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Origine : http://fa.globenet.org/fsl/article.php3_id_article=15.html
Contre l'apartheid social, révolutionnons le nouvel
ordre mondial
Depuis la crise des années 70 se met en place un Nouvel
Ordre Mondial qui a vu son accélération à la
suite de la chute du mur de Berlin et de la guerre du Golfe. Mondialisation,
développement séparé ou apartheid social, différencialisme
deviennent les vecteurs dominants de cette évolution du capitalisme
; évolution qui induit une nouvelle période dans l'histoire
du capitalisme.
La période comprise entre la fin de la seconde guerre mondiale
et le début de la crise actuelle a été marquée
par l'instauration de la production et la consommation de masse
d'un côté, le renforcement de l'Etat providence de
l'autre. Ce nouveau mode d'exploitation capitaliste (le fordisme),
basé sur un compromis historique entre la classe dirigeante
et les structures représentatives des travailleurs, permis
d'assurer à ces derniers un minimum vital : santé,
logement, éducation, etc. La pensée économique
du fordisme, fondée sur les idées de l'économiste
Keynes, peut se résumer ainsi : pour résoudre les
crises engendrées par la surproduction (par exemple la crise
de 29), il importe de s'appuyer sur le marché intérieur
que constitue l'ensemble de la population d'un pays, d'où
la mise en place d'économies nationales autocentrées
en Occident.
« … la demande nationale s'adresse en priorité
à l'offre nationale. Inversement, en réaction à
la crise latente du fordisme, qui se développe à partir
du milieu des années 60, on va assister à une internationalisation
croissante des marchés : la part des importations et des
exportations va croître dans le volume global des échanges,
de même que la part des investissements à l'étranger.
» La mondialisation de l'économie va donc pouvoir se
caractériser ainsi : d'une part une interpénétration
et interdépendance accrues des économies centrales,
d'où le besoin pour ces pays de se spécialiser sur
des secteurs compétitifs (par exemple le nucléaire
en France). D'autre part, l'investissement direct à l'étranger
(I.D.E.), qui prend le pas sur les échanges dans le processus
d'internationalisation : « L'I.D.E. est marqué par
un degré élevé de concentration au sein des
pays avancés[…]Le recentrage a lieu aux dépens
des pays en développement. » Le monde se construit
autour de trois pôles hégémoniques et concurrentiels
entre eux : le continent nord-américain (A.L.E.N.A.), l'Europe
de Maastricht et le Japon avec le sud-est asiatique.
Autre phénomène, les marchés et les multinationales
acquièrent de plus en plus de puissance, limitant à
la portion congrue la réalité du pouvoir que détiennent
les Etats ; ces derniers ne peuvent plus déterminer ni contrôler
les politiques monétaires, industrielles… Certains
chiffres sont éloquents et parlent d'eux-mêmes : environ
1200 milliards de dollars circulent en permanence sur la planète.
Pour aider au renflouement de l'économie mexicaine après
sa récente crise financière, les grands Etats de la
planète (dont les Etats-Unis), le Fond Monétaire International
(F.M.I.) et la Banque Mondiale ont réussi à réunir
50 milliards de dollars, somme considérable en soi mais petite
à côté des 500 milliards de dollars que contrôlent
les trois premiers fonds de pensions américains. En clair
les marchés imposent de plus en plus leur diktat ; ce sont
eux qui déterminent les choix politiques en fonction des
finalités qu'ils se sont fixées. Ils détiennent
le pouvoir sur lequel aucun contrôle ne peut être exercé
tant leur autonomie est grande. Une certaine politique sociale ne
leur plaît pas, alors la bourse s'effondre ; une grande politique
de restructuration avec des milliers de perte d'emploi leur plaît,
alors la bourse monte en flèche.
