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Origine : http://www.edscuola.it/archivio/interlinea/colloque_la_decroissance.htm
COLLOQUE LA DECROISSANCE SOUTENABLE
Lyon les 26-28 septembre 2003
La décroissance comme préalable et non comme obstacle
à une société conviviale.
Par Serge Latouche, objecteur de croissance, Professeur émérite
de l'Université de Paris-Sud
"Car ce sera une satisfaction parfaitement positive que de
manger des aliments sains, d'avoir moins de bruit, d'ètre
dans un environnement équilibré, de ne plus subir
de contraintes de circulation, etc." Jacques Ellul
George W. Bush déclarait le 14 février 2002 à
Silver Spring devant l'administration de la météorologie
que "parce qu'elle est la clef du progrès environnemental,
parce qu'elle fournit les ressources permettant d'investir dans
les technologies propres, la croissance est la solution, non le
problème".
Cette position "pro-croissance" est largement partagée
dans le fond par la gauche y compris les altermondialistes qui considérent
en outre que la croissance est aussi la solution du problème
social en créant des emplois et en favorisant une répartition
plus équitable. Le chroniqueur écologique de Politis
a été récemment poussé à la démission.
Le débat qui s'en est suivi est révélateur
du malaise de la Gauche.
La vraie raison du conflit, écrit un lecteur, est sans doute
d'"oser aller à l'encontre d'une sorte de pensée
unique, commune à presque toute la classe politique franaise,
qui affirme que notre bonheur doit impérativement passer
par plus de croissance, plus de productivité, plus de pouvoir
d'achat et donc plus de consommation". Comme le conclut Hervé
Kempf qui rend compte de l'incident : "Cette gauche peut-elle
accepter de proclamer la nécessité de réduire
la consommation matérielle, un impératif qui reste
au coeur de l'approche écologique ? "
Après quelques décénnies de gaspillage frénétique,
il semble que nous soyons entrés dans la zone des tempètes
au propre et au figuré... Le dérèglement climatique
s'accompagne des guerres du pétrole, qui seront suivis de
guerres de l'eau, mais aussi de possibles pandémies, de disparitions
d'espèces végétales et animales essentielles
du fait de catastrophes biogénétiques prévisibles.
Dans ces conditions, la société de croissance n'est
ni soutenable, ni souhaitable. Il est donc urgent de penser une
société de "décroissance" si possible
sereine et conviviale.
La société de croissance n'est ni soutenable,
ni souhaitable.
Pour cerner ce que pourrait ètre une société
de décroissance, il convient d'abord de définir ce
qu'est la société de croissance. "L'idée
moderne de croissance, selon Henry Teune, a été formulée
il y a environ quatre siècles en Europe, quand l'économie
et la société ont commencé à se séparer".
Mais, ajoute justement Takis Fotopoulos, il n'empèche que
"l'économie de croissance elle-mème (définie
comme le système d'organisation économique orienté,
soit objectivement, soit délibérément vers
la maximisation de la croissance économique) est apparue
bien après la naissance de l'économie de marché
du début du XIXème siècle et ne s'est épanouie
qu'après la Seconde Guerre mondiale". C'est-à-dire
au moment où l'Occident (à travers le Président
Truman...) lanait le mot d'ordre et l'entreprise du développement.
La société de croissance peut ètre définie
comme une société dominée par une économie
de croissance et qui tend à s'y laisser absorber. La croissance
pour la croissance devient ainsi l'objectif primordial sinon le
seul de la vie.
A. Une telle société n'est pas soutenable pour au
moins quatre raisons :
Elle dépasse la capacité de charge de la planète,
Elle se heurte aux limites de la finitude de la biosphère,
Les progrès de l'ecoefficience que ses partisans mettent
en avant pour tenter de la sauver se trouvent toujours dépassés
par la logique de la croissance elle-mème,
La substituabilité de l'artefact à la nature postulée
par les économistes orthodoxes est restreinte.
1) Elle dépasse la capacité de charge de la planète.
Une chose para"t acquise, désormais : Notre surcroissance
économique dépasse déjà largement la
capacité de charge de la terre. Bien loin d'ètre le
remède aux problèmes sociaux et écologiques
qui déchirent la planète, le développement
économique constitue la source du mal. Il doit ètre
analysé et dénoncé comme tel. Mème la
reproduction durable de notre système prédateur n'est
plus possible. Si tous les citoyens du monde consommaient comme
des Américains ou mème des Européens moyens
les limites physiques de la planète seraient largement dépassées.
Si l'on prend comme indice du "poids" environnemental
de notre mode de vie "l'empreinte" écologique de
celui-ci en superficie terrestre nécessaire, on obtient des
résultats insoutenables tant du point de vue de l'équité
dans les droits de tirage sur la nature que du point de vue de la
capacité de régénération de la biosphère.
En prenant en compte, les besoins de matériaux et d'énergie,
ceux nécessaires pour absorber déchets et rejets de
la production et de la consommation et en y ajoutant l'impact de
l'habitat et des infrastructures nécessaires, les chercheurs
travaillant pour le World Wild Fund (WWF) ont calculé que
l'espace bioproductif par tète de l'humanité était
de 1, 8 hectare. Un citoyen des ƒtats-Unis consomme en moyenne
9, 6 hectares, un canadien 7, 2, un européen moyen 4, 5.
On est donc très loin de l'égalité planétaire
et plus encore d'un mode de civilisation durable qui nécessiterait
de se limiter à 1, 4 hectare, en admettant que la population
actuelle reste stable. On peut discuter ces chiffres, mais ils sont
malheureusement confirmés par un nombre considérable
d'indices (qui ont d'ailleurs servi à les établir).
Ainsi, pour que l'élevage intensif fonctionne en Europe,
il faut qu'une surface pour ce qu'on appelle des "cultures
en coulisses" équivalant à sept fois celle de
ce continent soit employée dans d'autres pays à produire
l'alimentation nécessaire aux animaux ainsi élevés
sur un mode industriel. Le citoyen du Nord consommait en 1992 en
moyenne trois fois plus de céréales et d'eau potable,
cinq fois plus d'engrais, dix fois plus de bois et d'énergie,
quatorze fois plus de papier, dix-neuf fois plus d'aluminium que
le citoyen du Sud. Les rapports de consommation comparée
d'énergie et de rejets de gaz à effet de serre sont
encore plus flagrants. "Si nous faisons les calculs, remarque
Franois Schneider, cela signifie qu'il nous faudra douze planètes
si nous les voulons viables à long terme". Les économistes
passent le plus souvent la question sous silence, mais peu ont le
front de soutenir que l'ordre écologique mondial engendré
par l'économie libérale est équitable. Certes
au début des années 90, Lawrence Summers, vice-président
de la Banque mondiale, puis secrétaire au Trésor sous
la présidence de Clinton, affirmait que " les ressources
de la Terre n'ont pas de limitesÊqui pourraient devenir contraignantes
dans un futur prévisible. Il n'y a pas de risque d'apocalypse
due au réchauffement de la Terre, ni rien de semblable. L'idée
que le monde est au bord du gouffre est une erreur fondamentale
; l'idée que nous devrions limiter la croissance à
cause d'une quelconque limite naturelle est une grave erreur qui,
si elle devait avoir de l'influence, aurait d'immenses coéts
sociaux". Il n'allait toutefois pas jusqu'à prétendre
que l'usage des ressources naturelles correspondait à la
justice.
Nous n'avons qu'une quantité limitée de forèts,
d'eau, de terre. écrit Arundathy Roy, Si vous transformez
tout en climatiseurs, en pommes frites, en voitures, à un
moment vous n'aurez plus rien.
