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origine : http://nutopia2sergiofalcone.blogspot.com/2011/05/roberto-nigro-foucault-lecteur-et.html
Dans les quelques propos qui suivent j’aimerais esquisser
des pistes de recherche. Au lieu de présenter un résumé
“possible ou impossible” du rapport que Foucault entretint
avec l’œuvre de Marx, je voudrais suggérer quelques
schémas qui puissent servir de pointillés pour une
recherche à venir. Mon hypothèse est simple. Elle
consiste à penser que l’œuvre de Foucault est
traversée d’un bout à l’autre d’une
confrontation avec Marx. Cependant je suggère de distinguer
deux plans : celui de la confrontation réelle de Foucault
avec Marx et celui de la confrontation possible. Ces deux plans
ne s’opposent pas l’un à l’autre comme
la nuit au jour, et ils ne doivent pas non plus faire songer à
une opposition entre un côté vrai et un côté
qu’on souhaite vrai. Je cherche dans le premier plan un fondement
pour le développement du deuxième, même si l’enjeu
du problème se situe plutôt, à mon sens, du
côté de la confrontation possible. Je crois qu’en
posant à Marx des questions qui viennent de Foucault et à
Foucault des problèmes qui surgissent de l’œuvre
de Marx, on peut découvrir de nouveaux aspects des œuvres
en question et trouver par la même occasion de nouveaux parcours
pour notre réflexion d’aujourd’hui.
En guise d’introduction je voudrais préciser certains
points. Il serait vain d’imaginer que l’œuvre de
Foucault est traversée d’un bout à l’autre
d’une confrontation “systématique” avec
Marx. Cela ne signifie pas qu’il soit impossible de projeter
un travail qui vise à reconstruire pas à pas cette
Auseinandersetzung entre Foucault et Marx (le mot allemand –
me semble-t-il exprime mieux l’enjeu du problème car
il garde le double sens de la confrontation et du combat). Mais
il faut également savoir que les chemins qui mènent
Foucault à Marx ressemblent plus à des labyrinthes
qu’à des lignes droites.
Je résumerais en trois points les problèmes que,
à mon sens, cette confrontation pose : premièrement,
il s’agirait de se demander de quel poids l’œuvre
de Marx pèse dans celle de Foucault. Deuxièmement
il faudrait se demander qui est le Marx que Foucault reprend dans
ses analyses, qu’est-ce que Foucault met à l’écart
de son œuvre et pourquoi il privilégie une piste plutôt
qu’une autre. Troisièmement, bien que l’œuvre
de Foucault ne permette pas facilement de distinguer le combat entre
son auteur et Marx de son combat avec le marxisme, il vaudrait mieux
différencier ces deux éléments. Je crois, en
effet, que si Foucault reconnaît un noyau du marxisme, un
enjeu de ce discours, dans lequel serait aussi impliqué le
discours de Marx, il a néanmoins essayé, dans certains
lieux de son œuvre, de situer Marx à l’écart
du marxisme.
Tout au long de son parcours philosophique aussi bien que biographique,
le combat de Foucault avec Marx et le marxisme est double. Il refuse
le marxisme comme savoir inscrit dans la rationalité du monde
occidental et essaie de montrer que ce savoir, construit un système
de pouvoir qu’il ne peut que refuser. Tout marxisme voué
au système de pouvoir est refusé par Foucault. D’où
aussi son malaise et sa méfiance à l’égard
de tout discours marxiste dominant son époque, qui devait
lui apparaître comme un renversement de signe du même
mécanisme de pouvoir. Il me semble que les mots qui accompagnent
sa réponse à la question “que mettre à
la place du sytème ?” illustrent bien le sens de ce
discours : “Je pense qu’imaginer un autre système,
cela fait actuellement encore partie du système” [1].
Si l’on reconnaît dans son œuvre la tentative de
ne pas clore la pensée dans un système fermé,
de lui opposer une sorte de dépassement infini qui lui évite
le piège de l’identité, on peut comprendre pourquoi,
à partir d’un certain moment, il devait se méfier
“comme de la peste” de tout marxisme tournant en système.
Pour Foucault, il s’agissait d’utiliser Marx comme une
boîte à outils et non de rechercher le sens perdu ou
de révéler le véritable sens de la parole de
Marx [2]. Interroger Marx voulait dire, pour lui comme pour nous,
interroger la “chose” de sa pensée et assumer
tous les risques qu’une telle entreprise comporte, y compris
l’échec. Car on ne lit pas Marx pour le mythologiser
ou pour le faire résister à l’épreuve
du temps. Foucault travaille à détotaliser l’image
de Marx, ce qui peut dire qu’il veut se servir de Marx pour
certaines recherches, sans que son discours y adhère complètement.
En lisant l’œuvre de Foucault, on s’aperçoit
à quel point Marx fut pour lui un personnage conceptuel à
plusieurs masques. Il se présente tantôt comme l’ami,
tantôt comme l’adversaire, et souvent il est les deux
à la fois. C’est pourquoi Foucault, s’il s’approche
de Marx, s’en éloigne aussi souvent, lui attribue des
masques, pense avec lui sans le citer, le cite pour le critiquer
ou pour critiquer ceux qui semblent être ses disciples, mais
qui apparaissent à ses yeux comme ses “gnômes
affreux”. D’autant plus qu’il devait être
sans doute gêné par toutes les références
que son époque consacrait à Marx. Sa pudeur et sa
méfiance face aux choses archiconnues devaient l’écarter
d’une confrontation directe avec Marx.
Mon but n’est pas de développer la confrontation possible
entre les œuvres de ces deux auteurs pour faire leur dire ce
qu’ils n’ont pas dit. Je voudrais interroger leurs non-dits,
me placer entre leurs dits et non-dits afin qu’ils nous poussent
à dire ce qu’ils ne pouvaient pas dire. Les pages qui
suivent n’ont pas la prétention d’épuiser
l’analyse des quelques remarques qui précèdent.
