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Origine : http://www.decroissance.info/Les-illusions-de-la-techno
« Ce qui est ici en question est la critique du projet technicien
qui caractèrise la société industrielle. J’entends
par là la volonté de remplacer le tissu social, les liens
de solidarité qui constituent la trame d’une société,
par une fabrication ; le projet inédit de produire les relations
des hommes à leurs voisins et à leur monde comme on produit
des automobiles ou des fibres de verre. L’autoroute, le rein artificiel
et l’Internet ne sont pas seulement des objets ou des systèmes
techniques ; ils trahissent un certain type de rapport instrumental à
l’espace, à la mort et au sens. C’est ce rapport instrumental,
le rêve de maîtrise qu’il recouvre que la critique se
doit d’analyser pour en mesurer les effets délétères
».
Jean-Pierre Dupuy [2]
En 1994, lorsque j’écrivais La Mégamachine, les biotechnologies
commençaient tout juste à se répandre et les semences
transgéniques n’étaient pas encore l’objet d’un
débat passionné, le clonage restait du domaine de la science
fiction, les nanotechnologies étaient toujours dans les limbes
et les rues françaises étaient libres de téléphones
portables et de leur incivilité congénitale... Pourtant,
15 ans après, sauf quelques détails, je n’ai rien
trouvé à y changer. Il y a là un paradoxe. L’extraordinaire
dialogue entre Theuth, le dieu ibis inventeur du nombre, du calcul, de
la géométrie et de l’astronomie « sans parler
du trictrac et des dès » mais surtout de l’écriture
et le roi Thamous, tel qu’il est rapporté dans le Phèdre
de Platon, nous permet de le comprendre.
« Voilà, dit Theuth en présentant l’invention
de l’écriture, Ô roi, qui procurera aux Egyptiens plus
de science et plus de souvenirs ; car le défaut de mémoire
et le manque de science ont trouvé leur remède !" A
quoi le roi répondit : "O Theuth, découvreur d’arts
sans rival, autre est celui qui est capable de mettre au jour les procédés
d’un art, autre celui qui l’est, d’apprécier
quel en est le lot de dommage ou d’utilité pour les hommes
appelés à s’en servir ! Et voilà maintenant
que toi, en ta qualité de père des lettres de l’écriture,
tu te plais à doter ton enfant d’un pouvoir contraire de
celui qu’il possède. Car cette invention, en dispensant les
hommes d’exercer leur mémoire, produira l’oubli dans
l’âme de ceux qui en auront acquis la connaissance ; en tant
que, confiants dans l’écriture, ils chercheront au dehors,
grâce à des caractères étrangers, non point
au dedans et grâce à eux-mêmes, le moyen de se ressouvenir
; en conséquence, ce n’est pas pour la mémoire, c’est
plutôt pour la procédure du ressouvenir que tu as trouvé
un remède. Quant à la science, c’en est l’illusion,
non la réalité, que tu procures à tes élèves
: lorsqu’en effet, avec toi, ils auront réussi, sans enseignement,
à se pourvoir d’une information abondante, ils se croiront
compétents en une quantité de choses, alors qu’ils
sont, dans la plupart, incompétents ; insupportables en outre dans
leur commerce, parce que, au lieu d’être savants, c’est
savants d’illusion qu’ils seront devenus ! » [3]. Les
réflexions du roi ressemblent étrangement à celles
faites de nos jours par le théologien Ivan Illich, quand celui-ci,
par exemple, dénonce "La condition "humaine" actuelle,
dans laquelle toutes les technologies deviennent si envahissantes qu’on
ne saurait plus trouver de joie que dans ce que j’appellerais un
techno-jeune" [4]. S’appuyant sur Jacques Ellul, il développe
le thème de l’humiliation de l’homme par la technique.
« Nos pieds, dit Illich, qui nous avaient été donnés
pour accomplir notre pèlerinage sur terre sont atrophiés
au point de ne plus servir que d’outils pour pousser les freins
ou l’accélérateur ». La technique nous transforme
ainsi en outil de son propre développement. C’est la mise
en « dis-valeur » de l’homme, corollaire de la mise
en valeur/destruction de la nature.
Même si la société grecque de Platon ignorait tout
autant la société technicienne que celle d’Aristote
la société de marché, qu’elle n’était
ni capitaliste, ni thermo-industrielle, les deux grands philosophes avaient
mis le doigt sur quelque chose d’essentiel dans les dimensions marchandes
et techniciennes de ce que serait la modernité. Si le texte de
Platon (pas plus que celui d’Aristote sur la chrématistique)
n’a vieilli c’est qu’il ne s’agit pas de textes
techniques de technique ou d’économie, mais d’une réflexion
philosophique sur la technique et l’économie Si le monde
de Platon et d’Aristote est à des années-lumière
de celui de G. W. Bush, les questions que soulèvent ces penseurs
restent les nôtres pour l’essentiel, et au niveau philosophique,
ils sont encore nos contemporains. En ce qui concerne l’univers
des techniques, les mythes, relayés par les utopies, puis la science-fiction
ont déjà exploré depuis fort longtemps de multiples
aspects de la mégamachine en voie de réalisation et que
j’ai appelé "Occident". L’Occident, en effet,
aujourd’hui nous apparaît comme une machine vivante, mi-mécanisme
mi-organisme, dont les rouages sont des hommes et qui, pourtant, autonome
par rapport à eux dont elle tire force et vie, se meut dans le
temps et l’espace suivant son humeur propre. Ce qui n’éxistait
pas encore il y a dix ou quinze ans, était déjà prévisible
et contenu en puissance. Les mises en garde sur les bricolages du vivant
et la fabrication de cybernanthropes ou sur la perte des libertés
par les controles techniques restent d’actualité plus que
jamais puisque les dangers n’ont fait que se renforcer. Si les exemples
se renouvelent, les logiques demeurent inchangées. Il en est ainsi
parce que nous nous situons sur un plan où le progrès n’existe
pas [5].
