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origine : http://lesogres.org/article.php3?id_article=649
A propos du livre de Sophie Bessis "L’Occident
et les autres"
Pour un lecteur occidental, tout remonté qu’il puisse
être contre l’impérialisme, L’Occident
et les autres représente un vertigineux Luna Park de l’esprit
: il oblige à relativiser et à remettre en cause "un
système depuis si longtemps établi qu’il se
confond avec l’ordre naturel des choses". Ça secoue,
mais ça fait du bien, en bouleversant les repères
trop confortables, et en ouvrant grand sur l’horizon - tant
géographique que temporel.
L’essai de Sophie Bessis postule que l’identité
occidentale est indissociable d’une "culture de la suprématie"
: "La France, mais ni les Etats-Unis ni la Grande-Bretagne
ne sont en reste sur ce registre, ne peut se penser que comme une
puissance", écrit-elle. "La crainte de devoir abandonner
la position hégémonique qui a forgé leur relation
au monde est synonyme, dans les consciences occidentales, de la
peur de voir se dissoudre leur identité." Contrairement
à ce qu’on a souvent voulu croire, cette culture s’est
perpétuée, sous des formes différentes, à
toutes les étapes de l’Histoire : aujourd’hui,
"en contraignant chacun à reconnaître l’existence
de l’autre, le rétrécissement du monde a également
sophistiqué les formes de sa négation ou de sa diabolisation".
Si le livre prend parfois des allures de pamphlet, notamment lorsque
l’auteur épingle les énormités qu’ont
pu écrire certains historiens, philosophes ou journalistes,
son propos est avant tout l’histoire et l’analyse des
rapports entre l’Occident et le reste du monde. Ambitieux
et réussi, il compile une foule de sources très diverses
pour détailler l’évolution des rapports de force
dans le champ politique et économique, mais aussi celle des
attitudes et des discours. Sophie Bessis montre un souci constant
de la rigueur et de la nuance, et évite admirablement tout
manichéisme, alors que le sujet s’y prête peut-être
plus qu’aucun autre. La posture qu’elle adopte, très
critique à la fois vis-à-vis des manifestations de
l’impérialisme et vis-à-vis des réactions
qu’il suscite, rend son livre aussi enrichissant pour un lecteur
du Nord que pour un lecteur du Sud ; on a très envie qu’il
soit largement traduit. Car cette lecture minutieuse de l’Histoire
des cinq derniers siècles à l’aune de la relation
"Occident/reste du monde" aboutit à la conclusion
que, pour peu qu’on veuille bien en saisir l’opportunité,
les temps sont mûrs pour une ère nouvelle et pour le
moins excitante : celle du "postnationalisme".
"Le peuple français vote la liberté du monde"
Sophie Bessis fait remonter la naissance de l’Occident à
1492, date qui voit coïncider la "découverte"
de l’Amérique et l’expulsion des juifs et des
musulmans d’Espagne. C’est alors que se met en place
une "formidable machine à expulser les sources orientales
ou non-chrétiennes de la civilisation européenne".
Au début du XVIe siècle, l’Espagne invente le
mythe de la "pureté de sang" ("limpieza de
sangre"). C’est cette "double appartenance"
fondée sur la chrétienté et sur la race qui
va légitimer la conquête de l’Amérique.
Suivra ensuite l’apparition du discours antinégriste,
destiné à légitimer l’esclavage - jusqu’à
ce que la rhétorique scientifique, au XVIIIe siècle,
prenne le relais du religieux pour nourrir l’argumentaire
de l’infériorité de la race noire. La Renaissance
marque donc une période où l’Europe, "en
même temps que son horizon s’élargit aux dimensions
du monde et qu’elle prend connaissance de l’étonnante
diversité d’une humanité moins homogène
qu’elle ne l’imaginait, entreprend de réduire
le territoire du genre humain à ses seules frontières,
une fois son identité construite sur le rejet de tout ce
qui altère l’image qu’elle veut avoir d’elle-même".
Cette Europe-là "s’institue la seule dépositaire
de l’ensemble des attributs de l’humanité".
Les Lumières, plus tard, ne proclameront les droits inaliénables
de l’être humain que pour aussitôt les limiter
: l’universel abstrait s’incarne dans le seul homme
blanc (et mâle !). La théorie scientifique de la supériorité
de la race blanche viendra résoudre la contradiction : elle
permettra à l’Occident de défendre ses intérêts
et de satisfaire ses appétits de puissance en toute bonne
conscience. Les Lumières laïcisent ce que le discours
religieux désignait comme "le fardeau de l’homme
blanc" - la mission de civiliser le monde, d’être
le flambeau de l’humanité. En énonçant
l’universel, l’homme occidental s’est proclamé
en même temps son gardien et son propagateur ; il y a là
au départ, même chez les penseurs sincères,
une ambiguïté de taille. Pour l’illustrer, Sophie
Bessis cite Saint-Just incluant dans son Essai de Constitution pour
la France un article selon lequel "le peuple français
vote la liberté du monde" : "Extraordinaire volonté,
commente-t-elle, de donner corps à l’universel des
philosophes et extraordinaire prétention, en même temps,
que le fait de s’autodésigner pour une telle mission."
