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Le massage néo-reichien :
vers l’auto-régulation de la personne
Michel Peterson


"Ainsi, un seul et même aspect de la structure infantile se conserve et s’exprime par deux voies différentes : par le contenu des actes, du propos et représentations de l´individu et par leur forme. Notons que l’analyse du contenu laisse intacte – malgré l’unité du contenu et de la forme – cette dernière ; que cette «forme» sert de retraite aux contenus psychiques que l’analyse des contenus semble déjà avoir éliminés ou rendus accessibles à la conscience ; qu’enfin l´analyse de la «forme» est particulièrement efficace quand il s’agit de libérer des affects""
Wilhelm Reich, L’analyse caractérielle.

"La vertu de vitalité transmet la vie, plus l’amour."
Michel Serres, Variations sur le corps.

Les pages qu’on va lire visent à dégager quelques lignes de force de la pensée de Wilhelm Reich pour en comprendre les implications dans la pratique du massage néo-reichien en particulier et, plus largement, dans la clinique psychothérapeutique. Dans la mesure où, quoi qu’on en dise, les enjeux théoriques de l’œuvre reichienne demeurent très mal connus – y compris chez de nombreux thérapeutes travaillant dans son sillage et ne jurant que par le vécu, notion obscure et sans grande validité clinique parce que la majorité de ses tenants, ne possédant souvent aucune culture philosophique et se prêtant à un anti-intellectualisme fascisant, négligent de penser le rapport fondamental entre l’expérience et la vie, quand ils ne négligent pas de penser tout court –, mes considérations théoriques ne se baseront ici presqu’exclusivement que sur son livre le plus connu, à savoir L’analyse caractérielle, le recours à d´autres ouvrages m’ayant toutefois à certains moments paru incontournable. J’ai également parcouru la grande majorité des travaux consacrés à Reich, ce qui m’a évidemment permis de me faire une idée plus juste des enjeux et des effets de son intervention dans le champ thérapeutique.
On comprendra donc que ce texte constitue l’ébauche plutôt que le résultat d’une réflexion personnelle, celle-ci s’étant progressivement structurée au cours des vingt dernières années. Je suis venu à la massothérapie à la suite d’un long travail avec le corps afin de vérifier sur le terrain, si je puis dire, ses assises. Déjà, à l’époque où j’enseignais la littérature comparée, la question du rapport entre la structure psychique et la structure corporelle sollicitait mon attention dans le cadre de la théorie littéraire, de la psychanalyse, de la philosophie et de l’anthropologie. Je poursuivais à l’époque cette recherche en étudiant les théories de Malinowski et de Marx, deux fondements de l’œuvre de Reich. Je m’intéressais alors aux aspects anthropologiques de la pensée de Reich de même qu’à ses importantes réflexions au sujet du masochisme et de la pulsion de mort ainsi qu’au sujet des liens entre l’apparition de la conscience chez l’homme, la culture et l’angoisse.
Pour stimulantes que pourraient être ces pistes de réflexion, je ne retiendrai ici que les aspects de la pensée de Reich directement liés au massage néo-reichien en affirmant toutefois d’entrée de jeu, à partir de ma double position de massothérapeute et de psychothérapeute d’orientation psychanalytique et psychocorporelle, que je m’inscris radicalement en faux contre le manichéisme idéologique et commercial opposant l’expression corporelle à l’expression verbale, le corps dit plus affectif et spontané d’un côté, les mots dits plus intellectuels et superficiels de l’autre. Le psychanalyste Roger Gentis, dans un livre incontournable où il analyse, après les avoir expérimentées, les thérapies corporelles d’allégeance reichienne (en particulier celles de Lowen et de Janov), a montré que le corps ne dit pas davantage la vérité que le langage :
Opposer corps et discours est donc à ce niveau parfaitement gratuit : l’un et l’autre exposent et dissimulent, l’un et l’autre cherchent à leurrer et trahissent en même temps une vérité inconsciente – chacun à sa façon, chacun avec ses ressources propres, pour autant qu’on puisse les cliver l’un et l’autre.
L’analyste à l’écoute de «l’autre scène» comme le bio-énergéticien pratiquant la «lecture du corps», tous deux savent en principe dépister le leurre, reconnaître la surcompensation, interpréter la dénégation... Mais le corps n’est pas plus «vrai» que le discours : il a simplement d’autres façons de mentir, et d’autres aussi de laisser filtrer la vérité»1.
C’est quant à moi sur cette base que je dirai d’abord, pour aller au plus urgent, que l’objectif ultime du massage néo-reichien est à mon sens d’aider la personne à ce qu’elle parvienne, pour parler comme Reich, à simplifier son comportement, à devenir plus «spontanée». Elle peut alors, après avoir réussi à défaire ses fixations infantiles, approcher davantage son désir et, idéalement, atteindre une auto-régulation adéquate. En d’autres termes, la personne n’a plus besoin d’un contrôle extérieur et en vient à gérer elle-même sa dynamique. Bref, il s’agit de dépasser la régulation morale qui scotomise notre inconscient et nous empêche d’accéder au plaisir de la vie, c’est-à-dire à la jouissance pleine et actuelle de l´existence. Reich écrit, au sujet de ce dépassement :
«Maintenant que l’aptitude à la satisfaction devient égale à l’intensité des pulsions, la régulation morale devient inutile, l’ancien mécanisme de maîtrise de soi n’est plus nécessaire. C’est que l’énergie s’est retirée des pulsions antisociales, et il ne reste plus grand-chose qui doive être contrôlé» 2.
Implicitement, c’est toute une définition de la santé qui surgit dans ce contexte, cette définition renvoyant bien sûr à la question des rapports entre la normalité et la déviance, armature de la nosologie psychopathologique : «L’individu sain n’a pratiquement plus de moralité en lui, car il n’a pas de pulsions qui appellent l’inhibition morale.» Tout en récusant pour ma part une position aussi extrémiste, je pense qu’on peut sans difficulté admettre que la personne bien-portante est par conséquent celle qui atteint une homéostasie telle que ses processus naturels d’autoguérison agissent adéquatement, dynamique uniquement possible si elle développe un caractère génital en accédant à sa propre puissance orgastique, à la dimension de sa jouissance (pour parler cette fois comme Lacan, infiniment plus rigoureux que Reich sur cette question).
Pour en arriver à montrer comment le massothérapeute peut aider la personne à «retrouver» son auto-régulation et son entière responsabilité, j’ai l´intention de m’interroger sur quelques notions essentielles de la rencontre thérapeutique au sens reichien et en particulier sur le caractère, la cuirasse, la résistance, la forme et le transfert. Ce parcours me permettra en conclusion de mettre en lumière ma conception du travail corporel dans le cadre du massage néo-reichien. Mais il me fallait d´abord poser une question fondamentale: pourquoi «néo-reichien»?

Pourquoi «néo»-reichien?, ou du corps de la personne au corps politique

Commençons donc par un rappel étymologique. Néo est comme on sait le premier élément de nombreux mots savants composés. Il est tiré du grec neos, qui signifie «nouveau». Mais alors, quelle est la nouveauté du massage néo-reichien par rapport au travail de Reich? Et en quel sens entend-on ladite nouveauté? La question mérite d’être posée dans la mesure où – pour ne prendre que cet exemple – , au Brésil, pays où j’ai vécu plusieurs années, les thérapeutes reichiens procèdent à des manipulations corporelles en considérant qu’ils respectent la lettre reichienne sans pourtant se désigner professionnellement comme «néo»-reichiens. En décidant de parler de massage néo-reichien, ne pose-t-on pas sans le dire que cette pratique se serait en quelque sorte substituée à celle(s) de Reich?
Or, à quoi aurait tenu cette substitution : aux limites ou impasses thérapeutiques et théoriques du fondateur de l´analyse caractérielle, à nos propres limitations ou à l’élargissement de nos connaissances? Sans doute toutes ces réponses sont-elles, chacune à leur façon, valables, et d’autres pourraient évidemment être proposées. Que Reich se soit peut-être trop centré sur la question sexuelle est sans doute aussi vrai que le fait que nous tendions à refouler la sexualité comme lieu même de surgissement de la matière vivante. Que certaines données récentes aient relativisé et le plus souvent confirmé – mais non infirmé, comme le prétendent encore plusieurs lecteurs pressés de sauter aux conclusions (sans compter les non-lecteurs...) – des spéculations et des expériences (par exemple, l’effet Kirlian venant légitimer les observations de la bio-luminescense) qui semblaient parfois fragiles et incomplètes, nul n’en doute. On pourrait également poser une autre hypothèse, plus prosaïque : le mythe d’un Reich plus ou moins «équilibré» (on est comme on sait allé jusqu’à le qualifier de schizophrène), surtout vers la fin de sa vie, n’aurait-il pas contribué à l’adoption d’une dénomination marquant une distance, d’ailleurs utile sur la plan de la mise en marché de l’approche?
Chose certaine, Reich lui-même a sans cesse, tout au long de ses recherches, réévalué les résultats obtenus. Par exemple, au moment où il publie la troisième édition de L’analyse caractérielle, soit en 1948, il n’utilise déjà plus cette méthode, héritée de la psychanalyse, et intervient plutôt par l’orgonthérapie, basée sur la bio-énergie des émotions. Il est donc continuellement dans une position nouvelle par rapport à ses propres avancées. C’est d´ailleurs dans cette troisième édition qu’est intégré, avec d’autres importants textes (dont «La peste émotionnelle»), «Le langage expressif de la vie», article majeur qui ne figure pas dans l’édition originale de janvier 1933 et dans lequel Reich étudie de manière

