Compte rendu des plaidoiries des avocats lors du procès
Mindin
Jeudi 29 Juin 2006 Tribunal de Nantes
L’audience étant publique, il est possible de diffuser
ce document où bon vous semble.
Madame Morvant-Vilatte avocat de la Direction de Mindin
:
(….) Un dangereux libertaire, qui veut mettre à mal
l’institution, manipule une personne dépressive et
délirante. C’est de la désinformation !
(….) Il y a bien eu quelques problèmes, il y a quelques
années, mais les changements et les évolutions, mises
en œuvre par la Direction, ont bien amélioré
les choses, c’est évident ! Tout ce qui est dit est
choquant pour la Direction, les employés, les familles. En
terme d’images les dégâts sont énormes.
(…)
Il faut que ça s’arrête ! Je demande la condamnation
de Monsieur Coutant et de madame Chantal Thomas !
L’avocat de Chantal Thomas, Maître Maillet :
Le rapport du Sénat est intitulé « La maltraitance
des handicapés en institution : briser la loi du silence.».
Ce rapport parle « d’omerta ». Il date de 2002
- 2003 et a été rédigé par des sénateurs,
des magistrats reconnus pour leur sérieux. Ce rapport soulève
la question des salariés qui dénonce la maltraitance.
Ces salariés sont en position difficile, c’est ce qui
se passe pour Madame Chantal Thomas.
Le Rapport de la DDASS 44 et non de l’IGAS, il a été
fait pour vous dire que tout va bien à Mindin. Je précise
que ce document n’est pas une enquête de l’IGAS,
comme il a été dit, mais une enquête de la DDASS
44.
Là où tout se passe bien, le rapport établi
en une journée donne des chiffres au sujet des actes de violence.
Il faut couvrir !
Le nombre de personnes handicapées est 960, il approche donc
les 1000 personnes. En 2000, le chiffre donné dans les annexes
du rapport sur les actes de violence est de 363 sur un an, soit
un acte de violence par jour.
L’évolution non contestée pose encore problème.
Le constat est catastrophique, en 2005, on nous dit qu’il
y a eu 120 actes de violence sur 11 mois, soit plus de 10 actes
de violence par mois, c’est inacceptable et beaucoup trop,
mais tout va bien !
La loi de 2002 a permis d’améliorer les choses, mais
dans le rapport de la DDASS 44 (et non de l’IGAS) établi
en Novembre 2005 postérieurement à l’émission
de radio, il est dit que l’application de cette loi a commencé
en Janvier 2005. Ce délai est assez long.
Sur l’alcool le constat de la DDASS 44 est clair, oui il
y a de l’alcool à Mindin, mais tout va bien. En page
9 du rapport, il est question de cela et on voit bien qu’il
ne s’agit pas seulement de moments festifs. La législation
du Code du travail énonce un principe général.
L’alcool est interdit sur le lieu de travail (Article R 232.3.1
et article L 232.3 du code du travail).
Que dire du rapport aux résidents ? L’alcool leur est
interdit, mais sous leurs yeux l’alcool est là. Quelle
image les employés donnent-ils ? Les résidents ce
sont des personnes diminuées, qui ici se trouvent dans une
situation aberrante. Pour eux l’alcool est interdit, il est
contre-indiqué puisqu’ils prennent des médicaments
psychotropes.
Dans le rapport de la DDASS, on critique Madame Thomas sur son action
sur l’alcool (*), pourtant on sait que l’alcool altère
l’attention, qu’il est dangereux pour les personnes
qui prennent des neuroleptiques.
Sur les médicaments, il y a beaucoup de problèmes.
Le rapport de la DRASS (Direction Régionale des Affaires
Sociales et Sanitaires) nous dit qu’en la matière tout
va mal à Mindin. La tenue d’un registre pour la délivrance
des substances vénéneuses est obligatoire. C’est
le cas de la morphine, opiacés, par exemple. L’État
a institué un contrôle rigoureux pour éviter
les erreurs et le marché parallèle. On apprend dans
ce rapport DRASS d’Août 2005, que le registre n’est
pas tenu. Mais tout va bien pour le rapport de Novembre 2005 de
la DDASS 44.
