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Il existe plusieurs types de recherches-actions
À partir de textes produits par Marie-Renée VERSPIEREN,
Maître de conférences en Sciences de l'Education, Université
de Lille I pour les Actes de Lecture.
Origine : http://www.lecture.org/rech'action.html
La recherche-action met en question des habitudes, voire des certitudes
: la séparation du chercheur avec son objet de recherche,
la division du travail au sein du monde scientifique entre ceux
qui sauraient et ceux qui n'ont pas à chercher, l'objectivité
et, dans la foulée, l'épistémologie classique.
La recherche action ne peut se penser sans référence
aux travaux de Marie Renée Verspieren (1) et des chercheurs
qui lui sont associés au sein du groupe Trigone (Centre Université
Economie Education Permanente, à Lille). Ses travaux ont
servi de cadre conceptuel aux réflexions du groupe réuni
à Cahors et dont on voit, au regard de la définition
qu'en donne M-R Verspieren, qu'il peut constituer le groupe de pilotage
d'une recherche-action nouvelle intitulée " les usages
experts de l'écrit au cycle II " (1998-2001).
Nous proposons ici de revenir sur les éléments de
définition de la recherche action ainsi que sur la réflexion
critique qui l'accompagne, de poser la recherche " les usages
experts de l'écrit au cycle II " au regard de ce cadre
théorique
Science, formation et recherche-action de type stratégique
Les griefs les plus souvent retenus contre la recherche-action sont
ceux de sa non-scientificité, de l'improbabilité que
ses résultats soient fiables, du manque de titre universitaire
de ceux qui en mènent, et de son caractère "
fourre-tout ". Certes, elle est sujette à caution notamment
dans le monde universitaire. Il y a de nombreuses raisons à
cela, la plus répandue étant que le " meneur
" de recherche-action étant à la fois acteur
et chercheur, l'objectivité prônée dans les
recherches expérimentales est mise à mal. Il est toujours
nécessaire de distinguer ce qui est réellement sujet
à caution et ce que la recherche-action, par ailleurs, apporte
aux praticiens et aux chercheurs.
1. Il existe plusieurs types de recherches-actions
Il y a plusieurs types de recherches-actions, et il est vrai qu'un
non-spécialiste, méfiant au demeurant, peut ne voir
dans certaines d'entre elles ni plus ni moins que des relations
d'expérience. Il peut, en conséquence, se demander
à juste titre si ce qu'il lit relève de la recherche
ou de l'analyse d'activités. Il arrive en effet que la recherche-action
serve de transcription de pratiques, au mieux de réflexion
sur cette pratique, ce qu'elle n'est pas, tout au moins pas seulement
.
Il existe aussi une forme de recherche-action où le chercheur
se rapproche des acteurs pour obtenir d'eux des informations de
première main, au plus près de la source. Ce chercheur,
acteur " masqué ", ne mène pas non plus
une véritable recherche-action dans le sens où nous
l'entendons (2), puisqu'il se sert des praticiens comme l'on se
sert d'informateurs dans d'autres lieux... Il n'est pas, à
proprement parlé, acteur-chercheur sur une pratique à
laquelle il est mêlé, ou à laquelle il se mêle
.
La véritable recherche-action poursuit conjointement deux
objectifs : production de connaissances et changement de la réalité
par l'action. Cet enjeu double conduit à diminuer autant
que faire se peut la place laissée au hasard, et vise à
ce que chaque acteur-chercheur ou praticien acquière une
réelle capacité à anticiper l'avenir. C'est
pourquoi nous avons nommé cette démarche " recherche-action
de type stratégique ". Elle dialectise les deux concepts
" recherche " et " action ", n'en privilégie
aucun et mène les deux simultanément. Elle se fonde,
comme son nom l'indique, sur l'analyse stratégique, parce
que la stratégie permet aux acteurs de mener à bien
une action consciente et réfléchie. Même si
elle n'est pas garante de réussite, elle donne cependant
des moyens supplémentaires de la briguer.
Le cas de la recherche-action : usages experts de l'écrit
au cycle II
La recherche-action se reconnaît dans cette double exigence
: elle porte sur la formation des enseignants par la voie de la
recherche-action. Autrement dit, comment des enseignants parce qu'il
sont impliqués et engagés dans une recherche-action
s'empareront-ils d'un objet d'étude et de pratique professionnelle
: l'enseignement de la lecture pour répondre à une
intention personnelle : faire évoluer leurs pratiques pédagogiques
actuelles.
Transformer la réalité par l'action :
Produire des connaissances consistera ici à répondre
à 2 questions au moins :
La première concerne les pratiques pédagogiques relatives
à l'enseignement de la lecture par la voie directe dont on
postule qu'en se généralisant elles vont se développer,
se complexifier, se transformer parallèlement au savoir qu'on
construira sur ce que " lecture experte " désigne
et sur les manières d'y former les enfants.
La seconde concerne l'ensemble afférant aux modifications
de pratiques chez les acteurs engagés :
D'une part, du côté des acteurs eux-mêmes : ce
qu'on saura de la modification ou non des pratiques pédagogiques
par les acteurs, ce qu'on saura sur les modalités qu'ils
adopteront pour s'approprier des pratiques existantes, les adopter
tout en les transformant.