Les sept anneaux de tension, de haut en bas :
oculaire, oral, cervical,
thoracique, abdominal et pelvien.
Source : Stanley Keleman, Emotional Anatomy.




systématique la célèbre disposition segmentaire de la cuirasse. C`est que Reich a entretemps développé le lien entre énergie organismique et énergie psychique et compris que
«l’expression bio-physique des émotions [constitue] l’objet majeur de l´orgonthérapie médicale» 3.
De 1925 à 1933, Reich en est encore à l’exploration de l’économie sexuelle dans le cadre de la psychanalyse freudienne ; ce n’est qu´en 1933 qu´il commence à développer les techniques de la végétothérapie et de l´orgonthérapie, après avoir élaboré sa critique de la notion de pulsion de mort chez Freud 4. Chacune des nouvelles approches pourrait donc être qualifiée de «néo» par rapport à la précédente, ce qui ne signifie nullement, au contraire, qu’elles se dépassent mais plutôt qu’elles s’intégrent et s’englobent.
Je m’en tiendrai quant à moi, pour expliquer l´utilisation de la formule néo-reichien, à la raison qui m’apparaît la plus évidente, à savoir que Reich, à partir d’un certain moment, ne fait plus d’interventions corporelles (massages localisés et manipulations précises), sauf lorsque des examens médicaux s’avèrent nécessaires pour mettre en relief des pathologies de nature physiologique. Fidèle sur ce plan à la psychanalyse, c’est d´abord par la parole (la «talking cure») qu’il abordera toujours le patient en amenant ce dernier à développer ses images et ses sentis corporels. Voilà qui distingue nettement le massage néo-reichien du type d’intervention priviliégié par Reich 5. Par contre, celui-ci n’hésitera jamais à prodiguer des conseils en proposant des exercices aidant à faire surgir des vécus émotionnels neuro-végétatifs et émerger les conflits.
Je crois pour ma part que le terme «néo-reichien» fait symptôme dans la mesure où il permet de refouler certains des fondements mêmes de la théorie et de la pratique reichiennes, en particulier la question sexuelle, centrale si l’on veut disposer d’une échelle permettant d’évaluer les différents types de caractères et donc d’aider la personne à retrouver sa vitalité, c’est-à-dire sa capacité orgastique (problématique liée de près au coït tel que le conçoit Sandor Ferenczi, un autre marginalisé de la psychanalyse), en libérant progressivement ses anneaux. Il est significatif que Céline Labrecque et Michèle Pépin, dans un article publié il y a quelques années pour expliquer clairement l’approche néo-reichienne, retiennent, parmi les constats de Reich, celui-ci : «L’énergie sexuelle est l’énergie psychique circulant dans le corps de façon ondulatoire : l’impulsion vient du bassin et se répercute jusqu`à la tête» 6. Dans leur texte, les deux auteures signalaient évidemment le lien corps-émotion, mais sans pour autant le rapporter explicitement à la question sexuelle. C’est que la méthode est dite «inspirée» de Reich, ce qui n’implique alors nullement qu’elle doive suivre rigoureusement ses préceptes. C’est dire que le problème central de la thérapeutique reichienne – «Que fait le sujet de sa sexualité?» – n’est pas articulé de manière explicite dans la présentation et la pratique du massage néo-reichien.
Cette question ouvre un champ complexe dans lequel le massothérapeute intervient, qu’il le veuille ou non. Elle est en outre beaucoup plus subtile que sa formulation peut le laisser croire, ainsi que l’a montré Roger Dadoun, l’un des meilleurs lecteurs de Reich. Dadoun souligne en effet qu’elle pourrait être formulée comme suit :
«[...] que fait du sujet la sexualité? comment le plaisir est-il donné au sujet et reçu par lui dans ses expériences infantiles? sur quel registre libidinal s’inscrit son impuissance orgastique, ou à quel degré de puissance orgastique est-il parvenu? Qu’en est-il, historiquement et actuellement, de ses satisfactions sexuelles ? 7»
Contrairement à ce qui se passe souvent (mais pas toujours, loin s’en faut) dans la situation analytique, un enjeu capital de la situation thérapeutique reichienne consiste à s’entendre sur ce qu’il en est de l’actualité. Pourquoi une personne vient-elle nous voir, nous, et non un autre thérapeute, en massage néo-reichien et non en psychanalyse (ou dans un autre cadre thérapeutique), à ce moment-ci et non à tel autre? Pour plusieurs raisons, cela va de soi. Mais je retiendrai celle-ci : parce que cette personne sent et vit dans son corps et ses comportements qu’elle répète actuellement quelque chose qui n’appartient pas à la représentation, qu’elle n’est pas capable, à cette étape de sa vie, de symboliser et par conséquent de perlaborer par le biais de l’expression verbale. Ses symptômes sont donc le signe d’un travail du deuil non réalisé, à venir. Il n’est pas oublié puisque le symptôme est là, et fait parler le corps. Le problème est que ce qui est actuel ne s’inscrit pas dans l’histoire du sujet, d’où, inévitablement, des coupures et des stases :
«[...] dans la répétition, il ne s’agit pas à proprement parler de passé. Il s’agit de la catégorie de l’actuel, par quoi on désigne en psychanalyse un hors-temps : ce qui se répète c’est ce qui n’a pas eu l’heur de devenir du passé, d’être archivé, d’être inscrit dans la trame du temps, et qui revient donc, toujours actuel» 8. Dans cette perspective, la réponse à la double question de savoir ce que le sujet fait de sa sexualité et ce que la sexualité fait du sujet doit passer par le corps actuel et placer au cœur du travail de massothérapie l’économie libidinale de la personne. Que Reich y réponde pour sa part en posant une norme hétérosexuelle (l’homosexualité étant selon lui une sexualité pré-génitale) n’empêche pas qu’il ouvre pour nous, thérapeutes et intervenants, deux dimensions fondamentales : l’histoire de la personne et sa situation actuelle, dimensions à penser dans l’horizon de l’hypothèse limite de la recherche reichienne, à savoir l’énergie alpha (Ea), c’est-à-dire l’énergie cosmique primordiale, l´orgone 9, par excellence mythologique.
L a position consistant à prendre ses distances par rapport à Reich en utilisant la formule «néo-reichien» est tout à fait légitime et ne saurait être remise en question, en autant qu’elle reste fidèle à la double dimension de l’historique et de l’actuel par le biais d’une prise en compte de l’archivage de l’énergie libidinale et qu’elle ne renvoie pas bêtement à un division mécaniste du travail qui ferait de la sexualité le champ privilégié de la sexologie, ce à quoi s’est toujours fortement opposé Reich. Il m’apparaît cependant que «l’évitement» de la sexualité critique10 de Reich fait en sorte qu´on opère en coupant le corps de son champ énergétique fondamental et qu’on reproduit ainsi un geste qui ressemble fort à celui d’une certaine orthodoxie psychanalytique, éliminant ainsi la question politico-sociale inévitablement au cœur de la thérapie, parfois de façon massive. Dois-je rappeller que Reich publie L’analyse caractérielle la même année que La psychologie de masse du fascisme?
Nous touchons ici, sans qu´il y paraisse, un aspect capital de la clinique, à savoir, outre le passage de la chaise (lors de l’entrevue) à la table (lors du travail corporel), celui de la table aux proches et, plus largement à la société. Je veux dire par là que le massothérapeute en néo-reichien intervient dans le champ politique, ce dernier étant présent dans la structure psychique et corporelle de la personne. Être massothérapeute en néo-reichien et ne pas s’interroger sur la culture (morale, religieuse, scolaire, artistique, technologique, politique, linguistique, etc.) dans laquelle baigne la personne me semble un non-sens professionnel. Quand mes mains touchent un corps, elles touchent une culture11.
Ce n’est par conséquent pas un hasard si le philosophe Jean-Michel Palmier a pu dire que l’intérêt de l’œuvre de Reich (à l’origine de celle de Marcuse et de plusieurs autres) résidait principalement dans sa critique de la société répressive et des fondements de l’aliénation, bref sur la genèse des névroses dans le capitalisme. Seul d’ailleurs compte pour lui le Reich militant parmi les ouvriers et les jeunes communistes de la banlieue rouge de Vienne et à Berlin, c’est-à-dire le fondateur du freudo-marxisme et de la socio-analyse brillament élaborées dans Psychologie de masse du fascisme. Que l’auteur de L’analyse caractérielle ait beaucoup ou peu apporté à la psychanalyse, comme il le prétend jusqu’à un certain point avec raison, cela dépend bien entendu de la conception que l’on se fait de cette discipline.
Pourtant, Reich a quant à moi contribué de manière significative à la clinique. Si sa critique de la société répressive reste inséparable de sa critique de la clinique (le terme critique devant ici être entendu, non simplement comme ensemble de jugements, mais d’abord et avant tout au sens kantien d’examen des fondements et des principes), c’est parce qu’elle attaque directement l’ordre bourgeois de la psychanalyse en insistant sur l’imposibilité pour le citoyen «ordinaire» de supporter une longue et coûteuse analyse hors du cadre d’une institution publique et c’est également parce qu’elle ramène inévitablement au corps, à la matière elle-même, au vivant, à l’orgasme. Car l’économie s’inscrit elle aussi dans ce corps. Par exemple, dans un contexte thérapeutique, comment ignorer l’importance de la précarité de l’emploi, voire du chômage et de toutes les angoisses actuelles qu’il provoque chez un individu en détresse? Je me souviens d’une jeune fille – je l’appellerai Nathalie – qui m’avait été référée dans un centre de thérapie intensive d’une durée de 3 à 6 mois. Nathalie souffrait entre autres d’un cancer de la gorge et entretenait à mon égard – en tant qu’objet – un évident transfert négatif se manifestant par une attitude ambiguë qui tenait à la fois de la provocation et du charme à connotation ouvertement sexuelle. Comment, si nous avions poursuivi notre travail à long terme, aurais-je pu lui permettre d’acquérir davantage de motilité végétative sans nous attaquer au rapport concret entre certains de ses blocages et son manque de formation de base, sa difficulté à exprimer certains sentiments (évidente dans ses problèmes de respiration et son clivage des bras et des jambes) et ce que j’interprétais pour ma part comme une peur de la liberté, laquelle apparaissait dans sa dépendance affective, sa consommation d’alcool et de drogues, ses tentatives de suicide ou encore sa façon «chaotique» de gérer ses finances personnelles – ce qui avait conduit la DPJ à lui enlever la garde de ses deux filles en jeune âge? Autre manière de dire qu’il aurait inévitablement fallu brancher son corps à son réseau et à sa culture (en tant que système symbolique), son corps individuel au corps politique par le biais de l’économie sexuelle, ce à quoi quelqu’un comme Palmier serait demeuré absolument aveugle, –, d’où le fait qu’il ait pu réduire la théorie de l’orgasme à un biologisme et en faire même un physiologisme délirant qui témoignerait du déséquilibre mental de son créateur.