L'état stationnaire et la croissance zéro sembleraient
des réponses de bons sens pour remédier à cette
situation. De fait, il s'agit de propositions de compromis déjà
anciennes qui tentent de concilier la préservation de l'environnement
avec les "acquis" de la domination économique.
Le fait que toutes les sociétés humaines qui ont duré
jusqu'au XVIIIème siècle ont fonctionné dans
la reproduction soutenable semble conforter cette position. Toutefois,
celle-ci sous-estime la démesure propre à notre système.
En conséquence, on se prive des apports positifs en terme
de bonheur collectif d'une décroissance conviviale et on
ne renonce pour autant ni au mode de production, ni au mode de consommation,
ni au style de vie engendrés par la croissance antérieure.
On se résigne par raison à un immobilisme conservateur,
mais sans remettre en cause les valeurs et les logiques du développementisme
et de l'économisme. La décroissance est donc inéluctable.
2) Elle se heurte aux limites de la finitude de la biosphère.
Une croissance infinie est incompatible avec une planète
finie. Certes, la première loi de la thermodynamique nous
apprend que rien ne se perd, rien ne se crée. Toutefois,
l'extraordinaire processus de regénération spontanée
de la biosphère, mème assisté par l'homme,
ne peut aller à un rythme illimité. Il ne permet de
toute faon pas de restituer à l'identique la totalité
des produits dégradés par l'activité industrielle.
Les processus de transformation de l'énergie ne sont pas
réversibles (deuxième loi de la thermodynamique) et
il en est en pratique de mème de la matière ; à
la différence de l'énergie, celle-ci est recyclable,
mais jamais intégralement. Ce phénomène qu'il
a baptisé la "quatrième loi de la thermodynamique",
est peut-ètre discutable en théorie pure, mais pas
du point de vue de l'économie concrète. On ne sait
pas coaguler les flux d'atomes dispersés dans le cosmos pour
en faire de nouveaux gisements miniers exploitables, travail qui
s'est accompli dans la nature en des milliards d'années d'évolution.
Bref, le processus économique réel, à la différence
du modèle théorique, n'est pas un processus purement
mécanique et réversible, il est de nature entropique.
Il se déroule dans une biosphère qui fonctionne dans
un temps flèché.
3) Les progrès de l'ecoefficience se trouvent toujours dépassés
par la logique de la croissance Pour concilier les deux impératifs
contradictoires de la croissance et du respect de l'environnement,
les experts pensent trouver la potion magique dans l'écoefficience,
pièce centrale et à vrai dire seule base sérieuse
du "développement durable". Il s'agit de réduire
progressivement l'impact écologique et l'intensité
du prélèvement des ressources naturelles pour atteindre
un niveau compatible avec la capacité reconnue de charge
de la planète. Les documents du World Business Counsil for
Sustanable Developpement (WBSD) sur ce point sont édifiants.
"La principale contribution du monde des affaires au développement
durable, sur laquelle nous avons travaillé depuis une décennie,
est l'éco-efficience, un terme que nous avons inventé
en 1992. Le WBCSD définit l'éco-efficience comme étant
"accomplie par la livraison de biens et de services à
des prix concurrentiels qui satisfont les besoins humains et apportent
une qualité de vie, tout en réduisant progressivement
l'impact écologique et l'intensité du prélèvement
des ressources naturelles pour atteindre un niveau compatible au
minimum avec la capacité reconnue de charge de la planète".
Que l'efficience écologique se soit accrue de manière
notable est incontestable, mais dans le mème temps la perpétuation
de la croissance forcenée, accrue par ces progrès,
entra"ne une dégradation globale. L'expérience
nous enseigne que les baisses d'impacts et de pollution par unité
se trouvent systèmatiquement anéanties par la multiplication
du nombre d'unités vendues (effet rebond). La "nouvelle
économie" est certes relativement immatérielle
ou moins matérielle, mais elle remplace moins l'ancienne
qu'elle ne la complète. Au final, tous les indices montrent
que les prélèvements continuent de cro"tre.
4) La substituabilité de l'artefact à la nature est
restreinte. Il faut toute la foi des économistes orthodoxes
pour penser que la science de l'avenir résoudra tous les
problèmes et que la substituabilité illimitée
de la nature par l'artifice est concevable. Dans certaines limites,
il loisible de remplacer l'homme par la machine (c'est-à-dire
le facteur travail par le facteur capital), mais pas les flux de
matières premières (inputs) par une augmentation des
stocks. Comme le remarque Mauro Bona•uti, on ne pourra jamais
obtenir le mème nombre de pizza en diminuant toujours la
quantité de farine mais en augmentant le nombre de fours
ou de cuisiniers. Plus généralement, avoir une foi
aveugle dans la science et dans l'avenir pour résoudre les
problèmes du présent est non seulement contraire au
principe de précaution, mais tout simplement au bon sens.
Mème si on peut espérer capter de nouvelles énergies,
serait-il raisonnable de construire des "gratte-ciel sans escaliers
ni ascenseurs sur la base de la seule espérance qu'un jour
nous triompherons de la loi de la gravité ? ". C'est
pourtant ce que nous faisons avec le nucléaire, accumulant
des déchets potentiellement dangereux pour les siècles
à venir sans solution en perspective.
Ainsi, pour toutes ces raisons, la société de croissance
est insoutenable et condamnée à terme plus ou moins
rapproché à dispara"tre.
B. Elle n'est pas non plus souhaitable.
Toutefois, si on suit Ivan Illich, la disparition programmée
de la société de croissance n'est pas nécessairement
une mauvaise nouvelle. "La bonne nouvelle est que ce n'est
pas d'abord pour éviter les effets secondaires négatifs
d'une chose qui serait bonne en soi qu'il nous faut renoncer à
notre mode de vie - comme si nous avions à arbritrer entre
le plaisir d'un mets exquis et les risques afférents. Non,
c'est que le mets est intrinséquement mauvais, et que nous
serions bien plus heureux à nous détourner de lui.
Vivre autrement pour vivre mieux".
La société de croissance n'est pas souhaitable pour
au moins trois raisons : elle engendre une montée des inégalités
et des injustices, elle crée un bien-ètre largement
illusoire, elle ne suscite pas pour les "nantis" eux-mèmes
une société conviviale mais une anti-société
malade de sa richesse.
1) - Elle engendre une montée des inégalités
et des injustices
Pour les inégalités, la polarisation des situations
a toujours été vérifiée au niveau planétaire
et depuis la fin des trente glorieuses cela se vérifie aussi
au niveau de chaque pays, mème au Nord. Entre 1972 et 1992,
par exemple, le nombre des emprisonnements a doublé, passant
de 44 pour 100 000 habitants à 88, environ. Comme le souligne
Majid Rahnema : "Ce n'est pas en augmentant la puissance de
la machine à créer des biens et des produits matériels
que ce scandale (de la misère et de l'indigence) prendra
fin, car la machine mise en action à cet effet est la mème
qui fabrique systèmatiquement la misère". Quand
au développement des injustices, il est non seulement dans
la nature mème du système capitaliste, mais de toute
société de croissance. Une société qui
n'est plus en mesure de permettre à la plupart de ses membres
de gagner leur vie par un travail honnète mais les condamne
pour survivre à accepter d'agir contre leur conscience et
à se rendre complice de la banalité du mal est profondément
en crise. Il en est pourtant bien ainsi de notre modernité
tardive, depuis les pècheurs qui ne peuvent s'en tirer qu'en
massacrant les fonds marins, des éleveurs qui torturent leurs
bètes, des exploitants agricoles qui détruisent le
sol nourriciers, des cadres dynamiques devenus des "tueurs",
etc.