Dans les annexes du rapport de la DDASS, la DRASS (la Direction
Régionale cette fois) nous apprend qu’à Mindin,
il y a eu un exercice illégal de la pharmacie. La personne,
qui a remplacé la personne responsable de la pharmacie interne
lors de son absence, n’avait pas les diplômes nécessaires.
Il y a bien un problème de médicaments en 2005, pourtant
la DDASS 44 dit que tout va bien.
Ce rapport vous dit que vous avez à faire à un établissement
modèle. L’analyse de la DDASS 44 couvre le refus de
dire qu’il existe des problèmes à Mindin.
La question de la légitimité : oui ! L’action
de Chantal Thomas est légitime et depuis longtemps, elle
est confrontée à la critique et à la loi du
silence. Elle agit pour l’amélioration des conditions
de vie des handicapés.
Il n’y a pas d’animosité dans ses propos, elle
ne fait pas d’attaques personnelles. Elle a un problème
avec l’institution, mais elle ne veut pas se venger. C’est
une sorte de sacrifice, elle a reçu un blâme, elle
été soumise à des mutations, elle a fait un
service par an.
Sur l’alcool, elle a reçu un blâme et n’en
tire pas d’animosité. Oui, elle parle de l’institution,
mais c’est du fonctionnement de cette institution qu’il
s’agit. C’est une volonté de réforme,
pas une volonté de nuire.
Sur la prudence : elle dénonce un scandale. Beaucoup de
choses graves ont été abordées dans les articles
de presse de Ouest France au fil du temps.
La prudence ? L’inspection a duré une seule journée,
elle n’a entendu que des personnes du cercle de la Direction,
c’est tout. Malgré tout, elle se piège elle-même,
parce qu’il ressort du rapport et de ses annexes des chiffres
de violence et les problèmes d’alcool.
La qualité de l’enquête ? C’est le vécu
authentique de Madame Thomas.
Elle a alerté la LDH en 1994, qui dans une lettre précise
a soulevé des comportements inadmissibles comme les brocs
d’eau lancés à la figure des malades, oui ça
existait !
Les témoins : il y en a eu à l’intérieur
et à l’extérieur. Nicolas De La Casinière
en a fait un reportage, qui n’a pas été attaqué
en justice.
Les syndicalistes et leur mutisme sont éloquents. Ils n’ont
pas écouté l’émission, mais ils disent
que Madame Thomas et Monsieur Coutant sont de mauvaise foi. Donc,
ça circule en interne à Mindin.
Les témoins n’ont pas reculé :
- La Direction est couverte par le Conseil Général
;
- Les syndicats couvrent ;
- L’association des familles cogère l’institution,
elle n’a pas intérêt à la fermeture. La
menace pèse sur les familles pour qu’elles reprennent
les personnes handicapées chez elles. Donc elles ont tendance
à couvrir. Le rapport du Sénat l’explique bien
- Conclusion : tout va bien ! La DDASS 44 participe de la loi du
silence et couvre les faits ;
Il y a un enjeu énorme dans ce procès pour Madame
Chantal Thomas. Selon la décision du Tribunal, elle continue
de travailler ou non. Elle risque le licenciement. Si elle est condamnée,
elle sera virée, parce qu’il faut la faire taire. Il
faut faire un exemple !
Ses révélations ne concernent pas la DDASS, qui couvre
l’établissement de Mindin qui, lui, veut effacer cette
parole.
Maître Trébern avocat de Philippe Coutant :
La difficulté de ce dossier tient au fait qu’il est
objectivement diffamatoire. La loi impose aux personnes assignées
de faire la preuve des faits sous 10 jours, ce qui est impossible.