Ainsi, les analyses de "La mégamachine" de 1994 et de
"L’occidentalisation du monde" de 1989, semblent pour
l’essentiel pouvoir être reprises sans changement en 2005.
La récente publication dans la collection du MAUSS, du savant ouvrage
d’Andrew Feenberg, "(Re)penser la technique" nous donne
l’occasion de faire le point sur la possibilité de "rénover"
la modernité par l’apport des nouvelles technologies, en
particulier sur le projet de la démocratie, et de tester ainsi
la validité des annalyses de Jacques Ellul et d’Ivan Illich
[6].
I - Peut-on rénover la modernité technicienne ?
La mégamachine, autrement dit l’Occident, déjà
défini dans "L’occidentalisation du monde", comme
mégamachine anonyme, n’est autre que la grande société,
le monde des gagnants de "La planète". Si le technique
y occupe une place centrale, cela tient surtout au fait qu’il est
la forme en laquelle s’incarne le mieux l’imaginaire du progrès
et que celui-ci joue un rôle structurant dans la modernité.
Ellul dénonçait un totalitarisme technicien conduisant à
une société totalitaire. La société technicienne
est poussée certainement à s’enfermer totalement sur
elle-même ; tout problème étant technique, ne peut
trouver de solution que technique. Ainsi, la pollution engendrée
par la technique réclame plus de technique pour résoudre
les problèmes qu’elle pose. On songe, par exemple, à
créer des bactéries nouvelles ou autres xénoorganismes
pour dévorer ou recycler les déchets et les scories du technocosme.
La technique engendre des situations telles qu’il parait bien impossible
de s’en sortir sans recourir à encore plus de technique.
Internet participe peut-être des solutions techniques à la
destruction du lien social due à la société technicienne
et contribue à remédier à la "solitude de l’homme
moderne" en permettant à des déracinés d’entrer
dans des communautés virtuelles et de s’éclater dans
le deuxième monde du cyberespace...
Toutefois, faire pour cela d’Ellul un technophobe et un représentant
de "l’essentialisme de la technique" montre de la part
de Feenberg (mais aussi de beaucoup de critiques), une certaine incompréhension.
En particulier, ce reproche témoigne de la méconnaissance
de la distinction, capitale chez lui, entre "La technique",
c’est-à-dire le système technicien, qui correspond
à la modernité, avec "les techniques". Comme le
souligne justement Ivan Illich, qui se considère comme un disciple
du maitre, le premier apport de jacques Ellul "c’est l’impossibilité
de comparer la technique moderne et ses terrifiantes conséquences
avec la culture matérielle d’une autre société
quelle qu’elle soit" [7]. Affirmer qu’il y a "une
essence de la technique, et une seule, et qu’elle est responsable
des problèmes principaux de la civilisation moderne" vaut
peut-être pour Heidegger, mais pas pour l’auteur du système
technicien, même si le rôle totalitaire attribué à
celui-ci reste discutable. L’idée maitresse de Feenberg est
que "le développement technique est un processus social et
il ne peut se comprendre qu’en tant que tel" [8]. "J’affirme
(...) que les technologies ne sont pas des dispositifs physiques que l’on
peut extraire de valeurs sociales contingentes.
La technique incorpore toujours le social dans sa structure" [9].
Certes, mais Ellul ne dit pas autre chose et nous le suivons aussi totalement
sur ce point. Paradoxalement, Feenberg lui-même n’échappe
pas à un certain "substantialisme" de la technique qui
constitue pourtant sa bête noire. Ainsi la phrase finale du livre,
"Dans cet avenir, la technique ne sera pas un destin qu’il
faut accepter ou rejeter, mais un défi à la créativité
politique et sociale", attribue à une technique "essentielle"
un rôle clef même si nous entendons bien que pour lui, elle
"soit replacée dans le cadre du mouvement démocratique
de l’histoire". Ellul, certes, dans certaines formulations,
n’y échappe pas non plus (et nous-même aussi très
probablement), tant il est vrai qu’il est difficile d’échapper
à certaines manières de parler héritées. Plus,
"notre" Mauss qui, presque seul entre tous, y a échappé
en ce qui concerne l’économie, assumant un nominalisme/culturalisme
sans faille, succombe au mirage du "primat du technique (...) indépendant
et cause". C’est qu’il voit dans les techniques "un
compromis entre la nature et l’humanité" [10]. Autrement
dit, un invariant universel et transhistorique. Et pourtant, nous ne pouvons
que souscrire pour l’essentiel à l’analyse critique
du substantialisme à laquelle procède Feenberg. "Le
substantialisme identifie la technique en général avec la
technique occidentale moderne. Dans les techniques modernes, il y a assurément
des réussites universelles dont nombre d’entre elles furent
à l’origine empruntées à d’autres civilisations.
