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La prostitution et la valeur commerciale des jeunes
4 décembre 2014
par Rachel Moran

Origine : http://scenesdelavisquotidien.com/2014/12/04/la-prostitution-et-la-valeur-commerciale-des-jeunes/

[L’article suivant est extrait du livre : Elles ont fait reculer l’industrie du sexe ! Le modèle nordique, sous la direction de Trine Rogg Korsvick et Ane Stø. C’est une co-édition M-éditions (2014) et Syllepse, collection Nouvelles Questions Féministes (début 2015). Je remercie ces deux éditions et le traducteur pour l’autorisation de republication.] elles ont fait reculer...

Les gens qui affirment que la prostitution serait libre de toute coercition, traite, exploitation des mineures, bref, de tout ce qui l’empêche d’être une sorte de bacchanale licensieuse et transparente n’impliquant que des adultes consentants,  passent sous silence un aspect réel et essentiel du système prostitutionnel: la question de la valeur commerciale des jeunes.

Tout comme dans certains véritables secteurs d’emploi, comme la mode ou la danse professionnelle, la jeunesse est un attribut hautement prisé. Or, contrairement au travail de mannequin ou à la danse, la jeunesse en prostitution est valorisée beaucoup plus que la beauté et la fluidité de mouvement. Pour être la plus recherchée dans cette industrie, vous n’avez pas besoin d’être la plus jolie fleur du parterre – il vous suffit de faire partie des plus fraîches. Et ce que vous pouvez faire ou pas avec votre corps ne compte pas. La seule chose qui importe, c’est qu’il n’a pas été de ce monde bien longtemps.

L’une des questions les plus fréquemment posées par les hommes qui font appel à un bordel, c’est « Quel âge a la plus jeune de vos filles? » Je ne peux pas vous dire combien de fois on m’a posé cette question. Je défie quiconque ayant été préposé à l’accueil d’un bordel d’oser me mentir en soutenant que ce n’est pas la question la plus fréquente qu’on lui ait posée, à elle aussi.

La valeur commerciale des jeunes fait si profondément partie du système prostitutionnel que les femmes mentent régulièrement sur ​​leur âge pour essayer de racoler plus de clients. Ceux-ci le savent, bien sûr, et si les femmes se rajeunissent de quelques années, de leur côté, les clients en rajoutent : « J’ai vingt-six ans, je vais lui dire vingt-trois » / « Vingt-trois ans ? Cela veut dire vingt-six. »

Personne ne trompe personne ici, et cette pathétique mascarade ne sert qu’à révéler le sens de ces petits mensonges. Ce que cela démontre, bien sûr, c’est que les hommes qui achètent des corps pour du sexe veulent habituellement acheter les corps les plus jeunes possible.

L’année dernière, la BBC a signalé que des prostituées de 13 ans faisaient le trottoir à Swindon, dans le comté du Wiltshire. « Revenez durant le week-end et vous trouverez ici des filles de 13 à 19 ans », a déclaré une femme prostituée aux journalistes.

Quand je lis de tels comptes rendus, je ne peux que soupirer, imaginant d’avance l’indignation des gens. Cette indignation me tue, qu’elle soit authentique ou pas. Parce que si elle l’est, cela prouve que nous avons du chemin à faire pour éduquer les gens à la réalité de la prostitution. Et si elle ne l’est pas, eh bien, c’est une preuve de plus à ajouter au tsunami d’informations sur cette question: jusqu’où certaines personnes sont-elles prêtes à aller pour contrecarrer tout examen réaliste du système prostitutionnel ?

Dès qu’apparaît le moindre indice de prostitution des adolescentes, le lobby pro-prostitution lance immédiatement l’affirmation absurde que leur ville est d’une façon ou d’une autre différente, singulière. Les gens adoptent l’une de deux attitudes suivantes : « Treize ans, bon Dieu, c’est incroyable ! » Ou bien « Treize ans, bon Dieu, on pourrait empêcher ça en légalisant la prostitution ! » Comme s’il suffisait de rendre acceptable la vente de corps adultes pour faire disparaître la demande de corps adolescents !