Le nazisme, filiation et non rupture
La colonisation, "cet arbitraire sanglant à mission
civilisatrice", va pouvoir se poursuivre - la fin justifie
les moyens. Tant et si bien que lorsque adviendra le nazisme, il
sera, affirme l’auteur, "le résultat d’une
filiation, et non une rupture" : "Ni l’obsession
de la pureté, ni la conviction de faire partie d’une
humanité supérieure, ni la volonté de se tailler
un espace "vital" ne peuvent être portées
au crédit des inventions hitlériennes. (...) Qu’on
ne se méprenne pas : mon propos n’est pas de "banaliser
le mal", il est de rappeler que le mal était depuis
longtemps banalisé. Hors les modalités de l’extermination,
l’unicité du nazisme semble donc être due à
deux faits : le passage à l’acte génocidaire
en Europe même, et le caractère "inutile"
de cet acte."
On pourrait lui objecter que ce caractère "inutile"
est peut-être constitutif de la notion même de génocide
: la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression
du crime de génocide (votée en 1948) le définit
comme "l’intention de détruire, en tout ou en
partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme
tel" (c’est nous qui soulignons). Au Rwanda, les rescapés
tutsis dont Jean Hatzfeld a recueilli le témoignage (Dans
le nu de la vie - éditions du Seuil) insistent sur le traumatisme
que représente l’idée qu’on ait voulu
les tuer pour ce qu’ils sont ; aucun ne semble croire sérieusement
que les tueries aient eu une "raison", comme le désir
de s’approprier leurs biens, par exemple. C’est cela
qui, en rendant le génocide inexplicable, crée une
faille dans la conscience, et le distingue des massacres de grande
ampleur.
Malgré tout, il y a sans doute du vrai dans ces lignes d’Aimé
Césaire (Discours sur le colonialisme) que cite Sophie Bessis
: " Oui, il vaudrait la peine (...) de révéler
au très distingué, très humaniste, très
chrétien bourgeois du XXe siècle (...) qu’au
fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est
pas le crime en soi, le crime contre l’homme... c’est
le crime contre l’homme blanc. "
La prise de conscience que suscite la découverte des camps
d’extermination nazis reste inachevée. Elle conduit
"non à l’agonie, mais à la reformulation
de la culture de la suprématie en termes acceptables pour
des consciences collectives plus convaincues que jamais, après
la victoire sur la Bête, d’être les dépositaires
de l’universel humaniste, tout en demeurant ancrées
dans la certitude de leur supériorité". Le racisme
étant désormais à bannir (on en laisse la responsabilité
à l’extrême droite, sans s’interroger sur
un passé où il était la norme), le champ de
la supériorité de l’Occident se recentre "sur
ses dimensions techniques, scientifiques, économiques et
culturelles". Les grands thèmes de l’après-guerre
- marqué par des massacres coloniaux comme ceux de Sétif
et de Saïgon, en 1945 - seront donc "l’ingratitude"
et le "manque de maturité" des peuples colonisés.
Même les partisans de leur indépendance se montreront
ambivalents, ce qu’illustre bien cette petite phrase de Paul
Ricoeur déclarant que "l’exigence, même
prématurée, de liberté a plus de poids moral
que toute l’œuvre civilisatrice des colonisateurs".
La dette :
" pardonner aux pauvres les désastreux effets
de leur prodigalité "
Avec la décolonisation, l’homme occidental est, pour
la première fois, confronté directement à l’autre,
qui l’oblige à prendre en compte son désir de
liberté. Mais, durant la guerre froide, capitalistes et communistes
occidentaux ne vont faire que distribuer les bons points aux pays
du Sud qui leur renvoient l’image la plus conforme à
leurs attentes : les premiers encouragent ceux qui copient avec
application leur modèle économique (même s’il
s’agit de régimes autoritaires), et les seconds font
"la révolution par procuration" : "Ni les
uns ni les autres n’aperçurent, chez leurs disciples
obéissants, l’histoire qui était à l’œuvre
et les dynamiques souterraines qui métamorphosaient de l’intérieur
le modèle." Dans les années quatre-vingt, un
même constat s’impose partout : "Le tiers monde
se révèle décidément bien incapable
de reprendre le flambeau de la révolution ou de reproduire
à l’identique, en moins d’une génération,
une évolution qui s’était étalée
sur des siècles chez le modèle."