Cependant, la forme particulière sous laquelle ces réussites
ont été obtenues en Occident incorpore des valeurs qui,
loin d’être universelles, appartiennent à une culture
et à un système économique bien définis. Ainsi
l’erreur du substantialisme ne réside-t-elle pas tant dans
sa description de la technique moderne que dans son incapacité
à en reconnaître la contingence historique" [11].
La principale différence entre l’approche de Feenberg et
la mienne (et aussi celle d’Ellul) c’est qu’il veut
intégrer la critique des thèmes techniques à la philosophie
"sans perdre l’espace conceptuel qui permet d’imaginer
une reconstruction radicale de la modernité" [12]. Autrement
dit, sauver la modernité ou mettre en place des " moderntés
alternatives ". Pour ce faire, pense-t-il, il suffirait de règlementer
"le cadre culturel de l’économie" pour rendre la
modernité tout à fait présentable, alors que nous
pensons qu’il faut en sortir et sortir en même temps de l’économie
qui lui est consubstantielle. Sans doute, n’a-t-il pas tort d’insister
sur "l’énorme flexibilité des systèmes
techniques" ou sur cette "malléabilité de la technique",
sous-estimée par Ellul. Il y a incontestablement des techniques
qui rendent des services aux opprimés dans leur combat contre leurs
oppresseurs. Il y a des techniques plus conviviales que d’autres,
même dans notre système technicien. La machine à coudre
individuelle inventée par Singer par amour pour son épouse,
comme le rappelle Ivan Illich, l’est infiniment plus qu’une
centrale atomique congénitalement porteuse d’hétéronomie
[13]. La bicyclette est de même devenue une merveille technique
favorisant l’autonomie et préservant l’environnement,
sans commune mesure avec les 4/4...Toutefois, la question n’est
pas là. Elle est qu’on ne peut pas juger une technique isolément
de son contexte, c’est-à-dire de la société
qui l’a produite. De la technique moderne on doit dire qu’il
ne s’agit pas d’un outil neutre, encore moins d’un outil
émancipateur en soi ou qui participerait d’un projet global
d’émancipation de l’homme ; on ne peut pas dire non
plus qu’elle émane d’une culture à objectif
extra technoéconomique, comme les outils produits dans les sociétés
précapitalistes, préindustriels, prémodernes... L’existence
d’un outil convivial et autonome comme ceux précédemment
cités est une heureuse exception dans l’univers de la technoscience.
De là à penser que grâce aux "polémiques
techniques" et aux "dialogues innovants" qui sont devenus
"des dimensions incontournables de la vie politique contemporaine",
on puisse déboucher sur des "appropriations créatives"
significatives, il y a de la marge. Peut-être faut-il voir là
un exemple de cette fraîcheur un peu naïve qui sépare
la jeune Amérique de la vieille Europe. A moins que "La peur
pathétique d’apparaître comme dépassé
par quoi que ce soit, peur qui tient lieu de pensée chez la plupart
des intellectuels de gauche (finisse) par aboutir aux noces actuelles
de l’avenir radieux et du cybermonde" [14]...
Nous, Européens sceptiques, croyons savoir que derrière
la mise en scène de la démocratie procédurale, ce
sont les lobbies qui font les lois et la loi... La "flexibilité
interprétative de la technique" et "l’invention
participative" nous semblent, à nous aussi néanmoins,
très importantes pour limiter les dégâts du présent
et préparer un autre futur, mais cet heureux avènement ne
nous paraît possible qu’en changeant de cadre. Tout est dans
ce changement. Il ne s’agit donc pas d’une "opposition
radicale à la technique", mais bien d’une opposition
radicale à la société de marché. "Il
est possible que nous puissions encore établir une société
démocratique où le progrès technique servira le progrès
de la communication" [15]. Espérons le, mais cela a quelques
relents suspects de cette "télédémocratie"
qui incarne les illusions des "rénovateurs" de la modernité
[16].
II - Les apories de la télédémocratie.
La télédémocratie est un thème à la
mode. Il existe aujourd’hui une utopie internet (déjà
dépassée par l’utopie nanotechnologie), illustrant
l’utopie technicienne qui courre depuis l’origine de la modernité,
de Francis Bacon à Saint Simon et tous les prophètes de
l’industrialisme. Il a existé aussi dans les années
70 une utopie "puce électronique". Il n’est pas
inutile d’en rafraichir la mémoire, car il s’agit toujours
du même plat qu’on nous sert indéfiniment réchauffé.
En ce temps là, JJSS (Jean-Jacques Servan Schreiber) avait prédit
que le micro processeur allait sauver le Tiers-monde et supprimer le sous-développement.
On sait ce qu’il en est advenu...