Cette mondialisation économique n'aurait évidemment
pas été possible sans quelques outils adéquats,
tels que le G7, sorte de gouvernement mondial où les 7 pays
les plus riches de la planète discutent en vrac de la politique
à venir du monde (travail, terrorisme, nucléaire,
écologie, flux migratoires…) ; le F.M.I. qui pérennise
la domination des pays du Nord sur ceux du Sud et de l'Est à
coups de plans d'ajustements structurels (économies vivrières
démantelées, politiques sociales sabrées pour
que les pays du Sud et de l'Est alimentent unilatéralement
les transits vers le Nord) ; la Banque Mondiale ; l'Organisation
Mondiale du Commerce (O.M.C.) qui prépare le marché
du XXIème siècle, totalement libéralisé
et dérèglementé. Et derrière ces institutions
médiatiques existent aussi des tables rondes d'industriels
ou des forums internationaux comme celui de Davos où chefs
d'Etat, banquiers, financiers, patrons de multinationales méditent
gaiement sur notre dos des avantages et inconvénients de
la mondialisation, un verre de champagne à la main et un
toast au caviar dans l'autre. Mais tous ces outils politiques n'auraient
pas suffit au développement de l'économie de marché
si parallèlement l'explosion des technologies n'avait permis
des échanges toujours plus rapides de marchandises, voire
maintenant immédiats pour les transferts de capitaux et l'industrie
de la communication. Les échanges monétaires se fond
de plus en plus à l'aide d'ordinateurs (monnaie électronique)
au détriment de la monnaie fiduciaire (monnaie de papier).
Ainsi des masses de capitaux voyagent dans les fibres de compagnies
de téléphone sans qu'elles n'aient d'existence concrète.
Cette virtualisation de l'économie rend le système
très fragile ou du moins il comporte plus de risques pour
les capitalistes (krach de la Banque du Mexique, de la Barings par
exemple) car il devient plus difficile de prévoir les évolutions
du marché.
Autre conséquence de cette économie virtuelle : jusqu'à
un passé récent, le profit était extrait essentiellement
de l'exploitation de la force du travail ; depuis une quinzaine
d'années, la principale source de profit est la spéculation.
Cela renforce d'autant le besoin des capitalistes de se doter de
moyen pouvant limiter les risques, donc de prévoir, autrement
dit de « redonner confiance aux marchés. »
Redéfinition du rôle de l'Etat
Le rôle de l'Etat s'est affaibli ; il n'a plus guère
de capacité d'intervention dans cette nouvelle variante du
capitalisme : ne déterminant plus les politiques industrielle,
monétaire, budgétaire, sociale…, il ne peut
plus garantir une adéquation nationale entre la sphère
de production et celle de la consommation. « On assiste à
l'émergence d'une finance mondiale toute-puissante, que personne
ne contrôle mais qui dessaisit progressivement les Etats de
leurs prérogatives politiques et, bien sûr, de leur
souveraineté. »
L'objectif est toujours d'offrir des conditions d'exploitation
de la force de travail les plus profitables pour les capitalistes.
Mais maintenant cela passe principalement par une déréglementation
des conditions de travail (développement du travail précaire
et flexibilité) et par une réduction drastique des
coûts d'entretien et de reproduction de la force de travail
(réduction des budgets sociaux - par exemple la santé
-, d'éducation…).
Les Etats deviennent donc de gros ministères de l'intérieur
chargés de réduire les coûts de la force de
travail, d'en durcir les modes d'exploitation et de se doter des
moyens de répressions suffisants pour parer à toutes
éventualités si les exploités et les opprimés
en viennent à remettre en cause cet ordre mondial.
En raison de ce déplacement du pouvoir au profit des marchés
et des multinationales, la démocratie bourgeoise - ou parlementaire
- n'est qu'une notion vide de réalité concrète.
Les Etats démocratiques ont en fait de moins en moins de
possibilité de « contrôler l'usage qui est fait
de la richesse »… « La souveraineté nationale
appartient-elle encore au peuple, à ses représentants
élus et gouvernements chargés de l'exprimer et de
la mettre en oeuvre ? Insidieusement, par pans entiers, n'est-elle
pas en train de passer sous la tutelle d'un nouveau détenteur,
co-souverain illégitime : le marché ? » […]
« … l'avènement du marché laisse les démocraties
sans voix ; il apparaît comme un fondement de l'ordre naturel
des choses… » Ainsi vouloir conquérir l'Etat
ne peut répondre à nos aspirations dans la mesure
où celui-ci n'a plus les moyens de lutter contre la mondialisation.