Cela dit, mon objectif n’est bien sûr ni de juger de la santé mentale de Reich, ni de faire ici la critique de ses théories, ni d’entrer dans les débats qui continuent d´entourer la question de ses prétendues «déviations» par rapport à une certaine institution psychanalytique, mais simplement de souligner la tâche qu’il propose à l’analyste et qui consiste, non pas à explorer l’inconscient, mais plutôt à éliminer les résistances, les cuirasses névrotiques, en les touchant là où elles se sont inscrites/écrites, à savoir dans le corps. Et si la cuirasse refoule toujours quelque chose qui appartient à l’économie sexuelle, celle-ci établissant le lien entre la psyché et le soma par le biais de l’orgasme (l’ancrage physiologique ne se réduisant donc pas à la conversion hystérique ou à la simple somatisation), la tâche du thérapeute en néo-reichien a donc nécessairement à voir avec le sexuel. Sur le plan de la clinique, Reich – en s’appuyant sur son travail dans les centres d’hygiène sexuelle, les dispensaires et les asiles – met en effet l’accent sur le primat de la génitalité et insiste sur la fonction orgasmique dans l’analyse du caractère. C’est d’ailleurs ce primat qui pose problème pour Palmier et pour plusieurs critiques de Reich puisque ce dernier refuse, en partant de l’ancrage physiologique, de distinguer entre les psychonévroses (hystérie, phobie, névrose obsessionnelle, etc.) et les névroses actuelles (hypocondrie, névrose d´angoisse, etc.), celles-ci ayant pour Freud leur source dans la sexualité adulte, celles-là dans la sexualité infantile. Or, tout le problème réside dans le fait que la critique reichienne des étiologies traditionnelles se trouve combattue sur le terrain biographique alors qu’elle devrait l’être sur un autre terrain.
Parmi les travaux récents qui nuisent considérablement à une juste compréhension des positions de Reich en adoptant cette stratégie, figure ceux de deux membres de l’establishment états-unien de la psychanalyse traditionnelle, Atwood et Stolorow. Il est intéressant de s’arrêter quelques instants à leur travail parce qu’il véhicule les mêmes lieux communs que la plupart des autres 12 et qu’il fait preuve du même schématisme caricatural, les derniers écrits du «découvreur» de l’orgone donnant pour ainsi dire la clé de sa confusion mentale. Les auteurs ramènent l’ensemble de la théorie de Reich à une «cristallisation symbolique de la quête tout au long de sa vie de l’absolution de sa culpabilité et pour la résurrection de sa mère» 13. Dans cette perspective dichotomique et simpliste, les forces anti-sexuelles (qu’elles s’actualisent dans la cuirasse caractérielle ou dans les bacilles T) seraient identifiables à l’autoritarisme et à la violence de son père, alors que les forces de la vie renverraient à l’idéalisation de l’image de sa mère, dont il révèle lui-même l’adultère, ce qui aurait poussé la malheureuse au suicide. Toute la structure de la personnalité de Reich serait du coup construite sur le motif de la trahison, ce motif répondant à une série de désillusions (du suicide en question à l’exclusion du Parti Communiste Allemand et à celle de l’Association Psychanalytique Internationale) menant tout droit au désordre mental. Le signe de ce désorde : sa tendance à établir des correspondances en postulant des relations ou des équivalences entre différents niveaux de réalité, autrement dit sa tendance à postuler des identités là ou il n’y aurait, selon Atwood et Stolorow, que des ressemblances partielles et à construire ainsi, par exemple, un pseudo-évolutionnisme comme lorsqu’il avance que les segments de la cuirasse reproduisent celle des anneaux du vers.
Or, jamais Reich ne postule d’identité (pas plus au sens logique qu´au sens mathématique) entre les différents niveaux de réalité. Il propose en fait des métaphores ou mieux, des correspondances, autrement dit des homologies au sens baudelairien du terme, c´est-à-dire une unité «ténébreuse et profonde» entre les multiples plans de l´univers, laquelle unité s’expérimente tout autant au plan sensible des synesthésies (une sensation en évoquant une autre) que sur les plans scientifique (l’orgone comme énergie cosmique universelle) et philosophique (offrant une métaphysique au sein de laquelle le sensible, le matériel, et le spirituel se marient dans le cœur vibrant des hommes et des choses du monde). La tendance, réelle, de Reich à faire des généralisations et des synthèses serait issue de son besoin d’être réuni à sa mère idéalisée et de dépasser la fragmentation14. Faisant ce qu’on pourrait appeler du Jung à rabais, Atwood et Stolorow, engoncés dans un conception mécaniste du corps et de la psyché, de la médecine et de la science, sont incapables de s’ouvir à la vision holistique et relationnelle de Reich, vision «mythique» qui en fait l’inspirateur de penseurs aussi importants, pour ne citer que ceux-là, que Marcuse, Neil, Boyesen, Boadella, Lowen, Estrada, Bertherat, Deleuze, Guattari et Leboyer. Tout en reconnaissant malgré eux la richesse de l’apport de l´analyse caractérielle, Atwood et Stolorow la dépolitisent et éliminent ainsi prudemment la Nature et le corps.
Dans leur lecture psychobiographique des travaux de Reich, Atwood et Stolorow, se basant exclusivement sur quelques ouvrages publiés aux États-Unis (en fait, pas plus de quatre), tentent donc de démontrer que le développement du système théorique reichien prend ancrage dans sa personnalité, «reflète» et «symbolise» la lutte du penseur viennois pour sortir de l’expérience traumatisante du suicide de sa mère alors qu’il n´était qu´un enfant. Ne se basant que sur la biographie de Reich par son fils, Peter, sur celle de sa troisième épouse, Ilse Ollendorf, de même que sur quelques citations décontextualisées du stimulant livre de David Boadella, ils affirment que la dynamique précipitée par cette tragédie se vérifierait autant dans son orientation clinique que dans ses recherches sur les OVNI.
Il est facile de répondre à ces critiques. D´abord, les «fantaisies» de Reich au sujet des OVNI, pour aussi insolites qu´elles parraissent aujourd’hui, s’inscrivent en réalité dans le contexte américain de l’époque où, comme on le sait, l´Armée était au cœur des recherches sur les différentes formes de vie sur les autres planètes. Affirmer que ces fantaisies marquent l’entrée définitive de Reich dans la psychose revient par conséquent à postuler indirectement une psychose collective sans voir, beaucoup plus simplement, que Reich participe à un vaste mouvement scientifique et philosophique qui pose la problématique de l’altérité et de l’étranger (dont les extra-terrestres ne sont que l’une des figures au même titre que, par exemple, les sorcières), ce questionnement étant de nos jours poursuivi dans le champ des études culturelles.
Quant à la concaténation biographique, le premier psychanalyste venu sait que ce type d’interprétation (d’ailleurs appliqué de la même manière par les auteurs à Freud, Jung et Rank) relève d’une psychocritique et d’une sociologie naïves qui partent de l’a priori selon lequel il y aurait une relation de cause à effet directe entre la vie et l’œuvre d’un auteur. Dans le cas qui nous intéresse, sont ainsi systématiquement négligés tous les processus de médiation et de construction de la théorie et de la pratique reichiennes, les flux d´énergie entre la structure socioéconomique et la sructure sexuelle d´un individu et d’une société disparaissant tout simplement sous la masse des lieux communs alors qu’elles sont clairement mentionnées dans une citation faite par les auteurs15. On répliquera que Reich lui-même, dans l’introduction à la première édition de L’analyse caractérielle, utilise la notion marxiste de reflet : «Les structures caractérielles de personnes appartenant à une certaine époque ou à un certain ordre social ne sont pas seulement le reflet de cet ordre, mais – et ceci est bien plus important – elles représentent le lieu de son ancrage» (p. 17). En fait, Reich mentionne la notion pour montrer son insuffisance, ce que ne sont pas en mesure de faire Atwood et Stolorow parce qu’ils obéissent à un modèle déterministe et positiviste qui s’appuie sur le principe selon lequel les structures mentales d’un individu doivent nécessairement refléter la conscience commune d’un groupe social (ce qu’on appelle la mimésis). Or, un examen des rapports entre les structures mentales de l’individu et celles du groupe démontre que celles-ci sont rarement congruentes ou cohérentes. Dans ces conditions, l’Imaginaire (au sens lacanien du terme, c’est-à-dire incluant les images, les représentations, etc.) vient médiatiser le Symbolique et lui donner une forme propre, lui permettant même de s’opposer au discours social duquel il fait partie et qu’il reproduit en partie. Parmi les terrains de médiation entre l’individu et le collectif, l’un des plus importants est justement le caractère. C’est pourquoi il faut maintenant nous pencher sur la conception qu’en présente Reich, ce qui nous fera ensuite comprendre la nature des résistances qu’oppose la personne à la circulation énergétique.

