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Origine : http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1517-97022005000300010&lng=em&nrm=iso&tlng=fr
RÉSUMÉ
La «recherche-action» désigne, dans l'institution
scientifique, un type de démarche de recherche qui a ses
spécificités. Cependant, comme le montrent les différentes
histoires de la recherche-action, le terme même a connu des
périodes de plus ou moins grande notoriété
et les démarches qu'il a pu qualifier ont elles-mêmes
connu des évolutions sensibles. Aujourd'hui, recherche-action
et intervention sont le plus souvent présentées comme
étant proches voire confondues. Dans le domaine de l'enseignement,
la recherche-action est à la fois très présente
dans les dispositifs de formation, de rénovation voire de
gestion mais assez peu considérée comme démarche
de recherche.
Dans cet article, est examinée la manière dont la
recherche-action interfère avec cet objet de recherche que
constituent les pratiques enseignantes. J'interroge en particulier
le fait que le modèle de la recherche-action (mobilisant
une dimension collective) soit concurrencé, dans le processus
de professionnalisation de l'enseignement, par le modèle
du «praticien réflexif» (plutôt en appui
sur une dimension individuelle).
S'il y a une tradition de la recherche-action et si les caractéristiques
de cette démarche continuent à influencer la recherche
en éducation, cela se produit aujourd'hui dans un champ de
recherche en cours de redéfinition qui inclut les recherches
socio-cliniques et les travaux de ceux qui se désignent comme
praticiens-chercheurs.
Les transformations qu'une recherche peut générer
sur un terrain n'épuisent pas les visées de celle-ci
mais permettent au contraire la production de connaissances qui
ont leurs spécificités, en particulier celle d'explorer
des dynamiques sociales plutôt que des situations supposées
statiques.
Mot-clef: Recherche-action — Procédures de recherche
— Professeur pratique — Professionnalisation d'enseignement.
S'il m'a été proposé de participer à
ce numéro de la revue Educação e Pesquisa,
c'est sans doute que mes commanditaires ont situé ma démarche
de recherche dans cet ensemble de travaux que l'on qualifie globalement
de recherche-action. Non seulement j'accepte ce classement sans
difficulté mais j'ai souvent moi-même explicitement
utilisé le terme de recherche-action pour qualifier certains
de mes travaux socio-cliniques. Pour d'autres, j'ai préféré
utiliser la catégorie de l'intervention. Je tenterai de montrer
au fil de l'écriture que la désignation « recherche-action
» n'est qu'une possibilité parmi d'autres de qualifier,
dans l'institution scientifique, un genre qui a des spécificités
qu'il importe de préciser.
Recherche-action et intervention ne s'excluent pas (Dubost et Levy,
2002), ils qualifient la manière dont se construit, se lance,
le dispositif de travail par lequel collaborent le(les) chercheur(s)
et ces autres que l'on appelle, selon les cas et les cadres théoriques
mobilisés, des praticiens, des clients, des partenaires,
des acteurs, des sujets, des individus ou « les gens ».
Du côté de la recherche-action, la collaboration est
posée d'emblée autour d'un problème pour le
traitement duquel il est fait appel à un chercheur intéressé.
Le but commun est la production de connaissances nouvelles voire
d'outils utiles aux praticiens. Mais, comme le souligne la littérature
concernant la recherche-action, parue en France depuis le début
des années 1980 (Dubost, 1983) : praticiens et chercheurs
conservent leurs préoccupations respectives. Les connais-sances
produites par leur collaboration ne sont pas du même ordre
pour l'un et pour l'autre, n'ont pas le même usage et ne sont
pas validées selon les mêmes modes.
Du côté de l'intervention, la commande porte d'abord
sur l'analyse en situation, souvent à l'occasion d'une crise
dans un établissement ou une organisation ou bien encore
d'un malaise plus diffus ressenti par des professionnels. De cette
intervention à visée analytique, il est attendu qu'elle
provoque un renouvellement de la perception qu'ont les individus
de la réalité sociale dans laquelle ils sont impliqués.
Bien sûr, la recherche-action a des effets d'intervention
et l'intervention produit des connaissances…
Dans un article paru dans la revue de sociologie L'Homme et la
société (Monceau, 2003), je distinguais quatre formes
que pouvait prendre actuellement la recherche socio-clinique lors
du travail dit « de terrain » : socianalyse, accompagnement
d'équipes de travail, enquête socianalytique et analyse
institutionnelle des pratiques professionnelles. Je remarquais que
ces dispositifs n'étaient pas propres aux chercheurs référant
leurs travaux au cadre de l'analyse institutionnelle. La démarche
socio-clinique institutionnelle intègre l'analyse de la dynamique
institutionnelle à l'analyse des situations qui font l'objet
premier du travail. Dans le vocabulaire de l'analyse institutionnelle
(Lourau, 1970, 1997) (Lamihi, Monceau, 2002), disons qu'il s'agit
toujours d'élargir le champ d'intervention au champ d'analyse
: ce qui se produit dans une unité sociale quelconque n'étant
pas uniquement le produit de la dynamique locale et des interactions
entre individus. C'est ainsi que l'histoire d'un établissement
ou les transfor-mations socio-politiques en cours dans la société
qui l'environne agissent dans les pratiques professionnelles les
plus ordinaires.
Dans le présent article, je reviendrai sur le modèle
de la recherche-action en identifiant les sources auxquelles il
est le plus souvent référé. Je tenterai ainsi
d'établir les caractéristiques de cette démarche
et de la problématiser dans le domaine des pratiques enseignantes.