2) - Elle crée un bien-ètre largement illusoire
On rencontre là le paradoxe écologique de la croissance.
L'obsession du PNB fait que l'on compte comme positives toute production
et toute dépense - y compris celle qui est nuisible, et celle
que cette dernière rend nécessaire pour en neutraliser
les effets. ÇOn considère toute activité rémunérée,
note Jacques Ellul, comme une valeur ajoutée, génératrice
de bien-ètre, alors que l'investissement dans l'industrie
antipollution n'augmente en rien le bien-ètre, au mieux il
permet de le conserver. Sans doute arrive-t-il parfois que l'accroissement
de valeur à déduire soit supérieur à
l'accroissement de valeur ajoutéeÈ. Pour Hervé
René Martin, cela ne fait pas de doute. "La vérité
commande pourtant de dire, écrit-il, que la désorganisation
sociale et environnementale provoquée par le système
de production industriel (matières plastiques en tète)
et les modes de vie qu'il induit, tuent infiniment plus de personnes
que les filtres et les prothèses en plastique ne pourront
jamais en sauver". Il est de plus en plus probable qu'au delà
d'un certain seuil, la croissance du PNB traduit une diminution
du bien-ètre.
Ainsi, les Etats Unis ont dépensé en 1991, 115 milliards
de dollars, soit 2,1% du PNB pour la protection de l'environnement
et ce n'est pas fini. Le nouveau clean air act va accro"tre
ce coét, estime-t-on, de 45 à 55 milliards de dollars
par an. Certes, les évaluations du coét de la pollution
ou du prix de revient de la dépollution sont éminemment
délicates, problématiques et, bien sér, controversées
(voir les débats à la réunion du G7 à
Naples sur la facture de Tchernobyl). On a calculé que l'effet
de serre pourrait coéter entre 600 et l000 milliards de dollars
par an dans les années à venir, soit entre 3 et 5%
du P.N.B. mondial. Le World resources institute, de son coté,
a tenté des évaluations de la réduction du
taux de croissance en cas de prise en compte des ponctions sur le
capital naturel dans l'optique du développement durable.
Pour l'Indonésie, il a ainsi ramené le taux de croissance
entre l97l et l984 de 7,l à 4 % en moyenne annuelle, et cela
en intégrant seulement trois éléments : la
destruction des forèts, les prélèvements sur
les réserves de pétrole et de gaz naturel, et l'érosion
du sol. L'économiste allemand W. Schultz a calculé
à partir d'un inventaire non exhaustif des pollutions, que
la prise en compte des dommages causés à la R. F.
A., en l985 équivaudrait à 6% du P. I. B. Peut-on
assurer que l'on a pour autant compensé toutes les pertes
du Çcapital naturelÈ ?
Les indices triomphalistes de croissance de la productivité
qui démontreraient de manière irréfutable le
progrès du bien-ètre résultent souvent d'artifices
comptables. Certes notre nourriture, gr‰ce au productivisme
de l'agriculture, incorpore cent fois moins de travail direct que
celle de nos grand-parents, et nos précieuses voitures automobiles
vingt fois moins que celles de parents, mais un bilan complet intégrant
les coéts complets du système agro-alimentaire ou
du sytème automobile ferait appara"tre des résultats
moins reluisants. La prise en compte pour l'agro-alimentaire de
la multiplication des emplois annexes (conseillers, chercheurs,
conservation-transformation, agro-chimie, agro-biologie etc.) réduirait
considérablement la fameuse productivité. Il y a 50
ans, les agriculteurs recevaient entre 45 et 60% de ce que les consommateurs
dépensaient pour leur nourriture, aujourd'hui ce ne sont
que 18 % en France et 7% au Royaume-Uni, voire 3,5% aux Etats-Unis.
La différence finance les activités annexes. Résultat,
le consommateur ne s'aperoit pas d'une baisse absolue du prix
des produits alimentaires, en revanche la qualité laisse
beaucoup à désirer. Par ailleurs, l'intégration
des domages collatéraux (prélèvement d'eau,
pollution des nappes fréatiques, pollution des fleuves et
des océans, vaches folles et autres fièvres porcines)
amènerait sans doute à conclure à une contreproductivité
comparable à celle qu'Ivan Illich mettait naguère
en évidence pour la voiture.
Dans ces conditions, l'élévation du niveau de vie
dont pensent bénéficier la plupart des citoyens du
Nord est de plus en plus une illusion. Ils dépensent certes
plus en terme d'achat de biens et services marchands mais ils oublient
d'en déduire l'élévation supérieure
des coùts. Celle-ci prend des formes diverses marchandes
et non marchandes : dégradation de la qualité de vie
non quantifiée mais subie (air, eau, environnement), dépenses
de "compensation" et de réparation (médicaments,
transports, loisirs) rendues nécessaires par la vie moderne,
élévation des prix des denrées raréfiées
(eau en bouteilles, énergie, espaces verts...). Herman Daly
et C. Cobb ont mis sur pied un indice synthètique, le Genuine
Progress Indicator (Indicateur de progrès authentique) qui
corrige ainsi le Gross National Product (Produit intérieur
brut) des pertes dées à la pollution et à la
dégradation de l'environnement. Il résulte de leur
calcul qu'à partir des années 1970, pour les Etats-Unis,
l'indice du progrès authentique stagne et mème régresse,
tandis que celui du produit intérieur brut ne cesse d'augmenter.
Il est regrettable que personne en France ne se soit encore chargé
de faire les calculs. On a toutes les raisons de penser que le résultat
serait comparable. Autant dire que dans ces conditions, la croissance
est un mythe mème à l'intérieur de l'imaginaire
de l'économie de bien-ètre, sinon de la société
de consommation!
3) - Elle ne suscite pas pour les "nantis" eux-mèmes
une société conviviale mais une anti-société
malade de sa richesse.
Jean Baptiste Say posait en loi que le bonheur est proportionnel
au volume de la consommation. Il s'agit là de l'imposture
économiste et moderniste par excellence qui trouve ses fondements
déjà chez Hobbes. Hobbes annonce, en effet, avec délectation
cette ubris, cette démesure propre à l'homme occidental.
"La félicité de cette vie, écrit-il, ne
consiste pas dans le repos d'un esprit satisfait. Car n'existent
en réalité ni ce finis ultimus (ou but dernier) ni
ce summum bonum (ou bien suprème) dont il est question dans
les ouvrages des anciens moralistes (...) la félicité
est une continuelle marche en avant du désir d'un objet à
un autre, la saisie du premier n'étant encore que la route
qui mène au second. (...) Ainsi, je mets au premier rang,
à titre d'inclination générale de toute l'humanité,
un désir perpétuel et sans trève d'acquérir
pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à
la mort". Durkheim dénonait déjà
ce présupposé utilitariste du bonheur comme somme
de plaisirs liés à la consommation égo•ste.
Un tel bonheur pour lui n'est pas loin de mener à l'anomie
et au suicide.