Toute technique est porteuse de rêve et de phantasme, mais les
techniques médiatiques l’ont sans doute été
plus que toutes les autres. Déjà, l’invention de l’imprimerie
avec Guttenberg a été un formidable vecteur de la réforme.
La radio, la télé, la vidéo, le Minitel, avant internet,
ont été des lieux d’espoirs et d’expériences
sociales intéressantes. Brecht disait en son temps : "La radio
pourrait être le plus formidable appareil de communication qu’on
puisse imaginer pour la vie publique, un énorme système
de canalisation, ou plutôt elle pourrait l’être, si
elle savait non seulement émettre, mais recevoir, non seulement
faire écouter l’auditeur, mais le faire parler, ne pas l’isoler,
mais le mettre en relation avec les autres. Il faudrait que la radio,
abandonnant son activité de fournisseur, organise cet approvisionnement
par les auditeurs eux-mêmes" [17]. Internet réalise
précisément cette possibilité.
Le développement des radio locales battant en brèche le
monopole public des ondes en France a été un mouvement porteur
d’espoir. La guérilla qui s’est déchaînée
entre l977 et l981 a abouti à la fin du monopole public, mais la
part des mouvements sociaux s’est rétrécie comme une
peau de chagrin et l’on a assisté à des O. P. A à
coup de millions sur les fréquences les plus convoitées
et pour finir à la mainmise du groupe Hersant sur l’essentiel.
S’il n’y a pas eu en France de mouvements citoyens comparables
pour la télé, et que la guerre des chaînes est restée
une affaire de professionnels et de spécialistes, ici ou là
(au Québec en particulier), des expériences et des espérances
très intéressantes de télévision citoyenne
de quartier se sont produites.
La vidéo, par son coût modeste et ses facilités d’utilisation,
a fait renaître cette visée d’une autre télévision,
décentralisée, permettant aux récepteurs de devenir
émetteurs. On trouve déjà cette composante clef de
l’offensive du multimédia, à savoir l’idéologie
de l’interactif. "La vidéo comme transgression en faisant
éclater formes et contenus de la télévision des familles"
écrit Yonne Mignot-Lefebvre était porteuse de ces espoirs
[18]. Les médias bon marché et populaires servent de véhicule
à des mouvements contestataires. "Les modèles de société
sont rejetés, note encore Yvonne Mignot-Lefebvre, mais nous pouvons
constater que les technologies d’information sont utilisées
sans tabou pour renforcer les patrimoines organisationnels naissants :
informatique, téléphone mobile, réseau internet,
cassettes vidéo..." [19]. C’est le cas en particulier
avec les mouvements islamistes qui diffusent les prêches des imams
et autres mollah en cassettes audio ou vidéo. Le rôle de
la diffusion clandestine des cassettes de Khomeny dans la révolution
iranienne n’a pas été négligeable.
L’important et la nouveauté, c’est en fait la baisse
des coûts. la communication planétaire instantanée
existe en effet depuis plus d’un siècle. Samuel Morse, en
l838 déjà, avait imaginé de "faire de l’Amérique
un village" grâce aux liaisons télégraphiques
[20]. Depuis le début du siècle, dans différents
pays, des expériences d’écoute en direct de concerts,
d’envoi de nouvelles et d’informations diverses grâce
au téléphone domestique ont été entreprises.
Dès l909, A. T. T. décrivait son réseau comme "une
autoroute de la communication" [21]. Toutefois, le fantastique abaissement
des coûts rend accessible, désormais, même aux groupements
paysans d’Amazonie l’échange interactif ! La planétarisation
de l’information, qui a eu un rôle non négligeable
dans les événements qui ont entraîné la chute
du mur de Berlin, fait rêver (et pas seulement à gauche)
d’une démocratie sans frontière. "La libre circulation
de l’information génère un besoin de démocratie"
(exemple Taiwan ou le Chili). La NII (National Information Infrastructure)
pourrait aider à créer un "parlement électronique"
[22], déclarait le vice président Al Gore. L’idée
d’une télédémocratie avec ses citizenet est
en l’air, elle a été développée en France
par Pierre Levy. Il y a des façons très diverses de concevoir
cette télédémocratie. Pour certains, c’est
tout simplement ce mélange d’agora électronique et
de supermarché qui a la faveur des pouvoirs publics américains
et qui correspond à une alliance objective des anarchistes et des
ultra-libéraux. Bill Gates qui a commencé sa carrière
au sein du courant libertaire est tout à fait représentatif
d’une génération d’entrepreneurs libéraux
néo-anarchistes. Pour d’autres, internet représente
la possibilité de retrouver une forme de démocratie directe,
pour d’autres encore, c’est la base d’organisation d’une
"société civile planétaire" constituant
un contre-pouvoir à l’image des puissants réseaux
écologiques aux États-Unis. Enfin, pour ceux qui sont restés
trop longtemps devant leur écran, comme dit Walter Kirn, et ont
attrapé "une éruption de millénarisme high-tech"
ou ont succombé à "une attaque schizoïde fin de
siècle", c’est l’entrée dans une cybersocialité
voire un cybercommunisme pour internautes où, grâce à
la numérisation de toutes les sensations, on pourrait bientôt
vivre la totalité de ses phantasmes... [23] Internet peut carrément
faire délirer. Mark Dery dénonce avec humour la "rhétorique
du sublime technologique et le mythe technotranscendental" d’une
utrahumanité. "Ces visions d’une cyberassomption, commente
Roland Jaccard, sont une ruse fatale qui nous fait oublier le saccage
de la nature, les déchirures du lien social et l’abîme
qui se creuse entre l’élite technocratique et les masses
sous-payées" [24].