D'autre part, du côté du dispositif d'accompagnement
mis en place pour soutenir les transformations individuelles de
ces acteurs : ce qu'on saura du coût nécessaire pour
produire des changements au regard de modalités de formation
traditionnelles au sein de l'éducation nationale, la part
de la recherche-action dans les changements constatés, la
contribution relative des éléments du dispositif à
la transformation des pratiques.
2. La recherche action de type stratégique
Ce type de recherche-action implique un certain nombre de composantes
:
- un point de départ qui est, en général, une
situation-problème, ainsi qu'une série d'acteurs partageant
l'envie de réfléchir sur ce dysfonctionnement, à
la fois pour le résoudre et pour en tirer un savoir novateur.
- ce groupe, véritable "acteur collectif" formule
des hypothèses de recherches et d'actions, étroitement
imbriquées. C'est la construction de la "première
généralité". Les hypothèses de
recherche ont pour objectif de déboucher sur des connaissances
nouvelles, les hypothèses d'action y afférentes, quant
à elles, construisent et conduisent le dispositif qui amènera
la résolution du problème initial.
- la première généralité émane
à la fois de résultats de recherches en sciences humaines
et à la fois de l'expérience de ceux qui l'élaborent.
C'est à dire qu'elle est, elle-même, le résultat
de la théorie et de la pratique que chaque participant possède.
- les propositions initiales comprises dans cette première
généralité sont fondatrices de toute la recherche-action,
mais sont néanmoins remises en question tout au long de l'action.
Elles jouent donc un rôle décisif dans la démarche
même puisque ce sont elles qui, réexaminées,
réévaluées, réajustées, permettent
à la recherche de coller au mieux à l'action, et réciproquement.
Elles représentent la ligne de conduite de la recherche et
de l'action, et, à ce titre, sont garantes à la fois
des connaissances produites par la recherche et de la justesse des
actions entreprises.
Le cas de la recherche-action : usages experts de l'écrit
au cycle II
- l'expression du dysfonctionnement ou de la situation problème
tient dans la médiocrité des résultats obtenus
par les méthodes et activités d'enseignement de la
lecture rattachées à la voie indirecte. Les enseignants,
acteurs de cette recherche mettent en relation cette relative inefficacité
du système auquel ils participent et leur double insatisfaction
personnelle face à la prééminence incontestée
de la voie indirecte au sein des pratiques scolaires en France aujourd'hui
et à l'incohérence qu'ils vivent entre leurs représentation
et conception du monde et de l'apprentissage et les méthodes
d'enseignement (de la lecture)qui se réfèrent à
la voie indirecte.
- les acteurs qui constituent l'acteur collectif sont enseignants
au cycle II et se déclarent, sur le principe, prêts
à transformer leurs pratiques pédagogiques actuelles
liés à l'écrit tout en sachant que ce qui leur
est proposé n'est pas un modèle clos et fini mais
un ensemble de pratiques à affiner, à détourner
et à élaborer aussi. On peut parler d'accord d'intentions
sans pouvoir présager du contenu de l'action.
L'hypothèse de recherche centrale : La recherche action
comme modalité de formation contribue avantageusement à
l'innovation pédagogique et à la rénovation
du système éducatif en même temps qu'il lui
permet d'intégrer et de généraliser les acquis
de la recherche pédagogique
- L'hypothèse de recherche est donc de "savoir"
comment les savoirs professionnels se diffusent, s'approprient et
se transforment dans ce mouvement.
- L'hypothèse d'action est donc qu'un groupe d'enseignants
immergé dans une logique de réseau et de mutualisation
des savoirs sur l'enseignement de la lecture par la voie ortho-graphique
à des fins de formation personnelle et de transformation
professionnelle permettra de créer une alternative pédagogique
à un mode d'enseignement de la lecture massivement et statistiquement
insatisfaisant pour le corps social.
2.1 De quoi se compose une généralité
hypothétique ?
Une généralité hypothétique se compose
d'une hypothèse de recherche centrale, tout d'abord, appelée
"hypothèse structurelle". Celle-ci peut se décliner
en plusieurs sous-hypothèses, sachant que l'hypothèse
structurelle est celle qui ne peut être changée sans
porter atteinte à la nature même du projet. Elle est
donc plus stable que les hypothèses secondes qui sont, en
fait, des opérationnalisations de l'hypothèse structurelle.
Hypothèse structurelle comme hypothèses secondes sont
accompagnées d'une hypothèse structurelle d'action
et d'hypothèses secondes d'action : "Les hypothèses
de recherche et les hypothèses d'action s'entremêlent
et se complètent. Et ceci est normal puisqu'on se trouve
face à un exercice qui n'a rien de commun avec l'exercice
académique traditionnel. Il s'agit ici de procéder
à une analyse qui tienne compte des aspects stratégiques
et tactiques et qui les développe." (1)
L'hypothèse de recherche, lorsqu'elle est validée,
a pour résultat de produire une connaissance, alors qu'une
hypothèse d'action a pour but de transformer la réalité.
