"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google

France pays des droits des Roms ?
Gitans, « Bohémiens », « gens du voyage », face aux pouvoirs public depuis le 19° siècle.
Xavier Rothéa,
Note de lecture


"France pays des droits des Roms ? Gitans, « Bohémiens », « gens du voyage », face aux pouvoirs public depuis le 19° siècle".
de Xavier Rothéa, aux éditions Éditions Carobella ex-natura, Lyon, 2003.


Ce petit livre commence par une description rapide du mode de vie des Rom/es. L’auteur se pose la question de savoir si ce peuple est une nation sans territoire. Il laisse la question ouverte, il développe l’idée que le pays des Rom/es est « un territoire vécu », où le voyage est un élément parmi d’autre. Il note l’importance de la famille pour les Rom/es, et explique que la régulation des conflits internes et graves se fait par la tenue d’assemblées. En cas de décision, le consensus général est assez fort pour n’avoir pas besoin de police à l’intérieur des Rom/es. Par contre, la police extérieure celle de la société, où ils naviguent et vivent existe et elle est de fait l’instrument d’un racisme d’État anti-Rom/es qui existe en France depuis le 19° siècle. Xavier Rothéa s’attache à montrer comment le racisme commun appuie ce racisme institutionnel. Il arrive à la même conclusion que pour les sans-papiers/ères. Le racisme différentialiste qui s’appuie sur le relativisme culturel se mélange au racisme ordinaire dans notre situation. L’image sociale de toute une partie de la population est ainsi manipulée et construite pour justifier un traitement différent à son égard. La volonté de contrôle social et spatial est forte. Elle est ancienne, elle dure depuis le 19° siècle. Elle a évolué, le carnet anthropométrique, institué en 1912, n’existe plus depuis 1969. Mais la négation de l’existence, l’invisibilisation, la défiance, la suspicion, le mépris, l’infériorisation continuent. Le terme qui est employé maintenant est celui de « gens du voyage ». C’est un euphémisme pour cacher une politique discriminatoire et une loi séparée pour les Rom/es. Cette étude montre comment la législation a évolué et comment le traitement à part a été jusqu’à les mettre dans des camps pendant la période vichyste et nazie. Politique bien française encore une fois, puisque les nazis n’ont pas eu besoin de demander quoi que ce soit aux français pour que ceci se réalise. Xavier Rothéa note les difficultés des Rom/es pour la scolarisation des enfants et pour exercer une activité professionnelle. L’auteur ne cache pas que le machisme est très présent chez les Rom/es et que les femmes sont opprimées.

Il aborde la question de la loi Besson, qui a été en rupture avec les lois antérieures. Cette loi impose aux communes de plus de 500 habitants de créer des aires de stationnement pour les Rom/es. Peu de ces aires d’accueil ont été réalisées, beaucoup ne sont pas adaptées et insalubres. La loi a eu un effet pervers, celui de permettre d’empêcher les Rom/es de stationner ailleurs que sur ces emplacements réservés. Il étudie l’évolution des lois et il met en évidence l’attitude offensive des élus à l’égard des Rom/es. La loi LSI, dite loi Sarkosy et le texte de la LOPSI (Loi de programmation pour la sécurité intérieure), concernent les Rom/es. Ces deux textes ont légalisé la criminalisation collective et une suspicion généralisée vis à vis des Rom/es. Les peines prévues sont lourdes : 6 mois de prison, 3750 Euros d’amende, la possibilité de suspendre le permis de conduire (ce qui démontre la volonté de sédentariser de force les Rom/es), et le droit de confisquer et détruire les caravanes (méthodes employées systématiquement depuis plusieurs mois par les forces du désordre sarkosien). Les personnes et les groupes qui luttent contre la dérive sécuritaire ont abouti à la même conclusion que Xavier Rothéa : le point commun des populations mises en cause par la loi Sarkosy, est celui d’être des populations qui provoquent de l’insécurité, qui sont ressenties comme un danger et qui sont définies par les délits qui leur sont imputés. L’amalgame, la stigmatisation sont là pour légitimer ce qui ne devrait pas l’être, c’est à dire la mise en œuvre d’un apartheid social et spatial. Cet auteur étudie comment ont été utilisés les mouvements de populations Rom/es arrivant de l’ex-Yougoslavie et de Roumanie après la chute du mur de Berlin. Il dénonce comment la confusion a été construite entre Roumain/es et Rom/es, et comment au nom de la lutte contre la mendicité, les trafics divers ou le souci de mettre fin à l’installation de bidonvilles, les Rom/es sont devenu/es des boucs émissaires faciles. Xavier Rothéa analyse aussi la conjonction entre le combat de la nouvelle droite et la montée du populisme qui sert de justification au délire sécuritaire actuel. Comme pour les immigré/es, le différentialisme s’appuie sur la relativité des cultures. On reconnaît la différence, pour aussitôt l’utiliser contre les Rom/es. Attitude que l’on pourrait résumer ainsi : « Différent/es oui, mais pas chez nous ou alors sous contrôle et en situation d’infériorité ! ».

Après la lecture de cet ouvrage, on comprend pourquoi régulièrement les Rom/es font la une de l’actualité. La politique sécuritaire les attaquent de façon frontale. Xavier Rothéa plaide pour une autre politique, qui serait basée sur l’égalité et la concertation, la reconnaissance réelle des différences. Il voudrait que la France soit le pays des droits de l’homme, le pays des droits des Rom/es. Evidemment, il sait que cela passe par la lutte, en conséquence il souhaite le renforcement des liens entre les communautés attaquées et réprimées.

Philippe Coutant, Nantes le 26 Avril 2003


Cette note de lecture est parue dans la revue Les Temps Maudits de la CNT dite "Vignoles"  La CNT Vignoles