Internet est-il le loup dans la bergerie qui permettrait de battre en
brèche le quasi monopole médiatique du Nord et singulièrement
des transnationales à dominante nord-américaines ? "Il
ne manquent pas de gens, note Chiara Ottaviano, qui affirment que les
pays du tiers monde pourraient y trouver des avantages décisifs,
du fait qu’ils auraient facilement à disposition ce qui constitue
aujourd’hui la principale matière première : la connaissance
et l’information" [25]. Il en est ainsi pour Christian Huitema,
chercheur en informatique et membre de l’Internet Activities Board,
auteur d’un ouvrage intitulé "Et Dieu créa l’Internet"
(Ed. Eyrolles). "L’internet, déclare-t-il dans une interview
réalisée par @mail, peut être une chance extraordinaire
pour les pays "en développement". Le réseau doit
permettre à l’étudiant africain d’accéder
à la bibliothèque de la Sorbonne, au commerçant indien
de proposer ses marchandises sans intermédiaire à des clients
européens. Tout cela va dans le sens de plus d’égalité"
[26].
Remettons les pendules à l’heure. En ce qui concerne le
net, l’immense majorité des ordinateurs se trouve au Nord,
l’immense majorité des sites et des serveurs aux États
unis. Loin de résorber l’écart Nord/Sud, le multimédia
risque d’avoir l’effet contraire [27].
Là encore, on ne peut s’empêcher de ressentir une
impression de "déjà vu". On peut rappeler les
espoirs et les déboires du "nouvel ordre mondial de l’information
et de la communication", préconisé en 1977 par l’Unesco
et la commission Mac Bride. On ne peut que souscrire à ce que disait
alors un grand intellectuel africain, Babakar Sine : "L’essentiel
n’est-il pas de tout faire pour que l’avènement de
la civilisation de l’audiovisuel ne se traduise pas par l’évincement
systématique et aveugle de cette culture africaine de base, qui
se développe de façon vivante dans les communautés
(les villages, les quartiers populaires) et dans la vie associative si
riche du peuple. Et cela au profit et par le fait d’une manipulation
et d’une approche technocratique des outils audiovisuels, qui seraient
le fait de spécialistes détachés du peuple, qui concevraient
programmes et émissions à partir de centre de décision
lointains ? (...) Le problème est de provoquer une réelle
prise de conscience devant un tel phénomène, et tout d’abord
chez les peuples d’Afrique eux-mêmes. Comment pourront-ils
s’approprier l’audiovisuel, y exprimer la nouvelle culture
qu’ils portent en attente ? A quelles conditions les outils audiovisuels
pourront-ils être détournés de leur usage actuel pour
servir un projet libérateur de société ? [28]
Trente ans après, force est de constater qu’il s’agissait
là de voeux pieux. Le N.O.I.I. et de la communication a été
un total fiasco. Pour l’instant la cyberculture est massivement
anglo-saxonne et singulièrement nord-américaine, même
si elle n’émane pas nécessairement des groupes multimédia.
Très rapidement, on risque de voir un nouveau type de pauvreté,
la "pauvreté d’information", élargissant
plutôt que diminuant le fossé qui sépare les pays
riches des pays pauvres [29]. Dernier exemple actuel, la réussite
d’Internet se fait aux dépens des hackers (développeurs
informaticiens liés à la contre-culture américaine)
qui en ont conçu les usages et, à terme au profit des entreprises"[30].
En ce qui concerne plus spécifiquement Internet, il s’inscrit
malgré tout dans le projet de GII, global information infrastructure,
impulsé par les États Unis, consistant à développer
des "autoroutes de l’information" (un "réseau
de réseaux"). Ce projet grandiose vise explicitement à
la création d’un marché mondial plus généralisé,
plus instantané, etc. "Il nous appartient, selon le vice président
Al Gore, de construire une communauté mondiale dans laquelle les
citoyens de pays voisins se regarderaient non comme des ennemis potentiels,
mais comme des partenaires potentiels, tous membres d’une grande
famille humaine reliés par une chaîne aux maillons de plus
en plus nombreux. (...) Elle rendra possible la création d’un
marché mondial de l’information, où les consommateurs
pourront acheter et vendre. (...) La croissance mondiale peut s’enrichir
de plusieurs centaines de milliards de dollars si nous nous engageons
sur la voie de la GII" [30]. Cela, grâce à la suppression
en l993 de la clause qui imposait un "usage acceptable" du réseau,
c’est-à-dire qui en excluait en fait les activités
commerciales [31]. "Pour la nation, les bénéfices potentiels
du projet sont immenses. La NII permettra aux entreprises américaines
de relever victorieusement le défi de l’économie mondiale,
ce qui entraînera la création d’emplois intéressants
pour nos concitoyens et générera de la croissance pour l’ensemble
de la nation (...) et maintenir l’avance technologique des États-Unis"
[32]. " Faciliter les échanges électronique d’information
pour développer la mondialisation du commerce et des affaires"
[33]. L’objectif américain se résume à : "plus
de marchés pour nos produits et plus de produits pour le marché".