« Quelques centaines d'opérateurs puissants finissent
par substituer leurs anticipations plus ou moins clairvoyantes aux
votes des citoyens et décident, dans les faits, des taux
de croissance et de l'emploi d'une bonne partie du monde. »
Dans ce contexte, le clivage droite/gauche n'a plus guère
de sens ; il se situe bien plus entre les uns défendant l'Europe
de Maastricht, militant pour la mondialisation, et les autres s'y
opposant. Ce clivage traverse l'ensemble de la caste politique faisant
fi des frontières entre les partis. Les anti-maastrichtiens
sont pour la plupart réactionnaires voulant reconstruire
un Etat-nation fort ; cette « perspective » se fonde
sur un retour vers une économie autocentrée reposant
sur le nationalisme et, pour certains, s'affirmant progressistes,
il n'y aurait point de salut sans retour aux valeurs républicaines.
Cela conduit à des impasses car les uns comme les autres
ne pourront jamais lutter contre la puissance des marchés
et des multinationales ; ceux-ci ont les moyens de détruire
tous projets contraire à leurs intérêts.
Impérialisme et racisme différencialiste
Avec la crise, le « mythe du développement »
a fait long feu ! L'évolution de l'impérialisme impose
de nouvelles nécessités. Jusqu'aux années 70,
cette politique qui met certaines populations ou certains Etats
sous sa dépendance était expansionniste, maintenant
elle a conquis l'ensemble de la planète : autrement dit d'une
phase de conquête les pays impérialistes sont passés
à une gestion totale de celle-ci, au détriment des
pays de la périphérie. « Ceux-ci ne sont plus
seulement des pays subordonnés, réserves de matières
premières subissant les effets conjoints de la domination
politique et de l'échange inégal, comme à l'époque
classique de l'impérialisme. Ce sont des pays qui ne présentent
plus d'intérêts, ni économique ni stratégique
(fin de la « guerre froide »), pour les pays et les
firmes situées au coeur de l'oligopole. Ce sont des fardeaux
purs et simples. Ce ne sont plus des pays promis au « développement
», mais des zones de « pauvreté » (mot
qui a envahi le langage de la Banque Mondiale) dont les émigrants
menacent les « pays démocratiques ». »
Parallèlement l'idéologie raciste a, elle aussi,
évolué. Le racisme différencialiste a pris
le pas sur le racisme fondé sur la supériorité
de la « race blanche ». D'une hiérarchisation
raciale, on passe alors à un apartheid social : isoler les
pays pauvres, garantir l'étanchéité des frontières,
imposer l'idée que les communautés ne peuvent vivre
leurs spécificités que par opposition aux autres et
dans leurs limites territoriales respectives. La misère engendrée
par les rapports Nord/Sud/Est révèle au grand jour
la barbarie capitaliste et le comportement crapuleux des décideurs
politiques et économiques des pays du Centre. Se prémunir
des pressions migratoires des populations du Sud et de l'Est pour
ces rejetons de la mère Pouvoir et du père Profit
une préoccupation majeure. Politiques anti-immigrés,
réformes constitutionnelles, accords de Shengen, soutiens
à des gouvernements plus que douteux dans des pays pouvant
servir de « zones tampons » contenant les flux migratoires
(les pays du Maghreb par exemple) : tout est bon pour rendre les
frontières quasiment hermétiques à l'égard
des populations venant d'Afrique, mais aussi des pays de l'ex-pacte
de Varsovie.
Nous assistons donc à la mise en place d'un nouveau
racisme qui puise son idéologie dans le différencialisme.
Le racisme différentialiste conduit à systématiser
le « droit à la différence ». Cela consiste
à penser que les différents modes de vie, les différentes
cultures sont étanches les uns par rapport aux autres ; concrètement
cela signifie que chacun et chacune doit rester vivre dans sa propre
aire culturelle, qui recouperait, au regard de l'Histoire, les aires
géographiques. « Idéologiquement, le racisme
actuel, centré chez nous sur le complexe de l'immigration,
s'inscrit dans le cadre d'un « racisme sans race » déjà
développer hors de France, notamment dans les pays anglo-saxons
: un racisme dont le thème dominant n'est pas l'hérédité
biologique, mais l'irréductibilité des différences
culturelles ; un racisme qui… postule… la nocivité
de l'effacement des frontières, l'incompatibilité
des genres de vie et des traditions : ce qu'on a pu appeler à
juste titre un racisme différencialiste ».