Elles se veulent plutôt des pistes pour une recherche à
venir. J’esquisse dans ce texte une série d’étapes,
qui vont du dépassement de l’humanisme et de la mise
à l’écart de l’hégélianisme
jusqu’à la confrontation avec le Marx auquel Foucault
renvoie, à savoir un théoricien de l’articulation
des pratiques. Pour finir, j’esquisserai les nouveaux soucis
théoriques concernant le marxisme qui traversent l’œuvre
de Foucault à partir de la deuxième moitié
des années soixante-dix.
Pour situer les débuts théoriques foucauldiens, il
faut sans doute revenir en premier lieu sur Nietzsche et Heidegger
et, par la suite, considérer le rôle joué par
la pensée d’Althusser. Les raisons sont multiples.
Je me limite ici à reprendre quelques propos de l’œuvre
de ces auteurs tout simplement pour définir les limbes où
baigne la réflexion de Foucault.
Si Nietzsche a souligné le caractère absolument historique
de l’être humain [3]., Heidegger, en reprenant ces réflexions,
a essayé de poser le problème ontologique de l’histoire
[4]. Pour lui, la compréhension de l’essence de l’historialité
ne met pas terme à une anthropologie, mais à une ontologie.
Ainsi, Heidegger abandonne une analyse de l’homme en tant
qu’homme pour accéder à une réflexion
ontologique concernant le mode d’être de l’existence
en tant que Da-sein. Par la suite, après la Kehre, Heidegger
abandonne aussi cette démarche : il met délibérément
à l’écart toute référence au rôle
du Dasein pour l’interprétation de l’être
[5]. La compréhension de l’homme, pour lui, se rallie
à celle de l’Être. C’est pourquoi, dit-il,
nous sommes sur un plan où il y a principalement l’être
[6]. Cette pensée, dépassant ainsi tout humanisme,
abandonne également toute catégorie liée à
la subjectivité et à l’objectivité, car
il ne se pose pas de savoir qui est l’homme, mais comment
il demeure dans cette ouverture d’être que Heidegger
appelle son ek-sistence [7].
Par des voies différentes, Althusser contribue lui-aussi
au dépassement de l’humanisme. En reprenant le problème
de l‘antihumanisme théorique de Marx, il écrit:
“ On ne peut connaître quelque chose des hommes qu’à
la condition absolue de réduire en cendres le mythe philosophique
(théorique) de l’homme. Toute pensée qui se
réclamerait alors de Marx pour restaurer d’une manière
ou d’une autre une anthropologie ou un humanisme théoriques
ne serait théoriquement que cendres ” [8]. Althusser
met en évidence que, en rejetant l‘essence de l’homme
comme fondement théorique, Marx chasse les catégories
philosophiques de sujet, empirisme et essence idéale de tous
les domaines où elles régnaient. Il souligne aussi
le déplacement opéré par Marx, lorsqu’il
remplace le vieux couple individus-essence humaine par de nouveaux
concepts tels que forces de production, rapport de production, etc.
Il n’est pas difficile de retracer ces contenus à
partir de l’œuvre de Marx. Dès les Grundrisse,
Marx esquisse une analyse centrée de plus en plus sur les
rapports de production et sur les forces productives. On devine
une sorte de fascination chez lui lorsqu’il s’apprête
à décrire la dépendance réciproque et
multilatérale des individus, “par ailleurs indifférents
les uns à l’égard des autres”, qui constitue
leur connexion sociale. Marx montre que “ le caractère
social de l’activité, comme la forme sociale du produit,
comme la part que l’individu prend à la production,
apparaissent ici, face aux individus, comme quelque chose d’étranger,
comme une chose; non pas comme le comportement réciproque
d’individus, mais comme leur soumission à des rapports
existant indépendamment d’eux et nés de l’entrechoquement
de ces individus indifférents ” [9]. Il s’intéresse
de plus en plus au fonctionnemment du mécanisme social et
à son pouvoir.
II. Echapper à l’hégélianisme
: Foucault disciple de Nietzsche
On connait bien l’importance que Foucault attribue aux réflexions
de ces auteurs. A une époque où il est en train de
s’éloigner de l’hégélianisme et
de toutes les formes qu’il peut revêtir, la lecture
de Heidegger, de Nietzsche et d’Althusser, parmi beaucoup
d’autres, fonctionne pour lui comme la seule voie d’accès
à une culture de tout autre signe [10].
L’œuvre de Foucault nous permet, dès ses débuts,
de penser les liens entre les problèmes posés par
ces auteurs. Bien qu’elle ne reprenne pas exactement les mêmes
soucis théoriques, elle se situe dans le même chantier
[11]. Le premier ouvrage de Foucault porte la marque d’une
réflexion sur la rationalité et s’inscrit dans
un champ de complet renouvellement de perspectives concernant ces
grands thèmes généraux [12]. Les livres de
Foucault, notamment L’Histoire de la folie ou Les Mots et
les choses, se placent “ au début de la période
de grandes querelles qui ont marqué un complet renouvellement
des manières de penser et d’écrire héritées
de l’immédiat après-guerre, avec la remise en
cause simultanée du réalisme narratif, des philosophies
du sujet, des représentations continuistes, du progrès
historique, de la rationalité dialectique, etc ” [13].
Différentes étapes, bien sûr, marquèrent
à cette époque l’évolution de sa pensée.