L'évolution du statut et des emplois de la recherche-action
concernant les pratiques et la formation des enseignants doit être
rapportée à des évolutions plus larges des
institutions scientifiques d'une part et de la formation des enseignants
d'autre part. Remarquons d'emblée que le mouvement de professionnalisation
de l'enseignement, qui prend son essor en Europe dans les années
1990, s'est traduit par une valorisation de la posture (individuelle)
du praticien réflexif (SCHÖN, 1983) dans la formation
initiale des enseignants aux dépens de celui de la recherche-action
(collective). Cette évolution dans le sens d'une individualisation
de la formation a été renforcée par les résultats
des recherches portant sur les effets respectifs des effets-école
et des effets-maîtres (BRESSOUX, 1994) au bénéfice
du second.
Nous pouvons bien sûr voir ici un lien avec l'affirmation
de l'individualité dans nos sociétés (EHRENBERG,
1991) (KAUFMAN, 2004). Les dispositifs d'analyse des pratiques professionnelles
(BLANCHARD-LAVILLE et FABLET, 1996) (FUMAT ; VINCENS et RICHARD,
2003) qui se sont répandus en quelques années dans
la formation des enseignants comme moyens de former des «
praticiens réflexifs » sont sans doute plus supportables
institutionnellement que la recherche-action, plus collective, porteuse
de certains traits militants acquis au cours de son histoire. En
tendant à renvoyer l'individu à l'analyse de ses difficultés
et contradictions propres, les nouveaux dispositifs pourraient faire
passer au second plan les dimensions plus institutionnelles. Pourtant,
dès lors qu'il est conduit dans une perspective analytique
ouverte aux implications institutionnelles, ce type de travail peut
lui aussi résister à son instrumentalisation (GUILLIER,
2003).
Durant ces évolutions, les démarches de recherche-action
se sont trouvées assignées à des visées
opératoires auxquelles il n'est généralement
pas reconnu de pouvoir produire des connaissances « décontextualisables
». La formation continue des enseignants fait ainsi appel
à cette démarche tout comme de nombreuses études
dans lesquelles il s'agit à la fois de connaître et
d'enrôler des acteurs de terrain dans une réflexion
commune et dans une transformation des pratiques individuelles et
collectives.
Origines et caractéristiques de la recherche-action
Selon Antoine Savoye (SAVOYE, 1994), les « social surveys
» américaines correspondaient déjà, au
tout début du XXème siècle, aux caractéristiques
de ce qui va être qualifié bien plus tard de recherche-action.
Ainsi, il écrit à propos du Pittsburgh Survey (PS)
: « (…) la popularisation des résultats de l'enquête
ne constitue pas la part la moins originale du PS. Pour Devine et
Kellogg, c'est une phase essentielle, celle où l'on amène
la ville à se connaître elle-même (…) .Aussi
développent-ils une véritable stratégie de
communication afin de provoquer le maximum d'effets en retour. Autrement
dit, la connaissance produite doit retourner vers la réalité
concrète dont elle rend compte, pour être un support
de changements. On peut parler, au sens plein du terme, de recherche-action.
» (p.100). A. Savoye décrit également l'extension
que vont connaître les recherches sur la ville à partir
du « modèle Pittsburgh ». L'élaboration
de ces dispositifs combine, dans la longue durée : l'étude
de documents, les observations directes et la diffusion des résultats
(expositions, conférences, colloques…) aux niveaux
local et national. A noter que la diffusion des résultats
intègre, à des degrés divers selon les travaux,
ce que nous qualifions aujourd'hui communément de restitution,
c'est-à-dire la communication des résultats à
ceux qui font l'objet de l'investigation et ceci non uniquement
à la fin du travail. La population de la ville est elle-même
fréquemment associée au travail d'enquête. S'il
s'agit en premier lieu des personnes exerçant des responsabilités
à divers titres et des professionnels du travail social (secteur
professionnel en cours de structuration), la base participative
peut tout de même atteindre un millier de personnes. Il s'agit
donc véritablement d'une orientation qui, par la participation,
cherche à produire des connaissances qui soient à
la fois communicables dans les milieux de la recherche, auprès
des décideurs politiques et auprès de la population
elle-même. En contribuant à l'enquête, les participants
sont par avance engagés dans les conséquences à
tirer des résultats qu'elle produira.
L'institutionnalisation de ce type d'enquête dans la gestion
des problèmes urbains américains se fera parallèlement
à son développement dans les milieux universitaires.
Des interactions continueront à se produire entre les deux
domaines (politique urbaine et recherche universitaire) qui nourriront
des polémiques du même type de celles que nous continuons
à connaître aujourd'hui à propos de la scientificité
de certaines démarches.
L'« action research » de Kurt Lewin est la référence
obligée de tout propos sur la recherche-action, elle visait
la transformation des comportements. S'inscrivant dans cette logique,
ce chercheur montrera que pour optimiser cette transformation dans
le sens attendu, il est nécessaire d'obtenir la participation
des sujets au processus de changement et que l'organisation de discussions
collectives centrées sur le problème à résoudre
est une procédure performante. Le travail mené par
Lewin durant la seconde guerre mondiale, qui avait pour but de changer
le comportement alimentaire des mères de familles américaines,
est bien connu. Cette démarche n'excluait pas une production
de connaissances portant sur les mécanismes d'influence puisque,
dès ses travaux sur la dynamique des groupes restreints,
Lewin postulait qu'il fallait agir sur la réalité
pour la connaître. Les participantes de l' « action-research
» n'étaient pas concernées par les résultats
scientifiques de la recherche, qui restaient une production «
méta », intéressant le chercheur et la communauté
scientifique. Les sujets ne s'approprient pas ce savoir scientifique
mais un autre (ici la nécessité et les manières
de cuisiner les bas morceaux) prévu pour eux. Lewin prolongeait
ainsi, à grande échelle, les résultats de ses
travaux sur la dynamique des groupes et les mécanismes d'influence.