L’attitude des militants de gauche ne se démarque
en rien de la "culture de la suprématie". Sophie
Bessis définit l’internationalisme prolétarien
comme un "messianisme généreux mais eurocentriste
et incapable de penser la pluralité" : "Jamais
les communistes n’ont vraiment questionné le droit
"naturel" de l’Occident à détenir
le monopole de la pensée et à se poser en seul véritable
sujet de l’histoire." Marxistes et libéraux partagent
la même vision du "développement" : tous
le "résument dans la croissance économique ;
et ils en ont une vision purement quantitative dont on mesurera
bien tard les conséquences". Jamais il ne vient à
l’idée ni des uns, ni des autres que les populations
puissent être "les sujets de leur propre histoire en
train de se faire".
De la modernité, les pays du Sud n’auront eu que la
caricature économique, sans jamais voir la couleur de ses
aspects politiques. L’"aide au développement"
est le dernier avatar du "fardeau de l’homme blanc".
Elle alimente "une industrialisation sans véritable
objet", favorise une corruption massive, et bénéficie
à la fois aux classes dirigeantes des pays du Sud et à
l’Occident, dont elle garnit les carnets de commande. En lançant
les pays du Sud dans une course absurde et perdue d’avance,
elle aboutit à "un resserrement des liens de dépendance"
qui les emprisonnent. Piégés par la spirale de l’endettement,
ils se voient imposer les premiers programmes d’ajustement
structurel à la fin des années soixante-dix.
L’effondrement de l’Union soviétique les affaiblit
encore en "rendant caducs les chantages aux alliances dans
lesquels étaient passés maîtres un certain nombre
de dirigeants du Sud". Aujourd’hui, oubliant le rôle
actif qu’ils ont joué dans la mise en place de l’économie
de la dette et les bénéfices qu’ils en ont retirés,
les pays occidentaux multiplient les effets d’annonce autour
des généreuses réductions auxquelles ils consentent
: "Après la période coloniale, certes rude mais
bienfaisante, après l’aide au rattrapage du modèle
occidental, voici venu le temps de pardonner aux pauvres les désastreux
effets de leur prodigalité et de les remettre sur le droit
chemin en effaçant une partie de leur dette, mais une partie
seulement."
"Les Noirs américains devraient être reconnaissants
aux esclavagistes de les avoir tirés d’Afrique"
: quand l’Occident redécouvre le confort des certitudes.
Loin d’aboutir à une remise en question, la faillite
généralisée constatée dès les
années quatre-vingt provoque un violent retour de bâton
: elle fait "redécouvrir le confort des certitudes"
et réveille les nostalgies de l’époque coloniale
- "cette histoire glorieuse qui ne fut pas sans ombres",
écrit joliment un journaliste du Monde en 1997... Dans Courrier
international, la même année, Alexandre Adler s’enflamme
: "Bien sûr que la France aime son Afrique et éprouve
la nostalgie poignante d’une République que nous perdons
goutte à goutte."
En 1998, la commémoration de l’abolition de l’esclavage
en France "prend l’allure d’une célébration
consensuelle de l’humanisme républicain" et fait
totalement l’impasse sur les insurrections noires qui ont
accéléré le processus menant à l’abolition.
Aux Etats-Unis, un élu démocrate qui avait proposé
que son pays présente ses excuses aux Noirs américains
pour cette période reçoit des pelletées de
courrier indigné - notamment, une lettre dont l’auteur
estime "que les Noirs américains devraient être
reconnaissants aux esclavagistes de les avoir tirés d’Afrique"...
Toujours d’actualité, et peut-être de plus en
plus, ce "backlash" montre la permanence de la "culture
de la suprématie", malgré toutes les embardées
qui auraient pu la déloger.
La mondialisation, terme dont Sophie Bessis s’attache à
distinguer les différents sens qu’on lui donne, peut
être vue soit comme "la version la plus récente
de la domination occidentale", soit, à l’inverse,
comme un "facteur de redistribution des cartes économiques
mondiales". Au terme d’une longue analyse, elle aboutit
à la conclusion que l’hégémonie occidentale
n’est pas réellement menacée. Après tout,
dit-elle, en 1820, les deux plus grandes puissances économiques
mondiales étaient l’Inde et la Chine... Au mieux, dans
un futur proche, l’Asie ne ferait que retrouver la place qui
était la sienne il y a deux siècles. Elle constate
que la transnationalisation des entreprises fonctionne comme "un
gigantesque dispositif d’accumulation de la richesse au profit
de ceux qui détenaient déjà les rênes
de l’économie mondiale". On l’avait presque
oublié : dénoncer, par exemple, les impostures d’un
Jean-Marie Messier, président de Vivendi-Universal, flattant,
en France, le chauvinisme des Français et, aux Etats-Unis,
celui des Américains, et clamer que désormais les
grandes entreprises n’ont plus de nationalité, c’est
ne pas voir qu’elles gardent, à défaut de nationalité,
une appartenance bien marquée...