Développement séparé ou apartheid
social
Un nouvel ordre mondial se fait jour : la mise en place d'un véritable
développement séparé ou apartheid social. Trois
points de vue concourent à étayer ce concept :
- l'exclusion sociale ;
- la construction européenne ;
- les rapports Nord/Sud/Est.
Pour le premier, on reteindra que pendant les Trente Glorieuses,
l'Etat avait pour objectif d'intégrer l'ensemble des catégories
de la population ; c'était la tâche essentiel de l'Etat-providence.
La crise de celui-ci remet en cause une de ses fonctions essentielles.
L'Etat social a tendance à disparaître ; il avait pour
charge de partager, de manière plus ou moins équitable,
selon des critères capitalistes - c'est-à-dire entretenant
les inégalités économiques et sociales - les
bénéfices du progrès. L'on percevait ce dernier,
depuis la Révolution française, comme éternel.
Cette conception (cette idéologie) de l'évolution
est maintenant tombée en désuétude ; le progrès
n'est plus inéluctable ; il est source de destruction, des
êtres humains et de destruction écologique.
Face à cette crise profonde, les gouvernants et autres décideurs
font le choix de sacrifier des pans entiers de la population. A
la volonté d'intégration - économique et sociale
- de l'ensemble des couches de la population, ils optent maintenant
pour l'exclusion de certaines de celles-ci. Les réponses
politiques sont de plus en plus autoritaires et sécuritaires
pour les victimes de l'exclusion, et de plus en plus libérales
en ce qui concerne les formes de gestion économique (déréglementation
du travail, ce qui se traduit par la croissance du travail précaire
et de la flexibilité). L'instauration du RMI traduit au mieux
cette nouvelle conception de gestion de la force de travail. Il
signifie concrètement que l'Etat pense qu'il y a un nombre
- sans doute en évolution - de personnes qui sont, sinon
à jamais, du moins durablement exclues de la sphère
de production et de celle de consommation ; on leurs donne environ
2 000 Frs par mois et qu'elles se débrouillent ! En conséquence
des catégories de la population sont marginalisées
ou en voie de l'être et ce délibérément
; cela traduit une rupture par rapport à la période
historique précédente. Cela se vérifie par
l'instauration de véritables quartiers ghetto et des régions
sacrifiées. Ce clivage de la société française
se confirmera lors du vote sur le traité Maastricht, où
les exclus ou ceux et celles en passe de l'être voteront contre
et les autres pour.
L'ensemble des dispositifs, regroupé sous le terme générique
de « politique de la ville », dans lequel on peut y
inclure les mesures prises par rapport à l'école (par
exemple la création de Zones d'Education Prioritaire, les
fameuses Z.E.P.), les politiques sécuritaires et dernièrement
le projet de créer des zones franches, a pour objectif essentiel
de masquer la réalité de cette évolution. On
évite ainsi de poser les problèmes à partir
de ces choix politiques et de société. On stigmatise
les populations qui sont victimes de l'exclusion et que l'on retrouve
principalement dans ces quartiers ghettos : « les banlieues
». De même le terme immigré prend de plus en
plus une connotation sociale. Une personne d'origine japonaise ou
américaine sera très rarement vécue comme un
ou une immigré ; par contre l'immigré regroupe bien
souvent ceux qui seraient source de problème : les habitants
des quartiers ghetto. De plus en plus l'immigré symbolise
« ceux qui vivent là-bas. » Les nouvelles «
classes dangereuses » seraient aux portes de nos centre ville.
A l'échelle de la ville, la juxtaposition des cités
ghettos, de l'ennui et de la misère, face aux quartiers chics,
éclatants de luxe et d'opulence, participe à cette
logique de développement séparé, d'apartheid
social.
- Un des fondements de la construction européenne est la
mise en concurrence - à l'échelle européenne
- des régions entre elles. Certaines ont de réels
moyens pour être performantes, comme la région Ile
de France et d'autres n'ont plus aucun avenir, si ce n'est pour
certaines le tourisme, se transformant ainsi en vastes parcs folkloriques
! Cette concurrence va profiter bien évidemment aux régions
déjà les plus riches, ou à celles permettant
une exploitation plus intensive de la force de travail.
