Origine : http://infokiosques.net/imprimersans.php3?id_article=163
QUAND ON RENVERSE UNE PYRAMIDE, C’EST LE SOMMET QUI S’ÉCRASE
MANIFESTE POUR DES RÉVOLUTIONS STRUCTURELLES IMMINENTES
par Kandjare
Structuralisme et Révolutions
Quand je dis que j’ai une vision structuraliste des choses,
on ne me comprend pas, zut. C’est pourtant facile à
comprendre surtout lorsqu’on se dit analyser les problèmes
sociaux sous l’angle d’une dialectique matérialiste,
non mais (c’est-à-dire lorsqu’on analyse les
rapports sociaux en terme de classes et de dominations dans l’idée
que dans une structure de pouvoir, il y a des classes dominantes
qui oppriment des classes dominées)... Une analyse structuraliste
part du problème que les systèmes sont fondés
sur des STRUCTURES. Structure = construction. Le mot structure vient
du latin structura qui veut dire CONSTRUCTION. Construction sociale,
construction psychologique, construction idéologique, l’individu
n’échappe pas à ces "aménagements"
et ce n’est pas en soi le problème. Le problème
est plus dans le contenu de ces structures et dans ce qu’elles
entraînent au niveau des rapports sociaux. Au 19e siècle,
un certain Marx Karl utilisait déjà des notions comme
« infrastructures » et « superstructures »
pour dire qu’il y a des structures politiques (au sens général
du terme) qui sont à la base de systèmes pyramidaux.
Ceux-ci font qu’il y a des classes dominantes en haut de la
pyramide. Et la pyramide écrase les classes dominées
en même temps que les classes dominées la soutiennent.
L’idée est de dire que les structures sont quelque
chose de très lourd et que donc c’est quelque chose
de très dur à faire bouger, à retourner, à
renverser... tout ça évidemment dans des perspectives
révolutionnaires, hahaha. Et donc, c’est pour ça
qu’on se tape des structures depuis très très
très longtemps. Ça rejoint l’idée du
temps long en histoire... c’est-à-dire l’idée
qu’on a l’impression que l’histoire se répète
et que ce qui fait croire que les choses changent, ce n’est
que l’apparition d’avatars* contextuels à travers
des structures qui n’évoluent pas ou très peu.
En d’autres termes, on peut aussi expliquer cela en invoquant
la notion de « mentalités »,et les mentalités
sont perçues comme quelques choses qui ne changent pas. On
pourrait prendre l’image du tapis roulant pour mieux comprendre
cette pensée : on a l’impression d’avancer en
marchant sur le sol, mais en fait on marche sur un tapis qui défile
en arrière, et au mieux on reste sur place.
Donc les structures sont quelque chose de lourd. Ce sont d’immenses
plate-formes coulées dans du béton armée et
de l’acier. Et ces structures sont d’autant plus dures
lorsqu’on remarque qu’historiquement et presque partout,
elles n’ont été/ne sont que des structures de
domination (étatique, patriarcale, raciste...). Alors l’enjeu
d’analyse de ces structures réside dans leur renversement
et la proposition de structures différentes basées
sur des principes égalitaires. Déconstruire les anciennes
constructions pour en construire d’autres moins oppressantes.
Et pour cela, un des objectifs des personnes qui se disent révolutionnaires
repose sur la compréhension des mécanismes de ces
structures. Ça serait quand même intéressant
de savoir comment ces structures malgré toutes leurs pourritures
arrivent à perdurer, voire à se consolider au fil
des années et des siècles : par quels outils, par
quels médiums et tout ça, hein ?
Mais qui dit "révolutions structurelles" ne dit
pas s’empêcher d’avoir des perspectives de changements
au quotidien. On n’a pas à attendre cet improbable
grand soir pour pouvoir créer dès maintenant des situations
qui visent à faire vaciller les structures actuelles et à
créer d’autres rapports plus égalitaires et
plus ludiques.
Un élément de contestation des structures de domination,
ouais.
[Ce manifeste est appelé à s’approfondir et
se repréciser ; tes critiques, tes questions, tes affirmations
aideront sûrement à cette perspective. Alors contacte-nous
aux éditions de l’Estocade, demande à joindre
l’équipe de la collection “Construire la déstruction”,
en envoyant par exemple un message à kandjare@no-log.org.]
Le culte de la domination ou la religion des dominants
Nous sommes en guerre sociale permanente. C’est ce qu’on
appelle aussi la lutte des classes. Cette guerre, les tenants du
pouvoir l’appelle "paix sociale" pour la faire accepter...
mais aussi parce que c’est une guerre de basse intensité
et très asymétrique*... Les gens qui contestent ce
système se battent avec des pierres contre des armées
de « pacification sociale », composées de chars
et d’armes de haute technologie... Ils ont le contrôle
des productions et des moyens de production (que ces moyens soient
humains, animaux ou matériels...). Ils ont déjà
quadrillé tout le territoire dans lequel on es t censéE
évoluer. ChacunE est presque prédéfiniE pour
être rangéE dans des cases (ce sont les normes, définies
en fonction des origines sociales, géographiques et sexuelles).
