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Origine : http://shukaba.org/Machines.html
MACHINES CELIBATAIRES
Systèmes séparés de la vie
La pensée organisée en chapelles, l'art, la mode, l'économie, les
marques, les multinationales, la fonction publique, les boîtes de
com', entre autres exemples, peuvent être considérés comme de tels
systèmes.
Ces systèmes se comportent comme des machines, fascinantes certes,
mais qui tournent par elles-mêmes, pour elles-mêmes et en elles-mêmes.
Elles portent au sein de leurs rouages étincelants, couleur de vie
en trompe-l'oeil, la mort des choses enregistrées, pour toujours,
sous leur forme la plus parfaite, comme au cinéma, le mouvement
continuel crée l'illusion de la vie.
D'aucuns y voient la fin de l'art, c'est le sens caché (?) d'un
discours selon lequel tout a déjà été fait, a déjà eu lieu, etc...
Dérision, fragmentation, répétition, font naître un discours critique
qui, au comble de l'aberration et du retournement, finit par vanter
la compilation aseptisée, estampillée marchandise de haut niveau,
muséo-momifiée -que la mort est jolie!- au détriment de la chair
et du vécu: la vie c'est sale, ça pue, ça suinte, ça grouille, ça
colle, c'est laid, c'est kitsch, c'est pauvre, bref, c'est pas
tendance.
Au contraire des systèmes-machines propres, débarrassés de toute
scorie, où tout ce qu'on a introduit est traçable, stérilisé, où
les pièces de fonctionnement sont toutes interchangeables et la
fiabilité comme l'hygiène sont garantis. Ils tournent sous label
hautement certifié, reconnaissable par un logo dont l'image omniprésente
vous sourit et vous rassure. Les rouages en sont tous étroitement
dépendants, partant, aucune prise de responsabilité intempestive
n'est à craindre de leur part. Ils sont régulièrement blanchis,
lustrés, on soigne leur apparence afin qu'on puisse les croire faits
des métaux les plus purs. La machine elle-même "s'exhibe sans
pudeur", comme le dit Jarry dans Le Surmâle, elle se
montre, se médiatise, met automatiquement en branle d'autres machines
branchées en série, connectées en réseau, en flux tendu, en temps
réel. Elle constitue à elle seule un spectacle exaltant, dont chacun
ne peut qu'avoir envie de faire partie intégrante. Il faut "en être"
pour exister, quitte pour cela à s'effacer dans ses entrailles,
comme le héros de Bioy-Casares dans L'invention de Morel.
Les Machines Célibataires , définies par Deleuze et Guattari comme
"surfaces d'enregistrement, corps sans organes (...) l'essentiel
est l'établissement d'une surface enchantée d'inscription ou d'enregistrement
qui s'attribue toutes les forces productives et les organes de production,
et qui agit comme quasi-cause en leur communiquant le mouvement
apparent", sont organisées en arborescences multiples.
Les grands trusts mondiaux, avec leurs marques et logos, leurs
alliances et leurs O.P.A, ne fonctionnent pas autrement. Les marques
tendent le plus possible à se déresponsabiliser de la production
par des réseaux de sous-traitants, qui "font le sale boulot" en
"délocalisation" dans des pays pauvres. Ce qui leur permet de se
consacrer totalement et à grands frais, au dorage du blason, à l'entretien
sur un grand pied d'un staff adéquat et au réconfort des actionnaires,
tâches nobles s'il en fut. Tout cela allège considérablement le
bolide high tech que constitue une grande marque, elle peut donc,
avec une maniabilité accrue, débarrassée le plus possible des facteurs
humains contraignants, se propulser à grande vitesse dans le ciel
des cotations boursières où elle scintillera médiatiquement.
La Mégamachine Progrès, ou "actualisation illimitée du
possible",
ainsi définie par Gilbert HOTTOIS: une mégamachine reliant entre
elles des milliers d'autres petites machines, qui font corps
avec leurs machinistes technoformés. Configuration de poupées gigognes
en "rhizome", l'Internet n'en est que l'un des derniers avatars.