Élève d’Hyppolite, Foucault avait croisé
les chemins qui mènent de Hegel à Marx; il s’était
plongé dans les études psychologiques à tel
point que dans les milieux universitaires l’étiquette
de psychologue lui resta jusqu’en 1968. Le problème
philosophique de l’anthropologie hantait sa réflexion
en même temps que l’horizon de la Daseinsanalyse attirait
son intérêt. Ainsi, lorsqu’il écrivit
son premier ouvrage, il s’impliqua dans une révolution
théorique qui l’amena à refuser toute philosophie
basée sur un horizon concret de réflexion anthropologique
sur l’homme. Pour ce faire il avait suivi la critique de Binswanger
et avait reconnu que le projet de l’anthropologie doit pouvoir
se situer par opposition à toutes les formes de positivisme
psychologique qui épuisent le contenu significatif de l’homme
dans le concept réducteur d’homo natura. La surface
portante de l’anthropologie devait être replacée
dans le contexte d’une réflexion ontologique qui prît
pour thème majeur la présence à l’être,
l’existence, le Dasein. “ L’être-homme (Menschsein)
n’est, après tout, que le contenu effectif et concret
de ce que l’ontologie analyse comme la structure transcendantale
du Dasein, de la présence au monde ” [14]. Par ailleurs,
Foucault reconnaît que Nietzsche incarne bien le point où
toute interrogation sur l’homme s’achève car
c’est dans la mort de l’homme que s’accomplit
la mort de Dieu. Foucault écrit : “La trajectoire de
la question Was ist der Mensch ? dans le champ de la philosophie,
s’achève dans la réponse qui la récuse
et la désarme : der Übermensch ” [15]. Foucault
se demande si l’homme, dans ses formes d’existence,
n’était pas le seul moyen de parvenir à l’homme.
Cette démarche entrave tout humanisme philosophique, toute
philosophie reposant sur une problématique de la nature humaine.
Ces problèmes vont hanter sa première tentative d’enquête
historique qui n’échappe pas encore à la fascination
littéraire du sujet. L’Histoire de la folie est un
ouvrage qu’on peut lire à différents niveaux.
Nombreuses sont les questions qui la traversent. Foucault s’interroge
sur le statut qui avait été donné aux fous
dans les sociétés européennes entre le XVIème
et le début du XIXème siècles. Il se demande
comment dans une société, on avait commencé
à percevoir ces personnages étranges qu’étaient
les fous. L’Histoire de la folie traite un problème
classique, si l’on veut, à savoir celui du débat
éternel entre raison et déraison. Cet ouvrage complexe
est traversé par un double mouvement : d’une part,
Foucault réfléchit sur le lien entre raison et déraison,
à partir d’expériences littéraires ou
philosophiques; d’autre part, il remanie le concept d’homme
pour penser le rapport historique de la raison et de la déraison.
A l’époque de l’Histoire de la folie, Foucault
supposait l’existence d’une espèce de folie vive,
volubile et anxieuse que la mécanique du pouvoir et de la
psychiatrie serait arrivée à réprimer et à
réduire au silence. Ce texte, qui s’interroge sur le
pouvoir d’exclusion, ne se situe pas loin du sens de l’expérience
nietzschéenne de la tragédie. Car comme pour Nietzsche
la lutte mortelle entre le dyonisiaque et l’apollinien finit
avec la mort de la tragédie, le pouvoir de l’obscurité
s’enfonçant dans la lumière du socratisme, ainsi
pour Foucault ces puissances de minuit s’estompent devant
la vérité du soleil. Et comme pour Nietzsche ces débuts
ne furent qu’une étape au long du chemin qui l’amena
à s’éloigner de toute notion de profondeur,
pour Foucault ce commencement ne dura qu’un temps, car lui
aussi allait appréhender que la folie, comme Blanchot l’a
écrit, ne constitue aucune expérience fondamentale
située “ en dehors de l’histoire et dont les
poètes (les artistes) ont été et peuvent être
encore les témoins, les victimes ou les héros ”
[16].
Avec ces références, je m’efforce de montrer
comment, par les biais de la critique nietzschéenne et heideggérienne,
Foucault situe son interrogation loin de tout marxisme humaniste
ainsi que de tout hégélianisme. L’effort de
Foucault consiste à se détacher de toute vérité
anthropologique de l’homme, de toute songerie d’un terme
de l’histoire, qui est l’utopie des pensées causales.
Pour lui, Nietzsche a brûlé les promesses mêlées
de la dialectique et de l’anthropologie : “ Il a repris
la fin des temps pour en faire la mort de Dieu et l’errance
du dernier homme; il a repris la finitude anthropologique, mais
pour faire jaillir le bond prodigieux du surhomme; il a repris la
grande chaîne continue de l’Histoire, mais pour la courber
dans l’infini du retour ” [17]. Son combat avec Marx
se précise, en effet, comme le refus d’une voie parcourue
par un certain marxisme après Marx : c’est le refus
d’une culture dialectique dont le point de force se situe
dans l’expérience de pensée de Nietzsche. Nietzsche
a montré que la mort de Dieu signifie la disparition de l’homme
puisque “l’homme et Dieu avaient d’étranges
rapports de parents, qu’ils étaient à la fois
frères jumeaux et père et fils l’un de l’autre,
que Dieu étant mort, l’homme n’a pas pu ne pas
disparaître, en même temps, laissant derrière
lui le gnôme affreux ” [18]. Sur la voie de Nietzsche,
Heideggger a également saisi la fin de la dialectique, tout
en essayant de ressaisir le rapport fondamental à l’être
dans un retour à l’origine grecque. Foucault cite également
l’exemple de Russell, de Wittgenstein et de Lévi-Strauss,
pour montrer comment une culture non dialectique est apparue dans
des régions fort différentes. Il s’éloigne
ainsi d’une interprétation de Marx où l’histoire
semble jouer un rôle négatif : “ [elle]. accentue
les pressions du besoin, [qui]. fait croître les carences,
contraignant les hommes à travailler et à produire
toujours davantage, sans recevoir plus que ce qui leur est indispensable
pour vivre, et quelquefois un peu moins. […]. Ainsi croît
sans cesse le nombre de ceux que l’Histoire maintient aux
limites de leurs conditions d’existence; et par là
même ces conditions ne cessent de devenir plus précaires
et d’approcher de ce qui rendra l’existence elle-même
impossible. […]. Selon la lecture marxiste, l’Histoire,
en dépossédant l’homme de son travail, fait
surgir en relief la forme positive de sa finitude – sa vérité
matérielle enfin libérée ” [19].