En fait, à y regarder de près, la richesse a un caractère
bien plus pathologique que la pauvreté. L'extrème
richesse constitue le fléaut principal de la société
moderne. Plut™t que de l'accro"tre encore en prétendant
porter remède à la pauvreté, il faudrait s'y
attaquer comme à une maladie dangereuse masquée par
l'imaginaire institué de la croissance. Majid Rahnema note
avec pertinence : "La misère morale des riches et des
puissants - sujet tabou dans la littérature spécialisée
sur la pauvreté - a curieusement plus attiré l'attention
des romanciers, des poètes et, bien entendu, des pauvres
eux-mèmes, que celle des sociologues et des économistes
qui la considèrent comme hors sujet. L'étude profonde
des véritables causes de la misère pourrait bien,
pourtant, montrer qu'elle est bien au coeur - sinon le coeur - du
sujet". Il poursuit : "La misère morale des nantis,
"habillée" de ses plus beaux atours et donc bien
moins visible de l'extérieur, est paradoxalement plus pernicieuse
que celle qui frappe les indigents : à l'obsession proprement
pathologique du plus-avoir, au désir incessant d'accumuler
pour soi et de retirer aux autres pour le seul plaisir d'exercer
sur eux un pouvoir s'ajoutent des facteurs extérieurs tels
que les nombreux critères de réussite sociale, l'impitoyable
dynamique de la compétition, la règle d'or du profit
à tout prix ou la marchandisation de toutes les relations
humaines". Il est remarquable que le langage moderne qui stigmatise
le pauvre, "n'utilise jamais le mot manque quand il s'agit
des riches et des puissants : aussi ne vient-il à l'idée
de personne de définir certaines catégories de riches
par un manque de clairvoyance, un manque de vertu ou de solidarité,
un manque du sens de la justice sociale ou un manque de compassion".
On a tenté de formaliser le bonheur. Celui-ci serait une
fonction croissante du revenu monétaire et des biens relationnels.
On remarque alors que la disponibilité en biens relationnels
tend à diminuer quand le revenu augmente. Au delà
d'un certain équilibre, la félicité tendrait
à diminuer. L'économiste de Harvard et ancien ministre
du travail de Bill Clinton, Robert Reich en fait une analyse lucide
à partir de son expérience personnelle. "Le problème
est que cet équilibre entre se gagner de quoi vivre et se
gagner une vie plus équilibrée devient de plus en
plus difficile à atteindre parce que la logique de la nouvelle
économie fait que l'on s'attache de plus en plus au travail
et de moins en moins à la vie individuelle. (...) Nous tirons
tous de grands avantages de la nouvelle économie (...) Nous
jouissons des extraordinaires opportunités qu'elle nous offre
en tant que consommateurs et, toujours plus comme investisseurs/spéculateurs.
Nous poussons la nouvelle économie en avant. Et pourtant,
il y a un "mais". Quelque merveilleuse que soit la nouvelle
économie, nous sacrifions sur son autel des parts significatives
de notre vie : des pans entiers de la vie de famille, de nos amitiés,
de la vie collective, de nous-mèmes. Ces pertes vont de pair
avec les bénéfices que nous en retirons. En un certain
sens, ce sont les deux faces de la mème médaille".
Le bonheur promis se traduit par une accumulation frénétique
de consommation avec croissance du stress, de l'insomnie, de maladies
de toutes sortes (cancers, crises cardiaques, allergies diverses,
obésité, cirrhoses du foie, diabète), de troubles
psycho-somatiques. Les plus nantis sont condamnés à
mourir, selon Hervé René Martin : "d'une effroyable
tristesse de l'‰me" Certains "gavés"
en arrivent mème au comble de la solitude et choisissent
le suicide. Selon l'OCDE, au cours des 30 dernières années,
les taux de suicide ont progressé en moyenne de 10 % dans
les pays membres, tandis aux Etats-Unis la proportion des personnes
seules est passée de 17% de l'ensemble des foyers à
26 %.
Tout cela ne suffit malheureusement pas pour nous amener à
quitter le bolide qui nous mène droit dans le mur et à
s'embarquer dans la direction opposée.
II Penser une société de "décroissance"
sereine et conviviale
Entendons-nous bien. La décroissance est une nécessité
; ce n'est pas au départ un idéal, ni l'unique objectif
d'une société de l'après-développement
et d'un autre monde possible. Mais faisons de nécéssité
vertu, et concevons, pour les sociétés du Nord, la
décroissance comme un objectif dont on peut tirer des avantages.
Le mot d'ordre de décroissance a surtout pour objet de marquer
fortement l'abandon de l'objectif insensé de la croissance
pour la croissance, objectif dont le moteur n'est autre que la recherche
effrénée du profit par les détenteurs du capital.
Bien évidemment, il ne vise pas au renversement caricatural
qui consisterait à pr™ner la décroissance pour
la décroissance. En particulier, la décroissance n'est
pas la croissance négative, expression antinomique et absurde
qui traduit bien la domination de l'imaginaire de la croissance.
On sait que le simple ralentissement de la croissance plonge nos
sociétés dans le désarroi en raison du ch™mage
et de l'abandon des programmes sociaux, culturels et environnementaux
qui assurent un minimum de qualité de vie. On peut imaginer
quelle catastrophe serait un taux de croissance négatif !
De mème qu'il n'y a rien de pire qu'une société
travailliste sans travail, il n'y a rien de pire qu'une société
de croissance sans croissance. C'est ce qui condamne la gauche institutionnelle,
faute d'oser la décolonisation de l'imaginaire, au social-libéralisme.
La décroissance n'est donc envisageable que dans une "société
de décroissance". Il convient donc de préciser
les contours de ce que pourrait ètre une société
de "décroissance". Celle-ci suppose une diminution
drastique des externalités négatives de la croissance
et repose sur l'organisation de cercles vertueux de décroissance.
A Diminuer, voire supprimer, les externalités négatives
de la croissance.
Une politique de décroissance pourrait consister d'abord
à réduire voire supprimer les externalités
négatives de la croissance, cela va des dépenses de
publicité à celles des médicaments contre le
stress. La remise en question du volume considérable des
déplacements d'hommes et de marchandises sur la planète
avec l'impact négatif correspondant sur l'environnement (donc
une "relocalisation" de l'économie), celle non
moins considérable de la publicité tapageuse et souvent
néfaste, celle enfin de l'obsolescence accélérée
des produits et des appareils jetables sans autre justification
que de faire tourner toujours plus vite la mégamachine infernale
constituent des réserves importantes de décroissance
dans la consommation matérielle.
Avec 14 milliards d'euros en l'an 2000, la débauche publicitaire
en France a franchi pour la première fois le cap symbolique
du 1% du PNB. Mais selon certaines évaluations ce chiffre
devrait ètre revu en hausse et atteindrait 45 milliards d'Euros,
soit l'équivalent de toute l'aide des pays de l'OCDE aux
pays du Sud. Dans le monde, selon le PNUD, elles représenteraient
dix fois le montant des sommes nécessaires pour éradiquer
la faim, permettre l'accès à l'eau potable pour tous
les humains, les loger décemment et combattre les grandes
épidémies. Les dépenses de publicité
concernant la télévision, la radio et la presse auraient
été de 332,103 milliards de dollars dans le monde,
en augmentation de 10,8 % par rapport à 1999, soit quatre
fois plus que le taux de croissance moyen du PIB. Mais depuis 1999
viennent s'ajouter les investissements publicitaires sur internet
en croissance vertigineuse surtout pour l'Amérique du Nord.
Les pays émergents de leur coté entendent rattraper
leur retard (1000 % pour la Chine de 99 à 2000 !).
Les accidents de la route représentaient un coét
direct de 120 milliards de francs et un coét indirect triple.
Les effets sur la santé induits par la pollution atmosphèrique
sont évalués à 170 milliards de francs.
Selon les services de l'OMC, à l'horizon 2010, le marché
de la dépollution dont la croissance est de 8 % par an et
dont l'objectif est de rendre supportable les dég‰ts
de la croissance, représenterait 640 milliards de dollars
sans inclure l'eau qui représenterait à elle seule
400 milliards de dollars supplémentaires. En outre, selon
une étude du BIT, les coéts engendrés par le
stress représenteraient 3% du PIB dans les pays développés.