L’analyse de la jurisprudence permet un déplacement
sur la notion de bonne foi. On ne peut pas parler des faits, seulement
s’il y a ou pas intention de nuire. Il s’agit de savoir
si les personnes ont décidé de nuire ou d’informer
avec des témoins. On constate l’intégralité
du changement de perspective.
Le but légitime ?
Le titre du rapport au Sénat est explicite : « La maltraitance
des handicapés en institution : briser la loi du silence.».
Il y a des pressions sur les victimes, du chantage sur les familles,
des fortes pressions sur les salariés. Un certain nombre
de gens ont dit qu’il était temps de réagir.
Mais on le voit, il est difficile de soulever les problèmes
face à la fermeture de l’établissement. Les
syndiqués ne peuvent pas dénoncer les maltraitances
à cause du chantage à l’emploi.
Madame Thomas a dit les choses, peut-être pas de la bonne
manière, elle s’est mise à dos ses collègues.
Elle demande le respect pour les malades, elle est mal vue. Elle
parle de l’alcool, elle est condamnée.
Au quotidien, si on ne dit rien, on cautionne. Pour la rejeter,
on dit que Madame Thomas est délirante et que l’institution
est blanche.
Le but légitime ? À Alternantes Monsieur Coutant
donne la parole aux exclus. Madame Thomas est AMP (Aide Médico-Psychologique),
il lui donne la parole et c’est légitime. La non dénonciation
de la maltraitance est un délit puni de trois ans d’emprisonnement.
Il incite volontairement, oui, elle est excessive ? Non !
L’enquête de Monsieur Coutant ? Il faut rappeler le
contexte. Il n’a pas de carte de presse, il est bénévole,
il a foi dans cette personne. Il a lu des articles depuis des années
sur Mindin. Il connaît l’affaire de Gwenvaël, qui
a été violé. Ce n’est pas un délire,
c’est dans la presse.
Quand en 2003, 80 personnes bloquent le pont de St Nazaire, ils
parlent de violence, de prise en charge minimale, aucune personne
n’est poursuivie. Tout ça c’est dans le dossier.
L’omerta est bien réelle. Il y a un problème
de parole autour de cette affaire. Des gens veulent bien témoigner,
mais ne veulent surtout pas être connus. Il y a bien eu des
rencontres pour parler de ce qui se passe à Mindin. Ce ne
sont pas des inventions. Les statistiques du rapport au Sénat
notent que plus de 54% des salariés en institution pour handicapés
ont été confrontés à la maltraitance.
Madame Thomas, elle a décidé de parler. Monsieur Coutant
lui donne la parole, elle n’est pas délirante.
Il n’est pas prudent, il manque d’objectivité
? Mais la subjectivité ça existe dans le journalisme,
il donne son regard sur les choses. Quand vous lisez le Canard Enchainé,
c’est la même chose.
Il verrouille, il induit ? Oui ! Il a eu plusieurs rencontres avec
Madame Thomas. Elle a peur. Il étudie les papiers qu’elle
lui présente. Il connaît déjà Mindin.
Il connaît Nicolas de La Casinière, il lui téléphone.
Celui-ci lui transmet l’avis de la Direction. La Direction
aurait pu venir au micro exercer son droit de réponse, non
elle ne l’a pas fait, elle évite la confrontation directe.
Monsieur Coutant sait qu’avant c’était catastrophique,
il fait un croisement des choses déjà connues, les
témoins disent tous la même chose.
Non, il n’y a pas d’intention de nuire. Ses questions
à Madame Thomas ont pour but de lui faire redire ce qu’elle
avait déjà dit. Il fait son métier, ce n’est
pas Fogiel. Ce type d’émission, que je n’aime
pas, a du succès, ça plaît !