Caractère et résistance

La définition que Reich propose du caractère nous ramène en droite ligne à la pratique du néo-reichien. On peut en effet se demander quelles sont les raisons précises qui nous poussent à travailler sur les tensions chroniques plutôt que sur les tensions passagères. La réponse nous est fournie dans L’analyse caractérielle : «Le caractère est une modification chronique du Moi à laquelle on pourrait donner le nom d’induration. C’est elle qui est responsable de la chronicité des réactions caractérologiques d’une personne. Elle vise à protéger le Moi contre les dangers externes et internes qui l’assaillent. En tant que mécanisme de protection permenant, il mérite parfaitement le nom de cuirasse» (p. 145). Le caractère est donc à la fois une structure et un mécanisme de défense en lui-même. C’est, pour résumer, d’abord et avant tout un mécanisme de protection narcissique au moyen duquel la personne arrive bon an mal an à survivre. Autrement dit, elle peut être positive et adaptative ou négative et morbide, voire biopathique (comme dans le cas du cancer).
En tant que somme des expériences vécues et incrustées dans le corps et dans le comportement, la cuirasse comporte au moins deux couches: la couche musculaire, plus facile à observer et à atteindre, reflète la couche mentale, plus profonde et nécessitant un travail psychothérapeutique à beaucoup plus long terme pour être modifiée. Ajoutons que la lecture du corps à laquelle doit procéder le massothérapeute en néo-reichien doit clairement distinguer la cuirasse musculaire du symptôme puisque ce dernier «correspond à une seule expérience ou à une seule tendance» (p. 57), ce qui explique qu’il ne soit jamais complètement rationalisé. Cette distinction est pour nous, massothérapeutes, essentielle, puisqu’elle a des conséquences cliniques évidentes dans la mesure où notre travail porte sur la cuirasse et non sur le symptôme, qu’il ne touche que de manière oblique. De plus, notre action porte d’abord et avant tout sur la cuirasse musculaire (en particulier sur le tonus et le mouvement des muscles lisses et striés), qu’il s’agit d’ssouplir pour qu’elle devienne plus fonctionnelle, et n’atteint que secondairement la cuirasse caractérielle, c’est-à-dire, ainsi que la définit Gérard Guasch, «l’assemblage particulier de défenses mentales propre à chacun» 16. Si la personne souhaite s’engager dans une démarche qui prenne en compte sa cuirasse mentale, ses états émotifs et affectifs, elle doit alors choisir ou de consulter un psychothérapeute parallèlement à ses séances de massage, ou consulter un massothérapeute qui exerce également la psychothérapie17.
La nature de cet article ne me permettant pas d’entrer dans les subtilités de la théorie de Reich, je crois cependant utile, pour mieux faire comprendre comment se structure et s’actualise la cuirasse, de fournir une définition synthétique du caractère dont la genèse, on doit s’en souvenir, remonte au moment où se résout le complexe d’Œdipe, sous une forme différente du refoulement ou de la névrose infantile18. Ce n’est donc pas le complexe comme tel qui peut créer problème, mais plutôt ses modes de résolution. Cela dit, j’emprunte ma définition du caractère à Roger Dadoun parce qu’elle respecte la lettre reichienne et qu’elle permet de mettre en lumière ses différents aspects :

"En concevant le caractère comme résistance et cuirasse, forme et fonction, histoire et structure, [Reich] se donne pour tâche d’étudier d’abord des mécanismes de défense, des organisations pulsionnelles, des circuits de distribution libidinale, des modes de fixation du plaisir et de l’angoisse, des émotions sexuelles ; la priorité va à l’analyse universelle et aux articulations dynamiques, aux dépens de la description et des grilles et tableaux aux fines touches où s’exhibe la virtuosité des psychologues universitaires et populaires." 19

Le caractère englobe donc physiologiquement, corporellement, l’ensemble des éléments fondamentaux informant la personne humaine. Pour ce qui nous concerne ici, le point essentiel consiste à prendre en considération, sur le plan clinique, au moins deux éléments :
1 – La disposition segmentaire de la cuirasse (représentant comme on sait le ver dans l´homme) ne doit pas faire oublier que sa structure est également «rhizomatique»20 dans la mesure où le développement caractériel, ainsi que le souligne à juste titre Dadoun, procède par dissociations et enclenche une suite d’oppositions des fonctions végétatives, les forces physiques et psychiques s’exerçant dans plusieurs directions, parfois parallèles, souvent divergentes. Au schéma habituellement utilisé pour illustrer le travail de néo-reichien :


Le courant orgonotique s’écoule perpendiculairement aux anneaux de la cuirasse.


il m´apparaît essentiel de joindre celui-ci, qui permet de montrer que la fonction de défense contre les agressions du monde extérieur et contre les pulsions internes produit inévitablement une structure «intégrant» les multiples fissions qui parsèment le parcours historique de la personne :

Schéma
de la structure
de la cuirasse.