Ce rhizome est un rêve pour celui qui voudrait jouer au "Big Brother"
et s'insinuer au plus profond des esprits connectés, non pour satisfaire
leurs désirs mais pour les orienter selon la bonne tendance et les
inféoder à travers les images virtuelles, DVD ou télévisuelles,
au grand consensus du progrès inéluctable et obligatoirement bon
pour tous.*
Cette religion à extases cathodiques constitue le vrai danger de
la "mondialisation", pour employer le mot à la mode, un danger sans
commune mesure avec celui que représenteraient sur le net toutes
les prises de liberté individuelles réunies, telles que semblent
le craindre les instances qui s'emploient à légiférer, prétendant
les protéger du cybercrime, contre les individus et leurs libertés
fondamentales. Un pas dans le sens des interdits égale cent pas
dans le sens de la déresponsabilisation individuelle et de la perte
de citoyenneté massive: comble d'absurdité démontré magistralement
par les hackers qui, eux, ont l'imagination pour débusquer
les sites dangereux pour les libertés et la rapidité pour les contrer
avec des moyens aussi dérisoires qu'efficaces.
Car liberté égale courage. Il aura fallu d'abord échapper à la fascination
exercée depuis le siècle dernier par la Mégamachine Progrès, et
retrouver une sorte de virginité dans le regard sur la réalité dans
laquelle nous baignons de manière osmotique, que nous le voulions
ou non, qu'elle soit matérialisée ou virtuelle.
Transformer des espaces réputés démocratiques en espaces de non-droit,
c'est ce que s'emploient à faire les grandes marques dans les zones
géographiques, politiques, technologiques, par elles colonisées
sur toute la planète*. Elles défendent la marque, non les individus
qui la portent à bout de bras et qui constituent leur fond de commerce.
Les grands procès en "droits d'auteur", les polémiques sur le "libre
de droits", tout cela est détourné au profit des grands labels et
au détriment des auteurs dont ils ont acheté et dont ils sont censés
défendre la création en la diffusant à travers des produits audiovisuels
ou des banques d'images, par exemple. Les marques s'estiment propriétaires
de tout ce sur quoi elles apposent leur label, comme un marquage
au fer rouge. Les auteurs sont traités comme le reste du cheptel,
les salariés et les sous-traitants qui fabriquent les produits distribués.
Au mieux, ils servent "la cause" en tant que vedettes-hommes de
paille, auquel cas ils sont royalement entretenus car "porteurs
de l'image" au même titre que les publicitaires de haut niveau qui
fabriquent les logos et les rendent visibles partout, jusque sur
le consommateur qui a payé l'honneur de devenir homme-sandwich.
On achète des stylistes comme des footballeurs pour looker les marques
à haut niveau et décliner ensuite dans tous les secteurs de produits
la tendance mise en cahiers, en apprêts, en fabrication, en modèles,
en boutiques franchisées ou en "espaces de marque" géants.
Les marques font et défont les styles en "mangeant" au fur et à
mesure ce qu'invente celui qu'on peut appeler "l'homme de la rue",
pour le lui reservir, digéré et re-designé par "les hommes de l'art"
reconnus. Elles envahissent aussi l'espace de citoyenneté que constitue
l'espace urbain, où elles sont omniprésentes, et plus seulement
avec le pannaeu publicitaire classique. Elles font l'information
(voir "rumeurs") à travers les émissions de télévision dont beaucoup
de "tuyaux tendance" ne sont que des publireportages. Elles prétendent
"lancer" les modes mais ces modes sont les chevaux de Troie destinés
à investir tous les territoires de la culture, dans leurs tout derniers
retranchements, y compris les fissures où se blotissent les créateurs
indépendants, considérés comme de la ressource de terrain, et dont
on extrait les idées comme on pille le territoire d'un "indigène"
pour en vendre les produits. Actuellement, par exemple, les arts
de la rue, tentatives pour l'art de restituer l'espace urbain et
la critique aux habitants, sont copiés et détournés à grand renfort
de moyens, tels qu'ils occupent massivement cette niche. Et retirent
toute visibilité à d'authentiques contestations artistiques, sans
moyens, qui pour le coup sembleront "nulles". Ici les moyens mis
en oeuvre pareront de grandes qualités des fabrications-clones d'oeuvres
d'art dites "populaires" et emporteront l'adhésion. L'indigène se
voit forcé de s'approprier en l'achetant sous label ce qu'on lui
a pillé. Là, un pudique anonymat des artistes-indigènes produira
une illusion de "spontanéité" complètement maîtrisée et marketisée
(voir rumeur-scénario de complot). Ce type de mécénat récupérateur
est un des tops du moment, accomplissant le positionnement d'un
label comme "celui qui défend les artistes et la culture" et force
l'admiration par son modernisme "up to date".