Ce qui forme donc la différence entre les deux, c'est leur
finalité. La première généralité
fixe de manière la plus exhaustive possible le cadre hypothétique
et, donc, les hypothèses structurelles de recherche et d'action.
L'hypothèse structurelle est plus abstraite, plus englobante
que les hypothèses opérationnelles qui en découlent.
D'autre part, et c'est une particularité, elle ne peut être
remaniée au cours de la recherche-action sous peine de voir
celle-ci changer d'orientation. Autant la démarche de recherche-action
prévoit des ajustements en fonction de l'action qui se déroule
et en fonction des analyses qui en sont faites, autant le cadre
structurel ne peut être remis en question qu'après
un laps de temps assez long. Ceci signifie simplement que, si l'on
veut avancer, un certain nombre de points ne peuvent pas être
contestés à tout moment. Une fois que ceux-ci sont
fixés, ils entrent dans la structure sur laquelle se base
la démarche future, et, sous peine de voir crouler l'édifice,
il n'est pas pertinent de les ébranler à tout moment.
Une hypothèse structurelle qui s'avérerait caduque
serait immédiatement remise en question sans attendre que
l'action n'ait échoué et démontré, par
son échec, le caractère erroné de l'hypothèse
structurelle.
La généralité hypothétique est constituée
d'hypothèses structurelles de recherche et d'action et d'hypothèses
secondes de recherche et d'action. Ces hypothèses sont-elles
définies a priori, avant que l'action ne commence ?
À partir de qui, de quoi, la première généralité
s'élabore ?
La première généralité cristallise une
connaissance du terrain. Autrement dit, c'est un "a priori"
qui ne surgit pas du néant mais d'une pratique.
Plus globalement, ce qu'on peut dire c'est que la première
généralité contient à la fois une cristallisation
de connaissances scientifiques et expérientielles pré-existantes,
des éléments de diagnostic sur une situation, et la
représentation d'une situation finale plus satisfaisante.
De cette articulation, de ce souci de l'action contrôlée
émergent des connaissances ; ce sont, prioritairement, des
connaissances sur l'action. Mais, de plus, ces connaissances produites
par la méthode sont susceptibles d'affiner cette méthode.
On est ici dans une démarche en voie d'élaboration.
Les effets cumulatifs des résultats ne sont pas encore importants.
Pourtant ces résultats ne sont pas négligeables.
Il se produit, alors que s'élabore le cadre hypothétique,
des tiraillements et des contradictions. C'est normal, l'acteur
collectif est en train de se constituer. Il convient prioritairement
de veiller, au sein de ce groupe, à ce qu'il n'y ait pas
de dérapage de la réalité et d'action sur elle
à partir d'éléments non questionnés.
Volonté de changement, désir d'obtenir des connaissances
nouvelles, constitution d'un acteur collectif et élaboration
d'une première généralité sont autant
d'exigences d'une recherche-action stratégique. Puis des
réunions d'analyse et d'évaluation sont programmées,
de façon à ce que l'action entreprise ne dévie
pas du but fixé au départ par l'acteur collectif,
de façon également à ce que les indices qui
permettront à la recherche de faire émerger un nouveau
savoir soient bien tous recueillis en temps et en heure.
2.2 L'aspect "travailleur collectif"
L'information mutuelle de ce que l'on vient chercher et de ce que
l'on peut apporter au collectif apparaît être le premier
point à respecter. Dans un groupe, on ne peut prétendre
gommer les effets de domination et de pouvoir que les uns peuvent
exercer sur les autres, ni, encore moins, nier les conflits.
L'information est le premier pas vers "un espace critique mutuel",
selon l'expression de Cl. Martin. Sans nécessairement chercher
les confrontations, nul ne les ignore. Qu'est-ce donc qu'un "espace
critique mutuel" ? C'est, tout d'abord, un collectif. La première
des mesures à prendre lorsqu'on veut travailler ensemble
alors que l'on poursuit des objectifs différents, c'est de
s'informer mutuellement de ce que l'on vient chercher et de ce que
l'on peut apporter au collectif. " Dans groupe on ne peut prétendre
gommer les effets de domination et de pouvoir que les uns peuvent
exercer sur les autres, ni, encore moins, nier les conflits (...).
Le souci n'est donc pas d'ignorer les statuts et les rôles
de chacun. "
2.2.1 A quelles conditions ce collectif peut-il fonctionner
? D'après l'expérience menée, nous mettons
comme exigences :
- que la clarification des enjeux des partenaires soit faite,
- que chacun apporte sa pierre à l'édifice,
- que tous partagent les mêmes risques, c'est-à-dire
- que les chercheurs soient impliqués dans l'action, et
- que les acteurs soient impliqués dans la recherche.