Cette seconde structure, plus compliquée que la première, montre que le développement caractériel de l’organisme n’est pas conditionné par la seule disposition en anneaux ou par un schéma simpliste stimuli-réponses, mais que son inscription passe par un réseau de tendances et de dissociations formant l’identité. Bref, les différentes couches de la cuirasse s’interpénètrent et on peut dire qu’il y a entre elles une constante interaction, ce que prouvent hors de tout doute la circulation et les stases énergétiques.
2 – Une fois noté que la cuirasse présente une structure double (à la fois cylindrique et rhizomatique) et qu’elle ne se situe pas simplement à la surface du corps, qu’elle pénètre ses couches les plus archaïques, il faut mettre en évidence le fait qu’elle n’agit pas uniquement contre l’environnement extérieur et les pulsions internes, mais aussi entre eux. Comme l’écrit encore Dadoun, «elle en vient nécessairement à assumer une fonction d’aménagement, d’organisation et de contrôle des relations liant les deux systèmes en question»21. On comprend pourquoi le massothérapeute doit faire preuve d’une extrême prudence lorsqu’il commence à dénouer les anneaux : en agissant de façon précipitée, il risquerait en effet de déstructurer la personne et de la plonger dans une dissociation plus grave que celle dont elle souffre au moment où elle le consulte. Dans la mesure où le muscle «est à la fois le support matériel et le code binaire (tonique croissante ou décroissante) avec lesquels s´écrit l’histoire de l’individu», son lieu d’archivage, il faut peser chaque manœuvre physique et discursive afin, autant que faire se peut, de ne pas forcer les réponses corporelles, sous peine d´enrayer gravement le processus de perlaboration.
Si l’objectif du travail thérapeutique consiste bien à donner davantage de motilité au corps et à atteindre ainsi la cuirasse génitale, adaptative, mobile, supportant l’authenticité et la spontanéité, il importe donc de prendre en considération le temps de gestation naturel de chaque individu. On se donne ainsi la chance de lutter à l’avance contre un phénomène important que Reich appelle la «rémanence cachée» de la cuirasse, désignant par là le retour du refoulé, retour dont l’un des exemples caractétistiques est la «viscosité de la libido». En favorisant une approche trop rapide, on laisse libre cours aux résistances qui laissent croire à leur élimination alors qu’elles maintiennent subtilement la cuirasse névrotique réglée sur l’angoisse ou, dans les cas plus graves, la cuirasse biopathique réglée, elle, sur la haine. En allant plus loin, on peut dire que la précipitation comporte le très grave désavantage de ne pas permettre, si le travail avance de manière positive, de faire face à la «rage destructrice» qui, selon Reich, se manifeste inévitablement lorsque les barrages énergétiques commencent à céder, c’est-à-dire lorsque le courant orgonotique, perpendiculaire au flux végétatif, s’écoule de nouveau dans l’axe vertical (la colonne vertébrale) du corps. Dans cette perspective, il est évident que le modèle thérapeutique néo-reichien de base (10 séances) ne sert que de point de départ, et ne saurait constituer une limite au travail.
Résistances, formes et transfert.
Je ne me suis pour le moment intéressé qu’à la cuirasse en laissant dans l’ombre les résistances et la structure, c’est-à-dire la forme. C’est à la mise en lumière de ces éléments que je vais maintenant m’attacher brièvement parce que leur compréhension est fondamentale dans le cadre du massage néo-reichien.
Comme Ferenczi, Reich affirme qu’il est insuffisant de ne retenir que les contenus du matériel apporté par la personne et qu’il est nécessaire de faire d´abord et avant tout ressortir les éléments formels :
"[...] ce qui importe au début de l’analyse n’est pas le contenu mais la présentation formelle des matériaux.»
On dira que cette indication ne concerne que la psychanalyse. Pourtant, c’est entre autres par elle que Reich prend ses distances par rapport à la psychanalyse traditionnelle, et qu’il inaugure son travail du corps, qu’elle concerne au premier chef la pratique du massothérapeute :
«Or, l’oubli du comportement formel ou une attitude consistant à le considérer comme moins important que le contenu des communications aboutit à une conception de la ‘surface psychique’ dont on ne saurait sous-estimer les dangers sur le plan thérapeutique» 22.
Pour ne pas rester à la surface, Reich retient, parmi ces éléments formels, la plupart de ceux (posture, habillement, comportement, respiration, regard, voix, etc.) importants dans une lecture du corps en bonne et due forme. L’observation attentive de ces éléments apporte de précieux indices sur les résistances lesquelles, pour la plupart inconscientes (seules certaines parviennent à la conscience), demeurent toujours inscrites dans le corps.
Comme il le précise clairement dans l’introduction à la première édition de L’analyse caractérielle, Reich (il est alors chargé du traitement des psychopathes à la Clinique Psychanalytique de Vienne) croit nécessaire de poser dans ce contexte au moins deux problèmes, à la fois théoriques et cliniques :
1 – la nécessité de développer une théorie génito-dynamique du caractère sur la base de laquelle constituer une typologie des caractères (hystérique, compulsif, phallique narcissique et masochiste) ;
2 – la nécessité de distinguer entre le contenu et la forme des résistances. Tirant leur origine de l’ordre social inhibant les énergies libidinales en les détournant au profit de la structure socioéconomique de production à travers la famille et l’éducation, les résistances sont au coeur du travail thérapeutique dans la mesure où elles doivent être levées dans le transfert négatif pour que l’analyse amène l’analysant à développer une relation plus saine à la réalité en le rendant mieux apte à sortir de ses scénarios infantiles en ne cédant plus sur ses désirs : «Comme chaque névrose dérive de conflits non résolus survenus avant l’âge de quatre ans et que le transfert n’est autre chose que la réactivation de ces conflits, l’analyse du transfert négatif constitue avec l´élimination des résistances la tâche la plus importante de l´analyste»23. Sur ce plan, Reich suit de près les techniques proposées par Freud : association libre, attention flottante, interprétation et transfert, les résistances étant considérées comme des forces s’opposant à l’élimination du refoulement, mais la permettant paradoxalement. Sur le plan théorique, Reich cherche à sortir de l’herméneutique de la psychologie des profondeurs, du contenu, pour aller vers la forme ou mieux, pour lier la forme, le contenu et le matériau.
Pour Reich, ce problème est toutefois en premier lieu pratique, clinique et empirique. Il a trait à la question de savoir comment on peut accéder aux résistances. Or, la patience du thérapeute qui s’intéresse au corps n´est pas de même nature que celle du psychanalyste. Plutôt que d’attendre le matériel refoulé, Reich attaque d’emblée les résistances qui se manifestent dès le début du processus thérapeutique. Cette stratégie ne vise pas à économiser du temps, mais à faire fructifier chaque moment en allant directement aux résistances caractérielles. De cette manière, plutôt que d’aborder une à une les résistances, on accède au champ entier où elles vivent, c’est-à-dire au corps. Roger Gentis écrit, à propos d’une session qu’il a lui-même suivi :
«On peut dire peut-être (cette question serait à travailler) que dans [cette] thérapie, cette perlaboration est en quelque sorte assistée – enclenchée, impulsée, machinée – par l’action du thérapeute, ses interventions et aussi par l’aménagement de la situation thérapeutique» 24.
Le thérapeute et la personne voient alors se déployer petit à petit des formes (physionomie, manière de parler, de bouger, etc.), chacune d’elles étant reliée à une ou à des fonctions. Bref, en partant de la manière d’être d’une personne, on accèderait plus facilement à la construction de son caractère, construction impliquant à la fois sa sructure et son histoire. Et partant, si l’on suit la structure en ver et la structure rhizomatique, c’est l’inconscient lui-même qui, un jour ou l´autre, surgira au détour d’un geste ou d’une parole, ce que résume superbement Dadoun quand il écrit :

"Lorsqu’un trait caractériel, formant résistance, a pu être cerné, dégagé, mobilisé (au plein sens du terme, c’est-à-dire remis, par une série de déliaisons, dans un circuit activé de mobilité historique et affective), alors, tel un brin filant d’une texture, ça vient : des dispositions structurales se dessinent avec plus ou moins d´ampleur, des expériences passées, infantiles, plus ou moins lointaines et archaïques, se pressent – dispositions et expériences qui disent ce que furent et ce que sont pour le sujet le plaisir et l’angoisse, la nature de ses conflits, le refoulement, la haine, l’amour..." 25