On peut multiplier les signes de "gaspillage". les dépenses
faites dans les pays occidentaux pour les cures amégrissantes,
nous rappelle Carla Ravaioli, suffiraient largement à nourrir
tous les affamés de la planète, celles pour la nourriture
des animaux domestiques couvriraient les frais d'instruction de
base et celles pour des parfums la santé obstétricale
de toutes les femmes. "Les Etats-Unis à eux-seuls dépensent
en cosmétique plus que ce qui serait nécessaire pour
assurer l'eau potable à tous ceux qui en sont privés".
Le marché occidental des parfums représenterait 13
milliards de dollars annuels (Barnard). Il y a donc d'importantes
"réserves" de décroissance qui en théorie
ne touchent pas notre niveau ni notre mode de consommation. Tout
cela sans parler des réductions possibles des dépenses
militaires. En 2001, elles atteignent 839 milliards de Dollars et
depuis le 11 septembre elles augmentent de faon vertigineuse.
Comme on sait, les ventes d'armes se portent bien.
Les seules atteintes à notre niveau de vie de la plupart
des réductions de nos prélèvements sur la biosphère
ne peuvent donc ètre qu'un mieux ètre. "Une personne
heureuse, note Hervé Martin, ne consomme pas d'antidépresseurs,
ne consulte pas de psychiatres, ne tente pas de se suicider, ne
casse pas les vitrines des magasins, n'achète pas à
longueur de journées des objets aussi coéteux qu'inutiles,
bref, ne participe que très faiblement à l'activité
économique de la société". La décroissance
peut rendre la vie plus agréable. Il est mème possible
de concevoir cette décroissance-là avec la poursuite,
jusqu'à un certain point, de la croissance fétiche
d'un revenu calculé de faon plus judicieuse. Le Genuine
Progress Indicator (Indicateur de progrès authentique) de
Herman Daly et C. Cobb évoqué précédemment
augmenterait tandis que le PIB diminuerait. Autant dire que dans
ces conditions, la croissance est un mythe !
Toutefois, l'important ce sont bien sér les changements
en profondeur de nos valeurs et de nos modes de vie, accordant plus
d'importance aux "biens relationnels" et bouleversant
nos systèmes de production et de pouvoir. Alors, il y a fort
à parier que l'indice de bonheur par tète de Robert
Reich augmenterait lui aussi !
B Les cercles vertueux d'une société de décroissance.
En 1848, Marx pensait que les temps étaient venus pour la
révolution sociale et que le système était
mér pour le passage à la société communiste
d'abondance. L'incroyable surproduction matérielle de cotonnades
et de biens manufacturés lui semblait plus que suffisante,
une fois aboli le monopole du capital, pour nourrir, loger et vètir
correctement la population (au moins occidentale). Et pourtant,
la "richesse" matérielle était infiniment
moins grande qu'aujourd'hui (le PIB s'est considérablement
multiplié depuis) il n'y avait ni voitures, ni avions, ni
plastique, ni machines à laver, ni frigidaire, ni ordinateur,
ni les biotechnologies, non plus que les pesticides, les engrais
chimiques et l'énergie atomique ! Toutefois, n'est-ce pas
précisément cette absence mème qui rendait
l'utopie accessible ? En dépit des bouleversements innouis
de l'industrialisation, les besoins restaient encore modestes et
leur satisfaction possible. Le bonheur, quant à sa base matérielle,
semblait à portée de la main. Dans son livre "L'économie
Barbare", écrit en 1994, Philippe Saint Marc fait un
constat comparable, à une autre échelle. L'objectif
du bien-ètre collectif se serait considérablement
éloigné en trente ans et les indices des années
60 dessinent une société infiniment plus "heureuse".
Ainsi comprise, la décroissance ne signifie pas nécessairement
une régression de bien-ètre. La plupart des sagesses
considéraient que le bonheur se réalisait dans la
satisfaction d'un nombre judicieusement limité de besoins.
L'évolution et la croissance lente des sociétés
anciennes s'intégraient dans une reproduction élargie
bien tempérée, toujours adaptée aux contraintes
naturelles. "C'est parce que la société vernaculaire
a adapté son mode de vie à son environnement, conclut
ƒdouard Goldsmith : qu'elle est durable, et parce que la société
industrielle s'est au contraire efforcée d'adapter son environnement
à son mode de vie qu'elle ne peut espérer survivre".
Aménager la décroissance signifie, en d'autres termes
renoncer à l'imaginaire économique c'est-à-dire
à la croyance que plus égale mieux. Le bien et le
bonheur peuvent s'accomplir à moindre frais. Redécouvrir
la vraie richesse dans l'épanouissement de relations sociales
conviviales dans un monde sain peut se réaliser avec sérénité
dans la frugalité, la sobriété voire une certaine
austérité dans la consommation matérielle,
bref, ce que certains ont préconnisé sous le slogan
gandhien ou tolsto•en de "simplicité volontaire".
Encore qu'il ne faut pas se méprendre sur ces "restrictions",
si l'ascèse est estimable, il ne s'agit pas de la préconiser
et encore moins de l'imposer. Quoiqu'il en soit, on ne peut éviter
la question posée par Majid Rahnema : "Dans quelle mesure
chacun de nous est-il prèt à résister, dans
sa vie quotidienne, à la colonisation des besoins socialement
fabriqués ?".
Pour concevoir la société de décroissance
sereine et y accéder, il faut littéralement sortir
de l'économie. Cela signifie remettre en cause la domination
de l'économie sur le reste de la vie en théorie et
en pratique, mais surtout dans nos tètes. Cela doit certainement
entra"ner une aufhebŸng (renonciation, abolition et dépassement)
de la propriété privée des moyens de production
et de l'accumulation illimitée de capital. Toutefois, cette
transformation ne passe probablement pas par des nationalisations
et une planification centralisée dont l'expérience
de l'Union Soviétique a montré les résultats
décevants et les effets désastreux. Sortir de l'économie
doit encore aboutir par conséquent à un abandon du
développement puisque ses mythes fondateurs, en particulier,
la croyance au progrès, auraient disparu. L'économie
entrerait simultanément en décroissance et en dépérissement.
La construction d'une société moins injuste serait
à la fois la réintroduction de la convivialité,
d'une consommation plus limitée quantitativement et plus
exigeante qualitativement.
Cela suppose une toute autre organisation dans laquelle le loisir
est valorisé à la place du travail, où les
relations sociales priment sur la production et la consommation
de produits jetables inutiles voire nuisibles. Une réduction
féroce du temps de travail imposé pour assurer à
tous un emploi satisfaisant est une condition prealable. En 1981
déjà, Jacques Ellul, l'un des premiers penseurs d'une
société de décroissance, fixait comme objectif
pour le travail, pas plus de deux heures par Jour. On peut avec
Osvaldo Pieroni, s'inspirant de la charte "consommations et
styles de vie" proposée au Forum des ONG de Rio, synthétiser
tout cela dans un programme en sept "R" : Réévaluer,
Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser,
Recycler. Ces sept objectifs interdépendants enclenclent
un cercle vertueux de décroissance sereine, conviviale et
soutenable. Réévaluer, cela signifie revoir les valeurs
auquelles nous croyons et sur lesquelles nous organisons notre vie
et changer celles qui doivent l'ètre.