La "mondialisation",
un sésame pour expliquer tous les malheurs du monde
Dans le souci d’inviter le lecteur à considérer
les équilibres économiques dans leur globalité,
Sophie Bessis invite aussi à relativiser l’impact des
délocalisations dans la crise de l’emploi que connaissent
les pays occidentaux. Celle-ci, dit-elle, est due aussi à
toute une série d’autres facteurs - progrès
technique, "contraction de la masse salariale" exigée
par le capitalisme boursier... Dans les lectures simplistes, la
thèse de l’ouvrier du Sud volant le travail d’un
ouvrier occidental équivaut à celle de l’immigré
prenant la place d’un chômeur autochtone dans les pays
riches. "Ces raisonnements n’offrent guère de
perspectives aux demandeurs d’emploi du Sud : interdits de
séjour au nord du monde, ils devraient être aussi interdits
d’industrialisation chez eux pour préserver les emplois
des anciens pays manufacturiers." Au-delà des conditions
de travail infernales des pays-ateliers, dénoncées
à juste titre par les syndicats du Nord, il reste en effet
à poser la question du partage du travail à l’échelle
planétaire, ce qui est rarement fait.
Elle critique plus généralement une certaine tendance,
chez ses contempteurs, à tout mettre sur le dos de la mondialisation
libérale : elle cite des militants d’Amnesty International
dénonçant les programmes d’ajustement structurel
du Fonds monétaire international (FMI) comme seuls responsables
des malheurs de la Somalie et du Rwanda, comme si ces pays n’avaient
pas d’histoire propre, ni de rapports de force internes -
sans compter que la Somalie n’a jamais appliqué de
programme d’ajustement ! "La stigmatisation dont sont
l’objet les institutions financières internationales,
vues comme les bras de l’Hydre, va bien au-delà de
leurs responsabilités très réelles dans la
libéralisation des économies et dans la montée
des inégalités mondiales." De même, Ricardo
Petrella attribue à la mondialisation la "réduction
massive et généralisée de la durée de
vie des biens et des services", alors que celle-ci remonte
à l’euphorie consumériste des Trente Glorieuses.
" La construction de mondialisations alternatives
est davantage porteuse d’avenir que la recherche d’alternatives
nationales "
Ces approximations dans l’appréciation sont d’autant
plus dangereuses que, pour les dirigeants de tous pays, invoquer
à tout bout de champ la mondialisation est devenu une manière
d’accréditer la thèse de leur impuissance, alors
que leur action continue de relever de choix bien réels.
En quoi les décisions d’autoriser aujourd’hui
encore, en France, "le développement des secteurs les
plus polluants de l’agriculture", ou d’investir
les fonds publics "davantage dans l’aide aux entreprises
ou aux lobbies les plus bruyants que dans l’assistance sociale
réduite à la portion congrue", ont-elles à
voir, par exemple, avec les contraintes de la mondialisation ?
L’auteur admet toutefois que l’Etat a vu son influence
contestée ces dernières années "par la
montée en puissance des pouvoirs économiques transnationaux,
mais aussi par l’émergence d’une société
civile qui lui conteste le monopole de la parole politique qu’il
s’était arrogé".
Pour elle, de toute façon, ceux qui se montrent nostalgiques
d’une époque où l’Etat jouait pleinement
son rôle redistributeur oublient qu’il s’agissait
en fait d’une période très brève, qui
"fait figure d’exception dans la longue histoire de l’expansion
du capital". Il s’agit, dit-elle, de "se souvenir
que la mondialisation a une histoire, sans pour autant se réfugier
dans des nostalgies sans objet". C’est pourquoi elle
affirme que "la construction de mondialisations alternatives
(...) est davantage porteuse d’avenir que la recherche d’alternatives
nationales à la mondialisation".
Elle se prononce aussi, non pour la suppression de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC), mais pour "le changement radical
de ses logiques de régulation", car elle la juge porteuse
d’un "multilatéralisme moins écrasant pour
les plus faibles que l’unilatéralisme des plus puissants,
en particulier celui sans nuance des Etats-Unis". Elle met
en garde contre tout triomphalisme : l’échec de la
réunion de l’OMC à Seattle en décembre
1999 a tenu, rappelle-t-elle, à une alliance ambiguë
entre des organisations non gouvernementales (ONG), soucieuses de
l’instauration de règles protégeant les plus
faibles, et les dirigeants des pays du Sud, qui rejetaient avec
force "l’introduction de clauses sociales et environnementales
dans la régulation du commerce mondial".
La faillite du modèle occidental : ça commence
à se voir...