Ça vient..., c’est-à-dire que l’inconscient (le Ça, ou «Es» en allemand) apparaît dans la structure elle-même par la vertu des formes. Dans l’horizon thérapeutique, la question devient alors celle de savoir si, dans le «tiers-lieu»26 qu’offre le dispositif clinique, c’est le matériel émergeant lors de la rencontre thérapeutique (ou analytique) qu’il faut interpréter, ou la résistance qu’elle provoque. Pour Reich comme pour Freud, cela revient à se demander pourquoi le malade ne veut pas guérir.
Or, c’est justement pour trouver une solution à cet épineux problème que Freud conçoit progressivement l´appareil psychique à trois niveaux :
1º topique (la première topique proposant les instances du Conscient, du Préconscient et de l’Inconscient, tandis que la seconde propose de nouvelles instances, non plus superposées, mais entrecroisées : le Moi, le Surmoi et le Ça) ;
2º dymanique (tout ce qui est en lien avec les pulsions) ;
3º économique, dont la question : «Pourquoi un individu tombe-t-il malade?», implique une réponse : «Pour préserver l’intégrité du psychisme» – cette «réponse» ouvrant la voie à une réflexion en profondeur sur les résistances et les mécanismes de défense.
C´est le niveau économique que privilégie comme on sait Reich (sans toutefois négliger les deux autres) parce qu’il permet de soutenir la thèse pratique selon laquelle «la capacité d’accéder à une situation sexuelle inadéquate, c’est-à-dire à une génitalité souple, est un «critère décisif du diagnostic» et donc, de la réussite ou de l’échec thérapeutique. S’appuyant sur les résultats des recherches présentées dans La fonction de l´orgasme, Reich peut alors avancer que «le problème économique de la névrose de même que celui de sa thérapeutique relèvent en premier lieu du domaine somatique et ne saurait être appréhendés qu’en fonction du contenu somatique du concept de la libido »27. Dans ces conditions, le but de la thérapie devient on ne saurait plus clair : éliminer les stases libidinales souvent installées très tôt dans l’enfance, parfois même avant la naissance, pour offrir au malade les outils qui lui permettent d´organiser sa vie sexuelle sur une base génitale qui lui donnera satisfaction. En d´autres termes, la reconnaissance ou l’identification du symptôme ainsi que la prise de conscience du symptôme ne suffisent pas à lever les résistances. Il faut rétablir la puissance orgastique dans le corps puisque celui-ci est le lieu même du sujet, l´espace de la personne. Dans une formule si remarquable qu´elle en paraît banale, Michel Serres synthétise en fait ce que je considère comme l´enjeu du massage néo-reichien :
«Qu’est-ce que l´inconscient? Le corps, mieux, le corps en bonne forme» 28.
On constate à quel point la vigilance est alors nécessaire : en touchant le corps, je touche l’inconscient. C´est pourquoi le massothérapeute ne doit «jamais perdre de vue que la névrose est contenue dans la résistance, qu’en éliminant la résistance, nous éliminons déjà un fragment de la névrose» 29. Si, comme je l´ai dit plus haut, en touchant le corps, on touche également la culture, on démontant les résistances de la personne 30, on démonte celles de la famille, du groupe et de la société qui l´ont en partie moulée. Par où l´on voit à quel point clinique et politique sont indiscutablement liées.
Dans la mesure où, en démontant les résistances actuelles, je fais surgir les complexes infantiles non résolus de la personne 31, l’élément fondamental que nous n’avons pas encore abordé est bien sûr le transfert. C’est en effet ce dernier qui permet aux affects d’être mobilisés, positivement ou négativement :
«La règle établie par Freud qu’il faut conduire le malade de la mise en acte au souvenir, de l’actuel à l’infantile, doit être complétée par une autre : les éléments sclérosés et rigides ont tout d’abord besoin d’être ranimés dans l’émoi du transfert»  32.
C’est ici, dans le cadre du problème de la résolution du transfert en vue de l’apprentissage de la réalité, toute la question du narcissisme du massothérapeute qui apparaît. Sans entrer dans les détails – qui dépasseraient de loin le cadre de ces pages –, soulignons que Reich avance que le transfert positif se manifestant au début du travail n’est souvent qu’un leurre, une stratégie inconsciente servant à maintenir la solution trouvée par le corps et le psychisme pour supporter les compromis qu’ils ont ébalorés pour ne pas sombrer. Autrement dit, le transfert positif sert souvent à occulter les pulsions agressives et l’angoisse :
«L’analyse considéré comme le perturbateur de l’équilibre névrotique fera toujours figure d’ennemi, peu importe si les affects projetés sur lui sont des impulsions d’amour ou de haine ; car dans les deux cas, elles sont affectées d’un fort coeficient de défense de refus» 33.
Voilà un aspect de sa pratique auquel le massothérapeute doit faire face et auquel il doit donc se préparer.
Comme tout thérapeute, j’ai d´ailleurs moi-même fait l´expérience de ce transfert négatif avec Lya, que j´ai rencontrée à dix reprises pour des massages néo-reichiens et qui manifestait à mon égard un évident transfert positif : elle collaborait sans aucun problème, apportait beaucoup de matériel, était bien disposée, se montrait aimable et affirmait volontiers sa confiance dans notre travail et dans l’objectif que nous nous étions fixé, à savoir développer un sentiment de sécurité et ramener la confiance à l´intérieur. Bref, elle attirait la sympathie, démontrait une attitude positive envers l’approche.
De fait, après avoir complété sa série de dix massages et reçu l´appui d’un psychothérapeute, Lya est parvenue à prendre des décisions importantes dans sa vie, dont celle de rompre avec son mari. Au terme de nos rencontres, elle avait retenu, comme piste à suivre, l´identification de ses besoins, ce qui impliquait, outre la possibilité de l´abandon (de sérieux progrès dans ce sens avaient à mon avis été réalisés, quoi que je ne puisse affirmer que ce geste radical n´ait pas porté par ailleurs un mécanisme de compensation), d´apprendre à dire non aux moments adéquats et à ne pas se placer constamment en agence. Un des éléments-clé pour cette évolution consistait dans la nécessité de dépasser sa peur de l´abandon et de la mort (le deuil de son père restant encore à élaborer), peur inscrite au centre de son corps (principalement au diaphragme et au bas-ventre) et symbolisée dans son imaginaire par une pierre de granit gris renvoyant sans doute au moment où, après sa naissance, elle avait dû rester plus de deux semaines à l´hôpital, semble-t-il à cause d´un manque de place à la maison. Quoi qu´il en soit – et cela sans connaître la suite de sa thérapie –, Lya camouflait à mon sens ses résistances pour protéger cette angoisse, maintenir son paradoxal équilibre psychique. À preuve, même après un travail intensif avec plusieurs intervenants, ses attaques de panique (ralenties par la médication), avec leurs symptômes (tremblements, etc.), et ses douleurs musculaires chroniques n’avaient toujours pas été éliminées. C’est dire que nous n’avions pas encore touché le noyau névrotique.
Je dirais par conséquent qu’à plus long terme, mon objectif avec Lya aurait été de l’amener à exprimer ses émotions et surtout sa colère, parcours qui aurait sans doute fini par montrer que la «bonne malade» cachait un transfert négatif. La reconnaissance de cet état de fait aurait ainsi constitué le moment où aurait débuté le vrai travail. Un transfert négatif aurait à mon avis permis de mettre à jour de puissantes pulsions agressives à l’égard de son père et de son mari en même temps qu’il aurait fait apparaître des désirs incestueux avec ses deux fils. Son amabilité à mon égard, qui reproduisait sans doute son attitude de soumission à l’égard des hommes, aurait alors été chambardée. Pour rendre cet objectif viable, une solution se serait imposée, essentielle pour déjouer l’intelligence et la culture de Lya : travailler la forme de ses comportements et non les contenus qu’elle apportait avec une généreuse profusion, cela en étant conscient que cette distinction est toujours difficile à maintenir concrètement 34. Comme l’écrit Reich,
«[...] l’expérience prouve que l’analyse des résistances caractérielles doit occuper la première place. Il ne s’ensuit nullement qu’il faille se borner momentanément à l’analyse des résistances caractérielles, pour aborder ensuite seulement l’analyse des contenus. En réalité, les deux phases analytiques (l’analyse des résistances et l’analyse des expériences de la première enfance) se superposent et se recoupent» 35.
En définitive, mon travail de massothérapeute auprès de Lya aurait consisté à appuyer sa psychothérapie en lui permettant de vivre dans le corps et par le biais du transfert négatif son agressivité refoulée. À mon sens, le massage néo-reichien la préparait à un travail en profondeur en lui servant de support. L´efficacité de ce type d´intervention trouve en effet son origine dans le fait que les manoeuvres connectent la situation de la névrose – avec ses résistances – à la situation infantile (liée au scénario originel). La personne peut ainsi se transformer au plan dynamique et accéder dans le cours de ce processus à une véritable autonomie caractérielle 36.
Le rôle du massothérapeute ne consiste donc pas à interpréter les formations de l’inconscient, mais à s’en tenir au Moi présent, au hic et nunc, la tâche de l’interpréation revenant au psychothérapeute ou au psychanalyste. Dans le chapitre de L’analyse caractérielle consacré aux outils dont dispose le thérapeute, Reich propose une excellente synthèse des éléments important de sa technique en insistant sur la nécessité de prendre en considération la forme du problème avec lequel est aux prises la personne :
La forme de la défense du Moi est toujours fonction du caractère du malade, quelle que puisse être la pulsion du Ça refoulée. Comme corollaire, la même pulsion du Ça peut être refoulée de différentes manières, selon les individus. Si nous nous contentons de l’interprétation des pulsions du Ça, nous faisons abstraction du caractère. Si, au contraire, nous abordons les résistances toujours par la défense, par le Moi, nous intégrons le caractère névrosé dans notre analyse. Dans le premier cas, nous énonçons dès le début ce que le malade repousse ; dans le second, nous lui expliquons d´abord qu’il se défend contre «quelque chose», puis comment il s’y prend, puis ce que sa démarche signifie (l’analyse caractérielle) ; en dernier lieu seulement, quand l’analyse de la résistance a fait des progrès suffisants, nous lui disons – ou il découvre lui-même – contre quoi il se défend. Sur le long chemin conduisant à l’interprétation des pulsions du Ça, toutes les attitudes du Moi ont été analysées. On préserve ainsi le malade de toute découverte prématurée et on s’assure son concours affectif et sa participation active 37.
Où le massothérapeute entre-t-il en scène dans ce processus? En aidant à poser la question du «comment» plutôt que celle du «pourquoi» (sans pour autant rejeter le «pourquoi» lorsqu’il est énoncé). En fait, il s’agit pour nous de libérer des affects emprisonnés dans la structure caractérielle aux lieux où se manifestent les blocages qui, s’ils ne sont pas défaits, interviendront dans l’espace proprement psychothérapeutique. Pour reprendre le cas de Lya, on comprend alors dans ce contexte pourquoi il a été à mon sens capital de ne pas interpréter la tendresse nommée au moment où j´ai proposé, lors de notre troisième rencontre, de lui peigner les cheveux.
Les remarques qui précèdent peuvent donner l’impression que je considère le transfert négatif comme le cœur de la démarche, même si c’est sur la base des problèmes que pose ce dernier que Reich développe le concept de cuirasse. Or, il n’en est rien et d’ailleurs, ni Freud ni Reich n’ont soutenu pareils propos. En réalité, c’est d’abord le transfert positif qui importe, lequel se manifeste sous trois formes :
1 – le transfert positif réactif (lorsque la personne substitue à la haine l’amour) ;
2 – la docilité passive (le sentiment de culpabilité dominant alors le rapport au thérapeute) ;
3 – le transfert de désirs narcissiques (lorsque la personne tente d’obtenir l’amour ou l’admiration de la personne). Mais le vrai transfert positif, celui qui est marqué de tendresse et de sensualité, n’apparaît pour de bon qu’une fois que les distorsions de la génitalité à la base de l’angoisse ont été éliminées. Le transfert positif est essentiel pour faire surgir à long terme les résistances. En d’autres termes, le vrai transfert doit consister à transférer le sentiment de plénitude du thérapeute à un autre objet, «mieux adapté aux besoins réels du malade»38. Que le transfert positif soit essentiel à l’évolution de la personne se vérifie dans le fait qu’il faille à tout prix construire un espace thérapeutique sécuritaire. Ce n´est qu’une fois installé ce «cadre», aussi souple que possible, que les forces du transfert négatif peuvent faire progresser vers une économie sexuelle liant psyché et soma par le biais de l’orgasme. Nul besoin pour entreprendre ce travail d’être un spécialiste tablant sur des années d’expérience. En élaborant les aspects cliniques de sa théorie du caractère, Reich avait d´abord pensé que c’était le cas. Mais il en vint ensuite, en 1945, à modifier totalement sa position à ce sujet. Relativisant ses réserves quant au fait que l’analyste pratiquant l’analyse caractérielle peut se trouver déboussolé devant la violence du malade une fois que celui-ci commence à se libérer de ses défenses narcissiques, il écrit : «Cette restriction était justifiée dans les commencements de l’analyse caractérielle, il y a dix-huit ans. Mais déjà à cette époque, on a justement fait remarquer que la technique de l’analyse caractérielle devait être enseignée aux débutants et non seulement aux analystes chevronnés, puisqu’elle est supérieure à l’analyse des symtômes» 39. Cette remarque, adressée aux psychanalystes, vaut quant à moi tout autant pour les praticiens du massage néo-reichien qui doivent apprendre le plus tôt possible, non seulement à installer un transfert positif efficace, mais aussi à faire face au transfert négatif.
Il faudrait évidemment pousser beaucoup plus loin cette étude 40 pour rendre justice aux propositions de Reich et mieux mesurer ses enjeux cliniques dans le massage néo-reichien. Je voudrais simplement clore ce parcours en affirmant qu´il y avantage à aller très loin dans l´analyse du passage du transfert positif, renforçant trop souvent le narcissisme du thérapeute (même chevronné), au transfert négatif. Car ce que pose ce problème du passage, c’est aussi celui du temps, l’interprétation d’une situation de détresse ne pouvant être interprétée «tant qu’il y a des résistances à interpréter» 41. Ce n’est certes pas par hasard que c’est dans le contexte d’un extraordinaire exposé d’un cas de schizophrénie que Reich insiste sur l’importance de la patience et du temps pour faire émerger le transfert négatif :
«C’est une règle qu’il ne faut jamais précipiter les choses mais desserrer la cuirasse, progressivement, lentement, en s’entourant de toutes les précautions posibles. Il ne faut jamais pénétrer dans les profondeurs biophysiques avant de savoir exactement ce qui se passe chez le malade et avant que le malade ne se soit habitué à la situation ainsi obtenu»42.
En d’autres termes, la patience et la retenue sont dans le processus thérapeutique, qu’il s’agisse de la psychothérapie ou du massage néo-reichien, des vertus cardinales puisqu’en passant d’une première résistance de transert à une seconde, il ne faut jamais négliger la couche intermédiaire et, au besoin, ne pas avoir peur de revenir au point de départ. On se donne ainsi les moyens d’identifer avec la personne les stases et leur point de départ, leur fondement.