Il s’agit donc de réaliser un supermarché virtuel
ou cybermarché, accomplissant l’impossible idéal du
Marché ultra libéral : instantanéité, transparence,
universalité. C’est l’hypermarché électronique
à domicile par teleshopping [34].
L’interactivité d’internet a fait rèver de
"démocratie sans frontière" de "parlement
électronique" et de "télédémocratie"
avec "nitizens" ou "citizenet" [35]. Sans pousser
jusqu’au délire de la cybersocialité, la question
d’une solution technique aux apories de la démocratie directe
peut sembler légitime. Toutefois, si certaines techniques peuvent
résoudre certaines difficultés techniques de sa mise en
oeuvre, ces solutions ne peuvent sûrement pas se réaliser
à l’intérieur du paradigme de la modernité
marchande, qui a su déjà récupérer l’internet
pour le supermarché électronique planétaire. Andrew
Feenberg lui-même, d’ailleurs, en convient - dans une note,
il est vrai. "De telles améliorations supposent des formes
d’organisation plus participatives qui pourraient se révéler
incompatibles avec le code technique capitaliste" [36]. C’est
bien mon avis !
Chico Mendes fut assassiné le 22 décembre 1988 dans le
fin fond de l’Amazonie, à Xapuri. Comme par hasard le téléphone
ne fonctionnait pas durant les heures qui s’ensuivirent et les portables
n’existaient pas encore. Or il faut des heures de marche dans la
forêt pour porter les nouvelles. Pourtant, la diffusion de l’information
fut immédiate au Brésil et dans le monde entier. C’est
que, si le web, à proprement parler, n’existait pas encore,
internet, imaginé en 1964 par Paul Baran pour sauver les communications
télématiques militaires en cas d’attaque soviétique,
était utilisé dès les années 70 par les scientifiques
pour échanger des informations ; et les ONG Nord-américaines,
très actives dans la région fonctionnaient déjà
en réseau interconnecté. De ce fait, la mobilisation nationale
et internationale fut très rapide. Dans son édition du samedi
24 décembre, le "Jornal do Brasil" publiait sur une pleine
page une interview du leader amazonien faite trois semaines auparavant.
Ainsi, grâce à une technique, inventée et mise au
point par la CIA pour exercer un contrôle planétaire, le
meurtre répugnant en forêt d’un résistant à
l’oppréssion de l’économie-monde ne fut pas
passé sous silence et, étant devenu un évènement
global, a pu bouleverser la conscience planétaire. Depuis, le sous-commandant
Marcos a fait mieux dans l’usage de la guérilla informatique
pour populariser la révolte des Chiapas contre les "nouveaux
maîtres du monde". Il est donc incontestable que certaines
des techniques nouvelles donnent des instruments nouveaux au combat pour
l’émancipation. Toutefois, les développements ultérieurs
des exemples cités (la poursuite des expropriations en Amazonie,
y compris sous le régime de Lula et la liquidation subreptice des
leaders indiens des Chiapas) font douter de la possibilité de changer
vraiment la donne grace à la technique. D’ores et déjà,
on voit internet devenir progressivement un instrument du "bit business"
ou "cyberbusiness" avec l’invasion des "infomerciales"
(scénarisations de la publicité).
Il y a une autre raison, plus profonde qui vicie à la base le
projet de télédémocratie globale et qui porte moins
sur le volet technique que sur le volet "global". Je me méfie
de tout projet universaliste, même radical ou subversif. J’ai
tendance à y déceler des relans d’ethnocentrisme occidental
[37]." Pourquoi Dieu, se demande Raimon Panikkar, en détruisant
le rêve de Babel, n’a-t-il pas voulu d’un gouvernement
mondial, d’un marché mondial, d’une banque mondiale,
d’une démocratie mondiale ? Pourquoi a t-il préféré,
pour permettre aux hommes de communiquer, de petites huttes à échelle
humaine, avec des fenêtres et des rues, et non des autoroutes de
l’information ? (...) Pour le philosophe, (la réponse) c’est
pour que les rapports humains restent personnels" [38]. L’idée
qu’une humanité unifiée est la condition d’un
fonctionnement harmonieux de la planète fait partie de la panoplie
des fausses bonnes idées véhiculées par l’ethnocentrisme
occidental ordinaire [39]. La diversité des cultures est sans doute
la condition d’un commerce social paisible. En effet, chaque culture
se caractérise par la spécificité de ses valeurs.