Les sciences sociales étaient alors occupées à
fonder leur légitimité sur le modèle des sciences
dites exactes. Lewin et ses collaborateurs étaient très
influencés par la démarche expérimentale bien
qu'ils puissent travailler aussi hors des laboratoires. Les individus
inscrits dans les protocoles de recherche n'étaient finalement
que des variables parmi d'autres. Cependant, tous les travaux de
ce type ont largement alimenté les pratiques de recherche
que l'on qualifiera plus tard de participatives (les participants
non chercheurs étant alors initiés à la recherche)
et d'impliquées (les chercheurs reconnaissant alors qu'ils
occupent eux-mêmes une place dans le collectif qui entre dans
une démarche de recherche). Lewin lui-même a ouvert
des perspectives de travail très fertiles en articulant recherche,
transformation sociale et formation des individus. Michel Liu (LIU,
1997) estime ainsi que Lewin a effectué la transition entre
deux méthodologies : celle classiquement expérimentale
du laboratoire et celle de la recherche-action. Mais les travaux
d'Elton Mayo, dans les années 1920, avaient déjà
transporté le laboratoire de recherche dans l'entreprise
de production industrielle et ceci dans la longue durée.
Madeleine Grawitz fait par ailleurs remarquer que Moreno affirmait
également, à la suite de Marx, que l'on ne peut connaître
les structures d'une société qu'en essayant de la
modifier (GRAWITZ, 1996).
En suivant Georges Lapassade (LAPASSADE, 1991), Jean Dubost et
André Lévy (DUBOST et LEVY, 2002), avançons
que les pratiques d'intervention et les pratiques de recherche-action
participent d'une même dynamique dans laquelle les psychologie
sociale, psychosociologie, sociologie et analyse institutionnelle
se trouvent engagées. Des enjeux semblables les traversent,
les manières dont leurs protagonistes les pensent se croisent
fréquemment et leurs origines se mêlent. Ainsi retrouvons-nous
dans de nombreuses généalogies de la recherche-action
et des pratiques d'intervention psychosociologique et sociologique,
les noms de Lewin, Lippit, Moreno, Mayo, Alinsky, Bion mais aussi,
en France, des références aux publications des mouvements
leplaysien, fouriériste, proudhonien et marxiste.
C'est donc aussi du côté des penseurs du politique
que sont aujourd'hui recherchées les origines. Nous trouvons
d'ailleurs fréquemment les noms de Frédéric
Le Play et de Karl Marx dans les ouvrages français consacrés
à la recherche-action (RESWEBER, 1995) (BARBIER, 1996) (GRAWITZ,
1996). Chez chacun de ces deux « ancêtres », peut
être identifiée une volonté d'intervenir sur
l'état de la société dans laquelle ils vivent
par la mise en œuvre d'investigations de type sociologique.
Le premier a privilégié la monographie de familles
ouvrières et favorisé l'émergence d'ingénieurs
sociaux pouvant agir pour la « Paix sociale ». Bernard
Kalaora et Antoine Savoye ont pu ainsi montrer comment, en diffusant
dans les pratiques professionnelles des membres de la société
de Le Play, la science sociale de celui-ci a pu devenir «
science appliquée » dès la fin du XIXème
siècle (KALAORA et SAVOYE, 1989, p. 141). Le second, Marx,
adoptera la technique du questionnaire auprès des ouvriers
pour mieux les connaître mais aussi pour produire chez ceux-ci
une « prise de conscience ». L'un se situe du côté
du catholicisme social et l'autre sera à l'origine d'un mouvement
politique dont nous connaissons la postérité.
Le positionnement des chercheurs peut ainsi être de mettre
leur savoir au service d'une expérimentation sociale ou d'un
changement social plus large. Il y a alors engagement du chercheur
dans l'action de transformation sociale (des rapports sociaux),
cet engagement pouvant se traduire de diverses manières :
du « simple » constat que le chercheur est impliqué
dans la dynamique sociale qu'il étudie à son engagement
au service d'objectifs préexistants à son arrivée
sur le terrain voire même qu'il y importe (LOURAU, 1977).
Que ces objectifs soient d'abord ceux d'un commanditaire (décideur
politique, entrepreneur, dirigeant d'organisme ou collectif professionnel
ou militant) avec lequel le chercheur négociera un contrat
ou bien d'abord ceux du chercheur lui-même qui devra trouver
des partenaires pour les mettre en œuvre, la tension entre
les visées heuristiques et les visées praxéologiques
n'est pas moindre. Elle prend différentes configurations
selon les situations et l'analyse de celles-ci participe aussi bien
du processus de transformation que de la production de connaissances.
Les perspectives méthodologique, théorique et axiologique
sont donc fort diverses voire divergentes et la frontière
contemporaine entre recherche-action et intervention n'est peut-être
plus désormais la plus urgente à penser. Il me semble
même que celle-ci fait passer au second plan la nécessité
d'une analyse plus pointue portant sur les conditions de mise en
œuvre de ces démarches, sur leurs épistémologies
voire leurs idéologies. Les chercheurs qui ont contribué
à la construction de ce domaine que pour ma part je désigne
comme socio-clinique (MONCEAU, 2003) ont ouvert des perspectives
de travail qui ne pouvaient s'affirmer tant que les sciences sociales
adoptaient les critères de scientificité des sciences
expérimentales. La sociologie est tout particulièrement
le lieu de cette affirmation avec l'émergence des sociologies
d'intervention, clinique et pratique. La psychologie et la psychosociologie,
sous l'influence de la psychanalyse, avaient auparavant engagé
cette évolution. L'horizon clinique (HERREROS, 1998) est
désormais tangible dans ces différentes disciplines
et dans leurs démarches de recherche, il n'en demeure pas
moins fort discuté.
Dans ce champ, aux contours imprécis parce que transdisciplinaires,
qui semble adopter aujourd'hui plus facilement le qualificatif de
« clinique » pour désigner tout ou partie de
ses travaux, on trouvera en France les noms de Dubost, Lévy,
Touraine, Crozier, Friedberg, Lourau, Lapassade, Sainsaulieu, Enriquez,
de Gaulejac. Ces chercheurs, dont les options (interventions psychosociologique
et sociologique, analyses stratégique et organisationnelle,
analyse institutionnelle, sociologies pratique et clinique) ont
souvent été en conflit depuis une quarantaine d'années.