LE TEMPS DE L´ÉCOUTE

Nous avons vu que l'importance de l’économie sexuelle motive une pensée et une pratique de la cure reliant le corps et la psyché en les connectant aux nœuds de leur histoire et de leur actualité. Nous avons par ailleurs compris, en explorant le caractère, la résistance, la forme et le transfert, que la plupart des principes formulés par Reich dans le cadre de l’analyse caractérielle peuvent être utilisés de manière efficace dans le massage néo-reichien, lequel relève en fait, sur le plan pratique, davantage de l’orgonthérapie dans la mesure où le massothérapeute agit d’abord et avant tout au niveau biophysique.
Or, cette utilisation n’est possible que si l’on renoue avec les enjeux de la sexualité, lieu par excellence des émotions et de la vitalité de la personne. Le but du massage n’est-il pas en définitive d’aider à une auto-régulation fondée sur une «économie équilibrée de la libido» 43?
En restituant en elle cette capacité d’autorégulation, la personne devient enfin le sujet de sa propre expérience du monde. Entreprenant ainsi une démarche par laquelle, en ayant progressivement accès à ses clivages, ses tensions chroniques et ses lieux de drame, «à l’expression biophysique de ses émotions», elle se met à l’écoute des stases de son corps, mais également à celle de ses flux, de ses rythmes, de ses forces, de ses lieux de création. Peu importe à quel stade du processus thérapeutique elle est parvenue, qu’elle affronte ses émotions primaires ou ses émotions secondaires 44, la personne en arrive à percevoir de mouvement (é-motion) de la réalité vivante, faite d’orgone, cette réalité offerte dans l’immanence du quotidien lui-même : «Le vivant ne se distingue ni du vécu quotidien et historique, ni de l’activité connaissante qui en est issue et qui s’en saisit. Il n’y a, pour Reich, de connaissance fondamentale que du vivant – mais c’est que le vivant est lui-même, fondamentalement, connaissance» 45. On comprend combien le massage peut modifier la vie d’une personne et l’amener, pour parler comme Reich, à assumer concrètement les trois activités – aimer, travailler, connaître – formant la triade existentielle fondée sur la libido et en laquelle l’être humain trouve l’énergie nécessaire pour exercer sa conscience, sa lucidité et sa responsabilité.
Pour découvrir son potentiel bio-électrique, rétablir ses courants plasmatiques et reprendre contact avec l’essence de la vie circulant en elle et à travers le cosmos en elle, la personne a par conséquent besoin d’un thérapeute sachant intervenir de façon fine, discrète, lente, et privilégiant, comme le dit Dadoun, une action «respectueuse de la dynamique vivante des tissus, des organes, des individus et de leur histoire» 46. Cela n’est à mon avis possible que si le masothérapeute sait faire preuve, non pas d’une simple empathie, mais bien – et surtout – d’une sympathie pour la personne dont il soutient le processus. Entendue au sens de Max Scheler, c’est-à-dire comme «capacité subjective à supporter l´autre dans sa souffrance...» 47, cette sympathie ne saurait se comprendre que dans le sens éthique du terme (et non moral). Elle fait alors du massage néo-reichien un espace où la «veillance» devient une «histoire d’amour et de transfert». Comment pourrait-il en être autrement lorsque la base de notre travail consiste à toucher l’autre dans sa vie secrète, dans ses tissus les plus intimes ?

Michel Peterson, juin 2002.