Si la mondialisation ne semble pas menacer dans l’immédiat
l’hégémonie économique de l’Occident,
un bouleversement de l’ordre des choses pourrait se produire
par un autre biais : par la faillite de plus en plus éclatante
de son modèle de développement. Le "développement",
c’est, depuis toujours, "l’obligation faite aux
autres d’emprunter des voies historiquement inexplorées
pour devenir les mêmes". Aujourd’hui, "là
où l’Europe et l’Amérique du Nord furent
protectionnistes, et le sont encore dans les secteurs où
elles se sentent fragiles, les Suds sont contraints de s’ouvrir
à une concurrence généralisée dont l’histoire
de l’Occident montre qu’elle n’a jamais servi
de levier au "décollage". Là où les
riches d’aujourd’hui prirent la liberté de soumettre
la planète et de puiser dans ses ressources sans se fixer
de limites, les Suds doivent explorer les chemins inconnus d’une
croissance propre et économe, tout en étant sommés
de réaliser des performances au moins aussi remarquables
que celles de leurs mentors. Là où l’Europe
fit de l’émigration un outil capital de sa croissance
et de son rayonnement, les habitants des Suds sont assignés
à résidence et ne doivent trouver que chez eux les
moyens de leur mieux-être.
" A tout cela s’ajoutent la durcissement des lois sur
la propriété intellectuelle et une confiscation inédite
du savoir par le Nord, qui renforcent les conditions intenables
faites aux Suds". Si on comprend bien la nécessité
de lutter pour la protection des économies locales, pour
la liberté de circulation des personnes et du savoir, il
devient évident qu’on ne peut que s’opposer,
pour des raisons de survie, à la généralisation
du mode de vie occidental. Conclusion : l’objectif officiellement
fixé aux pays du Sud est non seulement irréalisable,
mais indésirable.
L’Occident lui-même est en train de reconnaître,
même implicitement, la faillite de son modèle : affolé
par ses conséquences environnementales, qui se font sentir
avec de plus en plus d’acuité, il ordonne à
ses voisins "en développement" de s’arranger
pour ne pas polluer autant que lui-même l’a fait ; mais
il ne peut espérer y parvenir que s’il accepte lui-même
de se soumettre à ces objectifs : "S’il veut convaincre
ses interlocuteurs de l’autre moitié du monde de la
justesse de ses nouvelles prescriptions, c’est d’abord
chez lui qu’il faut procéder à une remise à
plat des procès de croissance qui ont fait sa fortune, et
dont il craint désormais la reproduction hors de ses frontières.
C’est en invalidant le modèle auquel il a donné
le statut d’universel qu’il peut dissuader les autres
d’y aspirer." Or, jusqu’ici, c’est évidemment
le règne du "faites ce que je dis, pas ce que je fais"
: les Etats-Unis, avec une mauvaise foi obscène, sont allés
jusqu’à demander que l’on classe les pays "selon
leurs émissions globales", sans tenir compte de leur
population... Ce qui, en 1995, faisait apparaître la Chine
au second rang des pollueurs. On n’imaginait tout de même
pas que l’Amérique accepterait d’être placée
sous surveillance "comme un vulgaire pays du Sud" ! Ces
manœuvres dilatoires ne changent cependant rien, estime Sophie
Bessis, au fait que le Nord se retrouve désormais "piégé
par l’attrait de son modèle".
La prise de conscience actuelle de la finitude de la planète
annonce peut-être l’épuisement de ce modèle
longtemps incontesté, "qui, s’il venait à
être dépassé, serait du même coup renvoyé
à son caractère singulier".
Un Occident occupé à "mesurer l’humanité
de l’autre"
La dernière partie du livre s’intitule "Des deux
côtés du miroir" : elle analyse d’une part
l’incapacité de l’Occident à considérer
l’autre comme son égal s’il ne lui renvoie pas
l’image qu’il attend, et montre d’autre part comment
cet "autre" se laisse piéger par l’obsession
de lui répliquer et de s’en démarquer symétriquement.
Ainsi, "d’un côté, l’universel reste
prisonnier des limites qui lui ont été posées
depuis son invention, de l’autre on existe d’abord contre,
avant de commencer à explorer d’autres définitions
de soi".
La culture occidentale, "rendue tragiquement solitaire par
l’ancienneté de son assurance, continue de vouloir
définir seule les conditions d’accès à
un universel moderne". L’autre, quand il ne répond
pas docilement à "l’injonction mimétique"
qu’on lui adresse, est aussitôt "rejeté
dans une altérité supposée être au pire
un lieu de régression, au mieux un ailleurs admirable mais
figé, d’où rien de neuf ne peut sortir".
Tout occupées à "mesurer l’humanité
de l’autre", l’ensemble des sociétés
occidentales restent profondément convaincues de leur supériorité.
Des deux côtés de l’Atlantique, "le discours
dominant est bâti autour d’une lénifiante rhétorique
ahistorique servant à établir une sorte de consubstantialité
intemporelle entre l’humanisme et l’Occident".
Ayant confisqué l’universel pour en faire un outil
d’hégémonie, l’Occident a perpétué
un écart calamiteux entre les discours et les actes. Son
respect des principes qu’il avait énoncés, "directement
fonction de ses intérêts géopolitiques et économiques",
a toujours été à géométrie variable.