La dialectique promet en quelque sorte à l’être
humain qu’il deviendra un homme authentique et vrai. Elle
promet l’homme à l’homme. Se libérer de
cette culture signifie ne plus raisonner en terme de morale, de
valeurs, de réconciliation. Cela veut dire se libérer
de toute une série de postulats qui régissent ce discours
: se débarrasser du sujet souverain et du concept de conscience
[20].; de celui d’auteur et de l’idée d’une
histoire continue. Des éléments tous liés les
uns aux autres : “ L’histoire continue, c’est
le corrélat indispensable à la fonction fondatrice
du sujet : la garantie que ce qui lui a échappé pourra
lui être rendu ; la certitude que le temps ne dispersera rien
sans le restituer dans une unité recomposée ; la promesse
que toutes ces choses maintenues au loin par la différence,
le sujet pourra un jour – sous la forme de la conscience historique
– se les approprier derechef, y restaurer sa maîtrise,
et y trouver ce qu’on peut bien appeler sa demeure. Faire
de l’analyse historique le discours du continu, et faire de
la conscience humaine le sujet originaire de tout devenir et de
toute pratique, ce sont les deux faces d’un même système
de pensée. Le temps y est conçu en termes de totalisation,
et la révolution n’y est jamais qu’une prise
de conscience ” [21]. Foucault s’interroge ici sur la
mutation épistémologique du concept d’histoire
qui, dit-il, n’est pas encore achevée aujourd’hui.
Il est aussi important de souligner qu’il fait remonter à
Marx le moment où cette mutation épistémologique
aurait commencé. Il souligne que le thème d’une
histoire globale a joué un rôle constant depuis le
XIXème siècle : il s’agissait de “ sauver
contre tous les décentrements, la souveraineté du
sujet, et les figures jumelles de l’anthropologie et de l’humanisme
” [22]. Le rôle joué par Marx dans ce combat
est de toute autre nature car Marx a décentré l’histoire
à travers ses analyses historiques des rapports de production,
des déterminations économiques et de la lutte de classe.
Il a bien fallu anthropologiser Marx et en faire un historien de
totalité, retrouver en lui le propos de l’humanisme
pour mettre un frein à ses décentrements, de la même
façon qu’on est amené à interpréter
Nietzsche dans les termes de la philosophie transcendantale et à
rabattre sa généalogie sur le plan d’une recherche
de l’originaire. “On avait entassé tous les trésors
d’autrefois dans la vieille citadelle de cette histoire; on
la croyait solide ; on l’avait sacralisée; on en avait
fait le lieu dernier de la pensée anthropologique ; on avait
cru pouvoir y capturer ceux-là mêmes qui s’étaient
acharnés contre elle ; on avait cru en faire des gardiens
vigilants. Mais cette vieille forteresse, les historiens l’ont
désertée depuis longtemps et ils sont partis travailler
ailleurs; on s’aperçoit même que Marx ou Nietzsche
n’assurent pas la sauvegarde qu’on leur avait confiée
” [23].
III. Vers une généalogie des technologies
de pouvoir
A partir des années 70, le travail théorique de Foucault
se déplace. Il affirme qu’en raison de circonstances
et d’événements particuliers, son intérêt
théorique s’est déplacé. Il précise
que ce déplacement l’a conduit à s’intéresser
au problème des prisons : “ Cette nouvelle préoccupation
s’est offerte à moi comme une véritable issue
au regard de la lassitude que j’éprouvais face à
la chose littéraire ” [24]. Tout au long de son parcours,
Foucault ne cesse de réinterpréter son œuvre.
Dans les nombreuses interviews qu’il accorde et qui doublent
son œuvre, il essaie de repérer les thèmes qui
ont constitué son souci théorique au fil de sa recherche.
Chaque fois, son regard rétrospectif se place à la
hauteur de la réflexion qui l’accompagne. Ce qui veut
dire qu’il essaie de donner un sens toujours nouveau à
son œuvre ou en à déplacer l’enjeu. Bien
que, à suivre Foucault, il y ait le risque de perdre les
traces des coupures, des ruptures, des sauts qui ont accompagné
le développement de sa recherche, ses interviews montrent
néanmoins le surgissement de certains concepts. Ainsi dit-il
avoir cherché, dans les années 60, à retracer
comment “ un certain nombre d’institutions, se mettant
à fonctionner au nom de la raison et de la normalité,
avaient exercé leur pouvoir sur des groupes d’individus,
en relation avec des comportements, des façons d’être,
d’agir ou de dire, constitués comme anomalie, folie,
maladie, etc. Au fond, je n’avais rien fait d’autre
qu’une histoire du pouvoir ” [25]. Et c’est dans
cette même direction que se poursuiveront ses recherches pendant
les années 70. Ajoutons que par la suite, Foucault considérera
le fil qui parcourt sa recherche comme étant celui de l’analyse
de la subjectivité : “ J’ai cherché plutôt
à produire une histoire des différents modes de subjectivation
de l’être humain dans notre culture ; j’ai traité,
dans cette optique, des trois modes d’objectivation qui transforment
les êtres humains en sujets ” [26].