Seulement, habituellement, les gens se contentent de nier l’importance de la prostitution des jeunes, ou même que les jeunes prostitué.e.s sont très recherché.e.s.

« Comment savoir si c’est vrai? », clamera le lobby pro-prostitution. Or, il ne s’agit pas là d’une question à proprement parler : une véritable question appelle une réponse. Ici, on cherche à occulter la réponse qu’on prétend chercher.

Certaines personnes trouveront cette approche étrange et déroutante. Pas moi. Je suis exposée depuis trop longtemps aux tactiques du lobby pro-prostitution pour être étonnée ou trompée par ce genre de discours apparemment confus et biscornu. Ce qu’il faut comprendre, c’est que de tels propos n’ont rien d’absurde. Ils sont prévisibles et visent à semer la confusion. Quand vous comprendrez leur fonction, ils deviendront tout aussi prévisibles pour vous.

Leur but est cohérent : nier et réfuter le caractère pathologique et tordu de ce qui se passe réellement dans la prostitution. La vérité qu’ils souhaitent vous cacher, c’est que les hommes qui paient pour du sexe choisiront plus souvent de payer pour un.e jeune de 15 ans de préférence à un.e jeune de 17 ans; ils préféreront un.e jeune de 17 ans à un.e jeune de 19 ans, un.e jeune de 19 ans à un.e jeune de 21, et ainsi de suite ad nauseam.

Maintenant, laissez-moi vous parler très franchement : on va me traiter de menteuse pour avoir affirmé ce qui précède. On va dire que j’essaie de diaboliser les prostitueurs, que je mens au sujet de leurs préférences et de leurs penchants. Je voudrais bien que ce soit le cas. Au cours de ma première année en prostitution, alors que j’avais 15 ans, j’ai été utilisée par des centaines et des centaines d’hommes. Je ne pourrais vraiment pas vous dire combien. J’ai eu jusqu’à dix hommes par jour, alors calculez (l’idée même d’effectuer ce calcul me bouleverse). Comme je l’ai écrit dans un article publié en février dans The Examiner, les hommes étaient si excités par ma jeunesse qu’ils éjaculaient très rapidement. J’ai donc vite appris à leur dire mon âge, pour raccourcir mon épreuve. J’en ai fait une politique ; c’est l’une des premières choses que je disais en entrant dans leur voiture – je n’avais pas vraiment besoin d’aborder le sujet, car c’était habituellement l’une des premières questions qu’ils me posaient.

De toutes ces centaines d’hommes, un homme, un seul a fait demi-tour avec sa camionnette et m’a ramenée là où il m’avait trouvée.

Alors oui, ceux qui souhaitent voir légalisée ou décriminalisée la prostitution feront des pieds et des mains pour cacher la vérité sur le caractère hautement désirable des jeunes dans la prostitution, tout en réclamant à cor et à cri « où sont les preuves? Où sont les preuves? » – comme autant de perroquets agressifs, déments et affligés de troubles de répétition et de compréhension. En somme, tout dans le bec et rien dans la tête.

Tout cela est prévisible. Il est évident que le lobby pro-prostitution ne veut pas que vous sachiez que les filles, qui ne sont pubères que depuis un an ou deux, sont systématiquement convoitées, recherchées, portées aux nues – et puis agressées tant et tant qu’elles perdent rapidement toute valeur commerciale. Si cela se savait, cela nuirait beaucoup au fantasme d’agentivité, d’autonomie et de libération sexuelle que ces gens tentent sans trêve de colporter.

Quant à leur refrain – «Où sont les preuves ? » -, c’est une question que je n’ai pas à poser. Quand j’étais prostituée à 15 ans, j’étais beaucoup plus sollicitée que je ne l’ai jamais été à 22 ans, même si à 22 ans, j’étais une femme mince, jolie, et d’apparence extrêmement jeune. Mais voilà le problème : j’étais maintenant une femme.

Dans la prostitution, on mise énormément sur la valeur commerciale des jeunes. « Les preuves », on les trouve dans tous les bordels et les « quartiers chauds » du pays

Je le sais que parce que j’ai vécu cette preuve.

Je le sais parce que j’en ai été la preuve.