L’objectif pour chacunE est d’appliquer le programme
qu’on lui a confié. Ce programme, c’est le logiciel
« travail ». La prison, c’est l’espace Corbeille
du hardware social [hardware=matière dure = structure].
Nous sommes en guerre sociale permanente. Le squat* est une forme
de contestation. Toute forme de contestation est une encoche faite
dans ce quadrillage.
Nous sommes en guerre sociale permanente. Moi versus moi : nous
sommes dans ce quadrillage, mais en même temps, nous sommes
le quadrillage grâce à une mécanique rhétorique*
bien huilée : pas besoin de flics partout, même s’ils
grouillent dans certaines zones... on nous a appris à nous
auto-contraindre... nous sommes souvent nos propres flics... Le
on, ça peut être le discours religieux ou post-religieux
qui fait croire qu’il y a une entité transcendante*
qui vous surveille et là, on a le choix entre trois solutions
:
1-obéir par amour de l’ordre amoureux (obéir
par amour de dieu = contrition)
2-obéir par crainte de l’ordre amoureux (par crainte
du dieu terrible = attrition)
Mais au final 2 rejoint 1 = car dieu est miséricordieux
; il est terrible mais en même temps, il aime l’art
et la culture ; Michel Destot* est généreux, comme
n’importe quel ponte du pouvoir, car il soutient la culture
; en même temps, il n’hésite pas à faire
appel aux flics pour expulser celleux qui contestent sa politique
de culture populaire footballistique
3-refuser d’obéir au risque d’être excommuniéE...
Dieu est l’ancêtre de la vidéosurveillance*.
Dieu est l’ancêtre du panoptique*. Dieu est l’ancêtre
du judas*.
Le discours post-religieux actuel a trouvé sa matrice à
travers la sacralisation du Dieu Travail : pour faire aimer ce dieu
terrible qui génère tant de souffrances, on passe
par la diabolisation du chomâge. Pas de travail, c’est
le Mal par excellence, nous fait-on comprendre. Sinon, la méthode
pastorale* jésuitique* est aussi très concluante.
Cette méthode consiste à agiter des spectres de terreur
:
On agite d’abord des tableaux sous forme de crises. Le spectre
de la "précarité" a beaucoup de succès.
Il est alimenté surtout par le mythe des crises du logement
et du chômage. Comme on entretient la peur de l’au-delà
dans des domaines plus explicitement religieux, ici le culte du
Travail va faire en sorte d’entretenir une peur du quotidien.
Les "crises socio-économiques" seront les spectres
qu’on agite pour figer les individus dans une sclérose
sociale. La peur les enfoncera dans le fatalisme, et au mieux elle
les poussera à les rendre amoureux/ses de leur situation
de dominéEs. Comment maintenir les gens dans un Etat social
autrement que par la peur sinon que par l’amour de cette peur
?
Mais sinon quelle "crise du logement" dans le sens où
il y a plus de maisons vides et inutilisées que de gens à
la rue ? Et aussi quelle "crise du travail" sinon pour
cultiver chez les individus la peur du manque de travail et leur
faire accepter leur état de soumission salariale ?
Le clou de la procédure pastorale sera d’agiter le
spectre de l’excommunication* et de l’ex-communication.
Les journalistes prennent alors part au grand rôle jésuite
à coup de chiffres sur l’insécurité et
de températures des quartiers. Météo Nationale,
Météo du Capital. Vous savez pourquoi ? Parce que
dans les rubriques météo, le temps qui fait ne figure
que le temps qui existe. Le temps qui existe c’est le temps
qui travaille. Et dans les rubriques météo, le temps
n’existe que le matin et l’après-midi. Le soir
et la nuit on dort, ou on regarde les rubriques météo
entre deux émissions de divertissements à la télé.
Parce que le reste du temps, on travaille. Et qui n’a pas
envie de travailler est considéréE comme unE parasite
qui est à l’aulne de la délinquance... Et donc
qui veut entrer dans ce choix risque de se confronter aux foudres
séculières du dieu Travail, c’est-à-dire
à l’armée des anges gardiens de la paix sociale.
Ah, les vieilles matrices : "classes laborieuses = classes
dangereuses". Le discours marxiste est toujours là,
ouais il est toujours moderne, parce que les schémas de domination
sont toujours d’actualité, parce que on vit dans des
situations de luttes des classes, de luttes entre des minorités
souvent silencieuses et des dominants dont la voix est relayée
très souvent par la massive armée des médias.