L'indigène n'a pas de nom, pas de parole, pas de visibilité, pas
de revendication, pas d'espoir de rentabilité: il n'acquiert d'utilité,
de légitimité, de droit à vivre, à définir et à parler, sur tout
et n'importe quoi, que lorsqu'il est estampillé par un label. S'il
refuse de se laisser labéliser, c'est le rejet dans les marges de
la non ou de la sous-culture, tolérée dans des squats, ghettos qu'on
peut vider à tout moment comme un abcès.
Entre deux, le nomad's land des penseurs anonymes qui reçoivent
au courrier les nouvelles du monde traduites par des gens qui ont
des noms. Ces gens justement dont on "place" dans les salons mondains
ou au café littéraire, les prénoms (comme s'ils étaient les seuls
à le porter), afin de laisser entendre une grande intimité avec
eux, les "people" (ironie du terme, qui désigne, ainsi que la presse
spécialisée qui leur est consacrée, non les gens du peuple, mais
uniquement ceux parmi eux qui ont un nom). Cette activité salonnière
a été baptisée "name dropping", comme on pouvait le lire dans Elle,
parmi des recettes pour être "trendy" en société.
En effet, à force de recevoir dans son salon ou sa chambre tous
ces "people" qui "s'expriment", disent leur sentiment par petit
écran interposé, ou de trouver dans sa boîte à presse quotidienne
leurs missives, l'indigène les considère comme sa famille, leur
nom lui appartient, il l'utilise sans arrière-pensée comme raccourci
pour s'exprimer, en fait des adjectifs qualificatifs, des rôles,
les métaphorise. Ses cours de philo prolongés par la lecture de
la presse lui ont donné d'ailleurs des pistes en ce sens: les "people"
se citent abondamment entre eux de cette façon, comptant sur l'érudition
événementielle du lecteur pour compléter l'ellipse. Ceci ne manque
pas de flatter l'indigène qui reçoit "cinq sur cinq". Quelquefois
même, il souligne, il digère, il commente, il reste à sa place,
il sait qu'il n'a pas pour de vrai l'amitié des people, il fait
ça dans la marge.
Parole d'Indigène!
Turbulences: sitôt
pondu par Isabelle DORMION, sitôt mis en ligne, un hyper journal à
suivre.
Chaudevant: Des
fragments trouvés dans le casier à courrier ou reçus par presse quotidienne,
publicités ou spots télé, qui sont cités, soulignés, commentés, voire
décryptés, par May LIVORY.
Label, banque de données et droit d'auteur
Lorsqu'il se rebiffe, l'indigène déclenche le rouleau compresseur:
à lui de résister seul des années durant au large consensus qui veut
que le respect du créateur, et le "droit d'auteur", seul mode de rémunération
inhérent au statut d'auteur tel que légalement conçu actuellement,
soit à la fois reconnu et constamment bafoué, impunément, par ceux-là
même qui l'exploitent et devraient le faire respecter.
Personne n'est resté insensible aux énormes profits générés par
le nouvel Eldorado que constituent les banques de données ou les
sociétés d'auteurs (il faut savoir qu'un auteur ne peut toucher
de droits de l'audiovisuel s'il ne fait pas partie d'une société
d'auteurs, laquelle redistribue à ses adhérents le pactole versé
sans aucune transparence ni compte à rendre).