Pour simplifier notre lecture, il me semble qu’on peut partager
la production théorique foucauldienne pendant les années
70 en deux tronçons : l’un concernant la première
partie de la décennie et s’achevant par la publication
de Surveiller et punir, le second étant celui qui commence
lors de la parution de la Volonté de savoir. La toute première
partie des années 70 marque chez Foucault un intérêt
accru pour les recherches historiques de Marx. Il s’interroge,
à sa façon, sur la généalogie du capitalisme.
Lorsqu’il aborde le problème du système pénal,
il commence à s’intéresser de plus en plus aux
mécanismes de contrôle engendrés par la société
moderne. A travers un nouveau mouvement de pendule, il s’intéresse
aux institutions et aux pratiques qui en quelque sorte se placent
en-dessous du dicible. Foucault montre qu’à partir
du début du XIXème siècle toute une série
d’institutions ont fonctionné sur un même modèle,
obéissant aux mêmes règles, à savoir
un mécanisme de surveillance où les individus étaient
fixés à un appareil punitif, correctif ou sanitaire.
Les hôpitaux, les asiles, les orphelinats, les collèges,
les maisons d’éducation, usines, etc. font partie d’une
espèce de grande forme sociale du pouvoir qui a été
mise en place au début du XIXème siècle, et
qui a sans doute été l’une des conditions du
fonctionnement de la société industrielle et capitaliste
[27]. Foucault souligne que le capitalisme ne pouvait pas fonctionner
avec un système de pouvoir politique indifférent aux
individus. Il dit : “Il est venu un moment où il a
fallu que chacun soit effectivement perçu par l’œil
du pouvoir. Lorsqu’on a eu besoin, dans la division du travail,
de gens capables de faire ceci, d’autres de faire cela, lorsque
on a eu peur aussi que des mouvements populaires de résistance,
ou d’inertie, ou de révolte viennent bouleverser tout
cet ordre capitaliste en train de naître, alors il a fallu
une surveillance précise et concrète sur tous les
individus […]. ” [28].
Si Marx décrit le décollage économique de
l’Occident en se référant aux procédés
qui ont permis l’accumulation du capital, Foucault insiste
sur les méthodes de gestion de l’accumulation des hommes,
qui ont permis un décollage politique par rapport à
des formes de pouvoir traditionnelles. L’accumulation des
hommes ne peut pas être séparée de l’accumulation
du capital. Il n’aurait pas été possible de
résoudre le problème de l’accumulation des hommes
sans le développement d’un appareil de production capable
à la fois de les entretenir et de les utiliser ; inversement,
les techniques qui rendent utile la multiplicité cumulative
des hommes accélèrent le mouvement d’accumulation
du capital. A un niveau moins général, les mutations
technologiques de l’appareil de production, la division du
travail, et l’élaboration des procédés
disciplinaires ont entretenu un ensemble de rapports très
serrés. Chacune a rendu l’autre possible et nécessaire;
chacune a servi de modèle à l’autre.
Foucault démontre que les disciplines sont des techniques
pour assurer l’ordonnance des multiplicités humaines.
Elles s’inscrivent dans la tâche de rendre l’exercice
du pouvoir le moins coûteux possible et de faire en sorte
que les effets de ce pouvoir social soient portés à
leur maximum d’intensité et étendus aussi loin
que possible, sans échec, ni lacune. Les disciplines ont
pour but de faire croître à la fois la docilité
et l’utilité de tous les éléments du
système. Ce triple objectif des disciplines répond
à une conjoncture historique bien connue : la grosse poussée
démographique du XVIIIème siècle et la croissance
de l’appareil de production. Au regard de la poussée
démographique les disciplines se présentent comme
un procédé d’antinomadisme. Elles consistent
en un ensemble de minuscules inventions techniques qui ont permis
de faire croître l’utilité des multiplicités
en faisant décroître les inconvénients du pouvoir.
Pour Foucault les disciplines réelles et corporelles ont
constitué le sous-sol des libertés formelles et juridiques.
Ainsi il peut affirmer que les “ Lumières ”,
qui ont découvert les libertés, ont aussi inventé
les disciplines. L’extension des méthodes disciplinaires
s’inscrit dans un processus historique large : le développement,
à peu près à la même époque, de
bien d’autres technologies – agronomiques, industrielles,
économiques. Parmi ces technologies, d’après
Foucault, le panoptisme a été peu célébré.
L’Histoire de l’Occident est marquée par l’invention
de systèmes “ de domination d’une extrême
rationalité. Il s’est écoulé beaucoup
de temps pour en arriver là, et plus de temps encore pour
découvrir ce qu’il y avait derrière. En relève
tout un ensemble de finalités, de techniques, de méthodes
: la discipline règne à l’école, à
l’armée, à l’usine ” [29]. Foucault
ajoute: “ Le pouvoir de la raison est un pouvoir sanglant
” [30].
Ces recherches foucauldiennes autour du pouvoir disciplinaire,
de la société de contrôle, de la naissance de
la société punitive tracent la généalogie
des pouvoirs étatiques modernes. A travers le repérage
d’une série de technologies de gouvernement des corps
et des individus, elles montrent le surgissement de la forme moderne
de subjectivité. Ces recherches croisent celles menées
par Marx dans le Capital. Dans un cas comme dans l’autre,
elles tracent la généalogie de la société
capitaliste à partir de deux perspectives qui ne s’excluent
pas l’une l’autre, mais s’intègrent tout
en décrivant le processus d’accumulation des forces
productives et des forces du pouvoir politique. Foucault affirme
qu’il a fallu attendre le XIXème siècle pour
savoir ce qu’était que l’exploitation, mais qu’on
hésitait encore au sujet du pouvoir. Il souligne qu’on
sait à peu près qui exploite, où va le profit,
entre les mains de qui il passe et où il se réinvestit,
tandis qu’on ignore encore ce que c’est que le pouvoir.