Toute démarche de recherche-action oblige les acteurs impliqués
(qu'ils soient chercheurs-universitaires, travailleurs sociaux et
usagers) à bien définir leur "contrat de travail"
qu'exige le nouveau mode de rencontre dynamique, et à préciser
les objectifs visés ; cela ne peut se faire correctement
sans remise en question et changement de position de chacun d'entre
eux. (...) La recherche-action suppose d'emblée une rupture
avec le statu quo. (2)
Au cœur de la réflexion sur la recherche-action, on
trouve cette question : quelles conditions doivent être remplies
pour que des gens différents (du point de vue notamment de
leur formation, de leur activité professionnelle et de leur
insertion institutionnelle) puissent participer sur un pied d'égalité
à une démarche où se conjuguent la recherche
et l'action ? " (3)
Trois réponses sont fournies :
a. Il est nécessaire et essentiel que le chercheur comme
l'acteur entrent, dans un premier temps, dans la logique de l'autre
: dans la logique du chercheur, dans la logique de l'acteur. Si
cette condition générale n'est pas remplie, il est
peu probable qu'une recherche-action de type stratégique
puisse être mise en œuvre et conduite à son terme.
b. La condition sine qua non pour conduire une recherche-action
est de créer un espace d'autonomie, où les rapports
entre les praticiens et les chercheurs se construisent hors des
règles de fonctionnement de leurs organisations respectives.
c. Ni les chercheurs ni les acteurs ne perdent leur identité
en participant à une recherche-action, mais ils l'enrichissent,
puisqu'en formant un collectif, ils tentent d'établir des
rapports d'égalité entre eux. De fait, ce ne sont
pas les chercheurs qui ont raison parce qu'ils sont chercheurs ou
les praticiens qui ont raison parce qu'ils sont praticiens : "
j'ai, tu as, nous avons une réflexion pour notre pratique
; j'ai, tu as, nous avons une pratique pour notre réflexion
(...). Aucun d'entre nous ne pouvait énoncer par avance les
fruits de la réciprocité et des échanges de
savoirs. C'est cette ouverture qui a permis des fruits non prévus
qui, à leur tour, ont enrichi notre projet, nos objectifs
et nos analyses. " (4)
Cela signifie que la gestion d'ensemble de la démarche devient
collective : les communications et les échanges dans le groupe
seraient alors tels que la politique, les choix, les décisions
engageant la mise en œuvre, le déroulement, l'avenir
de la recherche-action, seraient auto-gérés. En recherche-action
de type stratégique, on n'est pas confiants dans la bonne
volonté des gens. Les relations personnelles sont nécessaires
et facilitent grandement l'élaboration d'un collectif. Mais
elles ne représentent que l'élément de surface.
Ce sont les intérêts communs qui font que des relations
personnelles intensives peuvent se développer. Et ces intérêts
communs sont principalement des intérêts matériels
et de valeurs.
Sur le plan des valeurs et des intérêts matériels,
trois niveaux s'établissent :
- il y a mise à jour de valeurs (les personnes du collectif
expliquent pourquoi elles sont là, ce qu'elles viennent chercher,
ou ce qu'elles désirent faire évoluer...) ;
- il y a accord plus ou moins profond sur les valeurs qui sous-tendent
la recherche-action en cours, sinon une action ne serait pas possible...
- il peut y avoir production de nouvelles valeurs à l'issue
du processus.
2.2.2. Les moyens de l'information, de l'analyse et du
contrôle par les acteurs de l'avancée simultanée
de l'action et de la recherche
C'est notamment grâce à des réunions que les
déviances possibles sont notées, les choix effectués
gardés en mémoire, les discussions sauvegardées
dans un journal de bord, de façon à ce que l'on puisse
toujours revenir en arrière lorsqu'on constate, chemin faisant,
que l'histoire peut s'éclairer ici ou là d'un indice
que personne n'avait relevé dans le feu de l'action.
La valeur "information systématique des partenaires"
dans le contexte de recherche-action procède de l'analyse
selon laquelle l'homme est capable d'être acteur de sa vie
et de son histoire. En tenant les partenaires informés du
but poursuivi, des actions à mener, des effets que cette
démarche aura sur leur environnement, on leur donne les moyens
d'intervenir et d'agir pour changer les choses, même de manière
limitée, dans l'ici et maintenant. Un objectif clair et une
information systématique permettent de court-circuiter les
rumeurs, les bruits de couloir et de couper l'herbe sous le pied
des colporteurs de nouvelles mal assimilées. La discussion
reste possible lorsque tout le monde dispose des mêmes informations.
Dès que celles-ci ne circulent plus, la démarche est
en danger.
Le cas de la recherche-action : usages experts de l'écrit
au cycle II Quels moyens de participation et de contrôle
collectif ?
- La manière dont la notion de réseau peut être
active : par les rencontres entre enseignants dans leurs classes
et avec les chercheurs dans les classes, par la communication entre
enseignants grâce aux échanges en ligne d'informations
et de questions.
- La manière dont la mutualisation des savoirs peut être
active : par les échanges d'outils liés à des
pratiques pédagogiques qu'un enseignant diffuse par l'internet
aux autres enseignants soit pour initier un " forum de discussion
" soit pour communiquer un travail à des collègues
(ressources existantes).
- La manière dont les évolutions peuvent être
enregistrées et ainsi constituer les indices d'une lecture
historique : les traces primaires, celles émanant directement
de l'activité de classe (les outils, les écrits produits
dans la classe et ceux qui contribuent à son organisation)
et les traces indirectes, celles issues de l'analyse que les enseignants
font au fil de leur action pédagogique à travers un
cahier de bord.