Evidemment on tente de ringardiser ce discours en disant que tout
ça c’est dépassé. On fait aussi en sorte
que les dominéEs fassent la lutte entre elleux. Le jeu de
séduction dans des cadres hétéronormés
proposent des modèles de concurrence, à coup de virilisme
pour les uns, de soumission pour les autres, de normes de beauté,
de règles de possessivité et d’une idée
d’un amour enchaînant. Le jeu du capitalisme et de la
consommation en propose d’autres à sa façon
; ce sont à peu près les mêmes . Les dominants
jouent entre eux à la baston boursière, jeux où
les intérêts peuvent être de temps en temps misés
comme ça dans de « vraies » guerres avec des
armes, des soldats et des motivations géographiques. Et le
sport, dans tout ça, prend le relais dans les périodes
et les espaces "pacifiques". Les classes populaires s’affrontent
entre elles en se définissant des frontières derrière
lesquelles se réfugier pour désigner un ennemi à
(a)battre, histoire d’animer réflexes nationalistes
et attitudes virilistes...
Nous sommes en guerre sociale permanente.
Kandjare
(mars 2004)
Si vous rencontrez des mots un peu bizarres, écrits avec
des e majuscules à la fin, eh ben, c’est anormal. Ça
s’appelle féminiser les textes. Ça part du constat
que le langage, comme tout, est politique et que la grammaire, à
l’image de la société, est sexiste et patriarcale,
car elle ne se soucie de mettre en avant que le genre masculin.
Et que donc, si on veut faire évoluer les consciences ou
les inconsciences collectives, on peut commencer par faire évoluer
son langage pour le rendre moins vecteur de dominations, d’accord
?...
* Les mots suivis d’une astérisque renvoient au glossaire
qui se trouve en post-scriptum.
Kandjare
P.S.
GLOSSAIRE
•Avatar = métamorphose, changement, état se
modifiant... à l’origine, utilisé dans la religion
hindouiste pour désigner les soi-disant incarnations multiples
d’un dieu tout aussi soi-disant.
•Asymétrie = dissymétrie = manque de symétrie.
Il y a symétrie lorsque deux choses semblables s’opposent
dans l’espace... ou plutôt lorsque deux choses s’opposent
mais dans des cadres spatiaux semblables, ou disons égalitaires.
•Squatter = occuper sans droit ni titre, donc illégalement,
un espace laissé à l’abandon. Le squat s’oppose
très fortement à la propriété privée
qui consiste très souvent à accumuler des biens sans
les utiliser.
•Rhétorique = moyens d’expression et de persuasion.
•Transcender = dépasser en étant supérieurE
ou d’un autre ordre. Exemples d’entités transcendantes
: dieu, l’Etat, les drogues, l’art... Un état
transcendant peut entraîner un contrôle individuel et
collectif. L’inverse étant improbable. Contraire :
immanentE = qui réside dans le/la sujetTE agissantE, qui
est contenu dans les choses elles-même... Mais avouons qu’en
bonNEs matérialistes que nous sommes, la transcendance est
quelque chose d’immanentE à l’être humainE,
étant donné que c’est lui/elle qui s’invente
des entités qui vont le/la dépasser, voire le/la contrôler.
•Michel Destot = maire PS de Grenoble au moins entre novembre
2003 et février 2004, je dis bien au moins. Là, l’histoire
c’est que Michel Destot - mais il n’est pas seul - veut
construire un grand stade dans sa ville. Alors il doit pour cela
détruire un parc sans trop demander l’avis des gens.
Mais ce n’est pas très étonnant : nous sommes
en démocratie, et on ne demande l’avis des gens qu’une
fois tous les six ans à peu près et ça s’appelle
les élections. Bon alors des gens ne veulent pas de tout
cela et le font savoir. Alors, illes vont jusqu’à habiter
dans des arbres de ce parc pour empêcher les travaux. Pour
plus de détails, on peut aller voir sur la page http://grenoble.squat.net/#parc.
Pour celleux qui n’ont pas facilement accès à
internet, des bruits courent qu’une brochure sur les “événements”
du parc va sortir.
•Vidéosurveillance, panoptique, judas = outils optiques
permettant de voir sans être vuE.
•Une pastorale évoque les pasteurs. Pasteurs = Prêtres
= Bergers = Pâtres = Patriarches = Pères = Patrons
= Chefs = Patriotes...
•Jésuite = membre de la Compagnie de Jésus,
ordre catholique crée en 1534 en pleine guerre religieuse
entre catholiques et protestantEs en Europe. Durant cette guerre
et aussi bien plus tard, les Jésuites étaient, entre
autres, chargés de fourbir et de fournir les armes médiatiques
et idéologiques, un peu comme les "médias"
d’aujourd’hui au service de la lutte contre le "terrorisme".
•Dans les religions, une personne excommuniée ne fait
plus partie de la Communion. Elle est mise en dehors de la Communauté.
Elle est tricarde, quoi... et tout est perdue pour elle, y compris
son salut dans le soi-disant au-delà... c’est fini
pour elle, elle est perdue, c’en est fini, quoi, on ne peut
plus rien pour elle, enfin presque.
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