Il affirme : “ Et Marx et Freud ne sont peut-être pas
suffisants pour nous aider à connaître cette chose
si énigmatique, à la fois visible et invisible, présente
et cachée, investie partout, qu’on appelle le pouvoir
” [31]. D’autant plus que pour lui les mouvements sociaux
qui ont bouleversé la société occidentale à
partir de la fin des années 60 ont surtout posé un
problème de lutte de pouvoir.
Bien que ces recherches, à savoir celles de Marx et de Foucault,
puissent être utilisées pour reconstruire la généalogie
de la société moderne, capitaliste et occidentale,
elles ne sont pas tout à fait superposables. Je crois que
la lecture foucaldienne de Marx présente des points d’intérêt,
mais aussi des manques. Pour lire Marx, Foucault nous propose des
lunettes qui accentuent certains aspects de son œuvre, notamment
ceux qui tournent autour des rapports de force, des luttes entre
les classes, de la violence qui traversent la société.
Selon Foucault, Marx a analysé le fonctionnement réel
du pouvoir : “ Il me semble que nous pouvons trouver, dans
un certain nombre de textes, les éléments fondamentaux
pour une analyse de ce type. […]. Nous pouvons évidemment
les trouver aussi chez Marx, essentiellement dans le livre II du
Capital. […]. Ce que nous pouvons trouver dans le livre II
du Capital c’est, en premier lieu, qu’il n’existe
pas un pouvoir, mais plusieurs pouvoirs ” [32]. Le Marx de
Foucault décrit le surgissement d’un champ social à
travers des règles de pure immanence. Tous les éléments
qui produisent un champ social s’y produisent eux-mêmes
en le produisant. Un certain ordre social n’est pas préalable
et ne s’applique pas aux individus de l’extérieur.
Les rapports de force, la guerre entre les classes, différentes
technologies de production ou de pouvoir produisent un champ social
qui ne s’installe pas une fois pour toutes. Il n’y a
pas dans cette analyse de traces de téléologie. Tout
se développe au-delà du bien et du mal, sans qu’il
y ait quelqu’un derrière le rideau qui régisse,
en dernière instance, ce jeu.
Foucault se livre à l’écoute du grondement
de la bataille qui traverse la société. Il s’intéresse
à saisir les différentes formes de gouvernement, toujours
modifiables, qui surgissent sur ce terrain. Mais contrairement à
Marx, il n’essaie pas d’appréhender la différence
de perspectives, de valeurs, de modes d’existence, de désirs
dont chaque sujet en lutte est porteur. Il ne consacre pas non plus
sa recherche à l’analyse des formes possibles, bien
que inachevées, auxquelles chaque combat pourrait donner
lieu. Dans l’histoire, il ne cherche ni le sens caché
ni le possible, mais les formes positives qui s’instaurent
à chaque époque. Tout un terrain, bien présent
chez Marx, concernant les formes diverses et changeantes de l’exploitation
sociale devait lui échapper, même s’il essayait
par ailleurs de l’englober et de l’étendre à
travers l’analyse des formes microphysiques de pouvoir qui
traversent le champ social.
IV. De technologies de gouvernement aux technologies de
soi
Pendant les années 70 le travail théorique et politique
de Foucault est bouleversé par la question du changement
social et de la révolution des formes d’existence.
Il essaie de donner une réponse aux questions que son époque
lui pose. C’est pourquoi, à partir de la deuxième
moitié des années 70 il entame une nouvelle critique
à l’égard du marxisme et des possibles lectures
qui proviennent de l’œuvre de Marx. La volonté
de savoir est un texte emblématique de ce point de vue, car
il représente le début du développement d’une
nouvelle critique menée à l’égard du
marxisme. Il est important de souligner que Foucault découvre
une racine épistémologique commune entre le marxisme
et le freudisme, et c’est sur ce couple qu’il va exercer
sa critique par la suite. Balibar a écrit que Foucault veut,
par le biais de cette critique, questionner radicalement l’évidence
et l’efficacité d’un certain gauchisme ou utopisme
révolutionnaire [33].
Lorsque Foucault travaille autour des concepts de “domination”,
“de direction”, “de gouvernement”, tout
en essayant de définir une théorie des appareils d’Etat,
son but théorique vise à critiquer l’idée
de société répressive (nommée, à
plusieurs reprises, hypothèse Reich). Depuis longtemps, son
travail avait eu pour but de débarrasser le champ de l’épistémologie
de toute opposition entre vrai et faux, réalité et
illusion, scientifique et non scientifique, rationnel et irrationnel.
Il a tenté d’écarter le risque de voir dans
les concepts de domination, d’idéologie dominante,
d’assujettissement, une opposition entre illusion et réalité.
Pour lui, il ne s’agissait pas de dire que ces notions n’avaient
guère de sens ou de valeur, mais il fallait poser le problème
en terme de pratiques constituant des domaines, des objets et des
concepts à l’intérieur desquels les oppositions
de scientifique et de non scientifique, de vrai et de faux, de réalité
et d’illusion pouvaient prendre leurs effets [34]. Cela avait
été le cas dans sa tentative de lecture de Marx. Dans
le freudo-marxisme, il décèle à nouveau un
risque. Ainsi que Balibar l’a écrit : “ le freudo-marxisme
est bien un renversement de valeurs énoncées par de
puissants appareils institutionnels, il inspire des contestations
dans ces appareils, des luttes dont Foucault reconnaît l’importance,
mais dont il lui importe essentiellement de se demander jusqu’à
quel point elles rompent véritablement avec la formation
discursive qu’elles dénoncent ” [35]. Sa critique
de l’hypothèse répressive, qui inclut toutes
les variantes du freudo-marxisme chez Reich comme chez Adorno ou
Marcuse se développe en même temps qu’il retrace
la généalogie de la raison d’Etat au XVIIème
siècle, à travers le recours au concept et à
la notion de gouvernement. La notion de gouvernement lui paraît
être plus opératoire même par rapport à
celle de pouvoir car elle permet de repérer les procédures
qui ont permis de conduire les hommes, de les diriger, sans qu’il
soit nécessaire de postuler une théorie ou une représentation
de l’Etat.