Abusées par l'expression "libre de droits" employée pour leur publicité
par les banques d'images, alors que seuls certains des droits sont
compris dans le prix du cédérom, de petites sociétés ou services
de communication intégrés répugnent à recourir à des créateurs indépendants,
pensant "se faire avoir" s'ils paient des droits. Certains vont
parfois jusqu'à prétendre acheter la création comme "des pommes
de terre qu'on mange ou qu'on met dans son tiroir et qu'on utilise
quand on en a besoin et qu'on vend comme bon nous semble" (dixit
un directeur du groupe Marie-Claire Album en 90 lors d'une réunion
de concertation en expertise). C'est une des conséquences de la
naissance des grandes banques d'images, qui diffusent mondialement
sous la forme de cédéroms et de catalogues téléchargeables sur Internet,
des images prêtes à l'emploi.
Tout groupe de presse constitue des archives au fil des ans, avec
les documents publiés et les reportages photographiques complets
parmi lesquels les rédactions ont choisi quelques vues pour une
parution initiale. Et, une chose en entraînant une autre, ce groupe
peut exploiter ses archives comme une banque de données dans un
système classique de reventes. Tout dépend alors du système d'indexation
et de gestion de cette "banque", s'il respecte ou non, en totalité
ou en partie, le droit d'auteur et le copyright, et selon quelle
législation (en effet les lois ne sont pas les mêmes pour tous les
pays). La mise en archives n'est pas expressément signalée aux auteurs,
ils reçoivent, au mieux, des fiches de revente avec chèque ou virement
du montant de leurs droits calculés selon la méthodologie et la
base de rémunération en usage dans le groupe en question. Les auteurs
n'ont la plupart du temps pas accès aux données, encore moins la
possibilité de vérifier, modifier ou de supprimer celles les concernant.
Le pot de terre contre le pot de fer, un exemple: des créateurs
peuvent ainsi se retrouver sans le savoir, dans une situation d'exclusivité
non consentie de revente de leurs droits par un groupe de presse.
Plus grave, cette revente se fera sans mention de nom d'auteur et
sans contrepartie financière si par exemple les oeuvres ne sont
répertoriées que sous le nom du photographe qui en a fait la reproduction.
En effet les oeuvres se trouvent classées dans de telles archives
sous diverses formes, exploitables conjointement ou séparément grâce
à un certain nombre "d'entrées" dans la base de données: reportage
photo, rédactionnel, iconographie thématique, catégories d'ouvrages,
de techniques, de styles, shémas de montage, patrons, diagrammes
etc... De plus, ainsi fragmentées, titrées, préparées, classées,
les oeuvres font partie d'un fond qui peut être du jour au lendemain
cédé globalement, par vente ou par regroupement, à n'importe quelle
entité possible.
Un auteur ne peut donc découvrir la reproduction de ses oeuvres
à travers un tel système de reventes qu'au hasard, par exemple en
feuilletant un journal étranger lors d'un voyage, ou un des albums
thématiques édités en Angleterre et traduits dans plusieurs langues
et vendus partout au moment des fêtes: c'est exactement ce qu'ont
vécu May Livory et Huguette Kirby, qui en tant que stylistes, ont
travaillé en free-lance une quinzaine d'années avec le groupe Marie-Claire
Album. Et elles ont connu face à ce groupe et aux instances censées
mettre bon ordre, des démêlés véritablement rocambolesques pour
faire reconnaître les contrefaçons et faire valoir leurs droits.
Au départ, 5 plaignantes dans un procès en droits d'auteur pour
reproductions illicites de leurs oeuvres, initialement créées pour
des parutions ponctuelles dans le titre 100 Idées (défunt depuis),
par le groupe, sur une période de plus de 20 ans, sans autorisation
ni mention du nom ni rémunération. Première manche gagnée en 1989,
mais abandon entre temps de trois des plaignantes, poussées à "devenir
raisonnables" et à "faire table rase" pour une somme dérisoire.