Aujourd’hui, il poursuit son "recours sélectif
à l’éthique". Le "droit d’ingérence",
qu’il a pratiqué de tout temps sous des appellations
différentes, aurait pu s’avérer un progrès
pour l’humanité, s’il n’était pas
irréversible ("imagine-t-on une mission d’enquête
sénégalaise ou indienne visitant les prisons françaises
ou les pénitenciers américains ?"), et s’il
ne reposait pas sur cet universel tronqué dont on n’a
pas fini de mesurer la capacité à générer
de la haine.
"Ceux qui mettent au compte de leur génie collectif
la paternité de l’invention, écrit Sophie Bessis,
n’ont pas renoncé à se prévaloir d’une
sorte de droit d’usage (...) et à s’en instituer
les gestionnaires exclusifs au risque d’entretenir la confusion,
instrumentalisée par d’autres, entre la mondialisation
de l’universel et l’occidentalisation du monde."
"Réclusion identitaire" contre "injonction
mimétique"
Car cette assimilation, dans les faits, de la liberté, de
l’humanisme, de l’universel, aux prosaïques intérêts
occidentaux, produit des effets désastreux : les régimes
despotiques du Sud ont beau jeu, dès lors, pour museler leurs
dissidents, d’assimiler le désir de liberté
à une trahison de l’identité. Et les idéologies
extrémistes, jouant sur l’exaspération, sur
le sentiment d’injustice et d’humiliation des populations,
s’en trouvent légitimées : "Les diktats,
les silences, les trucages, érigés en autant de stratégies
par les diplomaties occidentales, ont contribué à
renforcer les tenants des pires replis identitaires dans les pays
du Sud et à affaiblir les explorateurs locaux de modernités
endogènes fondées sur la croyance en l’universalité
de la liberté". "Réclusion identitaire"
contre "injonction mimétique" : dans un cercle
vicieux infernal, l’impérialisme et le mépris
de l’Occident, par l’exaspération qu’ils
suscitent, ne cessent d’alimenter les répliques les
plus violentes, qui à leur tour renforcent cet impérialisme
et ce mépris en semblant les légitimer.
Traités à mots plus ou moins couverts de barbares,
les intéressés tentent de riposter, et de rendre coup
pour coup. Sophie Bessis fait remarquer que le dégoût
manifesté par un futur leader islamiste tunisien, dans une
boîte de nuit européenne, devant tous ces jeunes gens
laissant libre cours à leurs "instincts", est le
pendant exact de celui des colons stigmatisant autrefois la "sauvagerie
des peuplades primitives" : "C’étaient elles,
alors, qui étaient régies par leurs instincts."
Ce systématisme conduit à des répliques désastreuses
et absurdes, à une sorte de "concours aux points"
entre civilisations rivales faisant valoir leurs mérites
respectifs.
L’historien sénégalais Cheikh Anta Diop, par
exemple, en réaction à l’historiographie européenne
qui s’attribue la paternité de toutes les grandes réalisations
humaines, fait de l’Afrique l’unique berceau de la civilisation
: il répond ainsi à un terrorisme par un autre terrorisme.
Frantz Fanon, lui, écrivait vers la fin des années
cinquante : "Je n’ai pas le droit, moi, homme de couleur,
de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure
à une autre race. (...) Il n’y a pas de mission nègre,
il n’y a pas de fardeau blanc. (...) Tous deux ont à
s’écarter des voies inhumaines qui furent celles de
leurs ancêtres respectifs afin que naisse une véritable
communication."
Le "barbare", c’est le musulman
Le "barbare", depuis la fin de la guerre froide et son
exigence d’un "Satan de rechange", c’est le
plus souvent le musulman, "autrefois conquérant, naguère
dominé et aujourd’hui revanchard", d’autant
plus effrayant qu’il est proche-à la fois historiquement
et à travers la présence des communautés immigrées.
L’islam sert de clé pour expliquer tous les conservatismes,
toutes les pratiques inhumaines et barbares. L’écrivain
Taslima Nasreen, qui remporta en 1993 un grand succès dans
les médias occidentaux - et pas par hasard -, le créditait
"d’à peu près tous les maux dont souffrent
les femmes bengalaises, sans faire la distinction entre ce qui relève
de la religion ou de la coutume, sans voir non plus que la terrible
condition faite aux femmes dans l’ensemble du sous-continent
indien transcende les appartenances religieuses". L’amalgame,
note Sophie Bessis avec une volonté de précision remarquable,
"est facilité par le fait que le profond conservatisme
dans lequel baignent la majorité des sociétés
arabo-musulmanes puise sa légitimité dans le discours
religieux, et qu’il y a beau temps que le monde musulman n’est,
en tant que tel, porteur d’aucun projet émancipateur".