Les régions deviennent ainsi de véritables Etats
dans l'Etat, aspirant à devenir des pôles économiques
de plus en plus autonomes. Pour se faire les notables régionaux
étendent leur pouvoir et leur influence à tous les
aspects qui touchent de près ou de loin la vie économique
:
- politique de développement régional qui va de paire
avec la formation, l'éducation. L'objectif est de créer
des bassins d'emploi auxquels correspondent les instruments de formation
que sont les établissement scolaires et les instituts de
formation. C'est pourquoi il y a actuellement de fortes pressions
pour démanteler l'Education nationale au profit de sa régionalisation.
La commission Fouroux fait des grands pas en ce sens en proposant
que 20 % des programmes scolaires soient déterminés
par les régions, ce qui revient à terme à remettre
en cause la notion de diplômes nationaux ; ou bien les chefs
d'établissement participent au recrutement de leur personnel…
- politique de transport ; le contrat plan de la SNCF prévoit
une régionalisation de plus en plus poussée de celle-ci
; les Conseils Régionaux détermineront les choix concernant
leur territoire en matière ferroviaire.
- santé ; la loi d'aménagement du territoire (là
aussi appelée Loi Pasqua) prévoit de transférer
le pouvoir aux Conseils Régionaux afin qu'ils déterminent
la politique hospitalière. En outre, il y a tout lieu de
craindre que l'étatisation de la Sécurité Sociale
(plan Juppé 1995) aboutisse à une régionalisation
de cette dernière en confiant la gestion des caisses maladie,
voire celles des retraites aux régions [9]. Cela conduirait
inévitablement à une remise en cause de l'égalité
des remboursements et des soins ; en effet ceux-ci seront déterminés
par les capacités financières et les infrastructures
dont disposera chaque région. Les institutions régionales
déploient de véritables ambassadeurs qui ont pour
charge de trouver des marchés, mais aussi des industriels
intéressés pour s'implanter sur leur territoire.
En France, ce processus a été réellement engagé
par la loi de décentralisation de Deferre en 1982 et confirmé
par la loi d'aménagement du territoire de Pasqua. On assiste
là aussi à la mise en place du développement
séparé : d'un côté des régions
riches et de l'autre des régions pauvres, avec pour conséquence,
à terme, l'émergence de flux migratoires des régions
pauvres vers les riches.
Cette évolution fait déjà des ravages en Europe.
En Italie (Lombardie), en Grèce (Macédoine), en Belgique
(Wallonie, Flandres), la crise des Etats-nations se traduit, entre
autre, par des volontés séparatistes motivées
par l'apartheid social. La guerre de purification ethnique dans
l'ex-Yougoslavie en est la forme la plus exacerbée.
L'éclatement de la Yougoslavie est en partie dû au
pari qu'ont fait certaines régions la composant ; pari reposant
sur la possibilité d'intégration à la communauté
européenne, ou du moins visant à un rapprochement
significatif avec l'Allemagne. En effet, ce sont tout d'abord la
Slovénie puis la Croatie (les deux régions les plus
riches de la Yougoslavie) qui souhaitèrent, en ultime recours,
leur indépendance. Un des thèmes qui les motivaient,
était leur volonté de pouvoir faire partie, à
terme, d'un pôle économique hégémonique
sur le continent européen afin d'entrer dans la cour des
grands. Par exemple, un des arguments de la campagne menée
en Slovénie pour l'indépendance, était qu'il
valait mieux être le dernier à la ville, plutôt
que le premier au village - la ville étant la CEE et le village
la Yougoslavie. Face à cette évolution qui consistait
à faire en sorte que les « riches » se regroupent
entre eux au détriment des pauvres, l'argument nationaliste
devint prépondérant. Ainsi on vit resurgir l'attachement
à un passé mythique : la renaissance de la Grande
Serbie ; la Croatie entrait elle aussi dans la danse. Sous couvert
de nationalisme - voire de religions -, chacune des deux puissances
s'affrontèrent, essayant de conquérir le plus de territoire
sur l'autre. Pour se faire, on institua l'horreur en système
dans le but d'obliger les populations des territoires convoités
à émigrer afin d'y substituer - ou du moins de la
rendre hégémonique - celles dont la puissance tente
d'annexer ceux-ci : c'est la purification ethnique.