Ces analyses concernant la gouvernementalité, l’art
de gouverner les hommes, le généalogie de la raison
d’Etat ne furent pas poursuivies jusqu’au bout par Foucault
[36]. Sa réflexion autour du freudisme ainsi que les événements
qui marquèrent la fin des années 70 l’amenèrent
à considérer de plus près le problème
des technologies de soi, à savoir l’ensemble des pratiques
subjectives qui dressent les sujets.
Foucault dut croire que tracer une généalogie des
formes de subjectivité pouvait contrebalancer l’insistance
avec laquelle il avait traité le problème des relations
objectives de pouvoir. Les changements, fin des années ‘70,
dans la sensibilité esthétique et politique, contribuèrent
sûrement à consolider son idée selon laquelle
“ nous devons nous référer à des processus
bien plus reculés si nous voulons comprendre comment nous
nous sommes laissé prendre au piège de notre propre
histoire” [37].
Notes
[1] Cf. M. Foucault, Par-delà le bien et le mal, dans Dits
et écrits. 1954-1988 (Éd. établie sous la direction
de D. Defert et F. Ewald), Gallimard, Paris 1994 (par la suite cité
sous le sigle DE, suivi de l’indication du volume), ibidem,
vol. II, pp. 233-234.
[2] Cf. M. Foucault, Méthodologie pour la connaissance du
monde : comment se débarrasser du marxisme, dans DE, vol.
III, p. 611.
[3] Cf. F. Nietzsche, Unzeitgemässe Betrachtungen, Zweites
Stück. Vom Nutzen und Nachtheil der Historie für das Leben,
in Werke (Hrsg. von G. Colli u. M. Montinari), Abt. III, Bd. 1,
de Gruyter, Berlin, New York, 1972 (tr. fr. Considérations
inactuelles, II. De l’utilité et des inconvénients
de l’histoire pour la vie, Gallimard, Paris, 1990).
[4] Cf. M. Heidegger, Sein und Zeit, Tübingen, Niemeyer, 1927,
§ 76 (tr. fr. Être et temps, Gallimard, Paris, 1986).
[5] Cf. M. Heidegger, Zur Sache des Denkens, Niemeyer Verlag, Tübingen,
1988 (tr. fr. M. Heidegger, Questions IV, Gallimard, Paris, 1966).
[6] Cf. M. Heidegger, Brief über den Humanismus, in Wegmarken,
Suhrkamp, Frankfurt a. M., GA, Abt. I, Bd. 9. (tr. fr. Lettre sur
l’humanisme. Lettre à Jean Beaufret; in Questions III,
Gallimard, Paris, 1966 p. 106).
[7] Cf. M. Heidegger, Zur Sache des Denkens, cit. Cf. Reiner Schürmann,
Le Principe d’anarchie. Heidegger et la question de l’agir,
éd. du Seuil, Paris, 1982, où se trouve une analyse
approfondie de ces parcours heideggeriens qui précèdent
et suivent la Kehre.
[8] Cf. Louis Althusser, Marxisme et Humanisme, dans Pour Marx,
Paris, La Découverte, 19962, p. 236.
[9].Cf. K. Marx, Grundrisse der Kritik der politischen Ökonomie,
Dietz Verlag, Berlin, 1963 (tr. fr. Manuscrits de 1857-1858 “Grundrisse”,
Editions sociales, Paris, 1980, tomes 1 et 2, ibidem tome 1, pp.
92-93).
[10] Cf. M. Foucault, Le retour de la morale, dans DE, vol. IV,
où l’Auteur affirme : “ Tout mon devenir philosophique
a été déterminé par ma lecture de Heidegger.
Mais je reconnais que c’est Nietzsche qui l’a emporté
”, ibidem, p. 703. Cf. également, M. Foucault, Structuralisme
et poststructuralisme, dans DE, IV, ibidem. pp. 431-438; M. Foucault,
Entretien avec Michel Foucault, dans DE, vol. IV, pp. 41-62 et M.
Foucault, Entretien avec Madeleine Chapsal, dans DE, vol. I, pp.
513-18 où l’Auteur affirme : “ notre tâche
est de nous affranchir définitivement de l’humanisme”
(ibidem, p. 514). Je ne prétends pas marquer une filiation
directe entre ces courants de pensée et la réflexion
foucaldienne. D’ailleurs, il faudrait insister beaucoup plus
que je ne le puis faire ici sur la distinction entre le recours
à Nietzsche pendant les années soixante, lorsqu’il
s’agissait de sortir de la phénoménologie dominant
l’époque, et celui des années soixante-dix,
lorsque Nietzsche joua un rôle fondamental dans la confrontation
avec certains courants du marxisme. Cf. K. Ansell – Pearson,
The significance of Michel Foucault’s Reading of Nietzsche:
Power, the Subject, and political Theory, dans “Nietzsche–Studien”,
20, 1991. Au sujet du rapport entre Foucault et Heidegger, cf. Hubert,
L. Dreyfus, Die Gefahren der modernen Technologie: Heidegger und
Foucault, pp. 107–120, dans Axel Honneth, (Hrsg.),Pathologien
des Sozialen. Die Aufgaben der Sozialphilosophie, Fischer, Frankfurt
a M. 1994.