Même s’il régnait un langage et une monnaie commune
sur la planète, chaque culture leur accorderait des significations
propres et partiellement différentes. On peut le vérifier
sur le plan économique. Si les places de marché, les marchés-rencontre
ont été pendant des siècles sur presque tous les
continents des lieux d’échange pacifique, de règlement
des conflits, de circulation matrimoniale entre voisins et même
entre ennemis, c’est que les transactions entre étrangers
permises par l’intermédiation monétaire conservaient,
en dépit de son anonymat relatif, les qualités du don réussi
entre proches. Du fait des différences d’échelles
de valeur, chacun en ressortait convaincu d’avoir fait une bonne
affaire (voire d’avoir roulé son partenaire, lui-même
persuadé d’avoir réussi le même coup !). Les
marchés africains illustrent abondamment cette ruse du commerce
pacifique entre cultures diverses. "En attribuant une valeur morale
différente aux denrées échangées, écrit
l’anthropologue Marco Aime, chacun des deux protagonistes s’en
sortira comme le vainqueur suivant ses propres paramètres"
[40]. Ainsi, le malentendu interculturel est un "facilitateur"
d’harmonie dans l’échange social en faisant règner
la conviction partagée par chacun d’avoir obtenu son dû
(voire même un peu plus...). Il en va de même sur le plan
politique. La démocratie, en particulier, ne peut probablement
fonctionner que si la politie est de petite dimension et fortement ancrée
dans ses valeurs propres. Dans une vision "pluriversaliste",
les rapports entre les diverses polities au sein du village planétaire
pourraient être règlés par une "démocratie
des cultures". Bien évidemment, il ne s’agit pas là
d’un gouvernement mondial, mais d’une instance d’arbitrage
minimale entre des polities souveraines de statuts très divers.
"Quand je m’oppose à un gouvernement mondial, remarque
encore Panikkar, je ne veux pas aller contre une harmonie universelle
ou contre une forme de communication entre les hommes. Je reconnais que
l’idée de gouvernement mondial est fantastique et je comprends
que celui qui la soutient ne veut pas être le président suprême
de l’humanité, mais désire l’harmonie, la paix,
la compréhension entre les peuples et voudrait peut-être
supprimer comme moi l’État souverain. L’alternative
que je cherche à offrir serait la biorégion, c’est-à-dire
les régions naturelles où les troupeaux, les plantes, les
animaux, les eaux et les hommes forment un ensemble unique et harmonieux.
(...) Il faudrait arriver à un mythe qui permette la république
universelle sans impliquer ni gouvernement, ni controle, ni police mondiale.
Cela requiert un autre type de rapports entre les biorégions"
[41]. Les technologies sophistiquées peuvent aider au fonctionnement
technique d’une telle structure mais n’interferrent pas sur
son principe.
Finalement, on ne peut nier la puissance extraordinaire de l’instrument
internet, en ce qu’elle change les données des luttes sociales.
Le cas des versets sataniques de Salman Ruschdie ou le scandale du corsage
brodé au Coran de Claudia Shiffer dans une présentation
de mode en Indonésie, illustrent le changement d’échelle
apporté par couple mondialisation/médiatisation dont internet
est une pièce maîtresse. Internet permet aux chercheurs du
monde entier de fonctionner en réseau comme une seule communauté
constituant une "intelligence collective", partageant des savoirs
et échangeant en temps réel. Formidable ! mais comme le
note Jean Loup Anthony : "Est-il vraiment utile qu’ils (les
chercheurs) se mettent tous ensemble pour détruire plus rapidement
la planète ? Einstein se posait déjà cette question
à la fin de sa vie ! [42]". Toutefois, s’agissant de
la lutte contre la mégamachine, on pourrait conclure assez lucidement
avec le philosophe Jacques Poulain que nous tenons là la possibilité
inouïe de faire partager de façon planétaire le constat
de notre protestation impuissante.
Notes
[1] La première partie de cette contribution reprend en partie
l’introduction de la nouvelle édition de notre livre "La
mégamachine" La découverte, 2004.
[2] In Pour un catastrophisme éclairé, Seuil, 2003, p.
28.
[3] Platon, Phèdre (pour la présente traduction, oeuvres
complètes, édition de la pleiade, 1950, tome 2, p. 75).
Voir aussi Neil Postman, Technopoly, The Surrender of Culture to Technology,
A. Knopf, New York, 1992, et pour la présente citation Bollati
Boringhieri, Torino 1993, p. 12
[4] L’origine chrétienne des services, in La perte des sens,
Fayard 2004 p. 43.
[5] Maurice Merleau-Ponty nous le rappelle avec raison, voir L’Oeil
et l’Esprit, Galllimard 64, p. 91-93.
[6] Andrew Feenberg, (Re)penser la technique. Vers une technologie démocratique,
p. 217.
[7] Hommage d’Ivan Illich à Jacques Ellul, in Perte des
sens, Fayard 2004, P. 154.
[8] op. cit, p. 52.
[9] op. cit, p. 202.
[10] voir l’éclairant article de François Vatin,
« Mauss et la technologie », in Revue du MAUSS, N° 23
premier semestre 2004. pp. 423 et 424. Dans son commentaire, François
Vatin en rajoute une louche : " La technique lui apparaît en
effet comme le moteur du processus de "la Civilisation" qu’il
conçoit au singulier dans la destinée prométhéenne
de l’humanité " (Ibid. p. 425).
[11] op. cit, p. 217
[12] op. cit, p. 39.
[13] Ivan Illich, La convivialité, Le Seuil, l973.
[14] Jean-Claude Michéa, « Révolte et conservatisme
: les leçons de 1984 », La revue du MAUSS, n° 9, 1er
semestre l997
[15] Feenberg, op. cit. p. 108.