Un des enjeux idéologique de la guerre en Bosnie-Herzégovine
est de détruire toute idée de multiculturalité
au profit de la constitution de nations « pures », c'est-à-dire
purifiées ethniquement. Autrement dit, le but est de constitué
des nations, pour ainsi dire, « monoculturelles », notion
qui n'est pas sans rappeler le concept de racisme différencialiste
élaboré par A. de Besnoit
- Mais ce processus se vérifie aussi au niveau des rapports
Nord/Sud/Est. Auparavant les rapports entre le Centre et la Périphérie
se caractérisaient par « l'échange inégal
». Idéologiquement les pays occidentaux imposaient
aux pays dits « sous-développés » le modèle
du développement ; autrement dit on leur proposait de se
développer selon le modèle occidental. Ainsi ils pourraient
à terme jouir des « bienfaits de la démocratie
». Ce discours postulait le développement comme une
fin en soi - puisque le progrès était éternel
et devait profiter à tous - sans se soucier des réalités
culturelles, économiques, sociales de ces pays et encore
moins des aspirations des populations. Concrètement, beaucoup
de pays ont effectivement fait le pari du développement,
et ont basé leur économie sur des marchandises d'exportation
(pétrole, coton, arachide, café, etc.). Ils étaient
donc tributaires des marchés internationaux, qu'ils ne contrôlaient
pas ; ainsi les pays du Centre purent - peuvent - piller les pays
du Tiers monde. Les élites politiques de ces pays bénéficient
grandement de cette forme d'échange ; elles sont totalement
liées, par des intérêts communs - entre autre
leur maintien au pouvoir -, avec les gouvernements des pays occidentaux.
Avec l'évolution de l'impérialisme et de l'idéologie
différentialiste qui le sous-tend, un véritable apartheid
social se met en place à l'échelle de la planète
: des continents entiers sont laissés à l'abandon,
en particulier l'Afrique noire mais aussi l'Amérique du sud.
Une grande partie des populations est ainsi condamnée à
mourir de faim, de guerre, d'épidémie… par les
décideurs économiques et politiques. Leur cynisme
du raisonnement des gestionnaires de la planète est poussé
à son comble : plus il y a de morts, moins la pression migratoire
sera importante !
Quelques perspectives
Ce qui est le plus significatif dans les luttes récentes
(logement, précarité, sans-papiers…) c'est qu'elles
débordent le cadre des revendications quantitatives (réduction
du temps de travail, hausse des salaires…) pour poser la question
de nos conditions d'existence dans la société. En
outre les exigences autour de la volonté de vivre «
dignement » tendent à rentrer en contradiction avec
des piliers idéologiques de la société bourgeoise,
mais aussi avec des dispositifs liés à la mondialisation
de l'économie. En effet le droit de propriété
doit-il prévaloir sur le fait de disposer d'un logement décent
? Doit-on encore accepter que le travail - ou son absence - détermine
nos conditions de vie aussi bien par les revenus qu'il procure,
qu'au niveau de l'organisation matérielle : choix du lieu
d'habitation, organisation du temps… ? Qu'en est-il de la
libre circulation des individus dans une Europe qui se renferme
comme une forteresse ?… En dernière instance, c'est
bien la question des normes/valeurs qui doivent fonder la société
qui est posée.
Que se soient les luttes sur le logement, contre la précarité
et dernièrement celle des sans-papiers, elles ont un point
commun : ce sont des personnes qui survivent dans des conditions
inextricables et qui disent « stop ! On arrête, on ne
peut plus continuer à vivre de la sorte ». Ces luttes
imposent des débats sur des choix de société
: pouvons-nous accepter que des individus ne puissent se loger sous
prétexte qu'un propriétaire leur réclame des
loyers et garanties qu'ils ne pourront jamais fournir ; autrement
dit, le droit de propriété doit-il prévaloir
sur le fait de pouvoir se loger ? On peut espérer que dans
un proche avenir des personnes n'acceptent plus d'être réduites
à la mendicité, à la charité, ou de
risquer d'être emprisonnées pour vol afin de se nourrir,
se vêtir, se cultiver, se divertir…
De même les sans-papiers, en revendiquant la libre circulation
des individus, l'ouverture des frontières, interrogent la
société sur son devenir. Voulons-nous vivre dans un
monde de « petits blancs » complètement repliés
sur eux-mêmes, au sein d'une Europe forteresse, et ayant peur
de tout ce qui leur est extérieur, étranger ; un monde
dans lequel les populations, en particulier les pauvres, seraient
fixées sur leur territoire, un monde dans lequel les cultures
seraient étanches les unes par rapport aux autres ? Ou voulons-nous
au contraire vivre comme on le veut, avec qui l'on veut et où
l'on veut, ce qui passe inévitablement par la reconnaissance
de valeurs comme la solidarité, l'égalité,
la liberté, l'interculturalité et la libre circulation
des hommes des femmes et des idées ?