On voit tout de suite quelles sont les valeurs qu'ils faut mettre
en avant et qui devraient prendre le dessus par rapport aux valeurs
dominantes actuelles. L'altruisme devraient prendre le pas sur l'égo•sme,
la coopération sur la compétition éffrénée,
le plaisir du loisir sur l'obsession du travail, l'importance de
la vie sociale sur la consommation illimitée, le goùt
de la bel ouvrage sur l'efficience productiviste, le raisonnable
sur le rationnel, etc. Le problème c'est que les valeurs
actuelles sont systémiques. Cela signifie qu'elles sont suscitées
et stimulées par le système et qu'en retour, elles
contribuent à le renforcer. Certes, le choix d'une éthique
personnelle différente, comme la simplicité volontaire,
peut infléchir la tendance et n'est pas à négliger.
Il doit mème ètre encouragé dans la mesure
où il contribue à saper les bases imaginaires du système,
mais sans une remise en cause radicale de celui-ci la Réévaluation
risque d'ètre limitée. Il s'agirait par une véritable
révolution culturelle de renouer en quelque sorte avec l'abondance
de perdue des sociétés primitives dont nous rappelle
Baudrillard, après Salhins et bien d'autres, "la richesse
n'est pas fondée dans les biens, mais dans l'échange
concret entre les personnes. Elle est donc illimitée".
Restructurer, cela signifie adapter l'appareil de production et
les rapports sociaux en fonction du changement des valeurs. Cette
restructuration sera d'autant plus radicale que le caractère
systèmique des valeurs dominantes aura été
ébranlé. C'est l'orientation vers une société
de décroissance qui est ici en question.
Relocaliser, signifie bien sér produire localement pour
l'esentiel les produits servant à la satisfaction des besoins
de la population à partir d'entreprises locales financées
par l'épargne collectée localement. Ne faudrait-il
pas adopter le "principe de subsidiarité du travail
et de la production" formulé par Yvonne et Michel Lefèbvre,
c'est-à-dire le principe de la priorité à l'échelon
décentralisé?" Toute production pouvant se faire
à l'échelle locale pour des besoins locaux doit ètre
réalisée localement. Ceci entra"nera : toute
prise de décision économique pouvant ètre prise
à l'échelle locale doit ètre prise localement".
Un tel principe repose sur le bon sens et non sur la rationalité
économique. "Qu'importe de gagner quelques francs, précisent
les auteurs, sur un objet quand il faut contribuer de plusieurs
milliers de francs, par des charges diverses, à la survie
d'une fraction de la population qui ne peut plus, justement participer
à la production de l'objet". Si les idées doivent
ignorer les frontières, les mouvements de marchandises et
de capitaux doivent ètre réduits à l'indispensable.
En internalisant les coùts ex ternes du transport (infrastructure,
pollution dont effet de serre et dérèglement climatique)
on relocaliserait un grand nombre d'activités. Pour sér
le fameux petit pot de yoghourt aux fraises n'incorpererait plus
8000 km!
Redistribuer s'entend de la répartition des richesses et
de l'accès au patrimoine naturel. Réduire veut dire
réduire les horaires de travail, comme on l'a vu, mais aussi
diminuer l'impact sur la biosphère de nos modes de produire
et de consommer. Comme le dit Hubert Reeves : "Il ne s'agit
pas de retourner à l'‰ge de pierre et de s'éclairer
à la chandelle. On estime que la puissance énergétique
nécessaire pour une vie humaine "convenable" (chaleur,
propreté, transport, produits manufacturés) équivaut
à celle dégagée par un modeste radiateur allumé
en permanence (soit 1 kilowatt).
Aujourd'hui l'Amérique du Nord (Canada et Etats-Unis) en
utilise douze fois plus et l'Europe de l'Ouest cinq fois plus, tandis
que le tiers de l'humanité est bien en dessous de cette norme.
C'est cette surconsommation qu'il serait nécessaire de réduire
pour allèger les contraintes énergétiques qui
pèseront de plus en plus lourdement sur notre avenir et pour
arriver à un partage plus égal du bien-ètre
mondial".
Pour ce faire réutiliser au lieu de jeter les appareils
et les biens d'usage et bien sér recycler les déchets
incompressibles de notre activité. Ainsi, on peut estimer
à plus de 10 000 arbres par an, le gaspillage épargné
en France par ce que les compagnons d'EmmaŸs prennent la peine
de récolter, de trier, de conditionner de papiers et cartons
qui sans cela pourriraient ou bruleraient et pollueraient.
Conclusion :
Vaste et utopique programme, dira-t-on ? La transition est-elle
possible sans révolution violente ou plus exactement la révolution
mentale nécessaire peut-elle se faire sans violence sociale
? Comment passer de la société actuelle de croissance/développement
à une société de décroissance? Ce passage
peut-il ètre serein, convivial et soutenable ? Il est impossible
de répondre. Notre système repose sur la production
de valeurs d'échange à travers le marché généralisé
engendrant profits pour les capitalistes, exploitation pour les
travailleurs du Nord et du Sud et destruction de la nature. La limitation
drastique des atteintes à l'environnement et donc de la production
de valeurs d'échanges incorporés dans des supports
matériels physiques n'implique pas nécessairement
une limitation de la production de valeurs d'usage à travers
des produits immatériels. Ceux-ci, au moins pour partie,
peuvent conserver une forme marchande. Toutefois, si le marché
et le profit peuvent persister comme incitateurs, ils ne peuvent
plus ètre les fondements du système. On peut concevoir
des mesures progressives constituant des étapes, mais il
est impossible de dire si elles seront acceptées passivement
par les "privilégiés" qui en seraient victimes,
ni par les actuelles victimes du système présent qui
sont mentalement ou physiquement droguées par lui. La réappropriation
de la monnaie et le retour conscient et systèmatique à
la monnaie fondante (plus ou moins bien réalisé par
l'inflation pendant les trente glorieuses), permettrait de recommencer
"l'euthanasie des rentiers" tandis que la taxation des
transactions financières limiterait considérablement
la spéculation et affaiblirait le capitalisme financier et
criminel, sans renoncer pour autant à la logique marchande.
Une incitation très forte à la demande serait engendrée
facilitant les reconversions vers la production, éventuellement
lucrative, de biens relationnels. La démarchandisation nécessaire
du travail, de la terre et de la culture ne porterait pas atteinte
à l'existence de marchés, mais nous éloignerait
du spectre d'une société de Marché. Tout cela
combiné à l'encouragement de formes alternatives d'organisation
collective contribuerait au réench‰ssement de l'économique
dans le social.
Cette marche vers une société de décroissance
devrait ètre organisée non seulement pour préserver
l'environnement mais aussi et peut-ètre surtout pour restaurer
le minimum de justice sociale sans lequel la planète est
condamnée à l'explosion. Cependant, l'inquiétante
canicule 2003 a fait beaucoup plus que tous nos arguments pour convaincre
de la nécessité de s'orienter vers une société
de décroissance . Ainsi, pour réaliser la nécessaire
décolonisation de l'imaginaire, on peut très largement
compter sur la pédagogie des catastrophes.
Pour en savoir plus :
L'ouvrage emblèmatique de Nicholas Georgescu-Roegen, La
décroissance, éditions Sang de la terre.
La revue Silence (9 rue Dumenge, F69317 Lyon Cedex 04) en particulier
le numéro 280.
L'écologiste, 25 rue de Fécamp, 75012, Paris, N¡
6 hiver 2001.
Défaire le développement, refaire le monde, actes
du colloque de la Ligne d'horizon à l'UNESCO, Parangon, 2002.
Objectif décroissance, ouvrage collectif reprenant les principaux
articles de la revue Silence et quelques contributions nouvelles,
Parangon, 2003.