Deuxième manche, gagnée par les deux résistantes avec un nouvel
avocat, en 96, avec parution dans 3 journaux de la condamnation
du groupe. Mais la dernière tranche, suite à l'expertise, vient
seulement de se terminer, en 2001!
Le label est en train de remplacer les auteurs. Cet exemple vécu
n'est là que pour stigmatiser le comportement de type célibataire
de nombreux organismes marchands vivant de la création mais refusant
de le reconnaître à travers les auteurs. La polémique sur l'internet
et les différents symposiums sur ce sujet parleront en l'air tant
que le label fera la loi par dessus les lois, que détenant les copyrights,
il en gèrera les profits et les défendra, s'il le faut, contre les
auteurs eux-mêmes. Tant qu'il fera l'actualité par les grands procès
en contrefaçon, tendant ainsi à amalgamer sa cause à celle des droits
des auteurs: mais l'exploitant défend avant tout sa marque, qu'il
a apposée sur des copyrights, et prétend être le seul à exploiter
cette mine. L'essentiel pour le label qui a constitué une telle
banque de données est donc de décourager les auteurs qu'un précédent
pourrait inciter à réclamer la reconnaissance de leurs droits ou
à exiger la transparence dans leur gestion et leur répartition (ce
qui est également valable pour les sociétés d'auteurs).
Le terme de "droit d'auteur" est d'ailleurs devenu ambigu: il s'agit
pourtant simplement d'un mode de rétribution de l'auteur par un
diffuseur, rétribution progressive et au prorata prédéfini des bénéfices
générés par les ventes, avec ou sans "avance sur droits" à la commande
des oeuvres. Ce contrat moral, financier et social qui lie le "diffuseur"
à "l'auteur" est souvent et impunément bafoué, d'autant plus facilement
qu'il n'y a d'autre moyen pour l'auteur lésé que le procès pour
faire respecter le contrat. A part quelques "best sellers", l'auteur
en a rarement les moyens, ou comme il s'agit le plus souvent de
petites sommes, il serait démesuré d'engager une procédure pour
les récupérer une à une.
Si malgré tout il se lance dans une procédure, l'auteur passe vite
pour un procédurier dont il faut se méfier. Et comme il s'agit avant
tout pour le label de continuer à exploiter une mine qui rapporte,
sa stratégie consistera alors à "faire durer" par tous moyens tels
que rétention d'informations, tentative d'imputation de la charge
de preuve, témoignages invérifiables, intimidation ou mauvaise foi.
A telle fin que l'auteur, isolé, lâché par ses confères professionnels,
même s'il gagne au final parce que son avocat s'est bien battu,
ait perdu son temps, son argent, sa réputation, son travail. Le
fin du fin consistant à parler des auteurs en général comme de l'ennemi
procédurier des entreprises. Travail de sape qui réussit puisque
les droits d'auteur sont de plus en plus mal vus, perçus même parfois
dans l'esprit du public comme des entraves au développement en se
faisant attribuer "par transparence" tout ce qui est le fait du
label et de son monopole.
Au point que lorsqu'on débat ces derniers temps de droit d'auteur,
le fait qu'on soit pour ou contre n'a que peu de sens. Et des gens
de bonne foi comme ceux de "Copyleft" qui veulent jouer le partage
et la gratuité sur le net se trompent de cible. En effet les auteurs
dans l'état actuel des choses ne sont pas libres de donner ou de
vendre des droits qui leur sont confisqués par les groupes à stratégie
de profit. Ces groupes qui font l'actualité sur ce sujet en se battant
entre eux avec de grands moyens. Soit l'auteur souscrit à un mode
de fonctionnement qui a acquis force de loi par l'usage en signant
des contrats léonins, ou il se fait laminer à l'usure et à la réputation
(mesures de rétorsion non officielles telle la liste rouge ou le
chantage à la "conciliation", pour en revenir à notre exemple).