Il nous faut donc lutter contre toutes les exclusions (sociale,
raciale, sexuelle…) qui forment le terreau des pratiques autoritaires
et sécuritaires, divisent les populations en catégories
ayant des capacités d'action sociales inégales.
La société bourgeoise fonctionne sur le principe
de quantification, c'est-à-dire que tout est quantifié,
la valeur d'échange prévaut sur la valeur d'usage
; autrement dit ce n'est pas l'utilité d'une marchandise
qui prime mais ce qu'elle peut rapporter comme bénéfice
à celui qui la détient et veut la vendre. On produit
des marchandises non pas en fonction des besoins qu'elles satisferaient,
mais parce qu'elles vont, par leur vente, faire fructifier le capital
investi pour leur réalisation. En conséquence, des
marchandises qui nous sont utiles peuvent cesser d'être produites
car elles ne seront pas suffisamment rentables (c'est-à-dire
produisant des profits estimés suffisants par et pour le
capitaliste) ; l'objectif de la rationalité du capitalisme
n'est pas de satisfaire nos besoins, mais de dégager des
profits à partir du capital investi. Par exemple, les laboratoires
pharmaceutiques, selon W. Rozenbaum, sacrifient la recherche d'un
vaccin contre le sida sur l'autel du profit. « Ces laboratoires
sont des entreprises privées soumises aux règles du
marché et dont la prospérité repose sur la
vente de médicaments en grandes quantité dans les
pays riches. Il est donc plus intéressant pour un labo de
trouver un produit efficace contre la maladie du coeur ou le cholestérol
que de mobiliser des fonds pour le sida, qui concerne en premier
lieu des régions insolvables (Afrique, Asie) et qui, dans
les pays riches, restent une pathologie affectant un nombre relativement
limité de personnes. » […] « … dans
cette logique de marché, il n'est pas intéressant
pour les laboratoires de pousser certaines recherches, non seulement
parce que celles-ci ne sont pas rentables, mais aussi parce qu'il
existe des sources de profits plus attractives encore que la vente
de médicaments : je veux parler de la bourse. Un jack-pot
en bourse rapporte plus que la vente de dix milles comprimés.
N'oublions pas non plus que dans les laboratoires les vrais décideurs
ne sont pas les scientifiques ou les chercheurs, mais les actionnaires
qui, eux, n'ont pas d'états d'âme. »
Revendiquer la gratuité des transports pour tous et toutes,
le libre accès au logement - même si l'on n'a pas de
ressources -, la liberté et la gratuité de la contraception
et de l'avortement, de la santé en général…
c'est lutter contre cette hiérarchie sociale fondée
sur l'importance de nos ressources financières, elles-mêmes
soumises aux aléas d'une conjoncture économique nous
échappant totalement. Ce qui nous importe ce n'est pas combien
vaut telle ou telle marchandise et quels profits va-t-elle dégager,
mais qu'elle est l'utilité de tel ou tel produit pour satisfaire
nos besoins et nos désirs.
La misère est avant tout un problème politique ;
la combattre relève d'un débat sur le choix de société
dans laquelle nous voulons vivre. Par exemple, il y a assez de logements,
en France, pour loger tous les SDF et les mal-logés décemment.
« … durant ces 10 dernières années, le
nombre de logements vacants a oscillé autour des 2 million
d'unités (1 919 000 en 1984, 2 156 000 en 1988, 1977 000
en 1992), soit environ 8 % du parc locatif. Autrement dit, de quoi
loger ou reloger la totalité des sans-abri et des mal-logés.
»
JC (OLS)
contacts - FSL/SLA 145, rue Amelot 75011 Paris - contact at fsl-sla.eu.org
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