Colloque La décroissance soutenable, H™tel de ville
de Lyon, les 26-27 septembre 2003. organisée par l'Institut
d'études économiques et sociales pour la décroissance
soutenable, l'Institut pour la relocalisation de l'économie,
l'association La ligne d'horizon, les revues Silence, l'Ecologiste,
Casseurs de pub, Nature et Progrès,
Le site de la ligne d'horizon : www.apres-developpement.org
Entretien avec Jacques Ellul, Patrick Chastenet, La table ronde,
1994, p. 342.
Le Monde du 16/2/2002.
Le Monde du jeudi 19 juin 2003.
Vandana Shiva, La guerre de l'eau. Parangon, 2003.
Henry Teune, Growth, Londres, Sage Publications, 1988, p. 13.
Takis Fotopoulos, Vers une démocratie générale.
Seuil, Paris, 2002, p. 31.
On trouvera une bibliographie exhaustives des rapports et livres
parus sur le sujet depuis le fameux rapport du Club de Rome, dans
Andrea Masullo, "Il pianeta di tutti. Vivere nei limiti perchè
la terra abbia un futuro". EMI, Bologne, 1998.
Gianfranco Bologna (Sous la direction de), Italia capace di futuro.
WWF-EMI, Bologne, 2001, pp. 86-88.
Vandana Shiva, Le terrorisme alimentaire. Comment les multinationales
affament le tiers-monde. Fayard, 2001. p. 97.
La quantité moyenne de C02 émise par chaque habitant
de la planète est à ce jour de quatre tonne par an,
répartie de la manière suivante : onze tonnes et demi
pour le cinquième de la population mondiale vivant dans les
pays industrialisés (avec une pointe de vingt tonnes et demi
pour les Etats-Unis), contre deux tonnes pour les quatre-cinquième
du reste de la planète (avec tout juste un dixième
de tonne pour onze Etats, en majorité africains), voir Martin
Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation
racontée à ceux qui la subissent, deuxième
partie, Climats, 2003, p. 131.
F. Schneider cité par Hervé Martin, op. cit. p. 225.
Arundathy Roy, ÇÊDéfaire le développement,
sauver le climatÊÈ, in L'ƒcologiste, n¡6,
Hiver 2001, p.7.
"Nous pouvons recycler les monnaies métalliques usées,
écrit Nicholas Georgescu-Roegen, mais non les molécules
de cuivre dissipées par l'usage", In Mauro Bonaiuti,
La teoria bioeconomica. La "nuova economia" di Nicholas
Georgescu-Roegen. p. 140.
De l'impossibilité qui s'ensuit d'une croissance illimitée
ne résulte pas, selon lui, un programme de croissance nulle,
mais celui d'une décroissance nécessaire.
"Nous ne pouvons, écrit-il encore, produire des réfrigérateurs,
des automobiles ou des avions à réaction "meilleurs
et plus grands" sans produire aussi des déchets "meilleurs
et plus grands" Op. cit. p. 63.
The Business case for sustanable developpement. Document du World
Business Counsil for Sustanable Developpement pour Johannesburg.
"Sustainable development is best achieved through open, competitive,
rightly framed international markets that honor legitimate comparative
advantages. Such markets encourage efficiency and innovation, both
necessities for sustainable human progress". "Le développement
durable est réalisé au mieux gr‰ce une concurrence
ouverte au sein de marchés correctement organisés
qui respectent les avantages comparatifs legitimes. De tels marchés
encouragent l'efficience et l'innovation qui sont toutes nécessaires
à un progrès humain durable". "The basic
business contribution to sustainable developpement, one we have
worked on for a decade, is eco-efficiency, a term we invented in
1992. The WBCSD defines eco-efficiency as being "achieved by
the delivery of competitively priced goods and services that satisfy
human nedds and bring quality of life, while progressively reducing
ecological impacts and resource intensity throughout the life cycle,
to a level at least in line with the Earth's estimated carrying
capacity". The Business case for sustanable developpement.
Document du WBCSD pour Johannesburg.
Mauro Bonaiuti, "Nicholas Georgescu-Roegen. Bioeconomia. Verso
un'altra economia ecologicamente e socialmente sostenible".
Bollati Boringhieri, Torino, 2003. En particulier, pp. 38-40.
Bonaiuti Mauro, La "nuova economia" di Nicholas Georgescu-Roegen.
ed. Carocci, Roma 2001, pp. 109 et 141.
Jean-Pierre Dupuy, "Ivan Illich ou la bonne nouvelle",
Le monde du 27/12/2002.
Rahnema Majid, Quand la misère chasse la pauvreté,
Fayard/Actes Sud, Paris 2003, p. 14.
"Mème si l'économie de croissance est fille
de la dynamique de marché, il ne faut pas confondre les deux
concepts : on peut avoir une économie de croissance qui n'est
pas une économie de marché, et c'est notamment le
cas du "socialisme réel" Fotopoulos Takis, Vers
une démocratie generale. Une démocratie directe, économique,
écologique et sociale. Seuil, 2001. p.39
voir notre livre, Justice sans limites. Le défi de l'éthique
dans une économie mondialisée", en particulier
le chapitre IV, "La banalité économique du mal".
Fayard, Paris 2003.
Jacques Ellul, Le Bluff technologique, Hachette, Paris 1998, p.
76.
Op. cit. p. 79.
Chiffres donnés par le journal Le Monde du 22.11.9l.
Hervé Kempf, L'économie à l'épreuve
de l'écologie, Hatier, col. Profil, l99l, page 52.
Alors qu'en 1951 il fallait 145 heures de travail environ pour
construire une voiture, 98 suffisaient en 1979 et moins de 12 aujourd'hui...
Nouvelles de Longoma•, N¡ 82, automne 2002, cité
par Hervé Martin, op. cit. p. 142.
"En dix ans les prix alimentaires en France (ce que paye le
consommateur) ont augmenté de onze pour cent, tandis que
les prix agricoles à la production (ce qui est payé
au paysan) chutaient d'autant. Et il y en a encore qui osent prétendre
que a profite au consommateur ! "Hervé Martin,
op. cit. p. 25 Le goét, par exemple, n'arrive qu'au septième
rang des critères de recherche sur les variétéss
actuelles, après la productivité, le calibrage, la
couleur, la conservation, etc. Ibid. p. 28
Une étude intitulée "Les coéts masqués
de l'agriculture intensive" pour la Grande Bretagne nous apprend
qu'"En 1996 les compagnies de distribution d'eau ont dépensé
trois cent trente millions d'euros pour éliminer les pesticides,
les nitrates et les agents pathogènes d'origine agricole
contenus dans l'eau destinée à la boisson" cité
par Martin Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation
racontée à ceux qui la subissent, deuxième
partie, Climats, 2003 , p. 25. .
"Les cancers ont progresssé en 20 ans en France de
25 % pour les hommes, le plus répandu étant celui
de la prostate, en augmentation très rapide dans tous les
pays industrialisés, et de 20 % pour les femmes, avec un
bond de 60% pour les cancers du sein : une femme sur dix le conna"tra
(après la guerre une sur quarante) : si la probabilité
pour un homme de contracter un cancer au cours de sa vie est désormais
de 46,90 %, celle d'en mourir, gr‰ce au progrès de
la médecine n'est que de 27,6 %" (Le Monde, 22 décembre
1998.)
C. Cobb, T. Halstead, J. Rowe, The Genuine Progress Indicator :
Summary of Data and methodology, Redefining Progress, San Francisco
1995 et des mèmes, If the GDP is Up, Why is America Down
? in Athlantic Monthly, N¡ 276, octobre 1995.