Sans s’embarrasser de telles nuances, nombre d’intellectuels
occidentaux s’engouffrent dans la brèche pour conforter
leur sentiment de supériorité en régurgitant
sans complexe les pires clichés haineux : dans La Défaite
de la pensée, Alain Finkielkraut ne voit dans l’islam
qu’"une culture où l’on inflige aux délinquants
des châtiments corporels, où la femme stérile
est répudiée et la femme adultère punie de
mort, (...) où une sœur n’obtient que la moitié
des droits de succession dévolus à son frère,
où l’on pratique l’excision..." (Vous avez
dit "défaite de la pensée" ?!...)
Sophie Bessis : "Cette description horrifiante omet de préciser
que la quasi-totalité des pays musulmans ont abandonné
depuis longtemps les châtiments corporels, que l’excision
est également pratiquée par les chrétiens dans
toutes les régions où elle existe, que l’égalité
des sexes devant l’héritage est un acquis récent
de l’Europe et que le confinement des femmes dans un statut
de mineures dépasse de loin l’aire musulmane."
En 1998, dans un éditorial du Point sobrement intitulé
"Le Mal absolu", Claude Imbert écrit, lui, que
"la maladie intégriste fait partie de l’islam,
disons de son "album de famille"." Mais, note Sophie
Bessis, "il ne dit pas si les massacres commis jadis au nom
de l’Eglise ou de la civilisation sont, au même titre,
inséparables de l’être intime de la chrétienté
ou de l’Occident".
"L’Etat d’Israël n’a cessé
de se vouloir occidental"
Cet opprobre jeté sur l’islam oblige à gommer
son influence sur la civilisation occidentale. Il explique la vogue
de l’adjectif "judéo-chrétien", qui
permet à la fois de se dédouaner en un clin d’œil
de siècles d’antisémitisme, de "censurer
l’existence historique du judaïsme oriental", et
d’expulser l’islam de l’histoire occidentale,
en faisant de lui "le tiers exclus de la révélation
abrahamique". Son usage a été généralisé
par le monde arabe pour les besoins de sa rhétorique anti-israélienne
et de sa théorie du complot, mais aussi par le monde juif
: "L’Etat d’Israël n’a cessé
de se vouloir occidental, s’attachant avec constance à
conjurer tout risque d’orientalisation. Ses élites
ont fidèlement intériorisé, pour ce faire,
un discours de la suprématie élaboré pour d’autres
dominations".
On regrette un peu que Sophie Bessis n’ait pas davantage
développé son analyse du conflit israélo-palestinien,
tant il apparaît comme un condensé des mécanismes
- ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui - que décrit
son livre. Quand elle écrit, à propos des pionniers
américains, que "ces hommes caressent en fait le rêve
de voir les Indiens acquiescer à leur spoliation", cela
réveille des échos de lectures de Mahmoud Darwich
ou d’Elias Sanbar - qui a été l’un des
premiers à réfléchir sur l’analogie entre
Indiens et Palestiniens. Idem quand elle raconte : "Les massacres
bien réels d’Européens lors des événements
du 8 mai 1945 à Sétif ou ceux de Saïgon (...)
sont considérés par une majorité de la presse
et de l’opinion française comme la preuve que ceux
qui les commettent restent incapables de dompter leur vraie nature.
Seule une minorité d’intellectuels met en relation
les deux violences de l’occupé et de l’occupant."
Elle évoque aussi un historien français des années
trente qui justifiait la colonisation par une "loi du retour"
avant la lettre : l’Afrique du Nord, disait-il, avait été
en stagnation - en "sommeil islamique" - entre la fin
de l’Antiquité latine et chrétienne et le "retour"
des Européens. "L’occupation française
est ainsi légitimée par l’argument de l’antériorité
romano-chrétienne sur la présence arabo-musulmane,
frappée d’illégitimité." On pense
aux "guerres d’antériorité" que se
livrent Israéliens et Palestiniens. "La Bible n’est
pas un cadastre", avait eu le courage de dire Yitzhak Rabin
peu avant son assassinat. Sans doute pour contourner cette difficulté,
l’ancien Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou
est allé jusqu’à affirmer récemment que
"les Palestiniens ne sont que les descendants des travailleurs
égyptiens et syriens attirés au début du XXe
siècle par la prospérité apportée par
les pionniers juifs en Eretz-Israël". Ces inepties lui
ont valu les foudres d’un professeur israélien d’histoire
moyen-orientale, qui lui a rappelé que ces travailleurs n’étaient
qu’un "élément marginal" au sein de
la population arabe autochtone, ajoutant que pour lui, le sionisme
"n’avait pas besoin de prétextes pour justifier
sa légitimité" (Ha’aretz/Courrier international,
2 août 2001).
A cause du caractère "inclassable" des Balkans,
qui "sont dans l’Europe, sans en faire pleinement partie",
Sophie Bessis a aussi choisi de ne pas aborder les conflits de l’ex-Yougoslavie.