Notes
1 Roger Gentis. Leçons de corps, p. 45.
2 La révolution sexuelle, p. 49-50.
3 L’analyse caractérielle, p. 6.
4 Dans l’ordre, Reich passe de la psychanalyse à l’analyse caractérielle, puis à la végétothérapie et enfin à l’orgonthérapie. Qu’il ait rompu avec Freud à cause de désaccords théoriques et cliniques profonds (entre autres autour de la question de la pulsion de mort) n’empêche aucunement qu’il ait toujours continué jusqu’à la fin à faire preuve d’un immense respect pour le père de la psychanalyse. À preuve, cette stratégique «profession de foi», ou cette reconnaissance de «dette», comme on voudra, de la troisième édition : «[...] l’économie sexuelle ne s’est jamais inscrite en faux contre les découvertes scientifiques fondamentales de Freud. [...] L’économie sexuelle ne s’oppose pas plus à la psychanalyse que les lois de la gravtitation de Newton ne s’opposent aux lois de Kepler. L’économie sexuelle est le prolongement de la psychanalyse de Freud à laquelle elle apporte le solide soutien des sciences naturelles, de la biophysique et de la sexologie sociale» (Ibid., p. 10).
5 Il en va de même pour les analystes psychocoporels formés à Montréal à l’École Québécoise de Formation de Psychothérapeutes (site internet: eqfp.com) et dont les méthodes d’intervention corporelle – articulées en fonction du Modèle d’Analyse Psychocoporelle développé par Jean-Claude Tremblay – s’inspirent de Reich, mais aussi, plus largement, des travaux de Gerda Boyesen, Rafaël Estrada, Jung et Lowen.
6 «Le massage néo-reichien». In : Le massager, p. 20.
7 Roger Dadoun. Cent fleurs pour Wilhelm Reich, p. 111.
8 Dominique Scarfone. Oublier Freud?, p. 140.
9 Je souhaiterais ici remettre les pendules à l’heure en ce qui concerne l’accumulateur d´orgone, cette machine autour de laquelle se sont tissés des ragôts ayant permis la perpétuation d’un mythe sordide. À la limite, cet appareil, qualifié avec raison par Dadoun d’«objet littéraire», et qui a d´ailleurs intéressé des écrivains de la Beat Generation comme Jack Kerouac et William Burroughs, est moins une machine ou un outil de calcul statistique (Reich n’est ni Kinsey, ni Masters & Johnson) qu’un lieu du possible, un espace de rencontres, de croisements, de flux : «L’accumulateur serait moins un instrument qu’un espace, un repère, le lieu – pragmatique ou fantasmatique, ce n’est pas ici ce qui importe le plus – d’une polarisation et d’une prise de conscience énergétique, une territorialité singulière, intense, critique, conflictuelle, enclavé dans notre espace déterritorialisé, informe et désert à force d’être balayé d’assauts idéologiques, objets, images, couleurs, rituels, etc. Peut-être le sujet parviendrait-il ainsi à une écoute de son corps total, de ses énergies, ses ruptures, ses carences, et pourrait-il résister à la totalitaire entreprise de paranoïa médicale qui, sous sa livrée scientifique, prolonge dans le monde moderne la paranoïa sociale et ritualisée du prêtre-sorcier» (Cent fleurs pour Wilhelm Reich, p. 27). Bref, cet appareil est un créateur d’intensité corporelle et c’est à ce titre qu’il intéresse. Ce lieu, n’est-ce pas cet espace vide, cet espace de sécurité et de confiance que nous essayons de créer en massage néo-reichien? L’accumulateur d´orgone pourrait alors la métaphore de notre cabinet!
10 J’emprunte cette expession à Roger Dadoun, expression par laquelle il désigne une sexualité «qui critique un statut sexuel hégémonique et répressif, et qui, en même temps, est vécue comme crise aiguë et dramatique; ce puritanisme est à distinguer radicalement du puritanisme moral chrétien, farouchement dénoncé par Reich, qui est fondé sur la notion de péché et qui, surtout, fonctionne comme support privilégié d’une idéologie dominante, anti-sexuelle» (Ibid., p. 19).
11 On pourrait prendre l’exemple d’un grave problème comme celui des abus sexuels et démontrer l’importance pour le thérapeute d´en identifier les paramètres culturels s’il veut entendre les personnes en ayant été victimes. En clair, les paramètres ethnologiques de l’abus chez les Québécois ou chez les Haïtiens ou les Coréens ne sont pas les mêmes. Ce ne sont pas les abus qui sont culturels, mais bien la manière et le contexte libidinal dans lequel ils sont perpétrés.
12 La critique de ces ouvrages ayant été faite par Roger Dadoun de manière tout à fait lucide, je n’y reviendrai pas ici. Voir in op. cit., l’article «Délires», p. 147-155.
13 Faces in a Cloud. Intersubjectivity in Personality Theory. «Wilhelm Reich», p. 117.
14 Ibid., p. 122.
15 À la page 107, les auteurs citent en effet le passage suivant de la version anglaise de La psychologie de masse du fascisme, sans en tirer aucune conséquence théorique, aveuglés qu’ils sont par leur objectif : «The interlacing of the socioeconomic structure with the sexual sructure of society... takes place in the first four or five years in the authoritarian family... Thus the authoritarian state gains an enormous interest in the authoritarian family : It becomes the factory in which the state`s structure and ideology are molded.»
16 Gérard Guasch. Quand le corps parle..., p. 63.
17 Gerda Boyesen, formée par Ola Raknes et Aadel Büllow-Hansen, va encore plus loin et aborde les symptômes psychosomatiques ainsi que les couches émotionnelles en effectuant des manœuvres agissant sur la pression du fluide énergétique qui circule dans les membranes et les tissus superficiels (la cuirasse tissulaire) d’une part, et la pression fluidique à l’intérieur des parois intestinales (la cuirasse viscérale) d’autre part. Voir, à ce sujet, Entre psyché et soma. Au Québec, seule l’École Québécoise de Formation de Psychothérapeutes s’est donnée comme mission de former des thérapeutes proposant aux thérapisants une démarche psychocorporelle (psycho-organique) impliquant l’utilisation de plusieurs des techniques (massages californien et biodynamique, végétothérapie, relaxation dynamique, imagerie mentale, thérapie verbale, etc.) qu’employait Gerda Boyesen (qui recourrait également, dans une remarquable synthèse clinique, à la physiothérapie, l’acupressure, le drainage lymphanique, etc.).
18 Je pense quant à moi qu´il remonte beaucoup plus tôt, à savoir au moment où se développe l’embryon. C´est à mon sens ce que pourrait démontrer – et que démontrent effectivement – les recherches dans le domaine de l’haptonomie.
19 Roger Dadoun, op. cit., p. 112.
20 Je renvoie, pour l’explication de ce terme qui appartient au vocabulaire de la botanique, aux importantes théories psychanalytiques et philosophiques soutenues par Gilles Deleuze et Félix Guattari dans le second volume de Capitalisme et schizophrénie : Mille plateaux. Paris : Minuit, 1972. Le rhizome est une tige souterraine de plantes vivaces qui pousse des bourgeons au dehors et émet des racines adventives à sa partie inférieure. Partant de cette «figure» de la nature, Deleuze et Guattari en viennent à s’intéresser aux points de conection (ce qu’on pourrait presque appeler, dans le cadre de la massothérapie, les points trigger) entre les différents concepts, corps, surfaces, discours, etc.
21 Roger Dadoun, op. cit., p. 136.
22 L´analyse caractérielle, p. 45 et 45-46 pour la citation précédente.
23 Ibidem, p. 24.
24 Op. cit., p. 30.
25 Op. cit., p. 109. Gentis parle quant à lui, dans une formule hautement suggestive renvoyant à Groddeck, d’«épiphanie du Ça»: «Et ce qui se passe là, en thérapie, en ces moments privilégiés où l’on se sent soudain arraché à soi-même, emporté par une vague surgie du fond du monde, où la conscience tout à coup muette s’étale dans la pure transparence de ce qui se passe là [...], cet instant de rupture, ce point brisant pour reprendre le mot de Breton, ce passage d’un seuil de non-retour au cours de la montée vers l’acmé – et au-delà... Au-delà, n’ayons pas peur des mots, au-delà est le domaine du sacrée (le ça crée, dirait-on du côté de chez Lacan), qui est aussi celui de la transe, de la possession, de l’extase. Au-delà, c’est la présence immédiate du dieu. De l’innombale: Ça. Expérience immémoriale de l’humanité. Mais expérience de toujours privilégiée – réservée à qui accepte de s’abandonner, de se perdre...» (Op. cit., p. 35-36).
26 Le terme est de Ginette Michaud.
27 L´analyse caractérielle, p. 32.
28 Variations sur le corps, p. 104.
29 L’analyse caractérielle, p. 86.
30 Ce démontage comporte pour Reich quatre étapes : 1 – le thérapeute saisit la signification de la résistance ; 2 - il en fait prendre conscience au malade en l’interpétant, en l’analysant rigoureusement ; 3 – il en démonte les rouages ; 4 – il fait comprendre au malade contre quoi ou qui elle est dirigée.
31 C’est ici le lieu d’expliquer pourquoi je parle, dans le cadre du massage néo-reichien, de la personne et non du patient, encore moins du client. Je prends le terme personne au sens que lui donne Jean-Charles Crombez : «La personne se caractérise comme un lieu d’événements et un ‘emplacement d’identité’.» Il continue : «Le lieu d’événements, c´est ce dont on parle le plus souvent : tout ce qui remplit la vie communautaire et la vie intérieure, les millions de préoccupations, d´occupations, de rôles et d´idées. En tant qu’emplacement d’identité, on souligne la place spécifique de quelqu’un ; c’est grâce à cette identité qu’on nomme le sujet et qu’on se dénomme comme sujet. L’identité est unique et changeante. Unique en ce sens qu’elle se résume à une impression d’être quelqu’un, une sensation d’exister. Changeante, car les qualités de cette perception varient continuellement» (La guérison en ECHO, p. 20). Notre objectif en massage néo-reichien me semble d’accompagner des gens dans un moment parfois difficile de leur vie, pas de faire croître une entreprise et de réifier la personne.
32 L´analyse caractérielle, p. 86.
33 Ibidem, p. 47.
34 Je pourrai sans doute bientôt vérifier ces hypothèses puisque Lya m’a récemment consulté pour une psychothérapie.
35 Ibidem, p. 64.
36 Je rappelle que le sous-titre de La révolution sexuelle était justement «Pour une autonomie caractérielle de l’homme».
37 L’analyse caractérielle, p. 76.
38 Ibidem, p. 134.
39 Ibidem, p. 116, note 1.
40 Pour des observations détaillées concernant le transfert, on se rapportera au chapitre VI («Le maniement du transfert») de la première partie de L’analyse caractérielle. Je n’ai bien sûr pas pu entrer ici dans la question de la distinction entre la névrose spécifiquement transférentielle (que Ferenczi appelle à juste titre la compulsion de transfert) et la névrose individuelle de la personne parce que cela m’aurait amené à développer le problème de la personnalité analytique de l’analysant.
41 Ibidem, p. 43.
42 Ibidem, p. 347.
43 L’équilibre recherché n’excluant pas un certain mouvement vital entre les pôles caractériels : «Il ne faudrait pas oublier non plus que la distinction entre le caractère névrosé et le caractère génital n’a rien d’absolu. Puisqu’elle se fonde sur un critère quantitatif – l’ordre de grandeur de la satisfaction sexuelle directe ou de la stase libidinale – on peut rencontrer tous les degrés intermédiaires séparant les deux types idéaux» (L’analyse caractérielle, p. 175).
44 Reich distingue comme on sait entre les émotions primaires, «émotions fondamentales de la matière vivante» (le plaisir, la nostalgie, l´angoisse, la colère et la tristesse), et les émotions secondaires, que traitent surtout les psychothérapies traditionnelles, et qui composent, sur le plan psychosomatique, la cuirasse caractérielle. Les émotions secondaires sont en fait les mêmes que les émotions primaires, mais elles ont été détournées de leur fonction vitale.
45 Roger Dadoun, Cent fleurs pour Wilhelm Reich, p. 10.
46 Ibidem, p. 60.
47 Cité par Jean Oury, dans sa préface au livre de Ginette Michaud. Le terme «veillance», cité plus loin, est de G. Michaud.


Bibliographie :
Œuvres de Reich utilisées :
-L`analyse caractérielle. Trad. fr. de l´allemand par Pierre Kammitzer. Paris : Payot, 1971.
-La psychologie de masse du fascisme. Trad. fr. de l´allemand par Pierre Kammitzer. Paris : Payot, 1972.
-La révolution sexuelle. Trad. fr. de l´édition américaine de 1945 par Constantin Sinelnikoff. Paris : UGÉ, «10/18», 1968.
Ètudes consacrées à Reich et études générales
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CROMBEZ, Jean-Charles. La guérison en ECHO. Montréal : MNH, 1994.
DADOUN, Roger. Cent fleurs pour Wilhelm Reich. Paris : Payot, 1975.
GENTIS, Roger. Leçons de corps. Paris : Flammarion, coll. «Champs», 1980.
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LABRECQUE, Céline et PÈPIN, Michèle. «Le massage néo-reichien». Le massager,vol. 12, no.2,septembre 1995, p.20-22.
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MICHAUD, Ginette. Figures du Réel. Paris : Denoël, 1999.
PALMIER, Jean-Michel. Wilhelm Reich. Essai sur la naissance du freudo-marxisme. Paris: UGÉ, «10/18», 1969.
REICH, Ilse Ollendorff. Wilhelm Reich. Pais : Belfond, 1969.
REICH, Peter. À la recherche de mon père. Trad. fr. Marianne Véron. Paris : Albin Michel, 1977.
SCARFONE, Dominique. Oublier Freud?. Montréal : Boréal, 1999.
SERRES, Michel. Variations sur le corps. Paris : Le Pommmier/Fayard, 1999.


Le massage néo-reichien : vers l’auto-régulation de la personne est un article écrit par Michel Peterson, massothérapeute et psychothérapeute au Canada


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