Ils ont contribué, par le travail de leurs divergences, à
constituer un champ dans lequel nous pouvons aujourd'hui penser
les pratiques de recherche en étant moins soumis à
des critères qui fixerait a priori une limite entre science
et non science qu'à l'exigence de penser sa pratique de recherche
à mesure du déploiement de celle-ci. Ceci n'exclut
pas que les différentes phases du travail soient planifiées
et qu'une vigilance toute particulière s'exerce sur les interférences
entre les enjeux des différentes parties impliquées
(de Gaulejac; Roye, 1993) (Uhalde, 2001) (Vrancken, 2001) (Herreros,
2002).
La «Clinical sociology» américaine (Rebach;
Brhun, 1991) (Fritz, 1993) (Bruhn; Rebach, 1996) reprend le même
type de questionnement bien qu'elle développe son histoire
comme étant, depuis les années 1930, interne à
la sociologie dont elle se présente comme une sous discipline.
Les références à Lewin y sont rares, celles
aux sociologues de Chicago y sont par contre fréquentes.
Du point de vue de la reconstruction historique, les sociologies
d'intervention, pratique et clinique européennes et canadiennes
(en particulier francophones) paraissent plus ouvertes à
la transdisciplinarité que le courant nord-américain
anglophone. L'histoire des sciences sociales s'y écrit différemment.
Pour les participants (professionnels de l'enseignement par exemple)
demandeurs d'une recherche-action, l'objectif est donc de produire
des connaissances qui aient une utilité pour l'action à
partir des problèmes que pose la pratique au quotidien ou
encore d'un question-nement sur l'origine de certains dispositifs
ou modes de pensée propres à certains établis-sements
ou institutions. Pour les chercheurs, la visée de connaissances
se situe au-delà de l'espace de l'établissement ou
du dispositif où se mène le travail. Ils poursuivent
un itinéraire de recherche de longue haleine en répondant
à différentes demandes localisées, les résultats
obtenus sur un « chantier » sont à cumuler, à
confronter, avec d'autres.
Dans le déroulement d'une recherche-action, comme dans celui
d'une intervention se développant dans le temps, des transformations
d'ampleurs variables se produisent. Celles-ci sont souvent difficiles
à relier clairement à la réflexion collective
qui s'élabore dans le même temps. En effet, il y a
interférence permanente entre ce qui est produit dans les
séances de travail, dans l'écriture des comptes rendus
partiels ou dans l'élaboration d'outils et ce qui se produit
dans la pratique des uns et des autres. Certaines manières
de poser les problèmes, l'autorisation que l'on se donne
à énoncer des analyses ou des «solutions»,
la possibilité de faire des rapprochements entre des situations
éloignées dans le temps ou dans l'espace (en particulier
entre des espaces séparés par le découpage
fonctionnel de l'établissement ou de l'organisation) génèrent
des évolutions dans les discours et les actes, souvent peu
perceptibles immédiatement par les acteurs. Chercheurs venant
de l'extérieur, nous enregistrons plus facilement ces «glissements»
au fil du temps.
Si le sociologue contribue à produire la société
qu'il analyse en y diffusant ses théorisations (Herreros,
2002), la recherche-action produit localement ce phénomène,
de manière beaucoup plus directe.
La lecture de nombreuses publications se proposant d'établir
l'histoire de la recherche-action ne peut donc que convaincre qu'il
serait vain aujourd'hui de vouloir enfermer cette orientation de
recherche dans un cadre disciplinaire ou idéologique.
En Europe et en France particuliè-rement, c'est le terme
même de «recherche-action» qui se trouve aujourd'hui
dévalué dans le monde de la recherche, sans doute
pour cause de trop grande proximité avec le monde des praticiens
et avec leurs problèmes. Le recours se fait ainsi plus fréquent
aux termes d'intervention et de clinique qui retrouvent ainsi une
valeur d'usage. S'il s'agit d'une résurgence (Savoye, 1999),
il y a à examiner les contingences de celle-ci. Au croisement
de diverses filiations et à dominantes sociologique et psychosociologique
(mais également marquées par certains courants de
la pensée psychologique), les différentes pratiques
de recherche-action ont fortement influencé et sont parties
prenantes d'une recherche socio-clinique plus vaste qui peut être
identifiée comme réunissant (non exclusivement) les
caractéristiques suivantes :
• Travail de la commande et des demandes qui sont considérées
et exploitées comme des données à construire
qui renseignent donc sur la dynamique de la situation.
• Participation des «praticiens» à la
démarche sous des modalités variables. Ceux-ci y trouvant
leur intérêt propre et y exprimant leurs demandes.
• Travail des analyseurs qui, dans le dispositif de recherche,
donnent accès à des enjeux qui ne s'expriment pas
ordinairement. Dans la conduite du dispositif de recherche lui-même,
les résistances aux transformations, à la participation,
à la diffusion d'informations et d'écrits sont ainsi
de bons analyseurs des contradictions actives dans la dynamique
institutionnelle. Les expérimentations de l'intervention
socianalytique fournissent de nombreux éléments méthodologiques
à ce propos (Monceau, 1996, 2001 a.).
• Analyse des transformations qui se produisent à
mesure qu'avance le travail. C'est parce qu'il y a transformations,
interactions chercheurs/praticiens voire dérangement de la
pratique ordinaire par le dispositif de recherche que la compréhension
progresse. Cette option n'est pas commune à toutes les pratiques
de recherche qui s'actualisent par immersion dans la réalité
sociale. Ce n'est ni la perspective ethnographique ni celle de la
plupart des démarches d'observa-tion fussent-elles participantes.
• Mise en place de modalités de restitution qui retournent
aux partenaires de terrain, sous des modalités et temporalités
diverses, les résultats provisoires du travail. Cette pratique
de la restitution produit des opportunités d'approfondir
ou de remettre en cause les analyses et de reconsidérer l'orientation
du dispositif de travail lui-même.