Hobbes Léviathan chapitre XI. Sirey l971, pp. 95-96. Je
dois à mon ami Alain Caillé d'avoir attiré
mon attention sur cet important passage.
Christian Laval, L'ambition sociologique. La découverte
MAUSS, Paris 2002, pp. 255 et ss.
Majid Rahnema, op. cit, p. 231.
Majid Rahnema, op. cit, p. 134.
Robert Reich, L'infelicita' del successo, Roma, Fazi 2001, pp.
18-21. Cité par Luigino Bruni, L'economia e i paradossi della
felicita' p. 242, in Pier Luigi Sacco e Stefano Zamagni (a cura
di) Complessita' relazionale e comportamento economico. Il Mulino,
Bologna 2002.
Martin Hervé René, La fabrique du diable, La mondialisation
racontée à ceux qui la subissent, deuxième
partie, Climats, 2003. p. 20
En ce qui concerne les sociétés du Sud, cet objectif
n'est pas vraiment à l'ordre du jour, en ce sens que mème
si elles sont traversées par l'idéologie de la croissance,
ce ne sont pas vraiment pour la plupart des "sociétés
de croissance".
Cela voudrait dire à la lettre : "avancer en reculant".
L'impossibilité où nous nous sommes trouvés
de traduire "décroissance" en anglais est très
révélatrice de cette domination mentale de l'économisme,
et symétrique en quelque sorte de celle de traduire croissance
ou développement dans les langues africaines (mais aussi
naturellement, décroissance...). Le terme utilisé
par Nicholas Georgescu-Roegen, declining, ne rend pas vraiment ce
que nous entendons par décroissance, non plus que decrease,
proposé par certains. Les néologismes, ungrowth, degrowth,
dedeveloppement, ne sont pas non plus très satisfaisants.
Jean-Luc Porquet, Jacques Ellul l'homme qui avait presque tout
prévu. Le cherche midi, Paris 2003.
Patrick Viveret, rapport confidentiel, p. 25.
Carla Ravaioli, Un mondo diverso è necessario, Editori riuniti,
Roma 2002, p.25/26.
Ibidem.
Ibid, p. 63.
Paolo Barnard, journaliste de la RAI, interview sur internet.
Hervé René Martin, La mondialisation racontée
à ceux qui la subissent, Climats, 1999. p. 15.
Mauro Bona•uti, A la conquète des biens relationnels,
Silence N¡ 280 "La décroissance", Lyon, février
2002. Ce ne serait pas pour autant du "développement",
concept à proscrire qui n'a jamais été séparé
de la croissance matérielle.
"P. J. Hill (...) avance que le niveau de vie des Américains
aux revenus les plus bas (20/ de la population) a augmenté
en moins d'un siècle de 750 % et que leur "standard
de vie" est plusieurs fois supérieur à celui
de leurs ancètres les plus riches au début du siècle
(20 % de la population)", "An Analysis of the Market Economy",
cité par Majid Rahnema, p. 129. .
Philippe Saint Marc, L'économie barbare, éditions
Frison-Roche, Paris 1994.
E. Goldsmith, Le défi du XXIème siècle, Le
rocher, l994, p.330.
On peut mème penser avec Bertrand Louard que "Remettre
en question le "mode de vie" des nations industrielles,
fondé sur un immense gaspillage, ne signifie pas non plus
la promotion de la frugalité, de l'autérité
ou d'une quelconque forme d'ascétisme". "Au contraire,
poursuit-il, à travers la ma"trise de savoir-faire,
c'est une autre forme de richesse qu'il y a à inventer ;
une richesse qui ne se mesure pas à la quantité de
marchandises consommées ou de signes échangés,
mais plut™t une richesse de significations et d'expressions,
qui reflètent autant qu'elles les construisent les rapports
sociaux et les rapports des hommes avec la nature". Quelques
éléments d'une critique de la société
industrielle, Juin 2003, Bulletin critique des sciences, des technologies
et de la société industrielle, 52 rue Damrémont,
75018 Paris, p. 28.
Op. cit. p. 18. Il poursuit : "et à choisir des modes
de vie basés sur l'archétype de la pauvreté
? ". Autolimitation serait plus appropriée.
"La réduction drastique du temps de travail. Les 35
heures ? Non, c'est "complètement désuet".
Le but à atteindre : deux heures par jour. Ellul s'inspire
ici de deux ouvrages, le fameux Deux heures par jour, signé
Adret, et La Révoution des temps choisis. Certes, reconna"t-il,
cela n'est en rien facile ni sans risques : "Je sais très
bien ce que l'on peut objecter : l'ennui, le vide, le développement
de l'individualisme, l'éclatement des communautés
naturelles, l'affaiblissement, la régression économique
ou enfin la récupération du temps libre par la société
marchande et l'industrie des loisirs qui fera du temps une nouvelle
marchandise". (251) Mais s'il imagine facilement "ceux
qui vivront collés à leur écran TV, ceux qui
passeront leur vie au bistrot" ,etc., il se dit convaincu qu'ainsi
"nous serons obligés de poser des questions fondamentales
: celles du sens de la vie et d'une nouvelle culture, celle d'une
organisation qui ne soit ni contraignante ni anarchique, l'ouverture
d'un champ d'une nouvelle créativité... Je ne rève
pas. Cela est possible. (...) L'homme a besoin de s'interesser à
quelque chose et c'est de manque d'intérèt que nous
crevons aujourd'hui". Avec du temps libre, et des possibilités
d'expression multiples, "je sais que cet homme "en général"
trouvera sa forme d'expression et la concrétisation de ses
désirs. Ce ne sera peut-ètre pas beau, ce ne sera
peut-ètre pas élevé ni efficace ; ce sera Lui.
Ce que nous avons perdu". (253) Ellul "Changer de révolution"
cité par Jean-Luc Porquet in "J. Ellul L'homme qui avait
(presque) tout prévu" Ed. Le cherche mdidi, 2003 pp.
212/213.
On pourrait allonger la liste des "R" avec : rééduquer,
reconvertir, reféfinir, remodeler, repenser, etc. mais tous
ces "R" sont plus ou moins inclus dans les six premiers.
La société de consommation, Paris, Deno‘l,
1970, P 92.
Yvonne Mignot-Lefebvre et Michel Lefebvre, Les patrimoines du futur,
Les sociétés aux prises avec la mondialisation, L'Harmattan,
Paris, l995. P. 235.
Hubert Reeves, Mal de terre, Seuil, 2003, pp 68_69.
Osvaldo Pieroni, Fuoco, Acqua, Terra e Aria, Lineamenti di una
sociologia dell'ambiente. Carocci, Roma, 2002, p. 282.
Cité par Fabrice Liegard, Travail et économie dans
les communautés d'EmmaŸs, Rapport au ministère
de la culture, Paris 2003.
Sur cette distinction/opposition entre Marché (abstrait
de la théorie économique) et marchés (concrets
des places urbaines, lieux de rencontre) nous renvoyons au dernier
chapitre de notre livre déjà cité "Justice
sans limites".
Ainsi les articles de Jean-Paul Besset, "Faire face à
l'agression climatique" (Le monde du 2/08/2003) et de Corinne
Lepage, "Ecologie : la révolution ou la mort (Le monde
du 15/08/2003) sont de véritables appels à la décroissance.
Ainsi les articles de Jean-Paul Besset, "Faire face à
l'agression climatique" (Le monde du 2/08/2003) et de Corinne
Lepage, "Ecologie : la révolution ou la mort (Le monde
du 15/08/2003) sont de véritables appels à la décroissance.
La pagina http://www.edscuola.it/archivio/interlinea/colloque_la_decroissance.htm
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