexes et controversées, ils donnent une mesure de notre insouciance.

4. cité Passet, op. cit. p. 148

5. Passet René, L'illusion néo-libérale. Fayard2000, p. 170.

6. Janette Habel, L'OMC, ou la déraison du plus fort, le Monde du 23. O5. 97.

7. "Mangez des bananes !" le Canard enchaîné du 23 août l995.

8. Frank-Dominique Vivien, Économie et écologie, La découverte, col. repères, 1995, p. 43.

9. Nous ne reviendrons pas sur ce dernier sujet, longuement abordé dans "Le développement durable, un concept alibi" N° 137 de la revue Tiers-Monde, Janvier-mars 1994, repris dans La Mégamachine. Raison techno-scientifique, raison économique et mythe du progrès, La découverte/MAUSS, Paris, 1995.

10. Carla Ravaioli, Il planeta degli economisti, ovvero l'économia contro il pianeta, ISESI, l992.

11. cité par Vivien, p. 58. Beckerman, en l972, taxa le rapport Meadows, "Les limites de la croissance" dans un article intitulé "Les limites au malentendu" de "échantillon effronté et impudent de non-sens émanant d'une équipe d'hurluberlus du MIT". Georgescu-Roegen Nicholas - La décroissance. Entropie - Ecologie - Economie. Présentation et traduction de Jacques Grinevald et Ivo Rens. Sang de la terre, Paris l995. P. l03.

12. Vivien, op. cit. p. 74.

13. Robert Repetto - et al.- Wasting assets - (WRI), Washington 1989

14. Robert Repetto , Op.Cit.

15. La valeur d'option est celle que pourrait avoir un bien naturel inutilisé aujourd'hui lors d'une utilisation future. La valeur de quasi-option est celle dont la société bénéfiera grâce à la collecte d'informations nouvelles lorsque la consommation d'un bien naturel est différée. La valeur de legs est liée au désir de transmettre un élément du patrimoine naturel aux générations futures. La valeur d'existence est celle qu'on peut attribuer à la nature en dehors de toute utilisation. La valeur écologique est celle attribuée à la préservation des ecosystèmes. Voir, Jean-Marie Harribey, La prise en compte des ressources naturelles et de l'environnement dans le modèle néoclassique d'équilibre général : éléments de critique. Economie et Sociétés, Série F, n° 35, 4/l997.

16. Simon Charbonneau. La gestion de l'impossible. Ed.Economica, Paris, 1992.

17. Rappelons que la cloture des "communaux" et la suppression du droit de libre paturage des jachères, déjà dénoncé par Thomas More, a été le point de départ de la naissance de la rareté en Occident et la ruine de millions de journaliers agricoles.

18. Garrett Hardin, The Tragedy of the Commons. Science, vol 162, pp. 1243-1248, l968.

19. Il s'agit d'une création récente originale (1987). Une organisation (ONG), parfois un Etat (Pays-Bas, Suède), rachète une partie de la dette d'un Etat en échange d'une action de protection de l'environnement (création d'un parc, programme de protection, renonciation à l'implantation d'une centrale nucléaire ...).

20. Simon Charbonneau. La gestion de l'impossible. op.cit.

21. Cours complet d'économie politique pratique, Bruxelles, société typographique belge, 1843 (1828), 1ère partie ch XIII, p. 74.

22. Ce point est bien mis en évidence par Hans Immler dans ses différents livres. Voir par exemple "Vom Wert der Natür" Zür ökologischen Reform von Wirschaft und Gesellschaft, Westdeutscher Verlag, Opladen 1989.

23. Catherine Aubertin et Franck-Dominique Vivien, Les enjeux de la biodiversité, Economica, Paris, l997.

24. "In Brundtland, ecology is merely a search for managerial efficiency" Shiv Visvanathan, Mrs Brundtland's Disenchanted cosmos, Alternatives l6, l99l, p.381.

25. voir Courrier International N°68 - Dernière trouvaille de la Banque Mondiale : polluer les pays pauvres, 1992, et Michael Prowse, Financial Times décembre l992.

26. On estimait à 10 millions de tonnes en l992 les exportations de déchets toxiques au cours des cinq dernières années.

27. Le gouvernement américain donne l'exemple ; il a fait bénéficier les entreprises confrontées au problème des normes de pollution de dispositions favorables leur permettant de localiser à l'étranger les unités polluantes pour les éviter le coùt des équipements nécessaires. En ont ainsi profité : Motorola, General instrument, Texas instrument, Westinghouse, Cincinatti Electric. Voir Jean Masini et Nayereh Pourdanay, L'apparition des économies en transition : une exemplarité nouvelle pour les maquiladoras mexicaines, Mondes en développement, tome 21, l993, n° 84.

28. Bien que la consommation d'énergie ne soit pas le seul paramètre à prendre en compte, rappellons que la fourchette extrème pour produire une calorie va de 0,01 calorie pour l'agriculture archaïque contre 500 pour les formes les plus modernes. Voir D. et M. Pimentel, compter les kilocalories, Revue du CERES, N°59, septembre-octobre l977.



* Universitè de Paris Sud, France. E-mail: serge.latouche at jm.u_psud.fr