- La manière dont le collectif se donne les moyens de contrôler
l'avancée du groupe et d'analyser à étapes
régulières les transformations des acteurs : des stages
trimestriels permettent aux acteurs, enseignants et chercheurs,
de définir ensemble leurs cahiers des charges respectifs
et communs, d'orienter l'action et les différents chantiers
de travail.
Cette présentation de la recherche-action de type stratégique
est succincte. Elle permet toutefois d'aborder un reproche qui revient
constamment sous la plume de ses détracteurs : les connaissances
qui en émanent sont-elles scientifiquement recevables ?
2.3 La question de la scientificité de la recherche-action
de type stratégique.
La première tendance est de répondre à cette
question par une autre question : qui décide de ce qui est
"scientifiquement recevable" ? Le plaisir serait grand
d'emboîter le pas à ceux qui dénoncent la dictature
scientifique et les modèles de savoir qu'elle impose. Mais,
en fait, la science présente des garanties, de rigueur, de
généralisation, de réfutabilité qui
sont autant de garanties d'une pensée libre. Ce contre-argument
ne peut être considéré que comme une pirouette,
la réponse du berger à la bergère, en quelque
sorte.
Plus sérieusement, J.Hedoux (3) montre bien que les sciences
humaines sont des sciences qui suivent les critères de l'épistémologie
classique - cumulativité, réfutabilité, opérationnalité
-, mais qui sortent effectivement affaiblies d'une comparaison avec
les sciences " dures " et ceci, selon lui, pour trois
raisons :
- elles relèvent de réalités très spécifiques
qui dépendent étroitement d'un contexte particulier
et d'une évolution rapide. Les modèles d'intelligibilité
qu'elles produisent ont donc une durée de vie raccourcie
par rapport aux autres sciences.
- elles sont élaborées par des chercheurs qui sont
des personnes ne reniant pas leur idéologie, leur croyance,
leurs convictions philosophiques et morales. Les connaissances produites
sont donc imprégnées par les individus qui les ont
construites.
- elles s'attachent à des problèmes de société
éminemment politiques, conflictuels et culturels, ce qui
rend la fiabilité de leurs modèles extrêmement
périlleux.
Cependant, dit l'auteur, ce n'est pas parce qu'elles répondent
moins durablement aux critères habituels de la scientificité
qu'elles ne sont pour autant ni moins fiables ni moins scientifiques.
Elles sont, par contre, appelées à être plus
souvent remises en question. Dès leur diffusion, leurs résultats
sont assimilés plus ou moins correctement par des acteurs
eux aussi pris dans leur propre système idéologique,
et, par voie de conséquence, ils sont appelés à
être réinterprétés, réexpliqués,
voire dévoyés de leur signification première.
C'est alors au chercheur de remettre de l'ordre dans cette appropriation
abusive ou non des résultats de ses études, analyses
et expérimentations.
Les savoirs produits par la recherche-action de type stratégique
sont des savoirs scientifiques, même s'il n'échappe
à personne que ce sont des savoirs liés à une
situation particulière dans un contexte donné. Ceci
est vrai aussi en science expérimentale, mais il faut constater
que cela gêne moins les chercheurs des sciences " dures
" que ceux qui remettent en question la recherche-action. Sans
chercher querelle, il faut bien reconnaître ce fait, puisqu'il
nuit à sa crédibilité scientifique sans néanmoins
la mettre en cause : à l'heure actuelle la définition
même de la science se modifie. La mécanique quantique
de la fin des années vingt continue à révolutionner
le monde scientifique qui, doucement, commence à prendre
ses distances avec les schémas hérités du siècle
dernier. Ces évolutions sont à suivre avec grand intérêt,
car la crédibilité de la recherche-action ne peut
laisser indifférent.
Ainsi donc, des savoirs sont obtenus par le biais de la démarche
utilisée. Ces savoirs sont des produits sociaux, puisqu'ils
sont l'œuvre d'un "acteur collectif", constitué
d'individus coopérant à mener à bien un changement
du réel. Ces connaissances ne sont pas figées, elles
ne cessent de s'étendre et de se modifier à mesure
que l'action avance. Pour les acteurs, le savoir se découvre
en agissant directement sur le terrain pour le transformer. Comme
le dit Hall : " Il n'existe pas d'autre moyen de découvrir
le savoir que d'entrer en rapport concret avec les objets et les
processus réels, de s'efforcer de les maîtriser et
de les modifier, d'élaborer des concepts à partir
de l'expérience acquise et de mettre les conclusions une
fois de plus à l'épreuve des faits. Le savoir n'existe
pas en dehors de la pratique. Les hommes n'acquièrent pas
la connaissance des choses au sujet desquelles ils n'ont pas ressenti
le besoin, ou eu l'occasion, d'apprendre quoi que ce soit dans la
pratique ". (4)
L'une des conséquences de ce savoir acquis par la pratique,
confronté aux concepts et théories scientifiques de
son champ, c'est l'aspect formatif qu'il revêt pour tous les
participants de l'acteur collectif, quel que soit leur statut.
