Outre la remise en cause perpétuelle de la légitimité
des luttes féministes (Quoi ? T’es féministe ? Mais
voyons, c’est dépassé… aujourd’hui,
c’est l’égalité !), il nous faut encore perpétuellement
argumenter sur l’utilité et le sens d’une organisation
en espaces non-mixtes.
La non-mixité reste la question qui fâche, qui divise,
qui provoque continuellement des discussions enflammées. Majoritairement
avec des hommes, dont on ne peut que se demander s’il n’y
pas là une volonté de garder le contrôle sur les
femmes, sur leurs paroles et leurs actions. L’autonomisation des
mouvements de femmes menaçant directement les intérêts
et les privilèges dont jouissent les hommes dans nos sociétés
patriarcales. Mais également souvent avec des femmes, dénonçant
ce qui leur apparaît comme des pratiques discriminantes envers
les hommes.
Si la non-mixité des groupes de femmes pose systématiquement
problème, il est pour le moins surprenant que le féminisme
soit la seule lutte au sujet de laquelle on se pose la question de savoir
si une autonomie est légitime. On entend pourtant régulièrement,
concernant les sans-papier-e-s, ou encore la lutte des Noir-e-s aux
Etats-Unis, que leur indépendance et leur autonomie d’organisation
est légitime, au moins comme premier pas dans un processus d’émancipation
vis à vis des oppresseurs.
Dans un soucis de clarification, voici donc quelques uns des objectifs
d’une organisation entre femmes, féministes, lesbiennes…
de tous horizons, de toutes classes sociales.
POURQUOI ?
* Pour une réappropriation de l’espace public :
Parce que l’espace dit “ public ” (les bars, les rues,
particulièrement la nuit…) autant que l’espace politique
restent des espaces majoritairement investis par les hommes. Il suffit
de se pencher un peu sur les listes des syndicats, partis politiques,
organisations politiques… ou de se promener le soir pour s’en
rendre compte
* Pour lutter contre le sexisme :
Parce qu’il ne suffit pas qu’un groupe soit composé
à 50% de femmes (soyons optimistes) pour que son fonctionnement
soit mixte dans la répartition des taches et des responsabilités,
et qu’une mixité quantitative ne préserve, en aucun
cas, les femmes du sexisme ambiant.
* Pour accéder à la parole politique :
Parce que la masculinisation traditionnelle de l’espace militant
fait que les femmes y sont trop peu nombreuses et/ou invisibilisées.
Et que les luttes et les revendications axées sur les droits
des femmes et leur émancipation sont mises sur la touche et/ou
considérées comme « secondaires ».
* Pour une émancipation des revendications :
Parce que personne ne nous libérera à notre place : seules
les femmes peuvent lutter efficacement pour leur émancipation
sociale et sexuelle, pour la défense de leurs conditions de vie.
* Pour une solidarité entre les femmes :
Parce que toutes les femmes sont confrontées à une oppression
commune : le patriarcat, et que cette oppression, transversale à
toutes les cultures et toutes les classes sociales, œuvre quotidiennement
à diviser les femmes dans leurs lutte.
* Pour déconstruire sa socialisation féminine :
Parce que la non-mixité permet d’abord d’éviter
un certain nombre de rapports de domination sexiste, et qu’elle
permet ensuite aux femmes de prendre de la distance vis à vis
de la socialisation féminine, qui nous rend excessivement dépendantes
du regard et du jugement - des autres en général - des
hommes en particuliers, pour penser nos prises de décisions,
nos actions, et pour nous penser nous-mêmes.
COMMENT ?
* En questionnant la division des sphères dites “ publiques
” et dites “ privées ”, et cela notamment parce
que la sphère dite “ privée ” enferme les
femmes et les isole dans un rôle qui ne participe aucunement à
leur épanouissement social. Le privé est politique…ce
qui se passe dans le lit, à la maison ou au travail relève
de la construction sociale des individu-e-s, d’un phénomène
global qui structure les rapports hommes/ femmes et cela doit être
questionné d’un point de vue politique.
* En remettant en cause l’ordre établi : et notamment les
privilèges des dominants.
* En créant des espaces de discussions et d’actions où
chacune est libre de s’exprimer et de faire.
* En se réappropriant les réflexions et les théories
féministes sur lesquelles nos prédécesseures ont
planché. La question de la transmission est en effet centrale
et nous permet de continuer à avancer, à progresser et
à nous servir de nos acquis.
* En apprenant, de nouveau, à considérer la valeur de
nos discours et de nos réflexions théoriques.
Et comme il y a encore des tonnes de bonnes raisons pour créer
des groupes non-mixtes femmes et qu’il y a encore des tonnes de
manières de faire… nous appelons toutes les femmes à
s’organiser et à venir y participer, car la pratique et
l’expérience sont des outils privilégiés
pour se faire une idée sur les choses et leur pertinence.
Rézeau d’Alternative Féministe
Mai 2003