Un type de fonctionnement qui ressemble fort à celui qui consiste
pour les Supermarques, comme les appelle Naomi Klein dans No Logo,
à se débarrasser de leur rôle social à travers des sous-traitants
délocalisés, laissant entendre que ce sont les individus producteurs
qui coûtent le plus cher et pénalisent l'entreprise par leurs revendications
exorbitantes, les empêchant de réaliser les objectifs stratégiques
fixés. Ça vous a des relents de vieilles histoires de bouc émissaire,
et au fond, c'est toujours la même histoire de pouvoir, d'argent,
de conquête de nouveaux territoires, de colons et d'esclavagisme.
Mais observer les rouages d'une machine dont on essaie de comprendre
les mécanismes et actualiser ses connaissances en la matière n'a
jamais fait de mal à personne. Qu'il est bon en tant qu'être humain
d'exercer son intelligence à autre chose qu'à la consommation béate
ou à la confortation journalière d'un certain confort généré par
l'irresponsabilité! Et les conclusions de cette observation sont
loin d'être fatalistes: les mécanismes sont réinventables à l'infini,
l'énergie qui les meut aussi, et inventer c'est amusant même si
c'est inutile: la surprise est toujours possible!
La mise en évidence de ce phénomène n'est pas nouvelle en soi.
Il a déjà été largement étudié et / ou évoqué en art et en littérature
par Marcel Duchamp, Jean Dubuffet, Georges Bataille, Franz Kafka,
Guy Debord, Gilles Deleuze, Andy Warhol et, on l'oublie trop souvent,
Charles Baudelaire parmi maint autre poète ou critique d'art.
Shukaba tente un "break" qui permette de montrer que beaucoup,
si ce n'est la plupart, des machines, ne sont pas célibataires dans
leur nature, et donc une fois pour toutes, mais dans leur mode de
fonctionnement. Ce n'est donc qu'une question de rapports et de
différentiels.
Les Machines Célibataires fonctionnent au courant alternatif attirance-répulsion...
Nous pouvons en conclure qu'il est toujours possible de rendre inscriptible
une surface d'enregistrement, de rendre ses organes sensibles au
corps, de remettre le contact avec l'affect, "d'inverser la vapeur"
grâce à quelque élément. Il peut même suffire d'ajouter ou de retirer
un petit quelque chose, un "je-ne-sais-quoi" judicieusement choisi.
C'est cette recherche "futile" que mène Shukaba, tâche à la fois
rude et dérisoire, mais lorsqu'on se sent écrasé, le moindre petit
bras de levier est bon à prendre.
May Livory
Bientôt la suite de ce feuilleton: Envers / Endroit....
Point de vue d'artiste résumé d'une partie de ce qui précède pour
l'intervention de May Livory au cyber Sénat lors de la fête de l'Internet
1999:
A toute liberté son poids de courage
Ceux qui s'occupent de l'art éclipsent ceux qui le font
Où il est question du "métier" d'artiste, du marché de l'art et de
la gestion de l'art en France, qui ressemble fort dans son fonctionnement
à une machine de type célibataire: un texte-constat de Katerine LOUINEAU
Arts plastiques
accaparés et plasticiens tutellisés...
Bibliographie
BAUDELAIRE, Charles: Oeuvres complètes (2 tomes), La Pléïade, Gallimard,
Paris.
* p. 580 Tome II: L'idée du progrès, " ce fanal obscur, invention
du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la nature (...)
Qui veut y voir clair dans l'histoire doit avant tout éteindre ce
fanal perfide".
Et p. 581: "Si les denrées sont aujourd'hui de meilleure qualité
et à meilleur marché qu'elles n'étaient hier, c'est dans l'ordre
matériel un progrès incontestable. Mais, où est, je vous prie, la
garantie du progrès pour le lendemain? Car les disciples des philosophes
de la vapeur et des allumettes chimiques l'entendent ainsi: le progrès
ne leur apparaît que sous la forme d'une série indéfinie. Où est
cette garantie? Elle n'existe, dis-je, que dans votre crédulité
et votre fatuité. (...) Transportée dans l'ordre de l'imagination,
l'idée du progrès (il y a eu des audacieux et des enragés de la
logique qui ont tenté de le faire) se dresse avec une absurdité
gigantesque, une grotesquerie qui monte jusqu'à l'épouvantable.