2.4 L'aspect formatif de la recherche-action de type stratégique
D'une part, cette méthode de recherche est un processus éducatif
pour tous ceux qui s'y engagent. La recherche-action de type stratégique
implique la participation de ceux qui souhaitent le même changement
de leur réalité : ne peuvent travailler ensemble que
des personnes poursuivant un but identique. L'analyse stratégique
est là pour que les participants se mettent d'accord sur
leurs objectifs et projets de transformation, et sur les moyens
à mettre en œuvre pour les atteindre. Mais là
n'est pas notre propos.
D'autre part, cette méthode sensibilise les acteurs de terrain
au fait qu'ils ont des ressources dont la recherche tiendra compte,
et entraîne le chercheur à devenir un participant engagé
dans une action. S'il n'est pas déjà impliqué
sur le terrain où aura lieu la recherche-action, il pourra
parer cet handicap par une immersion longue - le temps est nécessaire
pour mener à bien une réelle recherche-action-, de
façon à ce que sa présence ne soit pas un épiphénomène
mais aille de soi. C'est à ce prix, que beaucoup ne sont
pas prêts à payer, que les acteurs de terrain ne se
sentiront pas dépossédés de leurs savoirs.
Rappelons qu'en recherche-action de type stratégique, L'implication
forte du chercheur dans l'action comme dans la recherche est visée,
ainsi que celle des acteurs, forte dans la recherche comme dans
l'action. Rappelons aussi qu'en recherche-action, ce n'est pas toujours
le cas...
Un praticien devenu chercheur par la conduite d'une recherche-action
de type stratégique, comme un chercheur devenu praticien
par ce même moyen se seront formés et transformés.
Ici, c'est l'action même qui est renforcée par le dispositif
de recherche qui l'entoure, elle se trouve donc perpétuellement
remise en cause pour qu'elle atteigne son but. Il n'est pas question
d'attendre la fin de l'action pour réfléchir à
la manière de la mieux conduire.
La difficulté-clé et l'avantage majeur que présente
la recherche-action peuvent ainsi être résumés
:
- la difficulté-clé, c'est de rendre la démarche
la plus rigoureuse possible pour que les savoirs et connaissances
qu'elle permet de découvrir puissent être tout d'abord
reconnus par d'autres meneurs de recherches-actions, puis réutilisables,
puis, éventuellement, réfutables.
- l'un de ses avantages majeur, c'est son aspect formatif. On ne
comprend bien que ce que l'on transforme... si l'on se donne les
moyens de contrôler cette transformation, bien sûr.
Ce faisant, L'on acquiert des compétences nouvelles, que
l'on soit praticien-chercheur ou chercheur-praticien. L'acteur collectif
permet ces enrichissements mutuels, même si certaines réunions
sont conflictuelles pour arriver à un accord sur le but à
atteindre.
Chaque participant à une recherche-action se sent responsabilisé
par rapport à une situation que, parfois, il subit. C'est
une façon parmi d'autres de devenir acteur de sa propre pratique
et, ne serait ce qu'à ce titre, cette démarche vaut
qu'on la soutienne par notre conformité à des règles
de méthode rigoureuses.
2.5 Techniques, dispositifs et démarche de la recherche-action
:
Il n'existe pas de consensus particulier sur une ou des techniques
que la recherche-action utiliserait de façon plus systématique
que d'autres. L'accord des meneurs de recherche-action consiste
plutôt à affirmer que cette démarche peut emprunter
toutes les techniques mises au point par les sciences humaines,
avec cependant une nette préférence pour les techniques
qualitatives et pour l'observation participante accompagnée
d'un journal de bord.
Le cas de la recherche-action :usages experts de l'écrit
au cycle II
a. le journal de bord dans le cadre de la recherche "les usages
experts de l'écrit au cycle II" permet d'enregistrer
une chronologie et de conserver une mémoire du dispositif.
" Même si la mémoire d'une recherche-action contient
beaucoup de données inutiles ou inutilisables, elle représente
la garantie de l'information préservée. Il revient
alors aux acteurs d'aller y puiser lorsque nécessité
pour l'analyse se fait sentir. Que s'est-il passé à
tel moment qui expliquerait tel ou tel changement ? " Cet enregistrement
est rendu d'autant plus nécessaire que les acteurs s'engagent
moins sur une hypothèse de transformations des pratiques
d'enseignement de la lecture que sur la compréhension de
ce qui favorise ou freine l'appropriation de pratiques professionnelles
nouvelles, les logiques à l'œuvre dans la formation
continue par une voie particulière : l'implication dans une
recherche-action. Comprendre la genèse et les parcours de
transformations intègre la compréhension de ces processus
sur le plan individuel (journal de bord personnel) ainsi que sur
le plan institutionnel ce qui justifie l'existence du journal de
bord collectif. C'est dans un deuxième temps, choisir l'écrit
comme outil pour penser le monde social et professionnel dans lequel
on est inscrit et inséré, le mettre à distance
et mieux maîtriser son rapport au métier, à
l'établissement, à l'institution.
b. l'observation
Les questionnaires, entretiens semi-directifs conduits par l'équipe
de chercheurs, sans être écartés, restent en
position subordonnée au regard du biais introduit par la
position que tient le chercheur dans l'action étudiée.