Monsieur Coutant, lui, il le fait bénévolement, peut-être
avec des maladresses. Son but c’est donner la parole, les
faits sont recoupés. Madame Poulinet lui a parlé,
un jeune homme a été violé. Oui, il ne faut
pas parler du viol, il n’y a pas eu condamnation pénale.
Mais, sa mère le découvre en voyant les tâches
de sang dans son slip. Ce jeune homme se fait sodomiser et ses demandes
d’intervention auprès de l’institution sont ignorées.
Monsieur Coutant sait qu’il lui est impossible de faire une
enquête sérieuse, quand Nicolas De La Casinière
lui rapporte que la position de la Direction de Mindin c’est
: « ça n’existe pas ! ».
L’intention de nuire ça ne tient pas, ce n’est
pas son intérêt. Il dit qu’il veut le changement.
Madame Thomas risque d’être licenciée, ce n’est
pas par intérêt qu’elle agit. Il n’y a
pas eu volonté de nuire, mais d’informer.
P C Nantes le 17 Juillet 2006
Ps : Cette tentative de compte-rendu est subjective et forcément
approximative, comme tous les compte rendus. Il a été
établi à partir des notes prises lors de l’audience
et vérifié par plusieurs personnes.
(*) Madame Thomas a contacté l’Association La Croix
d’Or, une association spécialisée dans l’aide
des personnes qui ont un problème avec l’alcool, pour
essayer de faire de la prévention sur l’alcool. La
personne, qui l’a reçu, a travaillé à
Mindin et avait des problèmes d’alcool là-bas.
Cette personne a aussitôt transmis le courrier de Madame Thomas
à la Direction de l’EPMS. Madame Thomas a écopé
d’un blâme pour propos diffamatoires et d’une
pétition de ses collègues contre elle. Cette association
n’a pas respecté la règle de confidentialité
prévue dans ses statuts et a renforcé les tenants
de l’alcool à Mindin.
Mindin et la loi
La Direction de Mindin affirmait que son établissement est
au dessus de tout soupçon, il est bien sous tout rapport.
* La DRASS parle d’exercice illégal de la pharmacie
dans son enquête d’Août 2005.
* Le livre de délivrance des substances vénéneuses
n’est pas tenu.
* Selon le Code du Travail, l’employeur doit interdire l’entrée
de l’alcool, Mindin n’a jamais tenu compte de cette
disposition réglementaire.
* Ce faisant, la hiérarchie de Mindin permettait que les
malades sous psychotropes soient en contact avec l’alcool.
Ce qui est assez étonnant de la part d’un établissement
de soins.
La Direction de Mindin était tellement sure d’elle
qu’elle n’a pas respecté la procédure
pour attaquer en diffamation notre émission de radio.
Plusieurs personnes nous ont dit qu’il aurait mieux valu gagner
sur le fond dans ce combat judiciaire. Mais, avec le résultat
de ce procès, on peut dire a posteriori que la forme confirme
le fond.
Mindin était dans la toute puissance. Ici, il leur faut admettre
que, comme tout le monde, ils sont soumis à des règles.
La victoire basée sur la procédure a rendu publique
la question de la maltraitance dans cette institution. De plus,
elle oblige Mindin et les autorités de tutelle à changer
d’attitude.
Aujourd’hui, en voulant intervenir sur leur image, ils réorganisent
le fonctionnement de cet établissement. C’est pourquoi
je pense que nous avons aussi, en partie, gagné sur le fond.
Philippe Coutant Nantes le 17 Juillet 2006
--------------------
Pour vous informer
L’émission en MP3
http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=7087
Le texte en clair
http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=7589
Plusieurs textes sont disponibles sur le site de La lettre à
Lulu
<http://www.lalettrealulu.com/>
et sur
<http://1libertaire.free.fr> <http://mindindifferent.free.fr>
Il suffit de taper <Mindin> dans le moteur de recherche et
hop vous y êtes ! Vous pouvez faire la même chose directement
sur le web avec votre moteur de recherche préféré,
il y a des textes non cités ici.
|