(...) L'artiste ne relève que de lui-même. Il meurt sans enfants.
(...) Il en est de même des nations qui cultivent les arts de l'imagination
avec joie et succès. La prospérité actuelle n'est garantie que pour
un temps, hélas, bien court. (...) La vitalité se déplace, elle
va visiter d'autres races."
JARRY, Alfred : Le Surmâle, paru init. Revue Blanche, 1920, n°
108 éd Mille et Une Nuits, Paris, Mai 1996.
BIOY CASARES Adolfo: L'INVENTION DE MOREL,
TIBBON Michel, DES AUTOMATES AUX CHIMERES, Enquête sur la mécanisation
du vivant, Thèse d'Etat, Paris Sorbonne, 1991.
LATOUCHE Serge, LA MEGAMACHINE, Paris, La Découverte, coll. Recherche,
1995.
Collectif : Catalogue bilingue français / allemand édité par Alfieri
à l'occasion de l'exposition "JUNGGESELLENMASCHINEN-LES MACHINES
CELIBATAIRES" aux Arts Décoratifs en 1976 à Paris, présentée également
à Berne, Venise, Bruxelles, Düsseldorf, musée de L'Homme et de L'Industrie
au Creusot, à Malmö, Amsterdam et Vienne), dirgé par Jean CLAIR
et Harald SZEEMANN, avec entre autres auteurs: Michel CARROUGES,
Marc LE BOT, Bazon BROCK, Michel de Certau, Peter Gorsen, Gilbert
LASCAULT, Jean-François LYOTARD, Günther METKEN, Alain MONTESSE,
RDRIZZANI, Arturo SCHWARTZ, Michel SERRES. L'exposition par elle-même
constituait une sorte de labyrinthe où les oeuvres pouvaient être
vues comme formant un "cycle sur les différentes façons de mourir
(Todesarten)" expression d'Ingeborg BACHMANN reprise par Michel
de CERTEAU, qui, à propos du "Graphe peint sur verre de Duchamp",
y voit la dissémination du sujet (l'image du spectateur devant la
vitre-miroir): "... malgré la dérisoire fusion que lui promet cette
transparence..."
Michel CARROUGES dès 1948, consacre dans son livre LES MACHINES
CELIBATAIRES l'expression dont Marcel DUCHAMP est l'inventeur avec
son Grand Verre "qui fascine comme une sorte de grandiose pictogramme
ou hyéroglyphe représentant une scène capitale et incompréhensible.
Pour mieux comprendre, reportons-nous au prototype le plus simple
des machines célibataires. on le reconnaît dans la célèbre formule
de LAUTREAMONT: "Il est beau... comme la rencontre fortuite sur
une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie!"
(MALDOROR, Chant VI)... A la place du lit d'amour qui est union
et vie, la table de dissection exprime la fonction spécifique de
la machine célibataire qui est solitude et mort".
DELEUZE Gilles.et GUATTARI F., Capitalisme et Schizophrénie, L'ANTI-OEDIPE,
Paris, éditions de Minuit, coll. Critique, 1972.
DEBORD Guy, LA SOCIETE DU SPECTACLE, 3° édition française, Paris
Gallimard par les soins de Jean-Jacques PAUVERT. (éd originale,
Buchet-Chastel, 1967, puis Champs Libres, 1971)
PETIT Pierre, MOLINIER, UNE VIE D'ENFER, Paris Ramsay/ Jean-Jacques
Pauvert, 1992.
LIVORY May, SHUKABA, rumeurs et Costumes, Septentrion "Thèse à
la carte", Paris 1998, "Du remplacement de l'imaginaire par des
machines séparées de la vie dans les milieux d'art et de mode en
occident au XXeme siècle", pages 96 à 123. A acheter en ligne sur
Septentrion (lien direct sur thèse à la carte, rubrique ethnologie).