C'est donc l'observation menée par le chercheur qui apparaît
la technique la plus adéquate. Parmi les divers modes d'observation
développés par les sciences humaines, l'observation
stratégique correspond à ce qu'adopte celui qui cherche
à comprendre non seulement pour comprendre mais pour transformer.
L'institution ne se donne presque jamais immédiatement à
l'observation, c'est la raison pour laquelle l'observateur doit
poser aux formes apparentes de l'institution la question de son
caractère essentiel, en la saisissant à travers son
dynamisme. Une fois en possession de ces données, l'observateur
peut agir au mieux au regard des objectifs qu'il s'est fixé.
Dans le cadre de la recherche-action "les usages experts de
l'écrit au cycle II", les observations initiales réalisées
par les chercheurs constituent les éléments qui permettront
aux enseignants-chercheurs de construire eux-mêmes les outils
d'observation de leurs pratiques et de pratiquer, au sein de l'acteur
collectif et donc dans les classes des collègues engagés
dans la recherche, des observations directes, " objectives
" ou participantes selon les modalités de travail décidées
collectivement.
c. le feed-back : "procédure de restitution au groupe
sujet de tout ou partie des discours qu'il articule et des hypothèses
de travail qui peuvent être dégagées de l'analyse
de ce discours. Les procédures de feed-back peuvent être
soit à l'origine de prolongement et d'approfondissement soit
de réorientation de la démarche entreprise"
La communication y a une fonction essentielle, à la fois
pour la recherche (confronter, discuter, clarifier les résultats)
et pour l'action (comprendre une situation, se sensibiliser à
différentes hypothèses de changement, élaborer
des recommandations, décider, amorcer un processus de changement).
Les recherches-action comportent en règle générale
5 phases qui sont plus ou moins développées selon
les expériences menées. Il y a :
- une phase de négociation de la demande, où se définissent
les espaces de recherche, d'action, les places et rôles de
chacun ;
- une phase préparatoire, où se repèrent les
problèmes à résoudre et où se constitue
l'équipe lorsque c'est le cas. C'est là aussi qu'un
cadre hypothétique est élaboré, lorsqu'il en
existe un bien entendu ;
- une phase d'intervention proprement dite, où la recherche
et l'action sont plus ou moins séparées ou complémentaires
;
- une phase de réorganisation, où les actions sont
réajustées en fonction de ce qui s'est passé
et des buts poursuivis ;
- une phase de désengagement des chercheurs où le
problème de l'évaluation, de la pérennisation
de la recherche-action se posent, ainsi que celui de la transférabilité
des résultats, si désengagement des chercheurs il
y a.
2.6 Pour résumer sans conclure…
La recherche-action de type stratégique se présente
comme une méthode de recherche qui attache autant d'importance
à l'action comme moyen de transformation de la réalité
qu'à la recherche comme moyen de connaître cette réalité
et de développer la connaissance.
Développer ces deux aspects revient à reposer le dilemme
du savant et du politique et à en conclure que c'est un faux
dilemme : en sciences humaines, on ne peut être qu'impliqué.
De plus, il est préférable de reconnaître cette
implication pour en tenir compte, que d'essayer de la nier pour
devenir prophète, même inconsciemment.
Cette implication de l'acteur dans la recherche et du chercheur
dans l'action se passe sur le terrain, mais trouve un lieu privilégié
dans les séances d'analyse et d'évaluation. C'est
lors de ces réunions que l'action est réajustée
aux buts qu'elle poursuit, grâce à l'analyse faite
par la recherche. Mais de cette reconnaissance de l'utilité
de l'implication découle une conséquence logique :
les chercheurs doivent se former pour devenir praticiens, ou tout
au moins connaître en situation les conditions de travail
des praticiens, et les praticiens doivent se former à la
recherche, au tout au moins poser des actes de recherche. A cette
condition peut naître un acteur collectif.
Un acteur collectif est un ensemble de personnes engagées
dans une recherche-action qui développe à la fois
production de connaissances et action. C'est donc un groupe au sein
duquel s'opère la dialectisation complète de la recherche
et de l'action.
Est-ce la disparition des statuts ? Non, les statuts
sont attachés aux personnes en fonction d'une organisation
sociale qui les dépasse. Dire que les statuts n'existent
plus au sein du collectif relève de l'angélisme.
Est-ce la disparition des compétences ?
Non, certains ont été davantage que d'autres formés
à la recherche ou possèdent telle ou telle spécialité.
Mais c'est bien, par contre, l'atténuation de la césure
entre chercheurs et praticiens. H. Desroches parle, quant à
lui, d'auteur-acteur ou acteur-auteur... pour conclure " ces
précautions, ingéniosités ou tergiversations
terminologiques correspondent à une situation - et un défi
- d'équilibrisme entre deux rôles et en l'occurrence
deux personnes ainsi cooptées pour, durablement, pédaler
en tandem. " (5)
Est-ce la disparition des rapports de pouvoir ? Non,
puisqu'on ne supprime pas ce genre de rapports par simple déclaration
ou bonne volonté.
L'acteur collectif désigne le groupe de personnes qui, dans
la recherche-action de type stratégique, accepte d'entreprendre
toutes les tâches de recherches (même si le degré
ou le niveau d'implication est différent selon les tâches)
et de s'impliquer totalement dans l'action (même s'il subsiste
des différences en fonction des tâches).