[11]. Pour éviter de croire que les liens entre ces thèmes
se produisent de façon linéaire dans l’œuvre
de Foucaut, je voudrais ici renvoyer à l’article de
Pierre Macherey, Aux sources de l’Histoire de la folie : une
rectification et ses limites, dans “Critique”, 471-472,
1986, pp. 753-774. L’Auteur analyse de plus près ces
débuts foucauldiens. Macherey appuie son interprétation
sur la rectification qui intervient entre 1954 et 1962, lorsque
Foucault s’apprête à rééditer son
ouvrage Maladie mentale et personnalité sous le nouveau titre
Maladie mentale et psychologie. Macherey montre comment la référence
à Nietzsche et à Heidegger présente dans Maladie
mentale et psychologie prend la place de celle du jeune Marx présente
dans Maladie mentale et personnalité. L’Auteur ajoute
que : “ en déplaçant l’idée d’une
vérité psychologique de la maladie mentale vers celle
d’une vérité ontologique de la folie, [cette
rectification]. laisse intact le présupposé d’une
nature de l’homme, même si celle-ci relève d’une
évocation poétique plutôt que d’un savoir
positif ” (ibidem, p. 770).
[12] Cf. P. Macherey, Foucault/Roussel/Foucault, dans M. Foucault,
Raymond Roussel, Gallimard, Paris, 1992, pp. III-VI.
[13]. Ibidem, pp. III-IV.
[14] Cf. M. Foucault, Introduction, dans DE, vol. I, p. 66.
[15] Cf. M. Foucault, Introduction à l’Anthropologie
de Kant, (Texte inédit). Thèse complémentaire
pour le Doctorat ès lettres (Dir. M. Jean Hyppolite), Paris,
1961, Bibliothèque de la Sorbonne, pp. 127-128.
[16] Cf. M. Blanchot, Michel Foucault tel que je l’imagine,
Fata morgana, Montpellier, 1986, p. 15.
[17] Cf. M. Foucault, Les mots et les choses, Une archéologie
des sciences humaines, Gallimard, Paris, 1966, p. 275. Une référence
importante dans ce contexte de lectures nietzschéennes reste
sans doute l’ouvrage de Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie,
PUF, Paris 1962 car il contribue à se dégager de toute
pensée dialectique.
[18] Cf. M. Foucault, L’homme est-il mort ?, dans DE, vol.
I, p. 542.
[19] Cf. M. Foucault, Les mots et les choses, cit., p. 273.
[20] Cf. M. Foucault, Qu’est-ce que un auteur ? dans DE,
vol. I, pp. 789-820. A ce sujet il faudrait analyser l’influence
que les œuvres de Georges Bataille et Maurice Blanchot ont
exercées sur Foucault. Cf. F. Warin, Nietzsche et Bataille.
La parodie à l’infini, PUF, Paris 1994 et C. Prély,
La force du dehors. Extériorité, limite et non-pouvoir
à partir de M. Blanchot, Recherches, Paris 1977.
[21] Cf. M. Foucault, L’archéologie du savoir, Gallimard,
Paris, 1969, pp. 21-22. Voir également M. Foucault, Sur l’archéologie
des sciences. Réponse au Cercle d’épistémologie
dans DE, vol. I, pp. 699-700.
[22] Cf. M. Foucault, L’archéologie du savoir, cit.,
ibidem, p. 22.
[23]. Ibidem, p. 24.
[24] Cf. M. Foucault, Je perçois l’intolérable,
dans DE, vol. II, p. 203.
[25] Cf. M. Foucault, Entretiens avec Michel Foucault, dans DE,
vol. IV, p. 82.
[26] Cf. M. Foucault, Le sujet et le pouvoir, dans DE, vol. IV,
p. 223.
[27] Cf. M. Foucault, Prisons et révoltes dans les prisons,
dans DE, vol. II, p. 431.
[28]. M. Foucault, Le pouvoir, une bête magnifique, dans
DE, vol. III, p. 374. (cf. également M. Foucault, L’impossible
prison, dans DE, vol. IV, pp. 20-34 et M. Foucault, Les intellectuels
et le pouvoir, dans DE, vol. II, p. 306 – 315).
[29]. M. Foucault, La torture, c’est la raison, dans DE.
vol. III. p. 395.
[30]. Ibidem. Il est clair qu’une analyse approfondie de
tous ces thèmes se trouve dans l’un des plus importants
ouvrages écrits par Foucault, Surveiller et Punir. Naissance
de la prison, Gallimard, Paris 1975.
[31] Cf. M. Foucault, Les intellectuels et le pouvoir, dans DE,
vol. II, p. 312.
[32] Cf. M. Foucault, Les mailles du pouvoir, dans DE, vol. IV,
p. 186.
[33] Cf. Etienne Balibar, Foucault et Marx. L’enjeu du nominalisme,
dans La crainte des masses, Galilée, Paris, 1997, pp. 281-319.
[34] Cf. M. Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège
de France du 09. 01. 1980, dans Fonds-Foucault, Bibliothèque
de l’Imec, Paris, document audio C 62 (01) b 2127/1995.
[35] Cf. Etienne Balibar, Foucault et Marx. cit., ibidem, p. 284.
[36] Cf. M . Foucault, Sécurité, territoire et population.
Cours au Collège de France de 1978 et id, Naissance de la
biopolitique, Cours au Collège de France de 1979, dans Fonds-Foucault,
Bibliothèque de l’Imec, documents audios, pour les
analyses concernant les technologies objectives de pouvoir et la
suite des cours au Collège de France de 1980 jusqu’à
1984 pour ce qui concerne l’analyse des technologies de soi.
[37] Cf. M. Foucault, Omnes et singulatim. Vers une critique de
la raison politique, dans DE, vol. IV, ibidem, p. 136.
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