[16] Pierre Lévy, « La cyberculture en question : critique
de la critique ». Revue du MAUSS, n° 9, 1er semestre 1997
[17] Brecht, l970, p. 137, cité dans « Multimédia
et communication à usage humain », Dossier pour un débat,
n° 56, Fondation pour le progrès de l’homme, Paris, 1996.
p. 145.
[18] Yvonne Mignot-Lefebvre, Place de la communication dans les enjeux
de l’autonomie. Audiovisuel, nouvelles technologies de l’information
et changement social, I, thèse, Paris X, l997, p. 129.
[19] Ibid. p. 339.
[20] Chiara Ottaviano, Mezzi per comunicare. Storia, società e
affari dal telegrafo al modem, Paravia, Torino, 1997, p. 142.
[21] Ibid. p. 118.
[22] « Multimédia et communication à usage humain
», Dossier pour un débat, n° 56, Fondation pour le progrès
de l’homme, Paris, 1996, p. 29 et 69.
[23] Jean-Louis Weissberg, Internet, un récit utopique, in Terminal
n° 71/72, Spécial Internet, L’Harmattan, l997.
[24] Mark Dery, Vitesse virtuelle, ed. Abbeville, l997, cité par
Roland Jaccard, "Mythologies de la cyberculture" Le monde des
livres du 6/06/97.
[25] Op. cit. p. 132.
[26] « Faire confiance à la technique : Cyber-interview
de Christian Huitema », in Terminal n° 71/72, Spécial
Internet, L’Harmattan, l997. p. 102.
[27] Michel Elie, « Internet et développement », Futuribles,
N° 214, novembre l996.
[28] Babakar Sine, « Audiovisuel et extraversion culturel »,
Communication faite au colloque d’Epernay, 23-26 février
l977, pp. 9 et 11.
[29] Yvonne Mignot-Lefebvre, op. cit. p. 35. Elle note encore : "Cette
conjonction rare entre un mouvement social extrêmement fort et novateur
et une nouvelle technologie de communication, la vidéo, était
une efflorescence fragile à durée brève de vie. Ce
phénomène s’est reproduit depuis avec moins d’ampleur
pour d’autres techniques, plus cognitives comme le micro-ordinateur,
et récemment pour ces objets nouveaux du désir que sont
les multimédias, les mondes virtuels, le cyberespace... A chaque
fois, se réduit le temps de mise au point des techniques tandis
que se rétrécit l’espace ouvert aux développeurs
et créatifs pour inventer de nouvelles pratiques". Ibidem,
p. 36.
[30] Discours du vice-président Al Gore à l’International
Télécommunication Union, Buenos Aires, le 21 mars l994.
Extraits tirés de "Multimédia et communication à
usage humain", Dossier pour un débat 56, Fondation pour le
progrès de l’homme, 1996, pp. 78-87. Pour l’anecdote,
on peut noter que le père du vice président Al Gore, inventeur
du concept des autoroutes de la communication, dirigeait une société
de construction d’autoroute... (voir Jean-loup Anhthony, Croissance
d’entreprise ou développement humain, in CIEPAD, rencontres
d’été l995).
[31] Chiara Ottaviano, op. cit. p. 131.
[32] Multimédia, op. cit. p. 63.
[33] Ibid. p. 101. 6 millions d’Américains utilisent déjà
le télétravail.
[34] Le rapport de l’Union Européenne de Martin Bangemann
qui calque celui d’Al Gore conclut : "Les pays qui entreront
les premiers dans l’ère de l’information seront en
mesure de dicter aux autres la suite des événements"Ibid.
p. 113.
[35] Jean-Louis Weissberg, "Internet, un récit utopique"
in Terminal n° 71/72, L’Harmattan, 1997. Mark Dery, "Vitesse
virtuelle", ed. Abbeville, 1997. Roland Jaccard, "Mythologies
de la Cyberculture" le monde des livres du 6/06/97.
[36] Op. cit, p. 214.
[37] Je me séparai déjà sur ce point de Castoriadis.
La lecture de Takis Fotopoulos renforce mes doutes.
[38] Le Monde du mardi 2 avril 1996 : " Qui a peur de perdre son
identité l’a déjà perdue " (Entretien
avec Henri Tincq).
[39] Ce que Denis Duclos qualifie fort justement de " délires
d’universalité " à propos de " l’idéal
dune citoyenneté universelle et de son futur Etat planétaire,
fantasme particulièrement présent chez les intellectuels
en France". Société-monde, le temps des ruptures, La
découverte-MAUSS, Paris, 2002, p. 217.
[40] Marco Aime, La casa di nessuno, Bollati Borighieri, Torino, 2002,
p. 114. Voir aussi le dernier chapitre de notre livre " Justice sans
limites ", Fayard, 2003.
[41] « Politica e interculturalità », in Reinventare
la politica, L’Altrapagina, Città di Castello, 1995, pp.
22/23.
[42] Jean-loup Anhthony, « Croissance d’entreprise ou développement
humain », in CIEPAD, rencontres d’été l995.
p. 12.
le jeudi 6 juillet 2006
par Serge Latouche
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