*KLEIN Naomi, NO LOGO, La Tyrannie des Marques, édition française
Actes Sud, 2001
Sur son site Internet, des forums très fournis et toute l'actualité
touffue sur la mondialisation, les associations et collectifs qui
réagissent à la tyrannie des marques et leur "branding": <http://www.nologo.com>
SMIERS Joost: Plaidoyer pour l'abolition du droit d'auteur: La
propriété intellectuelle, c'est le vol! Article paru dans Le Monde
Diplomatique Septembre 2001 -3- extraits:
"Les grands groupes culturels et d'information couvrent toute la
planète avec les satellites et les câbles. Mais posséder les tuyaux
de l'information du monde n'a de sens que si l'on détient l'essentiel
du contenu, dont le copyright constitue la forme légale de propriété.
Nous assistons actuellement à une foire d'empoigne des fusions dans
le domaine de la culture, comme celle d'AOL et de Time Warner. Cela
risque d'aboutir à ce que, dans un futur proche, seule une poignée
de compagnies disposent des droits de la propriété intellectuelle
sur presque toute la créatiuon artistique, passée et présente.
(...) Le concept autrefois favorable, de droits d'auteur, devient
ainsi un moyen de contrôle du bien commun intellectuel et créatif
par un petit nombre d'industries. (...) Les quelques groupes dominant
l'industrie culturelle ne diffusent que les oeuvres artistiques
oude divertissement dont ils détiennent les droits. (...)
conclusion: "Désormais, l'objectif devrait être de créer un nouveau
système qui garantisse aux artistes des pays occidentaux et à ceux
du tiers-monde de meilleurs revenus, qui donne toute sa chance au
débat public sur la valeur de la création artistique, qui se préoccupe
de l'entretien du domaine public culturel, qui brise le monopole
des industries de la culture, vivant du système de droits d'auteur."
SOULILLOU Jacques: L'AUTEUR, MODE D'EMPLOI, l'Harmattan, Paris,
1999.
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dépend de l'intuition et de la facilité du "navigant" à stigmatiser
ses préoccupations.
Pour les débutants: taper mot, nom ou expression dans la case blanche,
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s'agit d'un groupe de mots, les taper entre deux guillemets: par
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sur l'aspect juridique de la question, des liens directs sur les
textes et des pages d'actualités sur les dernières décisions, françaises,
européennes et d'outre Atlantique et des articles de la revue web
TRANSFERT concernant le droit d'auteur et internet, sujet brûlant
dont on commence à entrevoir les enjeux.
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ça peut donner une idée, certes approximative, du contenu, tout
en faisant rire car la machine a des trouvailles très incongrues!
Pour conserver les pages et constituer sa bibliothèque, le conseil
Shukaba: sélectionner les passages, sans oublier noms d'auteur et
références de publication, faire copier-coller dans son traitement
de texte familier (claris ou word par ex) et enregistrer en titrant
dans ses archives pour une remise en forme ultérieure, ce qui sera
plus lisible et économique en papier, plutôt que d'imprimer directement,
surtout s'il y a des images, car elles vont percuter et couper les
textes. En cas de citation des textes ou images capturés, ne pas
oublier de le faire dans le respect de la Nétiquette et de l'esprit
de la lettre: demander l'accord des auteurs s'il ne figure pas sur
le site, et mentionner la source très scrupuleusement en donnant
la référence internet où on l'a trouvée. De la même manière, titrer
intelligemment les pages qu'on installe sur son site permet au moteur
de proposer plus facilement les pages pertinentes (sur "Rumeurs"
par exemple, on a encore beaucoup trop de pages sans titre concernant
des vedettes ou des sportifs, proposées uniquement parce que le
mot rumeur y figure incidemmentce qui encombre encore trop les recherches
de pages sans intérêt pour le sujet.)
Bon voyage!
Pour revenir ici, il suffira de faire "back" ou "retour" dans la
barre de son navigateur, ou si on est parti trop loin, de taper
shukaba dans la case de recherche Google de la page où on se trouve
http://shukaba.org/index.html
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