• Travail des implications primaires (dans le dispositif
et les enjeux locaux de celui-ci) et des implications secondaires
du chercheur (dans l'institution scientifique) et des autres participants
(dans leurs institutions respectives). Pour les premières,
il s'agit en particulier des relations qui s'établissent
entre les partenaires. Pour les secondes, des choix théoriques
et méthodologiques et des questions que le chercheur «
importe » sur ce terrain particulier. Remarquons que ce travail
des implications des chercheurs est aujourd'hui communément
inscrit comme une nécessité dans les ouvrages du champ
évoqué plus haut. Les résistances au concept
d'implication que René Lourau identifiait encore en 1996
(Lourau, 1996) semblent avoir laissées la place à
un relatif consensus.
• Visée de production de connaissances locales mais
aussi plus générales, en prise avec des problématiques
propres à la communauté des chercheurs au-delà
du terrain particulier faisant l'objet du travail.
• Une attention étant portée aux contextes
institutionnels dans lesquels sont pris les chercheurs d'une part
et les autres participants d'autre part, le travail se déroule
dans une interférence institutionnelle. C'est cette interférence
qui produit des effets de transformation et de connaissances, ces
derniers étant qualifiés de résultats dans
le vocabulaire de la recherche.
Les travaux de recherche qui présentent les caractéristiques
énumérées ci-dessus sont toujours peu légitimes
dans l'institution scientifique. Jacques Ardoino écrivait
à propos de la recherche-action, il y a plus de vingt ans,
que cela était sans doute lié à l'absence d'une
stratégie nette de contribution au développement des
connaissances (Ardoino, 1983). Il me semble que cette critique reste
valable, comme si les chercheurs travaillant selon des méthodologies
qui associent des partenaires « de terrain » avaient
admis que leur aire de légitimité devait se restreindre
aux médias des milieux professionnels avec lesquels ils travaillent
et qu'ils avaient peu à dire dans les circuits de la recherche
reconnue. Suffit-il de considérer qu'il y a là un
ostracisme ou bien ne doit-on pas admettre aussi un certain manque
de volontarisme pour faire reconnaître à la fois la
spécificité de ces travaux et leurs apports au débat
scientifique.
Recherche et recherche-action
La Science (au singulier) de l'éducation (1882-1914), instituée
en France sous la troisième république, n'a pas développé
de collaboration directe avec les enseignants (Gautherin, 2002).
Ces derniers étaient au mieux des auxiliaires des chercheurs.
Ainsi, les universitaires titulaires des chaires de science de l'éducation
se comportaient surtout en « pédagogues » au
sens de l'époque, c'est-à-dire producteurs de principes
pédagogiques à l'image d'un Rousseau qui pouvait disserter
sur l'éducation tout en se disant lui-même inapte à
la mise en œuvre pratique de ses réflexions. Ils avaient
à orienter l'action des enseignants par des principes fondés
en raison mais non soumis à l'expérience et à
l'évaluation. Cette posture différait de celle que
construisait Alfred Binet à la même époque en
oeuvrant à une psychologie expérimentale (Hocquard,
1988) visant des applications pédagogiques. Lorsque les Sciences
de l'éducation (au pluriel) seront instituées universitairement
en France, à partir de 1967, le rapport des universitaires
aux pratiques éducatives sera différent. Les Sciences
de l'éducation seront alors attentives à ne pas se
laisser réduire au statut d'une science de la pratique tout
en faisant des pratiques éducatives un objet de recherche.
La recherche-action a alors connu un succès certain, en
particulier en France, jusque dans les années 1970-1980.
En effet, elle a été mobilisée durant cette
période comme une méthodologie privilégiée
dans la recherche pédagogique. Des groupes, des mouvements
pédagogiques, mais aussi l'Institut national de la recherche
pédagogique (INRP) ont contribué à vulgariser
le terme (Hugon; Seibel, 1986, 1988). Les enseignants qui s'y consacraient
avaient en commun de vouloir penser et transformer leurs pratiques
et étaient en demande d'apports des résultats de la
recherche. Praticiens s'inscrivant dans une démarche de recherche
collective s'enracinant dans la problématisation de leurs
pratiques profession-nelles, ils devenaient pédagogues au
sens plein en accédant à une théorisation de
ces pratiques. Les enseignants participants à ces travaux
se disaient alors volontiers chercheurs.
Aujourd'hui, la recherche-action apparaît surtout comme étant
un moyen de formation et de changement participatif. Son usage rencontre
des évolutions politiques de fond, participant d'un mouvement
qui voit désormais monter la demande d'accompagnement individuel
et collectif. Le succès des pratiques d'accompagnement (du
moins l'augmentation des demandes formulées en ces termes)
semble aussi très lié à la modification des
rapports hiérarchiques qu'impliquent les politiques de décentralisation,
d'autonomisation des établissements et de contractualisation.
Dans différents cas, le terme d' « accompagnement »
se substitue aujourd'hui à celui de « pilotage »,
comme si les rapports hiérarchiques étaient pris dans
un processus continu d'euphémisation et devaient ainsi gommer
leur aspect de directivité.
La transformation (modernisation) des modes d'administration ont,
en effet, amené des évolutions lexicales et pratiques.
Le « changement » est toujours impulsé depuis
le sommet mais il cherche son actualisation dans diverses incitations
dont participe l'offre d'accompagnement. En se dissimulant derrière
de l'accompagnement ou des accompagnateurs, le pouvoir est moins
identifiable, la perception que les professionnels ont des enjeux
de leur mission est ainsi de moins en moins nette. Toujours définies
nationalement, les politiques d'éducation ne sont donc plus
« simplement » appliquées dans un mouvement simple
allant du sommet vers la base en passant par des échelons
intermédiaires dont les rôles seraient clairement définis.