Pour que ce travail puisse se faire alors qu'il mêle des personnes
aux statuts différents, aux compétences diverses et
liées par des rapports de pouvoir et de savoir (bien que
luttant autant que faire se peut, pour que tout ceci soit atténué),
des règles de méthode sont nécessaires. Elles
sont la base du processus qui va se mettre en marche.
La dialectisation entre chercheurs et acteurs, entre théorie
et pratique, entre recherche et action, permet d'établir
des rapports entre chacun de ces pôles, et de les resituer
dans une multitude d'autres rapports qui interféreront nécessairement
dans le premier rapport établi. Ce qui unit les deux entités
"recherche" et "action", par exemple, est, en
fait, un ensemble de rapports continuellement en mouvement. Et ces
rapports et mouvements sont constitutifs de ces deux entités.
Si donc on souhaite mettre en œuvre la méthode de recherche-action
de type stratégique, il convient de préciser les opérations
concrètes et les étapes qui permettront d'accompagner
le mouvement qui lie théorie et pratique en son sein. Ces
opérations s'effectuent au cours de ce qu'on peut appeler
la démarche concrète. C'est, en quelque sorte, la
"méthode en acte".
Toute démarche de recherche-action de type stratégique
commence par se fixer un objectif double, de recherche et d'action.
La définition d'un objectif de recherche assigné à
l'action implique nécessairement un choix éthique
: on fixera pour objectif à telle ou telle action éducative
la lutte contre l'inégalité des chances ou, au contraire,
la sélection des meilleurs... etc.
Avant d'entamer la démarche proprement dite, l'acteur collectif
met à plat les connaissances sur le sujet. Mais puisque la
connaissance n'est jamais acquise, il sera amené à
formuler un plan d'action à partir d'hypothèses plus
ou moins solides et plus ou moins adaptées à la réalité.
Comme l'enjeu est la réussite de l'action autant que la recherche
de connaissance, son intérêt requiert que les hypothèses
soient les plus correctes possibles et s'il s'aperçoit, menant
l'action, qu'elles ne le sont pas, il a toute latitude pour les
modifier afin de ne pas aller à l'échec. D'où
l'intérêt et le soin à apporter à la
formulation des hypothèses qui vont structurer toute la démarche.
Ceci constitue le travail de formulation de la première généralité,
qui repose sur les connaissances acquises, sur la pratique antérieure,
sur des analyses réalisées par des recherches classiques
ou peut-être déjà par des recherches-actions.
Plus le travail de conception de la première généralité
aura été complet, plus l'opérationnalisation
des hypothèses de recherche et d'action aura été
fouillée, plus l'action aura de chance de succès et
plus la connaissance sera importante.
Les séances d'analyse et d'évaluation sont les lieux
privilégiés où les acteurs de la recherche-action
de type stratégique se retrouvent pour analyser leur démarche,
la réorienter si nécessaire, vérifier les hypothèses
développées et appliquées, celles qui ne l'ont
pas été, prendre les décisions... etc.
Se pose ici le problème de la stratégie concrète,
c'est-à-dire en rapport immédiat avec un objectif
défini. Les voies et les moyens par lesquels passe la recherche-action
de type stratégique sont à la fois des techniques
de recherche et à la fois des modalités précises
d'action.
La recherche-action de type stratégique est une méthode
de recherche qui prend en compte les opérations d'analyse
propres à toute démarche de recherche tout en se fondant,
comme on l'a montré, sur des principes méthodologiques
qui intègrent l'analyse stratégique, pour donner à
l'action toutes ses chances de réussite.
(1) M.R. Verspieren Recherche-action de type stratégique
et science(s) de l'éducation, coédition l'Harmattan
(Paris) et Contradictions (Bruxelles), 1990, 396 p. et particulièrement
pp.86-106 où il est question du rapport entre les chercheurs,
l'objet de recherche et les praticiens. (NDLR : Voir A.L. N°40,
déc.92, p.4).
(2) Ce "nous" n'a rien d'une forme littéraire.
Il témoigne de la chance que nous avons, au sein de "Trigone"
(laboratoire de recherches de l'Université de Lille l) de
constituer une équipe qui travaille, écrit et réfléchit
sur la recherche-action depuis 1984. Les membres de cette équipe
ont en commun d'être intéressés par cette démarche
du fait de leur implication sur un terrain touchant particulièrement
aux domaines de la formation d'adultes. Mais ils sont, d'origine,
praticiens, travailleurs sociaux, instituteurs, sociologues, juriste,
philosophes... issus ou enseignants en sciences de l'éducation.
(3) J. Hedoux "Sciences humaines, pratiques de formation et
praticiens" des rapports complexes ; les recherches-actions
de type stratégique comme orientation féconde, Lille,
1994, Cahier du CUEEP N°25 Recherches-actions et pratiques de
formation - Tome 1. p.5-55
(4) Budd L. Hall. Le savoir en tant que marchandise et la recherche
participative. Perspectives, vol.lX, N°4, 1979.
(5) H. Desroche "Entreprendre d'apprendre", Les éditions
ouvrières, Paris 1991. 182
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