Dommage, car la guerre menée par l’OTAN contre la Serbie
semble avoir été largement perçue comme un
nouvel exemple de cette "instrumentalisation de l’universel"
par l’Occident : la fabrique de la haine et du ressentiment
a tourné à plein. En témoigne la virulence
du titre d’un livre écrit par un journaliste serbe,
Stanko Cerovic : Dans les griffes des humanistes (éditions
Climats). Comme son frère Stojan, journaliste à Belgrade,
Stanko Cerovic, qui dirige la rédaction serbo-croate de Radio
France Internationale, est un opposant de toujours au régime
serbe, ce qui le rend peu soupçonnable de sympathies pro-Milosevic.
Il a fait partie des dissidents "libéraux", et
non "nationalistes", au communisme. Il écrit :
"Seuls les dissidents de cette époque savent ce que
signifiait alors l’Occident pour nous : nous étions
prêts à risquer notre vie pour ses valeurs."
Le "versant sud de la liberté"
Mais même si l’Occident se montre très soucieux
de conserver son "monopole de la production de sens",
et si, même dans les milieux éclairés, on garde
"l’intime conviction que l’énonciation de
l’universel, quel qu’en soit le contenu, est l’apanage
naturel de l’Occident", de nombreux penseurs issus du
monde "barbare" tentent d’explorer aujourd’hui
ce que Mahmoud Hussein (pseudonyme de deux intellectuels égyptiens)
appelle, dans son livre du même nom, le "versant sud
de la liberté". Ils sont bien sûr obligés
en permanence de "donner des gages de leur respect de la norme
identitaire", s’ils veulent éviter de passer,
en parlant de démocratie ou de droits de l’homme, pour
des agents de l’étranger. Ils sont cependant aidés
par le contexte actuel : les populations en ont soupé tant
des dictatures soutenues par l’Occident que des mouvements
identitaires qui se sont opposés à elles. Tous se
sont pareillement discrédités. Le chantage identitaire,
qui fait passer le respect des valeurs dites traditionnelles avant
toute aspiration au respect des droits élémentaires
de la personne, est peut-être en train de trouver ses limites
: "Dans ces Suds épuisés par des éternités
de contrainte, les promesses de la liberté commencent à
être plus séduisantes que celles de leurs systèmes
épuisés, de leurs timoniers et de leurs prophètes."
Ici et là, on tente donc de "rapatrier le débat
sur l’universel". "Notre propos n’est pas
de copier l’Occident mais de nous approprier cet acquis mondial
qu’est la démocratie", déclare un réformateur
iranien.
Dans plusieurs pays - Sénégal, Corée du Sud,
Taïwan -, des alternances pacifiques ont "donné
l’épaisseur du réel à des règles
démocratiques qui cessent, dès lors qu’elles
prennent localement racine, d’être perçues comme
des importations occidentales".
Dans le monde arabe, un courant de pensée s’attache
depuis plusieurs années déjà à "réconcilier
l’islam et le siècle". "Une fois usées
toutes les caricatures de la modernité occidentale, comme
les mille manières d’en récuser la légitimité,
serait-on en train d’inventer des synthèses où
l’universel trouverait des langages locaux pour fabriquer
des modernités acceptées ?" se demande Sophie
Bessis ; et elle constate : "La langue de l’Occident
n’est plus la seule à fabriquer de la modernité,
comme elle ne peut plus être la seule à dire l’universel."
Il découle de ces frémissements une série
de questions passionnantes, qu’elle formule ainsi : "Comment
reconnaître à l’Occident sa part déterminante
dans l’élaboration de l’universel moderne tout
en le faisant sien ? (...) Comment retisser les fils de son histoire
sans se laisser piéger par des interprétations réactives
qui bloquent toute pensée autonome ?"
Enfin, "l’Occident laissera-t-il l’universel lui
échapper pour devenir enfin ce qu’il est supposé
être, ce corpus et ce discours dans lesquels toute l’humanité
pourrait se reconnaître" ? Il n’y semble pas très
disposé. Mais à l’avenir, il pourrait ne plus
avoir le choix : la "quête planétaire, encore
incertaine et confuse mais qui a cessé d’être
marginale, d’universaux qui mériteraient enfin leur
nom", est, selon Sophie Bessis, la "compagne involontaire
mais obligée de la mondialisation". Celle-ci "exige,
paradoxalement, que l’Occident invente de nouveaux langages
et de nouveaux rapports avec les autres".
C’est ce "double abandon, par les Occidentaux de leurs
certitudes, et par les autres de leurs crispations, qui pourrait
annoncer de nouveaux commencements".
Mona Chollet
Sophie Bessis, "L’Occident et les autres", La Découverte,
2001.
http://www.peripheries.net/f-bessis.htm
vendredi 19 août 2005
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