Au contraire, cette verticalité que l'on trouve aujourd'hui
trop « bureaucratique » est remplacée par une
horizontalité faisant émerger des rôles d'animation,
de coordination, d'appui, de soutien, d'aide… constituant
le champ de l'accompagnement et usant fréquemment de démarches
ayant les caractéristiques de la recherche-action même
lorsqu'elles n'en adoptent pas le nom.
Cette modification des modes de gestion, dans lequel on peut également
voir une mise en réforme permanente de l'organisation scolaire
par la volonté d'intégrer l'innovation au fonctionnement
ordinaire, pourrait être illustrée par une tentative
(la «Charte du XXIème siècle») qui, en
2000, a vu le ministère français de l'Education nationale
proposer aux écoles primaires d'être accompagnées
par des chercheurs dans l'élaboration et la réalisation
de leurs projets pédagogiques. Cette initiative, à
laquelle j'ai été associé, a fait long feu
du fait d'un manque de continuité dans la volonté
politique mais aussi d'une impréparation des corps hiérarchiques
intermédiaires. A propos de cette «recherche-accompagnement»,
le spécialiste en recherche sur les pratiques enseignantes
Marc Bru écrit que «les chercheurs en sciences de l'éducation
ne peuvent que se sentir concernés» (Bru, 2002) et
développe l'intérêt qu'il y a à s'approcher
ainsi des «situations concrètes et des contextes dans
lesquelles ils (les enseignants) travaillent». Le même
auteur invite toutefois les chercheurs à la prudence concernant
la distinction des rôles entre eux-mêmes et les enseignants
et avance la nécessité de modes diversifiés
de validation des résultats de recherche selon la diversité
de leur mode de production.
Dans ces pratiques d'accompagnement de praticiens par des chercheurs
comme dans l'expérience plus durable du soutien à
l'innovation, s'actualise un mode de gestion du changement intégrant
des démarches de recherche-action de moins en moins souvent
nommées ainsi. A propos de cette adoption de la recherche-action
pour l'aide aux équipes enseignantes innovantes, Françoise
CROS, spécialiste de l'innovation, remarque d'ailleurs qu'innovation
et recherche-action sont toutes deux «considérées
comme bâtardes» (Cros, 1997). Elle suggère ainsi
que l'innovation est un objet de recherche aussi peu considéré
dans la communauté scientifique que ne l'est la démarche
de la recherche-action. La difficulté des chercheurs à
faire reconnaître par leurs pairs, en France, la légitimité
de ces pratiques de recherche les en a plutôt éloignés
alors que dans le même temps la recherche-action s'institutionnalisait
au sein de l'Education nationale comme évoqué plus
haut. Les chercheurs ont eu tendance à laisser ce champ aux
formateurs d'enseignants. Les universitaires travaillant dans les
Instituts de formation des maîtres (IUFM), qui sont donc à
la fois chercheurs et formateurs d'enseignants, ont le plus investi
ces formes de travail tout comme les dispositifs d'analyse des pratiques.
Faut-il ajouter qu'en France, la recherche produite dans ces instituts
a de grandes difficultés à se faire reconnaître
en dehors de ses propres réseaux?
La situation est donc complexe. Les demandes d'accompagnement d'équipes
et d'établissements selon des modalités socio-cliniques
largement inspirés des courants de la recherche-action se
font plus nombreuses alors que les chercheurs hésitent à
s'y engager. Pour tirer de cette apparente contradiction des bénéfices
analytiques, il convient de mener l'analyse critique de l'institutionnalisation
des dispositifs socio-cliniques dans lesquels se croisent temporairement
praticiens de l'éducation et praticiens de la recherche.
La problématique de l'implication du chercheur (Lourau, 1994)
ne peut qu'y être intégrée. Ceci conduit en
conséquence à l'analyse institu-tionnelle des politiques
étatiques dont nous travaillons les effets dans la particularité
des terrains.
La dévalorisation actuelle, dans l'institution scientifique,
des démarches inspirées de la recherche-action se
fait dans une division fort discutable entre recherche fondamentale
et recherche appliquée. L'analyse critique de travaux de
recherche non dépendants d'un lien de coopération
avec le terrain mais soutenus par des crédits d'Etat peut
tout autant mettre ceux-ci en question quant à leur indépendance
scientifique (Poupeau, 2003). La scientificité est un problème
ancien et discuté qui ne se résout pas par le fait
que cette recherche soit financée par l'Etat, sauf à
voir dans le financement par celui-ci une sorte de label scientifique.
Prenons l'exemple d'un important appel d'offres de recherche sur
crédits publiques concernant la déscolarisation et
dont le président du comité scientifique était
Dominique Glasman. Celui-ci, chercheur en sciences de l'éducation,
a publié un ouvrage diffusant les résultats des recherches
menées en réponse à cet appel d'offres (Glasman,
2004). D. Glasman montre, dans la première partie de l'ouvrage,
que si les origines étatiques du financement ne déterminent
pas directement les résultats des recherches, bien que ceux-ci
soient attendus pour informer les décisions politiques, l'implication
(terme que Glasman n'emploie pas) des chercheurs dans l'institution
scolaire influe sur l'orientation qu'ils donnent à leurs
travaux. D'une part l'école est pour eux « désirable
», d'autre part ils orientent très préférentiellement
leurs investigations vers les milieux qualifiés de «
populaires ». Désirabilité de l'institution
scolaire et focalisation sur certaines catégories sociales
conduisent à orienter singulièrement l'objet de la
recherche. La distance avec le terrain de l'enseignement et ses
préoccupations pratiques, que produit l'appareil méthodologique,
peut donner le sentiment au chercheur qu'il se situe dans une démarche
permettant une objectivation plus certaine que celles adoptées
par ses collègues qui se confrontent et travaillent avec
les demandes de ce terrain. Il n'en est rien.
Professionnalisation des enseignants et recherche-action
La professionnalisation de l'enseignant comme processus institutionnel,
en France comme ailleurs en Europe et en Amérique du nord,
suppose formation à la réflexivité et universitarisation.
Le « bon » professionnel est alors celui qui mobilise
des savoirs universitaires à partir d'une analyse réflexive
de sa pratique (Bourdoncle, 1991, 1993, 1998) (Altet, 1994) (Perrenoud,
1994) (Bourdoncle; Demailly, 1998) (Paquet et coll., 1998). La notion
de « praticien réflexif » créée
par D. Schön a fait fortune sur cette orientation (Schön,
1983). La réflexivité à laquelle le praticien
doit se former résulte d'une formation par la recherche supposée
cultiver cette compétence. Cette formation par la recherche
doit également assurer une certaine familiarisation avec
la production des chercheurs de manière à ce que l'enseignant
puisse y puiser de quoi nourrir sa pratique et la faire évoluer
à mesure qu'évoluent les résultats de la recherche.
Mais cette réflexivité est-elle vraiment une qualité
des praticiens de la recherche que sont les chercheurs statutaires
? Je remarque que l'idée que le chercheur a aussi une pratique
n'est pas si ancienne et qu'il va encore de soi, dans nos écrits,
que lorsqu'il est question de «praticiens» ce n'est
pas à propos de nous-mêmes. Cependant, nous pouvons
lire de plus en plus fréquemment que «la recherche
est aussi une pratique» (Bru 2002, p.65) ou bien que «la
recherche est une pratique qui s'articule avec d'autres pratiques»
(Gate; Robin; Clerc, 2004). L'ouvrage de Pierre Bourdieu proposant
d'appliquer la « réflexivité » à
la science elle-même est lui aussi récent, tout comme
sa volonté de produire une auto-analyse de ses travaux (Bourdieu,
2001). Remarquons d'ailleurs que les derniers ouvrages de ce sociologue
montrent nettement que l'auto-analyse par le chercheur de sa pratique
de la recherche implique l'analyse des institutions scientifique
et étatique. C'est ce que René Lourau avait entrepris
pour sa part dès le début de sa carrière.
Le succès de la notion de praticien réflexif, qui
circule le plus souvent sans référence à son
auteur, s'explique peut-être, tout particulièrement
en France, par la conjonction qui peut s'opérer entre la
liberté pédagogique (académique) individuelle
et un type d'analyse des pratiques professionnelles qui ne remette
pas en cause le primat de l'individuel. L'effet de cette tendance
peut être, en gommant les dimensions institutionnelles, de
faire porter à l'individu une responsabilité fort
importante voire une culpabilité. Mieux formé, il
devrait être à même de mieux résoudre
la complexité croissante des situations d'enseignement quelle
que soit la dynamique de son équipe professionnelle, de son
établissement d'exercice et des contradictions institutionnelles
qui les traversent. La figure du praticien réflexif a ainsi
effacé celle du pédagogue, les mouvements pédagogiques
eux-mêmes en ont assuré la promotion après avoir,
jusqu'à la fin des années 1980, défendu l'idée
d'un enseignant lui-même chercheur, au sens où il serait
en recherche sur sa pratique.
Si la notion de praticien réflexif domine aujourd'hui la
formation initiale des enseignants, la recherche-action demeure
une modalité de formation continue (Cresas, 2000) et de transformation
des fonctionnements collectifs. Elle permet en effet de se saisir
des difficultés d'exercice rencontrées par des équipes
pour les convertir en questionnement dans une démarche de
formation. Il en va autrement au Canada par exemple où la
recherche-action se trouve intégrée aux programmes
de formation initiale afin de produire ce qui est nommé «professionnalisme
collectif», prenant apparem-ment le contre-pied de l'individualisme
professionnel encore dominant en France. Les canadiens Maurice Tardiff
et Louis Levasseur (Tardiff; Levasseur, 2004) considèrent
ainsi que cette «irruption du collectif» dans la pratique
enseignante elle-même s'impose irrémédiable-ment
aux enseignants.
La formation des enseignants au Brésil connaît les
mêmes mouvements de fond que dans les pays du «premier
monde». Le processus d'universitarisation produit des effets
semblables à ce que nous connaissons en Europe (Freitas,
2002) en diffusant des modèles proches. Cependant, des recherches
socio-cliniques sont conduites dans les établissements scolaires
par des chercheurs universitaires à la demande des enseignants
ou de leurs directions (Rocha, 1999) (Barros, 2003). Il est fréquent
que ces travaux soient menés par des chercheurs dans le cadre
de la psychologie sociale et institutionnelle, spécificité
sud-américaine particulièrement acculturée
à l'analyse institutionnelle. Ces travaux sont intéressants
en ce qu'ils sont souvent porteurs d'une volonté de ne pas
céder à la psychologisation des difficultés
des enseignants et de resituer celles-ci dans les enjeux socio-politiques
particulièrement vifs dans l'enseignement brésilien.
Un phénomène relativement nouveau opère peut-être
une synthèse entre les différents mouvements dont
j'ai essayé de rendre compte à propos des rapports
entre recherche-action et pratiques enseignantes. Il s'agit de ce
que Françoise Cros nomme la «recherche professionnelle»
(Cros, 2001, 2004). Ce qui est ainsi désigné n'est
pas la recherche menée par des professionnels de la recherche
mais une recherche menée par des professionnels sur leurs
propres activité et milieu professionnels et dans un cadre
scientifique institué. Il ne s'agit donc pas ici de ces enseignants
«pédagogues» se considérant comme chercheurs
parce qu'étant en recherche sur leurs propres pratiques ni
de ces enseignants que leurs formations auraient rendus réflexifs.
Ces professionnels qui se forment à la recherche dans un
cadre universitaire appartiennent plutôt à cette catégorie
que l'on appelle désormais assez couramment des praticiens-chercheurs
(Mackwicz, 2001), (Canter-kohn, 2001). D'un point de vue institutionnel,
le développement des masters professionnels dans les universités
produira la reconnaissance de cette population étudiante
tout en la traitant en partie séparément.
Il n'est pas certain que la formation à la recherche offerte
à ces professionnels-étudiants prendra toujours en
compte la complexité de leur posture. En devenant chercheurs
par la voie universitaire classique, les enseignants courent le
risque de «singer les chercheurs» comme le disait récemment
le pédagogue Jean-Michel Zakhartchouk au colloque «Chercheurs
et praticiens dans la recherche» (Lyon, 2004). C'est aussi
ce que d'autres observent à propos des psychologues praticiens
se formant à la recherche, en notant qu'ils sont souvent
méthodologiquement plus rigides que les chercheurs statutaires
eux-mêmes (Giami; Samalin-Amboise, 1999). De fait, le praticien
peut conduire une recherche portant sur une problématique
qui concerne sa profession en écartant la spécificité
de sa posture. En essayant de travailler de la même manière
que les chercheurs statutaires extérieurs à son terrain
professionnel, il cherchera à donner des gages d'orthodoxie
scientifique lui interdisant d'être par trop inventif et donc
de tirer parti de son ancrage professionnel. Ici, la formation à
la recherche implique la production d'une posture nouvelle qui tienne
compte des implications professionnelles du chercheur. Les réflexions
méthodologiques de la recherche-action, qui prennent de fait
cette situation singulière en compte, offrent alors des ressources
importantes mobilisables par les chercheurs ayant ce profil. Il
en va ainsi des effets que génère fréquemment
la conduite de sa recherche sur les rapports du professionnel-devenant-chercheur
à son milieu d'origine (Canter-Kohn, 1986, 2001). Identifié
par ses pairs comme prélevant des données qu'il traite
ailleurs et dans un autre cadre, capitalisant des savoirs exogènes
au milieu professionnel, produisant des analyses dans lesquelles
pointe sa nouvelle culture universitaire, il doit réaménager
ses implications professionnelles. Il peut ainsi devenir inquiétant,
suspect, aux yeux de ses collègues. Tout comme la recherche-action,
cette déclinaison individuelle d'une recherche menée
par le praticien sur sa pratique et le contexte de celle-ci, doit
encore gagner sa légitimité dans le champ scientifique.
Aujourd'hui, il faudrait sans doute déplacer les lignes
de partage, les manières de penser les frontières
dans le champ de la recherche socio-clinique et encore plus largement
dans celui de la recherche clinique en éducation, incluant
celle d'inspiration psychanalytique (Blanchard-Laville, 1999). Les
tentatives pour dresser des typologies de la recherche-action permettent,
lorsqu'on les cumule, d'établir un inventaire de ce que peut
recouvrir le terme aujourd'hui. Ce sont bien souvent les techniques
et les finalités prioritaires qui s'imposent comme critères
de classification alors que la réflexion la plus urgente
et la plus porteuse de développement serait sans doute à
mener du côté de l'épistémologie. Il
conviendrait d'interroger les conditions de possibilité de
ces travaux, ainsi que l'apport et la validité de leurs résultats,
en particulier dans le domaine de l'enseignement.
Le fait que les financeurs de la recherche en éducation
soient des décideurs politiques ou de grands organismes nationaux
ou internationaux n'est pas étranger à ce qu'elle
soit de plus en plus déterminée par un souci d'efficacité
de l'enseignement. Paradoxalement, la coopération directe
avec le terrain, ses préoccupations et ses urgences rend
peut-être le chercheur moins dépendant d'une certaine
manière de penser les problèmes éducatifs où
les impératifs politiques pourraient finir par se confondre
avec les impératifs heuristiques.
Aller au plus près des questionnements des enseignants,
travailler avec leurs demandes permet d'approcher la pratique enseignante
dans son épaisseur et sa complexité. Cela ouvre à
une production de résultats qui peut être mise en regard
de ce que produisent d'autres démarches. C'est ce que j'ai
tenté de réaliser à propos de la production
institutionnel de la catégorisation des élèves
(Monceau, 2001 b), des résistances enseignantes à
l'évolution de leur profession (Monceau, 2004), des interférences
entre la pratique enseignante en classe ordinaire et en classe relais
(Monceau, 2005). Au-delà de mon exemple particulier, d'autres
chercheurs (Fablet, 2004) développent aussi cette perspective.
Il y aurait donc à réaliser un inventaire des résultats
de la recherche socio-clinique en éducation. Celui-ci intégrerait
les travaux qui s'auto-désignent comme appartenant à
la recherche-action et les déborderaient en prenant en compte
les recherches répondant aux caractéristiques que
je dégageais au début de ce texte.
Jacques Ardoino (Ardoino, 2002) écrivait en commentant «L'analyse
institutionnelle», le livre de René Lourau, qu'il y
avait un «scandale de la recherche-action». Le scandale
est certainement toujours actif en 2005 mais il ne concerne plus
seulement la recherche-action traditionnelle (souvent référée
à Lewin et dont on peine à préciser les contours)
mais une posture de recherche et un rapport singulier entre gens
de la recherche et gens de la pratique. Deux catégories qui
parfois peuvent même se confondre… autre scandale?
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Approuvé dedans 19.10.05
Gilles Monceau il est direction de recherches de maîtrise
et de DEA. Unités d'enseignement en second cycle concernant
le concept de résistance en éducation, la professionnalisation
de l'enseignement, les dispositifs périphériques de
l'école unique (enseignement spécialisé, enfance
inadaptée, classes relais...) et la socianalyse. Participations
à la formation initiale et continue des enseignants, de leurs
formateurs et des personnels de l'éducation spécialisée
dans les domaines de l'analyse des pratiques professionnelles et
de la violence en établissement.
2006 Faculdade de Educação da Universidade de São
Paulo
Av. da Universidade, 308, bl. B sl.27
05508-040 São Paulo SP Brasil
Tel./Fax.: +55 11 3091-3520
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